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Médecine palliative Soins de support Accompagnement Éthique (2013) 12, 122—130 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ÉTUDE ORIGINALE Travail de deuil lors d’une interruption médicale de grossesse ou de soins palliatifs postnatals Grief work after a medical abortion or postnatal death with perinatal palliative care Aurore Plat a,,1,2 , Bérengère Beauquier-Maccotta b,c,3 , Sophie Parat d,4 , Amina Yamgnane e,5 , Marcel-Louis Viallard f,g , Luis Alvarez h,3 , Catherine Dugué i,2 , Marie-José Soubieux j,3 , Yves Ville c,k , Bernard Golse b,c,3 , Sylvain Missonnier l,2 a Paliped (équipe régionale ressource de soins palliatifs pédiatriques en Île-de-France), 3—5, rue de Metz, 75010 Paris, France b Service de pédopsychiatrie, hôpital Necker—Enfants-Malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France c Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, 12, rue de l’École-de-Médecine, 75006 Paris, France d Service de médecine et réanimation néonatale, hôpital Cochin-Port-Royal, 53, avenue de l’Observatoire, 75679 Paris cedex 14, France e Hôpital Américain, 63, boulevard Victor-Hugo, 92200 Neuilly-sur-Seine, France f Équipe mobile de soins palliatifs pédiatriques, hôpital Necker—Enfants-Malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France g EA 4569, université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, 12, rue de l’École-de-Médecine, 75006 Paris, France h Institut de puériculture de Paris, 26, boulevard Brune, 75014 Paris, France i 37, rue Henri-Barbusse, 75005 Paris, France j 16, rue de la Glacière, 75013 Paris, France k Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Necker—Enfants-Malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France l EA 4056, Psychologie clinique et psychopathologie, UFR institut de psychologie, université Paris Descartes, 71, avenue Édouard-Vaillant, 92774 Boulogne-Billancourt, France Rec ¸u le 25 evrier 2013 ; accepté le 13 mars 2013 Disponible sur Internet le 1 er mai 2013 Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Plat). 1 Photo. 2 Psychologue clinicien(ne). 3 Pédopsychiatre. 4 Pédiatre néonatologue. 5 Gynécologue-obstétricien. 1636-6522/$ see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.03.001

Travail de deuil lors d’une interruption médicale de grossesse ou de soins palliatifs postnatals

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édecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2013) 12, 122—130

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

TUDE ORIGINALE

ravail de deuil lors d’une interruption médicale derossesse ou de soins palliatifs postnatalsrief work after a medical abortion or postnatal death with perinatal palliativeare

Aurore Plata,∗,1,2, Bérengère Beauquier-Maccottab,c,3,Sophie Paratd,4, Amina Yamgnanee,5,Marcel-Louis Viallard f,g, Luis Alvarezh,3,Catherine Duguéi,2, Marie-José Soubieuxj,3,Yves Villec,k, Bernard Golseb,c,3, Sylvain Missonnier l,2

a Paliped (équipe régionale ressource de soins palliatifs pédiatriques en Île-de-France), 3—5,rue de Metz, 75010 Paris, Franceb Service de pédopsychiatrie, hôpital Necker—Enfants-Malades, 149, rue de Sèvres,75015 Paris, Francec Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, 12, rue de l’École-de-Médecine,75006 Paris, Franced Service de médecine et réanimation néonatale, hôpital Cochin-Port-Royal, 53, avenue del’Observatoire, 75679 Paris cedex 14, Francee Hôpital Américain, 63, boulevard Victor-Hugo, 92200 Neuilly-sur-Seine, Francef Équipe mobile de soins palliatifs pédiatriques, hôpital Necker—Enfants-Malades, 149, rue deSèvres, 75015 Paris, Franceg EA 4569, université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, 12, rue de l’École-de-Médecine,75006 Paris, Franceh Institut de puériculture de Paris, 26, boulevard Brune, 75014 Paris, Francei 37, rue Henri-Barbusse, 75005 Paris, Francej 16, rue de la Glacière, 75013 Paris, Francek Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Necker—Enfants-Malades, 149, rue de Sèvres,75015 Paris, Francel EA 4056, Psychologie clinique et psychopathologie, UFR institut de psychologie, universitéParis Descartes, 71, avenue Édouard-Vaillant, 92774 Boulogne-Billancourt, France

Recu le 25 fevrier 2013 ; accepté le 13 mars 2013

Disponible sur Internet le 1er mai 2013

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (A. Plat).

1 Photo.2 Psychologue clinicien(ne).3 Pédopsychiatre.4 Pédiatre néonatologue.5 Gynécologue-obstétricien.

636-6522/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.03.001

Travail de deuil lors d’une IMG ou de soins palliatifs postnatals 123

MOTS CLÉSInterruption degrossesse ;Soin palliatifpérinatal ;Travail de deuil ;Trace traumatique ;Objectalisationfœtale

