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TIRE-LIGNE N°10

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Un article sur la Bd Le Concierge

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Octobre 2012

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4 Portrait d’auteurIsabelle Desesquelles

6 Création littéraireLa Maison des Écritures LombezMidi-Pyrénées

8 Parutions

10 DossierLa fabrique éditoriale

22 Au-delà de la page Des livres et des bébés en Aveyron

23 Langue occitaneLe CIRDÒC - Medicatèca occitana

24 EditionLe Pas d’Oiseau

26 Librairie“Les beaux jours” à Tarbes

28 Médiathèques Le grand M

30 Autour du livre Consultant spécialisé en édition

31 Hommages Jean-Lucien Aguié et Jérôme Goude

32 PortraitJérôme Fernandez : le goût des autres !

Maintenant,vous pouvez feuilleter notre

revue sur le nouveau sitedu Centre Régional des Lettres

www.crl-midipyrenees.fr

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EditoL’année 2012 aura été mouvementée pour les métiers du livre et pour la librairie enparticulier. Le relèvement du taux de TVA sur le livre de 5,5% à 7%, voté par leparlement en 2011, devait prendre effet au 1er janvier 2012. Après concertation, etvu la difficulté d’une mise en œuvre rapide, la date a été repoussée au 1er avril. Toutcela a provoqué un surcroît de travail sans compter les inquiétudes liées à l’impactd’une telle mesure sur un commerce déjà fragile. Cet été, le nouveau parlement,conformément aux engagements du Président de la République, a répondufavorablement à la demande de la profession, et, dans le souci de préserver la librairieindépendante, a ramené le taux de TVA sur le livre à 5,5%. C’est une bonne nouvellepour tout le monde. Mais que d’énergie et de temps inutilement dépensés quand lesdéfis auxquels le livre fait face sont par ailleurs si complexes et si nombreux !Souhaitons que l’année 2013 rétablisse un climat plus serein et permette de travaillerefficacement en étroite concertation avec les professionnels. Le CRL Midi-Pyrénées,en ce qui le concerne, a décidé de compléter sans attendre son dispositifd’accompagnement à la librairie : à côté du programme d’aide à l’informatisationfinancé par la Région Midi-Pyrénées et la DRAC, qui en est à sa 4ème annéed’existence, il a lancé cet automne un programme d’aide à l’animation, pourencourager les libraires à développer leurs programmes de rencontres d’auteurs, etaccroître la visibilité des librairies comme lieux culturels. En étroite concertation avecla Région Midi-Pyrénées, le CRL met aussi en place des outils pour faciliter la créationet la reprise des librairies, en tirant bénéfice des dispositifs économiques déjà enplace. Autant dire qu’en ces temps difficiles, le sort de la librairie indépendante estau cœur de nos préoccupations et de notre action.

Parmi les chantiers prioritaires du CRL, le second semestre 2012 est également marquépar la mise en œuvre des premières recommandations issues de l’étude sur l’éditionen Midi-Pyrénées (consultable en ligne sur www.crl-midipyrenees.fr). Autre chantier,celui de l’expérimentation numérique (tablettes et liseuses) en médiathèques,coordonné par le CRL avec le soutien financier du ministère de la Culture. Après Albiet le Tarn-et-Garonne où tablettes et/ou liseuses sont disponibles depuis début juindans le réseau des médiathèques (municipales d’un côté, départementales de l’autre),c’est la Communauté de communes de Tarn & Dadou qui vient de se lancer à sontour dans l’aventure à l’occasion du Salon du livre de Gaillac. La médiathèque de Toulouse devrait elle aussi intégrer prochainement ce dispositif ambitieux et prometteur.

Enfin, à quelques semaines de l’événement, je ne saurais trop vous encourager àconsulter le programme de Vivons Livres !, le Salon du livre Midi-Pyrénées, qui auralieu les 10 et 11 novembre au Centre de Congrès Pierre Baudis de Toulouse. Un invitéd’honneur prestigieux, Tahar Ben Jelloun, en lien avec le pays invité le Maroc, desrendez-vous autour du sport et des lettres, une belle rentrée littéraire, menée parPierre Assouline, autant de propositions, qui, je l’espère, vous inciteront à venirnombreux partager avec nous ce week-end littéraire et festif !

Directeur de la publicationMichel Perez

Rédacteur en chefHervé Ferrage

Responsable de rédactionVirginie Franques

MaquetteClotilde Francillon, Benjamin MègeDSAA Concepteur-Créateur en CommunicationVisuelle - FORM, lycée des Arènes, Toulouse

Mise en page Terres du Sud35, rue Gaston Doumergue31170 TournefeuilleTél. : 05 62 1 56 30

ImpressionImprimerie LahournèreParc d'activité de la Plaine14 impasse René-Couzinet31500 ToulouseTél. : 05 61 34 01 89

N° ISSN1967-046X

Dépôt légaloctobre 2012

CRL Midi-Pyrénées7, rue Alaric II31000 ToulouseTél. : 05 34 44 50 20Fax : 05 34 44 50 29 E-Mail : [email protected] : www.crl-midipyrenees.fr

Revue imprimée sur du papier offset sans chlore, chez un imprimeur labellisé Imprim’Vert.

Michel PerezPrésident du CRL Midi-Pyrénées

Conseiller régional

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n Portrait d’auteur

Isabelle Desesquelles Par Alain Monnier

avoir faim. Elle discerne mal ce quil’entoure, la ronde des adultes n’est jamais simple à décoder, d’ailleursvient toujours un moment où il nousfaut les absoudre. On n’y est pas. Nousétions avec un bout de chou de huitans qui est rudement bonne élève saufque ça ne lui plaît pas. Elle a l’impres-sion d’apprendre des choses inutilesquand d’autres plus fondamentalessemblent lui être cachées. En général,ça oblige à payer un psychanalyste dixans durant, à écrire des livres, à devenir actrice ou dictateur d’uneroyauté abandonnée. Notre héroïneplus tard écrira des livres, mais peut-être pour d’autres raisons… Pour mettre de l’ordre dans sa tête - elleadore l’ordre ! - ou plus simplementpour solder son goût de la lecture. Carà force de sentir le complot autourd’elle, elle lit, elle dévore, elle cherchela vérité du monde dans les livres. Et àforce de lire, elle pense à écrire. Pourl’heure, des rédactions ennuyeuses.

Bref, les ailes sont rognées, et quandfinit l’enfance, elle se retrouve en Isa-bel. Elle l’a choisi. Faut bien renaître.Isabel est bel, pour la rime, mais surtout pleine de grâce et de vivacité.N’oublions pas cette bonne fée qui abien bossé. Elle est jeune, s’empressede rejoindre sa propre vie, de courirdans le monde, telle une Lucienne deRubempré déboulant dans Paris, parceque la vie c’est avant tout des rencon-tres qui entraînent d’un côté ou del’autre. On peut aussi rester tranquil-lement chez soi, mais il faut alors accepter l’ennui et les anti-dépresseursqui vont avec. Donc on en était à la vieet donc à cette jeune Isabel de vingtans qui était en route pour dévorer la

vie à pleines dents. Elle a les dentsblanches, ça tombe bien, et rangées aucordeau. L’ordre toujours, rien ne doitdépasser !

Telle une alucite, Isabel est attirée parla lumière, notamment celle des frèreslyonnais et elle atterrit dans le cinéma.Production, lancement, soirées àCannes, soirées ailleurs, champagne,talons hauts et tout le tralala. Non ellene passe pas devant la caméra, elle nedit pas pourquoi. Elle fait celle pourqui la question ne s’est pas posée. Difficile à croire. Avec son allure destar à la Andie MacDowell, elle auraitpu revendiquer de jouer la scène sousla pluie avec Hugh Grant, ou de rejoindre Mastroianni dans la fontainede Trevi. Notre Isabel n’en a cure. Ellefinit par en avoir marre des soirées decinéma, du cinéma tout court, on lacomprend et on l’aime aussi pour cela.Pour en avoir marre des choses quinous agacent même de loin ou de trèsloin. Pour ne pas être celle qu’elle semble être.

Donc elle s’échappe, et s’en retournevers ses premiers amours d’enfant : leslivres. Il lui faut cependant gagner savie… puisqu’elle n’a pas voulu épou-ser le riche producteur qui la courtise.Puisqu’elle n’a pas voulu des petitsrôles où elle aurait pu s’essayer. Unjour donc, elle en a assez de la comédieet aussi de la tragédie. Je vais créer unelibrairie, dit-elle. Mais tu es folle, ça nemarchera jamais, écoute-nous, sois raisonnable, par les temps qui courent,on ne lâche pas la proie pour l’ombre.Isabel n’écoute rien, elle fait semblant.Elle sait ce qu’elle veut. Cela seulementla tient debout. D’ailleurs sa grande silhouette est droite, tirée vers le ciel,

pas le genre déglinguée, en rondeur etcontour, non droite comme un “L”.Encore les ailes. Elle s’envole vers la librairie qui s’appelle “La Boucherie”.Etrange, n’est-ce pas ? On ne l’imaginepas intéressée par l’entrecôte, les tripoux ou les pieds de veau. Pas plusqu’on ne l’imagine folle amoureused’un boucher-charcutier, mais allez savoir ce qu’il en est des attachementssinguliers. Peut-être avait-elle unegrand-mère adorée qui tuait le cochon ?Ou un oncle généreux qui était maquignon sur le causse ?

On n’est pas là pour faire de l’analysede la côtelette, mais pour dire qu’Isabelouvre une librairie à Paris, et que cettelibrairie marche. Qu’Isabel est mainte-nant une libraire de quartier avec desclients qui l’adorent et l’écoutent, avecdes auteurs qui découvrent, étonnés etravis, de nombreux lecteurs par elleconvertis à leur œuvre. Ils en sontémus, ils reviennent, l’appellent, sontheureux de la voir. Ils se sentent ac-cueillis. De solides amitiés naissent là.Elles vont durer. Nous qui sommes pa-rents savons bien qu’on adore les gensqui parlent avec enthousiasme et bien-veillance de notre progéniture. Un au-teur, c’est pareil ! Quand quelqu’un luidit du bien de son petit dernier, il estheureux parce qu’il lui semble que,grâce à cette personne, son petit n’estplus seul au monde. Chez Isabel, c’estnaturel, c’est spontané, elle n’a pas encore enfanté, elle ne sait rien du cristal qui irradie et affole la vie desparents. Ce sera pour plus tard. Pourl’heure, elle est libraire. Elle rayonne.Elle s’enchante pour les livres d’AnnieErnaux (elle a bien raison), pour ceuxde Jonathan Coe (a-t-elle raison ?).

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Je n’ai jamais su portraiturer. C’estmême pour échapper à la tyrannie de la retranscription que j’écris des romans. Pour inventer des person-nages, les rendre vraisemblables. Jevais donc inventer Isabelle Deses-quelles. C’est sans doute ce que jepourrais faire de plus ressemblant.

Isabelle est née avec deux ailes. Commeun ange aux yeux verts qui voulait dévorer le monde. Mais la vie est souvent dure avec les anges. Et si lesbonnes fées, de la beauté et de la grâces’étaient bien penchées sur son berceau, il y en avait d’autres plus perfides, plus hypocrites, qui s’étaientmêlées aux premières. Des bien tor-dues, difficiles à remettre dans le droitchemin, qui se plaisent et s’évertuentà vous rendre la vie aussi compliquéequ’un labyrinthe. Seulement, ou heu-reusement, la petite fille ne le sait pas.Elle comprend ce qu’elle peut. Elle afaim comme si être au monde, c’est

© Eric Cherrière

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De tant d’autres. Elle donne à lire, ellepartage, distribue, devine, elle chercheà satisfaire les goûts singuliers. Songe-t-elle alors à écrire ? Ecrit-elle en secret ?On peut le penser, mais c’est pour elleseule, pour découvrir son propre élan,et non pas encore pour les autres. Pourles autres, il y a les livres des autres ! Elle est celle qui passe, quitransmet. Une missi dominici dévouéeet sincère. Mais soudain, elle se lassede Paris, comme on se lasse d’un amantqui, à force de ne jamais se décider,agace. On ne sait pas. Est-ce ce clientaux cheveux bruns qui est venu centfois lui demander son avis sur la nécessité de lire la Recherche du tempsperdu et qui toujours est reparti avecdes recueils de haïkus ? Non ! C’étaitplutôt le grand rouquin qui adoraitl’emmener au Grand Hôtel de Cabourgsur les traces de Marcel. Mais on nepeut pas aller dix-huit fois au GrandHôtel sans avoir envie aussi d’aller ailleurs. Dans un petit appartementqui serait à nous. Isabel se lève et se ditqu’il faut changer sinon de vie, dumoins de ville. Ce sera Toulouse. Elles’offre du temps, elle entre en écriture,et accessoirement parce qu’elle ne vitpas de l’air du temps, prend la direc-tion d’une grande librairie qui n’estpas à elle. Ce qui change beaucoup dechoses. Elle publie son premier roman,le beau et grave Je me souviens de tout,chez Julliard. L’histoire émouvanted’une femme qui espère, avant demourir, revoir l’homme aimé et perduà cause d’un sombre secret de famille.C’est un livre saisissant sur le destintragique qui entraîne des êtres simplesdans un tourbillon qui les écrase. Leroman touche la critique et les lecteurs. C’est réconfortant. Viendra

ensuite La vie magicienne, plus tour-menté encore, plus familial, plus enso-leillé, un roman du désert, des espaces immenses et des passions flamboyantes, des destins terribles etdes dieux maléfiques, puis La merl’emportera, plus intime, plus proche,mais toujours hanté par l’éloignement,les fratries et les secrets douloureux.

Isabel travaille le jour et écrit la nuit.Sa maison est bien rangée, sa vie aussi.Elle est heureuse. On la devine heureuse car si on réfléchit bien, onn’a jamais aucune certitude sur le bonheur des autres. Mais comme on abesoin de clichés, on va se dire qu’iln’est pas illégitime que la petite Isabel,qu’on a connue dévorant à huit ansdes romans, est heureuse d’être deve-nue sinon l’héroïne de ses romans, lesaura-t-on jamais, du moins celle quiécrit le destin d’autrui. Ça change unpeu. Là voilà donc, écrivain, dirigeantune enseigne prestigieuse de la villerose, rayonnante. On l’imagine mon-daine, courant les endroits où il fautêtre, désirée par les hommes de pou-voir, sûre d’elle, distribuant hom-mages et piques assassines… Point dutout. Elle n’est pas dans les salons brillants où des présidents croient fairele monde, ni dans les antichambres oùdes conseillers croient faire le monde.Quant tous ces suffisants compren-dront-ils qu’on ne refait pas le monde !Mais bon, on s’en moque, ce n’est pasleur portrait qu’il s’agit de tracer maiscelui d’Isabel. Sauf qu’à parler de cesvaniteux, on peut construire en creuxcelui d’Isabel, notre héroïne, qui fuitassidûment les lieux où elle pourraitrégner. Elle a même abandonné la librairie qui a été investie par des

financiers voraces aussi cultivés quedes brebis. Dommage ! Comme il est facile d’aimer les personnes qui refu-sent de prendre ce qui leur est offert etqui tournent le dos aux insupportables.

Dans sa nouvelle retraite, loin descontrôleurs de gestion mais près d’EricC. - auteur et scénariste dont le portraitviendra plus tard ici même -, elle écritle roman qui sort ces jours-ci. Œuvrede maturité, Un Homme perdu est unface-à-face émouvant entre un fils etune mère. Deux êtres prisonniers l’unde l’autre. Une puissante narrationd’un quotidien contraint par un secretfamilial. On retrouve totalement abou-tis et resserrés, intenses, les thèmeschers à Isabel Desesquelles. Autour de la famille, des non-dits, des en-traves. De l’angoisse et des violences inhérentes.

Il est vain de vouloir traquer un auteurdans ses romans. Sainte-Beuve s’y estemployé, Proust a voulu s’y soustraire.Il n’empêche. Au-delà de toute traquenaïve, chaque texte porte les angoisseset les espérances de son auteur, sa perception du monde, sa façon d’ai-mer, sa manière de s’écarter, de com-prendre son prochain… Il est derrièrechaque mot et nulle part, comme uneâme errante qui tournoierait au-dessusdu livre. Impalpable mais toujours là.Je crois que le vrai portrait d’Isabel estdissimulé dans Un Homme perdu. Il est insaisissable, attaché à aucun despersonnages, il flotte entre les lignesplus vivant et ambigu que mes inven-tions ne pourront jamais le dire.

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Bibliographie d’Isabelle Desesquelles

• 2004 : Je me souviens de tout, Editions Julliard, 2004 Pocket, 2005

• 2005 : La vie magicienne, Editions Julliard, 2005 Pocket, 2006

• 2006 : Le chameau le plus rapide du désert, avec Alain Sèbe, Editions Chene, 2006

• 2007 : La mer l’emportera, Editions Flammarion, 2007 J’ai lu, 2009

• 2009 : Quelques heures de fièvre,Editions Flammarion, 2009

• 2010 : Farenheit 2010, Editions Stock, 2010

• 2012 : Un homme perdu, Editions Näive, août 2012

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Une maison au service des auteurs

La Maison des Écritures Lombez Midi-Pyrénées a pour vocation premièred’être un outil au service de la créationdans les divers domaines de l’écrit. Déssa création en juin 2007, son action aété d’emblée placée au plan régional.

Aux portes du Gers, au cœur de laville de Lombez, à 45 minutes de Toulouse, un logement est mis à disposition d’auteurs en création. Ilssont pour la grande majorité d’entreeux bénéficiaires de l’aide à la résidence du Cnl. Ces résidences sontassorties d’un programme d’interven-tions que nous mettons sur pied enconcertation avec l’auteur, et quiconcerne l’ensemble de la région Midi-Pyrénées.

En cinq années d’existence, la Maisona ainsi reçu 22 résidents, parmi lesquels Gilles Jouanard, à l’originedes résidences d’écrivains, Jean-LucMoreau, universitaire, Lionel Ray,poète, David Fauquemberg, romancier,Stéphane Héaume, romancier, Seyh-mus Dagtekin, poète et romancier, Edward Gauvin, traducteur américain,Alain (Georges) Leduc, essayiste, LilianLloyd, auteur dramaturge…

Ils y ont trouvé l’accueil, le calme et leconfort, bref l’environnement néces-saire à leur travail d’écriture. Ce sontdes conditions de travail rares dans le monde de l’écrit !

Des occasions multiples d’interroger le travail littéraire

Leurs interventions, au nombre de 160depuis 2008, ont permis aux publicsscolaires et adultes des huit départe-ments de notre région de découvrir letravail des mots.

Dans les établissements éducatifs, culturels et sociaux de notre territoire,les publics les plus divers ont rencon-tré et interrogé des auteurs et leur travail, sous la forme de rencontres, deconférences, d’ateliers d’écriture. Unpartenariat avec les établissements pénitentiaires de la région a notam-ment donné lieu à la création et à l’édition de textes, ainsi qu’à une représentation de monologues de théâtre par les détenus eux-mêmes.

Un lieu de pratique de l’écriture

Présents dans le projet de structure de la Maison des Écritures depuis ses origines avec le Prix du Jeune Écrivain de Muret, les ateliers et stagesaccueillent régulièrement chez nous lesécrivains en herbe ou professionnels.

En 2011, Philippe Berthaut a ainsi proposé, avec “Écrire le lieu, écrire la mémoire du lieu”, un travail de création littéraire à partir de la collectede la mémoire d’un pays et de ses habitants. En juillet 2012, dans lecadre des Rencontres Estivales d’Écri-ture Midi-Pyrénées, l’organisme

national de formation ALEPH-Écriturea pris également ses quartiers à Lom-bez. “Écrire un roman à l’américaineou pas ?” était animé par Alain André,écrivain, fondateur et directeur pédagogique d’ALEPH-Écriture ; “Lestechniques narratives” par LionelTran, écrivain, scénariste de bandedessinée, directeur de collection litté-raire (Ego comme X Littérature) etjournaliste.

Un acteur de transmission des livres et des mots

Nous avons initié en 2010 et 2011 unefête de la lecture et des mots à Lombez,“Pages sur Save”. Nous cultivons lestraces laissées par ces temps forts, tellesque le dispositif “Livres-Echange“ quidonne une seconde vie à des ouvragesayant quitté les rayonnages des particuliers ou des bibliothèques entrouvant de nouveaux lecteurs chez les commerçants de Lombez. Une trentaine de lieux accueillant du public sont régulièrement alimentés en ouvrages les plus divers.

Un travail de territoire : des chantiers ouverts au croisement des divers acteursdu livre et de la lecture

La Maison des Écritures se conçoitaussi comme un espace où les réalitésdes différents professionnels du livrese côtoient et dialoguent, et où chaqueréflexion peut s’étoffer d’éclairagesmultiples. Les rapports qu’entretien-nent les jeunes et la lecture ont étéchoisis comme première matière à ceséchanges interprofessionnels pour2011-2014.

Le Pays Portes de Gascogne reconnaîtainsi l’action de la Maison des Écri-tures en faveur de la lecture et del’écriture, en la positionnant en tantque “pôle structurant”. Se met enplace une coordination des acteurs dulivre sur ce territoire (bibliothèques-médiathèques, Médiathèque départe-mentale, librairies, Librairie-Tartineriede Sarrant...).

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n Création littéraire

Atelier d’écriture

© DR

La Maison des Écritures, au service de la création littéraire

Les Rencontres littéraires de Toulouse Métropole

En 2012, la Boutique d’Écriture reconduit les rencontres littéraires de Toulouse Métropole.

