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Traité Complet de La Théorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (1867)

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    TRAIT

    COMPLET

    DE

    LA

    THORIE ET

    DE

    LA

    PRATIQUE

    DE

    L'HARMONIE

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    ilo

    E.

    Martinet,

    ruo

    Mignon,

    S.

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    TRAIT

    COMPLET

    DE

    LA

    THORIE

    ET DE LA

    PRATIQUE

    DE

    L'HARMONIE

    CONTENANT

    LA

    DOCTRINE

    DE

    LA

    SCIENCE ET

    DE

    L'ART

    PAR

    F.

    J.

    FETIS

    Kat

    ti;

    fouei

    ouyjs'veia Ta ;

    jy.cvxic xai

    rot;

    fjxc;

    uval.

    L'harmonie

    et

    le

    ihythme

    semblent ratine

    nous tre

    inhrente.

    (Arist.,

    Polit., lib.

    VIII, dit. Bekk.,

    t. II,

    p.

    1340,

    col.

    2.)

    NEUVIME

    EDITION

    Berne, corrige

    et

    augmente

    par 1

    An leur

    PARIS

    G.

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    R

    /SJ

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    by

    the

    Internet

    Archive

    in 2010 with

    funding from

    University

    of

    Ottawa

    http://www.archive.org/details/traitcompletdeOOft

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    AVERTISSEMENT

    DE

    LA NEUVIME

    DITION

    En

    terminant

    la

    prface de

    la

    troisime

    dition

    de

    cet

    ouvrage, je

    disais,

    nonobstant

    le

    bon

    accueil

    qui lui

    avait

    t

    fait ds sa

    premire

    publication,

    qu'il

    lui restait

    encore

    subir l'preuve du

    temps,

    pour

    en

    consacrer

    la

    doctrine.

    Au

    moment

    o

    je

    viens

    de

    relire pour

    la der-

    nire

    fois

    ce

    mme

    livre,

    prs d'un

    quart de

    sicle

    s'est

    coul;

    huit

    ditions de

    l'ouvrage

    -

    ont t

    puises;

    des

    milliers

    d'harmonistes

    ont t

    enseigns par la

    thorie

    qui

    y

    est

    tablie;

    eux-mmes

    sont

    devenus

    des

    matres et

    la

    propagent;

    enfin,

    les

    hommes

    les

    plus

    comptents

    dans

    la science

    de

    riiarmonie

    m'ont

    adress

    des

    flicitations

    de

    toutes

    parts.

    Plusieurs,

    dous

    de

    l'esprit

    philosophique,

    ont

    compris

    que

    la

    doctrine

    expo-

    se

    dans

    mon

    ouvrage

    n'est

    autre

    chose

    que

    la

    rvlation

    du

    secret

    de

    l'art,

    la

    loi

    fondamentale

    sans

    laquelle

    les

    uvresde

    cel

    arl

    .

    produites

    depuis

    prs

    de

    quatre

    sicles,

    n'existeraient

    pas.

    .le

    n'ai rien

    invent

    :

    j'ai

    tout

    dcou-

    vitI

    dans

    l'histoire

    monumentale

    de

    la musique.

    La

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    il

    AVERTISSEMENT.

    conviction

    de cette vrit se

    rpand

    de

    proche

    eu

    proche.

    Ce

    n'est pas

    dire

    que

    le monde

    musical

    tout

    entier

    se

    soit

    ralli

    la

    doctrine

    de

    l'harmonie base

    sur

    la tona-

    lit,

    et qu'il

    n'y en ait

    plus

    d'autre

    admise

    dans

    l'enseigne-

    ment

    : il

    n'est

    pas

    dans

    la nature des

    choses

    humaines

    de

    faire

    natre

    une

    semblable

    unanimit

    de

    vues

    et

    d'opinions.

    Jamais une

    autre science

    n'a

    vu

    produire

    autant

    de

    rves

    extravagants

    que

    celle

    de

    l'harmonie

    :

    nagure

    j'en

    ai

    vu

    poindre

    de

    nouveaux

    dont

    l'absurdit

    ne le

    cde

    en

    rien

    aux

    anciens

    ;

    il

    est

    vraisemblable

    que

    l'avenir

    n'en sera

    pas

    plus

    avare.

    f

    En Allemagne,

    les

    Traits

    de

    composition

    et

    d'harmo-

    nie

    se

    multiplient

    chaque

    anne :

    ils

    n'ont

    de nouveau

    que

    leurs titres

    ou

    plutt

    que

    les

    noms des

    auteurs,

    car

    le

    fond de tout

    cela se

    trouve

    dans

    les

    vieux

    ouvrages

    de

    Vogler et de

    Frdric

    Schneider.

    Ce

    sont

    toujours

    les

    mmes

    erreurs

    d'accords

    de

    toute

    nature

    placs sur

    tous

    les degrs de

    la gamme,

    sans

    gard

    pour

    leurs lois

    de

    succession.

    En

    France,

    Paris

    surtout,

    tout

    professeur d'harmonie

    ayant

    de

    certains procds

    d'enseignement

    auxquels

    il

    attache

    de

    l'importance,

    bien qu'au fond

    il

    ne

    s'loigne

    pas

    du

    systme de

    Catel,

    tout

    professeur d'harmonie,

    dis-je,

    veut

    mettre

    au

    jour

    un

    trait, une mthode

    qui

    porte

    son nom

    et

    le

    fasse

    connatre

    du public.

    Au

    point

    de

    vue

    de

    la

    science,

    ces

    ouvrages sont

    comme

    non

    ave-

    nus

    ;

    mais,

    en

    rsultat,

    ils

    sont

    des obstacles opposs

    la

    propagation

    de

    la

    saine

    doctrine

    de

    la

    science en

    rap-

    port

    intime

    avec l'art

    ;

    obstacles

    qui

    toutefois ne sont

    que

    momentans.

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    AVERTISSEMENT.

    m

    Pour exposer

    en

    peu

    de

    mots

    les

    principes

    qui

    mont

    dirig

    dans

    la conception de ma thorie

    de

    l'harmonie,

    je

    dirai

    qu'abandonnant

    toute

    ide

    de

    systme,

    je

    me

    suis demand si

    les

    lois

    secrtes qui

    rgissent

    les

    rapports

    de

    succession

    des

    sons de nos

    gammes

    majeures

    et

    mi-

    neurs

    n'taient

    pas

    les mmes qui

    dterminent

    les

    rap-

    ports

    de

    simultanit

    dans

    les

    accords;

    en

    d'autres

    termes,

    si le principe

    de

    la

    mlodie n'tait

    pas

    identique

    avec

    celui

    de l'harmonie

    ;

    et

    bientt

    j'ai

    acquis

    la

    con-

    viction

    de

    cette

    identit.

    J'ai

    vu

    que

    parmi

    la

    multitude

    de

    combinaisons

    dont

    se compose

    l'harmonie

    de

    notre

    musique,

    il en

    est

    deux

    que

    notre

    instinct musical

    accepte

    comme

    existant

    par

    elles-mmes,

    indpendamment

    de

    toute circonstance

    prcdente et

    de

    toute prparation,

    savoir:

    l'harmonie

    consonnante

    appele

    accord

    parfait,

    qui

    a

    le

    caractre

    du

    repos et

    de

    la

    conclusion,

    et

    l'har-

    monie dissonante,

    dsigne

    sous

    le nom

    d'accord de

    .sep-

    time

    dominante,

    qui dtermine la

    tendance,

    l'attraction

    et le

    mouvement.

    La

    rsolution

    ncessaire

    des

    notes

    at-

    tractives

    de

    celui-ci,

    et

    la position

    de ces

    notes

    dans

    la

    gamme,

    fournissant

    les

    lois

    de

    succession

    de cinq

    des

    degrs

    de

    cette

    gamine,

    la

    position

    des

    deux

    autres

    degrs

    se

    dduit

    d'elle-mme.

    Par

    l

    se

    trouvent

    dtermins

    les rapports ncessaires

    des

    sons,

    qu'on

    design'

    en

    gnral

    sous

    h; nom

    de

    tonalit.

    En

    possession

    de ces

    donnes,

    j'ai

    donc

    vu

    que

    tonte

    l'harmonie

    rside dans

    ces

    ncessits

    alternatives

    :

    repos,

    tendance

    ou

    attraction,

    et

    rsolution

    de

    ces

    tendances

    dans

    un

    repos nouveau. J'ai

    vu

    aussi

    que

    les

    deux

    ac-

    cords

    dont

    je

    viens de parler

    fournissent

    tous

    Les

    lments

    ncessaires

    pour

    L'accomplissemenl

    des

    exigences

    de

    ces

  • 7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18

    12/343

    iv

    AVERTISSEMENT.

    deux

    lois

    de

    toute

    musique.

    J'en

    ai conclu

    que

    toutes

    les

    autres

    harmonies

    ne

    sont

    que des modifications

    de

    celles-

    l,

    et

    j'ai class

    ces

    modifications

    dans

    l'ordre

    suivant

    :

    1

    renversement

    des accords

    naturels

    consonnants

    et

    dissonants

    -

    ,

    2

    substitution

    d'une note

    une autre

    dans

    l'accord

    dissonant,

    et

    dans

    ses

    drivs par le

    renverse-

    ment;

    3

    prolongation

    d'une

    note

    d'un

    accord

    sur

    un

    accord

    suivant;

    4

    altration des

    notes

    naturelles

    des

    accords

    par

    des

    signes

    appartenant

    des tons

    divers

    ;

    5

    combinaisons

    de

    ces

    modifications.

    Voulant

    m'assurer

    que ces

    considrations

    m'avaient

    conduit

    des

    vrits

    irrfragables,

    sans aucune

    exception,

    et

    qu'il

    n'existe

    point en

    musique,

    un ton

    tant

    donn,

    d'autres

    accords

    ncessaires

    que

    ceux

    dont

    je

    viens de

    parler,

    j'ai

    pris

    des

    compositions

    de

    tout

    genre, et

    leur

    enlevant

    successivement

    toutes

    les

    modifications

    que

    le

    sentiment

    ou

    la

    fantaisie

    du

    compositeur

    avait introduites

    dans

    les

    harmonies

    naturelles, j'ai vu

    que celles-ci

    suffi-

    sent

    pour

    conserver

    leurs

    ouvrages

    leur

    signification

    tonale,

    mlodique

    et harmonique;

    d'o

    j'ai conclu avec

    certitude

    que

    les

    deux

    accords

    consonnant et

    dissonant

    sont

    les

    seuls

    ncessaires.