RésuméContexte. — Devenir parents lorsque l’anomalie fœtale entre brusquement en scène. . . et c’esttout un avenir imaginé qui s’écroule. . . Il s’agit ensuite de reconstruire.Problématique. — Dans cette étude nous nous sommes intéressés à l’impact traumatique de laperte périnatale, aux facteurs d’étayage et d’entrave du travail de deuil des devenant parentsvivant l’annonce d’une pathologie fœtale grave, sans aucun projet curatif possible.Méthode. — Nous avons choisi de rencontrer deux ans après la perte de leur bébé, des couplesayant interrompu leur grossesse ou l’ayant poursuivie vers un accompagnement de leur nouveau-né en soins palliatifs en salle de naissance. Nous avons sollicité 13 couples suivis antérieurementà la maternité de l’hôpital Necker ; parmi eux, cinq se sont orientés vers la poursuite de lagrossesse (G1) et sept vers l’interruption médicale de grossesse (G2). Cinq couples ont constituéle premier groupe, deux couples le second. À partir de l’analyse d’entretiens semi-structuréset d’une évaluation de l’état de stress post-traumatique, nous nous sommes interrogés sur lafacilité d’accès au choix de leur orientation et sur l’objectalisation du fœtus comme d’éventuelsfacteurs favorisant le travail de deuil des parents.Résultats. — La remobilisation psychique après la sidération des premiers temps apparaîtd’abord déterminante. La réflexion et le sens trouvé par chacun autour du choix vers telleou telle orientation et l’objectalisation du fœtus dans la construction d’un lien avec lui pour-raient s’inscrire comme facteurs facilitant le travail de deuil de ces devenant parents. Laparentalisation se retisse et une renarcissisation est favorisée.Conclusion. — Notre étude, malgré un échantillon restreint, nous a permis d’alimenter laréflexion et le questionnement sur le travail du deuil périnatal et sur l’accompagnement dusoin palliatif en salle de naissance.© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSMedical abortion;Perinatal palliativecare;Work of mourning;Traumatic mark;Foetal objectalisation

SummaryBackground. — In the context of discovery of fetal anomaly, parents are obliged to reconstructafter the dissolution of anticipated future parenthood.Problem. — In this study we were interested in looking at the traumatic impact of perinatalloss, at the factors allowing and hindering the grieving process for parents-to-be, being told ofsevere fetal anomaly without curative possibility.Method. — We chose to meet, 2 years after their baby’s loss, couples who interrupted the pre-gnancy and couples who completed the pregnancy with palliative care for the newborn in thedelivery room. We solicited 13 couples who had been followed at the maternity ward of HôpitalNecker hospital; of those, five decided to pursue the pregnancy (G1) and seven chose a medicalpregnancy termination (G2). The five couples in the first group G1 joined; in the second groupG2, two couples agreed to participate. Based on the analysis of semi-structured interviews andan assessment of their post-traumatic stress level, we questioned if the ease of access to theirchoice and the objectification of the fetus were possible factors enabling the parent’s work ofmourning.Results. — The psychic remobilisation after an initial stunned phase appears to be the firstdetermining factor. Thinking about and finding a meaning to one’s choice of either options aswell as the objectification of the fetus in constructing a relationship with him could be listedas factors facilitating the grieving work of these parents-to-be. These steps permitted parentsto envision becoming parents in the future and enhanced healthy narcissism.Conclusion. — Despite a small sample size, our study has allowed us to nurture our reflectionon and questioning about our work on perinatal loss and palliative care in the delivery room.

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© 2013 Elsevier Masson SAS.

Introduction

Devenir parents et se construire en tant que sujetimplique la traversée de crises développementales. Lorsquel’anomalie fœtale entre brusquement en scène, c’est un

tout un avenir imaginé qui s’écroule. . . Il s’agira ensuite dereconstruire. L’annonce actualise certains fantasmes que ledevenir parent convoque et l’empreinte de cette rencontrefait potentiellement traumatisme.

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Selon le dernier rapport annuel de l’Agence de la biomé-ecine (2009), 6876 interruptions médicales de grossesse ontté réalisées en France en 2008. Ainsi, l’interruption médi-ale de grossesse est un véritable enjeu de santé publique etn acquis majeur pour notre société sur les plans médical,

thique et sociétal [1].

Depuis 2005, l’Agence de biomédecine prend note desoursuites de grossesse alors que le fœtus est porteur’une pathologie d’une particulière gravité qui pourrait

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elever d’une interruption médicale de grossesse. En 2005 enrance, 411 grossesses ont été poursuivies dans ces situa-ions. Une quarantaine par an est relevée pour la maternitée Necker—Enfants-Malades [2]. Les pathologies fœtalesont variées (anomalies chromosomiques, cérébrales, viscé-ales, fœtopathies infectieuses, etc.) et le pronostic qui enécoule également. Au niveau national, en 2005, 26,8 % desssues de ces situations aboutissaient à un décès néonatal.

Après un premier temps de travail avec l’équipe ayantené à une réflexion éthique, nous nous sommes inté-

essés au travail de deuil et aux facteurs d’étayageossibles pour ces parents et devenant parents qui’orientent vers l’interruption médicale de grossesse ou vers’accompagnement de leur bébé en soins palliatifs lors de’annonce d’une malformation fœtale très grave [2,3].

