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1 Télétravail et conciliation vie privée-vie professionelle : une question de genre ? Auteur(s) : Claire Dupont, Romina Giuliano, Cécile Godfroid Affiliation(s) : Université de Mons – Institut de recherche human Org Coordonnées : 20 Place du Parc, 7000 Mons (Belgique)

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Télétravail et conciliation vie privée-vie professionelle :

une question de genre ?

Auteur(s) : Claire Dupont, Romina Giuliano, Cécile Godfroid

Affiliation(s) : Université de Mons – Institut de recherche human Org

Coordonnées : 20 Place du Parc, 7000 Mons (Belgique)

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TELETRAVAIL ET CONCILIATION VIE PRIVEE-VIE PROFESSIONNELLE :

UNE QUESTION DE GENRE ?

Le télétravail est souvent présenté comme une des solutions majeures pour concilier au mieux vie privée et vie professionnelle, notamment via une réduction des temps de trajet (Baruch, 2001) et une plus grande flexibilité et liberté dans la manière d’organiser ses journées afin de mieux se calquer sur la temporalité et les besoins de la vie personnelle et familiale (Nätti et al., 2011). Il contribuerait dès lors à réduire le conflit inter-rôle pouvant subvenir « lorsque l’individu perçoit les attentes de son rôle familial comme contradictoires avec les attentes de son (ou ses) rôle(s) professionnel(s), et viceversa” (Frone et Rice, 1987, in Grodent et Tremblay, 2013, p.120). En Belgique, le taux de télétravailleurs serait parmi le plus élevé de l’UE (taux moyen de télétravail de 20%), avec 30% de salariés qui auraient déjà pratiqué le télétravail1. En 2010, 18,8% des employés télétravaillaient alors que ce chiffre atteignait 10,6% en 2003. Le télétravail est clairement à la hausse. Si certains estiment que le nombre de télétravailleurs pourrait doubler pour 20302, Scaillerez et Tremblay pensaient en 2016 que le télétravail pourrait toucher 30% de la population active des pays de l’OCDE dans les années à venir, voire même 50% en 2017 en considérant simultanément plusieurs formes de télétravail. Dans la crise sanitaire que nous traversons depuis quelques mois, le télétravail a été une véritable bouée de sauvetage (HR Square, 2020) et pourrait, à l’avenir, prendre de l’ampleur dans un contexte sanitaire incertain. De nombreuses études scientifiques ont démontré que le télétravail pouvait favoriser la combinaison des sphères privée et professionnelle (Moore, 2006 ; Gregory et Milner, 2009 ; Dumas et Ruiller, 2014 ; Dumas, 2015 ; Galvez et al., 2020). Des adeptes du télétravail vont même jusqu’à dire que sans la possibilité de télétravailler, certains travailleurs devraient quitter leur emploi et cesser toute activité productive (Council of Economic Advisors, 2010). Le télétravail pourrait donc principalement profiter aux femmes (Huws et al., 1996 ; Hilbrecht et al., 2008 ; Aguilera et al., 2016 ; Barber et al., 2016 ; Galvez et al., 2020), étant donné qu’elles sont plus enclines que les hommes à devoir assumer à la fois des tâches professionnelles et domestiques. Il pourrait même permettre de promouvoir une meilleure égalité homme-femme (Gutek, 1983). Cependant, certains auteurs estiment que le télétravail pourrait venir accentuer le conflit entre les sphères privée et professionnelle et non l’atténuer (Kurland et Bailey, 1999 ; Doherty et al., 2000 ; Tremblay et Paquet, 2006) en rendant la frontière entre ces deux sphères plus poreuses. Cela pourrait alors laisser penser que le télétravail n’est probablement pas aussi avantageux pour les femmes que certains voudraient nous le faire croire. Il s’agirait là d’un des paradoxes du télétravail (Gajendran et Harrison, 2007) présentant des conséquences incompatibles. L’impact du télétravail sur une meilleure conciliation des vies privée et professionnelle ne serait donc pas clair (Tremblay et Paquet, 2006 ; Eurofound, 2017). Au vu de la crise sanitaire à laquelle nous sommes confrontés depuis quelques mois, l’intérêt d’une analyse genrée autour de cette thématique nous paraît d’autant plus important. Lambert et al. (2020, p.2) observent ainsi, à travers une enquête de l’INRED, que si les femmes ont

1 www.teletravailler.fr 2 https://www.rtbf.be/lapremiere/article/detail_tous-teletravailleurs-en-2030?id=10348824