De septembre à décembre, des rendez-vous sont programmés pour tous les publics, petits et grands, amateurs delittérature et néophytes ! Tous sontconviés à participer à ce dialogue exigent et original, élaboré avec la complicité de nombreux écrivains et artistes.

A sa manière, chacun d’entre eux mettra le texte et l’écrit à l’honneur. Desévénements pour donner à voir et à entendre, mais pas seulement. Désirantcréer les conditions d’une véritable découverte des auteurs et des œuvresaccueillis, la Boutique d’Écriture associera partout dans les villes lectures,spectacles, performances, avec des tempsd’échanges, de débats et d’ateliers de création.

Les étapes à venir de ce parcours littéraire et artistique à travers le terri-toire de Toulouse Métropole : une lecture dessinée avec Annie Agopian et l’illustrateur Alfred (13/10 à Seilh),des siestes littéraires dans l’Igloo de la Cie Intérieur Nuit (du 17 au 31/10 à Blagnac), le spectacle “Manuel del’amour moderne I” de la Cie Théâtre au Présent (19/10 à Saint-Jean) et denombreux ateliers d’écriture…

Programme détaillé sur www.boutiquedecriture.com

L’écriture de Laurent Mauvignier rencontreà nouveau la scène

De l’écriture à la scène, du théâtre à ladanse, l’œuvre de Laurent Mauvginiern’a de cesse de passer la rampe et d’inspirer les artistes.

Après l’adaptation du roman Loin d’euxproduite par le collectif les Possédés authéâtre Garonne à Toulouse en 2009 (etrejouée au Théâtre de la Bastille à Parisen juin 2011), le comédien et metteur enscène Rodolphe Dana remet le couvertavec une création théâtrale à partir du roman Tout mon amour (éditions deMinuit, 2012).

Le chorégraphe Angelin Preljocaj a crééà son tour, pour 8 interprètes, L'oubli,une adaptation du roman de LaurentMauvignier, Ce que j'appelle oubli(éditions de Minuit, 2011).

Présentée à la Biennale de danse deLyon du 15 au 21 septembre dernier,elle le sera au Théâtre de la Ville à Paris,en février 2013.

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La Maison a organisé le 11 mai 2012 àLombez une journée de formation surla question des adolescents et de la lec-ture : “Lire à l’adolescence”. Pour tousles participants, il s’agissait d’interrogerleurs propres pratiques de lecture etcelles des jeunes. Le mode retenu étaitcelui de la “journée apprenante” quisollicite la réflexion collective avanttoute intervention des spécialistes, enl’occurrence Edmée Runtz-Christan etNathalie Markevitch Frieden, maîtresd’enseignement et de recherche à l’Uni-versité de Fribourg en Suisse. Trente-six personnes ont activement participéà cette rencontre.

Sur le plan local, la Maison des Écrituresest à l’initiative du collectif d’associa-tions culturelles “Lombez Culture“, qui propose expositions, spectacles vivants, concerts, animations de rue,conférences d’histoire de l’art, etc. Lecroisement des projets d’écriture et desmanifestations littéraires avec d’autresdisciplines artistiques nous est doncfamilier.

D’ailleurs, nous favorisons autant quepossible la mobilisation d’acteurs peupréparés à travailler ensemble, commeen témoigne cette année la célébrationdu centenaire de la Coopérative Agricole “Val de Gascogne”, qui a associé le monde agricole, des univer-sitaires et un artiste photographe et plasticien.

Les partenairesAfin d’assurer la qualité de choix descandidatures pour les résidences, laMaison des Écritures s’est assurée duconcours d’un Comité régional d’ex-perts. Ce dernier comprend : la Direc-tion Régionale des Affaires CulturellesMidi-Pyrénées, le Centre Régional desLettres, la Boutique d’Écritures duGrand Toulouse, la Cave Poésie-RenéGouzenne (Toulouse), le musée Eugénieet Maurice de Guérin (Château-muséedu Cayla dans le Tarn), l’associationConfluences, organisatrice chaqueannée du festival “Lettres d’automne ”(Montauban).

Quant aux soutiens matériels et finan-ciers, ils sont apportés par la Ville deLombez, le Conseil général du Gers, laDRAC et la Région Midi-Pyrénées. LePays Portes de Gascogne est venu en2011 s’associer à ces partenaires.

S’affirmer comme un acteur de déve-loppement de la lecture et de l’écri-ture, se placer toujours dans unelogique de partenariat, fédérer les initiatives, croiser la littérature et lesautres disciplines artistiques, sont lesobjectifs et les méthodes que s’est don-née la Maison des Écritures LombezMidi-Pyrénées.

Paul Claudel, président Maya Soulas, chargée de mission

Contact :Maison des Écritures de Lombez Midi-Pyrénées

4 rue Notre Dame - 32200 LombezTél. : 05.62.60.30.47

[email protected]

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Maison des écritures

Laboratoires du noir :La Novela se met au polar

Après la nouvelle littéraire en 2010 et laBD en 2011, 2012 sera l’année du polarpuisque cette fois-ci La Novela, festivaldes savoirs partagés (du 5 au 21 octobreà Toulouse) encourage des rencontresentre 12 chercheurs et 12 auteurs de polars, en partenariat avec Toulouse Polars du Sud.

De ces rencontres est né Laboratoires dunoir, édité aux Nouvelles Editions Loubatières : un recueil de nouvellespolicières qui fait découvrir la rechercheet le polar d’un autre œil. Préfacé parl’écrivain Patrick Raynal, on retrouvedes auteurs tels que Marin Ledun associé au géologue Yves Godderis, ou encore Romain Slocombe qui a rencon-tré Carole Rossi, chercheur au LASS.

Pour découvrir ces intrigues palpitantesaux noms qui donnent envie de tournerles pages (“Killer Bees”, “Dead Line”,“Martingale”, “Enigma Dome”…), rendez-vous à l’Espace Duranti (Toulouse), cœur de La Novela, pour desséances de dédicaces et un séminairepopulaire autour de l’univers du polarle samedi 6 octobre. Le samedi 13 octobre, à 17h30 au Jardin des Plantes,nouveau temps fort pour le polar avecune table ronde sur “Quand flics et taulards prennent la plume” suivie également de signatures d’ouvrages.

Et pour mettre en images ce thème, laCinémathèque de Toulouse propose uncycle de films autour des “thrillers” : Unfrisson dans la nuit, Les arnaqueurs, Lanuit du chasseur, Seven, Usual suspect…une sélection de films pour le plaisir dedémêler les fils de l’intrigue.

La Novela, festival des savoirs partagés Du 5 au 21 octobre à Toulousewww.novela.toulouse.fr

Graphites, le trait d’union littéraire entreMidi-Pyrénées et l’Europe

Fondé en 2010, par Hélène Duffau, auteure, et Émilie Toutain, Graphites estun opérateur culturel littéraire à voca-tion européenne. À l’initiative d’actionsartistiques inédites autour de la pratique de l’écriture de création, Graphites favorise également la mise enrelation entre auteurs et prescripteurs(médiathèques, centres culturels, enseignants...).

Graphites est né de la volonté de développer la pratique de l’écriture decréation via des propositions artistiquesconduites par des auteurs ; de mettre en relation des auteurs européens tout en encourageant la circulation desœuvres.

Inscrit dans son temps, Graphites s’appuie sur les technologies numé-riques et souhaite contribuer à l’émergence des nouveaux talents de l’écrit, essentiels à de nombreux secteurs professionnels.

www.ecrireleurope.com

Vous souhaitez postuler à une résidence à la Maison des Ecritures ?

Nous travaillons actuellement à rendre possible des résidences d’auteurs deMidi-Pyrénées (exclues des dispositifs du Cnl).Nous entendons accompagner l’écriture dans sa conception la plus ouverte,embrassant les littératures romanesques, poétiques, dramatiques évidem-ment, mais aussi les travaux journalistiques et documentaires, le scénario, lalittérature graphique, les livres d’artistes…

Adressez-nous votre candidature à :Maison des Ecritures de Lombez, 4 rue Notre Dame - 32220 Lombez

Votre dossier doit comprendre :

- Votre bio-bibliographie

- Votre projet d’écriture détaillé

- Les thèmes, modes et publics des interventions que vous proposez

- Un exemplaire d’un de vos ouvrages, édité à compte d’éditeur

Plus de renseignements sur www.centrenationaldulivre.fr/?CREDITS-DE-RESIDENCE-AUX-AUTEURS et www.maison-ecritures.frContact : Maya Soulas au 05.62.60.30.47

Bienvenue à Maya Soulas

Depuis le 1er juin 2012, Maya Soulasest chargée de mission à la Maisondes Écritures de Lombez. Diplôméede l’ESSEC (Ecole supérieure dessciences économiques et commer-ciales), Maya a pratiqué différentsmétiers du livre : libraire, responsa-ble nationale de la Bande dessinéepour la Fnac, formatrice auprès debibliothécaires, auteur chez Milan.Gersoise d’origine, elle a quitté Parisil y a sept ans et suivi la route et lechapiteau de la compagnie de cirquecontemporain Baro d’Ével. Elle y aacquis la maîtrise du fonctionne-ment associatif culturel en tant quedirectrice de production, chargée dediffusion et administratrice.

A la Maison des Écritures LombezMidi-Pyrénées, elle accompagnerales résidences d’auteurs, développeradivers projets et partenariats liés à lalecture et à l’écriture, et assurera lagestion de la structure.

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n Parutions

Côté nouveautésA découvrir, un éventail de parutions récentes d’auteurs vivant en Midi-Pyrénées...

Anuki t.2 : la révolte des castors Texte de Frédéric Maupomé, illustrations de Stéphane SénégasEd. de la Gouttière, 18 mai 2012

ISBN : 2953918256 – 9,70 €

Anuki, garçon vif et attachant, découvertdans La Guerre des poules (Anuki, t.1), estun sacré gourmand. C’est la saison desbaies. En voulant cacher de ses amis cellesqu’il a trouvées, Anuki dérange par mégarde une famille de castors affairés,bien décidés à lui faire payer son manqued’attention. Les situations cocasses et lespérils s’enchaînent. Mais Anuki triomphetoujours grâce à son ingéniosité.

Le vase où meurt cette verveine Frédérique MartinEd. Belfond – 23 août 2012

ISBN : 2714452329 – 18 €

Après cinquante-six années de vie commune, Zika et Joseph sont contraintsd’abandonner leur maison et de se séparer.Zika doit monter à Paris se faire soigner.Isabelle, leur fille, n’est pas en mesure deles accueillir tous les deux. Joseph partdonc chez leur fils. Tandis que Joseph profite de ses petits-enfants, Zika, elle, seretrouve face à une fille pleine de rancœur.Cependant, tous deux sont bien loind’imaginer les drames qui se nouent, chez le garçon comme chez la fille…

Egalement, Les filles d'Eve, Atelier In8, mai 2012

Le gang du serpent Hervé JubertRageot éditeur, coll. “Rageot Thriller” - 6 juin 2012

ISBN : 2700236297 – 9,90 €

Pour sauver son père et satisfaire sesravisseurs, Billie Bird doit s’emparerd’un pli cacheté à l’Académie dessciences. Mais elle est prise de vitessepar un vieil homme qui disparaît avecle pli ! De Cordoue aux Météores, Billie et son petit frère Séraphin se lancent dans une quête effrénée…

Egalement Les voleurs de têtes, Rageot éditeur,mars 2012

Un homme perdu Isabelle DésesquellesEd. Naïve – 22 août 2012

ISBN : 2350212920 – 17 €

C’est un humain comme les autres, il respire, espère, pleure et voudrait aimer.Seulement, celle qu’il appelle “petitemaman” le tient prisonnier depuis vingt-quatre ans. Y a-t-il une place pourlui dehors ? Comment être au monde si onne le connaît pas ?Histoire d’un lien inavouable, vénéneuxet viscéral, Un homme perdu raconte ladémolition d’une innocence.

C’est l’histoire d’un lien inavouable. Vénéneux et viscéral. Un homme perduraconte la démolition d’une innocence. Ce pouvoir d’une mère sur son enfant.

Octobre 2012

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Nuit d’hiver Texte d’Anne Cortey, illustrations d’Anaïs MassiniAutrement jeunesse - 10 octobre 2012

ISBN : 2746730715 – 12,50 €

La nuit venue, en observant par la fenêtre,une petite fille se rend compte que “les minuscules”, des petits êtres étincelants,sont de retour…Anaïs Massini a obtenu une bourse d’écriture du CRL en 2011 pour cet ouvrage.

Tangente Céline WagnerEd. Des Ronds dans l'O – 13 septembre 2012

ISBN : 291723735X – 16 €

Quatre personnages, quatre destins. Tousprennent la tangente, un seul s'en sortira !

Renan vit seul, dans un quotidien réglécomme une horloge jusqu'au jour où uninconnu bouscule ses habitude en s’as-seyant à SA place dans son café habituel ;Antoine, proxénète et trafiquant dedrogue, se sert des ruches de ses abeillespour cacher ses butins ; Anthelme devientSDF après avoir été licencié par son patron ; Prune a une si belle chute de reinsqu'elle est sélectionnée pour jouer les doublures pour des photos. La désillusionne se fait pas attendre.

Egalement : Grand-Roue, éditions RGBD, mai 2012

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Une certaine fatigue Christian AuthierEd. Stock - 22 août 2012

ISBN : 2234070201 – 19,50 €

Son père à peine enterré, Patrick Berthetapprend qu’il est frappé d’une maladiemortelle. Stoïque, il organise le plus froidement possible son départ jusqu’à ceque les médecins lui annoncent une erreur de diagnostic.

Au soulagement succède une immenselassitude. Comment vivre encore quandla mort programmée laisse place à une viesupplémentaire ? Commence alors une vieétrange et cocasse, en partie recluse, propice aux désirs les plus inattendus.

L'eau des rêves Manu CausseEd. Luce Wilquin (Belgique), coll. “Sméraldine” -

20 août 2012

ISBN : 978-2-88253-446-0 – 19 €

Au milieu des années 60, un homme sedonne la mort dans une vigne. Trente ansplus tard, son petit-fils – le narrateur –est hanté par le fantôme de son grand-père qui lui apparaît en rêve. Après lesobsèques de sa grand-mère, poussé parune vision, il s’ouvre enfin à sa famille dela colère qui le ronge : personne n’a parlédu suicide du grand-père, préférant lemensonge officiel de l’accident.

S’ensuit une plongée dans l’alcool et ladrogue, une déconstruction de son exis-tence qui le conduit à douter de tout…

Egalement : Bruxelles ou la grosse commission, Onlit(Belgique), juin 2012

L'Emprise sportive Robert RedekerFrançois Bourin éditeur - 23 mai 2012

ISBN : 2849413232 – 19 €

Envahissant, saturant l’espace et le temps,le sport est vécu aujourd’hui comme une activité évidente. Il n’est jamais questionné, échappant à toute critique approfondie. Il est pourtant, en quelquesorte, le moule dans lequel notre sociétéest formée. Il est le nouveau pouvoir spirituel. Il façonne les âmes autant que lescorps. Il promeut un corps fabriqué detype inédit, quand l’âme du sportif lui aété enlevée pour être remplacée par lemental. Un livre qui se veut une attaque sansconcession du sport contemporain. Lessportifs sont-ils des mutants ? Le sport est-il l’usine où se fabrique un nouveautype d’être humain ?

Le Concierge Scénario de Tarek, dessins de Seb Cazes,Ed. Le Moule-à-gaufres, coll. “Comix Street” -

25 octobre 2012

ISBN : 2918567132 – 16,50 €

Dans la France de l’après-guerre, enpleine guerre d’Indochine, deux frèresvont s’opposer lors d’une campagne élec-torale qui tourne rapidement à l’affronte-ment : un concierge, ex-policier renvoyéen 1943, et le maire en place, résistant dela dernière heure et collaborateur sansconviction. Tous les coups sont permis !D’une petite querelle de clocher, cettehistoire va devenir un enjeu nationaldans un pays en proie au doute.

Seb Cazes a obtenu une bourse d’écri-ture du CRL en 2012 pour cet ouvrage.

Egalement : Chut… et autres tumultes, éd. du Mouleà Gauffres, coll. “Grafic Street” - 11 mai 2012

Jusqu’à 100 Magali BardosEd. Actes Sud Junior - 5 septembre 2012

ISBN : 978-2-330-00920-5 – 18 €

1 forêt, 2 montagnes, 3 ours sur chaquemontagne, 4 pattes en l'air, du miel 5 foispar jour, 6 ours dans la forêt, 7 champi-gnons ramassés, 8 chasseurs, 9 coups defusil, 10 papillons qui s'envolent... C'estle début d'une course-poursuite qui nousemmène dans un bal puis une fête d'anniversaire, de la forêt au cœur de laville, en passant par un spectacle d'opéraet des plages exotiques. Une histoire loufoque d'ours pour s'amuser à compter... jusqu'à 100 !

Le duel des frères Flint Texte de Thomas Scotto, illustrations de Benjamin AdamEd. Actes Sud Junior - 29 août 2012

ISBN : 978-2-330-00922-9 – 8 €

États-Unis, avril 1869. Le Président Grantdoit s'arrêter dans la petite bourgade dePromontory pour réunir les deux voiesferrées entre l'Est et la côte pacifique.C'est un événement que tous les habitants, y compris les écoliers, s'apprêtent à célébrer. Dans la classe deMlle Picqles, les jumeaux Flint ont soudain un comportement bizarre. Latension monte, accompagnée de regardsnoirs et de remarques acerbes. Peu detemps avant la cérémonie, on découvreque les jumeaux ont disparu…

L’Homme arrêté Sébastien AmielEd. de l’Olivier – 10 mai 2012

ISBN : 978-2-87929-799-6 – 15 €

Adam est un être sans ambition, le spectateur passif de sa propre vie. Mais,depuis peu, des impressions doulou-reuses le taraudent, comme si quelquechose lui échappait. Il devient inquiet,sans identifier l’objet de cette inquiétude.Est-ce dû à la perte de son travail ? Auxproblèmes d’argent ? A l’éloignement desa femme.

Ce samedi-là, c’est un homme tourmenté,fatigué, qui s’apprête à passer un après-midi au lac avec son fils. La chaleurest écrasante. Le drame peut commencer.

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A l’heure où le CRL Midi-Pyrénées, après avoir mené à bien, avec le concours deBenoît Berthou, une étude sur l’édition en Midi-Pyrénées, met en œuvre progressivement les recommandations qui sont le point d’aboutissement logiqued’une telle étude, il nous a paru important de consacrer ce dossier de Tire-Lignesà l’édition régionale telle que des mois d’enquête sur le terrain nous ont permisde l’appréhender.

Il ne s’agit pas pour nous de répéter sans cesse ce que chacun pourra découvrirdans l’étude complète et dans la synthèse, qui sont toutes deux accessibles enligne sur le site du CRL (www.crl-midipyrenees.fr), mais de permettre au lecteurde notre revue d’avoir une vision concrète et vivante des nombreux visages del’édition régionale. D’où la structure singulière que nous avons choisie pour présenter ce dossier : à la vision synthétique donnée par Benoît Berthou répon-dent, en regard, les témoignages des professionnels avec la diversité d’approcheset de problématiques qui sont les leurs, en fonction de leur ligne éditoriale, del’histoire de leur maison et des adaptations nécessaires au temps présent.

Au final, ce qui s’impose, c’est l’importance pour Midi-Pyrénées, de tirer le meilleur profit de l’incontestable dynamique éditoriale qui irrigue son territoireet de faire en sorte que l’ensemble des acteurs du livre (éditeurs, libraires, bibliothécaires notamment) se connaissent mieux pour réussir ensemble à affronter les défis auxquels le livre est aujourd’hui exposé. Bref, comme le souligne Jean-Noël Soumy en conclusion de ce dossier, il est plus que jamais essentiel de raisonner en termes de filière du livre pour construire des politiquespubliques efficaces et en prise sur ce qu’un territoire peut offrir de meilleur dansle champ d’activité qui est le nôtre.

Pour compléter la réflexion sur le paysage éditorial midi-pyrénéen, voir également lesdeux articles dans les rubriques “Edition” (p. 24) et “Autour du livre” (p.30) de cenuméro de Tire-Lignes, qui donnent la parole respectivement à Henri Taverner (Editions Le Pas d’Oiseau) et à Dominique Dupuis, pour son activité de conseiller encommercialisation auprès des éditeurs.

Nous remercions les éditions Le Pasd'Oiseau et le passionné d'histoire etd'iconographie sportive, Pascal Leroy,pour l’aide précieuse qu’ils ont apporté à l'illustration de ce dossier, avec des images issues de leurs collections particulières.

La fabrique éditoriale : des paroles, des figures

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Éditer en Midi-Pyrénées

Benoît Berthou Maître de conférences à l'Université Paris 13 dans les Masters "Politiques Editoriales" et "Commercialisation dulivre" de Villetaneuse, chercheur au LabSic (LABoratoire des Sciences de l’information et de la communication).

Midi-Pyrénées : une édition dynamique

“L’édition est un milieu parisien”. Telle est l’une des idées reçues que BertrandLegendre tente de dépasser dans un petit ouvrage paru en 2009 au Cavalier Bleu.Et force est de constater que le travail mené par les différentes structures régionales du livre pourrait grandement l’y aider : les études portant sur les territoires de Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur ou d’Aquitaine démontrent que la capitale ne saurait prétendre au monopole d’un métier et quecelui-ci s’épanouit même fort bien sous d’autres cieux que ceux de l’Ile-de-France. Le travail que nous avons mené en 2011 et 2012 afin de mieux cerner lesvisages de l’édition en Midi-Pyrénées en atteste également puisque l’édition yconstitue un ensemble significatif comme le prouvent bien des indicateurs.