hamp conceptuel

ors du devenir parent et en particulier au moment dea grossesse, les auteurs nous parlent d’un mouvement deascule de l’attention psychique du sujet avec un regardarental d’abord tourné vers le parent lui-même, pour’ouvrir progressivement à la découverte du contenu utérin,e fœtus, ce devenant humain qui va progressivement êtreonsidéré comme un être avec ses caractéristiques propresans un investissement et une préoccupation parentaleroissante pour ce fœtus, individualisé, bébé en deve-ir et à venir [4]. La grossesse est marquée par un jeu’investissements narcissiques et objectaux qui préfigure laelation à l’enfant à naître. L’un d’entre nous évoque laelation d’objet virtuelle pour décrire ce travail psychiqueurant la grossesse. Ce dernier encourage la construction dea fonction contenante parentale et l’émergence, encorenstable, de la représentation du bébé en la mère commene autre objectalisé [5]. L’objectalisation du fœtus estn effet progressive. Elle s’opère au cours de la grossesse,ans un mouvement de liaison psychique qui va faire naîtree bébé dans l’esprit parental comme un être à venir etvec son propre devenir. Parallèlement à ce mouvement, lerocessus psychique de désobjectalisation agit lui, commene force de déliaison, mue par les pulsions de destructionu sujet, sous-tendues par la pulsion de mort et réduisant’objet précédemment investi à un rien, « dépouillé de ceu’il pouvait avoir d’unique et d’irremplacable pour lui » [6].es deux notions s’opposent et considérer l’une permettra’apprécier l’autre. Lors de la perte de l’objet, au moment’un décès par exemple, R. Roussillon nous parle de la néces-ité de l’existence de cet objet et M. Hanus de l’importancee la distinction de celui-ci même [7,8]. Alors, « après leemps de renoncement à l’objet, qui est aussi le temps de’idéalisation de l’objet perdu, vient celui de la réconcilia-ion par le jeu des identifications ; celles-ci permettent enuelque sorte de se dédommager » [9].

L’annonce d’une pathologie fœtale durant la grossessest un événement qui présente des multiples risquesraumatiques. Événement soudain, impensable, bou-eversant une anticipation parfois bien engagée, à un

oment où le couple est dans une dynamique particu-

ière du fait des remaniements psychiques qu’ils vivent l’occasion de la grossesse et de construction de leurarentalité [3]. Lorsque les investigations médicales se sont

1ade

A. Plat et al.

éroulées, qu’un pronostic peut être envisagé, la décision’interruption de grossesse peut se proposer à eux. Enrance, l’interruption de grossesse pour raison médicaleeut être effectuée sans limite de terme si le fœtus ane forte probabilité d’être atteint d’une affection d’unearticulière gravité reconnue comme incurable au momentu diagnostic. À la maternité de Necker—Enfants-Maladesntre 2004 et 2006, 79 familles avaient fait le choix d’uneoursuite de la grossesse, 43 familles demandaient alorsne prise en charge maximaliste et 25 une prise en chargealliative [10]. Au-delà des raisons qui peuvent ameneres couples à cette demande dans lesquelles nous pouvonseut-être entendre le déni de la gravité, l’impossibilité deorter la décision de l’arrêt de vie et la culpabilité qui peutn découler, parfois sous-tendue par des représentationsulturelles ou religieuses, nous avons cherché à comprendreomment soutenir les parents dans leur travail de deuil.

La dimension potentiellement traumatique de la ren-ontre avec un bébé décédé in utero a été soulignée parertaines études et au contraire associée à une évolutionlus favorable dans d’autres [11—13]. Par ailleurs des réac-ions post-traumatiques ont été décrites à long terme aprèsne interruption médicale de grossesse et de manière plusarquées qu’après un décès spontané [12].L’impact de cette rencontre avec l’enfant nous a

onduit à questionner le lien entre l’impact traumatiquet l’objectalisation du fœtus dans la psyché parentale lors’une interruption médicale de grossesse, ou d’un accom-agnement en soins palliatifs postnatals.

Cette recherche exploratoire et qualitative suivra donces objectifs suivants :

évaluer la persistance d’un impact traumatique deux ansaprès le décès. Nous avons choisi de contacter les couplesa posteriori, environ deux ans après le décès du fœtus oudu nouveau-né, dans un souci de récence des données etd’harmonisation des mouvements psychiques passés et encours, sans que la remémoration de l’événement soit tropdifficile [14—16] ;questionner la facilité d’accès au choix de poursuivre lagrossesse ou de l’interrompre pour ces familles et sonretentissement sur l’impact traumatique ;évaluer la représentation du fœtus qu’avaient lesparents aux différents temps du processus et le degréd’objectalisation dont il était investi. Et là encorecomprendre s’il existe un lien avec un éventuel reten-tissement traumatique.

éthodologieopulation

e recrutement s’est déroulé entre 2010 et 2011 parmi lesatients suivis à la maternité et au centre de diagnostic pré-atal de la maternité de l’hôpital Necker—Enfants-Malades.

onstitution des groupes de sujetseux groupes de sujets ont ainsi été constitués. Le groupe

était composé de couples ayant poursuivi leur grossessevec une prise en charge palliative du nouveau-né en sallee naissance, dans le cas de malformations fœtales sévèrest pour lesquelles aucun projet curatif n’était possible.

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Travail de deuil lors d’une IMG ou de soins palliatifs postnat

Le groupe 2 était constitué de couples ayant vécu uneinterruption médicale de grossesse liée à une pathologiefœtale sévère, au pronostic postnatal létal sans aucunprojet curatif possible.

Critères d’inclusionLes critères d’inclusion suivants ont été considérés : la mal-formation fœtale a été révélée à l’occasion de la deuxièmeéchographie généralement réalisée autour de la 20e semained’aménorrhée (SA) et le décès du fœtus ou du bébé a eu lieuil y a deux ans environ. Pour les couples ayant poursuivi lagrossesse, le bébé a vécu quelques minutes, voire quelquesheures ; les femmes et les hommes sont âgés de 20 à 40 anslors de la perte périnatale. Pour limiter les biais de prises encharge, les couples ont été pris en charge au sein du mêmecentre hospitalier.

Critères d’exclusionLes critères d’exclusion ont été limités aux couples ne par-lant pas ou ne comprenant pas le francais.

