18
Trajet de retour, centre de retour, maison de retour, places ouvertes de retour : les nouveaux mots (maux) de l'accueil ? STEVENS Jean-Charles Juriste au CIRÉ 1 - coordinateur de la Newsletter juridique du CIRE et de la Bibliothèque juridique de l’accueil 2 Table des matières Introduction ............................................................................................................................................. 2 L’accueil des familles en séjour illégal ..................................................................................................... 2 Petit historique .................................................................................................................................... 2 Holsbeek, un « centre de retour » ? .................................................................................................... 3 Accueil des familles en séjour illégale par un « partenaire » de FEDASIL ?......................................... 5 L’OE, un « partenaire » de FEDASIL pour le centre de Holsbeek ? ...................................................... 6 Quelques chiffres sur Holsbeek ........................................................................................................... 8 Les maisons de retour, un « lieu de détention » ?............................................................................... 9 L’accueil en maison de retour, une « mesure de détention » ? ........................................................... 9 L’OE, un « partenaire » de FEDASIL pour les maisons de retour ?..................................................... 10 Les places ouvertes de retour ................................................................................................................ 13 La loi du 19 janvier 2012 et les instructions de FEDASIL ................................................................... 13 Les places de retour, un dispositif efficace ? ..................................................................................... 17 Conclusion ............................................................................................................................................. 17 1 Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Étrangers 2 Les décisions de jurisprudence ainsi que les instructions de FEDASIL, les conventions et autres protocoles d'accords repris dans cet article sont disponibles dans la bibliothèque juridique de l’accueil accessible sur : http://www.cire.be/services/structure-daccueil-des-demandeurs-dasile/bibliotheque-juridique

Trajet de retour, centre de retour, maison de retour ...12Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Trajet de retour, centre de retour, maison de retour ...12Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement

Trajet de retour, centre de retour, maison de retour, places ouvertes de retour : les nouveaux mots (maux) de l'accueil ? STEVENS Jean-Charles Juriste au CIRÉ1 - coordinateur de la Newsletter juridique du CIRE et de la Bibliothèque juridique de l’accueil2

Table des matières Introduction ............................................................................................................................................. 2

L’accueil des familles en séjour illégal ..................................................................................................... 2

Petit historique .................................................................................................................................... 2

Holsbeek, un « centre de retour » ? .................................................................................................... 3

Accueil des familles en séjour illégale par un « partenaire » de FEDASIL ? ......................................... 5

L’OE, un « partenaire » de FEDASIL pour le centre de Holsbeek ? ...................................................... 6

Quelques chiffres sur Holsbeek ........................................................................................................... 8

Les maisons de retour, un « lieu de détention » ?............................................................................... 9

L’accueil en maison de retour, une « mesure de détention » ? ........................................................... 9

L’OE, un « partenaire » de FEDASIL pour les maisons de retour ? ..................................................... 10

Les places ouvertes de retour ................................................................................................................ 13

La loi du 19 janvier 2012 et les instructions de FEDASIL ................................................................... 13

Les places de retour, un dispositif efficace ? ..................................................................................... 17

Conclusion ............................................................................................................................................. 17

1Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Étrangers 2Les décisions de jurisprudence ainsi que les instructions de FEDASIL, les conventions et autres protocoles d'accords repris dans cet article sont disponibles dans la bibliothèque juridique de l’accueil accessible sur : http://www.cire.be/services/structure-daccueil-des-demandeurs-dasile/bibliotheque-juridique

Page 2: Trajet de retour, centre de retour, maison de retour ...12Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement

Introduction Dans le présent article nous entendons faire le point sur deux questions relatives à l’accueil des

étrangers. La première concerne l’accueil des familles avec enfants mineurs en séjour illégal par

l’Office des Étrangers3 anciennement dans le centre de retour de Holsbeek et aujourd’hui dans les

« maisons de retour ». La seconde traite des modifications du lieu obligatoire d’inscription, de

demandeurs d’asile déboutés de la procédure d’asile au profit d’une place ouverte de retour dans un

des quatre centres d’accueil gérés par FEDASIL. C'est au travers des controverses concernant la

législation applicable et des réponses apportées par la jurisprudence4 que nous examinerons ces

nouvelles modalités de l'accueil.

L’accueil des familles en séjour illégal

Petit historique Une première période de refus d’aide (sociale à l’époque) peut être identifiée qui va de 1992 à 2003.

En effet, depuis la loi du 30 décembre 1992 validée la Cour Constitutionnelle en 19945 l’aide sociale à

l’égard des étrangers en séjour illégal a été limitée à la seule aide médicale urgente. Cette limitation

concernait également les familles avec enfants mineurs. Durant la seconde période qui va de 2003 à

2009 l’aide a été octroyée. En 2003, suite un arrêt de la Cour Constitutionnelle et des modifications

légales qui en ont résulté, les familles avec enfants mineurs en séjour illégal bénéficiaient d’une aide

matérielle dans les centres d’accueil gérés par FEDASIL. Depuis le 1er mars 2007 elles ont été

également hébergées dans les centres d’accueil gérés par la Croix-Rouge et la Rode-Kruis (partenaires

conventionnés et financés par FEDASIL)6. La troisième période de 2009 à 2013 a été une nouvelle fois

celle du refus de l’aide. En avril 2009, en pleine crise de l’accueil, FEDASIL a décidé de refuser de

manière systématique d’accueillir les familles en séjour illégal7. Seules les familles qui ont obtenaient

une condamnation de la part d’un tribunal ou qui faisaient appel au Médiateur fédéral se voyaient

attribuer une aide matérielle. Malgré la fin de la crise de l’accueil en décembre 20128 cette pratique

de refus d’accueil par FEDASIL a perduré jusqu’au 1er avril 20139. La dernière période, dans laquelle

nous sommes, a débuté en 2013. Suite à l’entrée en vigueur d’une convention conclue entre FEDASIL

et l’OE le 29 mars 2013, FEDASIL met un terme à sa pratique de refus systématique de l’accueil pour

les familles en séjour illégal. Cette convention vise d’une part à fournir l’aide matérielle aux familles

en séjour illégal dans le centre de retour de Holsbeek géré par l’OE et d’autre part à élaborer un trajet

de retour destiné à réaliser le retour volontaire des familles10. Mi-juin 2015 le secrétaire d’État Théo

Francken annonce la fermeture du centre de retour de Holsbeek. Désormais « les familles seront

hébergées dans des maisons de retour FITT et encadrées ensuite par des coaches »11.

3Ci-après l'OE 4Pour un aperçu actualisé de la jurisprudence sur le sujet, consulter : CIRE, « Fiche pratique n° 8 - Trajet de retour, places ouvertes de retour, centre ouvert de retour et maison de retour » disponible dans la bibliothèque juridique de l’accueil. 5 Cour Const., arrêt 51/94 du 29 juin 1997, B.4.3. 6 Médiateur fédéral, « Rapport d’audit sur les centre ouverts », 2009, § 110 7 Médiateur fédéral, « Recommandation Officielle RO 09/01 », 8 FEDASIL, « Rapport annuel 2012 », p. 5 9 Médiateur fédéral, « Rapport annuel 2013 », p. 42 10OE/FEDASIL, « Convention du 29 mai 2013 », point 3.1 et 3.2 ; FEDASIL, « Note informative du 17 juin 2013 », p. 1 11 Ch. rep, CRABV 54 COM 225, 14 juillet 2015, p. 6

Page 3: Trajet de retour, centre de retour, maison de retour ...12Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement

Holsbeek, un « centre de retour » ? C'est la loi du 22 avril 201212 qui crée « une base légale pour les centres de retour ouverts »13 et

constitue la seule référence légale de la notion de « centre de retour » introduite dans la loi accueil

du 12 janvier 2007 (ci-après « loi accueil »)14 et la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers (ci-après

« loi sur les étrangers »)15. Il en ressort que le « ministre ou son délégué » peut désigner un centre de

retour à des demandeurs d’asile « entre la notification de la décision exécutoire relative à la demande

d'asile et jusqu'à l'expiration du délai pour quitter le territoire ». Pour éviter que deux régimes d’aide

soient simultanément applicables, il est prévu qu’une telle désignation entraîne la perte de la qualité

de bénéficiaire de l’accueil16. Au sein de ce centre, l’étranger reçoit une aide matérielle comprenant le

logement ainsi que la nourriture et l'habillement, une allocation journalière, l'accès à un programme

de retour volontaire, l'aide médicale et psycho-sociale nécessaire et l’accès effectif à l'aide juridique

de première et deuxième ligne. Les travaux parlementaires spécifient que la qualité de l’accueil y est

identique à celle offerte dans les centres d’accueil17. Les contestations relatives au centre de retour

sont confiées aux tribunaux du travail18. Précisons que l’arrêté royal devant fixer le régime et les

règles de fonctionnement du centre, ainsi que le montant de l'allocation journalière, n’a pas été

adopté.

Un examen attentif de la genèse de ce texte conduit à la conclusion que la volonté du législateur était

de faire du centre de Holsbeek un centre de retour au sens cette loi. En effet, l’idée de la création

d’un centre de retour est évoquée pour la première fois le 19 janvier 2011 par le secrétaire d'Etat M.