    Il

    n'est

    pas de

    philosophe

    de

    quelque

    valeur, pas de

    savant

    ayant

    l'habitude de

    gnraliser,

    qui

    n'ait

    espr

    d'arriver

    la

    solution

    dfinitive

    de

    problmes

    demeurs

    longtemps

    obscurs

    :

    je

    dois

    avouer

    que je

    me

    trouve

    dans

    une

    situation

    d'esprit

    analogue, et

    que

    ma

    persuasion

    d'avoir

    assis la

    science

    de

    l'harmonie

    sur sa

    base

    naturelle

    est

    inbranlable.

    Pendant

    soixante

    annes

    d'tudes

    et

    de

    lecture

    de

    tout

    ce

    qui a

    t

    publi

    sur

    le

    mme

    sujet,

    mes

    ides

    n'ont

    pas

    vari

    l'gard

    du

    principe

    de

    cette

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    AVERTISSEMENT.

    y

    science,

    savoir

    la

    loi

    tonale. J'ai

    port toute l'attention

    dont

    je

    suis

    capable

    sur

    les

    objections qui m'ont

    t

    faites,

    et je crois

    avoir

    rfut

    victorieusement

    celles qui

    prsentaient

    quelque

    apparence

    de solidit

    :

    les

    autres

    ne m'ont

    pas paru

    devoir

    m'occuper.

    Aujourd'hui donc,

    je

    viens

    dclarer, sans

    tre

    proccup d'aucun

    intrt

    de

    vanit,

    et

    par le seul amour

    de

    la

    science

    et de l'art,

    que

    je

    crois avoir

    mis

    dans

    ce

    livre

    la

    constitution

    dfinitive

    de

    la

    thorie

    de l'harmonie.

    L'AUTEUR.

    Bruielles, 25 fvrier

    ISC7.

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    PREFACE

    DE L

    TROISIME

    DITION.

    Harmoniste

    par

    instinct,

    j'crivais

    ds

    l'ge

    de

    neuf

    ans

    des

    sonates , des concertos

    ,

    des

    messes

    ,

    sans avoir

    les

    pre-

    mires

    notions de

    la

    thorie

    de

    l'art.

    Admis

    comme

    lve

    au

    Conservatoire

    de

    Paris dans

    ma

    seizime

    anne,

    j'y suivis

    le

    cours

    d'harmonie du

    vnrable Rey, et

    j'y

    appris

    le

    systme

    de la

    basse

    fondamentale

    de

    Rameau,

    le seul

    qui ft

    connu

    de

    mon

    vieux

    matre.

    Peu

    de temps

    aprs, Catel

    publia

    son

    Trait

    d'harmonie

    dont

    les bases

    avaient t

    discutes

    dans

    une

    assemble

    de

    professeurs du

    Conservatoire. Une

    lutte

    s'engagea

    entre

    les

    partisans

    de

    l'ancien

    systme

    et

    ceux de

    la

    nouvelle

    doctrine.

    Dispos

    par la

    nature srieuse

    de mon

    esprit

    m'intresser

    ces

    questions

    de

    thorie, malgr

    ma

    jeunesse

    et

    mon inexprience,

    je

    me livrai

    l'examen

    des

    deux

    systmes

    rivaux,

    et

    par

    la

    comparaison

    que

    j'en fis,

    je

    cherchai

    m'clairer sur

    le

    degr de certitude de leur

    prin-

    cipe

    fondamental.

    Le

    dcouragement

    fut

    le

    premier

    rsultat

    de

    mes

    efforts

    ;

    car

    si ,

    d'une

    part,

    je

    trouvais une

    mthode;

    plus

    philosophique

    dans

    les

    crits de Rameau

    ,

    j'y voyais

    les

    faits

    naturels

    de

    l'art

    tourments

    pour

    les accorder

    au

    prin-

    cipe

    d'un systme; et de

    l'autre,

    si

    Catel me prsentait

    un

    ordre de faits plus conforme au

    sentiment

    de

    l'harmonie

    el

    aux procds

    pratiques

    de

    l'art,

    cet

    avantage

    tait

    balanc

    par

    les dfauts d'une mthode

    purement

    empirique,

    dont

    la

    base

    illusoire

    reposait

    sur

    les

    divisions

    arbitraires

    d'une

    corde

    sonore.

    Quelques

    annes s'coulrent, et

    dans

    cet intervalle

    le

  • 7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18

    16/343

    vi

    PRFACE.

    hasard

    ayant

    mis successivement entre mes

    mains

    les

    traits

    d'harmonie

    de

    Roussier,

    de

    Langl,

    du

    chevalier

    de

    Lirou

    ,

    deMarpurg,

    de

    Kirnbergeret

    de

    Sabbatini,

    je les

    lus

    avec

    attention,

    et

    mes

    incertitudes

    augmentrent.

    Pendant

    long-

    temps encore

    je

    me fis

    cette

    question:

    Quelle est la

    base cer-

    taine

    de

    l'harmonie ?

    sans

    y

    trouver

    de

    rponse

    satisfaisante.

    Un nouvel ouvrage

    de

    M.

    de

    Momigny

    1

    ,

    qui

    parut

    en

    180

    G,

    ne

    m'claira pas davantage,

    malgr

    les

    promesses

    de

    son

    auteur.

    Ce fut

    alors

    que,

    croyant

    trouver plus de

    ressources

    dans

    les

    crits

    des

    mathmaticiens

    relatifs

    l'objet

    de

    mes

    recher-

    ches,

    je

    lus

    les

    ouvrages de

    Ballire,

    de

    Jamard,

    de

    Surre-

    main-de-Missery,

    de

    Tartini,

    l'Essai

    d'Euler

    et la

    Gram-

    maire

    harmonique

    et

    physico-mathmatique

    de

    Catalisano

    ;

    mais

    l je

    me

    trouvai

    plus loin

    encore de

    mon but

    que

    dans

    les

    livres

    des

    musiciens

    ;

    car

    ceux-ci

    du

    moins avaient t

    di-

    rigs

    dans

    leurs

    travaux par

    le

    sentiment

    de

    l'art, tandis

    que

    les

    gomtres

    ne

    m'offraient

    que

    des

    spculations

    abstraites,

    sans

    application

    directe la

    musique.

    Je

    parlais

    quelquefois de

    mes perplexits

    l'illustre

    com-

    positeur

    Mhul

    ;

    mais

    loin d'en

    recevoir des

    encouragements,

    je

    ne

    trouvais

    en lui qu'incrdulit sur la

    possibilit,

    et

    mme

    sur l'utilit

    d'une thorie rationnelle

    de

    la

    musique.

    Tout

    ce

    qu'un musicien

    doit savoir

    de

    cette

    science,

    me

    disait

    il

    ,

    se

    trouve

    dans

    le

    Trait

    de

    Catel

    ;

    le

    reste

    est

    inutile.

    Il

    faut

    l'avouer,

    ces

    paroles

    taient

    l'expression

    sincre

    d'une

    opinion

    que

    partagent

    la

    plupart

    des

    artistes.

    N'imaginant

    pas

    que

    l'art puisse tre

    l'objet d'une

    science,

    ils

    n'attachent

    d'importance qu'aux

    procds

    d'excution ,

    et

    prfrent

    en

    gnral

    les

    mthodes

    empiriques celles

    qui

    exigent

    l'exer-

    cice

    du

    raisonnement.

    Hommes de

    sentiment,

    par

    cela

    mme

    qu'ils

    sont

    artistes,

    leur attention

    se

    fixe

    avec

    difficult

    sur

    des choses srieuses

    qu'ils considrent

    comme

    portant

    atteinte

    (1)

    Cours

    complet

    d'harmonie

    et

    de

    composition, d'aprs

    une

    thorie

    neuve et

    gnrale

    de la

    musique,

    base

    sur

    les

    principes incontestables

    puiss

    dans

    lu

    nature,

    etc. Paris,

    1800,

    o

    vol.

    in-8.

  • 7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18

    17/343

    PRFACE.

    vij

    l'activit

    de l'imagination.

    Ils

    ignorent

    ce

    que peut donner

    d'lvation

    et

    de

    nettet

    aux

    ides une

    thorie

    vraie

    de la

    science de

    l'art,

    et

    le peu

    d'intrt

    qu'ils

    y

    prennent

    est

    pr-

    cisment

    l'effet

    de

    cette

    ignorance.

    Nonobstant

    le

    respect

    que m'inspirait le

    mrite

    minent de

    Mhul,

    ses

    objections

    n'branlaient

    pas ma foi

    dans

    l'exis-

    tence d'un

    principe de

    l'harmonie

    diffrent

    des

    hypothses

    des

    savants,

    et

    non

    born au

    seul

    plaisir physique de

    l'effet

    des

    sons. Sortant

    un jour de chez

    le

    clbre

    artiste, aprs

    une

    conversation

    sur le mme

    sujet, il

    me

    vint

    une ide

    qui fut

    un

    trait

    de

    lumire,

    et

    qui

    me

    mit

    sur

    la

    voie

    de

    la

    doctrine

    que

    j'ai

    dveloppe depuis lors dans tous mes ouvrages. On

    a cherch

    (

    me disais-je

    )

    le

    principe

    de

    l'harmonie

    dans

    des

    phnomnes acoustiques,

    dans

    des

    progressions numriques

    de

    divers systmes, dans

    des

    procds

    plus ou moins ing-

    nieux

    d'agrgations

    d'intervalles

    des sons

    ,

    et

    dans

    des clas-

    sifications

    arbitraires

    d'accords

    ;

    mais

    il

    est

    vident,

    par l'exa-

    men

    des

    monuments

    de

    l'histoire

    de

    la

    musique,

    que

    ce

    n'est

    pas

    par

    ces choses que l'art

    s'est

    form.