38 millions d’euros de chiffre d’affaires global : Midi-Pyrénées se place en effetloin devant des territoires comparables (tel Languedoc-Roussillon qui présentaitdans son étude de 2010 un résultat de 9 millions d’euros, hors éditions Verdier)et ce chiffre renvoie à un ensemble d’acteurs culturels et économiques que l’onpeut juger organisés. Par “éditeur”, nous désignons en effet des structures éditoriales ayant une production régulière d’ouvrages (généralement plusieurs titres par an), s’inscrivant dans un circuit de diffusion (présentation de leurs ouvrages aux gérants des différents points de vente) et de distribution (acheminement logistique de ces mêmes ouvrages vers ces détaillants) et adoptantdonc une commercialisation passant au moins partiellement par la librairie.

Bien réel, cet ensemble est également dynamique ainsi qu’en atteste la créationd’un grand nombre de maisons au cours des deux dernières décennies : 70 % desstructures que nous avons pu observer existent depuis 1990, plus de 46 % depuis un peu plus de 10 ans et près de 15 % depuis 5 ans seulement. Parlantd’édition, nous évoquons donc majoritairement un ensemble de structures endevenir (à l’instar de Misma à qui nous avons souhaité donner la parole ci-contre).

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Midi-Pyrénées se trouve sur ce point dans une situation comparable à celle d’autres régions telles Provence-Alpes-Côte d’Azur ou Languedoc-Roussillon,mais on ne saurait pour autant l’assimiler à une espèce de pouponnière, tanttoutes les catégories d’acteurs sont représentées.

Des structures au chiffre d’affaires inférieur à 100 000 euros (25 des 38 maisonsque nous avons pu observer) cohabitent en effet avec des éditeurs classés par Livres Hebdo dans les 200 premiers éditeurs français (Milan, SEDRAP, Piktos,érès, Privat, Plume de Carotte, Cépaduès). Une forme de concentration est ainsisensible, tant au niveau économique qu’au niveau géographique. Huit maisonsd’édition représentent en effet à elles seules plus de 92 % du chiffre d’affairesd’une région dans laquelle l’activité est inégalement répartie. Le département dela Haute-Garonne occupe une place hégémonique puisque plus de 55 % des éditeurs y sont implantés. Nous sommes de plus face à un métier résolument urbain : les villes se taillent la part du lion au détriment des zones rurales, à commencer par l’agglomération toulousaine qui regroupe plus de la moitié des acteurs du secteur.

Cet ensemble peut être appréhendé au regard d’une notion : l’indépendance,c’est-à-dire le fait de maîtriser son capital financier et ses outils de travail. Seulement 10 % des éditeurs que nous avons pu observer dépendent d’un organisme public ou d’une autre entreprise. L’immense majorité des acteurs sontdes indépendants, ce qui peut s’avérer problématique. Si l’indépendance permet de prendre ses distances avec des modes de gestion et de production relevant de stratégies industrielles et d’impératifs financiers, elle peut égalementêtre synonyme d’isolement vis-à-vis du reste de la chaîne du livre et provoquerune complexe situation. N’ayant pas la possibilité d’être bien informés, ne disposant que de moyens et ressources limités, ne jouissant pas encore d’unenotoriété établie auprès des libraires et lecteurs, ces éditeurs peuvent avoir le plusgrand mal à aborder efficacement un marché hautement concurrentiel…

Ces facteurs peuvent expliquer une véritable “mortalité infantile”, survenant àdes périodes bien précises : tel est le cas d’une troisième année d’existence aucours de laquelle l’épuisement des capitaux de départ n’est pas forcément compensé par des ventes régulières. Si nous avons malheureusement rencontrédeux cas semblables au cours de notre étude, la majorité des éditeurs manifestentune réelle volonté de pérenniser leurs activités, volonté que la Région et la DRACse doivent d’accompagner. L’évolution des formes juridiques des acteurs du secteur atteste ainsi d’une véritable volonté de structuration : naissant en grandemajorité sous forme d’association, une part non négligeable des acteurs du secteur évolue ensuite vers divers statuts de société permettant de se financer etde se développer plus aisément.

Un jeune modèle alternatif en quête d’affirmation

El Don Guillermo et Estocafichéditions Misma (Toulouse) - www.misma.fr

Depuis 2004 les éditions Misma publient des ouvrages de bande dessinée indépendante etune revue semestrielle, DOPUTUTTO. Fondées par les frères jumeaux auteurs-dessinateursEl Don Guillermo et Estocafich, basées à Toulouse, les Éditions Misma ont modestementdéveloppé un réseau de fidèles, libraires et lecteurs, à travers la France et à l’étranger.Fortes d’une quinzaine d’auteurs participant régulièrement à la revue, les éditions Mismacultivent leur intérêt pour l’émulation de groupe et la liberté créative.

Même si Misma regroupe un grand nombre d'auteurs, quatre membres actifs composentprincipalement le noyau dur des éditions. Ce sont les auteurs qui accompagnent Misma depuis sa création. Ils participent activement et bénévolement au fonctionnement de lamaison d'édition. Anne Simon s'occupe des relations extérieures, Ronald Grandpey gère lacommunication et le site internet, et les frères jumeaux El Don Guillermo et Estocafichprennent les décisions éditoriales et s'occupent des maquettes et du suivi de fabrication desouvrages. La formation de ce groupe réduit permet une organisation efficace et une rapidité de délibération. Tous les autres auteurs sont régulièrement appelés à contributionlors de festivals ou d'expositions collectives.Misma a participé à la création du collectif Indélébile et contribue activement depuis aufonctionnement de l'association. Ce regroupement d'éditeurs indépendants de la région toulousaine a permis de mettre les énergies et idées de chacun en commun dans le but decréer un festival de bande dessinée et d'édition indépendante de poids, et divers événementsliés à l'image, montrant ainsi toute la singularité et la diversité des éditeurs alternatifs.

Depuis sa création, l'association Misma a toujours eu la vocation de se développer sur toutle territoire national. Les aides à l'édition versées par la Région Midi-Pyrénées lui ont permis de franchir le cap : augmentation du tirage, distribution et diffusion nationales professionnelles. Ce soutien a été décisif dans le processus de développement. Ces aides àla fabrication permettent de garder un prix de vente compétitif de nos ouvrages, malgré lescoûts importants qu'impliquent une diffusion et une distribution professionnelles.Cette année, Misma a également bénéficié d'une aide aux déplacements hors région, qui luia permis de prendre un stand professionnel au Festival d'Angoulême 2012, lui offrant uneplus grande visibilité. Le stand était bien placé dans le festival, l'identité des éditions Mismaa ainsi pu être correctement mise en avant. Grâce à cette aide, Misma était également présent au festival d'Aix-En-Provence, où des ateliers pour enfants étaient animés par desauteurs du collectif.

Aujourd'hui, l'association Misma compte encore sur les aides de la Région Midi-Pyrénéespour continuer à produire ses ouvrages avec une régularité constante. Avec, pour objectif,un fonctionnement autonome d'ici à 2015. Toutefois, avant d'y parvenir, l'association doitse structurer. Nos besoins actuels : un local, notamment pour y stocker nos ouvrages, uneaide juridique, une aide pour s'équiper des logiciels adéquats (comptabilité, gestion desstocks, PAO)...

© Collection particulière

“Athlète quand même !” dans La Vie au grand air, 1916

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Quels livres par ici ?Diversifiée, l’édition l’est également vis-à-vis de sa production : des publicationsscientifiques et techniques à la Jeunesse, en passant par le livre pratique ou scolaire (qui nécessite pourtant de lourds investissements), tous les secteurs éditoriaux sont représentés et nous sommes face à un ensemble plus complet quecelui d’autres régions. Si le “texte au noir” (écrits présentés sans illustration) estlargement dominant, la littérature reste le genre le plus prisé des éditeurs : plus de 30 % d’entre eux l’indiquent comme leur “spécialité” et se positionnentmajoritairement en éditeurs de création. Ils ne s’intéressent guère à des textestombés dans le domaine public et ne se focalisent pas sur la production de “classiques”.

Nombre d’entre eux semblent à l’inverse se fixer pour mission de défricher desaires géographiques et historiques mal connues, comme en atteste un recours régulier à la traduction qui semble constituer une véritable spécificité de la région. Elle permet de mettre à la disposition du public des livres provenant detoute l’Europe et au-delà. Ces éditeurs font donc office de véritables “passeurs”culturels (à l’exemple d’Anacharsis). Le “régionalisme” (second “domaine” danslequel les éditeurs se reconnaissent) semble également relever de semblable vocation : regroupant de multiples modes de publication (beaux livres, textes littéraires, voire livres pratiques), il se définit moins comme un secteur éditorialque par sa volonté de faire connaître par tous les moyens appropriés un patrimoine donné (qui peut être linguistique, comme l’édition en occitan).

Complété par une constante production en sciences humaines (troisième secteurdans lequel se reconnaissent les éditeurs de la région, à l’exemple d’érès à quinous avons souhaité donner la parole), ces livres sont le fait d’éditeurs pensantfort soigneusement leur volume de production. Assez bas (5-7 titres par an pourune majorité d’acteurs), celui-ci est malgré tout soutenu, pour preuve l’évolu-tion dans le temps des données que nous avons pu récolter. On constate ainsiune nette régression de la non-production, les éditeurs choisissant d’opter pourune “année blanche” durant laquelle ne paraît aucun livre devenant presquel’exception ; à l’inverse, est sensible une montée en puissance de certains éditeursproduisant 6 à 10 titres par an.

Les éditeurs de la région semblent donc soucieux de se professionnaliser et de sedoter de structures permettant la construction d’un ensemble éditorial attractifet cohérent. Plus de la moitié des acteurs que nous avons observés disposent eneffet d’un catalogue de plus de 50 titres et donc d’un certain nombre de livres qui s’inscrivent dans le temps et leur assurent une certaine stabilité. Ils semblentde plus chercher à rationaliser leur production, notamment en développant descollections permettant aux lecteurs de mieux identifier leurs ouvrages et aux libraires de mieux les mettre en valeur. Leurs initiatives éditoriales semblent deplus empreintes d’un certain pouvoir de séduction puisque près de 37 % d’entre eux cèdent à d’autres éditeurs les droits des ouvrages qu’ils produisent,que ce soit dans le cadre de demande de traduction et d’édition à l’étranger oupour des rééditions en livre de poche.

Famagouste : un écrin pour des textes lointains

Frantz Oliviéco-responsable des éditions Anacharsis (Toulouse) - www.anacharsis-editions.fr

Rien n’est plus difficile que l’édition d’auteurs morts et étrangers ; si l’on rajoute que la plupart sont anonymes et qu’ils sont des auteurs d’un unique récit enfoui dans la nuit destemps, le pari semble impossible à relever. Il y a bien quelques esprits malintentionnéspour s’imaginer que, pour ce genre de littérature, “il n’y a pas de droit”, et que par conséquent les coûts de production sont minimes. C’est oublier un peu vite le travail deconception éditoriale et le labeur énorme des traducteurs.

La collection “Famagouste” des éditions Anacharsis est précisément dédiée à la publica-tion de textes anciens singularisés par leurs qualités littéraires. Ce sont à la fois des sourceshistoriques et des morceaux de littérature : telle chronique malaise du XIVe siècle (Histoiredes rois de Pasey) rapporte l’histoire du premier sultanat musulman de Sumatra, en mêmetemps qu’elle offre à l’amateur une fable tragique ; tel roman de chevalerie, Tirant le Blanc,se fait l’écho des bouleversements que connaît la société médiévale à la fin du XVe siècle,et s’avère l’un des grands chefs-d’œuvre de la littérature d’Occident, passée et présente ;on pourrait multiplier les exemples.

Le double statut de ces ouvrages, à la croisée de l’histoire et de la littérature, les destine surun plan éditorial à une existence singulière : dès l’abord, ils sont conçus comme textes defonds, de rotation lente, pour une durée de vie étendue. Et les contraintes éditoriales pesantsur un tel exercice sont maximales : le travail de traduction de langues rares, l’établisse-ment des textes de commentaires – en introduction ou en notes – obligent à une réflexionpoussée de l’architecture de l’ouvrage. La durée même du travail de conception éditoriale(sans parler du travail d’investigation et de recherche) s’en trouve accrue, y compris pourdes textes brefs ; et, bien entendu, les traductions peuvent prendre un certain temps… 15 ans, pour Tirant le Blanc.

De même, les exigences de fabrication doivent entrer en synergie avec les textes proposés :l’armature matérielle doit présenter les qualités requises de solidité, d’agrément et deconfort de lecture indispensables étant donné l’inhabituel de l’œuvre publiée. Les retours surinvestissement sont plutôt lents à venir…

Toutes ces dimensions, du temps de la réflexion, des coûts induits, de rotation lente, etl’inattendu même des contenus parmi les champs littéraires dominants sont autant defreins qui entrent en contradiction avec les impératifs de ventes, en nombre et immédiates,qui régentent aujourd’hui toujours plus la production éditoriale.

Mais c’est là exactement que se situe le moteur de la collection “Famagouste” : devantl’érosion évidente de l’édition en sciences humaines de plus en plus dépourvue d’audace ;devant l’uniformisation d’une littérature contemporaine de plus en plus désorientée, lebrusque saut de l’extrême lointain vers le plus proche que constitue le jaillissement d’unlivre de “Famagouste” stimule radicalement la capacité d’étonnement des lecteurs quenous sommes tous. C’est cette foi dans la force de la littérature à augmenter la vie qui est au cœur de notre travail d’édition de création. Pourvu que ça dure.

© Collection particulière

Curling, L’Illustration, 1924

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Les Nouvelles Éditions Loubatières sortent de leurs frontières

Maryline GarrabosNouvelles Éditions Loubatières (Portet-sur-Garonne, 31) - www.loubatieres.fr

À l’origine, la culture régionaleFondées au début des années 1980 à Toulouse, les Éditions Loubatières, devenues NouvellesÉditions Loubatières en 2001, ont publié en 30 ans près de 700 titres.

Maison d’édition généraliste consacrée à la culture régionale du Languedoc, les ÉditionsLoubatières publiaient des beaux livres, des bandes dessinées, des essais et documents etdes romans relatifs à l’histoire et au patrimoine régional. Deux collections grand publicavaient été créées : “Terres du Sud” et “Randonnées architecturales”. L’aire commerciales’étendait alors sur deux régions, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, la diffusion étaitassurée en direct par l’équipe de représentants des Éditions Loubatières, la distributionpar le Comptoir du livre.

Le tournant des années 2000Au début des années 2000, le paysage de l’édition régionale évoluait sensiblement. De nouveaux acteurs régionaux voyaient le jour et les éditeurs nationaux commençaient à investir le domaine régional – guides et beaux livres notamment. Par ailleurs, la produc-tion de nouveautés, tous genres et éditeurs confondus, augmentait fortement, avec pourconséquence une réduction des quantités mises en place et des quantités vendues par titre.Pénalisant d’autant plus fortement la production régionaliste dont la diffusion, restreinteà une aire commerciale circonscrite, éprouvait des difficultés à maintenir des mises en place suffisantes.

Ainsi, après 2005, il se confirmait que les Éditions Loubatières devaient élargir leur périmètre éditorial et commercial. Une première phase a consisté à étendre la zone de diffusion, d’abord à la région Aquitaine en 2006, puis, en 2009, à la France métropolitaine,par un contrat passé avec Rando Diffusion (devenue Cap Diffusion en janvier 2012), société spécialisée dans la diffusion-distribution du livre régional et du livre pratique. La maison d’édition développait par ailleurs la collection multirégionale “Regards sur unpatrimoine”, ainsi qu’un petit domaine d’essais et documents d’histoire contemporaine.

Cependant, le problème de viabilité économique titre par titre restait entier, conduisant àune multiplication des titres consommatrice de fonds propres. Par ailleurs, la questiond’une solution de diffusion pour des projets éditoriaux d’audience nationale perdurait. Lesrencontres avec les principaux diffuseurs - distributeurs en France ont finalement aboutien mars 2012, à la signature d’un contrat de diffusion-distribution avec Actes Sud/UnionDistribution.

L’histoire et le patrimoine, toujours. Ici et ailleursDans un monde où l’information est abondante mais fragmentaire et dispersée, le besoind’une mise en perspective des connaissances est plus que jamais sensible. La ligne éditorialede la maison d’édition a été entièrement repensée sur la base des domaines histoire et patrimoine, qui sont le cœur des Éditions Loubatières depuis l’origine : l’histoire qui donneles outils, le patrimoine qui marque la présence de l’histoire dans notre vie.

Le périmètre territorial a été redéfini selon trois strates : les ouvrages relatifs à la culturerégionale du Grand Sud-Ouest, territoire historique de la maison d’édition ; les collections

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© Collection particulière

Escrime, L'Illustration, 1889

multirégionales ; les ouvrages à thématiques transversales d’audience nationale. Le catalogue a été réorganisé autour de collections, avec notamment le lancement en 2012 descollections “Archives remarquables”, “Histoire et patrimoine des métiers” et “La Natureen…”, ainsi que la réédition commentée de l’œuvre du baron Taylor avec la série “Voyagespittoresques et romantiques du baron Taylor dans l’ancienne France”. Les essais et docu-ments d’histoire contemporaine et de société seront rassemblés dans un domaine intitulé“Libre parcours”.

Les éditions érès à l’affût d’une société en mutation

Marie-Françoise Dubois-SacrispeyreGérante et directrice éditoriale des éditions érès (Toulouse) - www.editions-eres.com

Les sciences humaines et sociales constituent un vaste champ, relativement mal délimité.Les éditions érès, en s'inscrivant dans cet ensemble, ont choisi de privilégier la psychologie,la psychanalyse, la psychiatrie, la sociologie, le travail social, l'éducation... Notre objectifest de proposer un espace de débats autour de différentes conceptions théoriques, d'échangesd'expériences entre professionnels exerçant dans ces domaines, et de confrontations de savoirs entre le monde de la recherche et celui des acteurs de terrain. Nous comptons ainsinourrir la réflexion collective autour des problèmes de société, de la prise en compte des plusfragiles d'entre nous et de la formation des nouvelles générations.

Nous occupons une place originale dans ce secteur de l'édition en raison de la cohérence denotre catalogue, de notre engagement aux côtés des chercheurs et des professionnels pour lavalorisation de leurs travaux, de notre souci de maintenir le dialogue entre les différentscourants de pensée (matérialisés dans nos multiples revues et collections), les nombreuxréseaux professionnels et associatifs impliqués dans notre domaine éditorial.

érès est un éditeur implanté en région Midi-Pyrénées mais qui a des ambitions nationaleset internationales. Nos auteurs ne sont pas prioritairement recrutés dans notre région mêmesi nous avons maintenant des relations de grande qualité avec l'Université, les grandes associations de nos secteurs et nombre de professionnels de nos domaines à Toulouse. Notreimage de marque et notre spécialisation compensent notre éloignement des grands médiasnationaux qui nous ont repérés mais auprès de qui nous ne pouvons nouer des relations deproximité géographique.

Depuis 2005, nos revues spécialisées sont diffusées en version numérique via le portail de sciences humaines et sociales CAIRN. Cela a représenté pour elles une opportunité inespérée qui a largement compensé le progressif désengagement de la plupart des librairesen direction des revues. Nous avons gagné en visibilité et multiplié nos lecteurs (notammentà travers les abonnements souscrits à des bouquets de revues par toutes les universités). En 2012, notre offre numérique comprendra également 700 ouvrages (collectifs et monographies) disponibles sur CAIRN et à disposition des libraires grâce à notre accordavec la plateforme Edenlivres de notre diffuseur. Nous n'avons pas du tout l'intention derenoncer au papier mais nous considérons que dans un avenir proche, les lecteurs aurontrecours à des usages divers parmi lesquels les documents numériques (ebook, pdf...) à liresur ordinateurs, tablettes ou liseuses, auront toute leur place.

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Être éditeur en Midi-Pyrénées

Être éditeur en Midi-Pyrénées n’est pas forcément une activité à temps plein :près de 60 % des responsables ou fondateurs des structures d’édition que nousavons pu observer exercent en effet un autre métier, voire tiennent un autre commerce, et ce dans des domaines très variés. Si près d’un tiers d’entre eux tra-vaillent dans l’Education Nationale (en tant qu’enseignants ou documentalistes),on trouve également un grand nombre d’artistes, de libraires et de professionnelsdu livre offrant des prestations pouvant prendre la forme de mise en page, de correction, de traduction, de diffusion d’information commerciale… Cette polyvalence contribue à assurer à certains éditeurs une certaine stabilité financière et témoigne de plus d’une certaine reconnaissance par les pairs : leséditeurs se mettent en effet au service d’autres éditeurs.

Les activités mentionnées ci-dessus sont en effet avant tout tournées vers lachaîne du livre elle-même : cette polyvalence peut donc prendre la forme d’unpartage de compétences, mais semble également avoir valeur de principe d’organisation à l’intérieur des maisons que nous avons pu observer. L’éditeur faitparfois figure de véritable homme-orchestre prenant en charge des tâches extrêmement diverses et jonglant entre la mise au point de manuscrits, les relations avec imprimeur ou libraires, et l’administration de la structure (ainsique l’illustre le témoignage de Cécile Trousel présenté ci-après). Nous sommesdonc face à un métier on ne peut plus généraliste, nécessitant une bonne vued’ensemble de la chaîne du livre et une certaine connaissance d’un nombre d’activités fort diverses.

