Tout Ce Qu Il Voudra t3 Sara Fawkes

Inconnu(e)

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SARA FAWKES TOUT CE QUIL VOUDRA T3 en amour comme la guerre

Traduit de langlais (Etats-Unis) par Maxime Eck

Je ddie cette histoire au Mec et ma famille, qui ont toujours t fiers de moi, mme quandjcrivais des neries !

ma merveilleuse ditrice, Delta, qui, encore et toujours, me sauve la vie !

Et ma famille largie sur un certain forum vous mritez tous dtre cits pour mavoir donn lecourage de faire ceci. Merci un million de fois !

Inconnu(e)

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1Paris brillait autant la nuit que le jour. Mais jtais trop nerveuse pour y faire attention.

Tout en regardant la ville dfiler travers la vitre de la voiture, je lissai la robe chic et chre queje portais. En ce moment, le nud que javais dans le ventre tait d aux craintes que jprouvaissur ce qui mattendait dans cette histoire et moins celles que minspirait lhomme assis ct demoi, une main possessive plaque sur ma cuisse.

peine quarante-huit heures avant, je me dbattais pour men sortir, pensant avec terreur quilsuffirait dun seul mois sans revenus pour tre la rue. prsent, je portais une tenue et dessouliers qui cotaient trois fois mes salaires prcdents, et jallais un gala de charit auquelseuls taient convis les hommes les plus riches du monde Celle que javais t me semblait des annes lumire ! Aprs une journe pendant laquelle javais d me pincer pour vrifier que jene rvais pas, je devais admettre que tout a tait bien rel.

Vous avez lair fbrile.

Ces mots prononcs dune voix douce mamenrent avaler ma salive. Incapable de lever lesyeux sur mon compagnon, je fixai sa main pose sur ma cuisse et jobservai la dcontraction aveclaquelle son pouce pais caressait le tissu de ma robe.

Je suis terrifie, avouai-je.

Je ne russis pas en dire plus tellement mes motions embrouillaient mes penses etmempchaient de rflchir convenablement. Jeremiah salua ma rponse dun vague murmure, etle silence retomba. La tour Eiffel tincelait sur lhorizon ombreux, tel un signal lumineux au-dessus de la ville anime. Mme ce spectacle ne put marracher mes ides noires.

Quel est lendroit en France que vous aimeriez visiter par-dessus tout ?

La question me dstabilisa. Je me tournai vers Jeremiah, dont les prunelles vertes taientsongeuses.

Pardon ?

Il montra les btiments devant lesquels nous passions.

La plupart des gens veulent voir la tour Eiffel, faire la route des vins ou je ne sais quoi dautreparmi toutes les possibilits quoffre le pays. Et vous ?

Jeus beau me dire quil tait bizarre de me demander a ce moment prcis, mais je nhsitaipas.

Les plages de Normandie.Ce souhait me poursuivait depuis lenfance.

Vraiment ?

Jeremiah cligna des yeux et jeus limpression que, pour une fois, je lavais dconcert. Cela me


fit sourire. Mon pre tait passionn par la Seconde Guerre mondiale, expliquai-je. Jai baign dedans

toute ma vie. Avec des films, des documentaires Il faut croire que jai t contamine.

Sil mtait douloureux dvoquer mon pre, cela avait aussi un effet cathartique tonnant.Pendant presque trois ans, javais vit de penser mes parents. Mais ces souvenirs taientagrables, et je me dtendis.

Il adorait regarder les reportages sur la chane Histoire quand on clbrait un vnementmilitaire quelconque, repris-je. Ces jours-l, ma mre le traitait de bon rien et de boulet, maiselle le laissait ses missions. Il y avait une photo de lui sur la chemine, datant de bien avant manaissance, o il posait prs dun des monuments commmoratifs dUtah Beach.

En relevant la tte, jeus le temps dapercevoir une expression curieuse, presque de lenvie, surle visage de Jeremiah avant que son masque impassible retombe. Jen restai pensive. Au nom dequoi un milliardaire pouvait-il envier ma petite existence insignifiante ?

Sa main remonta sur ma cuisse jusqu senrouler autour de ma taille. Soudain, mon patron mesouleva et mattira contre lui. Je dglutis sous ses yeux inquisiteurs, tandis que ses doigtsrepoussaient une de mes mches blondes artistiquement boucles.

Vous tes trs belle, ce soir.

Son intonation grave se rpercuta dans tout mon corps et lenflamma. Je rougis et dtournai lesyeux, mais il prit dlicatement mon menton et mobligea de nouveau le regarder bien en face. Ilscruta mes traits tout en promenant une main lgre sur mon front, puis sur ma mchoire.

Tous les hommes vont tre jaloux de moi, ajouta-t-il.

Lclat passionn qui clairait ses prunelles me coupa le souffle. Dans mon dos, son autre mainsaisit mes reins travers le tissu de ma robe tandis que ses doigts glissaient de mon visage mondcollet plongeant. Je rprimai un soupir, jouissant de ce moment, le corps tendu vers ses dsirsnon formuls.

La journe avait t un rve fou et irrel. Jeremiah mavait emmene dans quelques-unes desboutiques parisiennes les plus tendance - et les plus chres - la recherche dune tenue desoire. Il nous avait fallu trois magasins avant de dnicher ce que javais jug tre la robe longueidale. Une opinion apparemment partage par mon patron, car il lavait achete tout de suitequand il mavait vue sortir de la cabine dessayage. Le fourreau vert sans manches me donnaitlimpression dtre sexy et mettait mes courbes en valeur dune faon que je naurais jamais crupossible. Puis Jeremiah mavait entrane chez un coiffeur pour procder la suite de mamtamorphose. Pour la premire fois de ma vie, javais t maquille par un professionnel. Jauraisbeaucoup aim assister ma transformation, mais le personnel du salon sy tait oppos,mobligeant tourner le dos au miroir mural pendant toute la sance. Lorsquon mavait enfinpermis de madmirer, alors que je ne mtais jamais beaucoup souci de mapprter, javais timpressionne par le rsultat. Mes cheveux avaient t claircis en plusieurs nuances de blond, etle fard dissimulait toutes les imperfections de ma peau.

La main dans mon dos remonta jusqu ma nuque, quelle empoigna avec fermet. Jeremiahpoussa ma tte vers la sienne, et je crus quil allait membrasser. Il arrta son geste au tout derniermoment.


Dites-moi, murmura-t-il, tandis que son autre main sinsinuait sous la glissire de ma robe,mouillez-vous dj pour moi ?

Toujours , faillis-je rpondre, la gorge serre sous leffet du frlement de ses doigts lintrieur de ma cuisse. Il joua avec le haut de mes bas avant de revenir agacer mon entrejambe.

Ma tenue vert sombre avait exig une lingerie diffrente du bustier et des jarretelles blanchesofferts le matin mme par Jeremiah. Il avait choisi en personne mes sous-vtements et, de retour lhtel, avait insist pour me dnuder avant de mhabiller de ces nouveaux dessous. Lexpriencestait rvle dune sensualit torride, mme si mon patron navait formul aucune demandesupplmentaire malgr lrection qui tendait son pantalon. Mais bon, lapprobation lue dans sonregard avait rchauff dautres parties de mon corps. Il tait agrable de se sentir dsirable.

Ce souvenir accentua lembrasement que jprouvais dans la voiture. Un gmissement tnumchappa pendant que jcartais les jambes pour accueillir ses caresses insistantes. Il fit courirses doigts sur ma culotte, appuya dessus sans vraiment me toucher, et je frissonnai. Pris dunpetit rire, il recommena lopration avant de soulever le menton pour dposer un baiser sur monfront.

Jai limpression que nous allons devoir patienter, chuchota-t-il.

Il me remit ct de lui sur la banquette, et la frustration marracha un miaulement.

Mais, ce soir, ajouta-t-il, vous serez mienne.

Ces paroles lourdes de promesses me firent trembler dimpatience.

Nous quittmes la rue pour nous diriger vers un btiment illumin de toutes parts. Une fouletait assemble sur le perron et, de nouveau, je fus inquite. Jeremiah serra brivement ma cuisseet, rcuprant mon sac main pos au sol, jessayai de me dtendre. La limousine vint se garerdevant limmeuble et le chauffeur en descendit.

Lheure du spectacle tait venue, pensai-je en triturant la bandoulire de mon sac. Bien quungrand nombre dinvits soit dj entr, il en restait encore trop dehors mon got, et mon curbattait tout rompre.

La portire souvrit, Jeremiah sortit le premier pour me tendre la main. Je le rejoignis et desflashs crpitrent. Soudain, ma robe moulante et mes hauts talons me parurent presque indcents.Heureusement, le bras de Jeremiah tait solide et il mentrana sans effort travers la cohue, telleune boue de sauvetage laquelle je magrippais. Javais beau avoir lhabitude de marcher avecdes talons aiguilles, lattention quon nous portait me rendait dune maladresse stupide. Je meconcentrai pour garder mon quilibre et ne pas me ridiculiser. Quand nous parvinrent la porte,laissant les appareils photo et les journalistes hurlant derrire nous, je poussai un soupir desoulagement.

Jeremiah ne mavait pas renseigne peut-tre dlibrment sur la soire laquelle nousassistions. Je savais juste quelle se tenait la Porte de Versailles et quelle avait t organise afinde trouver des fonds en faveur de diverses associations caritatives. Le nombre impressionnant depersonnes sur place et leur faon de bouger me donnrent limpression que nous ntions pas enavance. Un coup dil au programme quune htesse me fourra entre les mains confirma messoupons. Je regardai la liste des interventions et marrtai sur un nom.

Vous ne maviez pas dit que vous tiez linvit dhonneur.


Jeremiah haussa une paule avec dcontraction, comme si ce ntait quun dtail, et me guidajusquau cur des festivits. Un orchestre jouait de la musique classique et, lautre bout delestrade, des couples voluaient sur la piste de danse. La plupart des invits discutaient en petitsgroupes parpills dans le hall.

Cher ami ! Je suis heureux que vous ayez pu assister notre petite soire.

Un homme dgarni et assez petit stait approch de nous. Il donna mon cavalier unevigoureuse poigne de mains. Il portait un smoking et un nud papillon, et sexprimait avec unfort accent franais.

Vous venez juste darriver, jimagine ?

Bonsoir, Gaspard, le salua Jeremiah. Je suis trs honor par votre invitation.

Il arborait un petit sourire bienveillant, et je devinai quil apprciait rellement le Franais.