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autant télétravaillé que les hommes durant le confinement, « la pratique du télétravail révèle en réalité des inégalités plus profondes de conditions de vie, qui se déploient au domicile et dans la sphère privée » et qui seraient notamment liées au sexe des télétravailleurs. Ainsi, une récente enquête (UGICT & CGT, 2020) menée en France durant le confinement nous apprend que 47% des télétravailleuses ont connu 4 heures de tâches domestiques supplémentaires à la suite de la fermeture des écoles (contre 26% des télétravailleurs), et que 36% des femmes affirment avoir connu une augmentation de leur charge de travail (les hommes sont 29% à le déclarer). De plus, 87% des femmes ont dû télétravailler tout en gardant leurs enfants, situation qui ne concerne que 76% des hommes, soit parce que les femmes vivent plus fréquemment seules avec des enfants ou que, lorsqu’elles sont en couple, leur mari continuait, malgré le confinement, à travailler sur site. De son côté, l’enquête menée par le Boston Consulting Group (2020) relève que les femmes ont consacré 15 heures par semaine de plus que les hommes aux tâches domestiques durant le confinement. Ces quelques chiffres laissent donc entendre que le télétravail ne fait pas forcément bon ménage avec la possibilité pour les femmes d’équilibrer leurs sphères privée et professionnelle, d’autant plus en période de crise. Il serait dès lors intéressant de mieux comprendre le point de vue des femmes quant à l’effet du télétravail sur leur capacité à concilier vies privée et professionnelle, mais aussi le point de vue des hommes quant à la possibilité pour les femmes de trouver un équilibre entre ces deux sphères par la pratique du télétravail. A ce stade, notre article tentera donc, de manière théorique, de répondre à la question suivante : il y a-t-il des différences de perceptions entre les hommes et les femmes quant à l’effet du télétravail sur la conciliation des sphères privée et professionnelle ? L’expérience du télétravail et de son utilisation, telle que vécue par les femmes, semble en effet un sujet encore négligé dans la littérature (Gàlvez et al., 2020) et peu étudié de manière qualitative (Guinn, 2017). Fernando et Cohen (2013) affirment ainsi que peu d’études montrent ce que les femmes font des obstacles rencontrés dans leur tentative de mieux concilier vies professionnelle et privée et comment elles arrivent à gérer leur carrière face à ces obstacles. Hilbrecht et al. (2008) soulignent eux aussi le peu d’études s’étant intéressées aux liens entre le télétravail, la conciliation des sphères privée et professionnelle et la qualité de vie. A l’heure où les pratiques de travail flexibles et les pratiques favorables à la famille ont la cote au sein des entreprises, il nous semble intéressant d’explorer davantage les perceptions développées à l’égard d’une telle pratique qui, au sortir de la crise, pourrait prendre de l’ampleur et en tout cas atteindre des niveaux supérieurs aux niveaux avant crise (HR Square, 2020). Afin de mieux étudier cette problématique, nous débattrons dans une première section de l’effet du télétravail sur la conciliation des sphères privée et professionnelle. Nous introduirons dans une deuxième section la dimension du genre dans ce débat, en abordant tout d’abord le télétravail sous la dimension du genre pour ensuite mener une analyse genrée de l’impact du télétravail sur l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Nous aborderons notamment les différences en termes de genre qui peuvent exister entre hommes et femmes que ce soit en termes des motivations à télétravailler, de l’utilisation du télétravail, de la construction et du maintien d’identité de la personne qui télétravaille ou encore des avantages et inconvénients que peut procurer le télétravail. Notre article étant théorique, nous présenterons dans une troisième section les perspectives de l’étude pratique pour finalement conclure ce papier.

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1. Le télétravail, avantage ou inconvénient pour la conciliation vie privée-vie professionnelle ?

Le télétravail peut être défini comme « le travail exercé en dehors des locaux de l’employeur, éventuellement au domicile, un éloignement permis par le recours aux technologies de l’information et des télécommunications » (Dockery et Bawa, 2018 ; Bailey et Kurland, 2002 ; Golden, 2012). Selon Blanpain et al. (2001, p.5), il s’agit du « travail effectué par un télétravailleur (salarié, indépendant, travailleur à domicile) principalement, ou pour une part importante, sur un ou plusieurs lieux autres que le lieu de travail traditionnel pour un employeur ou un client, impliquant l'utilisation de télécommunications ». Toutefois, Pontier (2014) affirme qu’au vu des multiples situations possibles impliquant l’usage du télétravail, en donner une définition générale s’avère irréalisable. Aguilera et al. (2016) se basent sur cinq caractéristiques pour définir le télétravail. Tout d’abord, un contrat de travail doit exister entre le télétravailleur et l’employeur. Ensuite, l’activité, qui aurait pu prendre place dans les locaux de l’entreprise, doit être réalisée dans un autre lieu. De plus, on se limite à une échelle locale, voire régionale. En outre, il faut également distinguer le télétravail du « travail à distance ». Enfin, le télétravail ne s’effectue pas de manière occasionnelle mais récurrente. Le terme télétravail implique donc une idée de travail à distance facilité par l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication (Sullivan, 2003). Selon Salmon (2012), il y aurait six types de télétravail. Cependant, dans le cadre de cette étude, nous nous focaliserons uniquement sur le télétravail réalisé à domicile par un salarié, qu’il soit occasionnel ou régulier étant donné que les femmes recourraient davantage à ce type de télétravail que les hommes (Eurofound, 2017). Le télétravail semble présenter de nombreux avantages pour les salariés tels qu’une autonomie accrue dans le travail offrant notamment une plus grande flexibilité et liberté dans la manière d’organiser ses journées (Schepp, 1990 ; Wilson et Greenhill, 2004 ; Greenhaus et Powell, 2006 ; Eurofound, 2017). De plus, le télétravail permettrait des économies en termes de temps et d’argent en réduisant les trajets domicile-lieu de travail (Baruch, 2001 ; Eurofound, 2017). En Belgique, le SPF Mobilité et Transports (2018) a constaté que les kilomètres parcourus pouvaient être réduits de 5 à 7% selon la distance domicile-lieu de travail des télétravailleurs. Le télétravail permettrait aussi une réduction des distractions (Kurland et Bailey, 1999 ; Wilson et Greenhill, 2004) ainsi qu’un accroissement de la productivité (Aguilera et al., 2016). En effet, selon une enquête menée par l’OBERGO (2018) sur les conditions de vie et de travail des télétravailleurs salariés en France, 86% de ces derniers jugent être plus productifs et 84% estiment avoir amélioré la qualité de leur travail. Le télétravail pourrait également permettre de répondre aux difficultés liées à la congestion urbaine (Benchimol, 1994). Mais l’avantage le plus souvent mis en avant par ses partisans est qu’il permet de réduire les problèmes de conciliation entre vie privée et vie professionnelle (Richter et Meshulam, 1993 ; Duxbury et al., 1998 ; Baruch, 2001 ; Mesmer-Magnus et Viswesvaran, 2006 ; Gajendran et Harrisson, 2007 ; Gregory et Milner, 2009 ; Dumas et Ruiller, 2014). Ceux-ci sont définis comme des « conflits inter-rôles où les exigences des rôles issus du travail et de la famille peuvent être mutuellement incompatibles » (Grodent et Tremblay, 2013, p.120), notamment en limitant la surcharge de rôle et l’interférence de rôle qui sont à l’origine des conflits entre les sphères privée et professionnelle. Dumas et Ruiller (2014) expliquent par exemple que le télétravail permet aux parents de passer plus de temps avec leurs enfants ou d’être disponibles pour des obligations familiales (Tremblay et Paquet, 2006). En effet, selon Mahfood (1992, p.222), le télétravail permet « au mari et à la femme, ainsi qu’aux enfants, de rester à proximité les uns des autres ». Le télétravail pourrait donc être considéré comme « un moyen de réguler des obligations