Wathelet19 lors d’une conférence de presse20. Proposition qui, selon lui, et son collègue P. Courard21,

ne peut être mise en œuvre par un gouvernement en affaires courantes22. Cependant, vu le soutien

apporté par la N-VA à ce projet, l’initiative de créer un tel centre est prise par le parlement23. Un

groupe de travail est mis sur pied par le Conseil des Ministres pour analyser la faisabilité d’un tel

projet24. La question de savoir qui va, de FEDASIL (en charge du retour volontaire) ou de l’OE (en

charge du retour forcé), gérer un tel centre, fait l’objet de négociations au sein du gouvernement, qui

finalement, décide « que l'Office des Étrangers serait chargé de la stratégie et de la gestion de ce

12Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et modifiant la loi du 12 janvier 2007 sur l'accueil des demandeurs d'asile et de certaines autres catégories d'étrangers 13Ch. rep., DOC 53 1904/003, 15 mars 2012, p. 3 14Voir le nouvel article 4/1 de la loi accueil du 12 janvier 2007 15Voir le nouvel article 54, § 1er de la loi sur les étrangers du 15 décembre 1980. Cette inscription particulière dans la loi sur les étrangers garantit le caractère « ouvert » de ce centre de retour, en éloignant celui-ci de l’article 74/8 de la loi sur les étrangers (relatif aux lieux de détention des étrangers) que d’aucuns souhaitaient voir comme base légale des centres de retour (Voir Ch. rep., DOC 53 0326/004, 8 juin 2011, p. 3). 16Art. 4/1 de la loi accueil 17Ch. rep., DOC 53 1904/003, 15 mars 2012, p. 3 18Nouvel article 70/1 de la loi sur les étrangers 19Secrétaire d'Etat au Budget, à la Politique de migration et d'asile, à la Politique des familles et aux Institutions culturelles fédérales 20Suggestion sur laquelle il a eu l’occasion de s’expliquer par la suite (Ch. rep., CRABV 53 COM 107, 26 janvier 2011, pp. 36 et s.). 21Secrétaire d'État à l'Intégration sociale et à la Lutte contre la pauvreté, adjoint à la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale 22Ch. rep., CRABV 53 COM 133, 16 février 2011, pp. 10 et s 23Ch. rep., CRABV 53 COM 198, 26 avril 2011, pp. 15 et s 24Ch. rep., CRABV 53 COM 212, 3 mai 2011, pp. 9 et s

Page 4: Trajet de retour, centre de retour, maison de retour ...12Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement

nouveau centre »25. Plusieurs communes du Brabant Flamand sont pressenties pour son implantation

dont l’ouverture, projetée pour le 1er novembre 201126, est toutefois reportée27. Il est prévu que ce

centre accueille les demandeurs d’asile en fin de procédure28. Un avant-projet de loi devant

permettre de « disposer d’une base légale pour que le ministre ou son délégué puisse désigner un

centre de retour pour le demandeur d’asile et les membres de sa famille qui ont reçu une décision

exécutoire concernant leur demande d’asile »29, est finalement déposé à la Chambre le 24 novembre

2011. Pour « mettre au point une politique de retour intégrée »30 une collaboration entre l'OE

(gestionnaire du centre) et FEDASIL (responsable du retour volontaire) est prévue. Des budgets sont

dégagés pour la création de ce centre31 et le projet de loi nécessaire à son ouverture, ainsi qu’un

projet d’arrêté royal en fixant les règles de fonctionnement, sont en voie de finalisation32. Il est prévu

que la durée d’accueil dans ce centre ne dépasse pas 30 jours, car il s’agit bien « d'un centre de retour

ouvert et non d'un centre d'asile » et que la prise en charge financière, y compris des frais médicaux

et psychologiques, est assurée par l’OE33. Le 22 avril 2012 le projet, devenu loi depuis lors34, est

adopté à la Chambre. Malgré son entrée en vigueur le 1er juillet 2012, les difficultés rencontrées par

le gouvernement pour trouver un lieu d’implantation 35 entraînent des reports successifs de

l'ouverture effective d'un tel centre36 et donc de la mise en œuvre de cette loi37. En décembre 2012,

les choses semblent se débloquer pour l’acquisition d’un bâtiment situé à Holsbeek38 (acheté

formellement en janvier 2013)39. Le 7 mai 2013, la secrétaire d'État M. De Block40 annonce

l'ouverture du centre ouvert de retour pour la semaine suivante41.

C'est ainsi que « depuis le 13 mai 2013, un centre de retour ouvert est opérationnel, mais il a été

conçu, en pratique, d'une autre manière que celle prévue dans la loi du 15 décembre 1980 »42. Cette

pratique, qui fait échec à la mise en œuvre de la loi du 22 avril 2012, résulte de l'entrée en vigueur

d’une convention de partenariat, conclue le 29 mars 2013 entre FEDASIL et l’OE sur base de l’article

25Ch. rep., CRABV 53 COM 305, 5 octobre 2011, pp. 4 et s. Voir également sur le sujet : CIRE, Analyses des enjeux relatifs à la mise en place des centres de retour, Octobre 2011 26Ch. rep., CRABV 53 COM 310, 12 octobre 2011, pp. 13 et s. et Ch. rep., CRABV 53 PLEN 052, 27 octobre 2011, p. 85 27Ch. rep., CRABV 53 COM 344, 23 novembre 2011, p. 37 28Ch. rep., CRABV 53 COM 311, 12 octobre 2011, p. 13 29Ch. rep., DOC 53 1904/001, 24 novembre 2011, p. 3 30Ch. rep., CRABV 53 COM 395, 8 février 2012, p. 16 et s 31Ch. rep., CRABV 53 COM 423, 13 mars 2012, p. 1 32Ch. rep., DOC 53 1904/003, 15 mars 2012, pp. 3 et s 33Ch. rep., CRABV 53 COM 448, 17 avril 2012, p. 4 34Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et modifiant la loi du 12 janvier 2007 sur l'accueil des demandeurs d'asile et de certaines autres catégories d'étrangers, M.B. 30 mai 2012 35Ont été évoquées les communes de Louvain, Sint-Pieters-Leeuw, Leenik, Vivlorde, Hoslbeek ainsi que certaines communes du Brabant wallon. 36Ch. rep., CRABV 53 COM 460, 24 mai 2012, p. 8 ; CRABV 53 COM 480, 9 mai 2012, p. 25 ; CRABV 53 COM 520, 19 juin 2012, p. 1 ; CRABV 53 COM 561, 23 octobre 2012, p. 4 37Ch. rep., CRABV 53 COM 539, 10 juillet 2012, p. 42 38Ch. rep., CRABV 53 COM 630, 18 décembre 2012, p. 3 39Maggie DE BLOCK, « L’achat du Centre ouvert de retour à Holsbeek est un fait », communiqué de presse du 8 janvier 2013 ; Ch. rep., CRABV 53 COM 669, 19 février 2013, p. 30 40Secrétaire d'État à l'Asile et la Migration, à l'Intégration sociale et à la Lutte contre la pauvreté, adjointe à la Ministre de la Justice 41Ch. rep., CRABV 53 COM 734, 7 mai 2013, p. 10 42Centre fédéral de la migration, « Un nouveau cadre pour la politique de retour en Belgique », juin 2014, p. 24

Page 5: Trajet de retour, centre de retour, maison de retour ...12Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement

62 de la « loi accueil » visant à fournir l’aide matérielle aux familles en séjour illégal dans le centre de

retour de Holsbeek43. Le Conseil d’État lorsqu’il s’est penché sur cette convention a validé cette

interprétation dès lors que l’accueil sur base de cette convention « en centre ouvert de retour, géré

par l’Office des étrangers, n’a nullement lieu en application de l’article 54, § 1er, de la loi du 15

décembre 1980 précitée, et qu’elles ne sont, en conséquence, nullement visées par l’article 4/1 de la

loi du 12 janvier 2007 »44. Juridiquement Holsbeek n’est donc pas un « centre de retour ».

Accueil des familles en séjour illégale par un « partenaire » de FEDASIL ? Avant d’examiner si l’OE est bien un partenaire de FEDASIL s’est posé la question de savoir si l'aide aux

familles en séjour illégal peut être attribuée par un partenaire de l’accueil ou au contraire si elle doit

exclusivement être délivrée dans un centre géré par l’Agence45 ? Pour certains, qui s’appuient entre

autres sur l’article 62 de la « loi accueil » selon lequel les partenaires de l’accueil peuvent octroyer

l’aide matérielle aux « bénéficiaires de l’accueil », ce terme générique ne permet pas d’exclure

l’utilisation de cette disposition pour les familles en séjour illégal. Pour eux, la formulation exclusive

de l’article 57 § 2 de la loi CPAS n’a pas pour objet de limiter la possibilité prévue par l’article 6246 ceci

d’autant plus que cette dernière disposition est plus récente47. L’autre thèse, adoptée par la Cour du

Travail de Liège dans un arrêt du 18 novembre 201448 (actuellement porté en Cassation) prend

argument de l’article 60 de la « loi accueil49 », qui dispose que cet accueil se fait « dans les structures

d'accueil gérées » par FEDASIL50. Dès lors que cette même loi établit une distinction51 entre une

structure d’accueil « gérée » par l’Agence et une structure gérée par « un partenaire » sur base d’une

« convention », il y a lieu de tenir compte de cette différence. Cette interprétation est par ailleurs

conforme à la loi CPAS qui précise que l’aide accordée à ces familles « est exclusivement octroyée

dans un centre fédéral d'accueil »52 et à la Cour de Cassation selon laquelle « seule l’agence fédérale

pour l’accueil des demandeurs d’asile est chargée de [leur] dispenser l’aide matérielle »53. Il est

intéressant de relever que cette interprétation avait déjà été défendue par le Médiateur fédéral en

2009 à propos de l’accueil de ce type de public dans les centres ouverts gérés par la Croix-Rouge. Pour

ce dernier « si les partenaires se chargent également de l’accueil de familles en séjour illégal, cela doit

être prévu dans la loi sur l’accueil »54. Aucune modification de la loi n’étant depuis lors intervenue en

ce sens, les trois Médiateurs concluent en 2013 que « l’accueil des familles dans un centre ouvert de