Toujours aussi modeste ! sesclaffa ce dernier. Alors que, la plupart du temps, cest vous quifinancez nos humbles efforts !

Je tressaillis et jetai un regard en biais vers mon patron. Le compliment semblait lavoir laiss demarbre et jen conclus que Gaspard disait srement vrai. Jignorais quil alimentait desassociations de charit. Dcidment, jen apprenais un peu plus chaque minute au sujet delhomme debout prs de moi. Lampleur du brouillard dans lequel jtais commenait mirriter.

Et qui est votre ravissante cavalire, ce soir ? lui demanda Gaspard, me ramenant la ralit.

Permettez-moi de vous prsenter Lucy Delacourt, ma nouvelle assistante. Lucy, GaspardMontrose est le responsable de cette sauterie.

Enchant, mademoiselle1.Gaspard prit ma main tendue et y dposa un baiser. Je sentis les doigts de Jeremiah se crisper

sur ma taille et senfoncer dans le tissu de ma robe.

Enchante, monsieur, rpondis-je, avant de dsigner la pice. Cette salle est merveilleuse.Le visage de Gaspard sclaira aussitt.

Ah, mais vous parlez franais ! peine. Je suis ne au Qubec avant de dmnager New York. Une Canadienne franaise ! sexclama notre hte, tellement ravi que je ne pus mempcher de

lui sourire en retour. Bienvenue Paris, mademoiselle !

Je dcidai de ne pas tenir compte du regard de Jeremiah qui sattardait sur moi, et jemintressai au programme. Le petit dpliant dtaillait les diffrentes activits qui avaient eu lieudans laprs-midi. La soire, elle, se bornerait un buffet et une brve crmonie de clture.

Avant que je vous libre, Jeremiah, je dois vous annoncer quelque chose, reprit Gaspard en sepenchant vers nous et en baissant la voix. Lucas est ici.


Mon compagnon se raidit aussitt et, quand je levai la tte vers lui, je vis quil affichait unvisage de pierre. De son ct, Gaspard semblait dsol.

Je ne sais pas comment il sest dbrouill, mais son invitation tait tout ce quil y a de plusauthentique, et il est entr sans difficult.

Jarrangeai les plis de ma robe, curieuse dapprendre qui tait lhomme dont le Franais parlait,mais je ne voulais pas paratre indiscrte. Jeremiah serrait les mchoires, et un muscle tendait sajoue. Il se relaxa brusquement.

Merci de mavoir averti, Gaspard.

Ce dernier hocha la tte puis se tourna vers un couple de nouveaux arrivants. Nous nousloignmes. Maintenant que nous ntions plus exposs la presse, jtais plus laise et jemarchais sans peur de tomber. Mais je dus acclrer le pas pour ne pas tre distance par moncavalier. Ses longues enjambes nous amenrent lautre extrmit de la salle, sous le regardinsistant des invits.

Vous ne maviez pas dit que vous parliez franais.

Je mattendais un commentaire sur mon change avec Gaspard. Malgr un papillonnementnerveux dans le ventre, jeus un petit sourire triomphant.

Vous ne me lavez pas demand.

Ma rplique tait insolente, mais je fus rassure par son air amus.

Do la mention dun passeport pendant votre entretien dembauche

Jen ai mme deux. Un canadien et un amricain.

De nouveau, je vis lapprobation sur son visage, ce qui dclencha chez moi une chaleurbienheureuse qui se rpandit des pieds la tte. Peu peu, je me rendais compte quil ntait pasfacile de surprendre mon patron. Ctait mme risqu. Heureusement, cette fois, je men taissortie.

Nous repartmes. Jtais consciente des regards que les gens dans la salle jetaient dans notredirection. Mais personne ne nous aborda, ce qui me sembla bizarre. Jeremiah avait lair de savoiro il allait, aussi je le suivis sans protester. La rapidit de notre dmarche ne permettait personne de nous approcher, et je me demandai ce quil avait daussi urgent faire.

Malheureusement, je neus pas le temps de le dcouvrir. Nous nous arrtmes prs de la pistede danse, au milieu de groupes qui bavardaient et riaient entre eux. Jeremiah me prit la main et,comme Gaspard tout lheure, embrassa mes doigts. Contrairement ce qui stait produit avecle Franais, ce baiser dclencha des picotements dans tout mon corps. Le regard de mon patroncroisa le mien et je sus quil ntait pas dupe de ma raction.

Je dois parler quelquun en priv, murmura-t-il dune voix peine audible dans le vacarme.Jen ai pour une minute. Restez ici jusqu ce que je revienne.

Sur ce, et sans un autre mot, il tourna les talons et fondit dans la foule des invits.


2Quand, en classe de sixime, je dcrochai mon premier et dernier rle important dans la

pice de thtre de fin danne, jappris mes rpliques, chez moi et avec mes camarades, jusquce que je les sache par cur, lendroit comme lenvers. Mme les rptitions en costumes,dans la grande salle de gym, se passrent sans incident, car il ny avait pas encore de public.Jtais fire de participer, de tenir ce rle petit mais crucial. Tout se gta le soir de la premire.Ttanise par lassistance compose danonymes, joubliai mon texte et me rvlai incapable debouger, submerge par ce qui mapparut comme un raz-de-mare dvastateur.

Soudain seule dans ce hall dexposition, dans un pays tranger o je ne connaissais personne, jesentis quune mme terreur me ptrifiait.

Maintenant que jtais laisse moi-mme, la salle magnifiquement dcore, avec ses invitslgants et son ambiance luxueuse, sembla virer une farce sinistre. Le programme froiss entreles doigts, jobservai autour de moi en me demandant o aller. Rester plante comme un piquet,ainsi que me lavait ordonn Jeremiah, tait exclu. Il fallait que je marrache de cette cohue,comme javais t oblige de quitter la scne, des annes auparavant.

Lucy Delacourt ?

Mon nom me fit sursauter et marracha mes penses moroses. En me retournant, je vis unejeune femme brune en robe longue jaune qui sapprochait de moi. Son visage mtait familier, etun sourire apparut sur mes lvres quand je la reconnus.

Cherise ?

Oh la la ! Cest bien toi ! sexclama-t-elle en frappant dans ses mains tellement elle taitheureuse. Il me semblait bien tavoir aperue ton arrive, mais je nen tais pas sre.

Stupfaite de rencontrer une personne familire, joubliai les convenances et serrai la jeunefemme dans mes bras. Cherise avait vcu dans le mme foyer dtudiants que moi pendant nosdeux premires annes Cornell. Bien que nous ne nous soyons pas frquentes pendant lescours elle faisait mdecine et moi droit nous tranions ensemble les week-ends avec une bandedamis. Je ne minterrogeai pas sur le hasard qui nous remettait en prsence et me contentai deremercier ma bonne toile.

Que fabriques-tu ici ? demandai-je.

Jaccompagne David, expliqua-t-elle avec un grand sourire plein de fiert. Nous grons undispensaire Borno, et il est venu ici pour essayer de trouver des fonds.

Vous vous tes enfin maris ?

Elle acquiesa. Jtais heureuse pour eux. Cherise et David sortaient ensemble depuis le lycequand javais fait leur connaissance luniversit. Tous deux nourrissaient des rves humanitaires.Apparemment, ils taient en train de les mettre en pratique.

Ainsi, vous tes mdecins tous les deux, maintenant ?

Non. Je me suis oriente vers la gestion lorsque David a entam son deuxime cycle. a sest


rvl judicieux, car je moccupe aujourdhui de laspect concret de notre projet. En plus, ilmarrive de laccompagner sur le terrain, alors cest tout bnfice pour moi !

Cherise navait rien perdu de loptimisme et de cette joie contagieuse dont ses amis avaienttoujours profit. Son plaisir vident me retrouver rendit mes penses plus lgres et maida medtendre. La jolie jeune femme me jeta un regard espigle.

ton tour, raconte ! Est-ce vraiment Jeremiah Hamilton que jai vu ton bras ?

Je rougis avant de me sermonner : je navais aucune raison dtre mal laise.

Cest mon patron, rpondis-je en haussant les paules, lair de rien.

Vous deux tes ?

Non ! mempressai-je de nier en secouant la tte. Je suis sa nouvelle assistante personnelle,ce qui, et je viens de le dcouvrir, suppose que je laccompagne ce genre de soires. Cest trstrange, pour moi.

Je ne mentais pas vraiment. Pourtant, je ne me sentis pas bien de taire tout le reste, surtoutquand Cherise ne cacha pas quel point elle tait due.

Tu ne voulais pas devenir avocate ? stonna-t-elle.

Elle touchait l un point sensible, ce quelle ne pouvait pas savoir, bien sr. la mort de mesparents, nous nous tions moins vues, chacune tant partie de son ct. Javais rompu les pontsavec la plupart de mes camarades duniversit quand, par la suite, javais essay de men sortir.

a na pas march, lchai-je avant de scruter la foule derrire elle, histoire de changer desujet. O est David ?

Quelque part dans la salle. Il se mle aux riches invits pour tenter dobtenir des dons. Notreintervention, cet aprs-midi, ne nous a pas rapport autant que nous lesprions. Aussi, il cherchedes mcnes supplmentaires. Il est bien plus dou que moi pour ce type dexercice. Il me parattellement bizarre daborder un inconnu rien que pour lui demander de largent !

Comme cest amusant, lcha alors une voix au fort accent tranger. Cest pourtant ce quevous tes en train de faire, non ?

En me tournant, je vis quune grande et mince blonde stait poste prs de moi et toisaitCherise avec une arrogance dplaisante. Jignorais depuis combien de temps elle nous espionnait,mais quand je vis que mon amie accusait le coup, je ne pus me retenir de serrer les poings.

Pardon ? rpondis-je avec indignation. qui avons-nous lhonneur ?

Elle posa sur moi son regard bleu et froid, me jaugeant dun seul coup dil.

Anya Petrovski, se prsenta-t-elle. Jai cru comprendre que vous tiez la nouvelle assistantepersonnelle de M.Hamilton. Un poste qui mest trs familier, ajouta-t-elle en faisant minedexaminer ses ongles.

Elle ne me tendit pas la main, que jaurais de toute faon refus de serrer. Je navais pasapprci sa faon dinsister sur le mot familier , pas plus que ne me plaisait le rictus complice


qui dformait ses lvres. Furieuse que ma relation daffaires avec mon patron soit ainsi raille,je mabritai derrire la colre.

Veuillez me pardonner, Mlle Petrovski, mais jtais en train de discuter avec

Vous ne tarderez pas dcouvrir, minterrompit-elle grossirement, que quand on travaillepour des hommes fortuns, les gens gostes ne vous approchent que pour votre carnetdadresses.