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privées et professionnelles » (Taskin, 2006, p.8). D’après Thomsin (2005), beaucoup de télétravailleurs demandent spontanément une plus grande flexibilité de leurs horaires. Cet accroissement de la flexibilité leur confère un plus grand contrôle. En effet, ils peuvent choisir. Certains préféreront travailler en horaire décalé pour avoir l’impression de gagner du temps, tandis que d’autres choisiront de repousser certaines tâches à plus tard dans la soirée ou même de s’en charger du week-end si besoin. La flexibilité de ces horaires de travail serait donc particulièrement appréciée dans la conciliation des sphères privée et professionnelle (Tremblay et Paquet, 2006). L’étude de l’OBERGO (2018) indique que 90% des hommes et 88% des femmes considèrent avoir une meilleure qualité de vie de famille et 84% des répondants pensent avoir un meilleur équilibre entre vie privée/professionnelle. En Belgique, d’après le SPF Mobilité et Transport (2018), 75% des répondants diraient même pouvoir mieux organiser leur travail avec les tâches ménagères et 65% y verraient des avantages familiaux. Cependant, les études scientifiques ne sont pas unanimes quant à l’idée d’une meilleure conciliation des vies privée et professionnelle grâce au télétravail. En effet, certains auteurs pensent, au contraire, que le télétravail peut être une source de conflit entre ces deux sphères et ce, pour différentes raisons. Tout d’abord, le fait de combiner des activités liées aux tâches professionnelles et domestiques sur le même lieu ainsi que la présence de matériel professionnel au domicile viennent brouiller les frontières (Gurstein, 2001). De plus, les télétravailleurs ont parfois tendance à travailler plus d’heures que les salariés présents au bureau (Baruch, 2001 ; Boswell et Olson-Buchanan, 2007 ; Nätti et al., 2011), la sphère professionnelle prenant alors le dessus sur la sphère privée. En effet, les télétravailleurs peuvent éprouver des difficultés à se déconnecter de leur travail (Bains et Gelder, 2002). D’après l’enquête menée par l’OBERGO (2018), 57% des répondants affirment travailler plus longtemps et 15% ressentent un accroissement de la charge de travail. Chung et Van den Horst (2018) notent ainsi que les managers tendent généralement à négocier avec leurs salariés une intensité du travail plus forte en contrepartie du télétravail qu’ils leur accordent. Finalement, si les membres de la famille sont présents au domicile, ceux-ci peuvent être tentés de solliciter le travailleur durant ses heures de travail. Celui-ci se trouve ainsi tiraillé entre le fait de continuer à travailler ou de répondre aux demandes de sa famille (Dumas et Ruiller, 2014). En effet, Tremblay et al. (2006, p.4) expliquent que « les membres de l’entourage ne comprennent pas toujours les limites du télétravailleur et se permettent de formuler des demandes de disponibilité qu’ils ne formuleraient pas si la personne ne travaillait pas à la maison ». Néanmoins, certains auteurs estiment cependant que ces problèmes se posent principalement lors de la mise en place des pratiques du télétravail par le salarié mais tendent à disparaître au fur et à mesure du temps (Felstead et Jewson, 2000 ; Tremblay, 2003). Différentes stratégies sont généralement utilisées par le télétravailleur pour définir des frontières claires entre les sphères privée et professionnelle et ainsi limiter les conflits entre les deux. Certains auteurs évoquent notamment la création d’un espace au sein du domicile uniquement dédié au travail (Felstead et Jewson, 2000 ; Kowalski et Sawanson, 2005). La dimension temporelle peut également être utilisée. A cet égard, Gálvez et al. (2020) montrent par exemple dans leur étude qualitative que certaines télétravailleuses utilisent une stratégie de compartimentalisation, séparant clairement le temps dévolu au télétravail et celui dévolu à leur vie familiale. Plusieurs auteurs mettent également en avant l’importance pour le télétravailleur de bien informer les membres de sa famille qu’il ne doit pas être dérangé lorsqu’il télétravaille ou encore d’établir des rituels tels que s’habiller comme si on allait travailler au bureau (Dumas et Ruiller, 2014). Fonner et Stache (2012) relèvent quatre types de signal qui permettent de favoriser la balance entre vie privée et vie professionnelle et le passage d’une sphère à l’autre : le temps, l’espace, la technologie et la communication. Ils expliquent que deux grandes