43OE/FEDASIL, « Convention du 29 mars 2013 », point 3.1 et 3.2 ; FEDASIL, « Note informative du 17 juin 2013 », p. 1 44 CE, 23 avril 2015, arrêt n°203.947, p. 21 45Pour la chambre des référés de Bruxelles cette question, sauf à démontrer une violation patente des droits subjectifs, relève du fonds du litige (Trib. Trav. Bruxelles (Prés.), 26 novembre 2013, R.G. n° 13/73/C) 46Trib. trav. Bruxelles (12ème Ch.), 3 mars 2014, R.G. n° 12/14864/A et 13/11539/A 47C. trav. Liège (13ème Ch.), 21 février 2014, R.G. n° 2014/CN/1 48 C. trav. Liège (13ème Ch.), 18 novembre 2014, R.G. n° 2014/AN/90 49L’argument d’abrogation implicite par une loi plus récente évoqué ci-dessus devient en l’espèce inopérant. 50Les travaux parlementaires relatifs à l’article 6 § 2 de la loi accueil parlent quant à eux de « centre fédéral d’accueil » (Ch. rep., DOC 51 2565/001, 16 juin 2006, p. 16). Voir également la Circulaire du 16 août 2004 du SPP-IS, M.B. 9 décembre 2004, p. 4 51Les compétences de FEDASIL ne sont pas les mêmes, selon qu’il s’agisse d’une structure qu’elle gère ou d’une structure gérée par un partenaire. 52Art. 57 § 2 de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'action sociale, M.B. 5 août 1976 (ci-après « loi CPAS »). Relevons que les articles 4 et 7 de l’arrêté royal du 24 juin 2004 reprennent également cette terminologie de « centre fédéral d’accueil ». 53Cass., 15 juin 2009, R.G. n° S.08.0057.F/12 54Le Médiateur fédéral, « Rapport sur les centres ouverts », 2009, § 110.

Page 6: Trajet de retour, centre de retour, maison de retour ...12Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement

retour géré par l’Office des étrangers est, par conséquent, non réglementaire »55. L’arrêt du Conseil

d’État n°230.947 du 23 avril 2015 qui annule en partie la Convention conclue entre FEDASIL et l’OE est

venu apporter une réponse à cette question. Celui-ci relève que l’accueil des familles en séjour illégal

peut être délivré par un partenaire de FEDASIL dès lors que « ces familles sont également visées en

tant que «bénéficiaires de l’accueil» par l’article 62, alinéa 1er, de la même loi et qu’en conséquence,

FEDASIL a pu, conformément à l’alinéa 2 du même article, conclure une convention avec l’Office des

étrangers, confiant à celui-ci la mission d’octroyer l’aide matérielle à la catégorie d’étrangers ainsi

visée, dans la structure d’accueil dont il a la gestion, tel un centre de retour ouvert »56. Le Conseil

précise ensuite que les termes « dans les structure d’accueil gérés par l’Agence » de la loi accueil du

12 janvier 2007 et « exclusivement » de la loi CPAS du 8 juillet 1976 « n’avait alors eu pour objectif

que de décharger les centres publics d’action sociale de la mission de concrétiser l’aide matérielle »57

et non pas les partenaires de FEDASIL. Les familles en séjour illégal peuvent donc être accueillies par

des partenaires de FEDASIL58.

L’OE, un « partenaire » de FEDASIL pour le centre de Holsbeek ? Il s’agit maintenant d’examiner si dans le cas d’espèce l’OE est bien un « partenaire » de FEDASIL ?

Selon la loi accueil, pour être un « partenaire » de FEDASIL, il faut remplir trois conditions59 : (1) être

chargé, conventionné par FEDASIL, (2) être financé par FEDASIL, (3) délivrer l’aide matérielle.

(1) Convention

La loi accueil précise que pour confier à un partenaire une mission d’accueil, FEDASIL doit conclure

une « convention »60 et qu’il revient à FEDASIL d’en assurer le « contrôle de l’exécution »61. Cette

condition semble remplie grâce à la convention du 29 mars 2013 conclue entre FEDASIL et l’OE.

Cependant, précisons ici et que le monitoring qui est prévu dans la convention du 29 mars 201362 ne

porte pas sur les modalités éventuelles de contrôle de cette convention par l’Agence.

55Médiateur fédéral, « Rapport annuel 2013 », p. 26 et s. et Délégué Général aux droits de l’enfant, « Rapport annuel 2012-2013 », p. 38 et Kinderrechtencommissariaat , « Heen en retour. Rechtspositie van kinderen op de vlucht », December 2013, p. 51. Voir également cette ordonnance bruxelloise qui, dans les limites du référé, relève quand même que « la critique [par les requérants] de la légalité de la désignation, pour des enfants mineurs séjournant avec leurs parents illégalement sur le territoire, du centre ouvert de Holsbeek, en ce qu’il est géré par l’Office des Étrangers, ne paraît pas nécessairement dénuée de tout fondement » (Trib. trav. Bruxelles (réf.), 23 août 2013, R.G. n° 13/59/C). 56 CE, 23 avril 2015, arrêt n°203.947, p. 20 57 CE, 23 avril 2015, arrêt n°203.947, p. 21 58 Nous relevons que sur base du raisonnement adopté ici il pourrait être soutenu qu’un tel accueil pourrait alors très bien être fait tant dans des structures communautaires que dans des structures individuelles. L’exclusivité consistant uniquement à décharger les CPAS… 59 Art. 2, 9° de la loi accueil. Une quatrième condition que nous n’examinerons pas ici elle celle qui consiste à être une personne morale. 60 Art. 62, al 2 de la loi accueil 61Art. 56 § 2, 2° de la loi accueil. Nous attirons le lecteur attentif sur le fait que ce 2° ne semble concerner que les conventions conclues avec les CPAS sur base de l’article 64 de la loi accueil. Cependant cette limitation semble résulter d’une mauvaise coordination du texte de la loi accueil lors de son élaboration. En effet, il ressort clairement de l’avant-projet de loi soumis à l’avis du Conseil d’État que l’article 56 de l’avant-projet visait un article 64 relatif aux conventions conclues avec « les » partenaires et que c’est l’article 65 de cet avant-projet qui visait uniquement les ILA (Ch. rep., DOC 51 2565/001, 16 juin 2006, p. 75). 62OE/FEDASIL, « Convention du 29 mai 2013 », point 7

Page 7: Trajet de retour, centre de retour, maison de retour ...12Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement

(2) Financement

La seconde condition porte sur la prise en charge financière de cet accueil par FEDASIL63 (y compris

en ce qui concerne les frais médicaux)64. Nous relevons que celle-ci n’est quant à elle pas abordée

dans la convention65 mais surtout, comme le Secrétaire d’État responsable l’a confirmé, que

l’ensemble des frais relatifs au centre de Holsbeek « sont pris en charge par l’Office des Etrangers et le

Fonds européen pour le retour » et non pas par FEDASIL66. Donc, bien qu’il existe une convention

entre l’OE et FEDASIL au sujet du centre de Holsbeek, nous constatons que dès lors que ce centre est

entièrement financé par l’OE, cette administration ne répond pas à l’une des conditions légalement

prévue pour être qualifiée de « partenaire » de FEDASIL.

(3) Aide matérielle

En ce qui concerne la condition de délivrance d’une aide matérielle, relevons que la convention du 29

mars 2013 prévoit que les familles en séjour illégal reçoivent une aide matérielle qui comprend

l’hébergement, un accompagnement social et médical, une aide au retour volontaire, des repas et de

l’argent de poche67. Reste également à savoir si l'aide délivrée dans le centre de Holsbeek tient

« compte de [la] situation spécifique » du mineur68 et fait primer son intérêt supérieur69. C’est ainsi

que l’aide proposée doit lui être adaptée70, ce qui implique que FEDASIL fasse une proposition

« circonstanciée d'hébergement »71 lui garantissant le droit à l’enseignement72, ainsi qu’un projet

individualisé d’accueil élaboré par FEDASIL sur la base d’éléments tels que la langue, la scolarisation

et la composition familiale73. Pointons qu'en juin 2013 les trois Médiateurs constatent que « le droit à

l’éducation n’est pas garanti dans le centre ouvert de retour à Holsbeek ». Pour répondre à ce

problème, l’OE a conclu depuis septembre 2013 un accord avec une école néerlandophone proche du

centre qui accepte les élèves ayant suivi un enseignement en français précédemment74. Malgré cette

possibilité de scolarisation, de nombreuses décisions de jurisprudences ont annulé des désignations

du Centre de Holsbeek en considérant qu’un changement de régime linguistique en cours de scolarité

ou le manque de garantie quant à la possibilité de poursuivre un enseignement spécialisé n'était pas

conforme à l'intérêt des mineurs75. La non-prise en compte d'éléments médicaux76 (des enfants ou