La peste gratifia Cherise dun regard condescendant.

Mfiez-vous de ces tentatives maladroites, dit-elle.

Mon amie stait raidie sous linsulte voile.

Il sagit dun gala de charit, des fois que vous ne layez pas remarqu, rpliquai-je sur unton cinglant pour dfendre Cherise. Et si cette dame souhaite que je laide trouver des fonds, jesuis en droit de dcider si jen ai ou non envie.

Anya haussa les paules. Cette soire nest quun prtexte pour lgitimer une forme de mendicit minable.

Une remarque aussi dplace me souffla, et je mapprtai envoyer patre la femme hautaine,quand Cherise recula dun pas.

Excusez-moi, murmura-t-elle avec raideur, je dois rejoindre mon poux.

Je la retins par le bras. Cherise

Tout va bien, Lucy. Je suis heureuse de tavoir revue, mais quand tu en auras termin aveccette cette femme, viens nous retrouver.

Elle lana la beaut russe un regard glacial, qui ne lui ressemblait pas du tout, avant desloigner, tte haute. Je me tournai vivement vers la blonde.

Pourquoi avez-vous t aussi dsagrable ? lui demandai-je. Cest une amie.

Ma colre parut la ravir.

Je me fiche bien delle, rpliqua-t-elle avec dcontraction. On ma seulement envoye vouschercher.

De nouveau, je serrai les poings. Au milieu de toutes ces personnes et en pays tranger, je nevoulais pas provoquer un scandale et attirer lattention sur moi, mais jeus du mal me contrler.Ce qui, encore une fois, sembla beaucoup amuser la Russe et ne fit quaggraver mes difficults me dominer.

Qui donc ?

Mon employeur, sourit-elle, mauvaise.


Je me mordis les lvres pour ne pas rpliquer par les premiers mots qui me venaient lesprit.

Merci de lui transmettre que je ne suis pas visible.

Je dois insister, contra-t-elle en enroulant son coude autour du mien et en commenant mentraner de force. M. Hamilton dteste attendre.

Quoi ? mexclamai-je, dcontenance. Cest Jeremiah qui me demande ?

Sous leffet de la surprise, je lavais laiss me tirer sur quelques pas. Me ressaisissant, je finispar rsister. Mais, dun geste du menton, elle indiqua une direction et je dcouvris le profil de monpatron au milieu dun groupe dinvits. Je nen revenais pas quil mait expdi cette harpie. Labouche pince, hsitant faire une scne mais voulant rellement chapper cette femmesuffisante, je cdai malgr moi et la suivis.

Plusieurs hommes en uniforme entouraient notre cible, tous dun mme vert kaki, mais dont lesdcorations variaient selon les grades. Alors que nous approchions, je me rendis compte quejavais commis une grave erreur. Malheureusement, prsent je navais aucun moyen demchapper. Une tte brune, familire et pourtant totalement inconnue, se tourna vers nous, etune paire de prunelles dun bleu-vert glac sclaira en nous voyant arriver. De longs cheveuxsombres ramens en arrire encadraient un beau visage que fendait une petite cicatrice blanche,courant sur le nez et lune des joues. Vtu tout de noir et tenant ngligemment un verre de vin, lepropritaire de ce visage tait dnu de cette impassibilit laquelle je mtais habitue au boutde trois jours.

Bon sang ! Dans quoi mtais-je fourre ?

Messieurs, si vous voulez bien mexcuser. Nous reparlerons de tout cela demain.

Si sa voix avait une intonation similaire, elle rvlait des accents cyniques et sournois, trsdiffrents de la retenue propre au rigide Jeremiah. Lhomme me dvisagea avec une nonchalancequi me drouta, car elle tait loin de la gravit que javais associe un autre visage, duneressemblance pourtant frappante.

Tiens, tiens, tiens ! Qui va l ? demanda-t-il en portant ma main ses lvres.

Le baiser quil me donna navait rien voir avec celui de Gaspard. L o le Franais staitmontr galant, ce type laissait supposer une intimit dplaisante. Il me fixa, sa bouche sattardantun peu trop longtemps sur ma peau. Malgr moi, je tressaillis, et cette raction magaaprofondment. Je retirai vivement mon bras, provoquant un clair amus dans les prunelles bleu-vert.

Voici Lucy Delacourt, la nouvelle assistante de Jeremiah.

Mme si la voix dAnya tait toujours aussi sarcastique, son attitude tait un peu plus dfrente.Elle se plaa ct de lhomme et crocheta son bras avec ce qui me parut tre une sorte depossessivit.

Je vous prsente Lucas Hamilton, enchana-t-elle. Le vritable hritier de la famille.

La conviction quelle avait mise dans cette dernire phrase ne mchappa pas, et lintress neprotesta pas. En tout cas, jtais face celui auquel Gaspard avait fait allusion notre arrive. Jefronai les sourcils, coince entre ce couple. Leurs regards avaient en commun une lueur


prdatrice qui me donnait envie de fuir. Pourtant, je tins bon et croisai les bras sur ma poitrine. Macolre couvait au fond de mon ventre. Je dtestais me retrouver dans cette situation inattendue,sans renforts pour me soutenir.

Inclinant la tte sur le ct, Lucas ignora sa somptueuse voisine pour dtailler ma physionomie.

Vous paraissez tendue, chrie, me susurra-t-il. Il me dplat quune aussi jolie femme quevous ait lair de regretter dtre en ma compagnie.

Anya se raidit, et le regard furieux quelle me jeta ne cacha rien de la jalousie quelle prouvait.Mme contente de la voir en rabattre dun cran, je navais aucune envie de poursuivre cetteconversation. Quelque chose me soufflait que ces deux-l ne jouaient pas dans la mme cour quemoi. Quoi quil arrive, je doutais den sortir gagnante.

Je vous ai pris pour un autre, rpliquai-je sans amabilit, sans prciser non plus quonmavait force venir. Pardonnez-moi

Je reculai dun pas. cet instant, lorchestre entama un nouveau morceau, plus vif, et aussittdes couples se rendirent sur la piste de danse. Dun geste sec, Lucas se dbarrassa dAnya etavana vers moi.

Maccorderez-vous cette danse ? demanda-t-il en me tendant la main.

La Russe sinterposa, prte empcher cette invitation. Un coup dil acr de lhomme stoppanette sa tentative, et elle se ptrifia, non sans me foudroyer du regard. Comme si, tout coup,ctait moi qui tait dvolu le rle de la mchante. Tout cela commenait magacerprodigieusement.

Non, dsole, dclinai-je, il faut vraiment que je trouve mon

Permettez-moi dinsister, coupa-t-il.

Et sans me laisser la possibilit de protester, il mit un bras autour de ma taille et mentrana versla piste. Je rsistai, plantant mes talons dans le sol. Tous staient-ils donc pass le mot, ce soir,pour mobliger faire leurs quatre volonts ?

Nous sommes en public, murmura Lucas mon oreille. Vous ne voudriez pas vous donner enspectacle, nest-ce pas ?

Jhsitai, soudain consciente des inconnus qui nous entouraient. Ce bref moment dhsitationsuffit mon cavalier, qui en profita pour me tirer sur la piste et mtreindre avant que jaie eu letemps de refuser nouveau. En un clin dil, il mentrana sur le sol glissant comme de la soie.Jessayai de me librer, mais sa poigne memprisonnait comme un tau.

Lchez-moi, grondai-je, la voix lourde de la colre qui bouillonnait en moi.

Pour gcher une occasion formidable de danser avec une belle femme ? Srement pas.

Mes rticences paraissaient le divertir. Ma raideur rendait mes mouvements disgracieux, ce quinavait pas lair de perturber mon cavalier le moins du monde. Il mattira contre son corps dur, sontreinte pareille de lacier. Je touchais peine le sol, tout mon poids reposait sur ses bras.

Nous sommes partis sur le mauvais pied, reprit-il. Expliquez-moi pourquoi. Mon odeur vous


dplat-elle ?

La question, absurde, me prit en tratre et je dus lutter pour ne pas sourire. Malgr moi, jesentis ce qui manait de lui, une fragrance la fois sucre et pice, proche de la cannelle. Je nesus dterminer sil sagissait dun parfum ou de son odeur naturelle. Irrite par ma raction, jerpondis avec mauvaise humeur :

Je naime pas quon rabaisse mes amis devant moi, puis quon moblige rencontrerquelquun sous de faux prtextes.

La brutalit de mes propos amena Lucas incliner la tte sur le ct, dun air contrit.

Anya peut parfois se montrer vive, reconnut-il. Dailleurs, cela a fait partie de ses charmes, une autre poque. Et si nous repartions de zro ? Je mappelle Lucas Hamilton et vous tes

Vous le savez trs bien.

Refusant par dfi de croiser son regard, je me concentrai sur le col de sa chemise. Un doigt mesouleva le menton.

Jaimerais toutefois lentendre de votre bouche, souffla-t-il, tandis quil mentranait dans ungrand arc de cercle autour de la piste de danse.

Mon ventre se noua soudain, je serrai les mchoires. Au diable mon corps et ses ractionsidiotes ! Les mains de Lucas taient deux charbons ardents sur ma peau, ses yeux deux aimants.Exactement comme son frre.

Le souvenir de Jeremiah me permit de retrouver une contenance. Je navais pas besoin quunautre homme rduise mes jambes en coton et anantisse ma volont. Un seul tait dj plus quesuffisant.

Quattendez-vous de moi ? demandai-je dun ton ferme.

Si jesprais dtecter de la dception chez lui la suite de lchec de ses tentatives desduction, jen fus pour mes frais. Au contraire, son regard salluma dun intrt nouveau et dunplaisir rel.

En plus de danser avec une belle femme ? rpondit-il avec un haussement dpaulesdcontract. Rendre jaloux mon petit coinc de frangin.

Je pinai les lvres, mon ventre se serra. Au moins, il tait franc. Enfin, jen avais limpression.

Je nai pas envie de jouer vos petits jeux, M. Hamilton, ripostai-je.

Je tentai de me dgager en douceur, bousculant au passage un couple voisin. Je prfrerais ne pas faire de scne, enchanai-je, mais si vous ne me

Et si jtais mme de rpondre certaines questions que vous vous posez au sujet de votreemployeur ? contra-t-il.

Mon air surpris suscita chez lui un sourire ironique qui me sembla presque authentique.