    Les

    phnomnes

    de

    toute

    espce

    constats par

    des expriences

    modernes

    , les

    additions de tierces d'autres

    tierces suprieures

    ou inf-

    rieures

    ,

    et

    les autres

    faits

    qui

    ont

    servi de bases aux thori-

    ciens,

    n'ont point

    t

    les

    guides

    qui,

    ds

    les

    premiers

    pas,

    ont

    dirig les

    musiciens.

    Une

    cause plus

    active,

    plus

    imm-

    diate,

    a

    d\

    agir

    sur

    eux

    dans

    la

    formation

    des

    accords

    et

    dans

    l'enchanement

    qu'ils

    leur ont

    donn. Celte cause,

    ou,

    en

    d'autres

    termes,

    ce

    principe

    de

    l'harmonie,

    et comme art et

    comme

    science, n'a pu tre

    que ce

    qui

    rgle

    les

    rapports

    des

    sons

    et

    l'ordre

    o ils

    se suivent dans la

    gamine des deux

    modes;

    car

    il

    est impossible

    qu'il

    y

    ait

    deux

    principes dans

    l'art, dont

    un

    rgirai

    les

    successions

    de

    la

    mlodie, et l'autre

    les

    agrgations

    de

    l'harmonie,

    puisque

    ces

    deux

    choses

    son

    troitement

    lies l'une

    l'autre.

    Or,

    le

    principe

    rgulateur

    des

    rapports

    des

    sons,

    dans

    l'ordre

    successif

    el

    dans

    l'ordre

    simultan,

    se

    dsigne

    en

    g-

    nral

    par

    le

    nom

    de

    tonalit.

    Tout

    ce

    qui dans

    l'harmonie

    e.>t

  • 7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18

    18/343

    viij

    PRFACE.

    une

    consquence

    immdiate

    de

    l'ordre

    tonal

    appel diato-

    nique,

    et

    en

    peut

    tre

    considr

    comme

    l'expression

    absolue,

    abstraction faite

    de toute

    circonstance

    trangre,

    a donc n-

    cessairement

    une

    existence

    primitive

    et

    naturelle,

    tandis

    que

    ce qui

    n'est

    pas conforme

    cette

    constitution

    tonale,

    et

    ne

    satisfait

    pas immdiatement

    la sensibilit

    et

    l'intelligence,

    n'a

    qu'une

    existence

    momentane

    et

    artificielle.

    On

    comprend

    qu'

    ce

    point

    de

    vue,

    je

    cherchais

    dans

    la

    musique

    elle-mme

    le principe

    de

    l'harmonie,

    et

    que j'en

    cartais toute

    considration

    trangre

    la nature humaine

    ,

    c'est--dire

    les

    divisions

    du

    monocorde,

    les progressions

    nu-

    mriques

    et

    les formations

    mcaniques

    d'accords

    suivant

    de

    certains

    systmes,

    parce

    que

    nous

    n'avons

    conscience de

    ces

    choses

    ni

    dans

    la composition,

    ni dans

    l'audition

    de la mu-

    sique;

    qu'elles

    ne sont

    pas des

    parties

    intgrantes

    de

    l'art,

    et consquemment

    qu'elles

    n'ont

    pas contribu

    sa

    forma-

    tion. Je

    me demandai

    quels

    accords

    existent

    par eux-mmes,

    comme

    des

    consquences

    de

    la

    tonalit

    actuelle

    ,

    indpen-

    damment

    de

    toute

    circonstance

    de

    modification

    ,

    et

    je

    n'en

    trouvai

    que

    deux

    :

    le premier

    consonnant

    ,

    compos

    de trois

    sons,

    et

    appel

    accord

    parfait

    ;

    le deuxime

    dissonant, com-

    pos

    de

    quatre sons

    placs

    des intervalles

    de tierces

    l'un

    de

    l'autre,

    et

    appel accord

    de septime

    de

    la

    dominante.

    Je

    vis

    que le

    premier constitue

    le repos

    dans

    l'harmonie, parce

    que

    lorsqu'il

    se

    fait

    entendre,

    rien

    n'indique

    la

    ncessit de

    suc-

    cession;

    l'autre,

    au

    contraire,

    est attractif, par la mise

    en

    relation

    de

    certains

    sons

    de

    la gamme; par cela mme il

    a

    des

    tendances

    de

    rsolution

    ,

    et

    il

    caractrise

    le

    mouvement

    dans

    l'harmonie.

    J'en

    tais

    ces

    premires

    et

    importantes donnes, lorsque

    des

    intrts

    de famille m'obligrent

    m'loigner

    de

    Paris et

    me

    fixer

    la

    campagne,

    dans

    les

    Ardennes.

    Pendant

    trois

    annes

    de sjour

    dans

    ce

    pays

    de

    montagnes

    et

    de

    bois

    soli-

    taires,

    je

    faisais

    souvent

    de

    longues excursions

    o

    l'isolement

    absolu

    me

    permettait

    de

    me

    livrer sans distraction

    mes

    rveries sur la

    lliorie

    de

    l'harmonie.

    Aprs

    avoir

    fix

    le

    ca-

  • 7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18

    19/343

    PRFACE.

    .

    ix

    ractre

    et les

    fonctions

    des

    deux

    accords consonnant

    et

    dis-

    sonant,

    je

    cherchai

    avec

    soin si quelque

    autre

    agrgation

    har-

    monique

    tait ncessaire

    pour

    constituer la tonalit

    ;

    mais

    je

    n'en

    pus

    dcouvrir,

    et

    j'acquis la

    conviction que

    tous les

    au-

    tres

    accords sont

    des

    modifications

    de

    ceux-l

    ,

    et que'

    leur

    destination

    est

    de

    jeter de la

    varit dans les

    formes de l'har-

    monie,

    ou

    d'tablir

    des

    relations

    de gammes

    diffrentes.

    Ds

    que

    je

    fus

    en

    possession

    de

    cette

    vrit fondamentale,

    il

    ne

    me

    resta

    plus

    qu' rechercher

    la

    nature

    et le

    mcanisme des

    divers

    genres

    de

    modifications.

    J'y

    employai les

    longues.m-

    ditations

    de

    mes prgrinations

    solitaires.

    En

    1816,

    le

    manuscrit de

    mon

    Trait

    de

    l'harmonie

    tait

    achev.

    J'ai

    dit

    ailleurs' les

    motifs qui

    m'ont

    empch

    de

    le publier

    cette

    poque.

    Cependant

    j'en

    fis connatre

    sommairement

    les

    bases

    , en

    1823,

    dans

    une

    Mthode

    l-

    mentaire et abrge

    d'harmonie et d'accompagnement

    ,

    dont

    le

    succs

    fut

    un

    encouragement

    pour

    moi

    ,

    car

    il

    en fut

    fait trois

    ditions

    en peu de

    temps,

    et

    il

    fut

    traduit

    dans

    plusieurs

    langues trangres.

    Lorsque

    j'eus laiss refroidir

    l'enthousiasme

    qui

    s'empare

    presque

    toujours

    de

    l'auteur

    d'une thorie nouvelle, j'prou-

    vai le

    besoin de m'assurer,

    d'une

    part,

    que je n'avais pas

    t

    prcd par quelque auteur

    dans

    la

    voie

    o

    je

    m'tais

    en-

    gag,

    et

    de

    l'autre, que

    l'histoire

    de

    l'art s'accordait

    avec

    mon

    systme. Pour lever

    mes

    scrupules

    sur

    le

    premier

    point,

    je

    m'entourai

    de tous

    les

    livres

    o

    il est trait de l'harmonie

    d'une

    manire

    plus ou

    moins

    directe, plus ou moins

    appro-

    fondie. Le

    nombre

    d'ouvrages

    de

    ce

    genre que j'ai

    lus

    dans

    l'espace

    de

    vingt

    ans

    s'lve

    plus

    de huit cenls.

    A

    l'gard

    des

    compositions

    de toute

    espce que j'analysai

    ,

    je

    les

    ran-

    geai

    par

    poques

    et

    par catgories

    de

    transformations

    de

    l'art.

    Il nie

    serait

    difficile

    de donner une

    ide

    juste

    de la

    j

    source

    inpuisable

    d'instruction

    que

    je

    trouvai

    dans

    celte

    tude

    persvrante,

    dont

    li

    rsultai

    lui

    de

    me

    conduire

    la

    (1)

    Btograp

    ericllc

    des

    musiciens

    ,

    lova, [V,

    pag.

    lus,

    L

    rl

    Jiiion.

  • 7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18

    20/343

    x

    PRFACE.

    conviction

    de

    l'infaillibilit

    de

    mes

    principes.

    Mon

    Esquisse

    de l'histoire

    de

    l'harmonie,

    considre

    comme

    art

    et

    comme

    science

    systmatique'

    a fait

    connatre

    au

    public

    le

    soin

    que

    j'ai

    port

    dans

    mes

    recherches

    sur

    ce sujet.

    En

    1822,

    Chrubini,

    qui

    venait

    d'tre

    appel la

    direc-

    tion du

    Conservatoire

    de Paris,

    m'avait

    propos

    de

    me

    char-

    ger,

    en

    ma

    qualit

    de

    professeur

    de

    composition de

    cette

    cole,

    de

    la

    rdaction

    d'un

    livre

    lmentaire

    sur les formes

    de

    l'art

    d'crire

    la

    musique,

    dsignes

    sous les noms de

    contrepoint

    et de

    fugue,

    pour

    remplacer

    les ouvrages suran-

    ns

    ou insuffisants

    de

    Fux

    , Martini

    ,

    Paoli

    et

    Abrechtsberger.