63Art. 2, 9° et 63 de la loi accueil 64Art. 25 § 1er de la loi accueil 65Pour information, les conventions conclues par FEDASIL avec d’autres partenaires que nous avons eu l’occasion de consulter traitent bien évidemment des questions financières et de contrôle par l'Agence. 66 Ch. rep., QRVA 54 031, 29 juin 2015, p. 401 67OE/FEDASIL, « Convention du 29 mai 2013 », point 3.1 ; FEDASIL, « Information du 30 mai 2013 », p. 1 68Art. 4 alinéa 2 de l’arrêté royal du 24 juin 2004 69Pour le contenu de cette notion, voir l’Observation générale du Comité des droits de l’enfant n°14 (2013) sur le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale, CRC/C/GC/14. 70Cour Const., arrêt n° 131/2005 du 19 juillet 2005, B.9.3. 71Cass., 15 juin 2009, R.G. n° S.08.0057.F/10 72Art. 4, 2ème alinéa de l’arrêté royal du 24 juin 2004 et Circulaire du 16 août 2004 du SPP-IS, M.B. 9 décembre 2004 ; Art. 28 de la Convention Internationale des droits de l’enfant 73Circulaire du 16 août 2004 du SPP-IS, M.B. 9 décembre 2004, p. 8 74Médiateur fédéral, « Rapport annuel 2013 », p. 26 75Trib. trav. Bruxelles (Prés.), 11 juin 2013, R.G. n° 13/43/C ; Trib. trav. Charleroi (Prés.), 9 août 2013, R.G. n° 13/11/K ; C. trav. Liège (13ème Ch.), 19 août 2013, R.G. n° 2013/BN/1 ; C. trav. Liège (13ème Ch.), 17 septembre 2013, R.G. n° 2013/BN/2 ; C. trav. Mons (1ère Ch.), 23 septembre 2013, R.G. n° 2013/KM/1 ; Trib. trav. Bruxelles (Prés.), 23 août 2013, R.G. n° 13/59/C ; Trib. trav. Charleroi (Prés.), 28 août 2013, R.G. n° 13/13/K ; Trib. trav. Charleroi (Prés.), 12 décembre 2013, R.G. n° 13/21/K ; Trib. trav. Charleroi (14ème Ch.), 12 février 2014, R.G. n°

Page 8: Trajet de retour, centre de retour, maison de retour ...12Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement

des parents) ainsi que d'autres éléments (tels que des impossibilités de retour, des procédures de

séjour encore en traitement) ont également conduit à des annulations par les juges de telles

désignations.

Au-delà de ces situations individuelles, le Conseil d’État, dans son récent arrêt, rappelle que le

contenu de l’aide aux familles en séjour illégal est prévu dans les articles 4 à 7 de l’arrêté royal du 24

juin 2004 et que la Convention conclue n’entend pas y déroger77. Par contre, la juridiction

administrative relève que l’aide matérielle octroyée à l’enfant « doit l’être lorsque l’«état de besoin»,

la santé et le développement du mineur le requièrent, sans que le droit à cette aide puisse être, par

principe, limité dans le temps; que la circonstance que la Cour [Constitutionnelle] ait précisé que

cette aide «ne fait pas obstacle à ce que la mesure d’éloignement des parents et de leurs enfants soit

exécutée» n’est pas de nature à remettre ce constat en cause »78. C’est sur base de ce constat qu’il

annule le point 5.2. de la convention qui limitait la durée de l’accueil à 30 jours dans le centre de

retour79.

Quelques chiffres sur Holsbeek La lecture des chiffres disponibles80 appelle plusieurs observations. Il ne fait pas de doute que si

seulement moins de 15 % des personnes qui ont fait une demande d’aide pour familles en séjour

illégal ont décidé de se rendre dans le centre de Holsbeek et que 60% de celles qui s’y sont rendues

l’ont quitté « volontairement ». Ceci ne résulte pas du fait que l’aide indispensable aux besoins des

enfants à soudain disparu. Le fait que seulement 20% des personnes qui s’y sont rendues soient

rentrées volontairement indique que la migration n’est pas seulement une question de bonne (ou de

mauvaise) volonté. Relevons également que si 21 % des personnes accueillies ont ensuite fait l’objet

d’une décision de maintien en maison de retour (et que 3 personnes ont même été envoyées en

centre fermé au départ d’Holsbeek81), ceci ne signifie nullement que le retour forcé a pu déboucher

sur un éloignement effectif du territoire. En effet, pour les familles détenues en maison de retour82,

seulement 40 % sont éloignées alors que 30 % sont libérées et 23% s'évadent83. Le faible succès (en

terme de présence) et ce manque d’efficacité (en terme de retour) du centre de Holsbeek a conduit le

secrétaire d’État à décider que des « personnes en nombre si limité peuvent aisément être logées

dans les unités d'hébergement. C'est pourquoi nous avons décidé de fermer le centre au moins

13/5409/A ; Cour trav. Liège (13ème Ch.), 21 février 2014, R.G. n° 2014/CN/1 ; Trib. trav. Bruxelles (12ème Ch.), 3 mars 2014, R.G. n° 12/14864/A et 13/11539/A 76Trib. trav. Bruxelles (Prés.), 11 juin 2013, R.G. n° 13/43/C ; Arbrb. Brussel (beschikking), 21 août 2013, A.R. n° 13/27/Ka 77 CE, 23 avril 2015, arrêt n°203.947, p. 22 78 CE, 23 avril 2015, arrêt n°203.947, p. 23 79 CE, 23 avril 2015, arrêt n°203.947, p. 25. Pointons que le Conseil d’État n’a pas annulé les parties 5.4 (accompagnement pour le retour volontaire dans le centre de retour ouvert « en principe pour une durée maximale de 30 jours ») et surtout 5.5 (retour forcé en cas d’échec du retour volontaire pendant le délais prévu) de la convention. Ceci signifie que même si l’accueil ne peut en théorie être limité à 30 jours en pratique la mise en œuvre du retour forcé après 30 jours signifiera généralement la fin de celui-ci. 80 Ch. rep., QRVA 54 031, 29 juin 2015, p. 402 81 Le lecteur attentif constatera que malgré le respect des chiffres communiqués par le secrétaire d’État le total de départ du centre de Holsbeek couvre plus de 100% des personnes qui y ont été désignées. Cette différence de 75 personnes (7%) qui sont sorties du centre sans y être entrées ne nous paraît toutefois pas suffisante pour invalider les chiffres transmis. 82Qui sont composées de 60 % de familles en séjour illégal, 36 % de cas frontière et 4 % de cas Dublin. 83Office des Étrangers, rapport annuel 2013, p. 181

Page 9: Trajet de retour, centre de retour, maison de retour ...12Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement

temporairement et, dans un souci d'efficacité, d'affecter le personnel aux centres fermés »84.

Les maisons de retour, un « lieu de détention » ? Les maisons de retour, juridiquement appelées « lieux d’hébergement »85 mais également nommées

unités d’hébergement, woonunits, unités d’habitation ouvertes, maisons Turtelboom, Turtelhuisje,

maisons FITT86 ou logements FITT, ont été mises en place suite à la décision prise le 1er octobre 2008

par l’ancienne Ministre Turtelboom de ne plus détenir des enfants mineurs en centre fermé87. Alors

que traditionnellement les maisons de retour sont présentées comme des alternatives à la détention,

il s’agit en réalité juridiquement de lieux de détention alternatifs où l’étranger « est détenu, mis à la

disposition du Gouvernement ou maintenu »88. Ceux-ci sont gérés par l’OE pour les familles avec

enfants mineurs en séjour illégal ou pour les « familles frontières »89. Ces lieux d’hébergement sont

situés à Zulte, Tubize, Sint-Gillis-Waas, Tielt et Beauvechain à des adresses précises déterminées par

arrêté ministériel90. Comme l’a relevé la jurisprudence, « les maisons de retour sont des lieux

d’hébergement au sens de l’article 74/8 § 1 de la loi du 15 décembre 1980. La lecture de cet article est

évidente, une maison de retour est un centre « fermé » »91.

L’accueil en maison de retour, une « mesure de détention » ? Rappelons que, d’une manière générale, le placement en détention d’un étranger en séjour illégal

n’est possible que s’il s’agit d’une mesure nécessaire, proportionnée, prise en dernier ressort et pour

une durée aussi courte que possible92. La question de la détention des familles est réglée par l’article

74/9 de la loi sur les étrangers93. Pour les familles avec enfants mineurs en séjour illégal, le principe est

qu’elles ne sont pas placées en détention, y compris dans un lieu d’hébergement tel qu’une maison

de retour. Si elles sont toutefois détenues, le lieu doit être adapté à l’accueil des enfants mineurs94.

Pour les familles avec enfants mineurs en séjour illégal, une détention n’est légalement autorisée que

dans deux hypothèses95. Soit elles ne respectent pas la convention conclue avec l’OE (dont le contenu

est déterminé par l’arrêté royal de 14 septembre 201496) et qui leur permet de résider dans une

84 Ch. rep., CRABV 54 COM 195, 17 juin 2015, p. 22 85 Art. 74/9 de la loi sur les étrangers du 15 décembre 1980 86 FITT pour Familie Identificatie Terugkeer Team 87 Office des étrangers, Rapport d’activité 2012, p. 163 88 Art. 74/8 §§ 1 et 2 ; ainsi que art. 74/9 de la loi sur les étrangers ; art. 1, 3° de l’arrêté royal du 14 mai 2009 ; Conseil d’État, Avis n° 46.137/4 du 9 mars 2009 ; Cour const., arrêt n° 166/2013, B.9.4.3. 89 Il s’agit des familles qui arrivent à l’aéroport sans titre de séjour et qui sont considérée comme n’étant pas sur le territoire. 90 Voir les arrêtés ministériel du 14 mai 2009 de désignation des lieux d'hébergement au sens des articles 51/5, § 3, 74/8, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980, du 25 octobre 2010, du 28 novembre 2011, du 21 mai 2012 et du 23 septembre 2013. 91 Trib trav Liège, 31 juillet 2014, RG n° 13/6/K et 14/9/K, p. 9 92 Art. 7 al. 3 de la loi sur les étrangers du 15 décembre 1980 93 Loi du 16 novembre 2011 insérant un article 74/9 dans la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, en ce qui concerne l'interdiction de détention d'enfants en centres fermés 94 Art. 74/9 de la loi sur les étrangers du 15 décembre 1980 95 Une troisième hypothèse concerne les familles « frontières » (art. 74/9 § 2 de la loi sur les étrangers) qui ne sont pas en séjour illégal « sur » le territoire dès lors qu’elles ne sont considérées comme n’y ayant pas encore accédé. 96 Arrêté royal du 14 septembre 2014 déterminant le contenu de la convention et les sanctions pouvant être prises en exécution de l'article 74/9, § 3, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers

Page 10: Trajet de retour, centre de retour, maison de retour ...12Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement

habitation personnelle97. La seconde hypothèse concerne les familles qui sont dans l’impossibilité de

résider dans une habitation personnelle98.