Cest lui, le cachottier, poursuivit-il en mattirant encore plus contre lui et en collant sa


bouche mon oreille. Ny a-t-il donc rien que vous mouriez denvie dapprendre son propos ?

Jenfonai mon talon sur le bout de sa chaussure. Sil grimaa et scarta, il ne me lcha paspour autant. Une fois encore, les commissures de ses lvres se retroussrent sur un rictusenrageant. Je le fusillai du regard. Il me tenait, et il le savait.

Car jtais curieuse, cest vrai.

Jignorais tellement daspects de la personnalit de mon nouveau patron, qui ne cessaient, en saprsence, de me dstabiliser de faon vertigineuse ! Sa manire de me regarder, aussi peranteque sil lisait en moi, par exemple. Lide de savoir quelque chose, nimporte quoi susceptible dertablir lquilibre entre nous, tait aussi tentante que de leau pour un homme mourant de soif.Mais la moue railleuse de Lucas continuait de me rvulser.

Anya a travaill pour M. Hamilton, marmonnai-je. Lautre, jentends. Mon patron.

Le sourire slargit.

Elle a t sa dernire assistante personnelle, lcha Lucas dune voix tranante tout en mefixant, comme un oiseau de proie.

Je mefforai de dominer ma rpulsion. En vain. Une pareille sorcire ? Quest-ce que Jeremiahavait donc pu lui trouver ?

Quand mon cavalier rejeta la tte en arrire et clata de rire, je me rendis compte que javaisformul mes penses tout fort. Mortifie, je rougis. Autour de nous, des couples de danseurs nousobservrent avec tonnement.

Elle na pas toujours t ainsi, reprit lan des Hamilton sur un ton amus. Elle tait mmecharmante, tout comme vous.

Quest-il arriv pour quelle change autant ? rpondis-je, bien dcide ne plus me laisserpiger.

Je lai sduite et ravie mon frre avant den faire mon espionne. Lorsquil a dcouvert le potaux roses, il la licencie et elle est venue travailler pour moi.

Son arrogance cachait mal une amertume palpable. De nouveau, je tentai de lui chapper et,bizarrement, cette fois, il mautorisa mloigner un peu. Malheureusement, ce ne fut que pourme faire tourner sous son bras avant de resserrer son treinte autour de ma taille. Sil restaitinsensible aux clairs que mes yeux lui lanaient, son attention ne stait pas dtourne de moi.

Question suivante ?

Javais beau danser avec un serpent, je navais pour linstant pas les moyens de menfuir.Napercevant dans la salle aucune trace dune quipe de secours mme de me tirer de l, jedcidai de poursuivre cette drle de conversation.

Quentendait Anya quand elle vous a dsign comme le vritable hritier de la famille ?Vous et Jeremiah tes frres, non ?

Ah ! Vous allez directement au cur des choses, hein ?


Il me fit tournoyer encore une fois, ses prunelles bleu-vert pensives.

Que savez-vous exactement ?

La version Internet. Votre cadet tait militaire, il a dmissionn pour reprendre les rnes de lasocit et a connu des dbuts difficiles.

Un rsum assez juste, mme sil manque quelques dtails intressants. Dites-moi, quellesrelations entreteniez-vous avec votre pre ?

Je me raidis et cherchai sur son visage les traces dun pige, mais son intrt me parut rel, bienque la question soit trop personnelle mon got.

Elles taient bonnes, rpondis-je avec prudence. Pourquoi ?

Pas les ntres, lcha-t-il, et son expression jusqualors joviale sassombrit. Il tait impossiblede satisfaire Rufus Hamilton, surtout si vous tiez de sa famille. Nous ne lavons compris quengrandissant, bien sr, alors que ses exigences avaient dj forg nos sensibilits. Je vous la faiscourte : jai suivi le parcours quon attendait de moi dans le but de succder mon pre la ttedes affaires familiales. De son ct, Remi sest rebell. Il na rien trouv de mieux que desengager dans larme sans le consentement de notre paternel. Ainsi, et pour la seule fois de savie, il a russi djouer les plans du vieux. Ce qui a rong ce dernier jusqu la fin de ses jours.

Il sinterrompit et un long silence sinstalla.

Un vnement a d tout changer, murmurai-je pour linciter continuer.

Il grogna, son regard redevint lointain et cynique.

Oui. Le patriarche est mort.

Il baissa les yeux sur moi, les lvres pinces. Cette nouvelle pirouette me permit de deviner quectait sa faon de se donner du temps pour rflchir.

Rufus naurait pu choisir un meilleur moment. Il a t emport par une crise cardiaque enplein conseil dadministration, quelques jours peine avant que Jeremiah se rengage. Jai tsurpris de le voir dbarquer pour la lecture du testament. Encore plus choqu quand jai dcouvertque notre trs cher pre laissait lessentiel de ses biens son fils cadet.

La colre matrise que je lisais dans ses yeux luttait avec le rictus qui dformait ses lvres. Ilavait lair absent, perdu dans des souvenirs qui, clairement, lui dplaisaient.

Jeremiah a tout eu, y compris la majorit des actions de la socit. Il tait stipul que, silrefusait lhritage, laffaire serait liquide et dmantele. Ce qui aurait entran la perte de milliersdemplois et leffondrement dun empire soigneusement rig pendant des dcennies. Tout cemachiavlisme pour rcuprer le rejeton qui avait t plus malin que lui !

La duret de ces dernires volonts eut le don de me drouter.

Tout transmettre Jeremiah tait donc une sorte de punition ?

Ma question tira Lucas de ses rflexions, et je frissonnai. Son expression mlancolique seffaadevant une ironie arrogante dont je commenais saisir quelle ntait quun masque. Il nous


entrana dans un tourbillon de rondes. Notre adorable Remi a toujours t aux petits soins pour les gens du commun. Cest pour a

quil sest engag. Il souhaitait aider les autres. Aussi, aprs la lecture du testament par le notaire,nos avocats et les membres du conseil dadministration se sont rus sur lui et lui ont mis lapression : la situation tait grave, il allait ruiner des milliers de vies sil refusait, etc., etc. Vu saprdilection jouer les hros, il ne fallait pas tre un gnie pour deviner sa dcision.

Mais vous ? demandai-je avec une curiosit non dissimule.

Si Lucas disait vrai, son pre lavait spoli de manire injuste. Mme si ce dtail ne changeaitrien mon antipathie pour lui, il me faisait considrer sa personnalit dune autre faon.

Jai survcu, marmonna-t-il. (Il regarda pardessus mon paule, et un sourire malsain tira sabouche, tandis que le morceau se terminait.) Ce qui ne veut pas dire que je nai pas saisi lapremire occasion pour mamuser.

Jtouffai un petit cri quand, aprs un ultime tour, il me renversa en arrire jusqu me placerpresque lhorizontale. Me retenant ses paules, je fixai son beau visage avec des yeux ronds.

Et si on leur en donnait pour leur argent ?

Alors il plaqua ses lvres sur les miennes. Je me raidis, enfonai mes ongles dans son costumenoir. Sa bouche profitait de ma surprise, sa langue et ses dents titillaient ma lvre infrieure.Mme bref, ce baiser provoqua en moi une chaleur. Mais je parvins me dominer. Quand il meredressa, mon bras tait dj lev. Ma main claqua sur sa joue, llan donnant ma gifle unecertaine force. Le coup nous ptrifia tous les deux. Je narrivais pas croire que je lavais fait, uneincrdulit apparemment partage par Lucas. Je distinguai un clat tonn dans son regard et,peut-tre, une pointe de respect. Il me lcha enfin.

Que se passe-t-il ici ?


3Je poussai un soupir de soulagement en reconnaissant lintonation familire de Jeremiah.

Malheureusement, lexpression que je vis sur son visage, en me retournant, ne me rconforta pas.Jessayai daller vers lui, mais Lucas me retint par la main.

Mon cher frre ! dit-t-il.

Sa voix rsonna fort maintenant que lorchestre avait termin le morceau.

Ravi de te rencontrer ici, enchana-t-il. Un verre avec moi et ma charmante compagne, a tedit ?

De nouveau, je tentai de marracher lui, sans rsultat. Jadressai un coup dil navr Jeremiah qui, ma grande dception, se borna me lancer un regard accusateur. En quel honneurtais-je responsable ? pensai-je, indigne. Il mavait abandonne, seule et sans dfense !

La confrontation entre les frres avait attir lattention des invits les plus proches, et jtaiscoince au milieu. Si les deux hommes taient plus lafft lun de lautre que de moi, aucundentre eux ne faisait mine de vouloir me librer. Lucas me retenait par le poignet, Jeremiah mebloquait le passage.

Maintenant quils taient runis, il mtait plus facile de les distinguer. Dailleurs, javais du mal comprendre comment javais pu les confondre. Jeremiah ressemblait un taureau en captivit,lchin courbe, dj prt attaquer ; son masque impassible tait tomb, ses prunelles luisaientde colre. Par contraste, Lucas, plus fluet et lgrement plus petit, tait solidement camp sur sesjambes, et une grimace de supriorit se lisait sur ses traits ; ses yeux avaient un clat malicieux.Il me sembla vident quil tait matre dans lart de provoquer son cadet.

Que fiches-tu ici ? gronda (littralement) Jeremiah, tandis que son regard passait du visage deson frre nos mains toujours lies lune lautre.

Et si javais eu envie daider les moins chanceux, ou de rendre visite mon frangin perdu devue depuis si longtemps ? Aprs tout, notre dernire rencontre a t si thtrale !

Tu avais vol trente millions de dollars !

Lucas chassa lair dun revers de la main.

Il parat, en effet, admit-il avec allgresse, avant de sadresser moi : Venez, ma chre, jevous offre un verre.

Il voulut mentraner, je rsistai. ce moment, Jeremiah sinterposa, empchant son an departir.

Je pourrais te faire arrter en deux minutes, le menaa-t-il de sa voix grave, assez bas pourque seules les personnes les plus proches la peroivent. Mme en France, ils nhsiteraient pas textrader, Loki.

Ah, mais cest quon sest renseign sur mon compte ! ricana Lucas en cartant les bras, unelueur moqueuse dans le regard. Je te manque !


Javais du mal suivre cet change, ce qui ne diminuait pas mon agacement. Tous deuxparaissaient avoir oubli mon existence et nhsitaient pas taler leur conflit devant lassemble.Au bord de la piste de danse, japerus Anya qui nous observait, une expression de triomphe surson visage dur. Je ne pus mempcher de me demander si ctait elle qui avait annonc monpatron que jtais dans les bras de Lucas. Soudain, Jeremiah sembla grandir encore et ses traitssassombrirent.