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stratégies sont généralement utilisées par les télétravailleurs : l’intégration ou la segmentation, avec chacune leurs avantages et inconvénients. La segmentation, que l’on peut associer à la stratégie de compartimentalisation évoquée par Gálvez et al. (2020), permet d’éviter de brouiller les frontières entre les deux sphères mais rend le passage d’un rôle à l’autre plus compliqué. Elle renvoie à la volonté de séparer le travail et la famille ou, en tout cas, à ce qu’une frontière imperméable soit dressée entre le travail et le hors travail (Scaillerez et Tremblay, 2016). Elle pourrait générer du stress et des conflits car le télétravailleur utilise des pratiques rigides qui pourraient laisser penser à sa famille qu’elle passe au second plan (Fonner et Stache, 2012). L’intégration, qui est l’art de faire se chevaucher les temps et les espaces de travail et de non-travail, tend à brouiller les frontières mais facilite le passage d’un rôle à l’autre (Fonner et Stache, 2012). Elle amène le télétravailleur à être plus flexible. Mirchandani (2000) explique que la littérature tend généralement à dire que les télétravailleurs doivent à tout prix maintenir les deux sphères séparées, et ce, pour trois raisons principales. Tout d’abord, cela permet d’éviter la perméabilité des rôles familiaux et professionnels que peut induire une trop grande proximité entre maison et travail et de réduire ainsi le stress s’y afférant (Foegen, 1993). Ensuite, cela permet de réduire la dépendance au travail qui peut se produire lorsque le travailleur tente d’intégrer les deux sphères (Olson et Primps, 1984). Finalement, séparer les deux sphères devrait permettre de maintenir du professionnalisme dans son travail (Atkinson, 1985). D’autres inconvénients sont associés au télétravail. Menzies (1997) explique par exemple que le travail réalisé à la maison reste parfois dans l’ombre, diminuant ainsi la visibilité des travailleurs et réduisant leur probabilité de gravir les échelons au sein de leur organisation et de progresser professionnellement (Barling 1990 ; Huws et al., 1990 ; Wilson et Greenhill, 2004 ; Bloom et al., 2013). En effet, la présence au bureau est encore souvent prise en compte pour évaluer la performance ou l’engagement de l’employé (Gálvez et al., 2020). Ainsi, selon la théorie du signal (Spence, 1973, in Konrad et al., 2012), les managers tendraient à s’appuyer sur des signaux ou qualités observables pour attribuer des promotions. Le salarié recourant au télétravail risquerait alors d’envoyer un signal négatif en termes d’implication dans l’organisation. Plusieurs études mentionnent également le risque d’isolement comme un des principaux désavantages du télétravail étant donné l’absence de contacts en face-à-face avec leurs collègues (Bailey et Kurlan, 2002 ; Dumas et Ruiller, 2014). De plus, le télétravail tendrait à augmenter le stress (Dockery et Bawa, 2018). Finalement, alors qu’un des avantages du télétravail généralement cité concerne un accroissement de la flexibilité du travailleur, cette flexibilité est généralement sacrifiée par le travailleur qui se voit en quelque sorte obligé d’établir une structure pour maintenir les sphères privée et professionnelle bien distinctes (Pearlson et Saunders, 2001 ; Fonner et Stache, 2012).

2. Le télétravail et la conciliation des vies privée et professionnelle : approche en termes de genre

2.1. Genre et télétravail

Avant de se focaliser sur les différences en termes de genre par rapport à l’effet du télétravail sur la conciliation entre vies privée et professionnelle, sujet qui nous intéresse plus particulièrement, il est important de s’attarder sur ce que la littérature nous apporte quant à l’intégration de la dimension de genre dans le télétravail.

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Le télétravail étant apparu à une période où le nombre de femmes entrant sur le marché du travail connait une croissance sans précédent (Huws et al., 1996), on comprend pourquoi ces deux thématiques ont souvent été abordées conjointement et pourquoi de nombreux auteurs ont tenté de déterminer, et ce dès la fin des années 1990 et le début des années 2000, si le télétravail pouvait limiter ou au contraire renforcer les inégalités hommes-femmes (Michandani, 2000; Tremblay, 2001). Il est cependant important de mentionner que comme la plupart de ces études ont été rédigées il y a 20 ou 30 ans, elles sont fortement influencées par les stéréotypes de l’époque. Il est donc nécessaire de replacer les résultats de ces différentes recherches dans le contexte temporel qui leur sont propres. Cependant, il faut également noter que les stéréotypes en termes de genre et les attentes sexospécifiques que ce soit envers soi-même ou envers les autres ont existé de tout temps et continuent d’exister à l’heure actuelle (Correll et al., 2007; Charles et Bradley, 2009). Ces stéréotypes sont principalement basés sur l’idée que les femmes adoptent davantage de valeurs que l’on qualifie de « communales », à savoir des qualités associées aux relations sociales telles que la serviabilité, la gentillesse et la sympathie, alors que les hommes adoptent des valeurs que l’on qualifie d’« agentiques », à savoir des qualités associées à la réalisation d'objectifs telles que l'affirmation de soi et l'agressivité (Rudman et Phelan, 2008). Ces stéréotypes sont notamment utilisés par les détracteurs des droits des femmes pour mettre en avant l’idée que ces dernières devraient se contenter d’assumer des responsabilités parentales et familiales à domicile plutôt que d’aller travailler. Ils peuvent également mener à ce que l’on appelle le « plafond de verre » , à savoir « les obstacles durables et souvent invisibles auxquels se heurtent les femmes qualifiées pour accéder aux positions professionnelles les plus élevées » (Buscatto et Marry, 2009, p.181), ou encore à une ségrégation des métiers en fonction du genre avec des métiers dits masculins (tels que pompier, policier, maçon,…) ou dits féminins (tels que aide-ménagère, infirmière, secrétaire, …). La littérature est finalement loin d’être unanime sur les effets du télétravail sur les inégalités hommes-femmes (Haddon and Silverstone, 1993 ; Dooley, 1996; Huws et al., 1996; Sullivan et Lewis, 2001). Les différents auteurs s’intéressant à ce sujet proposent des arguments en se basant soit sur le modèle de flexibilité – « flexibility model » – soit sur le modèle d’exploitation – « exploitation model » – (Sullivan et Lewis, 2001). Le modèle de flexibilité met en avant le fait que la flexibilité offerte par le télétravail doit permettre de favoriser le travail des femmes qui ont des enfants en leur apportant une solution au problème de conciliation entre vie privée et vie professionnelle auquel elles sont confrontées (Dooley, 1996) et renforcer l’intervention des hommes quant aux tâches domestiques. Comme mentionné précédemment, cet argument n’est clairement pas dénué d’éléments liés à des stéréotypes. En effet, l’idée qui se reflète au travers de cet argument est que les femmes doivent rester à domicile pour pouvoir s’occuper des enfants. Le télétravail leur offrirait donc la possibilité de s’occuper des enfants à domicile tout en travaillant. Le modèle d’exploitation, quant à lui, met en avant l’idée que le télétravail est « une façon de perpétuer l'exploitation des femmes tant au niveau du travail rémunéré qu'au niveau des responsabilités domestiques » (Sullivan et Lewis, 2001 ; Haddon et Silverstone, 1993) et ce, pour différentes raisons. Le télétravail favoriserait l’isolement social des femmes (Tremblay, 2001 ; Bailey et Kurlan, 2002 ; Wilson et Greenhill, 2004) les détachant de toute possibilité d’une représentation syndicale (Harman, 1984 ; Wilson et Greenhill, 2004), pourrait servir aux hommes d’outil de contrôle afin de surveiller leurs épouses (Silver, 1993 ; Sullivan et Lewis, 2001), et favoriserait l’exploitation des femmes qui doivent répondre à la fois aux attentes professionnelles et familiales (Sullivan et Lewis, 2001). Selon certains auteurs tels que Gurstein (2001) et Greenhill et Wilson (2006), le télétravail renforce la perception selon laquelle le domicile est un espace de ségrégation en termes de sexe. Alors que ces deux modèles peuvent sembler contradictoires, Sullivan et Lewis (2001) estiment qu’ils sont plutôt complémentaires et affirment que le télétravail favorise la possibilité pour les femmes assumant