D’où d’importants besoins en terme de formation qui sont clairement expriméspar les acteurs du secteur : plus de 97 % de ceux que nous avons interrogés surce point déclarent vouloir se perfectionner dans la poursuite de leur métier, et ilssont prêts à y consacrer un temps qui est tout sauf négligeable (2 à 5 jours par anpour 73 % d’entre eux) au regard des diverses activités qu’ils assument par ailleurs. Sensible au sein de tous types de structures, ce désir semble de plus relever tout à la fois d’une volonté d’approfondir les tenants et aboutissants d’unepratique et de préparer l’avenir : parmi les thèmes que nous avons proposés, arrivent en tête des formations au multimédia et livre multisupports, mais également à la gestion, la commercialisation, le marketing et la promotion.

Aspirant à être formés sur l’ensemble de ces questions, les éditeurs n’hésitentégalement pas à devenir formateurs puisque la majorité d’entre eux se déclarentintéressés par la possibilité de proposer offres de stage et contrats d’apprentissage,sans toutefois toujours disposer des locaux et équipements informatiques leurpermettant d’héberger ces futurs professionnels du livre. Il y a tout lieu de réfléchir à des dispositifs permettant de pallier ces limites car il semble bien exister en Midi-Pyrénées une véritable communauté éducative : à l’instar de Mathilde Bagnarosa (L’Attribut), de Camille Sotiaux (érès) ou de Laura Puechberty (Plume de Carotte) dont les propos sont présentés ci-après, l’immensemajorité (plus de 80 %) des étudiants intéressant les éditeurs de la région (dansle cadre d’un stage ou d’une embauche) provient d’une formation aux métiers du livre située en Midi-Pyrénées (comme celles qu’héberge l’Université Toulouse II-Le Mirail représentée par Clarisse Barthe-Gay).

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Entre polyvalence et spécialisation, laclé de la formation

Clarisse Barthe-GayDirectrice adjointe du département Archives et médiathèque, Responsable du Master “Édition imprimée et électronique”, Université de Toulouse II-Le Mirail - www.dam.univ-tlse2.fr

Comment et pourquoi forme-t-on au métier d'éditeur ?Les métiers de l’édition nécessitent de maîtriser des savoirs et des savoir-faire, et si possible un savoir être, auxquels le département Archives et médiathèque (DAM) de l’Université de Toulouse II-Le Mirail a l’ambition de former ses étudiants.

Le DAM propose deux formations aux métiers de l’édition :- une Licence professionnelle “Techniques et pratiques rédactionnelles appliquées à l’édition”, qui forme les étudiants à l’ensemble des techniques éditoriales nécessaires à l’exercice des fonctions d’assistant d’édition, de la lecture du manuscrit à la communi-cation en passant par la fabrication ;

- un Master “Édition imprimée et électronique”, qui prépare aux différentes fonctions éditoriales et forme des chefs de projet capables de mener à bien des créations éditorialessur plusieurs supports (livre, Internet, presse).

Chacune des formations s’appuie à la fois sur des enseignements théoriques dispensés par des universitaires, et des enseignements techniques assurés par des intervenants professionnels (éditeurs, correcteurs, libraires…).

Nos formations permettent d’acquérir des connaissances et des compétences qui sont misesen application dans le cadre du stage et, en Master, mises en perspective dans le cadre du mémoire.

La Licence professionnelle comme le Master comportent un élément central et transversal :le projet éditorial, réalisé de manière collective. Il permet aux étudiants de Master de simuler le processus d’élaboration d’un ouvrage, depuis sa conception jusqu’à sa communication. En Licence professionnelle, les étudiants réalisent un “vrai” livre et depuis cette année, la mise en place d’un partenariat avec un éditeur a permis une prise encharge en conditions réelles du travail de correction, de recherche iconographique et de maquette sur un livre qui paraitra et sera commercialisé à l’issue de la formation.

Le projet éditorial permet d’appréhender les différentes facettes du métier d’éditeur, ce qui est particulièrement important en vue d’une insertion professionnelle dans des structures petites et moyennes, qui nécessitent une certaine polyvalence et constituent lesprincipaux débouchés en région.

Quelle est l’insertion professionnelle des diplômés de la filière Édition du DAM ?Le taux d’insertion professionnelle des diplômés de Licence professionnelle et de MasterÉdition se situe autour de 80 %, avec de légères variations selon les années, taux confirmépar les résultats de l’enquête sur l’insertion professionnelle des diplômés 2009 récemmentpubliés par l’Observatoire de la vie étudiante.

En Licence professionnelle, il apparaît que 30 mois après l’obtention du diplôme, 80% desdiplômés occupent un emploi stable (contrat à durée indéterminée ou freelance) à tempsplein, dans la spécialité à laquelle prépare le diplôme (assistant d’édition). Ces emplois

© Collection particulière

La glisse, déjà la glisse !

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sont minoritairement situés en Midi-Pyrénées, la région représentant moins d’un tiers de la localisation, devancée à parts égales par la région Ile-de-France et les autres départements.

En Master, les données sont comparables mais on note une moindre stabilité de l’emploi(40% des diplômés travaillent dans le cadre d’un contrat à durée déterminée) et une in-sertion en région plus importante (40% des diplômés contre 30% en Ile-de-France, 15%dans une autre région et 15% à l’étranger).

Les diplômés des formations à l’édition du DAM travaillent en région aux Éditions Milan,érès, SEDRAP, L’Attribut, aux Nouvelles Éditions Loubatières, aux Presses universi-taires du Mirail et au Centre régional de documentation pédagogique.

Quelles sont les évolutions à envisager pour que les formations répondent toujoursmieux aux besoins du marché de l’emploi ?

Nous travaillons actuellement, au sein du département Archives et médiathèque, à la miseen place d’une offre de formation centrée sur l’édition numérique. Ce secteur en plein essorsuscite d’importants besoins en formation, notamment en formation continue. Nous allonsdonc proposer une Licence professionnelle (qui devrait ouvrir à la rentrée universitaire2013), ainsi que des stages courts en collaboration avec le CRL Midi-Pyrénées.

Paroles de jeunes éditricesMathilde Bagnarosaassistante de direction/chargée de diffusion, éditions de l’Attribut (Toulouse) - www.editions-attribut.fr

J’ai été recrutée par les éditions de l’Attribut en 2009 en CDD et à mi-temps sur un postede chargée de diffusion qui a peu à peu évolué vers le suivi éditorial et de fabrication touten gardant l’accent sur la diffusion. Travailler au sein d’une petite structure demanded’être polyvalent ! C’est là toute la richesse de mon emploi : sa diversité. Qualité que je recherchais aussi dans le cadre de ma formation. Le Master 2 Professionnel “Système pratique et diffusion de l'édition imprimée et électronique” que j’ai intégré à Montauban,m’a permis de faire valoir des compétences diverses lors de mon recrutement : connaissancede la chaîne du livre, maîtrise du circuit éditorial, connaissances juridiques et techniques…Cet apprentissage m’a donné l’aplomb nécessaire pour faire face à un an de recherche d’emploi. C’est en allant au-devant des professionnels du livre sur des salons que j’ai rencontré Charles-Henri Lavielle des éditions Anacharsis et par son intermédiaire ÉricFourreau, directeur des éditions de l’Attribut, qui m’a permis d’évoluer dans mes fonctions.J’occupe aujourd’hui, grâce à une aide de la Région dans le cadre du dispositif Emplois Associatifs Midi-Pyrénées, un poste d’assistante de direction/chargée de diffusion en CDIet à temps plein.

Cécile Trousselassistante d’édition, Anacharsis éditions (Toulouse) - www.editions-anacharsis.com

Après un DUT “Edition / Librairie” à Bordeaux (que je recommande !), j’ai poursuivi –ou recommencé – en Lettres modernes à l’Université Toulouse II-Le Mirail puis en échangeau Québec pour la dernière année (à l’université de Sherbrooke qui propose des cours théoriques sur l’édition), pour finir par un Master “Edition” à Angers.

L’exception confirma la règle (ou quand la règle devint l’exception), j’ai dû choisir entredeux CDI quelques mois après la fin de mes études : librairie Calligramme à Cahors ouéditions Anacharsis à Toulouse. Le poste d’assistante d’édition que j’occupe recouvre beau-coup de tâches dans une structure avec peu de salariés, dont voici une liste non exhaustive :administratif, manutention, secrétariat, gestion du site Internet, lecture, préparation decopie, composition, service de presse. Contrat aidé au départ, mon emploi est aujourd’huientièrement assumé par la maison d’édition. Pour autant, la difficulté majeure reste lefaible niveau de revenus de la maison et, par conséquent, de ses salariés. D’un autre côté,les modèles que nous expérimentons, d’une part avec la coopérative (SCIC) Anacharsis etd’autre part avec nos colocataires du Bocal, s’ils sont encore à développer, s’avèrent déjàinventifs et stimulants.

Laura Puechbertyassistante éditoriale, éditions Plume de Carotte (Toulouse) - www.plumedecarotte.com

Ma découverte du monde de l’édition s’est faite lors de mon inscription au BTS “Edition”à l’Institut Rousseau à Toulouse en 2006. Pour des raisons financières et par goût, j’ai réalisé ces deux années de formation en contrat de professionnalisation. Le principe estl’alternance entre le lieu de formation et l’entreprise. Si cette méthode demande une sacréedose d’organisation et une santé de fer, les avantages sont incomparables.

Les premiers mois en entreprise j’ai joué les petites mains et côtoyé tous les postes ; rien detel pour comprendre comment s’articulent les différentes fonctions au sein d’une maisond’édition. Puis au fil du temps, l’équipe éditoriale m’a confié des petits travaux d’éditionjusqu’à mon premier projet de livre en solo six mois après mon arrivée : une traductiontoute simple mais pour moi… le saint Graal ! Après ça, j’ai pu évoluer vers des projets deplus en plus complexes.

En parallèle, je suivais les cours du BTS en faisant la part des choses entre ce qui me serait utile et ce qui resterait de la théorie. Cerise sur le gâteau, mon embauche en CDI dèsla remise de diplôme en septembre 2008, dans cette maison d’édition qui m’a formée.

Aujourd’hui je suis assistante éditoriale, ce qui consiste à suivre et coordonner les étapesd’un livre, de son idée originale à son arrivée chez le diffuseur-distributeur.

Camille Sotiauxtechnicienne de fabrication, éditions érès (Toulouse) - www.editions-eres.com

Le monde de l’édition m’a toujours attirée. J’ai commencé ma première année en BTS “Édition” en formation continue, malgré mon désir d’être en apprentissage dans une maison d’édition. J’ai tout de même continué mes recherches pour trouver une entreprise.Cependant, j’ai rencontré des difficultés : souvent les maisons d’édition n’acceptaient pasma candidature faute de moyens financiers, elles n’avaient pas de local ou de besoin spécifique, ou leur équipe était déjà au complet. À la fin de ma première année, j’ai passéun entretien pour un poste en alternance : les éditions érès ont fait appel à mon école afinque celle-ci leur propose des candidats. J’ai été recrutée au début de ma deuxième année,en septembre 2010. À la fin de mes études, érès m’a embauché en CDI (septembre 2011).

Aujourd’hui, mon travail consiste à vérifier les corrections des auteurs, l’orthographe, la mise en page, la typographie. J’effectue les réimpressions, enregistre les coordonnées desauteurs, prépare les dossiers de routage, gère l’espace auteur du site. Je rassemble aussi leséléments permettant de mettre en ligne les articles de nos revues, mets en page nos argumentaires, enregistre et accuse réception des manuscrits reçus, et recense les ouvragessur le site pour la revue de presse.

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Quand la revue Tintin se met au vélo

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Travailler ensembleL’édition constitue en Midi-Pyrénées un bassin d’emploi non négligeable: lecœur de métier (c’est-à-dire les activités proprement éditoriales) regroupe, selonnos données, 209 salariés, mais ceux-ci s’inscrivent dans un ensemble bien plus vaste. Ces diverses entreprises ont en effet massivement recours à des prestataires, qu’il s’agisse de correcteurs, d’illustrateurs, de maquettistes ou dewebmasters… Elles mobilisent donc une myriade de collaborateurs aux statutsvariés (commerçants, auto-entrepreneurs, directeurs de collection…) : malheu-reusement difficiles à dénombrer avec précision, ceux-ci constituent assurémentun vivier de compétences sur lesquels peuvent s’appuyer les professionnels dusecteur et il y a tout lieu de tenter de pérenniser et de mieux encadrer leurs diverses activités.

Nous sommes ici face à un paradoxe : bien qu’ayant constamment recours à desprestataires extérieurs et dépendant donc en partie d’autres professionnels, leséditeurs de Midi-Pyrénées ne font quasiment jamais appel à d’autres éditeurs dela région alors que ceux-ci, comme évoqué ci-dessus, sont polyvalents et offrentces mêmes prestations. Mobilisant massivement une main-d’œuvre se situantdans d’autres territoires, cette sous-traitance s’effectue donc sans réelle logiqueterritoriale et économique : même si cette situation peut parfois faire sens (notamment dans le cas de tâches comme la traduction ou l’illustration), elle estnéanmoins dommageable puisque les professionnels du livre ne peuvent ainsiprofiter des avantages qu’offrent la proximité (réunions régulières, réactivité…)et la familiarité (connaissance de la maison, de ses chartes graphiques et ligneséditoriales) en terme de relations de travail.

Il y a tout lieu de tenter de remédier à cet état de fait car des initiatives mettenten évidence le caractère éminemment profitable des rapprochements entre plusieurs acteurs du livre : tel est notamment le cas de l’association Le Bocal, quiregroupe à Toulouse quatre structures éditoriales (Anacharsis, L’Attribut, Collectif des Métiers de l’édition et Smolny) pouvant ainsi partager des locauxmieux adaptés à leurs activités. Mais semblable dispositif peut aller plus loin encore : il est possible d’envisager des mutualisations (de matériel informatiqueou d’espace de stockage) ou des commandes groupées (de prestations diverses etvariées), voire le partage entre plusieurs éditeurs d’un même salarié qui seraitembauché dans le cadre d’un groupement d’employeurs.

Il est donc crucial d’œuvrer à la construction d’une véritable communauté professionnelle et la région pourrait s’inspirer d’une initiative comme celle de l’association parisienne Fontaine O Livres. Outre l’animation d’un réseauconstitué de professionnels du livre, celle-ci gère en effet une pépinière, c’est-à-dire une structure d’accompagnement des éditeurs en devenir (comme Mismaévoqué plus haut). Offrant des services tels qu’hébergement, conseil ou aide à la structuration d’activité, son efficacité n’est plus à démontrer comme en attestent les propos de Yann Chapin présenté ci-après : semblable dispositif pourrait ainsi donner sens et chance à l’audace et l’inventivité des “jeunespousses” éditoriales de Midi-Pyrénées.

© Collection particulière

Eux aussi sont très sport

Le Bocal, exemple de mutualisationspontanée née d’une envie collective

Charles-Henri Lavielleco-responsable des éditions Anacharsis (Toulouse) - www.editions-anacharsis.com

L’idée de partager un local, si elle n’est pas la première pensée qui émerge à la création d’uneactivité, devient vite une préoccupation au moment d’en chercher un. Les raisons sont sou-vent financières mais apportent aussi des solutions en termes d’isolement physique, de res-sources et de savoir professionnel.

En 2004 après une expérience solitaire, nous avons cherché une maison d’édition qui ait lamême envie et rencontré Éric Fourreau et les éditions de l’Attribut. Nous avions entretemps trouvé un local dans le centre-ville, dont le loyer se trouvait être trop élevé pour nosstructures. Nous nous sommes mis en quête d’autres partenaires. C’est ainsi que s’est jointà nous l’association Reflets (éducation à l’environnement). Au bout de 5 ans, le lieu nenous convenait plus car trop petit, et manquait de confort et de fonctionnalité. La mutua-lisation s’étant bien passée, nous avons décidé, de continuer l’aventure ensemble.

Notre expérience était humainement et professionnellement une réussite, mais manquaitsingulièrement de structuration juridique. Le bail était au nom d’Anacharsis qui sous-louait aux autres structures. Le propriétaire avait été mis devant le fait accomplit. Seul uncontrat moral liait les structures entre elles.

Nous étions donc à la recherche d’un nouveau lieu, plus spacieux, mieux éclairé aussi. Lelocal que nous occupons aujourd’hui 43 rue de Bayard nous a immédiatement plu, mais sonloyer était inabordable en l’état. Nous avions déjà parlé de notre expérience et plusieursstructures s’étaient dites intéressées, nous les avons contactées ; c’est comme cela que nousavons pu finalement accéder à ces nouveaux locaux.

Mais préalablement, fort de notre expérience antérieure et des questionnements qu’elleavait engendrés, nous avons décidé de fonder une association dont nous serions les adhé-rents, avec pour objectif de mutualiser les moyens. Les structures qui composent l’asso-ciation aujourd’hui, outre les trois originelles, sont deux maisons d’édition supplémentaires,Smolny et CMDE, une graphiste indépendante, Mily Cabrol, et AACCESS (agence asso-ciative de communication création et services solidaires). En dehors de l’intérêt économique(mutualisation des coûts, partage des savoirs, des connaissances) et des bonnes conditionsde travail qui en sont une composante, il nous fallait définir des valeurs qui nous réunis-sent au-delà de nos statuts juridiques (association, coopérative, S.A.R.L, indépendant) etde nos activités (édition, graphisme, éducation à l’environnement, promotion des servicessolidaires). Je crois que ce qui nous réunit tous, peu ou prou, aujourd’hui, c’est une volontéde diffusion des savoirs, qui fait la promotion des arts, de la pensée et des valeurs de soli-darité et d’engagement.

Cette réflexion et cette structuration ont de nombreux avantages. D’abord auprès del’agence immobilière, même si cela reste compliqué, cela permet de traiter en tant que personne morale. Cela permet aussi de contractualiser les engagements pris les uns enversles autres. Nos structures sont économiquement fragiles, nous avons donc tenté de mettreen place des mécanismes de sécurisation, en provisionnant par exemple chaque mois unepart de loyer pour faire face à la défaillance brutale de l’un d’entre nous.

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Si cette démarche a permis de réduire nos coûts de fonctionnement, elle favorise par la ri-gueur qu’elle impose à tous, nos besoins de structuration tant en terme de gestion que decomptabilité. Elle nous permet aussi de défendre auprès des collectivités locales l’idée dene pas se limiter au financement d’actions mais d’élargir leur soutien au fonctionnement,dans le cadre d’une incitation à la mutualisation, étant entendu que ce soutien pourrait êtredégressif et temporaire. Il s’agit là, comme le désigne le terme barbare d’empowerment,d’une approche stratégique qui viserait à soutenir les efforts des personnes et des commu-nautés pour développer ou retrouver des capacités d’action autonome. A suivre donc…

Pour finir, reste que l’aspect le plus positif de la mutualisation, c’est la bonne humeurqu’elle suscite.

Une structure innovante au serviced’une communauté éditoriale

Yann ChapinResponsable - chargé de projets, Fontaine O Livres (Paris) - www.fontaineolivres.com

Un projet structurant initié en lien avec les pouvoirs publicsFontaine O Livres1 est un réseau de professionnels du livre doublé d’une pépinière d’entre-prises, poursuivant une mission de développement économique de la filière sur le nord-estparisien. C’est un projet original, né de la rencontre des volontés de la société civile et despolitiques publiques. Le point de départ est une activité associative créée en 1997, accom-pagnant tous porteurs de projets sur le quartier de la Fontaine-au-Roi classé “Zone UrbaineSensible”. En 2004, un diagnostic sur le nord-est parisien met à jour une forte présence desactivités indépendantes de la filière livre, historiquement (fondeurs, typographes, impri-meurs) et plus récemment, d’une nouvelle génération “rive droite” de libraires, d’éditeurs,de créateurs et d’indépendants. L’association repositionne alors son action pour la rendreplus pertinente vis-à-vis des besoins économiques de son territoire. Une enquête socio-économique menée par l’Université Paris 13, nous conduit à spécialiser nos activités d’appui, notamment en créant une activité de formation.

La pépinière, un modèle évolutifAu démarrage de Fontaine O Livres, le local, proposé par la Semaest dans le cadre de sesmissions de revitalisation commerciale des quartiers, sert de lieu d’ancrage du projet : hébergement de l’équipe permanente, lieu d’exposition et d’animations autour du livre ouvert sur le quartier, stockage de livres. Fin 2007, pour faire face à la demande de locauxde nos adhérents, le lieu est réaménagé et des bureaux sont créés. En 2012, la pépinière héberge 5 entreprises sur 150 m², soit 12 emplois, dans des bureaux de 16 à 45 m² : deuxéditeurs (Bruno Doucey, Asphalte), deux entreprises innovantes (Immateriel, Actualitté)et une graphiste (Florence Boyer). Depuis 2008, la pépinière a ainsi hébergé 12 entrepriseset contribué à consolider ou créer 26 emplois.

Cet hébergement en pépinière profite aux entreprises qui ont moins de cinq ans d’activité,pour une durée de deux ans. Les entreprises bénéficient d’un entretien trimestriel,

permettant de suivre leur activité et de les conseiller dans tous les aspects de la vie de structure : orientation vers le réseau d’experts (aspects juridiques et comptables…), conseilstratégique, accompagnement de leur croissance par la recherche de financements.

En 2012, l’association est confrontée à une crise de croissance, ne pouvant répondre àtoutes les demandes d’entrée en pépinière, malgré la création d’un nouveau bureau. Fontaine O Livres se dirige donc vers la création d’un lieu du livre plus ambitieux, qui mêlera espaces et services collectifs, hébergement en pépinière, mais également en hôteld’entreprises plus pérenne, complété par des bureaux partagés pour les indépendants de lafilière.