Pathologies fœtalesUn appariement des pathologies fœtales a été réalisésuivant le type de malformations et le pronostic de la patho-logie repérée. Ainsi, nous avons considéré des situationsimpliquant la trisomie 13 et 18 et des malformations céré-brales graves.

Avis du comité d’éthique

Notre recherche qualifiée d’observationnelle et de noninterventionnelle a recu un avis favorable du comitéd’éthique de Necker—Enfants-Malades le 29 juin 2010.

Recrutement

Les couples susceptibles de faire partie de notre étudeont été contactés par le médecin pédiatre (Groupe 1) ougynécologue-obstétricien (Groupe 2) les ayant accompagnéslors de la poursuite de la grossesse ou de l’interruption médi-cale de grossesse. Un courrier « personnalisé » du praticienleur a été adressé. Nous les avons ensuite contactés partéléphone et avons pris rendez-vous avec ceux qui le sou-haitaient en proposant un entretien à chaque membre ducouple.

Par précaution éthique, il a été convenu que si nousconstations une fragilité particulière chez un de nos sujetslors de l’entretien, une orientation auprès d’un pédopsy-chiatre ou d’un psychologue du service d’origine lui seraitproposée.

Outils

Outil qualitatif

L’impact du traumatisme et l’évolution deson empreinte ont été repérés à travers la

dynamique de l’après-coup (Freud S.), parl’analyse du récit de l’événement dans un

entretien semi-structuré.

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125

Le guide d’entretien a été élaboré à partir de l’échelle deupport social de Sarason et aborde les principaux thèmesu vécu du sujet, du temps de la grossesse à aujourd’hui17]. Nous avons proposé au sujet de revenir sur l’histoireremière de cette grossesse, sur l’annonce de la malforma-ion, sur le chemin vers l’interruption médicale de grossesseu vers la poursuite de la grossesse et l’accompagnementu bébé en soins palliatifs. Nous lui avons ensuite proposé’aborder le temps après la décision d’interrompre ou deoursuivre, le moment de rencontre avec le bébé, le retouru domicile et le rôle de l’environnement familial, social,ospitalier et professionnel.

L’analyse de contenu des entretiens a été réalisée grâce notre grille de lecture développée en suivant nos hypo-hèses. S’est associé à cela, le repérage des mécanismes deéfense suivant la classification donnée dans le DSM IV, trèsroche de celle de G.E. Vaillant [18].

util quantitatifous avons choisi l’utilisation d’une échelle d’état detress post-traumatique : la Post-Traumatic Stress Disor-ers Check List Scale (PCLS) [19]. Cette échelle permetne mesure quantitative de la trace traumatique du sujetvec la possibilité d’une gradation et la présence d’uneuil (44) au-delà duquel nous pouvons parler d’un état detress post-traumatique. Ce dernier se caractérise par troisspects principaux : la répétition (images et rêves répéti-ifs de l’événement traumatiques), l’évitement (évitementes pensées, des activités, des lieux et des personnesappelant le traumatisme, perte d’intérêt dans les activi-és quotidiennes, etc.) et l’hyperactivité neurovégétativetroubles du sommeil, irritabilité, réaction de sursaut exa-éré) [19]. Cet auto-questionnaire a l’avantage d’être assezourt (17 questions), facile d’utilisation et nécessitant uneompréhension simple.

nalyse des données

esures qualitatives des facteursrille de lectureous avons isolé parmi les facteurs ayant pu aider ouettre en difficulté nos sujets, les éléments concernant nos

ypothèses. Ainsi, pour l’hypothèse 1 à propos de l’accèsu choix d’interrompre la grossesse ou de la poursuivre,ous avons repéré les éléments concernant le chemine-ent du sujet vers telle ou telle orientation, la réaction de

’environnement face à ce choix et l’impact de celle-ci poures sujets. Pour l’hypothèse 2, nous avons relevé les informa-ions relatives au degré d’objectalisation du fœtus à traversa représentation parentale de l’enfant à naître. Nous avonsepéré les mots, les pronoms, des déterminants, les expres-ions employées par les sujets pour désigner le fœtus et’enfant à certains moments clés. Cinq temps ont été pro-osés : T1 : avant l’annonce de la malformation ou desléments d’inquiétude développementale. T2 représentaite moment de l’annonce et du cheminement pour la déci-ion. L’annonce de la malformation est repérée comme

ne étape importante pour l’accueil de l’enfant/du fœtusécédé en périnatalité [20]. T3 se situait entre la décisiont la fin de la grossesse. Il nous est apparu en effet inté-essant de considérer l’évolution de l’objectalisation entre

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26

’annonce et la fin de la grossesse avec le repère de la prisee décision autour duquel nous supposons certains mouve-ents d’investissement et de désinvestissement du fœtus.

e quatrième temps, T4, était celui autour de la naissancet de l’interruption médicale de grossesse elle-même. La fine la grossesse avec l’accouchement, la séparation des corpst la découverte du bébé de chair constituent une étapeour l’objectalisation fœtale [4]. Le cinquième temps, T5,tait celui de l’actuel : la manière dont ils vivent aujourd’hui’événement.