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des responsabilités familiales de travailler mais qu’il ne peut pas à lui seul être considéré comme le moyen de rétablir l’égalité homme-femme car en permettant aux femmes de travailler à domicile, celles-ci ne peuvent pas aisément se décharger des tâches domestiques. Au-delà des études plutôt théoriques, des études empiriques se sont également intéressées à la dimension genre dans le télétravail. Selon une enquête menée par la Direction de l’Animation de la Recherche des Etudes et des Statistiques en France publiée en 2019, la proportion de femmes et d’hommes qui télétravaillent serait équivalente mais les femmes qui pratiquent le télétravail intensif (3 jours ou plus par semaine) sont sur-représentées par rapport à l’ensemble des télétravailleurs. En comparant les hommes et les femmes qui télétravaillent, Tremblay (2003) met en avant l’existence de différences en termes de sexe en ce qui concerne le type de tâches accomplies ou la fonction occupée, l’autonomie dans la prise de décision ainsi que dans l’organisation du travail, démontrant ainsi qu’il existe une ségrégation en termes de sexe sur le marché du télétravail semblable à ce qu’on retrouve sur le marché du travail traditionnel. En ce qui concerne la fonction occupée, Tremblay (2003) remarque que les hommes télétravailleurs occupent principalement des fonctions de cadres, de gestionnaires, ou de techniciens notamment dans le domaine informatique, alors que les femmes télétravailleuses occupent principalement des fonctions qui requièrent moins de compétences et qui sont moins bien payées (Phizacklea et Wolkowitz, 1995) et se consacrent surtout à des tâches de secrétariat et de traitement de texte. Tremblay et Paquet (2006) observent d’ailleurs que les hommes bénéficient plus fréquemment que les femmes d’équipements mis à leur disposition par leur employeur pour télétravailler. Pour ce qui est de l’autonomie dans la prise de décision, l’enquête de Tremblay (2001, 2003) révèle que 64% des femmes interrogées ont demandé l’accord de leur supérieur pour pratiquer le télétravail alors que 55,9% des hommes ont pris cette décision par eux-mêmes. En ce qui concerne l’autonomie dans le travail, celle-ci est également plus limitée pour les femmes que pour les hommes qui télétravaillent. En effet, Tremblay (2001) explique que les télétravailleuses en viennent à accepter des normes de productivité de 10 à 20 % supérieures à celles du bureau de peur que leur supérieur remette en question le fait qu’elles télétravaillent. Si les femmes pourraient parfois se sentir coupables de télétravailler, il semble que ce ne soit généralement pas le cas des hommes (Fonner et Stache,2012). Cela pourrait être dû, selon Gálves et al. (2020), à une culture de travail valorisant la présence physique, qui favoriserait plus les hommes, comme cela peut être le cas sur le marché du travail espagnol 2.2. Genre, télétravail et conciliation des vies privée et professionnelle

En ce qui concerne l’effet du télétravail sur la conciliation entre vie privée et vie professionnelle, le sujet sur lequel nous nous focalisons au sein de cet article, on peut également observer des différences en termes de genre. Tout d’abord, il serait plus compliqué pour les femmes que pour les hommes de maintenir ces deux sphères bien séparées. En effet, les femmes seraient moins nombreuses à disposer d’un bureau séparé pour télétravailler que les hommes (Huws et al., 1990). Or nous avons vu précédemment que la présence d’un lieu spécifique pour télétravailler était un élément essentiel pour éviter de brouiller les frontières entre la vie privée et la vie professionnelle. De plus, selon Felstead et Jewson (2000) et Gálvez et al. (2020), les membres de la famille d’une télétravailleuse seraient moins enclins que les membres d’un télétravailleur de sexe masculin à comprendre que cette dernière travaille à la maison et qu’elle ne peut donc pas prendre part aux tâches ménagères ou s’occuper des enfants. En outre, quand un homme télétravaille, c’est généralement sa conjointe qui s’occupe des enfants alors que quand c’est la femme qui télétravaille, elle doit souvent également s’occuper des enfants (Huws et al., 1990). Les femmes sont d’ailleurs plus « susceptibles de faire coïncider leurs responsabilités professionnelles avec leurs responsabilités familiales » (Huws et al., 1990 ;