Comment instaurer des liens entre professionnels ?La mise en œuvre d’une dynamique de réseau entre professionnels ne se décrète pas, elle demande avant tout du temps. Pourtant, dans le cas du réseau Fontaine O Livres, on serapproche plus d’une démarche de création ex-nihilo d’un réseau (démarche top-down) qued’un réseau de relations pré-existantes, souvent amicales, entre entrepreneurs, qui se seraient structurées progressivement (Librest par exemple). Dans les deux cas, initier etdévelopper des liens entre professionnels demande avant tout du temps. Il n’y a pas de recette infaillible, mais on peut tenter de donner quelques repères, parmi lesquels la notionde confiance est essentielle.

Sur le plan de l’animation, une première phase de type “club” permet d’instaurer des relations de convialité. Ainsi Fontaine O Livres organise des “matinales de l’édition”,“bistrot de l’édition” et déjeuners réguliers qui favorisent la connaissance mutuelle desmembres. Il est alors nécessaire de définir précisément les objectifs communs et les conditions de sélection des nouveaux entrants. L’élaboration d’une charte pourra être utilepour se prémunir des pratiques considérées contraires à l’esprit du réseau.

Le réseau peut alors faire émerger des pratiques de mutualisation. Nous avons ainsi misen place un site collaboratif de partage d’informations sur les salons du livre ; nous organisons également une sur-diffusion collective des catalogues des éditeurs indépendantsvers les bibliothèques. La mutualisation doit aussi permettre de créer des emplois : nousavons un accord avec le cluster Paris Mix pour bénéficier de son groupement d’employeurs.

Le réseau peut enfin permettre l’élaboration de propositions commerciales collectives. Nousorganisons l’intervention de professionnels en activité dans nos formations. Nous travaillons également à la création d’une “place de marché on line” des indépendants dulivre. Cette étape pourra donner lieu à la création de structures (GIE, association) par lesprofessionnels, qui gèreront le projet en autonomie.

Ces trois stades de développement des relations d’un réseau ne peuvent se construire quedans la durée. Des ressources telles qu’un animateur de réseau dédié au conseil et à la coordination au quotidien, peuvent ainsi s’avérer indispensables. Cette fonction peut aussi passer par une forte implication des entrepreneurs, ou la mutualisation d’un lieu. L’enjeufinal est de développer des relations professionnelles de confiance, pour que la mutualisa-tion ne soit pas un mot creux mais un véritable vecteur d’économies d’échelle, un cataly-seur de projets collectifs qui permettent aux entreprises du livre de consolider et pérenniserleur activité.

1. Fontaine O Livres est soutenu par la Mairie de Paris et la Région Île-de-France dans le cadre de leur politiques budgétaires en faveur du développement économique, plus précisément des industries créatives et de la structuration de filières.

© Collection particulière

Et toujours l'inimitable Pellos

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Innover pour le livre

Vecteur d’évolution massive du monde du livre, les technologies numériquessemblent inviter les acteurs du secteur à repenser des modes de production et decommercialisation que l’on a longtemps pensé immuables. Tel est par exemple lecas des dispositifs de fabrication du livre qui offrent aujourd’hui des opportu-nités que n’hésitent pas à saisir nombre d’éditeurs en Midi-Pyrénées : plus de 40 % d’entre eux ont en effet recours à une impression numérique dite “à la demande” permettant la production de petites quantités d’ouvrages, voire de livres à l’unité. Pour des éditeurs indépendants, la chose est plus qu’intéressante :elle leur permet de ne pas mettre en péril leur (faible) capacité d’investissementen les dispensant d’investir dans des tirages plus importants qu’il est, de plus,coûteux de stocker dans de bonnes conditions.

Si nombre d’éditeurs privilégient pour une part de leur production des techniques d’impression traditionnelles leur permettant de choisir le papier etl’encre qui leur semblent les mieux adaptés à leurs projets, il est indéniable queles modes de e-distribution suscitent un réel intérêt. Plus de 60 % des acteursque nous avons interrogés envisagent ainsi de numériser leur catalogue afin derendre leurs ouvrages disponibles sur des plateformes comme Numilog, Eden,Lekti ou Immatériel : se présentant sous forme de fichiers “ePub” téléchargeables,ceux-ci pourront être consultés sur des “liseuses” et permettront la diffusion àbas coût d’ouvrages de “fonds” et de textes de référence pour lesquels la demande n’est pas constante et que les librairies peinent à commercialiser.

Certains acteurs du livre installés en Midi-Pyrénées font à cet égard figure de véritables pionniers, à l’instar des éditions érès (ici représentées par le témoignage de Marie-Françoise Dubois-Sacrispeyre). Pariant sur un nouveaumode de diffusion des sciences humaines et sociales, la société toulousaine est eneffet l’un des membres fondateurs (avec Belin, De Boeck et La Découverte) d’unportail CAIRN diffusant revues et ouvrages scientifiques sous forme numérique.Telle semble être également la vocation de lekti-ecriture.com, société qui n’a decesse d’explorer (depuis Albi) de nouveaux modes de commercialisation : les bibliothèques de la région et au-delà se voient ainsi offrir la possibilité de souscrire un abonnement donnant accès à la production d’une trentaine d’éditeurs.

L’avenir semble également assuré puisque nous avons pu observer la naissanced’acteurs faisant du numérique leur seul et unique environnement de travail : ces“pure players” développent des “applications” tirant pleinement parti de l’interactivité qu’offrent les nouveaux supports de lecture. Tel est le cas des Auscitains de Suki éditions (représentés dans ces pages par Claire Pichelin et Antoine Cathalau) ou de la société toulousaine Appicadabra, éditeur de “contesà toucher” comme Pinocchio. L’avancée dans le récit s’y fait en manipulantl’écran tactile d’un iPhone ou d’un iPad et nous sommes face à une édition d’unnouveau type : permettant la réalisation d’ouvrages séduisants, elle nécessite uninvestissement en terme de recherche et développement et gagnerait à intégrerdes programmes régionaux de soutien à l’innovation.

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Vers une nouvelle figure de l’éditeur Claire Pichelin et Antoine Cathalau SUKI éditions (Lectoure,32) - www.sukieditions.com

Depuis quelques mois la prospective autour du livre va bon train, souvent parsemée d'inquiétudes mais aussi d'une formidable vitalité novatrice.

En tant qu’éditeurs numériques “pure players”, notre liberté nous pousse à explorer desterritoires inconnus, et de ce fait passionnants ; nous voyons émerger de nouvelles formesde livres applications, des plus sérieuses aux plus ludiques, chacune étant une expériencesi ce n'est de langue, au moins de cognition.

Si nous avons choisi ce statut, c’est parce que nous sommes convaincus de l’importance deséditeurs, pour leur fonction d’accompagnement mais aussi de curation. Nous pensons queplus les contenus seront nombreux en ligne, plus le rôle de l’éditeur sera crucial. Par ailleurs en devenant entrepreneurs dans le secteur de l’innovation, nous avons pu intégrerdes structures d'accompagnement en Midi-Pyrénées qui nous permettent de créer des liensavec l'écosystème des nouvelles technologies existant dans la région.

Nous publions des livres homothétiques, qui s'envisagent comme une déclinaison du papier, et c'est déjà beaucoup, puisque cela constitue la littérature. Mais nous constatonsque bien souvent il n'y a pas de concurrence avec le papier. Le livre application, le livre interactif ne sont sans doute plus des livres. Par ailleurs le livre électronique est un objetautre, au devenir machinique comme l'explique Frédéric Kaplan1. Il est l'enfant du papier,mais non son double ni même son concurrent.

La question de l'interactivité y est centrale. Si aujourd'hui elle se pose pour beaucoup dansles adaptations de littérature jeunesse pour tablettes, d’autres formes sont à inventer entrel’écrivain codeur et son lecteur, nous ouvrant un champ de possibles à explorer.

Ainsi des outils tels que l’enrichissement multimédia ou la réalité augmentée offrent de nouvelles opportunités au livre. À nous éditeurs, d'inventer les liens et les usages pour créerdes écosystèmes culturels.

Nous développons plusieurs projets qui vont dans ce sens. Nous souhaitons aussi mettrece savoir-faire à disposition des maisons d’édition, que ce soit en phase de conseil (la multiplicité des possibles rend parfois le choix difficile) ou de réalisation.

Donc nous sommes éditeurs numériques parce qu'aimant le livre - la littérature, le beaulivre - nous aimons aussi l'innovation. Parce que nous pouvons par ce moyen communi-quer vers le monde et interpeler la génération née avec le numérique.

Notre travail est d’établir des ponts entre édition, audiovisuel et nouvelles technologiespour contribuer à la culture de demain.

1. Frédéric Kaplan : ingénieur français, chercheur et entrepreneur, vivant et travaillant en Suisse. Il dirige le Laboratoire des Humanités digitales de l’Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne.

© Collection particulière

Le rugby inspira très tôt les illustrateurs, (publicité, 1929)

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Pour une dynamique de territoire, structurons la filière livre !Pour les éditeurs que nous avons observés, Midi-Pyrénées ne représente pas seulement un environnement de travail : la région constitue leur principal débouché, comme en attestent les chiffres obtenus. Pour plus de 55 % d’entreeux, les ventes les plus importantes s’effectuent en effet en Midi-Pyrénées, quece soit dans le cadre de librairies ou de salons qu’ils fréquentent assidûment (plusde 92 %). Pour les éditeurs de la région, l’inscription dans le territoire qui les héberge est donc absolument cruciale et le salon Vivons livres ! à Toulouse occupeune position stratégique : massivement fréquenté (88 % de l’échantillon d’étude),et constituant pour certains le seul événement public d’importance, il attire également libraires (qui prennent en charge certains stands) et bibliothécaires,soit les prescripteurs les plus importants.

Il semble en effet essentiel de tisser avec eux des relations de qualité : contraire-ment aux idées reçues, la hâte ne paie pas et nous semblons être face à une reformulation éditoriale du Lièvre et de la tortue. Pour les éditeurs de la région,obtenir une diffusion nationale et être présents dans une multitude de points devente dans la France entière ne constitue en effet pas forcément une garantie derentrée financière ; à l’inverse, un patient travail d’implantation dans les terri-toires situés de Cahors à Foix peut offrir une intéressante assise et les éditions érèsn’hésitent pas à mettre en avant (dans l’entretien que nous reproduisons plushaut) des “relations de grande qualité avec l'Université, les grandes associationsde nos secteurs et nombre de professionnels de nos domaines à Toulouse” parvenant à compenser “notre éloignement des grands médias nationaux”.

Contre toute logique, à l’heure où les technologies numériques semblent abolirla notion même de territoire, l’édition semble devoir investir des espaces de proximité. Elle y est en effet très bien reçue comme en atteste le témoignage d’unelibraire, dont la librairie La Femme Renard est située à Montauban : dans les propos publiés ci-contre, on juge en effet “intéressants” les éditeurs qui font “ladémarche de nous contacter” afin de présenter leur ligne éditoriale. Il y a danstous les cas tout lieu d’encourager semblables échanges car peu d’entre euxnouent des partenariats (sous forme de rencontres ou de livres en dépôt) avec les librairies, alors que les liens tissés avec les bibliothèques semblent tout bonnement inexistants.

Cet état de fait semble dû à une incompréhension mutuelle bien plus qu’à un désintérêt : les éditeurs de la région mettent en avant leur méconnaissance du réseau des établissements et plus largement de la lecture publique alors que lesbibliothécaires déclarent peiner à trouver des informations sur une productionrégionale qu’ils seraient pourtant enchantés de présenter à leurs lecteurs (commeen attestent les échanges lors d’une journée consacrée à la petite édition en bibliothèque en 2006). Du point de vue de la chaîne du livre, Midi-Pyrénéesreste donc un territoire à inventer et les pouvoirs publics disposent à cette find’un outil : un “contrat de progrès” qui, piloté par la Région et l’Etat, a vocation à initier des dynamiques collectives impliquant l’ensemble des acteursde la filière livre.

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© Collection particulière

Du temps des raquettes en bois et boyau,(publicité, 1929)

Editeur-libraire : la nécessaire rencontreCaroline BerthelotLibrairie La femme renard (Montauban, 82)

Nous avons repris notre librairie depuis presque un an déjà et nous devons reconnaître queles liens avec les éditeurs de la région sont nettement perfectibles, car encore assez peu deleurs ouvrages sont présents dans notre librairie, La femme renard. Dès notre arrivée dansla région Midi-Pyrénées, nous avons obtenu un rendez-vous avec le CRL où un panoramade la petite édition indépendante régionale nous a été présenté. Nous projetions alors decontacter ceux dont le travail nous semblait convenir à notre projet, afin d'envisager aveceux un moyen d'avoir leurs ouvrages visibles dans notre librairie (commandes d’implan-tation, dépôts). Le temps nous a hélas jusqu'à présent manqué pour aller plus loin, et nousavons remis ce projet à la rentrée 2012.

Pour autant, nous travaillons tout de même déjà avec des éditeurs de la région. Je ne m'attarde pas sur les éditeurs qui sont distribués par des diffuseurs importants : les représentants mettent toujours l'accent sur les productions de ces éditeurs ; nous avonsdonc bon nombre de leurs ouvrages en rayons, essentiellement en littérature, jeunesse, essais et pratique. Plus intéressants sont les éditeurs qui ont fait la démarche de nouscontacter. Chacun nous a présenté sa ligne éditoriale, envoyé son catalogue et parfois desspécimens : nous avons échangé sur la pertinence d'avoir leurs ouvrages chez nous, comptetenu de notre clientèle, et discuté des conditions commerciales. Cela nous a permis d'abou-tir parfois à des commandes de mises en place, et dans tous les cas de mieux connaîtrepetit à petit l'offre régionale. Enfin, même s'ils sont moins nombreux, c'est avec ceux quenous avons rencontrés “en personne” que nous travaillons le mieux.Le premier cas de figure évident est l'éditeur que je qualifie de “local” (basé à Montaubanou en sa périphérie). Chacun a choisi de venir nous présenter sa production, et pour chaquenouveauté. Nous avons bien sûr une partie de ces ouvrages en rayon, plus ou moins consé-quente en fonction de l'adéquation avec notre fonds et notre clientèle et en fonction desconditions commerciales (commandes en ferme ou en dépôt).Le second cas de figure est l'éditeur de la région qui fait l'effort de venir nous rencontrer et dese rendre compte de la pertinence de la présence ou non de ses ouvrages dans certains rayons.Dans les deux cas de figures d'éditeurs s'étant déplacés, nous avons choisi de mettre leursouvrages en avant dans la librairie, en termes de présentation, mais aussi d’organisationd’animations spécifiques, avec une soirée “carte blanche” qui leur était dédiée, où ils sonteux-mêmes venus présenter leur catalogue à notre clientèle. Ce type de rencontres a, jepense, une influence sur la connaissance auprès du public de la diversité et de l'importancede la production éditoriale régionale, encore mal connue à Montauban.

Enfin, et peut être fallait-il commencer par-là, nous avons, dès le mois de novembre dernier, participé en tant que libraires au salon Vivons Livres ! en tenant pour l'une de nousle stand d'un éditeur de la région, et pour l'autre en aidant sur le stand tenu par l'Alimp(Association des libraires indépendants en Midi-Pyrénées) : cela nous a permis de discuter avec un certain nombre d'éditeurs régionaux, et permis de communiquer sur notrereprise et nouer certains contacts. Nous serons d'ailleurs de nouveau présentes à l'édition2012, et comptons bien continuer de tisser des liens et des partenariats avec le paysageéditorial régional...

© Collection particulière

Affiche du Mécano de La General,version russe (1927)

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Midi-PyrénéesUne filière livre malgré elle

Jean-Noël Soumy Conseiller Livre et Lecture, Direction régionale des affaires culturelles, Midi-Pyrénées

La région Midi-Pyrénées compte un nombre important d’éditeurs, et ce depuisl’explosion des “petits éditeurs en région” du début des années quatre-vingt ;cette édition a été aidée pour ses publications, par l’Etat et la Région Midi-Pyrénées dés la création du Centre Régional des Lettres en 1984. On a assistéalors à une consolidation progressive des techniques éditoriales et des méthodesde gestion, vers une professionnalisation de plus en plus grande, pour des ouvrages d’une qualité de plus en plus visible. Cependant, beaucoup d’entreeux n’ont pas atteint une taille critique, où le volume de nouvelles publicationspermet de refinancer les projets, rendant l’éditeur moins tributaire des aides externes. Par ailleurs, beaucoup de ces éditeurs sont des éditeurs au créneauétroit, fonctionnant sur un segment particulier du champ de la connaissance ; ilest à noter une caractéristique étonnante de l’édition régionale : la très faibleprésence, à de rares exceptions près, de la littérature contemporaine dans lesprogrammes éditoriaux régionaux : cela implique une difficulté plus grande pourles auteurs régionaux à se faire éditer ; d’autre part, l’augmentation de la visibilité des éditeurs sur le territoire profiterait aux auteurs.

Parallèlement s’est posé le problème crucial de la diffusion et de la distribution :après l’expérience douloureuse au début des années 80 de “Scribe”, diffuseur interrégional, et d’autres aventures peu concluantes (Distique...), seul le recoursà un diffuseur-distributeur national s’est avéré une solution acceptable, avec,pour beaucoup, l’inconvénient d’être un petit, passant souvent après les“grands”. La diffusion-distribution est globalement pour moitié professionnelleet pour moitié gérée en direct par les responsables des maisons d’édition (salonslocaux, dépôts), ce qui est très consommateur en temps et en énergie pour un résultat souvent aléatoire.

La difficulté principale a toujours été de toucher durablement le public régional :la région Midi-Pyrénées dispose d’un tissu dense mais fragile de librairies, quiassurent un maillage satisfaisant du territoire. Même si la politique éditoriale debeaucoup d’éditeurs vise la plus grande universalité possible, afin d’atteindre ladiffusion nationale, leur présence dans la plupart des librairies régionales est fai-ble, sinon inexistante : il existe pourtant un public, le succès grandissant dusalon des éditeurs de Toulouse initié par le CRL en est un témoignage. Si les éditeurs régionalistes sont assez présents dans les librairies de proximité aveclesquelles ils ont tissé des liens, la production des éditeurs non-régionalistes estignorée ; ces librairies de proximité jouent pourtant un rôle qui dépasse la simple diffusion des livres. On assiste à un développement important de la librairie de proximité, en particulier en milieu rural, qui montre un regain d’intérêt pour les petites structures, où la qualité du conseil et de l’accueil primesur la richesse de l’assortiment. Cette forme de commerce, au plus près des lecteurs, se heurte encore à de lourds handicaps : la concurrence de la vente enligne et son illusoire rapidité de réaction, les coûts et les délais du transport.

À ces problèmes s’ajoute, depuis les dernières années, la faible adaptation del’édition régionale à l’irruption du numérique dans les pratiques des lecteurs :pour un éditeur spécialisé en sciences humaines qui a pris le virage vers la miseà disposition de fichiers numériques de ses publications, et quelques timides expérimentations, l’immense majorité des éditeurs ne se préoccupe pas de ce quiest l’évolution majeure de leur métier dans les prochaines années.

Malgré ses potentialités et quelques réussites marquantes, l’édition régionale abesoin d’un nouvel élan pour aborder sereinement son avenir. Parallèlement,pour s’adapter à la nouvelle donne (vente en ligne, coûts grandissants du transport, développement des grandes surfaces culturelles, demande pour lacommercialisation de produits numériques), la librairie manifeste des besoinsidentiques, en particulier en termes de formation, de visibilité et de développe-ment du chiffre d’affaires…

Chacune de ces deux professions a besoin de l’autre ; certains des domaines depréoccupation de celles-ci sont communs :

- la formation professionnelle, en laissant une grande place aux mutations technologiques (livre numérique, lecture sur support nomade ou en ligne, acquisition et commercialisation de contenus numériques),

- la maîtrise des outils informatiques (administration de sites web, recherche d’informations),

- l’aide à la professionnalisation (gestion et commercialisation, promotion, outilsd’ordre juridiques et financiers),

- le travail dans l’interprofession du livre (présentation du travail des éditeurs et des libraires auprès des bibliothécaires, création d’outils permettant le montage et la réalisation d’animations, partage d’expériences…).

Cette formation professionnelle peut s’appuyer sur les enseignements (tant initiaux que continus) du Département Archives et Médiathèque de l’UniversitéToulouse II-Le Mirail avec ses licences professionnelles “Techniques et pratiquesrédactionnelles appliquées à l’édition” et “librairie”, et son Master “Édition imprimée et électronique”. Les deux professions tireront grand profit d’une valorisation commune de le ur travail et de la mise en place de boites à outils com-munes et d’une réflexion sur l’évolution des publics et des pratiques de lecture.

Devant la fragilité des acteurs de l’édition et de la librairie dans la région, ilconviendrait de mettre en place pour l’ensemble de la filière livre un “contrat deprogrès” ; pour aider au développement et à la structuration des réseaux, existants ou à créer, et des actions interprofessionnelles ; en confortant et en développant le maillage de la librairie indépendante sur le territoire, en améliorant et vivifiant les conditions de diffusion et de distribution des éditeurs,en permettant aux deux professions d’aborder les mutations technologiques en cours, ce contrat devrait permettre une aide décisive au développement économique de la filière : ainsi une meilleure répartition des aides existantes(État, Région) pourrait être trouvée.