La désignation d’une maison de retour aux familles en séjour illégal qui introduisent une demande

d’aide matérielle auprès du CPAS ne remplit pas le prescrit de la loi sur les étrangers. En effet, une

telle désignation ne repose aucunement sur le fait que la famille n’aurait pas respecté la convention

conclue avec l’OE sur base de l’arrêté royal du 17 septembre 201499 et les familles désignées ne font,

d’après les informations dont nous disposons, l’objet d’aucune décision de maintien100 ni de mesure

restrictive quant à leur liberté d’aller et venir101. En l’absence de ces éléments, il serait dès lors abusif

de considérer qu’une telle « désignation » constitue une mesure de détention au sens de la loi sur les

étrangers102. Cependant, à tout moment, ces familles peuvent se voir délivrer une décision de

maintien et voir leur « accueil » se transformer en détention.

L’OE, un « partenaire » de FEDASIL pour les maisons de retour ? La liberté d’aller et de venir dont bénéficient ces familles dans les « maisons de retour » transforme-t-

elle automatiquement celles-ci en « structure d’accueil » ? Tout comme nous l’avons fait pour le

centre de Holsbeek103, il s’agit maintenant d’examiner si dans le cas des maisons de retour gérées par

l’OE les trois conditions104 légalement prévues pour être un « partenaire » de FEDASIL sont remplies :

(1) être charge, conventionné par FEDASIL, (2) être financé par FEDASIL, (3) délivrer l’aide matérielle.

(1) Conventionné

Pour déterminer si FEDASIL a chargé l’OE de l’accueil des familles en séjour illégal dans les maisons de

retour, il faut examiner si une « convention » 105 a été conclue en ce sens. A notre connaissance il n’en

existe pas. Les seules deux « conventions » conclues entre l’OE et FEDASIL connues qui mentionnent

97 Cette notion vise également les structures d’accueil ouvertes (Ch. rep., DOC 53 0326/001, 8 octobre 2010, p. 10), les places ouvertes de retour (Ch. rep., DOC 53 0995/020, 21 avril 2008, p. 16) et le centre ouvert de retour (Ch. rep., DOC 53 0326/005, 6 juillet 2011, p. 3) qui sont tous vus comme des alternatives à la détention des familles devant être appliquées préalablement à l’enfermement. 98 Art. 74/9 § 3 de la loi sur les étrangers. Il ressort des travaux parlementaires que sont visées ici les familles qui se trouveraient à la rue. Cette hypothèse nous semble toutefois difficile à rencontrer en pratique dès lors que toutes familles en séjour illégal qui se trouveraient à la rue devraient en vertu de la loi accueil et de l’arrêté royal du 24 juin 2004 bénéficier d’un accueil en aide matérielle dans une structure d’accueil. Vu que ces structures d’accueil peuvent être considérées comme des « habitations personnelles » elles devraient avoir la possibilité d’y résider préalablement à une « détention » en maison de retour. 99 Art. 74/9 § 3 de la loi sur les étrangers du 15 décembre 1980 et art. 3 de l’arrêté royal du 17 septembre 2014 déterminant le contenu de la convention et les sanctions pouvant être prises en exécution de l'article 74/9, § 3, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers 100 Art. 74 et 75 de l’arrêté royal du 8 octobre 1981 101 Telle que celle prévue à l’art. 19 de l’arrêté royal du 14 mai 2009 fixant le régime et les règles de fonctionnement applicables aux lieux d'hébergement au sens de l'article 74/8, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers 102 Ni même une privation de liberté au sens de l’article 5 de la CEDH : « La notion de privation de liberté au sens de l’article 5 § 1 comporte à la fois un aspect objectif, à savoir l’internement d’une personne dans un certain espace restreint pendant un laps de temps non négligeable, et un aspect subjectif, c’est-à-dire le fait que celle-ci n’a pas valablement consenti à son internement (Storck c. Allemagne, § 74 ; Stanev c. Bulgarie [GC], § 117) » (Guide sur l’article 5 de la Convention, Conseil de l’Europe, 2014, § 7) 103 Voir ci-dessus 104 Art. 2, 9° de la loi accueil. Une quatrième condition que nous n’examinerons pas ici elle celle qui consiste à être une personne morale. 105 Art. 62, al 2 de la loi accueil

Page 11: Trajet de retour, centre de retour, maison de retour ...12Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement

les maisons de retour sont le « protocole du 17 septembre 2010 » et la « convention du 29 mars

2013 » qui méritent toutes deux d’être examinées ici.

Le « Protocole du 17 septembre 2010 » qui organise un « un trajet d’accompagnement » pour les

familles devant aboutir « soit à la fin du séjour irrégulier, soit à un retour volontaire » précise que

« en cas d’échec de l’une de ces possibilités, un transfert de la famille vers un lieu d’hébergement

sera organisé afin de procéder, le cas échéant, à un retour forcé »106. Le point 4.1., intitulé

« conditions pour mettre un terme à l’accueil d’une famille en structure d’accueil et réaliser le

transfert vers un lieu d’hébergement », précise que l’OE prend une « mesure de maintien » en cas

d’échec du « trajet d’accompagnement » ou de manque de coopération de la famille. Le point 4.2.,

précise que les étapes de ce transfert sont d’abord une convocation envoyée à la famille par l’OE ;

ensuite, en cas de non réponse, une convocation est envoyée par la police. Pour finir, une

intervention de la police dans la structure d’accueil est prévue. Les sous points d et e sont

particulièrement relevant dès lors qu’ils précisent que « d. Si la famille a quitté la structure d’accueil

avant son transfert vers un lieu d’hébergement et se présente à nouveau au dispatching afin de

bénéficier de l’accueil, elle est directement transférée par l’OE vers un lieu d’hébergement. Dans

l’hypothèse où aucun lieu d’hébergement ne serait disponible, la famille sera accueillie

temporairement par une structure d’accueil et transférée prioritairement vers un lieu d’hébergement

et ce, dans un délai maximum de 30 jours. (…) e. Si, suite au point d, une famille quitte à nouveau la

structure d’accueil avant son transfert vers un lieu d’hébergement et se présente pour la deuxième

fois au dispatching, elle sera immédiatement transférée vers un module unifamilial du centre fermé ».

Relevons que ce Protocole (resté d’application jusqu’à ce jour107 malgré son remplacement prévu par

la « Convention du 29 mai 2013 »108) ne respecte pas les dispositions relatives à la détention

(maintien) des familles avec enfants mineurs en maison de retour ou en centre fermé109. En effet,

pour rappel, la détention en maison de retour ou en centre fermé n’est légalement possible pour des

familles que si elles ne respectent pas la convention dont le contenu est déterminé par l’arrêté royal

de 14 septembre 2014110 et non pas en cas d’échec du trajet d’accompagnement déterminé dans un

protocole conclu entre deux administrations.

Ce Protocole de 2010 pose également problème au niveau du droit à l’accueil des familles avec

enfants mineurs en séjour illégal dès lors qu’il permet à FEDASIL de se décharger de sa mission légale

d’accueil de ces familles au profit d’une « détention » de celui-ci par l’OE. Comme l’a très justement

résumé le tribunal du travail de Liège dans une ordonnance rendue sur tierce opposition de FEDASIL

et de l’OE, « ce protocole au statut juridique inférieur à la loi ou à un arrêté royal ne peut remettre en

cause la mission confiée par l’exécutif sur base de la législation sur l’accueil des étrangers en situation

106 OE/FEDASIL, « Protocole du 17 septembre 2010 », point 2.2. 107 Pour une mise en œuvre encore récente de celui-ci voir Trib. trav. Liège (Prés.), 31 juillet 2014, R.G. n° 14/6/K et 14/9/K. 108 Centre fédéral de la migration, « Rapport annuel Migration2013 », juin 2013, p. 189 ; OE/FEDASIL, « Convention du 29 mai 2013 », point 8 109 Ceci s’explique (mais ne se justifie pas) en raison du fait que la disposition spécifique de la loi sur les étrangers n’a été adoptée que plus d’un an après la signature du Protocole par la loi du 16 novembre 2011 insérant un article 74/9 dans la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, en ce qui concerne l'interdiction de détention d'enfants en centres fermés. 110 Arrêté royal du 14 septembre 2014 déterminant le contenu de la convention et les sanctions pouvant être prises en exécution de l'article 74/9, § 3, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers

Page 12: Trajet de retour, centre de retour, maison de retour ...12Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement

irrégulière à FEDASIL. Il appartient à FEDASIL à mettre en œuvre l’accueil, soit les conditions et

modalités pour l’octroi d’une aide matérielle à un étranger mineur qui séjourne avec ses parents

illégalement dans le Royaume et pas à l’office des étrangers »111. Mentionnons que l’ordonnance

rendue sur requête unilatérale confirmée par cette tierce opposition avait fait « interdiction à l’Office

de Étrangers de procéder au transfert des requérants dans une maison de retour sous peine d’une

astreinte de 250 € » et a condamné « FEDASIL à poursuivre l’hébergement » dans la structure

d’accueil dans laquelle la famille réside112.