    J'employai

    deux

    annes

    d'un travail

    assidu

    ce grand

    ou-

    vrage, dont la

    deuxime

    dition

    a

    paru

    en 1846

    2

    ,

    et

    les nou-

    velles

    rflexions

    auxquelles

    je

    dus

    me

    livrer

    pour dcouvrir

    la

    raison

    des

    rgles

    ,

    qui

    n'avaient

    t

    prsentes

    par mes

    prdcesseurs

    que d'une

    manire

    empirique et

    par l'autorit

    de la

    tradition,

    me

    firent

    dcouvrir

    de

    nouvelles

    et

    innom-

    brables

    applications

    de la loi de

    tonalit,

    qui

    me

    dmontr-

    rent,

    avec une

    force

    nouvelle et

    plus

    grande, l'identit

    absolue

    des principes

    qui

    rglent

    la

    succession mlodique

    des

    sons

    et

    de ceux

    qui

    sont

    les

    bases de

    l'harmonie.

    Ainsi

    donc,

    il

    n'y avait plus

    de

    doute

    pour

    moi,

    et

    j'avais

    la

    certitude

    qu'une

    seule

    loi rgit

    les

    rapports des

    sons ,

    dans

    l'ordre

    suc-

    cessif

    comme

    dans les

    agrgations

    simultanes.

    Mais

    quelle

    est

    la

    loi de la

    tonalit

    elle-mme,

    et

    d'o

    procde-t-elle ?

    Si

    je

    m'en

    rapportais

    l'opinion

    unanime

    des

    thoriciens

    et

    des

    historiens

    de

    la

    musique, la

    nature

    a

    fix

    l'ordre

    des

    sons de la

    gamme, et

    nous

    en

    trouvons

    les

    lments dans

    les

    rsonnances

    multiples de

    certains corps,

    dans la

    division mthodique d'une

    corde

    tendue,

    et

    mme

    dans

    certaines

    progressions

    numriques

    qui

    sont

    l'expression

    renverse

    des

    longueurs de

    cordes

    correspondantes

    chacun

    (1)

    Paris,

    imprimerie

    de

    Rouigognc et

    Martinet,

    18A0,

    1

    vol.

    in-8 de

    178

    pages.

    Voyez aussi

    la

    Gazette

    musicale

    de

    Paris,

    anne

    1840,

    numros

    9, 20,

    1h,

    35, 60,

    52,

    63, 67,

    OS,

    72,73,75,76,

    77.

    (2)

    Truite

  • 7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18

    21/343

    PRFACE.

    xi

    des

    sons de la

    gamme,

    ou

    du

    nombre de

    leurs

    vibrations.

    Mais quoi

    n'avons-nous

    pas

    la

    preuve

    que

    la

    tonalit n'a

    pas

    t la

    mme

    partout et

    dans

    tous

    les temps?

    Ne

    savons-

    nous pas

    qu'aujourd'hui mme

    elle

    n'est

    pas

    identique

    chez

    tous

    les

    peuples,

    et

    qu'en

    Europe

    elle

    se

    formule

    d'une

    ma-

    nire trs

    diffrente dans

    les

    chants de

    l'glise

    et

    dans ceux

    de la

    scne?

    D'ailleurs,

    ces

    sons

    donns

    par la nature

    sont

    bien

    les

    lments d'une

    gamme

    ,

    mais

    n'en

    dterminent

    pas

    la

    forme,

    d'o dpend

    le

    caractre

    de toute musique.

    Il

    faut

    donc reconnatre

    que

    la

    loi mystrieuse

    qui rgle les

    affinits

    des sons

    a

    une

    autre origine

    ;

    or

    je

    ne

    pouvais

    la

    trouver

    que

    dans

    l'organisation

    humaine

    ;

    mais

    le

    mode d'action de

    celle-

    ci

    ,

    qui

    dtermine

    telle

    ou

    telle

    constitution tonale d'o

    se

    tirent

    toutes les

    consquences

    ,

    ne

    se

    prsentait

    mon esprit

    que

    d'une manire confuse.

    Mes

    incertitudes

    me

    faisaient

    toujours reculer la

    publication

    de ma thorie

    de

    l'harmonie

    ;

    car

    je

    comprenais qu'elle

    resterait

    incomplte

    jusqu'

    ce que

    mes

    doutes fussent

    dissips.

    Le

    moment vint enfin

    o

    je

    pus

    entrer

    en

    possession

    d'une

    doctrine

    de

    la

    science

    et

    de

    l'art dont

    pas un

    seul

    point ne

    restait obscur

    ou

    incertain,

    dont

    toutes

    les

    parties

    taient

    consquentes l'une

    l'autre,

    et

    qui seule pouvait fournir la

    solution complte

    de

    tous les

    problmes.

    Voici

    dans

    quelles

    circonstances

    elle

    me

    fut rvle :

    Par

    un beau jour

    du mois

    de

    mai

    1831

    ,

    j'allais

    de Passy

    Paris,

    et,

    suivant mon habitude,

    je

    marchais dans

    un

    che-

    min

    solitaire

    du

    bois

    de

    Boulogne,

    rvant

    celle thorie

    de

    la

    musique, objet

    de

    mes constantes

    mditations,

    el

    dont

    je

    voulais

    faire une science

    digne

    de

    ce

    nom. Tout

    coup

    la

    vrit

    se

    prsente mon esprit;

    les

    questions

    se posent

    net-

    tement,

    les

    tnbres se

    dissipent ; les fausses

    doctrines

    tom-

    bent pice

    pice autour de

    moi

    ;

    et

    (mil

    cela est

    le

    rsultat

    des

    propositions

    suivantes,

    qui

    sont

    mon

    point

    de

    dpart:

    La

    nature

    ne

    fournil

    pour

    lments

    de

    la

    musique

    qu'une

    multitude

    de

    sons

    qui

    diffrent

    entre

    eux

    d'intom

    tion

    ,

    de

    dure

    et

    d'intensit,

    par des

    nuances

    ou

    plus

    grandes

    ou

    plus petites..

  • 7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18

    22/343

    x

    ,j

    PRFACE.

    Parmi ces

    sons,

    ceux

    dont

    les

    diffrences

    sont

    assez

    sensibles

    pour

    affecter

    l'organe de

    l'oue

    d'une

    manire

    dtermine

    ,

    de-

    viennent

    l'objet

    de

    notre

    attention;

    l'ide

    des

    rapports

    qui

    exis-

    tent entre eux

    s'veille dans

    l'intelligence,

    et

    sous

    l'action

    de

    la

    sensibilit

    d'une part,

    et

    de la

    volont

    de

    l'autre,

    l'esprit

    les

    coordonne en

    sries

    diffrentes,

    dont

    chacune

    correspond

    un

    ordre particulier

    d

    motions

    ,

    de

    sentiments

    et

    d'ides.

    Ces

    sries deviennent

    donc

    des

    types

    de

    tonalits

    et

    de

    rhythmes

    qui

    ont

    des

    consquences ncessaires

    ,

    sous

    l'influence

    desquelles

    l'imagination

    entre

    en

    exercice

    pour

    la

    cration

    du

    beau.

    Tout

    cela

    m'avait

    frapp

    la

    fois

    comme

    un

    clair,

    et l'-

    motion m'avait

    oblig

    de

    m'asseoir

    au pied

    d'un

    arbre. J'y

    passai six

    heures

    absorb dans la mditation

    ;

    mais

    ces heures

    furent

    pour

    moi

    une vie tout entire,

    pendant

    laquelle

    le

    ta-

    bleau

    historique de

    toutes les

    conceptions

    de l'art,

    de

    toutes

    les

    formes

    tonales, depuis l'antiquit

    jusqu'

    nos

    jours,

    se

    dploya

    sous mes yeux. J'en

    saisis

    les

    principes,

    les causes

    de

    transformations,

    et j'arrivai

    ainsi jusqu'

    l'avenir

    de la

    musique,

    se

    dveloppant

    dans les

    conditions

    finales de la to-

    nalit, du rhythme

    et

    de

    l'accent.

    Je conus

    en mme

    temps

    la

    classification

    des divers ordres de

    tonalit

    qui se

    sont

    suc-

    cd

    depuis

    trois

    sicles par les

    affinits

    de sons

    que

    l'har-

    monie

    y

    a introduites.

    Enfin, l'examen

    des

    causes

    dtermi-

    nantes

    de

    l'attraction

    des

    sons

    dans

    l'harmonie

    me fit

    dcou-

    vrir

    l'origine

    des erreurs

    qui

    ont

    fauss

    jusqu'

    ce

    jour

    la

    thorie mathmatique

    de la

    musique

    ;

    car

    je

    vis

    que

    l'attrac-

    tion provenait

    des tendances

    des

    deux demi-tons mineurs

    de

    la

    gamme,

    qu'une hypothse de

    Ptolme,

    admise

    sans

    exa-

    men

    ,

    avait fait considrer comme majeurs

    ;

    d'o

    est venue

    la

    double

    erreur,

    1

    de supposer des

    intervalles

    de

    tons

    dans

    des

    proportions

    diffrentes,

    tandis

    qu'ils

    sont

    tous

    gaux;

    2

    de

    donner

    aux

    sons

    descendants plus d'lvation

    qu'aux

    sons ascendants,

    alors

    que le

    contraire a

    prcisment

    lieu.

    Enfin,

    j'aperus par

    intuition la

    ncessit

    de variations

    dans

    L'intonation

    des

    sons,

    en

    raison

    de

    tendances

    dtermines

  • 7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18

    23/343

    PHFACE.

    xiij

    par

    leurs

    agrgations

    harmoniques

    ;

    conjecture que

    j'ai

    vri-

    fie

    ensuite

    par

    de

    nombreuses

    expriences

    ,

    et

    qui

    ,

    runie

    aux

    observations

    prcdentes

    ,

    m'a

    conduit

    la

    rforme

    de

    la thorie

    mathmatique de la

    musique.

    Aprs avoir

    employ

    environ

    une

    anne

    mettre

    en

    ordre

    mes

    nouvelles

    ides, je

    crus

    devoir

    les

    soumettre

    l'opinion

    des

    savants

    et de

    quelques

    artistes

    minents

    ;

    pour

    cela

    j'ou-

    vris

    ,

    au

    mois

    de juillet

    1

    832

    ,

    un cours

    gratuit

    dans lequel

    je

    fis

    l'expos

    de ma

    doctrine

    devant

    un

    auditoire

    o

    j'eus

    l'honneur

    de

    voir

    figurer

    des

    membres

    de

    l'Acadmie

    des

    sciences

    de

    l'Institut , la

    plupart

    des

    professeurs

    du

    Conser-

    vatoire et

    les

    artistes

    les plus

    clbres.