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n Au-delà de la page

Des livres et des bébés en Aveyron

Dans les sacs de Clotilde, Laurence etPatrick, il y des albums de littératurepour la jeunesse et… des paires dechaussettes en laine ! A première vue,le lien n’est pas évident, c’est vrai.Mais pour les trois comédiens-lecteursd’Acteurs, Pupitres et Cie, ces élé-ments sont indissociables. Parce quelire à des tout-petits dans les crèches,les haltes-garderies, les relais d’assis-tantes maternelles, nécessite de bonslivres pour faire rêver et de bonneschaussettes pour garder les pieds surterre. Et quand on entre dans unestructure d’accueil pour tout-petits,on se déchausse : c’est la règle. Et c’estbien. L’humilité commence là.

C’est grâce au dispositif “Des livres et des bébés“ initié par la Mission départementale de la culture (MDC)avec le soutien du Conseil général del’Aveyron que nos trois lecteurs sillon-nent depuis le mois de mars les lieuxd’accueil de la petite enfance de Bozouls, Baraqueville, Onet-le-Châ-teau et Naucelle. Ils sont en résidence.Pas en résidence surveillée, non ! En résidence de création. Ainsi, ils béné-ficient de temps de rencontres etd’échanges réguliers avec les tout-petits et les adultes qui les accompa-gnent pour tenter, expérimenter, oserdes lectures d’albums très différentesen vue de la création de leur spectacle

Grandir. Ils peuvent ainsi confronterleurs trouvailles aux réactions d’unpublic prêt pour l’aventure… mais quisait aussi être implacable.

Le dispositif “Des livres et des bébés”existe depuis 2010 en Aveyron et repose sur des objectifs simples, maisambitieux. Tout d’abord, rendre régulière la pratique de la lecture d’albums dans les lieux de la petite en-fance. Ensuite, permettre à ces lieux debénéficier de livres de qualité. Enfin,participer à l’éveil artistique desjeunes enfants en leur proposant desspectacles de théâtre s’appuyant sur lelivre. Ces principes de base prennentracine dans les travaux réalisés par leschercheurs de l’association A.C.C.E.S.(Actions Culturelles Contre les Exclu-sions et les Ségrégations). Grâce à leursexpériences de lectures régulières auxjeunes enfants, ils ont pu établir queles moments de plaisir partagés par unadulte et un bébé autour de la languedu récit sont primordiaux pour préparerles enfants à l’acquisition du langage.

Le Conseil général de l’Aveyron, dansle cadre de sa politique culturelle, soutient financièrement les intercom-munalités et communes du départe-ment qui souhaitent prendre part audispositif. En 2012, il a octroyé unesubvention de 15 000 € à la MDC pourla mise en place de conventionnementstriennaux avec huit territoires. Durantces trois années de compagnonnage, laMDC aide ses partenaires de terrain à construire leur propre projet de territoire autour de la lecture avec lestout-petits.

La première année est consacrée à desactions de sensibilisation. Celles-ciprennent la forme d’animations lec-ture dans les lieux de la petite enfance,de rencontres-débats en bibliothèqueet d’un spectacle de théâtre destinéaux tout-petits.

La deuxième année, les propositionsont trait à la formation. Un stage réunit professionnels du livre et de lapetite enfance. Des ateliers de déco-dage d’albums permettent de croiser

les regards sur les livres destinés auxplus jeunes. Enfin, une “école du spec-tateur” tend à aiguiser le regard desprofessionnels sur le spectacle vivant.

La troisième année, la création artistique est mise à l’honneur. C’estici que nous retrouvons nos “comé-diens en chaussettes”. Dans les lieuxoù ils interviennent, ils sont attenduspar des hommes et des femmes que lapratique de la lecture avec les tout-petits questionne et inspire depuisdeux ans déjà ! Ensemble, ils ont imaginé : ici, une formation à la lectureà voix haute d’albums ; là, des lecturesrégulières avec les tout-petits ; là encore, des temps parents/enfants enprésence des artistes...

Ce travail sur la durée et en profon-deur avec les équipes de terrain estrendu possible grâce au soutien et à laprésence de nombreux partenaires :A.C.C.E.S., l’association (Z)oiseaux Livres, le réseau Lire et Faire LireAveyron, la librairie La Maison duLivre, la Bibliothèque Départementalede Prêt, la DDCSPP, la CAF… Avec cesmêmes partenaires, la MDC continue à imaginer des temps consacrés à lalecture avec les tout-petits et à élargirses publics : séminaires, journéesd’étude, observatoire des pratiques…verront le jour à la rentrée !

Avec “Des livres et des bébés”, le département de l’Aveyron fait siennela parole de Marie-Aude Murail :“Avoir la tête dans les étoiles à 3 ans,c'est avoir les pieds sur terre à 20 ans.”

Isabelle HochartDéléguée Théâtre, Livre et lecture

Mission départementale de la culture de l’Aveyron

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SÉMINAIRE “LA LECTURE DE LACRÈCHE À LA MATERNELLE”Le 19 octobre, Centre culturel de Rodez

Les livres graphiques et lestout-petitsAvec Martine Perrin, Sophie Vander Linden et Pascal Humbert.Réservation obligatoire

RENCONTRE-DÉBAT “PARTAGER UN LIVRE AVEC UN ENFANT”13 et 14 novembre, bibliothèques de Luc-La-Primaube et de Réquista

Avec Isabelle Bernard, association(Z)oiseaux-Livres

SPECTACLES• La Brouille, Théâtre des Tarabates

Du 26 novembre au 1er décembre : Réquista, Saint-Affrique, Montbazens,Lioujas et Luc-La-Primaube

• Grandir, Acteurs, Pupitres et Cie

Du 4 au 8 décembre : Bozouls, Bara-queville, Naucelle et Onet-le-Château

Renseignements : Mission départementale de la cultureService Théâtre, Livre & lecture25 avenue Victor Hugo - 12000 RodezTél. : [email protected]://www.aveyron-culture.com/mission-departementale-culture/lecture-livres-bebes.php

Intervention d’Acteurs Pupitres et Cie au Multi-accueil La Maison des bouts de choux d’Onet-le-Château

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Intervention d’Acteurs Pupitres et Cie au relaisd’assistantes maternelles Farfelune de Bozouls

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Intervention d’Acteurs pupitres et Cie au relaisd’assistantes maternelles Farfelune de Bozouls

Intervention d’Acteurs Pupitres et Cie au relaisd’assistantes maternelles Farfelune de Bozouls

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n Langue occitane

Le CIRDÒC-Mediatèca occitanaBientôt 40 ans au service du patrimoine occitan

En 1974, l'écrivain Yves Rouquette réu-nit le temps d’une exposition au muséede Béziers, les grands monuments d’uneculture alors méconnue. Le public découvre à travers manuscrits enlumi-nés, incunables, imprimés rares, leschefs-d'œuvre littéraires, scientifiqueset historiques en langue occitane. La nécessité d'une bibliothèque dédiéeà la sauvegarde et à l'étude de ce patri-moine, à la diffusion des connaissancesde la langue et de la culture occitanes,s'impose à l'esprit de nombreuses per-sonnalités du mouvement occitaniste,alors à son apogée. En 1975, le Centreinternational de documentation occi-tane (CIDO) voit le jour. L’associationreçoit immédiatement plusieurs dona-tions importantes. Elle œuvrera pendant vingt ans à la collecte et à ladiffusion auprès d'un large public del'héritage littéraire et artistique occitan,à la richesse insoupçonnée.

Afin de pérenniser la grande biblio-thèque occitane, la Région Languedoc-Roussillon et la Ville de Béziers créenten 1998, avec le CIRDÒC – Centre inter-régional de développement del'occitan – le premier établissement public dédié à une langue minorisée.Devenu l'établissement de référencepour la sauvegarde et la mise en valeurde la culture occitane, le CIRDÒC travaille aujourd’hui avec le soutien duministère de la Culture et des régionsMidi-Pyrénées, Aquitaine et Rhône-

Alpes à développer un ambitieux projet scientifique et culturel visant à faire l'inventaire du patrimoine en langue d'oc et à le rendre accessibleà tous.

Avec un budget de près de 800 000euros annuels dont plus de la moitiéprovient de la Région Languedoc-Roussillon, le CIRDÒC est un cas rareen France de structure professionnelleentièrement dédiée à une langue dite“régionale”. L'enrichissement et la valorisation de ses collections patrimo-niales – plus de 100 000 œuvres, documents et objets du XIIIe siècle ànos jours – fait partie des missions prioritaires du Centre. Il assure également dans ses locaux à Béziers lefonctionnement d'une médiathèquepublique intégralement consacrée àl'étude et à la découverte de l'occitan,proposant en libre accès plus de 5 000livres, revues, CD, partitions et DVD.Depuis la signature de la premièreconvention de pôle associé avec la Bibliothèque nationale de France pour la valorisation du patrimoine documentaire occitan, les activités du CIRDÒC se tournent de plus en plus vers les projets de coopérationavec les bibliothèques, archives, musées, associations et collectivités qui souhaitent mettre en valeur leurpatrimoine. Chaque année, plus de 50 projets de coopération sont menésdans l'ensemble des régions

“occitanes”. Le CIRDÒC a organisécette année une vingtaine de rencon-tres littéraires et deux expositions dans le cadre du grand festival Estivada de Rodez en 2012.

Depuis 2011, l'établissement développela médiathèque numérique OCCITA-NICA (www.occitanica.eu), qui donneaccès au patrimoine écrit numérisé parle CIRDÒC et ses partenaires. On ytrouve aussi de nombreux médias enlangue occitane ou d'initiation à cetteculture : enregistrements sonores, filmsdocumentaires, expositions virtuelles...À l'instar de la médiathèque occitane“physique” de Béziers, la médiathèqueen ligne, actuellement alimentée par les ressources numériques du CIRDÒC, propose de nombreux services interactifs : guichet question-réponse, numérisation à la demande,outils de recherche, bases de donnéesspécialisées. Si le soutien des régionsdoit permettre en 2012 de donner accès aux collections numérisées de nombreuses institutions et biblio-thèques, le CIRDÒC travaille déjà en Midi-Pyrénées avec les nombreux établissements concernés par le patrimoine occitan, parmi lesquels la Bibliothèque municipale de Toulouse,la Bibliothèque inter-universitaire, leConservatoire occitan des musiques et danses traditionnelles, le Collèged'Occitanie ou CORDAE-La Talvera,afin de soutenir la numérisation des collections, la production et le référencement de ressources culturellesnumériques.

Dans le domaine du patrimoine écrit, le CIRDÒC travaille avec le Centre Régional des Lettres et la DRAC Midi-Pyrénées à réaliser l'inventaire desfonds documentaires occitans conser-vés dans la région afin de préparer lesprochaines campagnes de numérisation.

Après avoir été le premier conserva-toire de la culture écrite occitane, leCIRDÒC-Mediatèca occitana tend à devenir aujourd'hui une tête de réseaupour les nombreuses institutions et associations qui œuvrent localement à la reconnaissance du patrimoine culturel en langue occitane, par-delà lesfrontières administratives.

Benjamin AssiéConservateur, CIRDÒC

Contact : Lo CIRDÒC - Mediatèca occitana1 bis boulevard Du-Guesclin

B.P. 180 - 34 503 BéziersTel. : [email protected]

www.locirdoc.fr

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Médiathèque occitaneaccès libre, du lundi au vendredi de 10h à 18hServices à distance : médiathèque numé-rique, reproduction de documents, guichetquestion-réponse, bibliographie occitane,répertoire des fonds sur www.occitanica.eu

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n Edition

Sept ans, voilà sept ans qu’est sortinotre premier livre, L’Ariège cycliste,qui portait en germe nos deux orienta-tions éditoriales : le sport et les Pyrénées.Au préalable, j’avais co-fondé les éditions Mare nostrum à Perpignanavant de rejoindre Toulouse, ce quim’avait donné un avant-goût des déliceset difficultés de l’édition en région.

Après avoir été correcteur dans la pressequotidienne puis dans la presse maga-zine, je décidais de me lancer dans l’édi-tion en prenant la casquette d’auteurpour ce premier livre destiné à ouvrir laporte à d’autres manuscrits. Le fait que ma compagne soit graphiste-maquettiste s’est d’emblée avéré pré-cieux. Nous sommes donc deux pourtraiter le maximum d’aspects du livreen interne, ce qui est vital pour une petitestructure. Sans compter que nous tra-vaillons aussi pour d’autres éditeurs enmaquette et en correction pour fairedurer le plaisir d’éditer.Car il y a un réel plaisir à éditer, surtoutquand on fait face au regard émerveilléd’un auteur découvrant son premierlivre. Ce rapport charnel à l’objet livren’a pas été la moindre de mes surprisesni le moindre de mes plaisirs.

Tirer le sport du côté de la littératureC’est d’abord dans l’univers du véloque nous avons bâti notre catalogue.Le fait que je sois moi-même “vaccinéau rayon de bicyclette” a facilité lescontacts avec les Jean Bobet, Antoinede Caunes, Jean Durry, Paul Fournel,Serge Laget ou encore Jacques Seray –tous gens bien nés dans la grande famille du Cycle que nous avons publiés ou qui ont préfacé certains denos titres.

Dès ses débuts, le vélo fut plus qu’un outil de déplacement. Instru-

ment sportif générateur de mytholo-gie, il continue de stimuler la plume degrands auteurs et invite au voyage et àla réflexion sur ce que fut l’irruptiondu sport dans la société moderne.

À la manière d’un kaléidoscope, il agardé une capacité à multiplier les regards : n’est-il pas à la fois un ins-trument géographique (récits devoyage), un témoin de l’Histoire (l’ima-gerie des congés payés de 1936) et unmoteur de la création littéraire (par le rapport qu’il entretient avec l’en-fance). D’ailleurs, peu de sports ont généré autant de littérature que le cyclisme.

Avec notre collection “Du petit véhicule”, nous essayons de tirer lesport du côté de la littérature pour le sortir du strict domaine de la performance. En témoignent le Je me souviens de Maître Jacques plus prochedu haïku que d’une page de L’Équipe,ou encore le Fignon ! excercices d’admira-tion proposé par un prof de philo fan duchampion trop tôt disparu. Si les cyclistes sont parfois un peu désarçonnés par ces approches, d’au-

tres lecteurs peuvent bénéficier de cedécloisonnement. C’est tout l’enjeu decette collection à petit prix qui ne s’interdit pas la réédition de curiositéscyclistes comme le Bicyclette et Organesgénitaux de l’inénarrable docteurO’Followell initialement paru en 1900.

Multiplier les regards sur le sportSusciter et publier des réflexions autour du sport en général répondaitaussi à un constat.

Si la culture anglophone a su depuislongtemps multiplier les regards sur lefait sportif, notamment sur les plans del’histoire et de la sociologie, en Francele domaine est encore peu exploré.D’où la difficulté des libraires à rangercertains de nos titres. Faut-il classer 14-18, le sport sort destranchées au rayon Histoire, ou faut-ille mettre au rayon Sports au côté demonographies consacrées à la vie d’unclub ou à la gloire d’un champion ?

Et que dire de notre Ubu cycliste quirassemble tous les écrits d’Alfred Jarrysur le vélo ? Un vrai casse-tête… quin’a pas empêché ce petit livre de

trouver son public et d’être traduit en Italie par un éditeur à vocation résolu-ment littéraire. Ce qui tendrait à prou-ver que l’intérêt pour le sport n’estplus tabou dans le monde intellectuel.Quel rapport entre La Légende de l’escrime – qui montre comment la pratique trop répandue du duel a étécodifiée pour limiter l’hécatombe – etÀ l’école du monde, récit de voyage cycliste d’une jeune instit à travers lemonde ? Le sport. Les regards distanciés sur le fait spor-tif sont plus rares que ceux motivéspar la nostalgie ou l’admiration, ilssont donc d’autant plus précieux. Raconter le Tour 1914 1 qui démarre lejour de l’assassinat de Sarajevo est unde ces tours de force réussis. Se pen-cher sur les rapports entretenus par lesport et la presse sous l’Occupation 2

en est un autre. Dans ces deux livres,le sport offre une grille de lecture inattendue de l’Histoire. Nous avons aujourd’hui plus de vingttitres sur le vélo et le sport en général.Au dire de notre diffuseur Pollen, onnous reconnaît même cette spécificitéen librairie.

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Le Pas d’OiseauDonner des lettres au sport et garder un œil sur les Pyrénées

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Redécouvrir les PyrénéesEn tant qu’éditeur, nous avons vitecompris qu’il fallait savoir descendredu vélo pour apprécier le paysage. En effet, si pour nous le thème dusport est bien plus qu’une niche, nousavons tout aussi vite mesuré le volumeréduit de son lectorat. Notre regards’est alors naturellement tourné versles Pyrénées et l’Ariège en particulier,ce département au cœur du massifmais quasiment oublié du monde éditorial en dépit de la richesse et dela singularité de son histoire.

Pour ce deuxième aspect de notre catalogue nous avons un fonctionne-ment assez différent.

Nous doublons la diffusion nationalemal opérante sur ces territoires plussecrets par une présence personnelleplus assidue sur le terrain. La fréquentation des libraires est riched’enseignements pour suivre de prèsla vie de nos titres et découvrir à travers leurs suggestions des pistes deréédition ou même de rencontres d’auteurs en quête d’éditeur, tout enlaissant à d’autres éditeurs mieuxarmés l’armada des guides.

Nous ne nous privons pas non plus deparler de nos projets à ces librairespour en mesurer la pertinence et parfois en ajuster le tirage.

C’est là une part de leur métier qui les sort de la gestion froide et envahis-sante du flux d’offices assenés par les grosses écuries. Les libraires apprécient d’ailleurs qu’on leur fassejouer ce rôle majeur mais délaissé parmanque de temps.

Comme il est difficile d’être partout àla fois, nous nous appuyons aussi surl’éditeur-diffuseur palois Cairn pour lapartie occidentale des Pyrénées. C’est

un complément et une ouverture nécessaires pour certains de nos titres.Je pense surtout aux livres d’AlainBourneton, auteur pyrénéiste reconnuqui nous est fidèle depuis la créationdu Pas d’oiseau. Ses livres sur l’isardet sur Gavarnie sont des titres de fondsqui nous ont donné une certaine notoriété sur les Pyrénées et même au-delà. Sa grande connaissance de labibliophilie pyrénéenne nous est d’autre part très précieuse.

La tentation du “beau livre”Sur les Pyrénées comme sur le sport,nous avons tenté l’aventure dequelques beaux livres. Et tant mieux si L’Escalier des géants3 –qui célébrait par le pastel et l’encre lecentenaire du Tour aux Pyrénées – s’estfait le miroir de nos deux facettes éditoriales.

C’est gratifiant sur le plan créatif maisnous avons dû constater que nousn’avions pas une diffusion assez efficace pour se lancer dans ce typed’ouvrages qui nécessite un tirage plusélevé pour rester à des prix de venteabordable, conjoncture oblige.

Sans s’interdire de faire du “beaulivre“, on reste prudent.De par leur situation géographique, lesPyrénées ont souvent été au premierplan dans l’histoire de la France et del’Espagne. C’est cet aspect qui s’est imposé à nous et s’est matérialisé sousforme de témoignages ou d’analysesconcernant en particulier le rôle despasseurs pendant la guerre. Mais on aimerait bien sortir de ce registre pourdonner à découvrir des facettes pluscontemporaines des Pyrénées, où lesmodes de vie ont été révolutionnés par la déprise agricole associée auxnouvelles migrations.

Et pourquoi Le Pas d’Oiseau ?“Parce que, au passage d’un col, seulle vélo sait offrir à celui qui passe à lafois la sensation du marcheur et la vision de l’oiseau.”

C’est aussi le nom qu’on donne enAriège aux toits à redans de cesgranges qui ponctuent des routes souvent délectables à bicyclette. Resteà trouver de nouveaux parcours susceptibles d’aiguiser de nouveauxregards.

Henri Taverner, Fondateur et responsable

des éditions Le Pas d’Oiseau

Contact : 176, chemin de Lestang - 31100 Toulouse

Tél. [email protected]

www.lepasdoiseau.fr

1. Le Tour de France 1914, de la fleur au fusil à la baïonnette au canon, Jean-Paul Bourgier

2. La presse et le sport sous l’Occupation,Jacques Seray

3. L’escalier des Géants, célébration du Tour aux Pyrénées,

Jean-Michel Linfort

L’ÉDITION SPORTIVE GAGNE MIDI-PYRÉNÉES…

Version originaleCréées en mai 2000, les éditions Versionoriginale publient des ouvrages sur les activités de pleine nature dans les Pyrénées (randonnée, alpinisme, escalade, VTT, raquettes, ski, ski derando...), diffusés par Cairn et RandoDiffusion.

La collection “Hors Sentier” présentedes beaux livres pratiques proposantdes itinéraires inédits dans les Pyrénées :agrémentés de somptueuses photos, de récits authentiques et de topos pratiques, ces livres s'adressent doncnon seulement aux amateurs d'évasiondans la nature mais également à tous les amoureux des Pyrénées.

Version originaleVincent Paquier, Directeur de la publication125, avenue Jules Julien - 31400 ToulouseTél. : [email protected]

Savoir GagnerCréées en 1997, les éditions Savoir Gagner sont spécialisées dans la publi-cation d’ouvrages techniques et péda-gogiques en direction des éducateurs et des entraîneurs sportifs.

Que le lecteur soit débutant ou prati-quant confirmé, encadrant ou étudiant,Savoir gagner propose des livres accessibles, concrets et exhaustifs quirépondent à ses attentes.

Pour atteindre cet objectif, cette maisond’édition collabore avec les directionstechniques nationales des différentes fédérations françaises pour trouver lesmeilleurs auteurs et offrir le meilleurcontenu qui puisse permettre au lecteursportif de bien progresser, de prendre lemaximum de plaisir dans sa pratique et, lors de ses compétitions, l’aiderà gagner...