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Haddon et Silverstone, 1993) alors que cela semble être le contraire pour les hommes. Fonner et Stache (2012) montrent également que les femmes doivent généralement utiliser des techniques de segmentation pour maintenir les frontières entre les deux sphères, ce qui est moins le cas des hommes pour qui les tâches domestiques ou familiales passent plutôt au second plan. Or, il est reconnu que mettre en place une stratégie de segmentation requiert généralement davantage d’efforts. L’étude de Gálvez et al. (2020) révèle que certaines télétravailleuses doivent s’engager dans « une lutte, un effort, une résistance contre un modèle de responsabilités familiales et domestiques qui leur sont attribuées - non seulement par le fait qu'elles sont présentes à la maison mais aussi par le fait d'être des femmes ». Les femmes tendraient donc à souffrir davantage que les hommes des conflits de rôle associés à leurs vies privée et professionnelle (Duxbury et Higgins, 2003). Ce recours aux techniques de segmentation par les femmes pourrait aussi s’expliquer par les motivations à télétravailler. Ainsi, le télétravail serait utilisé par les femmes principalement pour des raisons familiales et domestiques, alors que les hommes évoqueraient des raisons individuelles ou relatives au travail (Sullivan et Lewis, 2001). En effet, Haddon et Silverstone (1993) ont par exemple montré que les femmes semblent plus nombreuses que les hommes à évoquer le fait de pouvoir garder plus aisément les enfants comme une motivation à télétravailler. Il en va de même pour Ordioni (2001) qui relève que les hommes décident rarement de télétravailler pour pouvoir mieux s’occuper de leurs enfants. Dès lors, les femmes devraient être particulièrement structurées dans leur gestion des frontières entre le travail et leurs tâches domestiques, d’où leur recours à la segmentation. Les hommes en auraient moins besoin étant donné qu’ils n’organisent pas forcément leur travail autour des responsabilités domestiques (Fonner et Stache, 2012). Selon Munsch (2016, in Guinn, 2017), le fait que les collègues et managers associent la demande de télétravail des femmes à des responsabilités familiales pourrait nuire aux possibilités de promotion qu’elles pourraient recevoir, confortant dès lors la théorie du signal de Spence (1973, in Konrad et al., 2012). Le niveau de satisfaction envers le télétravail semblerait relativement semblable pour les hommes et les femmes (Tremblay, 2001). Les avantages sont également comparables pour les hommes ou pour les femmes, avec toutefois une plus grande proportion de répondants féminins mentionnant la possibilité qu’offre le télétravail pour être avec leur famille (Tremblay, 2001). En ce qui concerne les inconvénients, il n’y a également que peu de différences observées, les femmes étant juste un peu plus nombreuses à évoquer l’absence de leurs collèges (Tremblay, 2001). Finalement, afin de mieux appréhender les différences en termes de genre quant à l’effet du télétravail sur la conciliation entre vies privée et professionnelle, il est également intéressant de discuter de son effet sur la répartition des tâches domestiques entre hommes et femmes. A cet égard, Tremblay (2001) constate qu’en télétravaillant, les femmes accordent plus de temps aux responsabilités familiales, ce qui n’est pas le cas des hommes. Dans le même ordre d’idée, Dockery et Bawa (2018) montrent que lorsque c’est l’homme qui télétravaille, le télétravail n’a pas d’effet positif sur le partage des tâches ménagères. Ces auteurs relèvent tout de même un effet bénéfique sur le partage des responsabilités parentales. Sullivan et Lewis (2001) notent également que la plupart des télétravailleurs et leurs conjoints estiment que la répartition des tâches domestiques n’est pas modifiée par le télétravail, quel que soit le sexe du télétravailleur. Ainsi, si le télétravail peut être considéré de prime abord comme une pratique favorable aux familles, il n’est pas forcément équitable d’un point de vue du genre dans sa pratique quotidienne (Sullivan et Lewis, 2001, in Hilbrecht et al., 2008). Les études ne montrent ainsi pas de changement significatif dans la division du travail selon le genre lié au recours au télétravail (Hilbrecht et al., 2008). Cela pourrait sans doute être lié, de façon générale, aux priorités différentes développées selon le genre. Ainsi, même s’il a été observé que les hommes veulent accorder plus de temps à leur famille, « les femmes continuent d’accorder beaucoup

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d’importance à la famille, aux enfants, à la maison, etc. et elles doivent y consacrer du temps, alors que les hommes dédient davantage de temps à leurs activités professionnelles, étant généralement moins pris par le travail domestique et les responsabilités familiales » (Grodent et Tremblay, 2013, p.141). Cela pourrait être lié à la théorie des rôles genrés qui part du principe qu’à chaque nouvel enfant dans une famille, les femmes tendent à réduire leur implication dans le travail rémunéré et à l’accroître dans les tâches domestiques, alors que les hommes, de leur côté, augmenteraient leurs heures de travail rémunéré. Les mères assumeraient en moyenne davantage de responsabilités familiales que les pères et connaîtraient dès lors plus de conflits entre le travail et la famille que les pères (Konrad et al., 2012). Le télétravail risquerait par conséquent d’augmenter les discriminations à l’égard des femmes (Scaillerez et Tremblay, 2016) et de « réactiver l’assignation prioritaire des femmes à la sphère domestique » (Ordioni, 2001, p.12) par un brouillage des frontières entre les sphères privée et professionnelle. Cependant, Marsh et Musson (2008) sont plus optimistes par rapport à cela en montrant que lorsque c’est l’homme qui télétravaille, « le télétravail peut fournir un espace où les hommes peuvent adopter des discours émotionnels et des pratiques traditionnellement associées aux femmes, et particulièrement aux mères qui travaillent », permettant ainsi aux femmes avec des enfants de mieux pouvoir rivaliser avec les hommes sur le marché du travail traditionnel. Alors que les études sur l’effet du télétravail sur la conciliation vie privée-vie professionnelle sont relativement nombreuses et que certaines d’entre elles se sont focalisées sur l’aspect genre, peu d’études récentes se sont réellement intéressées aux différences de genre dans la perception de cet effet. Etant donné que la structure familiale s’est transformée au fil du temps (s’éloignant de plus en plus du schéma type de la mère, du père et des deux enfants), la perception des hommes et des femmes quant aux effets du télétravail sur la conciliation entre vies privée et professionnelle a également probablement évolué. Parmi les études les plus récentes, on n’en retrouve finalement que très peu qui analysent ce sujet en interrogeant à la fois les hommes et les femmes, certaines ne se focalisant que sur les femmes. L’étude de Fonner et Stache (2012) le fait néanmoins mais est plutôt de type quantitatif même si une question ouverte a également été posée dans leur enquête. Elle ne propose donc pas une analyse en profondeur qui permettrait de comprendre les perceptions à la fois des hommes et des femmes sur l’effet du télétravail sur la conciliation entre vies privée et professionnelle et sur les raisons qui permettraient d’expliquer des éventuelles différences de perception entre les genres.