La « convention du 29 mars 2013 » que nous avons déjà examinée dans l’analyse concernant le centre

de Holsbeek, conclue entre l’OE et FEDASIL, mentionne les maisons de retour uniquement113 en son

point 5.1. pour préciser que dans le cas d’une famille qui se présenterait à nouveau à FEDASIL après

l’expiration du délai de trajet de retour (30 jours), le dispatching doit prendre contact avec le service

SEFOR114 de l’OE qui notifie alors une décision de maintien en vue d’un transfert vers une maison de

retour (woonunit). La question de savoir si cette convention ne contrevient pas à l’article 74/9 de la loi

sur les étrangers en fixant dans une convention et non pas dans un arrêté royal les conditions qui

permettent à une famille en séjour illégal de résider dans une habitation personnelle115 et dont le

respect engendrerait une mesure de détention est nettement moins claire que dans le protocole du

17 septembre 2010. Elle a toutefois été soumise à l’examen du Conseil d’État qui, dans son arrêt du

23 avril 2015, a tout simplement précisé que « les règles contenues dans la convention critiquée,

relatives à l’aide matérielle octroyée au sein d’une structure d’accueil à un mineur étranger dont l’état

de besoin a été constaté par un centre public d’action sociale, en application de l’article 57, § 2, de la

loi organique du 8 juillet 1976 précitée, sont étrangères aux prévisions de cette disposition légale »116.

Il semble donc que FEDASIL n’a aucunement chargé l’OE, par le biais d’une convention, d’accueillir les

familles en séjour illégal dans les maisons de retour. Au contraire, il ressort du « Protocole du 17

septembre 2010 » et de la « Convention du 29 mars 2013 » que le transfert des familles en question

vers les maisons de retour est considéré de la part des deux parties comme une mesure de

« maintien » mettant fin à leur accueil et non pas comme une nouvelle modalité de celui-ci.

(2) Financement

Il nous faut encore examiner le second élément qui permettrait éventuellement à l’OE de prétendre à

la qualité de partenaire de FEDASIL pour l’accueil en maison de retour, à savoir le financement de cet

accueil. Ici, nous pointons juste que ces maisons de retour ont toujours, jusqu’à preuve du contraire,

fait partie comme tous les autres lieux de détention du budget exclusif de l’OE.

111 Trib. trav. Liège (Prés.), 31 juillet 2014, R.G. n° 14/6/K et 14/9/K, 8ème feuillet. 112Trib. trav. Liège (Prés.), 27 mai 2014, R.G. N° 14/4/K 113 Une autre mention des maisons de retour apparait toutefois dans le point 8 mais elle est relative à l’application du Protocole du 17 septembre 2010. 114 SEFOR pour Sensibilisation, Follow-up, Return. « Le Bureau Sefor a été créé le 1er juin 2011. Sa mission consiste à assurer le suivi des ordres de quitter le territoire (OQT) clôturant une procédure (les dispositions relatives à ce suivi sont fixées dans la circulaire du 10/06/2011) », OE, Rapport annuel 2011, p. 136. 115Cette notion vise également les structures d’accueil ouvertes (Ch. rep., DOC 53 0326/001, 8 octobre 2010, p. 10), les places ouvertes de retour (Ch. rep., DOC 53 0995/020, 21 avril 2008, p. 16) et le centre ouvert de retour (Ch. rep., DOC 53 0326/005, 6 juillet 2011, p. 3) qui sont tous vus comme des alternatives à la détention des familles devant être appliquées préalablement à l’enfermement. 116 CE, 23 avril 2015, arrêt n°203.947, p. 22

Page 13: Trajet de retour, centre de retour, maison de retour ...12Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement

(3) Aide matérielle

Pour finir il y aurait encore lieu de vérifier si les modalités de l’accueil proposé dans les maisons de

retour sont de « l’aide matérielle » au sens de la loi accueil et de l’arrêté royal du 24 juin 2004. En plus

des questions de scolarité et de durée de l’accueil que nous avons abordées ci-dessus au sujet de

l’aide matérielle dans le centre de Holsbeek, il pourrait être ici particulièrement pertinent de

déterminer si les familles y bénéficient d’un « accompagnement social »117 assuré par un « travailleur

social » qui a entre autres pour mission « d’aider le bénéficiaire de l'accueil à surmonter et améliorer

les situations critiques dans lesquelles il se trouve » 118 et qui est soumis à un devoir de

confidentialité119 et au code de déontologie arrêté par le Ministre120 et faisant partie de son

règlement de travail 121 . En effet, il pourrait apparaitre qu’elles bénéficient en réalité de

l’accompagnement d’un « agent de soutien » (coach)122 désigné par le directeur de l’OE123 qui a

notamment pour mission de « préparer les membres de la famille à leur accès au territoire, à leur

autorisation de séjour, à leur refoulement, à leur reprise […], à leur retour volontaire ou à leur

éloignement »124 soumis à une « attitude professionnelle »125. Il pourrait également être intéressant

d’examiner si le règlement d’ordre intérieur donné126 aux familles restreint les éventuelles visites du

logement aux seuls « objectif de prévention en matière de sécurité et de lutte contre l'incendie, de

préservation de l'hygiène, de vérification du respect des dispositions du règlement d'ordre

intérieur »127 ou si elles ont reçu copie de l’arrêté royal du 14 mai 2009128 et du règlement d’ordre

intérieur (et dont la portée ne peut restreindre l’application de cet arrêté royal129) qui permet à

l’agent de soutien d’avoir accès au logement entre 7h et 20h130, même à l’improviste131. De tels

éléments devraient permettre de considérer que l’aide offerte en maison de retour n’est

juridiquement pas de « l’aide matérielle ».

Les places ouvertes de retour

La loi du 19 janvier 2012 et les instructions de FEDASIL Les désignations des places ouvertes de retour situées dans les centres de Jodoigne, Sint-Truiden,

117 Art. 31 et 32 de la loi accueil du 12 janvier 2007 118 Art.31 §3 de la loi accueil du 12 janvier 2007 119 Art. 49 de la loi accueil du 12 janvier 2007 120 Arrêté ministériel du 9 décembre 2013 fixant le code de déontologie pour les membres du personnel des structures d'accueil pour les demandeurs d'asile 121 Art. 50 de la loi accueil du 12 janvier 2007 122 « La principale tâche des coaches consiste à encourager et persuader les familles de coopérer à leur identification (pour obtenir les documents de voyages nécessaires) et à leur retour. Ils veillent aussi à leur fournir une aide pour leurs besoins quotidiens. », OE, rapport annuel 2008, p. 44 123 Art. 1, 4° de l’arrêté royal du 14 mai 2009 124 Art. 7 de l’arrêté royal du 14 mai 2009 125 Art. 9 de l’arrêté royal du 14 mai 2009 126 Art. 14 al2 de la loi accueil du 12 janvier 2007 127 Art. 19 § 2 de la loi accueil du 12 janvier 2007 128 Art. 18 de l’arrêté royal du 14 mai 2009 129 Art. 2 de l’arrêté royal du 14 mai 2009 fixant le régime et les règles de fonctionnement applicables aux lieux d'hébergement au sens de l'article 74/8, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers 130 Art. 20 de l’arrêté royal du 14 mai 2009 131 Art. 44 de l’arrêté royal du 14 mai 2009

Page 14: Trajet de retour, centre de retour, maison de retour ...12Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement

Arendonk et Poelkapelle aux demandeurs d’asile sont prises sur la base des articles 2, 12° et 13° ainsi

que 6/1 de la loi accueil. Ces dispositions ont été introduites par la loi du 19 janvier 2012132 instaurant

la notion de « trajet de retour » qui consiste en un accompagnement au retour offert aux

demandeurs d’asile et aux étrangers en séjour illégal, formalisé dans un document mentionnant les

droits et les devoirs de l’étranger ainsi qu’un calendrier de retour133. Dès lors qu’il s’adresse à un

demandeur d’asile, cet accompagnement qui « privilégie le retour volontaire »134 diffère selon l’état

de sa procédure d’asile et son statut de séjour. Tant que le demandeur d’asile est en procédure, cet

accompagnement est pour lui une simple possibilité135. Lors de la remise d'une décision négative par

le CGRA136, cet accompagnement est simplement proposé dans les 5 jours137. Ce n’est que lorsqu’il

reçoit un OQT138 à l'issue de son recours devant le CCE139140 que ce trajet de retour devient obligatoire

et doit être établi et exécuté pendant le délai de 10 jours de cet ordre de quitter le territoire141. A

partir de cet instant, le trajet de retour est géré conjointement par FEDASIL et l’OE. Si « l'étranger

collabore suffisamment au trajet de retour »142, ce qui implique143 que son retour n'est pas « reporté

à cause de son seul comportement »144, l'OQT peut-être prolongé de deux fois 10 jours. En cas

d'absence de collaboration, le trajet de retour est exclusivement géré par l’OE en vue d’un retour

forcé, avec la possibilité pour ce dernier de désigner un autre lieu obligatoire d’inscription145. Par

ailleurs, pendant toute la durée du trajet, l’OE et FEDASIL peuvent modifier le lieu obligatoire