Éditions Savoir GagnerGeorges Fernandez216, rue Henri Desbals - 31300 [email protected]

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Le projet "Les Beaux Jours" s'est enfinconcrétisé. La librairie - seule indépendanteà Tarbes - existe bel et bien depuis novem-bre 2011. Comme toutes les créations, elleest précédée d'une histoire : explications…

Une rencontreC'est à l'Espace culturel du Centre Méridien à Ibos que nous avons “faitnos armes”. Un Espace culturel plutôt atypique, tenu par des profes-sionnels qui pouvaient y exercer leurmétier de libraires, soucieux de défendre la diversité culturelle del'édition en toute autonomie. C'est làque nous nous sommes connues, quenous avons travaillé en étroite colla-boration pendant deux ans. Nousnous partagions la responsabilité dusecteur Sciences humaines en plus dedeux secteurs supplémentaires : Cuisine pour l'une et Beaux-Arts pour l'autre. Nous nous sommes rapidement découvert un même regard sur le métier, un même désir depromouvoir la création, qu'elle soitlittéraire ou graphique, une mêmeenvie de proposer un regard critiquesur la société, et la même tendance à l'éclectisme.

Un même regard, donc, mais deuxsensibilités distinctes, des centresd'intérêts différents, deux personna-lités qui, dans la pratique quotidiennede notre métier, se sont révélées complémentaires.

Nous partagions également la frustra-tion de ne pas toujours pouvoir pratiquer notre métier tel que nous l'envisagions ; dans une grande surfaceculturelle, le rythme de travail, l'énor-mité des "volumes" nous éloignaienttoujours plus d'un rapport de proxi-mité, d'échange, de dialogue avec le public. Et le lieu ne se prêtait ni à lamise en valeur des livres que nous voulions défendre, ni à l'organisationd'animations culturelles. Tout nous semblait avalé par la galerie marchandeet ses "flux" anonymes.

Une rupture salvatriceL'année 2009 s'est chargée de boule-verser notre vie professionnelle : troislicenciements économiques à la li-brairie, dont celui de Florence. L'affaire a fait grand bruit à Tarbes,provoquant une forte mobilisation.Voyant les conditions de travail se dégrader, Hélène a fini par quitter lenavire en 2010.

Au fil des mois qui ont suivi ces évènements, créer une librairie indé-pendante à Tarbes est devenu uneévidence pour nous, chacune de notrecôté.

Nous vivons toutes les deux à Tarbesdepuis de nombreuses années. Nousy avons tissé des liens tant personnelsque professionnels, liens qui se sontrenforcés et étendus avec l'affaire deslicenciements.

Au cours des années, nous avons vucette ville se transformer. Avec le déclin de l'industrie, l'économie deTarbes repose désormais sur le secteurtertiaire. Mais surtout, le paysage dela librairie a été totalement modifié.Lhéris, belle librairie indépendante de centre-ville, est devenue Chapi-tre.com par le jeu des rachats. La dernière librairie indépendante - Librairie Le Pic du Midi, plutôt spécialisée dans le scolaire - a ferméses portes en 2010. Avec l'Espace culturel en périphérie, il ne restaitdonc que les chaînes pour représen-ter l'offre. Nous le déplorions toutesles deux. Dans cette ville de 50 000habitants, il y avait une place pourune librairie indépendante. Le moment était venu de la créer.

Renouer avec le concept du commerce de proximitéNotre idée était de proposer une alternative aux grandes surfaces culturelles, de rompre avec leur tendance à l'uniformisation, de sortirdes politiques de diminution desstocks et des effectifs. Nous voulions

retrouver du temps et du lien, créerun commerce culturel de qualité quis'inscrirait dans un quartier, dans laville, dans la région.

L'objectif : créer un lieu singulier,chaleureux, accueillant, convivial, enproposant une offre riche et variée, enprivilégiant le conseil personnalisé.

Nous imaginions un lieu qui nous ressemble, mais dans lequel le publicse sentirait chez lui. Un lieu d'évasion,un havre de paix, tout autant qu'un espace d'échange, de débat, deréflexion.

La genèse du projet de librairie indépendanteFormalisation et recherche de financements

Après avoir couché les bases du projet sur papier, nous nous sommesmises en quête de conseils et avonscontacté de nombreux professionnels(Centre Régional des Lettres, Centrenational du livre, DRAC Midi-Pyrénées, Association pour le déve-loppement de la librairie de création,Conseil Général, Chambre de com-merce et d’industrie, et quelques libraires indépendants de la région).Pas à pas, notre projet s'est précisé eta pris forme.Chaque rencontre a été déterminantedans l'avancée de notre création, etnous a confortées dans la vision quenous avions du rôle de la librairie indépendante.

La recherche d'informations, la préparation et la rédaction d'un dossier de présentation du projet futun travail de titan, mais une étapecruciale de sa réalisation qui nous alargement préparées à notre quotidiende libraires indépendantes. C'est à cemoment que nous avons commencé àmesurer l'engagement que nécessiteune telle démarche.Grâce à ce travail, nous avons pu bénéficier de toutes les aides à la

“Les Beaux Jours”à Tarbes Chronique du renouveau de la librairie indépendante

n Librairie © DR

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Carnet roseDeux librairies ont annoncé leur ouverture à l’automne 2012• Une librairie généraliste àLourdes créée par StéphaneVernissé : de Square ;

• Une autre librairie généraliste à Escalquens dirigée par NicoleFeries : Escalire.

Plus d’informations en temps et en heuresur www.crl-midipyrenees.fr

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création que nous avions sollicitées,prêt bancaire compris, sans difficultéparticulière, à notre grande surprise.

Recherche d’un local

Parallèlement, nous recherchions unlocal qui puisse accueillir ce lieu singulier que nous imaginions. Il fallaitaussi qu'il soit bien placé. Nous avonstrouvé, après un mois et demi de recherches, un local non loin du centre,situé sur une avenue passante.

Une ancienne boutique d'apothicairemiraculeusement préservée à travers lesdécennies : 90 m² de surface totale,comprenant une coursive en boissculpté inutilisable pour la surfacecommerciale, mais qui apportait un cachet non négligeable au lieu. Facilité de parking, proche de toutes commodités, loyer raisonnable, pro-priétaire bienveillant : nous n'avons pashésité longtemps.

Sol, électricité, peintures ont été entiè-rement refaits pour redonner tout soncharme à ce local qui avait été négligé.

Constitution et évolution du fondsAutre étape cruciale : la constitution de notre stock, qui représente un équi-libre subtil entre nos penchants personnels et ce que nous supposionsde l'attente de notre future clientèle.Entre éclectisme et exigence, une offretous publics mais qualitative et une valorisation du fonds, qui nous permettent de nous démarquer desgrandes enseignes.

La Jeunesse est chez nous le secteur leplus important, permettant ainsi de

répondre à une forte demande des enseignants et des bibliothécaires, notamment. Un secteur riche et créatifque nous aimons aussi parce que lesconseils du libraire y sont essentiels.La Littérature est également un secteurde prédilection que nous travaillonsavec passion et soif de découvertes,tourné davantage vers la littératurecontemporaine et les auteurs "culte"que vers les "classiques".Puis un rayon Sciences humaines très po-sitionné : psychanalyse et psychologieplutôt que développement personnel,des ouvrages de pensée critique très présents qui correspondent à notre clien-tèle militante autant qu'à notre désird'apporter un autre regard sur la société.Enfin, un petit secteur Pratique (cuisine et nature) et un secteur Beaux-Arts principalement axé sur les artsgraphiques, l'art contemporain, laphoto et le rock.

Cela fait maintenant huit mois que nousavons ouvert. Peu à peu, notre réseause développe, le bouche à oreille fonc-tionne, la librairie vit.Nous sommes assaillies de complimentset de propositions : on nous dit que lelieu enchante.Un attachement se crée avec notreclientèle : nous sommes toujours lespremières surprises de voir à quel pointle public est prêt à suivre nos choix :nos "best-sellers maison" sont noscoups de cœur.Nous défendons des ouvrages, des auteurs, des éditeurs qui innovent etproposent un travail de qualité, qui soignent le fond autant que la forme.Ce sont eux que nous mettons le plusrégulièrement en avant : Finitude, Gallmeister, Monsieur Toussaint Lou-verture, pour ne citer que ceux-là.

Mais nous nous efforçons de rester àl'écoute de la demande. Notre fonds ne cesse d'évoluer : nous créons de nouveaux secteurs, en diminuons d'autres, réajustons l'offre de départtout en gardant notre identité.

Ce fonds, nous ne cessons de le fairevivre par nos conseils, par sa "mise enscène" sur table ou en vitrine en créantdes thématiques, des croisements avec les nouveautés. Toujours instinc-tivement, par association d'idées, entoute subjectivité (et très très loin desétudes de merchandising).

Une politique d’animations et d’ouverturedynamiqueL'animation culturelle est un moteurqui a pris toute son importance depuisnotre ouverture : pas moins de douzerencontres en huit mois !Lectures de poésie, rencontres avec desauteurs de romans (autour de deuxcoups de cœur, notamment : OscarCoop-Phane pour Zénith Hôtel et BruceMachart pour Le Sillage de l'Oubli),conférence-débat autour des enjeux dela Bio, rencontre dans le cadre du Marathon des Mots, nous avons mêmeaccueilli une troupe de théâtre localequi a joué sa dernière création en utilisant tout notre espace, placards etcoursives compris !Ces animations se font à notre initiative, en partenariat avec les éditeurs, ou bien à l'initiative des acteurs culturels locaux qui ne man-quent pas de nous solliciter… uneautre manière de faire vivre la librairieen tant que lieu culturel et espace dedécouverte, de débat.En avril dernier, nous avons ouvertnotre blog : un outil de communicationfabuleux qui permet de relayer l'infor-mation sur notre programme d'anima-tions, de chroniquer nos coups decoeur, de partager nos humeurs, deprolonger le travail que nous faisons enmagasin et de provoquer l'envie devenir nous rendre visite.

Bilan d’étapeAujourd'hui, nous pouvons dire quenous ne sommes pas loin d'atteindrenos objectifs, malgré l'adversité.

Nous avons appris l'augmentation de laTVA au moment où nous avons ouvert ;

nous avons dû faire face, comme tout lemonde, à une baisse de la fréquenta-tion au printemps ; nous avons misé surle bouche à oreille plutôt que surl'achat d'encarts publicitaires pournous faire connaître, ce qui demandedu temps… Nous faisons l'expériencede la réalité des libraires indépendants :un commerce fragile, qu'il faut défen-dre quotidiennement avec les moyensdu bord.

D'où l'intérêt d'échanger avec d'autreslibraires indépendants et de travaillercollectivement. Nous sommes adhé-rentes à l'ALIMP (Association des libraires indépendants en Midi- Pyré-nées) et participons à un groupe de travail pour la mutualisation des ani-mations sur le réseau des librairies enMidi-Pyrénées, que nous espéronsmener à bien dans les mois qui viennent.

Les contraintes, les doutes font partiede notre quotidien. Mais nous connais-sons également de grandes joies, deséchanges d'une grande richesse, et faisons constamment de belles rencontres,encouragées par une clientèle extrême-ment attentionnée et bienveillante.Nous faisons notre métier tel que nousle concevons, et connaissons une liberté qui n'a pas de prix.

Hélène Serra et Florence Andrieu, librairesContact :

Librairie Les Beaux jours18 avenue de la Marne – 65000 Tarbes

Tél. : 05.62.34.44.69librairie.beaux-jours@orange.frwww.librairielesbeauxjours.fr

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n Médiathèques

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La médiathèque Grand MTrait d’union de la proximité

Au printemps dernier, un nouvel équipe-ment est venu compléter l’offre de lecturepublique du réseau toulousain, composédésormais de 20 bibliothèques de quar-tier, de la médiathèque José Cabanis, dela bibliothèque d’étude et du patrimoine,et d’un service de bibliobus. La médiathèque Grand M a été conçuepour faire le pont entre les quartiers de laReynerie et de Bellefontaine, entre la bibliothèque de quartier et le centre-ville,entre les professionnels de la lecture et despublics diversifiés, usagers ou non. Un pari audacieux, à la fois politique,culturel, social, mais également urbanis-tique, où l’architecture a son mot à direpour offrir proximité et convivialité …

Premières impressionsaprès ouvertureLa médiathèque Grand M a ouvert sesportes le 27 mars : ce fut un bel instant, très émouvant !Depuis de longs mois, chacun(e) travaillait pour ce moment : c’étaitl’émoi… et l’interrogation : est-ce quele public sera au rendez-vous ? Ce futun franc succès : 2 200 inscriptions endeux mois et l’accueil des publics quenous n’avions pas imaginés…

Ne nous berçons pas d’illusions : unemédiathèque qui ouvre ses portes,c’est comme le montreur d’ours sur laplace publique ou comme le cirquedans certaines places de villages esti-vaux… Demain un dur labeur nous

attend : passé l’effet d’annonce, com-ment fidéliserons-nous ce public peuhabitué aux codes des bibliothécaires.

C’est un franc succès, peut-être grâce à :Une équipe qui a réfléchi à sa placedans une médiathèque de lecture publique en quartiers sensibles ?Un organigramme aux fiches de posteadaptées, fonctionnelles ? Le bâtiment ? Une communication à l’écoute des attentes des usagers, des profession-nels des bibliothèques et des parte-naires des quartiers de la Reynerie etde Bellefontaine ?Une équipe de direction sensibilisée àun public différent ?Un projet architectural, une volontémunicipale, un fort investissement del’Europe ?C’est tout cela et bien autre chose quenous ne maîtrisons pas…

En quoi cette équipe innove ?Un médiateur multimédia de catégorieB n’est pas classique en filière cultu-relle. Il nous a paru essentiel qu’il soità égalité avec les assistants. Nous vou-lions affirmer la place des collectionsnumériques aux côtés des collectionsphysiques.

Réfléchir à quoi sert un animateur multimédia… c’est répondre : un mé-diateur sert un groupe d’usagers com-plètement différents dans ses pratiqueset ses attentes. C’est un homme ou unefemme qui accompagne des publics variés vers l'autonomie, dans les usagesquotidiens des technologies, serviceset médias numériques de la Biblio-thèque municipale à vocation régionale(BMVR) et ailleurs. C’est également unepersonne qui apporte un regard nouveau sur les ressources dématéria-lisées, un professionnel qui estconvaincu que le numérique est uneressource à part entière comme le livre,le CD et le DVD.

Une médiatrice sociale et culturelle :c’est prendre en compte que nos codesde lecture ne sont pas uniques. Unemédiatrice est celle qui fait tomber lesbarrières, qui offre des collections

matérielles ou immatérielles à tous ettoutes… sans différenciation d’âge, degenre, de culture religieuse ou autre.Son activité principale est la rencontrede l’autre, celui qui ne croit pas qu’il adroit à la culture puisqu’il ne sait pasou peu lire… C’est aussi celle qui faitle lien avec les services de l’action culturelle de la BMVR et la média-thèque Grand M, et avec tous nos partenaires du Mirail.

Une responsable “image et son” (musique et cinéma) : c’est être dans lasociété d’aujourd’hui, c’est être à l’aiseavec les addicts, les zappeurs du tout écran, c’est savoir transmettre des connaissances, qu’elles soient musicales ou cinématographiques, àchacun (e) d’entre nous ; c’est connaî-tre les nouvelles pratiques culturellesdes usagers.

Autre innovation, des outils profes-sionnels adaptés et efficients : plan-ning, fiches de poste, formation àl’accueil des publics dit difficiles enamont de l’ouverture, et des outils quiévoluent depuis.

Une médiathèque : pourquoi ?Qui voulons-nous comme lecteurs ?Ceux qui nous fréquentent déjà ? Lesséjourneurs ? Les pertubateurs ? Desados, des femmes venues d’Europe del’Est, du Sri Lanka ou du Maghreb ?

Qu’est ce qui les réunit dans ce lieu ?Le lieu chaleureux ? La presse quoti-dienne ? La machine à café ? Les 3 écrans TV ? Les postes multimédias ?L’@telier ? L’auditorium ? Les postesd’écoute ? Les collections acquisespour un public ciblé. Mais est-ce suffisant ?

Une médiathèque en quartiers sensi-bles ou ailleurs, c’est peut-être un regard différent, c’est lutter jusqu’àbannir en chacun de nous, le “bar-bare” civilisateur ; c’est accepter laculture de l’autre. Ce n’est pas inné deregarder l’autre et de se dire qu’il vanous apporter une réponse tout en diversité, ce n’est pas confortabled’être obligé de réfléchir à nos comportements, nos certitudes et

d’accepter l’autre dans toute sa com-plexité et sa complétude…

L’équipe Grand M : ce sont toutes cesinterrogations qui font grandir et c’est :un bibliothécaire, cinq assistants qualifiés de conservation (un responsa-ble jeunesse, un responsable Adultes,un responsable “image et son ”, un médiateur multimédia et enfin une médiatrice sociale et culturelle), septadjoints du patrimoine, deux agents derégulation et accompagnateurs à l’auto-mate de prêt, deux agents d’entretien,huit étudiants et… une directrice, desconservateurs, des bibliothécaires, descollègues du réseau, de la médiathèqueet de Périgord.

Par leurs regards, leur écoute, leurs attentions, leurs gestes d’amitié pro-fessionnelle, tous et toutes ont contri-bué à ce que nous puissions avancerau gré des vents même s’ils sont parfois contraires.

Martine Itier-CoeurBibliothécaire, responsable du Grand M

Contact :Médiathèque Grand M

37 avenue de la Reynerie – ToulouseTél. : 05.81.91.79.40

http://grandm.bibliotheque.toulouse.frwww.bibliotheque.toulouse.fr

Horaires d’ouvertureMardi : 10h-13h 14h-19h

Mercredi : 10h-13h 14h-19hJeudi : 14h-19h

Vendredi : 10h-13h 14h-19hSamedi : 10h-19h

Dimanche : 14h-18h

Grand M en chiffresCollections : 24 000 livres, 5 000 CD et 4 000 DVDPersonnel : 25 personnes • Surface : 1 400 m²

Coût : 6,185 millions d’euros (Mairie de Toulouse, Agence nationale pour larénovation urbaine, Région Midi-Pyrénées,

Union Européenne)

© Arthur Pequin

L'espace jeunesse : apprendre en s'amusant

De grandes chauffeuses pour le coin cinéma

© Arthur Pequin

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Une oasis au cœur d’un territoire en mutationDelphine Costedoat* - À partir de quelséléments avez-vous imaginé l’inscriptionurbaine de la médiathèque Grand M dansce quartier du Mirail ?

atelier d’architecture King Kong - La nouvelle médiathèque et son parviss’inscrivent dans un vaste projet de renouvellement urbain (projet ANRU)développé par la Ville de Toulouse.Les enjeux multiples liés à cet équipe-ment impliquaient ainsi la requalifica-tion des espaces libres, et la créationd’un symbole architectural et pro-grammatique fort. Dans ce secteur duMirail, la trame mise en place parGeorges Candilis entre 1961 et 1971 estfortement délitée : ce qui s’est construitdans le prolongement de ce très beautravail moderne est déstructuré : il étaitimportant de doter le quartier d’unnouvel équipement facteur d’identité,venant s’ajouter à ceux qui ont déjà étéréalisés ou rénovés (Centre culturelAlban-Minville, future Maison del’Image…).

Les abords immédiats de la média-thèque sont constitués d’espaces libresvégétalisés, d’immeubles de logementsde grande hauteur (10 à 14 niveaux), destyle moderne, ainsi que de maisons in-dividuelles à étages. L’espace construc-tible proposé se caractérisait d’autrepart par un certain nombre decontraintes. Les reculs réglementairesvis-à-vis des parcelles voisines et desvoiries, tout comme la présence dumétro en sous-sol, ont ainsi fortementorienté la morphologie du bâtiment.

DC - Pouvez-vous expliquer vos choix quantà cette morphologie ?

AAKK - Le bâtiment répond auxcontraintes du site d’une manièrequasi-outrancière. Le rez-de-chaussée aété conçu telle une “enceinte englo-bante”, embrassant à la fois l’édifice,un espace végétal créé autour d’unmagnolia (le patio), et la partie de

l’espace public située dans le prolonge-ment du parvis (via la constructiond’un auvent). Cette succession d’es-paces tampons, diluant la frontièreentre l’extérieur et l’intérieur, permetde dilater l’espace même de la média-thèque : la structure, ouverte sur sonenvironnement proche, se fait accueil-lante. Ce jeu d’une double enveloppequi tantôt s’écarte du noyau principal,tantôt s’en rapproche, donne une ampleur accrue au bâtiment, tout en répondant à des besoins thermiques.Cette enceinte légère, aux aspects etmatérialités contrastés, a permis decréer des entre-deux, et de gérer les apports de lumière naturelle à l’inté-rieur de la médiathèque. Dans le corpscentral de celle-ci, sont situés les ouvrages, DVD, etc. Le volume émer-gent du bâtiment suit, en plan, lesmêmes dimensions que cet espace : il en est réellement l’émanation. Ce niveau supérieur abrite les bureaux del’administration. Le traitement spéci-fique des toits terrasses correspond aufait qu’ils sont très visibles depuis leslogements situés dans les tours voi-sines, ainsi qu’à des questions de protection thermique et de perfor-mance environnementale. Nous avonspris le parti de concevoir les espaces de lecture et de travail de la médiathèquecomme des espaces clos, protégés desnuisances diverses : une médiathèqueest pour nous aussi une oasis, et tout lecontraire d’un supermarché ! Ce quin’empêche pas que les salles soient

généreusement éclairées, les fenêtrescadrant des vues distanciées sur un environnement sans réelle qualité ar-chitecturale, et ainsi dématérialisé,mais aussi sur les jardins de contem-plation, accentuant encore cette formede mise à distance ou à l’abri des rumeurs du monde… Le public et lepersonnel y restant bien sûr connectés !