    Les

    flicitations

    qui

    me

    furent adresses

    pendant et

    aprs ce

    cours,

    m'auraient

    dcid

    mettre

    au jour

    mes

    thories de

    l'art

    et

    de la

    science,

    si bientt

    aprs

    je

    n'avais

    t

    appel

    loin

    de

    Paris

    pour

    prendre

    la

    position

    que

    j'occupe encore.

    Les

    soins

    exigs

    pour

    l'organisaton

    d'une

    cole

    nouvelle,

    et

    l'immense

    tra-

    vail

    que j'eus faire

    pour

    mettre

    en

    ordre,

    terminer et

    publier

    ma

    Biographie

    universelle

    des

    musiciens

    1

    ,

    retardrent

    encore longtemps

    la

    ralisation

    de

    mes

    vues

    concernant la

    philosophie de la musique.

    Enfin, au

    mois de

    janvier

    1844,

    je

    me

    dcidai faire

    paratre

    mon

    Trait

    de

    V

    harmonie,

    qui

    renferme une partie

    de

    ce

    corps

    de

    doctrine, et je

    me

    ren-

    dis

    Paris

    o

    j'ouvris

    un

    nouveau

    cours

    gratuit,

    destin

    expliquer

    au

    public

    les ides

    qui

    m'avaient jet

    dans

    une

    voie

    absolument

    oppose celle

    des autres

    thoriciens.

    Mon au-

    ditoire

    fut

    nombreux

    :

    une

    vive

    agitation

    se

    manifestait

    la

    fin

    de

    chaque

    sance parmi

    les partisans

    des

    divers

    systmes

    suivis dans les

    coles

    et

    ceux

    chez

    qui

    je

    faisais

    pntrer

    nus

    convictions.

    Des conciliabules

    anims

    se

    prolongeaient

    quel-

    quefois

    pendant

    plusieurs

    heures

    aux

    environs

    du

    local

    o

    je

    donnais

    mes

    leons.

    Ce

    fut

    dans ces

    circonstances

    que

    parut

    l'ouvrage

    dont

    je

    (1)

    Bruxelles,

    Mllne,

    Caris ci C ,

    1835-

    M,

    I

    ;

    ol.

    gr.

    ln-8

    a

    2

    colonnes.

    Paris,

    lit

    uni)

    Didol

    frres,

    Ois

    elC

    1

    ,

    1 160

    L8

    15,

    2 ikllt.,

    8

    vol

  • 7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18

    24/343

    xiv

    PRFACE.

    donne

    aujourd'hui

    la

    troisime

    dition.

    Le

    bon

    accueil

    qui

    lui a

    t

    fait

    est constat

    par le prompt

    coulement

    des

    deux

    premires.

    D'ardentes

    polmiques

    ont

    cependant

    t

    soule-

    ves

    par les thories

    qui

    sont

    exposes

    :

    les

    journaux

    spciaux

    de musique et autres en

    ont

    t

    remplis,

    non

    seulement

    en

    France, mais

    l'tranger.

    J'ai cru devoir

    analyser, dans des

    notes places

    la fin

    de

    cette

    dition

    ,

    quelques

    objections

    qui

    m'ont

    t

    faites concernant

    les

    classifications d'accords

    o je

    me

    suis

    loign

    de

    certaines

    mthodes.

    Mais les

    diffi-

    cults

    les

    plus

    considrables

    ont

    port

    sur

    le

    principe

    intel-

    lectuel

    que

    je

    donne

    la

    constitution

    de

    la tonalit

    ;

    car

    si le

    sensualisme

    et le fatalisme

    sont

    tombs

    dans

    le discrdit

    chez

    les

    philosophes, ils

    ont encore

    une existence

    vivace

    dans les

    prjugs

    des

    artistes.

    On

    veut absolument

    qu'il

    y

    ait une

    gamme donne

    par

    la

    nature,

    des

    accords

    dont nous

    trouvons

    le principe dans

    les

    rsonnances

    de

    plaques

    sonores,

    de cy-

    lindres,

    de

    cloches,

    que

    sais-je? enfin,

    on

    veut

    que

    l'oreille

    soit

    le

    juge

    et

    que le

    plaisir

    physique

    soit le

    but.

    La

    science

    de

    l'harmonie

    n'est

    que la partie d'un tout

    dont

    la

    philosophie de la

    musique doit

    offrir

    le

    systme

    complet.

    Ceux

    de mes

    lecteurs qui

    n'ont

    point

    assist

    l'exposition

    orale

    que j'en ai

    faite n'en

    ont

    pas saisi

    l'enchanement;

    j'ai

    cru ne

    pouvoir

    mieux rpondre

    leurs

    objections

    que

    par

    le

    rsum que

    je

    vais

    en

    prsenter

    dans

    cette

    prface.

    Vrai-

    semblablement

    je

    ne

    porterai

    pas

    la

    conviction

    dans

    tous

    les

    esprits

    :

    mais du

    moins

    tout

    malentendu

    devra cesser

    quand

    j'aurai

    dit toute

    ma

    pense.

    Si

    nous

    remontons jusqu'aux

    ides les

    plus anciennes

    du

    panthisme

    oriental,

    nous

    trouverons

    toutes

    les

    notions de

    l'harmonie

    des

    sons

    unies

    celles de

    l'organisation

    de

    l'uni-

    vers.

    Chez

    les

    peuples

    de

    l'Inde,

    c'est

    dans

    les

    Vdas

    mmes,

    ou

    livres

    sacrs,

    qu'il

    en

    faut

    chercher l'origine,

    contempo-

    raine

    de

    la cration, et

    insparable de la

    cosmogonie,

    de la

    thogonie

    et

    de la

    philosophie

    thologique.

    Au

    nombre

    des

    dieux

    et

    des

    gnies,

    sont placs

    ceux

    qui

    prsident

    aux di-

  • 7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18

    25/343

    PRFACE.

    xv

    verses parties de la

    musique

    ;

    l'ther

    est le

    son

    pur

    1

    ;

    les

    sept

    nymphes

    Swaras

    sont les

    notes de

    musique

    personnifies

    (les

    sons

    dtermins).

    Sardja,

    premire

    note

    ou

    tonique

    de

    l'-

    chelle des

    sons,

    parait souvent

    sous les traits de Saraswati

    fille,

    femme

    et

    sur

    de

    Brahma.

    Ces

    nymphes sont rsumes

    dans

    la

    personne

    de

    Swaragrama,

    desse de la gamme,

    et l'-

    chelle

    gnrale

    des

    sons

    est

    divinise en

    Mahasivaragrama,

    qui

    n'est

    autre que

    Saraswati, sous un

    de

    ses

    attributs. Les l-

    gres Apsaras,

    cres

    pour

    charmer

    la cour

    du

    Dieu

    Indra,

    roi

    du

    firmament,

    forment

    des

    concerts

    avec

    les

    Gatulhar-

    bas,

    musiciens

    clestes

    2

    ,

    au nombre de sept,

    qui

    prsident

    l'harmonie

    des

    sphres lances dans

    l'espace.

    De

    l'union

    de

    Brahma

    et

    de

    Saraswati

    nat

    Nardja

    ,

    qui invente la

    vina, instrument

    de

    musique

    par excellence,

    et la

    forme

    de

    l'caill de

    la

    tortue

    qui

    ,

    suivant

    la cosmogonie indienne,

    porte le

    monde

    sur

    son dos.

    Six

    autres

    fils

    de

    Brahma

    et

    de

    Saraswati, appels

    Ragas,

    sont

    les

    gnies

    qui

    prsident

    aux

    passions

    principales

    et aux

    modes musicaux

    qui

    en sont

    l'ex-

    pression.

    Filles

    de

    Mahaswaragrama,

    les

    nymphes

    musicales,

    appeles

    Ragins,

    sont

    unies

    au

    nombre

    de

    cinq chacun

    des

    Bagas,

    et

    personnifient

    les

    passions ou modes secondaires.

    Parmi elles, quatre

    principales reprsentent chacune

    sept

    modes en quatre

    systmes

    auxquels elles

    donnent

    leurs

    noms.

    Une

    cinquime,

    qui en

    est

    le

    symbole

    gnral, marche leur

    tte : c'est Mahaswaragrama

    elle-mme

    ,

    c'est--dire

    la mu-

    sique, dont

    la conception

    renferme

    tous

    les

    systmes

    et tous

    les

    modes. De

    l'union

    des Bagas

    et des

    Baginis naissent

    une

    multitude

    d'enfants,

    qui sont

    autant

    de

    modes

    drivs. Leur

    production

    n'a

    pas

    de bornes , disent les

    commentateurs des*

    Vdas

    :

    pareils

    aux flots

    de

    la

    mer, ils

    peuvent

    tre

    multiplis

    l'infini.

    Il

    est

    facile

    de

    comprendre

    (pie

    ces enfants

    des

    Ba-

    gas

    et des

    Haginis

    ,

    en

    nombre

    infini , ne

    sont

    que les

    mlo-

    (ij

    v.

    Manava

    d'Harmasaslra,

    nu

    Livre des

    lois

    Se

    Manou,

    comprenant les Insti-

    tutions

    civiles

    t

    religieuses

    des

    indiens,

    traduit du

    sanscrit

    par

    M.

    L'Oiseleur

    (ta

    Loa-

    champs (

    Pai I

    ,

    i

    '63,

    ln-8

    ),

    7i>.

    (2)

    IMS.,

    37,

  • 7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18

    26/343

    xvi PRFACE.

    dies

    formes

    avec

    les modes. Rgulatrices

    de

    l'art

    de

    combiner

    les

    sons, les llaginis les

    psent

    :

    leur marche

    est

    arythmique,

    leur

    geste

    est

    une

    harmonie,

    leur

    pose

    une

    cadence.