132Loi du 19 janvier 2012 modifiant la législation concernant l'accueil des demandeurs d'asile, M.B. 17 février 2012 133Art. 2, 12° de la loi accueil 134Art. 6/1, § 1er, alinéa 2 de la loi accueil 135Art. 6/1, § 1er, alinéa 1er de la loi accueil 136Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides 137Art. 6/1, § 2 de la loi accueil 138Ordre de Quitter le Territoire 139Conseil du Contentieux des Étrangers. 140En effet, bien qu'un OQT soit délivré lors du rejet de la demande d'asile par le CGRA (art. 75 § 2 de l’arrêté royal du 8 octobre 1981) dès lors que l’exécution de cet OQT est suspendue de plein droit en cas de recours au CCE (art. 39/70 de la loi sur les étrangers), il y a lieu de considérer que cette suspension et la délivrance d’une annexe 35 implique le retrait implicite de l’OQT et que la prolongation automatique de 10 jours de cet OQT lors de la décision de refus de protection par le CCE (art. 52/3, § 1er de la loi sur les étrangers) est considérée comme notification d’un nouvel OQT (CE, arrêt n° 225.524 du 19 novembre 2013 et arrêt n° 226.683, 11 mars 2014). 141Art. 6/1, § 3 de la loi accueil 142Art. 52/3 § 1er alinéa 3 de la loi sur les étrangers 143Vu que ces termes ont été considérés par le Conseil d'État comme « insuffisamment précis spécialement au regard des conséquences qui s’ensuivent » (CE, section législation, avis n° 49.951/4 du 11 juillet 2011, Ch. rep., DOC 53 0813/10, 18 juillet 2011, p. 16). 144Art. 6/1 § 3 alinéa 4 de la loi accueil. Relevons que dans une affaire concernant les possibilités de prolongation d'une détention aux fin d'éloignement que la CJUE a eu l'occasion de préciser qu'un étranger en séjour illégal « peut être considéré comme ayant fait preuve d’un «manque de coopération», au sens de cette disposition [art. 15 § 6 sous a) de la directive retour 2008/115/CE], uniquement s’il résulte de l’examen du comportement dudit ressortissant au cours de la période de rétention que ce dernier n’a pas coopéré à la mise en œuvre de l’opération d’éloignement et qu’il est probable que cette opération dure plus longtemps que prévu à cause de ce comportement, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier » (CJUE, arrêt du 5 juin 2014, C-146/14, § 85). 145Art. 6/1, § 3, alinéas 2 et 3 de la loi accueil. Bien que cette disposition ne précise pas quel est le centre visé il est raisonnable de supposer que cette modification permet à l’OE de désigner un « centre de retour » au sens de l’article 54 de la loi sur les étrangers et non pas un lieu de détention au sens de l'article 74/8 de cette même loi sur les étrangers (voir en ce sens WIBAULT Tristan, « La transposition de la directive retour en droit belge », R.D.E., n° 169, 2012, p. 383, note 75).

Page 15: Trajet de retour, centre de retour, maison de retour ...12Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement

d’inscription selon des modalités qui peuvent faire l'objet d'un « arrêté délibéré en Conseil des

ministres »146. Il faut donc que le trajet de retour ait débuté, soit volontairement (avant la notification

d'un OQT), soit obligatoirement (après la notification d’un OQT), pour qu’une modification du lieu

obligatoire d’inscription puisse avoir lieu sur la base de cette disposition.

L'instruction de FEDASIL du 13 juillet 2013147, remplacée par une nouvelle instruction de FEDASIL du

23 septembre 2013, prévoit que dès la notification d'une décision de refus de protection par le CCE,

le lieu obligatoire d’inscription est modifié en « code 207 place de retour ». Les demandeurs d'asile

doivent quitter dans les 5 jours la structure d’accueil dans laquelle ils résidaient, pour intégrer la place

de retour. Le caractère automatique et systématique de ces désignations (sauf pour les quelques

dérogations prévues sur demande pour raisons familiales148, médicales149, scolaires150, de retour

volontaire151), peut poser plusieurs problèmes. Premièrement, cette modification du lieu obligatoire

d'inscription peut concerner des personnes pour lesquelles le « trajet de retour » n'a pas encore

débuté dès lors qu'elles ne se sont pas vu délivrer d'OQT. Il s'agit en particulier des étrangers qui ont

une demande de régularisation (9bis ou 9ter152 de loi sur les étrangers) encore à l’examen auprès de

l’OE, tant qu’une réponse à cette demande de régularisation n’aura pas été rendue153. Un second

problème concerne la motivation des décisions de transfert et les éventuelles conséquences néfastes

qui peuvent en résulter154. Celles-ci sont effectuées sur base d’un formulaire-type qui ne contient

146Art. 6/1, § 4 de la loi accueil 147Un Addendum à cette instruction avait également été produit par FEDASIL le 8 août 2012 148Les personnes qui ont un membre de leur famille ayant une procédure d’asile toujours pendante « verront leur transfert en place de retour reporté », les parents d’enfant(s) belge(s) et membres de famille sont exemptés d’une place de retour. 149Hospitalisation, traitement hémodialyse, traitement dialyse péritonéale, grabataire, patient en chaise roulante, traitement tuberculose, traitement de chimiothérapie ou de radiothérapie (jusqu’à 1 mois après la fin du traitement), grossesse à partir de 3 mois avant la date d’accouchement prévue jusqu’à 1 mois après la date d’accouchement. 150Familles avec enfants scolarisés (du 1/04 au 30/06), Ex-Mena scolarisés (du 1/04 au 30/06) 151Résidents ayant signé un retour volontaire avant décision CCE 152Relevons que la situation des personnes qui sont en recours devant le CCE contre une décision de refus de 9ter est appelée à évoluer dans un avenir proche dès lors qu'un droit à l'aide sociale pourrait leur être reconnu suite aux questions préjudicielles posées à la CJUE par la Cour du travail de Bruxelles par l’arrêt du 25 octobre 2013, R.G. n° 2011/AB/932 (voir sur le sujet l’analyse de cette question dans : S. SAROLEA (dir.), E. TSOURDI, La mise en œuvre de la directive accueil en droit Belge : regards croisés, note d’analyse disponible sur : http://www.uclouvain.be/edem.html) et qu'au plus tard pour le 20 juillet 2015 (date d'entrée en vigueur des nouvelles directives accueil et procédure) elle bénéficieront d'un recours suspensif de plein droit (art. 46 § 5 de la directive procédure 2013/32/UE) et d'un droit à l'accueil y compris pendant ce recours (considérant 13 et art. 3 § 1er de la directive accueil 2013/33/UE, sur le sujet voir : S. SAROLEA (dir.), E. TSOURDI, La refonte de la directive relative aux conditions d'accueil : regard critique (rapport intermédiaire 2013) disponible sur : http://www.uclouvain.be/edem.html). 153Cette mise en œuvre d’une possibilité prévue par la directive retour (art. 6, § 5 de la directive retour) trouve son origine dans la jurisprudence du Conseil d’État (CE arrêt n°176.988 du 22 novembre 2007 et CE arrêt n°156.424 du 15 mars 2006) et du Conseil du Contentieux des Étrangers (CCE arrêt n°10.539 du 25 avril 2008) selon laquelle il incombe à l’OE « de statuer préalablement sur cette demande avant que ne soit prise une éventuelle mesure d’éloignement » (Voir également Cass. arrêt n°P.10.1206.F du 27 juillet 2010). 154Sur les conséquences possibles des transferts vers des places de retour tels que la perte de la relation de confiance entre les résidents et leur travailleur social, les fragilités et les traumatismes accentués par le choc du transfert soudain vers les places de retour, voir le rapport CIRE/ Vluchtelingenwerk Vlaanderen, « Ce sont des personnes pas des dossiers : Récits et vision d’accompagnateurs sociaux au trajet de retour de demandeurs d’asile déboutés », octobre 2013, p. 29 disponible sur www.cire.be. Plus généralement, sur les conséquences négatives des déménagements successifs imposés à des enfants demandeurs d’asile, voir : UNHCR, Submission

Page 16: Trajet de retour, centre de retour, maison de retour ...12Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement

aucun élément relatif à la situation des personnes visées, en particulier en ce qui concerne l'intérêt

supérieur des enfants, l'état de santé des personnes, les procédures de séjour pendantes ou des

vulnérabilités particulières. Des annulations ont ainsi été prononcées par les juridictions du travail sur

la base du fait que la scolarité ne pourrait se poursuivre en raison du changement de régime

linguistique155 (ou de la nécessité d’un suivi en enseignement spécialisé)156 et que ceci entraînerait la

perte de la possibilité de solliciter une demande de prolongation de l’OQT et de l’accueil157. Il a

également été retenu que la motivation de la décision de FEDASIL faisait défaut spécifiquement en ce

qui concerne l’intérêt de l’enfant158, ou encore que la vulnérabilité particulière des personnes159 et

que la nécessité de poursuivre le suivi médical160 et psychologique161 n’ont pas été prises en compte.

