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Progrès en Urologic (2007). 17, 108-110 Traitement conservateur d'un hémangiome rénal : Intérêt de la synergie urétéroscopie souple et artériotomodensitométrie Richard MALLET (I), Xavier GAME (I), Mounir LEFI (11, Marc MOUZIN (i), Bernard MALAVAUD (I), Philippe OTAL (z), Francis JOFFRE (2), Pascal RISCHMANN (1) (1) Service de chirurgie urologique, (2) Service de Radiologie, Hôpital de Rangueil de Toulouse, Toulouse, France RESUME L'hémangiome rénal (HR) est une lésion vasculaire, congénitale rare. Elle est fréquemment l'origine d'une hématurie macroscopique. Son diagnostic préopératoire est difficile malgré les progrès actuels des techniques d'imagerie. Ces difficultés diagnostiques expliquent le traitement radical souvent réalisé (néphrectomie ou néphro-urétérectomie) devant la suspicion d'un carcinome rénal ou des voies excrétrices supérieures. Toutefois, une prise en charge diagnostique et thérapeutique conservatrive peut être réalisée en associant I'artériotomo- densitométrie, I'urétéroscopie souple et l'embolisation sélective. Mots clés : hématurie, urétéroscopie souple, hémangiome, Laser Holmium, embolisation. L'hémangiome est une tumeur vasculaire bénigne. Sa localisation rénale est rare [l, 21. Il peut être à l'origine d'une hématurie macro- scopique. Le diagnostic préopératoire de cette affection est diffici- le et dans la plupart des cas porté sur pièce de néphrectomie d'hé- mostase. Nous rapportons un nouveau cas d'hémangiome rénal de siège médullaire, diagnostiqué à l'endoscopie souple et traité avec succès de manière conservatrice par embolisation supra-sélective sous artériotomodensitométrie. Une artério-tomodensitométrie a permis de repérer une branche arté- riolaire atypique - étant probablement seule responsable du saigne- ment- et une embolisation supra sélective a été effectuée (Figure 3). Les suites du geste ont été marquées par des douleurs lombaires en rapport avec i'infarcissement localisé. Celles-ci ont rétrocédé en 48 heures sous antalgiques simples. La tomodensitométrie de contrôle a objectivé une ischémie rénale touchant le tiers du pôle supérieur du rein gauche (Figure 4). La fonction rénale est restée normale et le patient n'a pas eu de nouvelle hématurie après un recul de 16 mois. OBSERVATION DISCUSSION Monsieur L. Y, âgé de 20 ans, avait une hématurie macroscopique depuis 9 ans, sans diagnostic étiologique. Il a été hospitalisé en urgence en octobre 2004 pour récidive de son hématurie , sans état de choc, mais avec un taux d'hémoglobine à 5 grammes/100ml nécessitant la transfusion de 3 culots globulaires. 11 a eu une tomo- densitométrie avec injection de produit de contraste. Cette dernière a mis en évidence un caillotage pyélique gauche sans lésion tissu- laire parenchymateuse (Figure 1). La cystoscopie a objectivé une muqueuse vésicale saine avec éja- culation sanglante au niveau du méat urétéral gauche. L'urétéro- pyélographie rétrograde gauche réalisée après lavage des cavités pyélocalicielles a montré un uretère libre sans dilatation, ni rétré- cissement avec opacification pyélique objectivant une petite lacune calicielle supérieure gauche. L'artériographie n'a pas identifié d'a- nomalie vasculaire. Les cytologies urinaires étaient normales. L'urétéroscopie souple réalisée en période critique a permis de visualiser une lésion angiomateuse bleutée de quelques millimètres appendue à la muqueuse du calice antérosupérieur et qui saignait au moindre contact (Figure 2). Cétte lésion a été électrocoagulée au laser Holmium avec aspect claire des urines en fin d'intervention. L'évolution a été marquée par la récidive de l'hématurie après deux mois d'intervalle libre. Les cytologies urinaires étaient toujours négatives. Une deuxième tentative de coagulation du siège lésion- nel initial a été réalisée. L'HR est une lésion bénigne rare. La littérature rapporte jusqu'en 1995 environ 200 cas [l, 21. Dès sa première description par VIR- CHOW en 1867 [l], il reste d'étiologie inconnue. Cependant, l'hypo- thèse d'une origine congénitale est actuellement la plus souvent admise [3]. L'incidence de 1'HR dans les séries autopsiques varie de l/lOOO à 1130000 [l-31. L'âge de diagnostic de I'HR varie de 16 à 80 ans, mais dans 85% des cas survient entre 30 et 40 ans [4, 51. Il s'agit généralement d'une petite lésion, unique mais la multifocalité a été rapportée dans 12% des cas [2, 51. L'HR se développe le plus souvent au dépens du parenchyme rénal et surtout au niveau de la médullaire [4, 51. La symptomatologie clinique de i'HR, se résume en une lombalgie intermittente, voire de crises de colique néphrétique [5], mais I'hé- maturie surtout macroscopique reste le mode de révélation le plus fréquent comme dans notre observation [6, 71. L'angiome rénal dans sa localisation corticale peut parfois entraîner un hématome péri-rénal [4, 71. Manuscrit reçu : septembre 2006, accepté : novembre 2006 Adresse pour correspondance : Dr. R. Mallet, Service de chirurgie urologique, CHU Ran- gueil, 1 avenue Jean Poulhès, TSA 50032, 31059 Toulouse Cedex 9 e-mail : mallct.r@ chu-toulouse.fr Ref: MALLET R., GAME X., LEFl M., MOUZIN M., MALAVAUD B., OTAL P., JOF- FRE F., RISCHMANN P. Prog. Urol., 2007, 17, 108-110