3. Perspectives pour l’étude empirique

Nous sommes conscientes des limites de cet article qui reste à ce stade un article purement théorique. Débutant une recherche qualitative sur le télétravail et la question du genre au sein d’une Université en Belgique, nous souhaitions ici faire le point sur les études s’étant déjà intéressées à la question. Cela constituera un socle théorique important pour notre recherche qualitative auprès de salariés télétravailleurs et non télétravailleurs afin de comprendre leurs perceptions, notamment selon la dimension du genre, à l’égard du télétravail et de son impact sur l’équilibre vies privée-professionnelle.

Nous avons mené 42 entretiens semi-directifs au sein d’une Université belge qui a décidé, en 2015, de réglementer, via son règlement de travail, la pratique du télétravail pour son personnel administratif, technique et ouvrier3. Cette réglementation prévoit la possibilité pour les agents

3 En ce qui concerne le personnel scientifique et enseignant travaillant dans cette université, le télétravail existe mais ne fait pas l’objet de réglementation. La DRH justifie cela par le fait que de telles fonctions offrent beaucoup de liberté. Dans ce cas, l’utilisation du télétravail est à convenir avec les chefs de services.

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de niveau 1 (universitaires) contractuels ou statutaires de recourir au télétravail occasionnel pour une durée maximale de 30 jours par an (maximum 4 jours par mois). La demande de télétravail formulée par l’agent doit recevoir l’accord du chef de service. L’Université propose également le télétravail temporaire qui permet à un membre du personnel de recourir à ce type de télétravail pour raisons médicales, sociales, familiales ou circonstances exceptionnelles. La demande pour ce type de télétravail devra alors être adressée à l’Administrateur, avec accord du chef de service. Si cette demande est jugée recevable, elle sera ensuite soumise à l’accord du Conseil d’Administration. A ce jour, 121 membres du personnel administratif, technique et ouvrier sur un total de 600 ont accès au télétravail. Seuls 21 d’entre eux ne l’utilisent pas du tout.

Pour mieux comprendre le contexte dans lequel ces entretiens ont été menés, il nous semble utile de présenter brièvement le cadre juridique belge entourant le télétravail. En Belgique, le caractère volontaire est un principe de base dans l’implantation du télétravail, c’est-à-dire que l’employeur peut le proposer à son salarié qui est libre de l’accepter ou de le refuser, et inversement. Le télétravail n’est donc pas un droit pour le travailleur.

Dans le secteur privé, le télétravail régulier, également appelé structurel, est régi par la convention collective de travail n°85 (9 novembre 2005), modifiée par la CCT n°85 bis (27 février 2008). Il nécessite toujours un écrit précisant notamment la fréquence du télétravail, le ou les lieux à partir duquel ou desquels le télétravailleur exercera son activité, … . Quant au télétravail occasionnel, il est régi par la loi du 5 mars 2017 et peut être exercé en cas de force majeure, de circonstances imprévues et indépendantes de la volonté du travailleur (par exemple, grèves, intempéries, …) ou de raisons personnelles l’empêchant de réaliser son travail dans les locaux de son employeur.

Face aux inégalités potentielles que le télétravail pourrait créer entre les hommes et les femmes et que nous avons abordées précédemment, le SPF Emploi, Travail et Concertation sociale souligne que le télétravailleur, qu’il soit occasionnel ou régulier, « bénéficie des mêmes droits en matière de conditions de travail et est soumis à la même charge de travail et aux mêmes normes de prestation que les travailleurs comparables occupés dans les locaux de l’employeur 4». Il est ainsi stipulé que le télétravailleur doit bénéficier « des mêmes droits en matière de formation, possibilité de carrière, même politique d'évaluation et des mêmes droits collectifs que les autres travailleurs »5. Les droits et obligations du télétravailleur, qu’il soit occasionnel ou régulier, ne sont donc en rien modifiés par rapport à ses droits et obligations lorsqu’il travaille dans les locaux de l’entreprise qui l’emploie.