DC - Le traitement du parvis permet eneffet de marquer encore davantage la pré-sence de la médiathèque dans le quartier.

AAKK - Le parvis est un élément fort duprojet. Connecté d’une manière fluideaux espaces publics environnants, ilconstitue un “écrin” magnifiant la médiathèque, mais joue aussi le rôle delieu de convivialité et de rencontreentre les usagers et les riverains. Des arbustes, envisagés comme autant de“lames” végétales, protègent les visi-teurs des vents dominants. Des bancs,des candélabres, renforcent la vocationurbaine de ce prolongement quasi-organique du bâtiment, dont la surfaceest revêtue de dalles de pierre natu-relle, mises en œuvre avec précision etdynamisme, en écho aux lignes de forceprincipales du site. Implantée à l’est duparvis, la fontaine est conçue telle unerésurgence de la rivière souterrainequi, émergeant au niveau du dallage,viendrait se déverser dans un bassinincliné au pied du bâtiment. Lesplaques de caillebotis métallique sesubstituent ici aux dalles de pierre, et

permettent de percevoir (autrement ditde voir et d’entendre) la présence del’eau bouillonnante. Occasionnelle-ment, elles libèrent des nappes debrume. L’ensemble est mis en lumière,renforçant ainsi l’aspect chaleureux etanimé du parvis. Si celui-ci reste avanttout minéral, il accueille un talus plantéd’arbres de Judée dans sa partie nord,les écrans végétaux étant constitués decyprès.

En conclusion, il est important de souligner que nous n’avons jamais eul’intention de nous inscrire en ruptureavec l’urbanisme moderne de GeorgesCandilis. Notre idée a été au contrairede puiser dans l’histoire du Mirail pourlui composer un prolongement diffé-rent, mais permettant de lier le présentet le passé : cette attitude est d’ailleursune constante dans tous nos projets.

*Delphine Costedoat est historienne de l’art, critique d’architecture

Contact :Atelier d’architecture King Kong,

72 cours du Médoc - 33300 BordeauxTél. : [email protected]

Paul MarionJean-Christophe Masnada

Frédéric NeauLaurent Portejoie

Architectes DPLG associés

© Arthur Pequin

Le parvis, trait d'union entre la médiathèque et la ville La lumière naturelle entre jusqu'au cœur des espaces de lecture

© Arthur Pequin

© Arthur Pequin

© Arthur Pequin - graphisme Julie Soistier

© Arthur Pequin

Les nichoirs : la nature est accueillie sous toutes ses formes Une signalétique ludique et non convenue Le jardin de contemplation, espace où le regard s'apaise

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n Autour du livre

Consultant spécialisé en éditiondédié à la petite et la moyenne édition

Ou comment aider un jeune éditeur à survivre dans un monde de brutes *

C'est sur un quai de métro parisienqu'un éditeur lyonnais a parfaitementdéfini la spécificité de mon travail :“En fait, tu es là pour nous décoller lenez du carreau ou plus exactement latête de l'écran”.

Mon métier consiste en effet à appor-ter aux éditeurs petits et moyens unedistance et un autre regard, que ce soit sur la production (ce qui n'est pastoujours facile car l'éditeur n'est pashomme à se remettre en cause simple-ment), sur la commercialisation ou surles moyens de donner une meilleurevisibilité à leurs ouvrages. Mon métierpeut aussi consister à trouver le bonexpert comptable connaissant bien lesarcanes de la comptabilité de l'éditionou d'apporter un éclairage différentsur un éventuel problème juridiquecar tout a déjà été inventé en termed'édition et tout reste à inventer.

Depuis 2001, je travaille en indépen-dant comme consultant spécialisé dansl'édition entièrement dédié à la petiteet à la moyenne édition. Dans un premier temps, cela s'est structuré surl'idée qu'un jeune éditeur n'a pas lesmoyens de se payer un directeur com-mercial à plein temps. Lorsque j'aicommencé à envisager cette idée de directeur commercial à temps partagé,j'en ai parlé à mon ami Lionel Hoebeke. C'est grâce à lui et à notrecollaboration que j'ai pu prendre lerisque de sauter le pas et de vivre de l'indépendance, aidé en cela parJean Baptiste Gilou qui fut avec les éditions La Sirène mon deuxièmeclient. Il s'agissait alors d'être directeur commercial éditeur.

Dans le cadre de cette mission de direction commerciale, les différentsaxes d'intervention sont :

- Gérer les rapports avec le diffuseur,de l'animation de la réunion représen-tant à la conception des argumentaires,de l'analyse des statistiques de vente à la gestion des grands comptes. L'analyse des ventes par réseaux declientéle peut ainsi permettre une diminution du taux de retours et doncune augmentation du solde de ventenette. Même si le bon diffuseur est

celui qui met le bon titre dans la bonnequantité dans le bon point de vente, ils'agit aujourd'hui de l'accompagnersans rentrer dans la stratégie de la tension mais en étant dans une vraie stratégie de partenariat.- Développer l'implantation en enseignes qui répondent au nom bar-bare de GSS (Grandes surfaces spécialisées... comprendre Fnac, Virgin, Cultura...).- Etablir des plans de promotion etmettre en place des campagnes enpoints de vente. Aujourd'hui, onconstate que les représentants s'atta-chent surtout à vendre les nouveautés,que les libraires, face à l'importance del'offre, diminuent la part du fond dansleurs magasins et sélectionnent de ma-nière de plus en plus drastique lesnouveautés qu'ils présentent. Il s'agitalors de développer des campagnesqui se feront de manière récurrente defaçon à pouvoir mettre en avant lefond de catalogue. - Le libraire est l'acteur majeur de lavente du livre. Il s'agit donc de ne paslaisser au diffuseur le seul lien entrel'éditeur et le libraire et d'installer unecommunication directe entre l'éditeuret le libraire. - Construire une programmation cohérente tant en terme de périodicité(à titre d'exemple, il n'est pas conseilléde publier une nouveauté après le 10 novembre) qu'en terme de nombrede titres (ainsi installer une collectionavec deux titres dans l'année est unehérésie.)La stratégie commerciale rejoint alorsla stratégie éditoriale.

Toutefois, rapidement, j'ai souhaité nepas rester enfermé dans ce concept dedirection commerciale et je me suistourné vers le développement. Eneffet, le jeune éditeur a souvent besoin d'un regard extérieur et d'une distance car, pour lui, tous les ouvrages qu'il édite sont les meilleurset les plus beaux et seront, à n'en pasdouter, la meilleure vente du moment.Il s'agit alors de lui apprendre à hiérarchiser sa production et à définirdes priorités.

Dans ce cadre, mon intervention peutaborder les champs suivants :- restructurer un catalogue. J'ai connuun éditeur de sciences humaines qui avait deux collections : Essais et Documents. Cela devenait un gigantesque “fourre tout”. La créationde collections “Société”, “Politique”,"Economie", "Philosophie" a permisune meilleure identification de l'éditeur en librairie ;- Rénover une collection et, éventuel-lement, modifier sa charte graphique ;- Aider l'éditeur à définir un ligne édi-toriale et faire qu'il reste dans ce cadre.En effet, il y a toujours un manuscritgénial à éditer même si c'est un romanclassique qui arrive sur le bureau d'unéditeur de livres de cuisine ou un polarécrit par le meilleur ami de la femme del'éditeur de livres pour enfant !- Enfin, mettre une politique éditorialeen perspective sur trois ans afin d'inscrire le jeune éditeur dans uneperspective de développement, qui nedoit pas forcément passer par une production accrue, mais peut être parl'exploration de nouveaux segmentsen rapport avec la spécificité de l'éditeur et/ou par le développementd'une gamme à partir d'un ou de plusieurs ouvrages déjà édités. À titred'exemple, un éditeur spécialisé dans la cuisine alternative peut se développer dans l'habitat alternatif oule bien être, restant ainsi dans le champ du livre pratique ou la notion d'alternatif et d'engagement est l'élément fédérateur.

Au côté de ces missions qui s'inscri-vent dans la durée, j'interviens souvent ponctuellement soit pour analyser une structure de catalogue etdonner des pistes de développement,soit pour évaluer la pertinence d'untype de commercialisation mais, dansle cadre de ces interventions de courtedurée, la mission principale pour laquelle l'on fait appel à mes servicesest la recherche d'un diffuseur distri-buteur et la négociation du contrat.Sur les sept pages de celui-ci, la majorité des clauses sont léonines et ils'agit surtout de s'attarder sur les cinqclauses les plus importantes. D'autre

part, il y a peu de diffuseurs distribu-teurs pertinents alors qu'il y a unnombre très important d'éditeurs. De ce fait, avoir accès aux personnesdécisionnaires chez les diffuseurs est souvent un chemin de croix pourles jeunes éditeurs.

Contrairement à ce qu'annoncentquelques oiseaux de mauvaise augure, je ne crois pas à la mort dulivre papier et à la disparition de la librairie. Même si les temps sont durset si le livre numérique est une réalitéavec laquelle il va falloir composer, lelivre tel qu'on le connait a toujours unbel avenir devant lui, particulièrementdans le livre illustré, et les libraires seront toujours les partenaires essen-tiels pour accompagner les éditeurs etles auteurs. Par contre, le marchébouge et les règles qui pilotaient notreactivité il y a vingt ans ont changé.Une pile en librairie commence àdeux, le libraire a le droit de dire“non, je n'en veux pas”, certaineschaines se tournent vers l'"hyper best-sellerisation" et la quantité de la nouveauté mise en vente à parution abaissé. Il s'agit alors pour l'éditeur dese demander dans combien et dansquel type de librairies il souhaite queson livre soit présent. Il ne s'agit plusde dire “J'en veux partout” et "il fauten mettre un maximum !” mais depenser “quel réseau et quel librairesera le plus adapté pour porter monlivre”. Aujourd'hui, l'enjeu pour lejeune éditeur est de s'adapter aux chan-gements structurels qui s'annonçent...

Pour conclure, laissons la parole à RickBass à la fin des remerciements de sonlivre “Nashville Chrome” : “L'indus-trie du livre est peut être au bord du désastre mais elle vit encore et nousprocure un plaisir intense.”

Dominique Dupuy

*Et, malheureusement, ça ne marche pas à tous les coups !Dominique Dupuis a été directeur commercial des éditionsFuturopolis de 1979 à 1986, puis des Editions Milan de 1986 à 2001. Il s'installe alors comme consultant indépendant spécialisé dans l'édition. Depuis plus de dix ans, il accompagne des maisons telles, en Midi-Pyrénées, Loubatières, Privat, ou encore Plume de carotte.Il est aussi auteur et son dernier ouvrage paru en mai 2012est Progressive Rock Vinyls aux éditions Stéphane Bachès

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Octobre 2012

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n Hommages

HOMMAGE Jean-Lucien Aguié / Jérôme Goude

Jean-Lucien Aguié, Président Fondateur de ARPO

(1916-2012)

Jean-Lucien Aguié s’est éteint le 4 avril2012.

Lors de la cérémonie qui a eu lieu levendredi 6 avril à 14h30 au Templeprotestant à Albi, beaucoup d’amis rassemblés autour de sa famille et deses proches, ont ce jour-là rendu unhommage simple et tout en émotion, àcet homme merveilleux, passeur horsnormes, qui connaissait si bien la poésie et les revues de poésie, à qui il aconsacré une grande partie de sa vie,afin de mieux les faire connaître et apprécier par un plus large public, avecce sens aigu de la rencontre et du partage qui était chez lui comme uneseconde nature. Nous avions tous deuxfondé en 1982, dans ce but et en amitié,l’association ARPO, qui célèbre cetteannée son trentième anniversaire. Il en a été jusqu’à ces toutes dernières années l’incontournable cheville ou-vrière, impressionnant par son huma-nisme, sa générosité, sa force de travail,sa fougue, son altruisme, sa ténacité,son sens aigu de l’engagement, et aussisa patience et son humilité…

Né en 1916 dans une famille de mineurs du carmausin, il était entré àl’École normale d’instituteurs de Toulouse en 1933. En 1937, sa forma-tion professionnelle achevée, il fut

nommé à Barre, petit village dans lesud-est montagneux du Tarn. Il fut titulaire de ce poste à partir de janvier1938, et le reprit en octobre 1940, aprèsson service militaire et la guerre. Il yexerça jusqu’en 1943. L’essentiel de sa carrière d’enseignant se déroula ensuite en tant qu’instituteur itinérant agricole, et animateur des CIVAM (Cen-tres d’information et de vulgarisationagricoles et ménagers), dont il fut l’undes dirigeants tant à l’échelon national(Ligue française de l’enseignement etde l’éducation permanente) que dépar-temental, au sein de la Fédération desœuvres laïques du Tarn (FOL). Syndicaliste et homme de gauche, fidèle à la pensée de Jaurès, c’est avecce même esprit militant que Jean-Lucien Aguié a mis toute sa passion etson énergie au service de la poésie etdes revues, aboutissant ainsi à créer àCarmaux en 1993 au sein du Centreculturel Jean-Baptiste Calvignac, la Bibliothèque Conservatoire des revuesde poésie qui, grâce au soutien de laVille de Carmaux, des instances culturelles départementales, régionaleset nationales, regroupe à ce jour plus de20 000 exemplaires de périodiques littéraires et poétiques de la fin du XIXème siècle à nos jours. C’était pourJean-Lucien Aguié un inestimable honneur et bonheur que sa ville nousait accordé confiance et soutien pourun projet qui lui tenait tellement à cœur. Titulaire de nombreuses distinctions civiles et littéraires, membre de la Fédération des sociétés intellectuellesdu Tarn, Jean-Lucien Aguié a publiéplusieurs poèmes et articles dans bonnombre de revues. Il n’a publié qu’unseul recueil de poèmes, intitulé Face aumonde à l’envers, chez Pierre Jean Oswald en 1977 et une nouvelle“L’homme qui avait faim”. Cette dernière a été sélectionnée en 2000 lorsde l’attribution du Prix Transfrontalierde la nouvelle brève. Elle a été publiéedans le recueil des nouvelles primées,intitulé L’échappée belle et autres nouvelles, publié par les éditions de Vignaubière à Longwy.En 2006 a paru Le Débutant, récit de sesdébuts d’instituteur, édité par le

Centre de recherche du patrimoine de Rieumontagné.Au-delà de tous nos projets en faveurde la poésie, Jean-Lucien était avanttout un ami, un immense ami, chaleu-reux éveilleur de consciences et d’esprits, dont l’absence se fait cruelle-ment sentir. Il repose aujourd’hui dansle petit cimetière de Dèzes, en cetteterre de Languedoc pour laquelle ilavait gardé amour et fidélité, sans pourautant se fermer à l’universel. C’est donc avec ferveur et respectqu’avec les amis de ARPO, nous allonspoursuivre son œuvre, cette belle utopie tournée vers le soleil dans la pluslumineuse clarté de l’esprit humain.

Gérard CathalaPrésident de ARPO

Jérôme Goude (1974-2012)

Jérôme Goude était un homme livre ;un homme qui tenait debout par les livres et vivait de leur sève.

Il lisait comme on apprivoise, commeon caresse, comme on invente, au sensoù l’inventeur d’un trésor est celui qui le découvre et en fait connaître l’existence. Il découvrait et, ensuite, ilsavait parler aux uns des livres des autres, et donner envie et mettre en appétit.

Il lisait comme on fouille, dans le touffudes papiers accumulés et des notes manuscrites répandues dans les margeset sur des feuilles. Pour un entretien, il arrivait avec ses exemplaires des livres ébouriffés, hérissés ; il ouvraitdes pistes, taillait dans la masse, osait,proposait, écoutait, la tête penchée surle côté. Il lisait têtu, il lisait pointu, affûté et goulu, affamé jusqu’à l’ivresseet jusqu’au vertige ; on le sentait capable de partir loin et on n’aurait pasvoulu le décevoir.

Plus tard, au bout de tout ce travail,après ingurgitation et rumination, on le lirait dans les pages du Matricule des Anges et on serait bien content de savoir qu’un livre pouvait être empoigné de la sorte.

Il faudrait, pour bien parler de JérômeGoude, dire sa voix à la fois pressée etpatiente, dire aussi le rire, éruptif, carnassier et très doux, comme d’enfance ressurgie ; dire qu’il notaitles rires entre parenthèses dans les entretiens.

Il faudrait dire l’élégance du corpslong, les chapeaux, la grâce pour toujours juvénile, les mains musicaleset la minceur altière des poignets, soulignée par ses gestes souples de fumeur au long cours.

Et enfin quelque chose, sous la peau,d’épuisé et d’ardent à la fois. Une ténacité, une colère, une rage, une inquiétude, une intranquillité féline,tout ce qui s’en est allé avec lui et quireste dans son sillage comme un parfumrare et doux.

Il faudrait pouvoir se souvenir plusprécisément encore. Je me souviens, jelui rends grâce d’avoir été, et d’avoirété là, et je dis, je lui dis, qu’il manque,qu’il nous manque.

Marie-Hélène Lafonécrivain

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ichelle Gros

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Sous le grand chapiteau du Hand BallToulousain, le couloir qui mène au vestiaire est toujours dans le noir. Sivous l’empruntez, comme moi, à la recherche de Jérôme Fernandez, inutilede tâtonner plus longtemps pour trouver l’interrupteur. Laissez-vous plutôt guider par une voix, la sienne.Vous l’identifierez très vite ; à quelquespas de là, le timbre est grave, le débitposé, le ton serein ; un peu couleurClaude Onesta, son mentor, qui dit de lui : “il est le capitaine de l’équipe deFrance parce qu’il personnifie toutes lesvaleurs de notre sport. Jérôme est hum-ble, disponible, fédérateur, attentionné”et, ajouterons-nous, titulaire d’un égo in-versement proportionnel à l’épaisseur deson palmarès. En un mot exemplaire.Plutôt rare par les temps qui courent !Mais comment le sportif le plus titré del’hexagone en est-il arrivé à acquérircette sagesse, cette simplicité, ce don del’empathie ?

Tout commence, à la fin des années70, dans les tribunes de La Bastide, clubde hand de la banlieue Bordelaise, oùBrigitte, sa maman, encourage son marigardien de but de l’équipe locale, tout encouvant du regard le petit Jérôme blottidans son couffin. Il n’a que quelquesmois mais dans sa toute jeune carte mémoire s’impriment déjà les cris du public, les ballons qui frappent les poteaux, les coups de sifflet de l’arbitre.Décidemment ce couffin est baladeur etquand, à son tour, maman joue sonmatch au poste de demi-centre, c’est

papa qui veille sur le petit. Entraîne-ments, matches, troisièmes mi-temps,premiers pas sur le terrain dés l’âge de 5 ans. Après le couffin, retour à la couveuse ; pas n’importe laquelle, celleréservée aux futurs champions. C’est lepassage obligé, l’apprentissage avec lesmeilleurs éducateurs de la Girondejusqu’au sport-étude de Talence. Puis direction Toulouse où Claude Onestal’entraîneur du club l’attend avec impatience, car il est l’heure de faireéclore le talent de Jérôme.

Vous connaissez la suite, entre Toulouseson premier club en 97 et le retour aubercail 15 ans plus tard Fernand (sonsurnom chez les Bleus) sera, pour fairecourt, champion de tout et plusieurs fois. De la cour de récré aux parquets olympiques en passant par les Arena deMontpellier, Barcelone, Madrid et Kiel,notre colosse au cœur tendre tendra le cou à 10 médailles (dont 7 d’or) et alignera 14 titres nationaux et Européens.A ce palmarès unique, ce petit fils d’espagnol andalou voudrait bien accro-cher un dernier titre de champion deFrance sous les couleurs toulousaines,avant peut être d’embrasser une carrièrede coach. Dans les pas de Claude Onesta ?

Trop gentil pour un tel job serait-ontenté de dire, car la plus petite des vertus est totalement incompatible avec l’exercice du management de spor-tifs de haut niveau ! “Pas forcément, réplique-t-il. Si je suis comme je suis,c’est parce que je me suis inspiré et

enrichi des gens que j’ai rencontrés surmon chemin. Je suis à l’écoute des autresau point de faire souvent le premier pasvers eux. Dans la vie comme sur le terrain, ma nature me conduit vers legroupe, la famille, la tribu, à l’image decelle que nous avons su créer en équipede France ces dernières années. Une démarche qui me permet de gagnerpresque toujours l’adhésion du groupe.C’est pour moi une forme de manage-ment. J’aime la victoire, la gloire, les médailles mais ENSEMBLE.”. En attendant, le toulousain d’adoption (qui commence à peine à signer des autographes en faisant ses courses au supermarché) se prépare à ne pas jouerle match de trop.

Pourtant, quelques semaines seulementaprès son deuxième titre olympique, lepatron des Fenix de Toulouse se sent encore une âme d’enfant, prêt à tout remettre en jeu. Un peu comme si legamin qui sommeille en lui avait un besoin vital de l’atmosphère enjouée etfraternelle de la cour de récré pours’épanouir. Question d’équilibre proba-blement pour ce champion authentiquequi se verrait bien boucler ce parcoursexceptionnel, en 2015 au Qatar, lors deschampionnats du monde.

Jean-Paul CazeneuveJournaliste sportif

© Fenix Toulouse Handball

Jérôme Fernandez : le goût des autres !