Si tu ntais pas mon frre dit-il sourdement.

Oui ? linterrompit son an dune voix pleine de sarcasme et assez forte pour tre entenduedes invits qui nous observaient. Tu me flanquerais une racle ? Tu bousillerais ma vie ? Trop tard,frangin, quelquun ta devanc. Oh, un instant ! Mais ctait toi, ce quelquun !

Jeremiah avana dun pas, mais Lucas ne se laissa pas impressionner.

Loki

Assez !

Mon cri claqua comme un fouet, transperant la tension ambiante. Les deux Hamiltonsursautrent avant de se tourner vers moi, surpris. Jtais trop en colre pour reculer prsent. Jeregardai dabord Lucas en levant ma main prisonnire hauteur de ses yeux.

Lchez-moi.

Ses doigts se desserrrent trs lgrement, et jen profitai pour me librer de son emprise etfaire un pas en arrire. Jeremiah voulut semparer de mon bras, mais je mcartai de lui galement,ce qui ltonna.

Pas touche ! lanai-je en le fixant avec rage.

Il plissa le front, apprciant visiblement peu que je le dfie ainsi.

Mlle Delacourt commena-t-il.

Je secouai la tte et plongeai mes yeux furibonds dans les siens.

Vous mavez laisse, jai t oblige de me dfendre toute seule. Cest exactement ce que jailintention de faire maintenant. (Je jetai un coup dil Lucas, qui mexaminait avec amusement,avant de revenir sur mon employeur.) Jai limpression que vous avez des choses rgler, tous lesdeux. Alors je men vais.

Mon patron napprouvait pas du tout cette manifestation dindpendance, mais, en ce moment,je men moquais comme de lan quarante. Sentant sur moi le poids des regards des invits, je meredressai et mloignai avec dignit, abandonnant les deux rejetons Hamilton leur ahurissement.Javais conscience que leurs prunelles, brlantes comme des tisons chauffs blanc, me suivaient,creusant des trous dans mon dos Mais je ntais pas dhumeur apprcier cette victoirehasardeuse je le pressentais, jallais la payer trs cher plus tard.

Rares taient les femmes habilles en jaune. Il me fallut donc peu de temps pour reprerCherise. Elle parut surprise que je la rejoigne, mais je ne la laissai pas sexprimer.

Je veux taider, lui dis-je.


luniversit, un de mes professeurs avait mentionn, en passant, que je ferais une excellentelobbyiste. Si cela navait jamais t mon but, je dus reconnatre que, ce jour-l, il navait pas eutort. Je maperus quil tait plus simple de soccuper des soucis des autres que des siens. Dsquil sagissait de rendre service, je ntais pas de nature timide. Mme si je navais pas agi ainsidepuis des annes, javais besoin dvacuer ma colre et je me lanai dans une vritable campagneen faveur de mes amis.

Pendant lheure suivante, je charmai ainsi diffrentes personnes, traduisant quand cela taitncessaire, me dmenant pour aider David et Cherise. Cela savra dune tonnante simplicit.Aprs tout, lvnement avait t organis dans le but de signer des chques, et je neus quconvaincre les participants de faire profiter de leurs largesses un petit dispensaire de Borno. Jerecourus tous mes talents de sociabilit un peu rouills et passai de groupe en groupe, envoyantles gens vers mes amis avant de mattaquer un autre donneur ventuel. Bien que je sois plusdoue pour faire tapisserie que pour papillonner au milieu de la foule, joubliai toutes mesrserves et parvins captiver lintrt de plusieurs mcnes.

De temps autre, je distinguai Jeremiah au milieu des invits, sentant le poids de son regardsur moi ; je fis de mon mieux pour ne lui prter aucune attention. Ce qui tait plus facile direqu faire. Mme de loin, cet homme avait le don bizarre de me dstabiliser. Il nempche, je meconcentrai sur ma croisade, et il ne maborda pas, me laissant respirer, ce dont je lui fusreconnaissante. Quant Anya et Lucas, ils semblaient stre volatiliss, et jen fus ravie.

Au bout dune heure, Cherise me rejoignit et mentrana lcart. Elle souriait de toutes sesdents, son corps vibrait dune nergie radieuse.

Je nen reviens pas, me confia-t-elle. Nous avons runi presque cent mille dollars jusqumaintenant !

Jen eus le souffle coup et dus me retenir de lembrasser.

Est-ce que cela sera assez pour vous permettre de tenir un moment ?

Tu plaisantes ? Vu lendroit o nous sommes installs, a nous fera vivre pendant plusieursannes, sans rien coter aux populations locales. Oh, merci !

Cherise devait se moquer de la biensance plus que moi, car elle se jeta mon cou et me serrafort, mme brivement, contre elle.

Tu es gniale ! conclut-elle.

Je ne peux qutre daccord avec cette remarque.

Avalant ma salive, je me retournai. Derrire moi, Jeremiah nous dvisageait avec une drledexpression. Il navait dyeux que pour moi, et quand Cherise mit fin notre embrassade, il metendit la main.

Me ferez-vous lhonneur de danser avec moi ?

Jen restai ptrifie et jetai un regard Cherise, qui affichait un air entendu. Quand elle me vithsiter, elle me poussa dans les bras de mon employeur.

Monsieur vient de tinviter danser, rigola-t-elle, des toiles dans les yeux. David et moi,nous nous dbrouillerons sans toi, maintenant.


Nayant plus aucune excuse, je contemplai la main offerte de Jeremiah. Il avait demand mapermission, ne mavait pas donn dordre et paraissait prt attendre ma dcision. Je scrutai sesprunelles vertes et me rendis compte que je ne lui en voulais plus de mavoir abandonne ; mais iltait hors de question quil sen sorte sans dommages.

Vous navez pas lintention de me laisser tomber en pleine danse, nest-ce pas ? me moquai-je en acceptant ses doigts.

la place de lagacement que javais redout lire sur son visage, il sembla presque amus parma remarque.

Je vous jure de ne pas vous perdre de vue jusqu la fin de la soire.

Son ton lourd de promesses provoqua des frissons le long de ma colonne vertbrale, et je lesuivis sur la piste. Il menlaa avec lgret, ce qui fit un contraste saisissant avec la poigne tropferme de son frre, un peu plus tt.

Je vous prie de me pardonner mon comportement, murmura-t-il.Je haussai des sourcils surpris. Lui faisant amende honorable ? Auprs de moi ?

Excuses acceptes, rpondis-je avant de souffler un peu. Votre famille ma lair un peuperturb, non ?

Un sourire sans joie tira lun des coins de sa bouche, mais il luda ma question.

Vous avez discut avec lui, marmonna-t-il en laissant planer une interrogation dans saphrase.

Il ma fourni des renseignements vous concernant, admis-je.

Le sentant se raidir, je mempressai de mexpliquer :

Il ma surtout rvl que votre pre vous avait presque forc accepter la direction de lasocit. Cest vrai ?

Dans lensemble, oui, reconnut-il au bout dun long moment, mais sans entrer dans lesdtails.

Daprs Celeste, vous avez t ranger dans larme, ajoutai-je pour rompre le silence.Comment tait-ce ? insistai-je en voyant quil serrait les lvres.

La priode la plus exaltante de ma vie.

Il se tut de nouveau. Pour rflchir, cette fois.

Au dbut, finit-il par reprendre, lide tait de mloigner des miens, de mon pre, surtout.Mais, une fois engag, jai ador. Jy aurais fait carrire si

Si ce choix ne lui avait pas t retir. Lucas avait donc dit la vrit, malgr lanimosit quilprouvait. Le sens de lhonneur de Jeremiah lavait contraint renoncer une existence quilaimait pour sauver lentreprise familiale et tous ceux qui en dpendaient. Inclinant la tte, je laposai sur son paule. Il se tendit, je craignis quil me repousse, puis il se relaxa et mattira contre


lui. Il manait de lui une odeur merveilleuse, un mlange de chocolat et de cerise. La peau de soncou tait assez proche pour quil me suffise de tourner le menton et de vrifier sil avait aussi bongot quil sentait bon

Me rappelant que nous tions nombreux dans la salle, et sans doute sous le feu des regards descurieux, je relevai la tte, mais sans mcarter pour autant. Mon cavalier avait d dchiffrer mesintentions, car il se plaqua contre moi et je sentis une bosse appuyer contre mon ventre. Un dsirpresque douloureux memplit, des picotements me parcoururent du sommet du crne jusquauxorteils, et je retins un lger soupir. Sa seule prsence agissait sur moi comme une drogue, commeun puissant aphrodisiaque qui me donnait envie de lattirer dans un endroit intime pour nousadonner des coquine-ries. Son regard refltait le mme dsir. Il resserra sa prise autour de mesreins, frotta son membre durci lintrieur de ma cuisse, et je fus submerge dune soudainevague de chaleur.

Tout coup, quelquun tapota sur un micro : une voix rsonna en franais dans les haut-parleurs. Gaspard.

Mesdames, messieurs, jaimerais profiter de loccasion pour remercier certains gnreuxinvits de notre assemble, ce soir.

mon avis, cest de vous quil parle, murmurai-je.

En effet, tous les yeux taient rivs sur nous. Le morceau se termina, mais Jeremiah continua deme tenir entre ses bras quelques secondes encore. Quand il recula, il ne me lcha pas et portames doigts ses lvres.

Le cur battant, je dglutis. Celeste mavait confi que la presse et la plupart des gensprenaient les assistantes personnelles de Jeremiah pour des relations professionnelles. Sauf que l,il allait tre difficile den convaincre les tmoins de la soire. Mince ! Je commenais perdre piedtellement les signaux qui se bousculaient dans ma tte taient contradictoires. Chaque chose enson temps, me dis-je, quand mon employeur libra ma main pour se diriger sur lestrade et faireface lassistance. Laventure pouvait se terminer du jour au lendemain, et je me retrouverais dansun appartement minable du New Jersey.

Malgr la force que Jeremiah donnait notre relation professionnelle et personnelle, je savaisque jtais libre de partir ds que je le voudrais. Mme si les termes de notre contrat ntaient pasdune galit flagrante, cette possibilit me semblait le seul lment un peu solide dans lechamboulement permanent de ma vie aujourdhui. Mais lide de men aller me brisait le cur. SiJeremiah ntait pas du genre jouer des mauvais tours, contrairement Lucas, il tait parfoisdifficile saisir.

Vous rflchissez trop, ma douce.

Je sursautai quand la voix de lan des Hamilton rsonna quelques centimtres seulement demon oreille.