    Ces ides,

    concernant

    l'origine

    cleste

    de

    la musique,

    de

    cet

    art

    primordial

    qui

    seul

    a

    joui ds la plus

    haute antiquit,

    chez

    tous

    les peuples, du privilge

    d'tre l'ouvrage

    des

    dieux,

    se retrouvent sous

    certaines modifications dans

    diverses

    par-

    ties de

    l'Orient;

    mais sous

    ces modifications, une

    ide prin-

    cipale traverse

    les sicles,

    savoir :

    l'harmonie

    que

    produi-

    sent

    les

    mouvements

    des

    corps

    clestes,

    et

    dont

    la

    mu-

    sique

    des hommes

    n'est qu'une

    imparfaite

    imitation.

    Les

    H-

    breux l'empruntent

    aux Chaldens

    et

    aux

    Saducens

    qui

    ,

    observateurs attentifs

    de la

    marche

    des

    astres,

    avaient fini

    par

    leur

    attribuer

    une influence directe,

    suprme,

    ternelle,

    sur tout l'univers.

    Ce

    principe, admis

    par

    les

    Hbreux,

    les

    conduisit la conception

    d'intelligences

    particulires et

    abstraites

    qui prsidaient

    l'harmonie

    des

    astres.

    Ces

    intel-

    ligences

    sont

    les

    Anges

    ,

    et les

    concerts

    par

    lesquels

    ceux-ci

    glorifient

    l'ternel

    sont

    forms

    par les

    mouvements

    des

    sphres

    clestes.

    L'Elohim

    de

    la

    Gense,

    qui n'est autre que

    le

    Mtatrne

    du

    Talmud,

    et dont la

    puissance n'est soumise

    qu'

    l'auteur de toutes

    choses,

    rgne sur les

    sphres rpan-

    dues dans

    l'espace, comme

    sur

    les

    anges

    qui les

    dirigent.

    C'est

    aussi

    cette

    mme

    ide

    d'une

    puissance

    infrieure

    celle

    du

    crateur

    de

    l'univers

    ,

    mais qui

    donne la

    vie

    et le

    mouvement son

    uvre,

    que

    Pythagore

    emprunta aux

    peu-

    ples

    de

    l'Orient,

    avec

    l'ide

    de

    l'harmonie universelle.

    Il

    en

    fit l'me du

    monde ,

    laquelle il

    attribua

    des

    proportions

    harmoniques que

    Platon

    a

    fait

    connatre

    dans

    un

    passage

    assez obscur du Time,

    et

    qui

    sont

    celles

    de

    l'chelle

    des

    sons

    dans

    la

    musique

    des

    Grecs.

    C'est

    de

    lame

    du

    monde

    que

    naissentles

    mes

    particulires

    qui

    tirent

    d'elle

    leur

    substance,

    la

    vie,

    le mouvement

    et

    l'organisation

    harmonique.

    L ne

    s'arrta pas la

    tradition

    de

    l'me du

    monde

    et

    de

    l'harmonie

    universelle;

    propage

    de

    sicle

    en

    sicle,

    recueil-

    lie

    et

    modifie

    par

    l'cole

    d'Alexandrie,

    reproduite

    dans les

  • 7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18

    27/343

    PRFACE.

    xvij

    crits

    de

    Plutarque',

    de

    Cicron

    2

    ,

    de

    Ptolme'',

    de

    Censo-

    rin

    4

    ,

    de

    Macrobe

    3

    ,

    de

    Boce

    6

    ,

    et

    de

    beaucoup

    d'autres,

    elle

    reparut

    aprs

    la

    renaissance

    des

    lettres

    dans

    les

    ouvrages

    des

    commentateurs

    de

    Platon

    ,

    donna

    naissance

    aux

    bizarres

    r-

    veries de

    Robert

    Flud

    7

    ,

    et

    finit

    par

    garer

    la

    puissante

    tte

    de

    Keppler

    8

    dans

    le

    moment

    mme

    o

    ce

    savant

    homme ve-

    nait de faire

    la

    dcouverte

    des

    lois

    fondamentales

    de

    l'astro-

    nomie.

    Laissant

    part

    ce

    qu'il

    y

    a

    de

    faux

    dans

    l'hypothse

    de

    l'identit

    de

    l'harmonie

    universelle

    et

    de

    l'harmonie

    des

    sons

    de

    la

    musique,

    on

    peut

    dire

    que

    sa

    ralit

    aurait

    pour

    r-

    sultats

    d'enlever

    l'homme

    sa

    libert

    dans

    la

    conception

    de

    l'art, de

    lui

    en

    imposer

    les

    conditions

    d'une

    manire

    fatale,

    et

    d'interdire

    ses

    facults

    intellectuelles

    et

    sentimentales

    la

    possibilit

    d'en

    modifier

    les lments.

    Les

    thoriciens

    qui,

    chez

    les

    modernes,

    ont

    essay

    de

    reproduire

    cette

    hypothse

    9

    ,

    n'ont

    pas

    compris

    que

    le

    but de

    leurs

    efforts

    est

    antipathique

    l'organisation

    humaine.

    Si

    l'on

    suppose, en

    effet,

    que

    la

    cration

    a

    rgl

    d'une

    manire

    invariable

    la

    formule

    des

    sons,

    et

    que

    l'homme

    a

    conscience

    de

    son

    immutabilit

    ,

    il

    faudra

    donc

    admettre

    que

    la

    varit

    dans le

    caractre

    de

    la

    musique

    et

    de

    l'harmonie

    est

    impossible,

    et

    que

    les

    impres-

    sions

    produites

    par

    les

    combinaisons

    de

    ces

    sons

    doivent

    tre

    identiques

    chez

    tous

    les

    individus

    dous

    de

    l'organe

    de

    l'oue?

    Or,

    c'est

    ce qui

    n'a

    pas

    lieu;

    car

    l'histoire

    de

    l'art,

    tudie

    avec

    intelligence,

    dmontre

    que

    les

    intervalles

    et

    les

    chelles

    des

    sons

    ont

    t

    conus

    de

    manires

    diffrentes,

    sui-

    (1)

    De

    la

    cration

    de

    l'dme,

    12, 19,

    21,

    22.

    De

    Musicd,

    22, lia.

    (2)

    DeRepubl.,

    lib. vt

    (3)

    llarm.,

    lib.

    m,

    c. 4-16.

    (Il)

    De

    die

    natali,

    c.

    13.

    (5)

    Commentaire

    sur le

    Songe

    de

    Scipion,

    liv.

    n,

    cli.

    1-.

    (6)

    Dr

    Mus.,

    liv.

    n.

    (7)

    Vtriuique

    Cosmi,

    lib.

    m. De Mut.

    mundana.

    (H)

    Harmonicei

    mundi,

    lib. iv, c.

    6;

    lib.

    v,

    c U-8.

    (9)

    Cf.

    Roussier.

    Mmoire sur

    lu

    musique

    des

    anciens,

    p.

    73,

    87.

    Lettre

    tou-

    chant

    lu

    division

    du

    zodiaque et

    l'institution

    de

    lasemaine

    plantaire

    relativement

    une

    progression

    gomtrique

    ,

    d'o

    dpendt

    ni li

    t

    pi

    oporlions

    musicales.

    [Journal

    des

    leaux-urts

    et

    dt

    ,

    novembre,

    1770.)

  • 7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18

    28/343

    xviij

    PRFACE.

    vant

    les

    temps et les lieux

    ;

    et

    nous

    savons

    par

    exprience

    que

    les

    impressions

    produites par

    la musique

    ne

    sont

    pas

    les

    mmes chez tous les

    hommes.

    Les

    physiologistes,

    dont

    les

    opinions tendent

    substituer

    l'action de l'organisme

    celle

    de

    l'intelligence,

    ont

    voulu

    attribuer

    la

    conformation de l'oreille

    la

    dtermination

    des

    sons,

    de leur

    justesse

    absolue

    et

    de

    leurs

    intervalles. Sans

    parler

    de Borhave, qui suppose

    que les canaux semi-cir-

    culaires

    de

    cet

    organe

    sont

    composs d'une

    suite

    d'arcs

    de

    diamtres

    diffrents,

    destins

    produire

    autant de sons d-

    termins

    correspondants

    ceux

    de

    l'chelle

    chromatique

    1

    ;

    de

    Lecat, qui conjecture

    que le limaon

    est

    un clavier

    instru-

    mental

    ,

    mont

    de

    beaucoup

    de

    petites

    cordes

    tendues

    le

    long

    de la

    cloison

    mdiane, ayant

    des

    longueurs et des

    gros-

    seurs diverses

    ordonnes entre

    elles

    et

    destines

    vibrer iso-

    lment

    l'unisson des

    sons

    qui

    les

    frappent

    ;

    de Dumas, qui

    prtend

    que

    la

    membrane du

    tympan

    est elliptique

    et

    com-

    pose

    de

    cordes

    diverses

    qui

    correspondent

    autant

    de

    sons

    particuliers';

    et

    enfin de

    beaucoup

    d'autres

    qui ont

    hasard

    des

    hypothses

    du mme

    genre,

    n'avons-nous

    pas

    des livres

    o

    des

    physiciens et

    des professeurs

    de

    mathmatiques

    en-

    treprennent

    de

    fonder

    des

    systmes

    de

    tonalit,

    de

    mlodie

    et

    d'harmonie sur la conformation de

    l'organe auditif', et qui

    ont

    pour but

    de

    dmontrer

    que

    les

    lois

    de succession

    et

    d'a-

    grgation

    des

    sons

    ont

    pour

    bases

    les

    phnomnes

    de

    la

    per-

    ception? Ce

    que

    ces

    auteurs

    ont

    prtendu

    tablir

    d'aprs

    des

    considrations

    physiologiques

    et

    des

    suppositions

    de

    faits, les

    philosophes

    sensualistes

    du

    dix-huitime

    sicle

    l'ont fait

    entrer

    dans leur

    mtaphysique.