A contrario, une ordonnance du président du tribunal du travail saisi sur requête unilatérale162 et

statuant en référé – qui avait annulé la décision administrative contestée aux motifs qu’une demande

de 9ter était toujours à l’examen et que la poursuite des soins et de la scolarité était compromise par

cette décision – a été réformée en appel par la Cour du travail liégeoise, qui a considéré que la

condition de l’urgence n’était pas rencontrée. L’ordonnance de réformation a relevé, que les soins et

la scolarité pouvaient être poursuivis dans la place de retour, et que les personnes se trouvaient au

moment du jugement en séjour illégal et ne pouvaient donc bénéficier que d’un accueil en centre

fédéral163. A également été refusée la demande de suspension de la décision de transfert vers une

place de retour sur la base du constat que FEDASIL peut légalement procéder à une telle

modification, qu’il n’est pas démontré avec une apparence de droit suffisante qu’une telle

modification ne peut intervenir avant la délivrance d’un OQT, et qu’en l’espèce, un tel OQT a été

notifié, qu’il n’est pas non plus démontré avec une apparence de droit suffisante l’existence d’une

atteinte à l’article 8 de la CEDH, que la continuité du droit à l’accueil est assurée, et, in fine, que

l’intérêt des enfants n’est pas méconnu dès lors que ceux-ci ne sont pas scolarisés et ne connaissent

by the United Nations High Commissioner for Refugees For the Office of the High Commissioner for Human Rights' Compilation Report - Universal Periodic Review: The Slovak Republic, June 2013, p. 3 disponible sur : http://www.refworld.org et UNICEF, Karin Kloosterboer, « Kind in het centrum. Kinderrechten in asielzoekerscentra », juni 2009, p. 52-53 et références citées disponible sur : http://www.unicef.nl/. 155Trib. trav. Charleroi (ordonnance), 26 février 2013, R.G. n° 13/3/K ; Trib. trav. Liège (Ordonnance), 13 mars 2013, R.Q. n° 1046. Malgré cette ordonnance valable jusqu’au jugement à intervenir au fond, FEDASIL a par la suite pris une décision de fin d’accueil en raison du fait qu’un OQT a été délivré par après. Le juge saisi de la contestation de cette décision a déclaré la requête unilatérale sans objet dès lors « que la décision de FEDASIL entre en contradiction directe avec les mesures provisoires ordonnées » (Trib. trav. Liège (ordonnance), 4 octobre 2013, R.Q. n° 1075). 156Trib. trav. Liège (ordonnance), 12 août 2013, R.Q. n° 1068. En l’espèce, le juge suspendra la décision de transfert en raison du fait qu’elle impose un changement de langue pour la scolarité d’un enfant suivi dans l’enseignement spécialisé et que la situation de la famille toujours en procédure 9bis risque de s’éterniser « compte tenu de la pratique de non mise à exécution des ordres de quitter le territoire de l’office des étrangers ». 157Trib. trav. Charleroi (Ordonnance), 4 avril 2013, RG n° 13/8/K et Trib. trav. Charleroi (Ordonnance), 14 mars 2013, R.G. n° 13/5/K ; Trib. trav. Verviers (Ordonnance), 18 juillet 2013, R.G. n° 13/6/K 158Arbrb. Brussel (Beschikking), 23 april 2013, K.G. n° 13/27/C ; Trib. trav. Liège (Ordonnance), 28 octobre 2013, R.Q. n° 1077 159Trib. trav. Verviers (Ordonnance), 4 novembre 2013, R.G. n° 13/010/K 160Trib. trav. Liège (Ordonnance), 30 octobre 2013, R.Q. n° 1079 161Trib. trav. Verviers (réf.), 30 juillet 2013, R.G. n° 13/008/K. Cette ordonnance a été confirmée en toutes ces dispositions dans le cadre d’une ordonnance rendue suite à la tierce opposition de FEDASIL (Trib. trav. Verviers (Ordonnance), 19 septembre 2013, R.G. n° 13/12/C) 162Trib. trav. Liège (Ordonnance), 13 décembre 2012, R.F. n° 1438 163C. trav. Liège, 15 mai 2013, R.G. n° 2013/CL/1

Page 17: Trajet de retour, centre de retour, maison de retour ...12Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement

aucune des langues nationales164.

Les places de retour, un dispositif efficace ? Si l'on peut faire dire tout et n'importe quoi aux chiffres il n'est cependant pas possible de les faire

mentir. C'est ainsi que sur base des données disponibles165 (autrement recomposées et présentées)

nous tirons trois constats. Premièrement, pour l'énorme majorité des personnes, la mise en route du

trajet de retour signifie une fin prématurée à leur accueil. 79 % des personnes166 ne vont pas dans la

place de retour qui leur a été désignée et près de 4 % la quittent avant l'expiration du délai de l'OQT

qui leur a été notifié (entre 10 et 30 jours généralement)167. Ces « chiffres montrent que les

demandeurs d'asile concernés, sous la pression de l'assignation à une place de retour, disparaissent

complètement du système et se retrouvent ainsi sans aucun accompagnement »168. Sur 100 % de

désignations en place de retour seulement 6,5 %169 des personnes partent dans le cadre du retour

volontaire. Relevons que 3 familles (13 personnes)170 accueillies en place de retour ont ensuite fait

l’objet d’une décision de détention.

Conclusion « Le Gouvernement portera une attention maximale sur le retour, volontaire si possible, forcé si

nécessaire. »171. Cet engagement politique s'est traduit dans les faits et dans le droit, y compris dans

le droit à l'aide sociale pour les étrangers. Bien que la tendance soit déjà ancienne172, cette utilisation

de l'aide sociale à des fins de politique migratoire a connu ces dernières années un coup

d’accélérateur indéniable. Dans ce contexte, il nous paraît essentiel de relever que le Comité

européen des droits sociaux173 a de manière extrêmement claire considéré que l’article 13 de la

Charte sociale était violé dès lors que « la fourniture de l'aide d'urgence ne peut pas être

subordonnée à la volonté des personnes concernées à coopérer dans l'organisation de leur propre

expulsion » 174 et que le refus de solution d’hébergement n’est pas « une mesure absolument

nécessaire pour réaliser les objectifs de la politique en matière d’immigration »175 car « en se voyant

interdire l’accès à une solution d'hébergement, à des vivres et à des vêtements, les personnes

concernées par la présente réclamation courent indéniablement le risque de subir des dommages

graves irréparables pour leur vie et leur dignité humaine »176 et que « le Gouvernement dispose de

moyens moins lourds pour ce qui est de l’assistance d’urgence accordée à ceux qui ont dépassé la

164Trib. trav. Bruxelles (Ordonnance), 19 novembre 2013, R.G. n° 13/71/C 165En ce qui concerne les places de retour nous nous sommes basés sur les chiffre de janvier à avril 2014 disponibles dans : CBAR, « compte-rendu de la réunion de contact du 8 avril 2014 », § 48. Les chiffres des places de retour de 2013 sont similaires et disponibles dans : CBAR, « compte-rendu de la réunion de contact du 11 février 2014 », § 51. 166Pointons que ces personnes sont en majorité des familles dès lors que celles-ci constituent 57 % du public hébergé par FEDASIL (FEDASIL, rapport annuel 2013, p. 8). 167À noter que plus de 3 % quittent à l'expiration de l'OQT, moins de 1,5 % après son expiration, près de 1,5 % suite à la convocation (voir l'expulsion du centre) par la police. 168Centre fédéral de la migration, « Un nouveau cadre pour la politique de retour en Belgique », juin 2014, p. 24 169Soit 31 % des personnes qui se sont présentées dans la place de retour. 170Soit moins de 1 % des personnes en place de retour. 171Accord du gouvernement DI RUPO, 1er décembre 2011, p. 131 172Voir Cour Arb., arrêt n° 51/94, 29 juin 1994, B.4.3. 173 Garant de l’interprétation juridique de la Charte sociale européenne 174 Comité européen des droits sociaux, décision sur le bien-fondé de la réclamation n° 90/2013, § 117 175 Comité européen des droits sociaux, décision sur le bien-fondé de la réclamation n° 90/2013, § 121 176 Comité européen des droits sociaux, décision sur le bien-fondé de la réclamation n° 90/2013, § 122

Page 18: Trajet de retour, centre de retour, maison de retour ...12Loi du 22 avril 2012 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement

durée de séjour qui leur a été légalement autorisée »177. La Cour européenne des droits de l’Homme

vient quant à elle préciser dans son arrêt V.M. c. Belgique du 7 juillet 2015 que non seulement la

privation de l’accueil peut être constitutive d’un traitement dégradant contraire à l’article 3 de la

Convention mais également qu’une telle privation remet fondamentalement en cause la notion de

retour volontaire. De fait « la Cour estime utile de préciser qu’elle considère que le départ «

volontaire » des requérants est venu conforter l’extrême dénuement dans lequel se trouvait la famille

au point de n’avoir d’autre issue que de retourner en Serbie »178 et que la fin de l’aide matérielle

(résultant du caractère non-suspensif d’un recours exercé) « a « forcé » les intéressés à retourner

vers le pays qu’ils ont fui »179.

Trois constats peuvent être finalement posés : Premièrement, le trajet de retour produit des effets au

niveau du budget de l'aide sociale. Celui-ci est une des mesures180 (efficace au vu des chiffres

présentés) qui a permis de sortir de la crise de l'accueil, en augmentant le flux sortant du réseau

d'accueil (pour les demandeurs d'asile) et en limitant le flux entrant (pour les familles en séjour

illégal). Deuxièmement, le trajet de retour produit des effets au niveau de la nature de l’aide sociale

(ou matérielle). Celle-ci devient uniquement une « mesure » de retour qui n’est distincte de la

détention qu’en intensité (de la contrainte exercée sur la liberté d’aller et de venir) et non pas par

nature (de la finalité poursuivie, la dignité humaine versus le retour de l’étranger). Troisièmement, le

trajet de retour en conditionnant l’accueil à la collaboration de l’étranger produit des effets sur le

caractère « volontaire » de ce trajet. Si les personnes veulent bénéficier (fusse temporairement) de

l’aide dont elles ont besoin, elles se trouvent en réalité « forcées » de prendre part au trajet de retour

« volontaire ». Et si elles ne rentrent pas « volontairement » la privation de l’aide qui en résulte les

« force » à quitter le territoire.

177 Comité européen des droits sociaux, décision sur le bien-fondé de la réclamation n° 90/2013, § 123 178 Cour EDH, V.M. c. Belgique, arrêt du 7 juillet 2015, § 185 179 Cour EDH, V.M. c. Belgique, arrêt du 7 juillet 2015, §216 180La sortie de la crise de l'accueil est le résultat d'un ensemble de facteurs que sont l'augmentation des places d'accueil, l'augmentation de la productivité des instances d'asile, la diminution du flux entrant par l’introduction de la liste des pays d’origine sûrs et la limitation du droit à l’accueil pour les demandes d’asile multiples et l'augmentation du flux sortant (Ch. rep., Note de politique générale – FEDASIL, 21 décembre 2012, DOC 53 2586/020).