écanismes de défensee repérage des mécanismes de défense a été réalisén suivant la classification proche de celle proposée par.E. Vaillant (1971, 1976). Nous avons considéré le niveaudaptatif élevé, celui des inhibitions mentales, de la distor-ion mineure et majeure de l’image de soi, du désaveu, de’agir et de la dysrégulation défensive [18]. Pour informa-ion, le niveau adaptatif élevé est repéré par la variété desécanismes de défense, l’utilisation de l’auto-observation,e l’auto-affirmation, de la sublimation, par le sens donné

l’événement et de la transformation du lien à l’enfanterdu. Le niveau de désaveu se caractérise par l’utilisatione la projection, du clivage et de l’idéalisation.

esures quantitatives des facteursous avons considéré le score au-delà du seuil comme signi-catif de l’état post-traumatique du sujet.

ésultats

escription de la population

inq couples correspondant à nos critères d’inclusion ont putre sollicités pour le groupe 1, poursuite de grossesse. Tousnt accepté de nous rencontrer. Notre groupe 1 se composaitonc de huit sujets, un membre de chaque couple au moinsous a rencontrés.

Deux couples du groupe 2 sur les sept sollicités ontccepté de participer. Deux n’habitaient plus à l’adressendiquée, ils n’ont donc pas recu le courrier. Trois couplesnt refusé. Parmi eux, deux femmes étaient enceintes. Danse groupe 2 (ayant vécu une interruption médicale de gros-esse), trois personnes représentant deux couples ont doncarticipé à l’étude.

Pour présenter davantage notre population, l’âge deotre groupe 1 s’échelonnait de 24 à 42 ans. Trois hommest cinq femmes le composaient. Deux couples ont apprisa trisomie 18 de leur enfant en période fœtale. Le fœtusu troisième couple était probablement atteint d’une triso-ie 13 ou 18, mais le couple avait choisi de ne pas faire’amniocentèse. Les deux autres fœtus étaient atteints’une exencéphalie et d’un spina bifida. Aucune des femmes’était primigeste. Pour deux des couples, il s’agissaitu premier enfant. Les autres parents avaient vécu cettepreuve avec leur troisième ou quatrième et dernier enfant.

eux couples n’avaient pas d’antécédents de pertes péri-atales. Trois sur les cinq avaient vécu une voire plusieursausses couches et une interruption médicale de grossesse

24 SA. Cinq personnes (deux hommes et trois femmes)

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A. Plat et al.

vaient bénéficié de plusieurs rencontres avec un psycho-ogue/psychiatre de l’hôpital ou en cabinet privé.

Notre groupe 2 se composait de deux femmes et d’unomme, âgés de 39 à 41 ans. Il s’agissait d’une troisièmet d’une quatrième grossesse. L’interruption médicale derossesse avait eu lieu suite à une trisomie 18 et à une hydro-éphalie majeure. Un des couples avait connu un antécédente perte périnatale avec une interruption médicale de gros-esse à 15 SA. Aucun des sujets de ce groupe n’avait eu deencontre avec un psychologue.

valuation de la trace traumatique

roupe 1hez les sujets du groupe 1, les scores des huit sujets se sontchelonnés de 18 à 59 pour une moyenne de 30. Les hommesvaient les scores les plus bas. Deux femmes ont eu un scoreu-dessus du seuil (44). Chez six de nos huit sujets du groupe, le discours autour de l’événement bénéficiait d’une cer-aine fluidité, d’une circulation assez libre des affects et’un niveau adaptatif élevé [18].

Trois de nos huit sujets se distinguaient dans leur nar-ation, avec pour deux d’entre eux un résultat sur la PCLSupérieur au seuil clinique. Associé à ce score, notre premierujet s’est différencié par l’utilisation de mécanismes deéfense proches du niveau de désaveu (avec l’utilisation dea projection, du clivage, de l’idéalisation). Notre deuxièmeujet avec un score sur la PCLS supérieur au seuil nous parlaite facon très authentique avec un niveau adaptatif défensiflevé et un discours rempli d’émotions. L’accompagnemente cet enfant faisait écho à un antécédent de fausse coucheécue quelques mois avant cette dernière grossesse laquellentervenait aussi au moment d’un bouleversement profes-ionnel. Notre troisième sujet se situait plus à un niveauéfensif qui correspondrait à celui de la distorsion mineuree l’image de soi avec une dépréciation forte de lui-même,t au niveau des inhibitions mentales avec une répressionmportante des affects et une intellectualisation continue.e discours de ces sujets était très contrôlé mais perdait par-ois de sa cohérence avec l’évocation d’éprouvés semblantécalés par rapport à la réalité (projection, sentiment deersécution).

roupe 2hez les sujets du groupe 2, les scores de la PCLS chez nosrois sujets se sont échelonnés de 30 à 38, sans dépasser leeuil et avec une moyenne de 33.

Deux ans après, la verbalisation autour de l’événementestait cependant compliquée, succincte et l’émotion étaitontrôlée. L’aménagement défensif rendait alors compte’un niveau allant du désaveu avec l’utilisation massive dea rationalisation, à l’inhibition mentale. L’aménagementéfensif a pu également être plus souple et gagner en adap-ation par la symbolisation de l’objet perdu. Mais certainsropos témoignaient de la violence vécue, du fantasme’infanticide sous-jacent et du sentiment encore très vif

’avoir abandonné le bébé. Nous rapprochons ces observa-ions à la prégnance de certains sous-syndromes de l’état detress post-traumatique concernant l’évitement de penséeelatif à l’interruption médicale de grossesse et la répétition

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Travail de deuil lors d’une IMG ou de soins palliatifs postnat

d’images ou de sensations liées à l’annonce de la malforma-tion et au fantasme d’infanticide.