Fichez le camp ! soufflai-je, sans quitter son cadet des yeux.

Mon patron avait rejoint Gaspard, qui stait lanc dans un petit discours en franais, et je nosaiimaginer la raction de Jeremiah sil dcouvrait que Lucas se tenait ct de moi.

Pas de panique. Il ma juste paru malpoli de partir sans dire au revoir une aussi jolie femme.


Jmis un reniflement sceptique.

Allez plutt embter Anya, je suis sre quelle sy est habitue maintenant.

Mon ton avait t sec, mme si javais veill ne pas parler trop fort. Un ricanement sourdaccueillit ma rponse. Heureusement, la plupart des invits nous ignoraient.

Si vous voulez vous venger de votre frre, je vous prie de ne pas my mler, sifflai-je.

Oh ! Mais cest tellement plus drle ainsi !

Des mains saisirent mes hanches, et je rsistai tout en lanant un coup de pied en arrire, quiatteignit sa cible. Il me lcha et, un bref instant, je savourai ma victoire avant de lentendre rire nouveau. Entre-temps, Jeremiah tait mont sur scne, et je priai pour quil ne se tourne pas dansnotre direction.

Vous allez mattirer des ennuis, grognai-je.

Je suis sr que vous adorez a, ronronna Lucas.

Je lui lanai un regard furieux. Un sourire auto satisfait tirait ses lvres, tandis quil medtaillait avec une gourmandise non dissimule. Je levai les yeux au ciel et dcidai de lignorer. Jeme tournai vers la scne pour dcouvrir les prunelles de Jeremiah rives sur moi, si intensesquelles me clourent sur place. Mince !

Houps ! ricana son frre. Jai limpression quil vient de reprer notre petit tte--tte. Je medemande ce qui peut lui traverser lesprit en ce moment.

Lucas ponctua sa phrase de caresses sur ma nuque du bout des doigts. Je mcartai vivement delui. en juger par son expression maussade, mon patron et amant napprciait pas du tout laplaisanterie de son an. Jtais prise dans un dilemme : malgr mon poing serr et mon envie demen servir, javais conscience quagir avec brusquerie ne ferait quattirer sur nous une attentionmalvenue ; de plus, cela allait amuser le serpent prs de moi. Jeremiah ne nous quittait pas desyeux, et Lucas, mme sil ne me touchait plus, paraissait bien dcid me coller le plus possible.Je me reprsentais trop bien les ides qui pouvaient tourmenter mon employeur.

Heureusement, Gaspard vint notre secours. Ayant remarqu la distraction de Jeremiah et lasituation dans laquelle je me trouvais, il assena une bourrade sur le bras du milliardaire et parvint lintresser autre chose qu son frre et moi. Un soupir de soulagement mchappa. Un soucide moins, en tout cas pour linstant. Les deux hommes se serrrent la main devant les appareilsphoto, ce qui mit un terme ce moment officiel.

Cest le signe qui mindique de partir, marmonna Lucas.

Il se pencha vers moi, son torse frlant mon paule, et dposa un rapide baiser sur ma joue.Jeus beau bondir aussitt sur le ct, je compris au visage sombre de Jeremiah quil navait rienperdu de la scne.

Au revoir, chrie, souffla Lucas avant de disparatre.Il me laissait seule pour affronter le taureau furieux qui fonait sur moi. Sachant quil serait vain

de plaider ma cause, je gardai le silence quand il me rejoignit.


Partons dici.

Son ton ne permettait aucune objection. Une main pose sur ma chute de reins, il me conduisithabilement travers la foule. Heureusement, personne ne sintressa notre dpart prcipit. Etje connus enfin le soulagement que jesprais depuis un bon moment. Je navais plus me soucierde trbucher sur mes talons ni de me ridiculiser. Leuphorie que javais ressentie aider Cherise etDavid stait vapore, et je ntais pas loin de lpuisement.

Jeremiah gardait le regard fix sur les portes, et jeus limpression quil faisait exprs demignorer. Lintransigeance de son visage minquita, car je ne savais pas ce quelle me rservait.La douce intimit que nous avions partage pendant notre danse stait envole. Je me gardai deparler, me promettant denvoyer ds que possible un mail mes amis pour leur faire des adieuxtardifs et leur souhaiter bonne chance dans leur entreprise.

La limousine nous attendait devant la sortie. Nous vitmes les derniers paparazzis etmontmes dans la voiture, puis le chauffeur referma la portire derrire nous. Je minstallais sur lerebord dune banquette latrale, face Jeremiah. Au moment o nous dmarrions pour regagnernotre htel, il ferma la cloison en verre noir pour nous isoler du chauffeur.

Par instinct, je jetai un regard vers lavant scell de la voiture, et Jeremiah profita de ce momentdinattention pour passer lattaque : il me repoussa brusquement sur la banquette et jtouffaiun cri de surprise. Me dominant de toute sa taille, il pesait sur lune de mes paules, me plaquantau cuir du sige. Ses prunelles sattardrent sur ma poitrine avant de remonter vers mon visage. Lefeu qui les ravageait me serra la gorge.

cartez les jambes pour votre Matre !

Sous leffet du choc, jentrouvris les lvres. Ma respiration devint saccade, tandis que son autremain glissait le long du tissu qui moulait ma hanche. Quand la fermeture de ma robe souvrit, il yglissa les doigts afin de caresser lintrieur de ma cuisse.

propos de votre frre, tremblai-je, voulant me justifier tout prix tellement jtaisnerveuse, il ne sest rien pass. Je lai confondu avec vous et

Non !

Je me tus. Jeremiah interrompit ses gestes, tendu comme un arc. Je ne veux plus entendre parler de mon frre ce soir, lcha-t-il. Sil vous plat, ajouta-t-il de

mauvaise grce.

Quand jopinai, il se relaxa un peu.

Et maintenant, reprit-il, o en tions-nous ?

Sa main sinsinua entre mes genoux, les fora souvrir, tandis quelle remontait vers le haut dema jambe. Je cessai de respirer, le ventre nou, lorsque ses doigts tirrent sur la jarretelle de macuisse et frlrent ma peau jusqu sinfiltrer sous la ceinture, autour de mes hanches. Malgr moi,je serrai les jambes, il sarrta.

Vos jambes !

Lordre se referma sur moi, tel un filet de sensualit, et je dglutis. Mon corps stait dj mis


vibrer, je haletais presque. Une partie de moi redoutait ce quil allait minfliger ; mme si je nemattendais pas quoi que ce soit de douloureux ni davilissant, javais peur de perdrecompltement le contrle sur moi. Ctait dailleurs peut-tre ce quil recherchait. Avec un soupirfrmissant, jobligeai les muscles de mes cuisses se dcontracter et cartai les genoux.

Encore !

Jobis en serrant les lvres et me dvoilai lui. Sa main quitta mon paule pour prendre appuisur le dossier de la banquette. Quand un doigt vint appuyer sur la fine barrire de ma culotte,jtouffai un gmissement et arquai mon corps sous leffet du plaisir. Il attrapa mes cheveux afinde bloquer mes mouvements, et sa main palpait mes chairs. Il se pencha tout prs de moi.

Vous tes moi, murmura-t-il, les yeux luisants. Je veux vous lentendre dire.Il continuait me caresser, sa poigne se resserrait autour de ma chevelure et je geignais de

bonheur. Je suis vous, parvins-je souffler avec difficult.

Mon corps tremblait comme un cur battant. Les yeux ferms, jtais toute entire concentresur les sensations que son contact suscitait en moi. Lagrable douleur du dsir se rpandit dansmon bas-ventre. Retirant mes chaussures, je marc-boutai sur le sol et poussai mes hanches versla main magicienne.

Rptez.

Je suis vous, Matre.

Ses doigts tirrent brutalement mes mches et je rouvris les yeux en haletant. Ses prunellesfouillaient les miennes, je naurais su dire en qute de quoi, mais je crois que, de toute faon, jentais pas en mesure de lui cacher quoi que ce soit. Je ne voulais quune chose lui ; jessayai delui montrer quel point jtais dsespre quil me rejoigne. Les lvres de mon vagin palpitaient,rclamaient quon les cajole, et je priai en silence pour quil men donne toujours plus.

Soudain, il relcha sa prise autour de mes cheveux et se dplaa. Si lintensit de son regardavait baiss dun cran, il nen tait pas de mme pour son exigence.

Je veux que vous jouissiez pour moi, souffla-t-il, son visage tout prs du mien.

Ses mots me firent fondre, sa voix grave envahit mon corps dun plaisir sensuel. Ses doigtshabiles sactivaient sans effort sous mes dessous, et je gmis sans retenue quand ils sinsinurentdans mes replis intimes pour caresser mon con mouill. La voiture brimbalait doucement, merappelant o je me trouvais, mais les lgers cahots ne faisaient que renforcer mes sensations. Unmajeur pais senfona en moi, tandis que le pouce agaait mon clitoris durci. Des soupirssaccads filtrrent de ma bouche entrouverte.

Je suis le seul tre autoris agir ainsi, reprit Jeremiah, qui accentua ses paroles entaquinant une partie de mon corps avec une telle agilit que je bondis littralement sur labanquette. Aucun autre homme ne vous touchera sans ma permission, ajouta-t-il. Est-ce clair ?

Secoue par des vagues de plaisir, en route vers un orgasme stellaire, je rpondis par une sortede murmure trangl. De nouveau, il me tira les cheveux.


Ou oui ! parvins-je prononcer.

Je ne vous entends pas. Oui ! criai-je. Sil vous plat, Matre !

Regardez-moi !

Je rivai mes yeux sur son visage et le pouvoir incandescent qui manait de ses prunelles mecloua sur mon sige. Son pouce frottait de plus en plus fort, tandis que son majeur sincurvait enmoi et sactivait avec une prcision dexpert sur louverture de mon con.

Et maintenant, jouissez !

Cest avec un geignement ravi que je plongeai par-dessus bord. Le corps agit de soubresautsincontrlables, jagrippai sa veste, et tout en moi explosa. Mes ultimes forces quittrent moncorps, et je me rpandis sur le cuir de la voiture en tentant de retrouver ma respiration.

Jeremiah lcha mes cheveux et se rassit sa place, mabandonnant sur la banquette. Si javaisrussi refermer les cuisses, je ne pouvais plus rien faire dautre. Jtais encore secoue defrmissements, et javais les jambes en coton. La voiture ralentit et tourna, menvoyant contre ledossier, et je sursautai quand une main se posa sur mon genou. Je dglutis et distinguai, de lautrect de la vitre teinte, la faade illumine de notre htel qui me surplombait.


