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Ton histoire est une épopée

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L’histoire de notre hymne national.

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ÉPOPÉE

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Québec, 24 juin 1880– Bravo ! Bravo ! Les spectateurs vêtus avec élégance ne voulaient pas cesser d’applaudir, comme s’ils savaient que le Chant national qu’ils venaient d’entendre n’était vraiment pas une chanson ordinaire. – Ils adorent ça ! murmura Adolphe-Basile Routhier à l’homme assis à côté de lui. Ta musique, Calixa... Elle est parfaite ! Elle est tellement inspirante que j’ai écrit les paroles en un rien de temps. Calixa Lavallée s’efforçait de rester calme, mais il affichait un immense sourire. – Ta poésie lui convient parfaite-ment. Les spectateurs seront sûrement d’accord demain, quand ils entendront la chorale chanter les paroles. Je suis convaincu que l’hymne national que nous avons créé pour les Canadiens français sera un succès ! Même le gou-verneur général est impressionné.

Ernest Gagnon se fraya un chemin parmi la foule pour aller féliciter ses amis. – Je suis sûr que personne n’aurait pu trouver mieux que votre Chant national. Et dire que tout ça a commencé par une lettre de ce prêtre de Trois-Rivières, qui suggérait que nous ayons un hymne national pour les célébrations de la Saint-Jean, cette année. – Le père Caron jugeait qu’il devrait y avoir un concours, mais nous n’avons pas eu le temps, ajouta Gagnon. D’ailleurs, ceci est beaucoup mieux. Je ne regrette pas qu’on vous ait demandé d’écrire cette chanson. C’est magnifique ! – Les Anglais ont le God Save the Queen et le Maple Leaf Forever, dit Routhier, mais il n’y a pas de place dans leurs chansons pour nous, les Canadiens français.

TON HISTOIRE EST UNE

ÉPOPÉETexte d’Allyson Gulliver Illustrations de David Namisato

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Lavallée hocha la tête. – Ce n’est pas pour me vanter, mes amis, mais ça fait du bien de penser que nous avons un hymne qui nous appartient vraiment.

Montréal, 25 novembre 1908 Stanley Weir regardait la feuille de musique qu’il tenait à la main avec un sourire ébahi. – Je n’en reviens toujours pas, Gertie. C’est la version anglaise du Ô Canada, et c’est mon nom qui est dessus ! – Je sais bien que tu es avocat, dit sa femme en secouant la tête. Mais tu es aussi un grand poète. Tes paroles sont magnifiques. Bien meilleures que les autres traductions. – Ne sois pas trop dur avec les autres, Gertie. Ce n’est pas facile

de trouver des paroles patriotiques qui sont en même temps poétiques, répondit Weir. C’était ma façon à moi de contribuer aux célébrations du 300e anniversaire de Québec. – Tu es trop gentil, Stanley. Les autres versions étaient horribles, et tu le sais. C’est pour ça qu’elles n’ont jamais été populaires. Elles contenaient des phrases bien trop compliquées, qui n’avaient aucune poésie. En plus, la plupart de ces versions parlaient beaucoup trop de l’Empire et de la Grande-Bretagne. L’idée, c’était d’avoir un hymne national qui inclurait à la fois les francophones et les anglophones. – Et puis, conclut Gertie, c’est très satisfaisant d’avoir un hymne national qui est vraiment à nous. K

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C alixa Lavallée, qu’on voit ici, a composé la musique de notre hymne national en 1880, et Adolphe-Basile

Routhier a écrit les paroles en une seule soirée, après avoir entendu la musique de Lavallée. Cette œuvre intitulée Chant national a connu un succès immédiat au Canada français, mais les Canadiens anglais l’ont découverte seulement en 1901, quand elle a été chantée pour la première fois en public en anglais. Il y a eu au moins quatre versions anglaises du Ô Canada – une traduction fidèle des paroles de Routhier et des adaptations poétiques convenant à la musique de Lavallée. Au début de la Première Guerre mondiale, c’est la version de Weir qui était la plus répandue, et le Ô Canada commençait à être reconnu comme chant national. À la fin des années 1920,

il était chanté dans les écoles et dans la plupart des rassemblements publics. Après des dizaines de tentatives, le gouvernement a finalement adopté une loi le 27 juin 1980 pour en faire notre hymne national officiel. Et le 1er juillet 1980, le gouverneur général Ed Schreyer a tenu une cérémonie publique pour proclamer cette loi, entouré de descendants de Routhier et de Weir. Chaque fois que tu entends le Ô Canada tu devrais regarder le drapeau, s’il y en a un là où tu te trouves, enlever ton chapeau et laisser tes bras pendre le long de ton corps. Tu trouveras sur kayakmag.ca les autres versions anglaises du Ô Canada, et tu pourras y entendre une pièce de Mozart, à laquelle d’après certains, notre hymne national ressemble un peu trop…

Bibliothèque et Archives Canada

Une œuvre difficile à traduire

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