Conditions d’accès au choix (hypothèse 1)

La plupart des sujets du groupe 1, sept de nos huit sujets,se sont sentis libres de s’orienter vers le chemin souhaité.À l’annonce de la malformation fœtale, les femmes de cegroupe se sont d’emblée dirigées vers la poursuite de la gros-sesse. Certains de leurs conjoints semblaient plus prudents.Face à l’annonce de la mauvaise nouvelle, F. Sirol note lesentiment d’impuissance des hommes qui les conduit à uneapproche plus concrète, plus objective, plus cognitive dudiagnostic : ils pensent à la santé de leur compagne, à leurvie comme père d’enfant handicapé et questionnent le sou-hait de leur femme [21]. L’homme et la femme sont alorssoumis aux doutes et aux affirmations de l’autre au sein deleur couple.

Un débat contradictoire entre eux mais aussien chacun d’eux (débat contradictoire interne)

peut apparaître avec une conflictualisation de lasituation.

La mise en mots de leurs doutes, de leur ambivalenceliée à la crainte éventuelle d’accueillir cet enfant favorisecette conflictualisation de la situation. L’éventuelle pen-sée pour l’interruption médicale de grossesse a sa placeici. Dans le respect de la pensée de chacun, ces doutesémis au sein de l’espace de conjugalité se sont révélés salu-taires pour la réanimation de la pensée après l’annonce. Unespace de conflictualité a pu se déployer. La résolution dece conflit permettrait au sujet de s’orienter vers le choix leplus proche de la vérité de son désir et d’anticiper l’arrivéedu bébé dans un mouvement créatif.

Parfois, ce débat contradictoire interne n’est pas apparu.Deux de nos sujets se sont très fermement inscrits d’embléedans le choix de poursuivre la grossesse. L’un s’est trouvéconfronté à un conflit d’idéalité qui ne l’a pas autorisé àaccéder à la conscience d’une certaine ambivalence enversson enfant à venir. L’orientation vers la poursuite de la gros-sesse du deuxième sujet est apparue comme une réactioncontre une expérience passée qui l’a beaucoup fragilisé.Ces deux sujets se sont également distingués des autresmembres du groupe par la mesure de leur trace traumatiqueavec une fragilité narcissique palpable, l’utilisation majo-ritaire de mécanismes de défenses au potentiel adaptatifrestreint et un état de stress post-traumatique supérieur auseuil clinique pour l’un d’entre eux.

Ces deux sujets bénéficiaient d’un suivi psychologiqueau moment de l’événement, l’un avant la grossesse, l’autreaprès l’annonce avec des entretiens très rapprochés.

Aux réticences émises par l’environnement quant à leurchoix, trois de nos sujets femmes ont répondu par leretrait. Ces réticences ont d’abord crée une fragilisation.L’élaboration de ce vécu est apparue ensuite et dans unespace plus intime du couple ou amical proche. Cela a

pu permettre au sujet de préciser le sens que la décisiond’interrompre ou de poursuivre avait pour lui. Si les doutesémis par l’environnement sans reprise avec l’entourageproche du sujet semblent avoir peu d’impact pour le

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127

éploiement de l’espace psychique juste après l’annonce,ls peuvent dans certains cas (lors de remarques empa-hiques et dans une considération de la singularité de laituation) permettre a posteriori une identification du sujetux doutes de l’environnement. Cela favoriserait la diminu-ion d’une éventuelle culpabilité liée à une ambivalence,oire à un soulagement lié à la mort du bébé.

Les sujets restent sensibles à unenvironnement qui les accompagne dans leur

choix et qui les assure de leur bienveillance parun accueil sans jugement de leurs sentiments

ambivalents.

Les sujets du groupe 2 n’ont pas évoqué de francheséticences par leur environnement pour l’orientation vers’interruption médicale de grossesse.

Après l’annonce de la malformation, le tempsentre la transmission des informations, la

décision d’interruption médicale de grossesse etl’interruption médicale de grossesse était peu

perceptible avec un discours très succinct autourde ces périodes.

Cela traduisait-il l’état de sidération de ce moment-là ?a conséquence d’un refoulement face à un événement sou-ent extrêmement douloureux [22] ?

Au cours de l’entretien de recherche, un couple nous aarlé de leur chemin vers l’interruption médicale de gros-esse, comme l’orientation la meilleure ou « la moins pire »our eux, suite à leur crainte de ressentir une trop grandeouffrance après une identification à celle d’un proche quivait mené une grossesse à terme et qui avait perdu le bébéuelques mois après la naissance. L’accueil de cet enfant et’interruption de la grossesse ont été imaginés.

Un débat contradictoire est apparu. Lesréticences, évoquées par l’entourage proche,ont été accueillies et discutées avec eux. Une

pensée propre semble s’être déployée enanténatal pour l’orientation vers l’interruption

médicale de grossesse.

Un autre sujet, happé par une sidération massive, s’estrienté vers l’interruption médicale de grossesse dans unexpérience qu’il nous a décrit proche de celle de laésubjectivation où sa pensée semblait gelée avec un « filarratif » (Ricœur P.) rompu, le condamnant à l’empire de’instant, synonyme d’interruption du temps [3,4].

Par l’accès au débat contradictoire, l’ambivalence res-entie envers le fœtus semble abordée. L’entendre sansn être effrayé, détruit, autorise-t-il cette pensée ? Celaermet-il de la légitimer et de la rendre non destructrice

our celui auquel elle s’adresse ? Le parent a évoqué l’enfant

venir et ses difficultés possibles. Il interroge sa propreapacité d’accueil de cet enfant : « Est-ce que je suis prêt

m’engager dans cette vie là ? À engager mon enfant sur

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e chemin-là ? », cela non sans conflit intra- et intersubjec-ifs. Mais c’est peut-être progressivement, à partir de « ceagma » ou d’une désorganisation transitoire, que vont seessiner des chemins de réflexions et des sources d’étayageossibles pour le sujet.