A travers nos entretiens dont nous retirerons les principaux résultats à la suite d’une analyse thématique, nous nous sommes intéressés à l’utilisation (ou) non du télétravail par nos répondants, à leurs ressentis par rapport à cette pratique, au soutien de leur employeur et chef de service et à leurs perceptions quant aux différences d’utilisation du télétravail et à ses impacts sur la conciliation vie privée-vie professionnelle selon qu’ils étaient un homme ou une femme. Notre étude empirique, qualitative et donnant la parole aux hommes et aux femmes, se différencie donc des études existantes qui sont plutôt quantitatives et qui bien souvent, ne considèrent que le point de vue des femmes. Elle pourrait ainsi contribuer à mettre à jour la littérature sur le sujet qui comporte peu d’études récentes du même type. Ayant commencé début mars, ces entretiens se sont réalisés, pour plusieurs d’entre eux, durant la période de confinement. La crise sanitaire risque donc d’avoir fortement affecté les perceptions de nos

4 https://emploi.belgique.be/fr/themes/contrats-de-travail/teletravail/teletravail-occasionnel 5 https://emploi.belgique.be/fr/themes/contrats-de-travail/contrats-de-travail-particuliers/travail-domicile-et-teletravail-0

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répondants. Elle peut cependant aussi nous éclairer sur des stratégies particulières ou des perceptions qui auraient évolué durant la crise : par exemple, les télétravailleuses qui auraient utilisé en temps normal des stratégies de segmentation (leur permettant notamment de s’isoler dans une pièce dédiée au télétravail) ont-elles pu encore y recourir une fois confinées à la maison avec leur conjoint et enfants ou sont-elles passées à des stratégies davantage liées à l’intégration ? La perception du télétravail par ses utilisateurs a-t-elle changé avec la période de confinement et si oui, cette évolution est-elle liée au sexe de nos répondants ? Nous tenterons donc dans les prochains mois d’apporter notre contribution à ce sujet.

4. Conclusion

Notre article, principalement théorique, a tenté d’approcher l’impact du télétravail sur la conciliation des vies professionnelle et privée sous la dimension du genre. Selon Eurofound (2017), la dimension du genre est essentielle à considérer dans la problématique du télétravail. Nous pensons que la crise sanitaire que nous traversons actuellement contribue à renforcer l’intérêt d’une analyse genrée dans cette thématique. Nous avons tenté de faire le point sur les études ayant analysé ces relations. Force est de constater qu’appréhender l’impact du télétravail sur la conciliation des sphères privée et professionnelle sous la dimension du genre fait notamment émerger la question de l’égalité homme-femme dans et en dehors du cadre de travail. Ainsi, d’un côté, le télétravail est perçu comme un moyen de passer plus de temps avec ses enfants et d’être disponible pour certaines obligations familiales. Dans ce sens, il affecterait plutôt positivement l’équilibre vie privée-vie professionnelle. De l’autre côté, il ressort que le télétravail constitue un réel risque, notamment pour les femmes, de brouiller les frontières entre leur vie privée et leur vie professionnelle. Ainsi, si la littérature laisse entendre que parmi les stratégies permettant d’éviter ce brouillage, la création d’un espace spécifiquement dédié au travail à la maison est importante, il ressort que les femmes sont moins bien loties que les hommes pour disposer d’un tel bureau. Le contexte actuel de crise sanitaire ne fait que confirmer ce constat : il a ainsi été observé durant le confinement qu’« en moyenne, un quart des femmes télétravaillent dans une pièce dédiée où elles peuvent s’isoler contre 41 % des hommes : la plupart du temps, elles doivent partager leur espace de travail avec leurs enfants ou d’autres membres du ménage » (Lambert et al., 2020, p.3). Si une autre stratégie consiste à prévenir sa famille de ne pas être dérangé pendant le télétravail, il ressort qu’une télétravailleuse sera davantage confrontée qu’un télétravailleur à l’incompréhension de sa famille par rapport au fait qu’elle travaille à domicile et qu’elle n’est donc pas disponible, même si elle est présente physiquement à la maison. Elle sera de plus amenée à devoir s’occuper de ses enfants pendant qu’elle télétravaille, alors que ce n’est pas le cas pour un télétravailleur dont c’est l’épouse qui s’occupera des enfants. Lambert et al. (2020) ont d’ailleurs observé que durant le confinement, les télétravailleuses étaient davantage entourées d’enfants que les télétravailleurs (48% de femmes contre 37% d’hommes). D’ailleurs, le fait de pouvoir s’occuper des enfants comme motivation à télétravailler est plus généralement mis en avant par les femmes que par les hommes. Cette motivation pourrait d’ailleurs être mal vue par les managers, ce qui pourrait nuire aux perspectives de promotion pour les femmes. Aborder la question du genre dans la relation entre télétravail et conciliation des vies privée et professionnelle laisse donc entendre que la pratique du télétravail, considérée comme une pratique favorable à la famille, risque d’accroître les conflits de rôles perçus par les femmes. Cette pratique pourrait dès lors constituer un risque dans la question de l’égalité homme-femme tant à domicile (via le partage inégal des tâches domestiques que familiales) qu’au sein de l’entreprise (via notamment les perspectives de promotion qui pourraient être plus limitées).

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Il est clair que les implications découlant de tels constats dépassent le seul cadre de l’entreprise. En effet, tant l’entreprise que la société dans son ensemble, et notamment les pouvoirs publics, sont concernées par ces constats. Dans le contexte organisationnel, une approche davantage socialement responsable pourrait éventuellement s’avérer intéressante sachant que ces considérations portant sur l’équilibre entre les vies privée et professionnelle et sur la question de l’égalité homme-femme sont des thématiques s’intégrant dans le champ de la responsabilité sociale (Barthe et Belabbes, 2016). L’entreprise et son management doivent donc être particulièrement attentifs à la façon dont les salariées pourraient vivre le télétravail tant au sein de leur domicile que dans l’entreprise. Une sensibilisation de la ligne hiérarchique aux principes de non-discrimination à toutes les étapes de carrière d’un salarié et aux dangers des préjugés relatifs aux rôles des femmes tant dans le contexte du travail que du hors travail pourraient constituer des pistes de réflexion. Cela pourrait stimuler le développement d’une culture plus inclusive qui nous semble avoir un rôle à jouer dans cette problématique. Ces constats devraient également amener l’entreprise à mieux réfléchir aux politiques d’aide qu’elle peut proposer aux familles, en incitant aussi les hommes à y recourir davantage. Cela rentre notamment dans les mesures stratégiques développées par la Commission Européenne pour assurer un équilibre entre les sphères privées et professionnelle.

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