    Quant

    aux

    sons

    proprement dits, l'oreille

    (ditCond'lac)

    tant

    organise

    pour

    (1)

    Dans

    les

    notes

    de

    son

    dition

    des Opuscules

    anatomiques

    d'Eusiachi, Delft,

    1726,

    in-8.

    Opusc.

    2.

    (2)

    Thorie de

    l'oue

    ,

    la

    suite de

    son

    Trait

    des

    sensations

    et

    des passions en

    g-

    nral, et des

    sens

    en particulier.

    Paris, 1766

    (tom.

    II).

    (3)

    Principes

    de

    physiologie ,

    etc.,

    tom.

    III, pag.

    bUU,

    2

    e

    dition.

    (Il)

    Cf.

    Pierre

    Mengoli

    ,

    Speculazioni

    di

    musica

    (Bologne,

    1670,

    in-i). Spccul.

    1,

    2,

    3, U,

    5.

    Al.

    J.

    Morel

    ,

    Principe acoustique

    nouveau

    et

    universel

    de

    la

    thorie

    musi-

    cale,

    ou Musique explique

    (Paris,

    1816, in-8).

  • 7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18

    29/343

    PRFACE.

    xix

    en

    sentir

    exactement les

    rapports,

    elle

    y

    apporte

    un

    discerne-

    ment

    pins

    fin

    et plus

    tendu.

    Ses

    fibres semblent

    se

    partager

    les

    vibrations

    des

    corps

    sonores,

    et elle

    peut

    en entendre

    plusieurs

    la fois

    1

    .

    Les

    consquences de

    ces

    doctrines

    sont

    que

    la musique

    tout entire

    nous est donne

    par

    le

    mcanisme

    de

    l'organisation de

    l'oreille

    ,

    sous

    l'impression

    des

    faits

    extrieurs,

    et

    que

    les

    jouissances

    qu'elle

    nous

    donne

    sont

    purement physiques.

    Ce

    n'est

    pas

    sans

    tonnement

    qu'on

    voit

    se

    reproduire

    de

    nos

    jours

    ces

    thories

    dans

    les

    leons

    d'anthropologie

    d'un

    savant

    professeur de l'universit

    de

    Knigsberg

    ,

    de

    cette

    mme

    universit

    o

    la

    voix

    de

    Kant

    faisait

    entrendre

    des doctrines

    bien

    diffrentes quarante

    ans

    auparavant

    2

    .

    Suivant

    M.

    de Baer,

    auteur de ces leons

    (%

    1

    75),

    l'oreille

    a la

    facult

    de

    distinguer

    les

    sons, en raison

    de

    leur

    gravit

    et

    de

    leur acuit

    (die

    Fhigkeit

    unsers

    Ohrs

    die

    Tne

    nach

    ihrer-Hhe und

    Tiefe

    su

    unlerschieden

    )

    ;

    la relation

    de

    deux sons

    est

    d'autant

    plus

    agrable

    l'oreille que leur rap-

    port

    numrique

    est

    plus

    simple

    (Je einfacher

    die

    Zhlenver-

    hllnisse

    zweier

    Tne,

    um

    desto

    angenchmer

    ist ilire

    Vcrbindung

    fur

    das

    Ohr)

    ;

    et,

    enfin,

    l'oreille a

    des

    dsirs (Begierden),

    des

    exigences

    (Erfurderungen)

    .

    Si

    l'oreille

    a

    tout

    cela dans son

    domaine,

    quelle est

    donc la

    part de

    l'intelligence?

    Evidem-

    ment,

    dans cette

    hypothse,

    la

    musique

    n'est

    qu'un

    jeu

    de

    sensations

    ;

    elle

    ne

    saurait

    devenir

    un

    art.

    Rien

    n'est

    plus

    digne

    d'attention

    que

    la

    persvrance

    qu'on

    a

    mise dans tous

    les temps

    chercher

    l'origine

    de

    la

    musique

    ou dans

    des

    causes cosmogoniques,

    ou

    dans

    des

    phnomnes

    naturels,

    et

    supposer

    qu'elle

    a

    t

    impose

    l'homme

    par

    le

    Crateur sous

    des

    conditions

    dtermines, ne

    lui

    laissant

    que la

    libert

    d'en

    combiner les

    lments.

    De

    l

    l'ide

    d'une

    gamme ou

    chelle de

    sons donne par

    la

    nature,

    qu'on

    a

    voulu

    trouver

    dans

    l'harmonie

    universelle,

    ou

    dans

    (1)

    Trait

    des sensations

    ,

    part. [,chap.

    vin,

    &

    (2)

    Vorlesungen

    liber

    Anthropologie,

    von

    Dr.

    Karl-Ernst

    von

    Baer.

    Knigsberg,

    l82/i,

    ln-8

    pag.

    277

    ctsuiv.).

  • 7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18

    30/343

    xx

    PRFACE.

    l'organisation

    de

    l'oue, ou dans

    celle

    de

    la

    voix

    humaine

    1

    ,

    ou

    bien

    dans

    les

    divisions

    acoustiques

    de

    certains

    tubes,

    ou

    enfin

    dans

    des

    progressions

    gomtriques

    et

    arithmtiques.

    On

    a

    mme

    t

    jusqu'

    contester

    l'intelligence

    et

    au

    senti-

    ment de l'espce

    humaine

    la dcouverte

    spontane

    de

    l'har-

    moniesimultane

    des

    sons;

    et

    parce

    qu'il

    s'est

    trouv

    dans

    les

    rsonnances

    de certains

    corps

    sonores,

    soumises

    aux

    exp-

    riences

    de

    physiciens

    modernes, des phnomnes

    qui font

    en-

    tendre l'harmonie

    des consonnances,

    et

    d'autres,

    plus

    rcem-

    ment

    observs,

    o l'on

    a cru

    reconnatre

    celle

    des dissonances,

    on

    s'est

    persuad qu'on

    donnerait

    une

    base

    plus

    lgitime

    cette

    partie

    de l'art par

    des

    phnomnes

    ignors

    au

    temps

    o

    elle

    s'tait

    forme,

    que

    par

    l'instinct qui l'avait

    trouve; en

    sorte que

    les gnrations

    dont

    les

    heureuses inspirations

    et

    les

    travaux ont dvelopp les

    combinaisons harmoniques

    des sons

    auraient t places sous

    l'influence

    de

    causes

    occultes

    ,

    lorsqu'elles croyaient

    n'obir

    qu'aux lois de leur

    organisation

    sentimentale

    et

    intellectuelle

    2

    .

    Pour

    nous

    clairer

    sur

    l'erreur

    de la plupart

    des

    thori-

    ciens et

    des

    historiens de la

    musique dans

    la

    supposition

    qu'ils

    ont

    faite d'une

    gamme

    invariable donne

    par

    la

    nature

    ,

    je-

    tons

    un coup d'il sur

    la

    conception

    des

    chelles

    de sons

    qui furent

    les

    bases

    de l'art chez

    diffrents

    peuples

    des

    poques

    diverses.

    Parmi

    les

    monuments

    de

    la

    langue

    sanscrite

    antrieurs

    de

    plus

    de

    deux

    mille

    ans

    l're

    chrtienne, on

    trouve

    des

    traits

    de musique o

    nous

    voyons l'expos

    d'un

    systme de

    tonalit

    dans

    lequel

    des

    intervalles

    un

    peu plus

    grands

    que

    des

    quarts

    de

    tons

    entraient dans la

    composition

    et

    dans

    les

    modifications

    d'un grand

    nombre de

    modes.

    Ces

    modes

    avaient

    aussi

    pour

    principe,

    la varit des

    sons

    par

    lesquels

    chaque

    gamme

    commenait.

    Enfin,

    il

    y

    avait

    des

    mode?

    dont

    (1)

    The

    Philosophy

    oflhe

    human

    voice,

    etc., by

    James

    Rush.

    Philadelphie,

    1827,

    gr.

    in-8(pag. 29-50).

    (2}

    Voyez lu quatrime

    partie de cet

    ouvrage.

  • 7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18

    31/343

    PRFACE.

    xii

    les

    gammes

    taient incompltes

    et

    ne

    contenaient

    que

    cinq

    ou

    six

    sons,

    et

    dont

    les

    intervalles

    n'avaient aucun

    rapport

    avec

    ceux de

    la

    gamme

    de

    la

    musique

    moderne.

    Chez

    les

    anciens

    habitants

    de

    la

    Perse ,

    l'chelle

    gnrale

    des

    sorts tait

    divise

    par

    des

    quarts de

    tons

    ,

    et ces

    lments

    entraient dans

    les

    combinaisons

    d'un

    certain nombre

    de

    modes qui avaient

    de l'analogie avec

    ceux

    de

    la

    musique

    des

    habitants de

    l'Inde. Nonobstant

    les grandes

    rvolutions dont

    la

    Perse

    avait

    t le

    thtre,

    ce

    systme

    de

    tonalit s'tait

    conserv

    jusqu'au

    dix-septime

    sicle de

    notre

    re;

    car les

    musiciens

    persans

    qu'Amurat

    IV

    emmena

    en

    esclavage

    Constantinople aprs la

    prise

    de

    Bagdad,

    en

    1638,

    l'intro-

    duisirent en

    Turquie o

    il

    tait encore

    en

    usage

    la

    fin

    du

    dix-huitime sicle

    1

    .

    Chez les Arabes de nos

    jours,

    dont

    les

    murs ont

    con-

    serv le

    caractre

    des

    temps antiques,

    les

    tons sont

    diviss

    par

    tiers,

    et

    les

    demi-tons sont

    gaux

    ceux

    de

    notre

    mu-

    sique.

    Ces

    lments

    se

    combinent

    dans

    un

    grand

    nombre

    de

    modes

    analogues

    par

    la

    varit

    des

    notes

    initiales,

    et

    quel-

    quefois

    par la

    suppression de

    certains tons,

    ceux de

    l'Inde

    et

    de

    la

    Perse. Les

    divisions des

    manches

    de

    leurs

    instru-

    ments

    nous

    fournissent

    une

    preuve

    suffisante

    de

    la

    ralit de

    ce

    systme qui,

    vraisemblablement,

    fut celui

    de

    tous les

    peu-

    ples

    smitiques.