Traitement conservateur d’un hémangiome rénal : Intérêt de la synergie urétéroscopie souple et artériotomodensitométrie

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Progrès en Urologic (2007). 17, 108-1 10

Traitement conservateur d'un hémangiome rénal : Intérêt de la synergie urétéroscopie souple et artériotomodensitométrie

Richard MALLET (I) , Xavier GAME (I), Mounir LEFI (11, Marc MOUZIN (i), Bernard MALAVAUD (I), Philippe OTAL (z), Francis JOFFRE (2 ) , Pascal RISCHMANN (1)

(1 ) Service de chirurgie urologique, (2) Service de Radiologie, Hôpital de Rangueil de Toulouse, Toulouse, France

RESUME

L'hémangiome rénal (HR) est une lésion vasculaire, congénitale rare. Elle est fréquemment l'origine d'une hématurie macroscopique. Son diagnostic préopératoire est difficile malgré les progrès actuels des techniques d'imagerie. Ces difficultés diagnostiques expliquent le traitement radical souvent réalisé (néphrectomie ou néphro-urétérectomie) devant la suspicion d'un carcinome rénal ou des voies excrétrices supérieures. Toutefois, une prise en charge diagnostique et thérapeutique conservatrive peut être réalisée en associant I'artériotomo- densitométrie, I'urétéroscopie souple et l'embolisation sélective.

Mots clés : hématurie, urétéroscopie souple, hémangiome, Laser Holmium, embolisation.

L'hémangiome est une tumeur vasculaire bénigne. Sa localisation rénale est rare [l , 21. Il peut être à l'origine d'une hématurie macro- scopique. Le diagnostic préopératoire de cette affection est diffici- le et dans la plupart des cas porté sur pièce de néphrectomie d'hé- mostase. Nous rapportons un nouveau cas d'hémangiome rénal de siège médullaire, diagnostiqué à l'endoscopie souple et traité avec succès de manière conservatrice par embolisation supra-sélective sous artériotomodensitométrie.

Une artério-tomodensitométrie a permis de repérer une branche arté- riolaire atypique - étant probablement seule responsable du saigne- ment- et une embolisation supra sélective a été effectuée (Figure 3). Les suites du geste ont été marquées par des douleurs lombaires en rapport avec i'infarcissement localisé. Celles-ci ont rétrocédé en 48 heures sous antalgiques simples. La tomodensitométrie de contrôle a objectivé une ischémie rénale touchant le tiers du pôle supérieur du rein gauche (Figure 4). La fonction rénale est restée normale et le patient n'a pas eu de nouvelle hématurie après un recul de 16 mois.

OBSERVATION DISCUSSION

Monsieur L. Y, âgé de 20 ans, avait une hématurie macroscopique depuis 9 ans, sans diagnostic étiologique. Il a été hospitalisé en urgence en octobre 2004 pour récidive de son hématurie , sans état de choc, mais avec un taux d'hémoglobine à 5 grammes/100ml nécessitant la transfusion de 3 culots globulaires. 11 a eu une tomo- densitométrie avec injection de produit de contraste. Cette dernière a mis en évidence un caillotage pyélique gauche sans lésion tissu- laire parenchymateuse (Figure 1).

La cystoscopie a objectivé une muqueuse vésicale saine avec éja- culation sanglante au niveau du méat urétéral gauche. L'urétéro- pyélographie rétrograde gauche réalisée après lavage des cavités pyélocalicielles a montré un uretère libre sans dilatation, ni rétré- cissement avec opacification pyélique objectivant une petite lacune calicielle supérieure gauche. L'artériographie n'a pas identifié d'a- nomalie vasculaire. Les cytologies urinaires étaient normales.

L'urétéroscopie souple réalisée en période critique a permis de visualiser une lésion angiomateuse bleutée de quelques millimètres appendue à la muqueuse du calice antérosupérieur et qui saignait au moindre contact (Figure 2). Cétte lésion a été électrocoagulée au laser Holmium avec aspect claire des urines en fin d'intervention.

L'évolution a été marquée par la récidive de l'hématurie après deux mois d'intervalle libre. Les cytologies urinaires étaient toujours négatives. Une deuxième tentative de coagulation du siège lésion- nel initial a été réalisée.