Comme les contenants permettant lescontenus de pensées et l’émergence de la psyché

chez l’enfant [23,24] ; nous postulons l’impactde la fonction contenante de l’environnement

pour l’émergence d’une pensée subjective de cessujets heurtés, traumatisés, sidérés par

l’annonce d’une malformation fœtale. Nousrelevons également l’importance de l’anténatalpour travailler avec le sujet et le soutenir dans

son désir quant à l’avenir de cette grossesse[25].

Dans ces moments, la conflictualité à être accueillie, celaour une orientation par le devenant parent vers un choixui prend sens ou en tout cas qui ne le maintient pas dansn non-sens.

Ainsi, si les conditions d’accès à l’une ou à l’autrees prises en charge, après l’annonce d’une malformationœtale, semblent déterminantes pour l’élaboration de laerte périnatale et de l’annonce, notre hypothèse serait

nuancer. En effet, si les interrogations, voire les réti-ences des proches, sont réalisées dans certaines conditions’écoute et d’empathie, distanciées des propres projectionse l’émetteur et si le devenant parent peut les entendre etchanger autour de cela, alors il semble qu’elles puissentider à la réanimation de la pensée du sujet.

Les paroles de l’environnement offrent unsupport à l’expression de la propre ambivalence

du sujet tant vis-à-vis du fœtus que de ladécision, que les circonstances lui imposent de

prendre.

bjectalisation (hypothèse 2)

Chez nos sujets des groupes 1 et 2,l’objectalisation, à travers différents temps et

étapes repérés après l’annonce de lamalformation quelle que soit l’orientation

choisie, avait tendance à évoluer dans le mêmesens.

Suite au désinvestissement premier voire à la désobjecta-isation suscitée par l’étrangeté du fœtus que l’annonce dea malformation a souvent entraînée, nous avons assisté à unéinvestissement du fœtus, favorisé par le partage d’affectst de paroles entre le sujet et son environnement, autour

e la vie imaginée de l’enfant à venir.

Après l’annonce (T2), l’investissement objectal s’estccru au cours de la grossesse chez la plupart de nos sujetsu groupe 1 (sept sur huit), avec le déploiement d’un

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A. Plat et al.

space de pensée pour l’enfant du dedans. L’investissementbjectal était moins prégnant chez nos sujets du groupe

où nous avons observé plus de mouvements d’oscillationsntre investissement de l’objet—pré-objet—fœtus et dés-nvestissement de ce dernier pour une objectalisation qui’apparaissait pas franchement en anténatal.

L’objectalisation et l’investissement fœtal après la déci-ion et autour de la fin de la grossesse (T3 et T4) restaientlus prononcés chez la majorité des sujets du groupe 1six sujets sur huit) avec, en anténatal, une appartenanceliale du fœtus plus affirmée, le déploiement d’un lien avec

’enfant du dedans, notamment chez les femmes, où leevenant parent prêtait au bébé une intentionnalité et uneéciprocité possibles dans le lien (force psychique, réponseux caresses parentales du bébé à travers le ventre dea mère). Néanmoins, les sujets manifestaient une grandeppréhension dans l’anticipation de la rencontre avec leurébé. L’aspect physique a pu questionner et à travers cela,e lien de filiation semblait interrogé (vais-je reconnaître cetnfant comme le mien ?). La rencontre avec l’enfant en post-atal a suscité beaucoup de mouvements psychiques chez lesevenant parents.

La médiation par un tiers en qui le sujet avaitconfiance (conjoint(e), membre du personnel

soignant connu auparavant comme le pédiatre oule psychologue, représentant du culte) portantun regard humanisant sur l’enfant, apprivoisant

l’étrangeté de ce bébé de chair, a pu paridentification, aider le sujet dans sa perception

de lui-même comme parent de cet enfant etpour une liaison pulsionnelle autour du bébé.

Après le décès (T5), l’objectalisation moins franche duœtus chez les sujets du groupe 2 par rapport à la majoritée ceux du groupe 1 (six sur huit) nous a fait associer avece niveau défensif moins souple de ces sujets et avec leurerbalisation plus difficile de l’événement.

Cela nous a amenés à observer deux ansaprès, la prégnance chez ces sujets d’un fortsentiment de culpabilité qui semblait lié à laréactivation du fantasme d’infanticide et à la

sensation d’avoir abandonné l’enfant.

Les entretiens ont révélé ici des fantasmes sous-jacentsont les sujets se sont plutôt bien préservés au quotidien.ais des images et des pensées en lien avec l’interruptionédicale de grossesse ont tendance à se répéter. Les sujets

nt évoqué le moment de l’annonce mais aussi et surtout leeste de fœticide, leurs doutes quant à la bonne santé ou auevenir éventuel de leur bébé s’il était né vivant. Ce sontes pensées contre lesquelles ils luttent mais qui reviennentt notamment aux dates anniversaires.