4Nous parcourmes le court trajet qui nous sparait de notre suite dans un silence

impressionnant. Javais peine retir mes hauts talons pour librer mes orteils douloureux quunbras puissant entoura ma taille. Jeremiah colla son corps dur contre le mien et me plaqua au mur.Une cuisse musculeuse sinsinua entre mes jambes et, avant que jaie pu saisir ce qui marrivait, ilme donna un baiser passionn. Encore excite par ce qui stait pass dans la limousine, je croisaimes doigts autour de sa nuque et dans ses cheveux, tout en rpondant son baiser avec force etgmissements.

Ses mains sarrondirent sur mes fesses, il me souleva et me coina entre le mur et lui. Jemaccrochai ses paules pour conserver mon quilibre, mais il me tenait fermement, tandis queses lvres et ses dents glissaient le long de mon cou. Ses mains caressrent mes cuisses avant denouer mes jambes autour de sa taille. Je sentis son rection appuyer sur mon bas-ventre djaffam.

Mienne, murmura-t-il.

Sa voix grave parcourut mon corps, tel un raz-de-mare. Emprisonnant mes poignets dans uneseule main, il les cloua au-dessus de ma tte. Sa bouche revint la mienne, la suota, la mordilla.Son autre main ptrissait la chair tendre de mes seins, le pouce agaait mes ttons et je mecambrai vers lui.

Son dsir et sa passion mincendirent. Je geignis, le corps tendu comme un arc pour merapprocher encore et encore de lui. Il fit bouger ses hanches, je poussai un petit cri. Ses dentsjourent avec mon lobe avant de descendre lentement le long de ma gorge, et je perdis toutenotion du monde.

un moment, je me rendis compte que nous nous dplacions, mais la ralit ne simposa moique quand lunivers bascula, me faisant atterrir sur le dos, au milieu du grand lit. Jeremiah neperdit pas de temps se coucher sur moi, sans se soucier de ma robe luxueuse quil froissaitdune main rude. Sa ferveur accentua mon dsir. Jen voulais plus, jen avais besoin. Mais quand jeme risquai le toucher, il emprisonna de nouveau mes poignets, quil immobilisa prs de ma tte,tandis quil suait et taquinait mon cou.

Tournez-vous.

Je me dpchai dobir et sentis la fermeture de ma robe glisser le long de mon dos et sur mesreins. Il dvoila ma peau puis fit courir ses lvres sur ma colonne vertbrale. Je marquai commeun chat, jouissant de la caresse, puis entendis le bruit mtallique de la boucle de sa ceinture quildfaisait. Excite par la promesse de ce son, je tendis le derrire pour le frotter contre son bas-ventre. ma plus grande joie, sa respiration devint plus courte.

Ses mains agripprent de nouveau les miennes et les tirrent vers la tte de lit. La sensation ducuir frais autour de mes poignets mamena regarder. Jeremiah tait en train de mattacher auxbarreaux en laiton. Pour le coup, jtais bel et bien prisonnire ! Ensuite, il entreprit de mter marobe. Je soulevai le bassin pour quil puisse la tirer. Il la jeta en boule par terre. Il se mit ptrirmes fesses et carta mes jambes. Je magenouillai, mourant denvie dun contact plus intimeencore. Jtais prsent dans une position vulnrable, entirement expose, et un grognementapprciateur dclencha mes frissons.


Dune main brutale entre mes omoplates, il mobligea enfoncer ma poitrine dans le matelas.Puis il se pencha sur moi, et ses lvres jourent sur mon dos. Mes soupirs de plaisir taient desexpirations haletantes, mes doigts agrippaient le cuir de la ceinture. Quand ses dents griffrent lapeau tendue de mon cul, je ne pus retenir le gmissement qui montait du plus profond de moi.Mon corps trembla de dsir inassouvi, mais Jeremiah prenait son temps. Il caressa mes hanchespuis mes fesses, son pouce glissa du creux de mes reins jusqu lintrieur de mes cuissesmouill.

Je bondis en avant quand il carta mes chairs sensibles, et ma respiration se transforma en unrythme hach qui se rpercuta dans le silence de la chambre. Je sentis son souffle sur moi uneindication de ce qui allait suivre , puis ses lvres et sa langue brlante trouvrent sans hsitermon trou douloureux. Je me cambrai, mon cri rebondit sur le mur, tandis que sa langue lchaitlouverture troite avant de sy enfoncer et que ses doigts jouaient avec mes lvres. Tout moncorps frissonna de bonheur.

Il fit durer le plaisir au point que jen vins ruer et le supplier.

Piti, ne cessai-je de rpter.

Jignore pourquoi jimplorai sa piti, dailleurs. Pour quil cesse cette torture dlicieuse ? Pourquil continue et me donne encore plus de jouissance ? Les deux, sans doute.

Mais sa seule rponse mes prires fut de rire doucement et de continuer massaillir decaresses.

Quand il finit par introduire un doigt en moi, je menfonai dessus avec avidit. Il se contrlaitet dominait mon plaisir. Mais lorsquil commena frotter mon sexe, mes sensations ne firent quesaccentuer, et je me sentis couler le long de mes cuisses. Je devais me mordre les lvres pour nepas hurler sous leffet de sensations aussi aigus et intenses.

Soudain, il scarta puis me remit sur le dos, face lui. Je contemplai son visage empreint desauvagerie quand il carta de force mes genoux, y noua lun de ses bras et planta toute sa queueau plus profond de moi, dun seul coup. Je cambrai les reins et fermai les yeux, le souffle couppar cette invasion si brusque. Les poignets toujours attachs, je subis ses assauts violents,prisonnire de sa passion dbride.

Regardez-moi.

Jouvris les yeux et admirai son beau visage intense. Une main remonta le long de mon corps etsenroula autour de ma gorge, tandis quil baissait la tte tout prs de la mienne. Ses hanchespoursuivaient leur va-et-vient impitoyable, dclenchant des vagues de plaisir qui me rendaientfolle.

Dites mon nom. Jeremiah, soufflai-je en frottant mes seins son torse.

Sous ma lingerie, mes mamelons dresss exigeaient quon les caresse. Je repliai ma jambe librepour la plaquer avec force sur ses reins et crocheter mes chevilles lune lautre. Il carquilla lesyeux, acclra le mouvement de ses coups de boutoir.

Encore !


Jeremiah ! hurlai-je dune voix dsespre, presque un sanglot. Piti !

Sa main se referma sur mon cou, pas assez pour mtrangler mais suffisamment pour que lesang me monte la tte. Son autre main entreprit de malaxer ma poitrine travers le tissu rigidede mon corset, en pinant fortement les ttons. Mes hanches bougeaient au rythme de ses allers etvenues qui mamenaient, lentement mais srement, vers la jouissance absolue, presque lorgasme mais pas encore

De nouveau, Jeremiah referma ses doigts sur mon cou, me coupant le souffle avec assez depuissance pour trancher dans le brouillard du plaisir. Mes yeux souvrirent vivement sur les siens,si verts, et jy lus le mme besoin que celui qui courait dans mes veines. Je me laissai aller messensations, dcidant de lui faire confiance malgr mes poumons qui commenaient brler.

Tout coup, il me lcha et senfona encore plus fort, tout en tordant doucement lun de mesttons. Le retour brutal de ma respiration et du sang dans mon corps fut trop pour moi et, avec uncri et un tremblement, je jouis pour la seconde fois ce soir-l. Surfant sur mon plaisir, je me tordissous lui et tirai sur la ceinture qui retenait mes poignets.

Jignore combien de temps il me fallut pour revenir la ralit, mais je finis par retrouver mesesprits. Jeremiah tait toujours couch sur moi. Ses prunelles guettaient la moindre de mesractions. Une de ses mains glissa sur ma joue, et ce fut le premier contact tendre depuis notrearrive dans cette chambre. Quand son pouce caressa mes lvres, jouvris la bouche, aspirai ledoigt et le mordillai.

Cest alors que, remarquant le feu qui couvait dans son regard, je pris conscience quil taittoujours aussi dur en moi.

Il libra mes mains. Mes doigts taient engourdis, mes poignets douloureux, mais a mtaitgal. Sans cesser de le fixer dans les yeux, jappuyai sur son paule pour quil bascule sur le lit. mon grand tonnement, il mautorisa ce geste, et je suivis le mouvement jusqu me trouver au-dessus de son corps imposant. Si, dans la bataille qui avait prcd, il stait dbarrass de saveste et de son pantalon, il avait conserv sa chemise blanche, dont seuls les deux boutons duhaut taient dfaits. Jenfourchai ses hanches, sentis son sexe rig appuyer sur mes fesses. Lunaprs lautre, je dfis les boutons de son vtement.

Je ne lavais encore jamais vu nu et, malgr la langueur qui alourdissait mes membres, jtaisaussi avide de dcouvrir son corps que lui le mien. Sil me scrutait, il ne mempcha pas de lui tersa chemise et de caresser son torse ferme. Il navait pas un poil de graisse. Les contours de sesmuscles saillaient dune faon impressionnante sur sa peau mate, autour de ses petits ttonssombres. Mais des cicatrices dparaient une telle perfection : une fine toile blanche et irrguliresur lune de ses paules, des lignes plus tnues travers sa poitrine et son ventre. Je les lissai delindex, lune aprs lautre. Il tressaillit mais, l encore, ne marrta pas.

Il tait mien, son tour. Ma possessivit me surprit. Je promenai mes mains sur son abdomen etses pectoraux avant de me pencher pour observer ses traits. Impassible, il me laissa dtailler dundoigt la courbe de ses joues, la carrure de son menton qui, mme ras de prs, picotaitlgrement, comme une feuille de papier de verre. Il tait si beau ! Prenant sa mchoire dans mamain, je me soulevai un peu avant de me placer au-dessus de son membre durci.

Je baissai la tte vers son visage quand une main se plaqua sur mon paule, marrtant net, quelques centimtres de ses lvres. Jeus du mal dchiffrer lclat de ses prunelles, quiexprimaient une sorte de retenue, de prcaution, dont le sens mchappa. Si sa main me retenait


de descendre plus avant, rien de mempchait donduler du bassin, et je finis par mempaler surlui. Il dglutit, sa pomme dAdam montant et descendant. Je commenai remuer les hanches et glisser lentement sur son rection. Un soupir lui chappa. La main qui maintenait mon paule sedtendit, et je baissai la tte pour embrasser son cou, jusqu la cicatrice en forme dtoile, sanscesser de rouler autour de son sexe.