L'HR est une lésion bénigne rare. La littérature rapporte jusqu'en 1995 environ 200 cas [l, 21. Dès sa première description par VIR- CHOW en 1867 [l], il reste d'étiologie inconnue. Cependant, l'hypo- thèse d'une origine congénitale est actuellement la plus souvent admise [3]. L'incidence de 1'HR dans les séries autopsiques varie de l/lOOO à 1130000 [l-31.

L'âge de diagnostic de I'HR varie de 16 à 80 ans, mais dans 85% des cas survient entre 30 et 40 ans [4, 51. Il s'agit généralement d'une petite lésion, unique mais la multifocalité a été rapportée dans 12% des cas [2, 51. L'HR se développe le plus souvent au dépens du parenchyme rénal et surtout au niveau de la médullaire [4, 51.

La symptomatologie clinique de i'HR, se résume en une lombalgie intermittente, voire de crises de colique néphrétique [5], mais I'hé- maturie surtout macroscopique reste le mode de révélation le plus fréquent comme dans notre observation [6, 71. L'angiome rénal dans sa localisation corticale peut parfois entraîner un hématome péri-rénal [4, 71.

Manuscrit reçu : septembre 2006, accepté : novembre 2006

Adresse pour correspondance : Dr. R. Mallet, Service de chirurgie urologique, CHU Ran- gueil, 1 avenue Jean Poulhès, TSA 50032, 31059 Toulouse Cedex 9

e-mail : mallct.r@ chu-toulouse.fr

Ref: MALLET R., GAME X., LEFl M., MOUZIN M., MALAVAUD B., OTAL P., JOF- FRE F., RISCHMANN P. Prog. Urol., 2007, 17, 108-1 10

Figure 2. Aspect endoscopique (urété- roscopie souple) : présence d'une lésion millimètrique bleutd d'allure vasculaire au fond du calice antéro-

1 supérieur.

Les examens d'imagerie sont rarement contributifs pour diagnosti- quer I'HR en pré-opératoire. Cependant, certaines caractéristiques radiologiques ont été rapportées et deux types d'hémangiome ont été décrits: angiome capillaire, le plus fréquent, et i'angiome caver- neux [Il.

En tomodensitométrie, l'angiome peut se manifester par une struc- ture hyperdense de la médullaire à la phase précoce de l'injection d'iode [5, 61.

Ces dificultés diagnostiques sont responsables de néphrectomies excessives réalisées dans un contexte d'hématurie unilatérale, réci- divante, sans diagnostic étiologique.

L'intérêt de notre observation est double. En premier lieu, elle met en évidence l'intérêt de I'urétéroscopie souple à visée diagnostique dans les hématuries récidivantes.

De plus, cette observation souligne les difficultés de la prise en charge thérapeutique malgré le diagnostic étiologique réalisé. L'u- rétéroscopie souple permet la destruction des lésions, une fois la tumeur urothéliale éliminée. Cependant, avec le laser holmium YAG, cette destruction est limitée en profondeur (0,5 mm) [8]. Ainsi, des récidives peuvent venir émailler la prise en charge.

Figure 3. Cathétérisme supra-se7ectifguidépar les données topogra- phiqaes de la tomodensitométrie.

La collaboration avec les radiologues est alors indispensable en cas d'échec de la prise en charge par endo-urologie.

L'artériographie peut-être réalisée à la recherche d'une branche arté- rielle atypique ou d'un shunt artério-véineux [7]. Elle est orientée par les données de I'urétéroscopie souple. En cas de normalité de l'artériographie, une artériotomodensitométrie peut-être réalisée par des radiologues aguerris à la prise en charge de l'urologie et aux dif-

R. Mallet et coll., Progrès en Urologie (2007), 17, 108-110

Figure 4. Résultats du cathétérisme supra-sélectif : ischémie paren- chymateuse limitée par utilisation de microcathéters avec mise en place de microcoils.

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férentes techniques de radiologie interventionnelle. Une angiogra- SUMMAKY

phie suprasélective sera alors réalisée afin d'accomplir une emboli- Conservative management of renai haemangioma : value of a syner- sation la plus limitée possible. gistic combination of flexible ureteroscopy and CT angiography

CONCLUSION

L'HR est une lésion rare pouvant être une cause d'hématurie macro- scopique. Son diagnostic définitif en préopératoire reste extrême- ment difficile malgré I'apport de l'imagerie moderne. Une fois le diagnostic suspecté, le traitement de première intention reste endo- scopique avec coagulation in situ si la lésion est accessible. En cas d'échec, le recours à I'artériographie avec embolisation supra-sélec- tive constitue une excellente alternative.

Renal haemangioma (RH) is a rare congenital vascular lesion that is fre- quently responsible for macroscopic huematuria. This lesion is dijjcuit to diagnose preoperatively despiteprogress in imaging techniques. These diagnostic dijficulties account ,for the high rate o f radical treatment (nephrectomy or nephro-ureterectomy) due to a suspicion of renal carci- noma or upper urinary tract tumour Howevel: consewative diagnostic and therapeutic management can be performed by a combination of CT angiography, ,flexible ureteroscopy and selective embolization.

Key- Words : haematuria, flexible ureteroscopy, haemangioma, holmium lasec embolization.