L’accompagnement du fœtus, du bébé au moment de

’interruption médicale de grossesse, du décès en soin pallia-if, est à créer et dans chaque situation. À travers la paroledressée au bébé, une lettre pour lui, un foulard avec lesdeurs des parents glissés dans le nid d’ange, les démarches

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Travail de deuil lors d’une IMG ou de soins palliatifs postnat

pour les obsèques, c’est l’intention du parent pour ce bébédu dedans percu dans sa réalité à venir d’enfant maladeet qui ne vivra pas, qui est relevée. Les parents qui se sontpréparés à cette séparation de facon authentique et investiesemblent apaisés, rassurés de donner quelque chose d’eux-mêmes à ce fœtus qui devient leur enfant.

Ces projets de naissance représentent lapossibilité d’un moment où les sujets en

présence parlent du et autour du fœtus, dans unéchange, « un dialogue étroit et renouvelé avecles parents qui ne cesseront d’être considéréscomme tels » [26] et où les mots posés, parfois

proposés par le praticien, vont encouragerl’émergence d’un récit, facteur de liaison

psychique, notamment par la circulation desaffects dont ceux relatifs à l’ambivalence.

Ce projet de naissance suppose ou encourage un réin-vestissent objectal dans le positif et une humanisation dufœtus. Il s’inscrit comme facteur de parentalisation et pour-rait venir par le rôle parental qu’il autorise, renarcissiser ledevenant parent à la faveur d’une restauration des objetsinternes du sujet et d’un apaisement d’une éventuelleculpabilité.

Conclusion

Si la facilité d’accès au choix des devenantparents constitue un étayage pour leur travail dedeuil, les doutes émis par l’environnement dans

certaines conditions de contenance affectivepeuvent s’inscrire comme facteur de liaison parla mise en mots et l’affirmation du sens de ce

choix par le sujet.

De même, l’objectalisation fœtale anténatale, favoriséepar l’élaboration d’un projet de naissance avec un accompa-gnement du bébé ou du fœtus, apparaît comme un facteurde liaison pulsionnelle. Au contraire, l’investissement nar-cissique dominant de l’objet-fœtus qui dure dans les tempssuivant l’annonce de la malformation, augure d’un risquetraumatique fort par l’attaque narcissique que la perte del’objet peut entraîner. Si la représentation objectale estainsi à considérer, nous repérons l’importance du réinves-tissement du lien à « l’objet—pré-objet » fœtus.

En effet, alors que la mort d’un fœtus ou d’unenfant révèle son impact narcissique par la perte

et les déceptions qu’elle entraîne, la créationd’un lien nouveau avec l’enfant du dedans, dans

une intention pour lui, à l’écoute de sesréactions ou dans une réciprocité fantasmée etcela dès la période anténatale, favoriserait une

restauration narcissique du sujet ensuite.

M. Bydlowski nous parle des soins corporels bien réelsqui représenteraient un concern lequel tamponnerait les

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129

ensées négatives issues de la violence maternelle et per-ettrait au sujet de rebasculer du côté de la vie [27].Si les choix d’orientation vers l’interruption médicale de

rossesse ou vers la poursuite de la grossesse ne révèlent pase différence majeure intergroupe concernant l’intensitée la trace traumatique deux ans après la perte périnatale,ous notons sur un plan qualitatif la vivacité de la culpabilitéiée au fantasme d’infanticide chez la majorité des sujetsui ont interrompu leur grossesse.

L’enjeu pour la négociation des fantasmesque l’annonce et la perte périnatale actualisentchez les deux groupes semble se dessiner par laremobilisation psychique du sujet en anténatal,

avec l’émergence d’un débat contradictoireinterne pour une orientation au plus près de sondésir que viendra favoriser un accueil contenant

de l’ambivalence parentale.

Ces résultats semblent aussi à nuancer. Les capacités nar-atives et de symbolisation propres du sujet sont également

considérer ainsi que les traces des événements antérieursont l’impact psychique pourront venir modifier celui de laerte périnatale actuelle (antécédents de perte périnatale,ragilité narcissique structurelle). Par ailleurs, la taille deotre échantillon ne nous permet pas de conclusion généra-isable, mais donne à penser cette clinique.

Depuis une quinzaine d’années, les équipes de maternitéont de plus en plus sensibles aux conséquences psychiquese la mort périnatale. L’accompagnement des « devenantarents » lors d’une interruption médicale de grossesse seratique de plus en plus et est de plus en plus connu par lesquipes [3]. Celui des accompagnements palliatifs en sallee naissance questionne et éprouve encore beaucoup lesquipes de gynécologie-obstétrique et de néonatalogie. Laiffusion des pratiques existantes permet une informationlus éclairée pour une liberté de choix des devenant parentsonfrontés à la malformation fœtale létale. Il s’agit de res-er prudent, d’être au plus près des besoins des parentst des équipes pour une prise en charge respectueuse etthique.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

emerciements

ette recherche doit beaucoup aux équipes de pédopsy-hiatrie, de gynécologie-obstétrique, à celles de l’équipeobile de soins palliatifs pédiatriques et de coordination des

oins de support (Dr Canoui) de l’hôpital Necker—Enfants-alades. Le service de néonatalogie de l’hôpital Cochin,n particulier le Pr Moriette, le Dr Boujenah, Madame Van-

enbergue ont enrichi cette recherche par leur expériencelinique et leurs regards experts. Je remercie également lesocteurs Fiorenza et Souchaud (service du Pr Aubard, chefe pôle, Pr Mouliès, CHU de Limoges), ainsi que Madame

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enon (CHR d’Orléans) pour leur accueil et leurs regardsclairés. Par leur soutien financier, l’équipe mobile deoins palliatifs pédiatriques de l’hôpital Necker—Enfants-alades—AP—HP et la fondation Pfizer nous ont permis deener à bien cette recherche.

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