    Le

    principe

    esthtique de

    l'art

    bas

    sur

    ces

    chelles

    de

    sons

    petits

    intervalles

    variables,

    qu'on

    trouve

    chez tous les

    peuples de

    l'Orient, est

    celui d'une

    musique

    langoureuse et

    sensuelle,

    conforme

    aux

    murs des

    nations

    qui les

    ont

    con-

    ues.

    On

    ne voit,

    en

    effet,

    d'autre

    emploi de

    la

    musique

    chez

    ces peuples

    que

    dans

    les chansons

    amoureuses

    et

    dans

    les

    danses

    lascives.

    Au

    contraire,

    chez les

    rudes

    et

    srieuses

    populations

    issues

    de

    la

    race

    jaune

    ou

    mongolique,

    la

    musique, grave

    et

    mono-

    tone,

    trange

    et dure pour des

    Europens,

    est

    le

    produit

    '1)

    V.

    la Lettcralura turchesca, de

    Toderinl

    ,

    t. I,

    \>-

    243-252.

  • 7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18

    32/343

    scxij

    PRFACE.

    d'un

    systme

    de

    tonalit

    o

    le

    demi-ton

    disparat

    trs

    sou-

    vent,

    et

    dont

    la

    gamme

    incomplte ne

    se

    compose

    que

    de

    cinq

    sons

    placs

    des

    intervalles

    d'un

    ton

    l'un

    de

    l'autre,

    avec

    des

    lacunes

    l o sont

    les

    demi-tons

    de

    la

    gamme ap-

    pele

    diatonique.

    Tel est le

    systme

    de la

    musique

    des Chi-

    nois

    ,

    des

    Japonais

    ,

    des

    Cochinchinois

    ,

    des Corens

    ,

    des

    Mandchous,

    et des

    Mongols proprement

    dits.

    L'accent doux

    ne

    s'y

    t'ait

    pas

    entendre, parce

    qu'on

    ne

    peut

    le

    trouver que

    dans

    l'emploi

    du

    demi-ton.

    >

    Si

    nous

    portons

    l'examen

    sur

    l'organisation

    de

    la

    tonalit

    chez les peuples

    plasgiques de

    la

    Grce

    et

    de

    l'Asie-Mineure,

    nous

    y

    apercevons

    des

    transformations

    qui,

    dans

    l'espace

    d'en-

    viron dix

    sicles,

    en changent

    compltement la

    nature.

    Une

    partie

    des

    Plasges

    s'tait tablie

    dans

    laThrace :

    c'est

    parmi

    eux

    que naquirent

    Linus,

    Orphe,

    Thamyris, clbres

    potes

    musiciens,

    qui

    se

    servirent

    vraisemblablement

    des

    mmes

    to-

    nalits

    que

    les

    Plasges

    de

    l'Asie-Mineure.

    Antrieurement

    au

    sige

    de Troie

    ,

    Olympe

    et

    d'autres

    musiciens

    de la Phrygie

    et

    de

    la

    Lydie,

    composaient

    des

    hymnes

    dans

    une tonalit

    appele

    enharmonique, dont

    les

    sons

    taient

    disposs par deux

    intervalles

    de

    quarts de ton

    (appels dises)

    ,

    suivis

    d'une

    tierce

    majeure,

    laquelle

    succdait

    l'intervalle d'un

    ton

    ;

    puis

    venaient

    deux autres quarts de

    ton, suivis d'une

    tierce ma-

    jeure.

    Telle

    tait

    la

    division

    de

    l'octave

    dans

    ce

    systme

    de

    tonalit

    enharmonique,

    qui

    blesserait la sensibilit

    musicale

    d'un

    Europen

    moderne,

    mais

    qui a

    beaucoup

    d'analogie

    avec certains

    modes

    de la

    plus

    ancienne musique

    de

    l'Inde.

    Or,

    Olympe

    et les

    autres

    musiciens

    de

    la Phrygie

    et

    de

    la

    Ly-

    die,

    dont il

    vient

    d'tre

    parl, taient de

    la

    mme

    race que

    ceux

    qui

    suivirent Plops

    dans la Grce,

    et

    qui

    y

    portrent

    modes

    de

    musique

    '.

    Ces

    compagnons

    de

    Plops

    taient

    Plasges,

    et

    les Plasges

    taient

    Hindoux

    ou

    lindo-Scythes.

    Plus

    tard,

    lorsque

    les

    Hellnes, venus de

    la Scylhie cauca-

    {*)

    Tpi

    avv

    cc-toci,

    xaCentp

    ap^vj

    e?irofUV

    : vou

    p^ovc'a;,

    ctx xa

    toc

    j'Gvvj. Tvjv

    l

    tiiT/iar xa

    Tov

    \voictti,

    .-oc

    yv

    ovsa, yvwerCi,.

    :

    ;-,(.

    ixo

    twvctGv flcJoiri

    xaTOvrwv

    ttiv

    il

    xo

    (

    Vllion.,

    lit),

    viv.

    c.

    2 .)

  • 7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18

    33/343

    PfeFACB. xxiij

    sique

    dans

    la

    Grce

    , sous la

    conduite de

    Deucalion

    ,

    furent

    devenus

    puissants

    et

    eurent fait la

    conqute

    du Ploponse,

    ils

    substiturent l'ancienne

    tonalit

    enharmonique des

    P-

    lasges

    la division du ton

    par tiers,

    qu'ils

    avaient

    puise dans

    les

    gammes des

    peuples

    smitiques

    dont ils

    tiraient

    leur

    ori-

    gine.

    Par exemple,

    trois sons placs

    un

    tiers

    de

    ton

    l'un

    de

    l'autre

    ,

    suivis

    d'un

    quatrime

    l'intervalle

    d'un

    ton

    ,

    puis

    d'un

    cinquime la

    distance

    d'un

    demi-ton

    de

    celui-ci

    ,

    et

    enfin

    de

    trois

    sons

    des

    intervalles

    de

    tiers

    de

    ton

    ,

    taient

    les

    divisions

    de

    l'octave

    dans

    le

    genre

    enharmonique de

    l'un

    des

    modes

    de la

    musique

    grecque,

    appel

    mode

    lydien.

    Or,

    cette

    disposition

    de

    sons

    est

    prcisment celle

    d'un

    des

    modes

    de

    la

    musique

    des

    Arabes

    de nos

    jours.

    Cette seconde

    forme

    de

    la

    tonalit

    enharmonique

    fut

    en usage

    pendant

    plusieurs

    sicles.

    Lorsque

    d'autres

    genres,

    appels

    chromatique

    et

    diato-

    nique,

    eurent introduit des

    formes

    d'intonation

    plus

    facile dans

    chaque mode

    , les

    petits

    intervalles du

    genre

    enharmonique

    furent

    abandonns, et

    ce

    genre

    ne

    figura

    plus

    qu'en thorie

    dans

    le tableau

    des

    modes.

    Le

    genre

    chromatique

    tait

    de

    plusieurs

    espces,

    dont

    la

    plus

    facile

    pour

    le

    chant

    tait

    le

    chromatique

    tonique.

    L'chelle

    de ce

    genre

    tait

    forme par un

    demi-ton,

    un

    autre

    demi-ton,

    puis

    une

    tierce

    mineure

    suivie

    d'un

    ton,

    auquel

    succdaient

    deux

    demi-tons

    suivis

    d'une

    tierce

    mineure.

    Celte

    nouvelle

    formation de

    la

    tonalit

    se

    ressentait encore

    de

    l'origine

    orientale

    par

    les

    deux demi-

    tons

    conscutifs,

    et

    par

    la

    lacune

    de

    la

    tierce

    mineure.

    Celle

    origine

    ne

    cessa de

    se

    faire

    apercevoir

    que

    lorsqu'on

    eut

    trouv

    la

    forme

    tonale

    appele

    diatonique,

    dans

    laquelle

    le

    demi-ton

    est

    isol, avant ou

    aprs deux

    ou

    trois

    tons.

    Cette

    forme

    linil

    par

    tre

    la

    seule

    dont on lit

    usage:

    on l'appliqua

    aux

    diffrents

    modes.

    Dans

    l'origine, les

    modes

    de

    la

    musique

    grecque

    n'axaient

    t

    qu'au nombre de

    trois,

    savoir,

    le

    phrygien,

    le

    lydien

    el

    le

    dorien

    ;

    mais

    ce

    nombre

    s'augmenta

    progressivement

    el

    fut

    port jusqu'

    treize,

    puis

    enfin

    jusqu'

    quinze.

    Comme

    dans

    les

    modes

    de

    la

    musique

    des

    Hindoux

    el

    dan-

    ceux

    de

  • 7/25/2019 Trait Complet de La Thorie Et de La Pratique de l'Harmonie, Contenant La Doctrine de La Science Et de l'Art (18

    34/343

    xx

    jv

    PRFACE

    la

    musique

    arabe, le principe del

    diversit

    des

    modes grecs

    consista

    dans la facult de

    changer

    la

    position des

    intervalles

    des sons,

    en

    commenant

    chaque

    gamme

    par

    un

    son

    diff-

    rent

    pris

    dans l'chelle diatonique. La diffrence de position

    des

    tons

    et

    des

    demi-tons

    constitua

    ce

    qu'on

    appela

    les

    es-

    pces d'octaves

    '.

    Bien

    que

    nous

    n'ayons

    que

    des

    notions

    insuffisantes de ce

    qu'tait

    la

    musique

    grecque base sur ces

    lments

    de

    modes

    et

    de

    genres, et

    sur

    les

    mtres potiques

    qui

    s'appliquaient

    ;i

    chaque

    mode

    en

    particulier,

    nous

    comprenons

    que

    ses

    qualits

    esthtiques rsultaient principalement de la

    pro-

    prit

    d'accent

    et

    de

    rhythme

    dans

    la

    posie chante.

    A

    l'-

    gard de

    la

    question

    si

    souvent

    controverse