Ma bouche traa le contour de la peau blanche, mon index taquina lun de ses ttons. Daussiprs, la marque tait plus grosse que je lavais cru. Ses bords taient moins dcolors quelintrieur, mais le derme en tait frip. Je relevai la tte et vis quil mobservait de cet air toujoursaussi impntrable. Ses lvres pleines taient entrouvertes, je mourais denvie de les goter. Meredressant, je fis de nouveau courir mes doigts de chaque ct de son visage.

Vous tes tellement beau, soufflai-je, incapable de le quitter des yeux.

Le dsir qui allumait les siens sintensifia. Je fixai sa bouche sensuelle ; il emmla ses doigtsdans mes cheveux et attira mon visage vers le sien. Nos lvres se heurtrent, saisies dune mmeavidit. Son autre main senfona dans ma hanche, tandis que je le chevauchai sauvagement touten caressant son torse.

Soudain, un tlphone portable vibra longuement, au point den devenir agaant.

Apparemment, quelquun tient absolument vous parler, ronronnai-je avec un sourire.

Quils rappellent plus tard, gronda-t-il.

Alors il donna un coup de rein violent afin de senfoncer plus profondment en moi. Je poussaiun cri, oubliant tout de linterruption gnante. Jeremiah me fit rouler sur le dos, ses dentstrouvrent mon cou, et il me cloua sur le matelas avec ses va-et-vient. Jagrippai mes cuissesautour de lui, gmissante, tandis quil me transperait encore et encore. Mes ongles griffaient sondos, sur lequel je mappuyais pour rpondre ses mouvements. Il me tira les cheveux,mobligeant le regarder. Un dsir proche du dsespoir clairait ses prunelles, et jprouvai unmoment de triomphe quand il geignit et jouit en moi dans un ultime coup de rein.

Les paupires closes, je maccrochai son corps frissonnant. Jadorais son poids sur moi, il medonnait limpression dtre en scurit. Je poussai un soupir repu.

Je

Vous aime. Jouvris aussitt les yeux, frappe par ce que javais failli dire. Horrifie, mme. Je fixai le

plafond, tandis que Jeremiah se retirait et sallongeait mon ct. Javalai ma salive, le soufflecourt. Avais-je vraiment t sur le point de prononcer ces mots ?

Sans un bruit, je mcartai de lui, regagnant le rebord du lit avant de menfuir vers la salle debains contigu la chambre. Tirant le verrou derrire moi, je regardai mon reflet dans le miroir,encore bouleverse par les paroles qui avaient travers mon esprit.

Je connaissais cet homme depuis quoi deux jours ? En tout cas pas assez pour dclarer maflamme. Pourtant, la phrase avait manqu de mchapper, et jen tais remue. Cest avec desmains tremblantes que je tournai les robinets du lavabo et pris un gant de toilette pour me laver.

Je navais jamais connu de liaison o les mots fatidiques avaient t changs. Mme


adolescente, javais lesprit trop pratique pour les dire quiconque, except mes parents. Quilsme soient passs par la tte, deux doigts de sortir de ma bouche, me bouleversait.

Il tait beaucoup trop tt pour a, me dis-je en me grondant. Malheureusement, je me rappelaimon pre, qui avait toujours affirm quil stait pris de ma mre ds quil lavait vue. Jerepoussai ce souvenir. Mon pre avait t le romantique de la famille, ma mre la pluspragmatique des deux. Je tenais delle. Javais tendance regarder autour de moi avant deplonger. Il nempche, la situation dans laquelle je me trouvais avec Jeremiah mtait totalementinconnue.

Des coups frapps me tirrent de mes rflexions. Passant la tte par la porte de la salle debains, jentendis quon tambourinait au battant de la suite. Heureuse de cette diversion, jattrapaiun peignoir, lenfilai et allai jeter un il par le judas. Un employ en uniforme de lhtel taitplant devant la porte. Il tenait un objet que je ne russis pas identifier.

Curieuse, jentrebillai le battant. Lhomme sinclina lgrement devant moi.

Un cadeau pour M.Hamilton et son invite, annona-t-il dans un anglais parfait, en memontrant une bouteille de Champagne et deux fltes.

Je haussai les sourcils sous leffet de la surprise. Ne sachant comment ragir, je lui pris sonprsent. Avec une seconde rvrence, il recula dun pas et je refermai la porte. Je tournai lestalons, arrtai mon geste, puis rouvris.

Je vous dois quelque chose ?

Mais lhomme avait dj disparu. Je refermai cl, emportant la bouteille et les verres dans lachambre coucher.

Allong sur un fauteuil, Jeremiah avait son portable coll loreille. Quand il maperut, sonvisage sclaira dun grand sourire, ce qui ne manqua pas de mtonner. Mon cur eut un ratdevant tant de beaut. Javais du mal croire quil tait mien.

Pour linstant, me rappelai-je aussitt, temprant mon enthousiasme. Dcidment, la ralit semanifestait toujours aux pires moments.

Jeremiah reposa le tlphone et tendit le bras vers moi. Approchez.

Jacquiesai et memparai de sa main.

genoux !

Je mexcutai sans rflchir. Sa paume se mit caresser ma chevelure. Une partie de moi sedemandait pourquoi jtais aussi obissante. Mme si je ntais pas une fministe enrage, javaisma fiert. Et pourtant, autoriser cet homme me dominer suscitait en moi une forme de paix queje navais pas ressentie depuis longtemps. Ma vie avait tellement pes sur moi que celaressemblait en quelque sorte des vacances. De plus, lapprobation que je lus dans ses yeux futune rcompense qui valait la peine de me montrer docile, mme si mon ct pratiquemempcherait de trop mabaisser.

Qui tait-ce ? demandai-je.


Personne dimportant, rpondit-il. Sinon, ils auraient laiss un message. Et a, ajouta-t-il endsignant la bouteille et les fltes, quest-ce que cest ?

Un cadeau, apparemment.

Il me les prit des mains et examina la bouteille.

Une bonne marque, commenta-t-il. Srement un des invits du gala.

Je nai jamais eu loccasion de boire du Champagne franais, avouai-je, pate quil soitcapable de dterminer quil sagissait l dune bonne bouteille.

Vraiment ? stonna-t-il.

Juste du cidre quand jtais jeune, puis, adolescente, des ptillants de mauvaise qualit.Adulte, je ne frquentais pas les endroits o on en sert.

Eh bien, sachez que vous avez droit un excellent vin pour votre premire.

Il maida me relever et mentrana vers le bar de la suite. Je lobservai avec amusement retirerle muselet puis diriger la bouteille vers le plafond et la dboucher bruyamment. Il emplit les deuxfltes moiti et men tendit une.

Buvez.

Le liquide jaune ple ptillait dans le verre, pas trs diffrent de ce que javais pu connatre plusjeune. Bizarrement, la premire gorge me sembla trs amre, et je plissai le nez tandis que lesbulles explosaient sur ma langue. Un autre essai ne russit pas davantage me faire apprcier laboisson.

Euh je ne dois pas tre faite pour le luxe.

Jeremiah clata de rire et je sursautai. Il paraissait plus dtendu et ouvert que jamais, sans quejen saisisse la raison. Il me regarda avec un air de petit garon, qui me fit fondre. Cet homme sedoutait-il quel point il tait craquant quand il dvisageait une femme de cette faon ?

Il faut peut-tre un peu de temps pour shabituer au got, dit-il.

Il remua son propre verre, mais ne but pas, prfrant me couver des yeux. Je rougis avant de mesermonner. Allons, jtais une grande fille. Je pouvais prendre linitiative.

Avez-vous dj euh jou avec des aliments ?

Ce fut son tour de sursauter, et il me dvisagea avec une stupeur non feinte.

Et vous ? contra-t-il aussi sec.

Je secouai la tte, ce qui eut le don de le surprendre. La malice claira ses traits. Je nen revenaispas. Il tait dune humeur presque joyeuse, bien loin de sa gravit habituelle. Mais le dfi que jedchiffrai dans ses yeux rveilla la rebelle qui sommeillait en moi. Sans quitter son regard, jecassai la tte en arrire et renversai mon verre sur ma poitrine. Le liquide coula sur mon peignoiret entre mes seins.


Mon audace eut leffet escompt, et les prunelles de Jeremiah sassombrirent. Il mattira dansses bras.

Vilaine allumeuse, ria-t-il en retirant la flte de mes doigts avant de poser ses lvres sur magorge.

Une crampe traversa tout dun coup mon ventre. Je tressaillis, mais sans y prter plusdattention que cela. Les lvres de mon amant descendirent vers la boisson qui recouvrait mapeau. A ce moment, mon estomac se tordit de nouveau et je poussai un lger cri, puis basculai enavant. Lamusement cda la place linquitude sur le visage de Jeremiah.

Quy a-t-il ?

Sa voix svre exigeait une rponse. Sauf que je nen avais aucune lui donner.

Je ne me sens pas bien, parvins-je articuler.

Je titubai jusqu lvier du bar. Jeus peine le temps de latteindre pour y vomir le maigrecontenu de mon estomac. Javais du mal me tenir debout, mme en mappuyant au comptoir enmarbre.

Jentendis un bruit de verre bris dans mon dos et me retournai. Une tache sombre, le reste demon verre, se rpandait sur le sol. Jeremiah attrapa le tlphone le plus proche, tandis que jtaisprise de nouvelles nauses.

Envoyez tout de suite un mdecin dans ma suite ! hurla-t-il.

Quand mes jambes se drobrent sous moi, il lcha lappareil pour prvenir ma chute.

Lucy ? Ne vous vanouissez pas !

Mon ventre tait si douloureux que je ne pouvais plus me retenir de crier. Une main lissa enarrire mes mches soudain humides, et je frissonnai en gmissant, incapable de contrler moncorps. Je sentis quon me couchait par terre, la silhouette floue de Jeremiah traversa mon champde vision.

Un mdecin ! Tout de suite !

Un rugissement emplit mes oreilles, comme un torrent derrire lequel me parvenait la voix demon patron. Bien que je sois assourdie, jen dtectai les accents frntiques. Puis je me raidis, mesmuscles se ttanisant dans une douleur fulgurante, et je sombrai dans le noir.

1 En franais dans le texte, de mme que les dialogues en italique qui suivent.

1_split_000.pdfDisque localInconnu(e)

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11.pdfDisque local1

12.pdfDisque local2

13.pdfDisque local3

14.pdfDisque local4

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Tout Ce Qu Il Voudra t3 Sara Fawkes