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This article was downloaded by: [University of Delaware] On: 08 October 2014, At: 02:02 Publisher: Routledge Informa Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK International Review of Sociology: Revue Internationale de Sociologie Publication details, including instructions for authors and subscription information: http://www.tandfonline.com/loi/cirs20 Travail et nouvelles categories faibles Michele La Rosa a , Federico Chicchi a & Claudia Dall'Agata a a Dipartimento di Sociologia , Università di Bologna , Strada Maggione 45, Bologna, 40125, Italy Published online: 04 Jun 2010. To cite this article: Michele La Rosa , Federico Chicchi & Claudia Dall'Agata (1998) Travail et nouvelles categories faibles, International Review of Sociology: Revue Internationale de Sociologie, 8:1, 53-65, DOI: 10.1080/03906701.1998.9971261 To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/03906701.1998.9971261 PLEASE SCROLL DOWN FOR ARTICLE Taylor & Francis makes every effort to ensure the accuracy of all the information (the “Content”) contained in the publications on our platform. However, Taylor & Francis, our agents, and our licensors make no representations or warranties whatsoever as to the accuracy, completeness, or suitability for any purpose of the Content. Any opinions and views expressed in this publication are the opinions and views of the authors, and are not the views of or endorsed by Taylor & Francis. The accuracy of the Content should not be relied upon and should be independently verified with primary sources of information. Taylor and Francis shall not be liable for any losses, actions, claims, proceedings, demands, costs, expenses, damages, and other liabilities whatsoever or howsoever caused arising directly or indirectly in connection with, in relation to or arising out of the use of the Content. This article may be used for research, teaching, and private study purposes. Any substantial or systematic reproduction, redistribution, reselling, loan, sub-licensing, systematic supply, or distribution in any form to anyone is expressly forbidden. Terms & Conditions of access and use can be found at http://www.tandfonline.com/page/ terms-and-conditions

Travail et nouvelles categories faibles

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This article was downloaded by: [University of Delaware]On: 08 October 2014, At: 02:02Publisher: RoutledgeInforma Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registeredoffice: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK

International Review of Sociology:Revue Internationale de SociologiePublication details, including instructions for authors andsubscription information:http://www.tandfonline.com/loi/cirs20

Travail et nouvelles categories faiblesMichele La Rosa a , Federico Chicchi a & Claudia Dall'Agata aa Dipartimento di Sociologia , Università di Bologna , StradaMaggione 45, Bologna, 40125, ItalyPublished online: 04 Jun 2010.

To cite this article: Michele La Rosa , Federico Chicchi & Claudia Dall'Agata (1998) Travailet nouvelles categories faibles, International Review of Sociology: Revue Internationale deSociologie, 8:1, 53-65, DOI: 10.1080/03906701.1998.9971261

To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/03906701.1998.9971261

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This article may be used for research, teaching, and private study purposes. Anysubstantial or systematic reproduction, redistribution, reselling, loan, sub-licensing,systematic supply, or distribution in any form to anyone is expressly forbidden. Terms& Conditions of access and use can be found at http://www.tandfonline.com/page/terms-and-conditions

International Review of Sociology—Revue Internationale de Sociologie, Vol. 8, No. 1, 1998 53

Travail et Nouvelles Categories Faibles

MICHELE LA ROSA, FEDERICO CHICCHI et CLAUDIA DALL'AGATA1

Dipartimento di Sociologia, Università di Bologna, Strada Maggione 45, 40125 Bologna, Italy

1. Préambule: Comment Affronter l'Analyse des Nouvelles CatégoriesFaibles?

La sociologie du travail se trouve aujourd'hui (elle n'est certainement pas la seule)devant la nécessité de répondre à certains défis importants déterminés par deschangements marquants et actuels du point de vue social et économique. En effet,nous nous trouvons face à certains tournants historiques ou 'discontinuités' (avanttout l'affirmation de ce que l'on appellel la société post-industrielle) qui 'confondent'le potentiel analytique de ses paradigmes traditionnels et qui poussent à uneredéfinition de ses focus d'analyse. L'une des questions qui semble devenir de plusen plus importante (et qui représente un des défis susmentionnés) pour la sociologie,et surtout pour la sociologie du travail, est l'apparition sur la scène sociale denouvelles (dans la mesure où elles sont inédites) catégories de sujets faibles, qui sontd'une part encore peu identifiables du point de vue social, mais qui d'autre partengendrent de graves problèmes. Ce qui se produit est l'intervention d'une relationentre faiblesse sociale et position occupée par un sujet social sur le marché dutravail, caractérisée par une circularité complexe difficile à représenter en termesanalytiques (où apparaissent également des facteurs normatifs de médiation, qui,d'une part, cachent et protègent certaines catégories, tandis que, d'autre part, ilstendent à en découvrir d'autres).2

L'hypothèse commune, dont proviennent souvent les réflexions sociologiques à cesujet, est l'identification de la formation de groupes sociaux inédits et particuliers,incapables d'assumer une position compétitive sur le marché du travail et de sepositionner sur des 'blocs de départ' situés à des niveaux d'opportunité égaux. A lafloraison des spéculations sur ce thème correspond cependant un dénominateurcommun minimum unique et négatif: le peu (pour ne pas dire contradictoire) d''attention' terminologique et conceptuelle avec laquelle on commence à définir lephénomène en question. En effet, si d'une part ce phénomène n'aide pas à obtenircette clarté conceptuelle nécessaire—étant de plus en plus caractérisé par son aspecthétérogène et sa complexité—d'autre part cependant, ce qui manque peut-être estla capacité de lire le phénomène en partant de ses composantes structurelles et enidentifiant les liens de cause à effet analytiques dans leur 'juste' position. Pourreprendre les paroles de Robert Castel, il faut que la sociologie analyse les facteursqui précèdent les nouvelles formes d'exclusion pour évaluer ensuite les risques dela fracture sociale. Son avertissement important (d'où nous partons) est de ne pasnégliger les nécessités de nous interroger sur les dynamiques sociales globales quisont responsables des déséquilibres actuels, II y a certainement aujourd'hui des 'in'et des 'out' et ce qui compte est de reconstruire le continuum des positions qui les

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relient, en saisissant la logique à partir de laquelle les premiers produisent lesseconds (Castel, 1995).

Nous essaierons donc ici dans un premier temps d'identifier de façon synthétiqueles processus les plus significatifs en cours dans le système socio-économique, qui enmodifiant les situations d'équilibre actuelles, bien que dynamiques et conflictuelles,risquent de produire de nouvelles formes de faiblesse sociale (d'où une réponse à lanécessité d'identifier les causes à la base du phénomène examiné ici). Dans undeuxième temps, nous tenterons de mettre en évidence la façon dont le marché dutravail et le travail lui-même changent en fonction de ceux-ci. Dans un troisièmetemps, nous tenterons de donner une définition sociologique des nouvelles formesde faiblesse sociale en mettant en évidence ou en essayant également de mettre enévidence certains de ses indicateurs.

2. Les Changements Socio-économiques à la Base de l'Émergence deNouvelles Zones Sociales de Faiblesse

Nous devons donc tenir compte, avant de procéder à l'analyse des changementsspécifiques du travail, de certains phénomènes macro-sociaux (ou structurels, ousystémiques ou objectifs, selon les paradigmes interprétatifs utilisés) étroitement liésentre eux, concernant les pays qui ont un fort développement capitaliste (et parconséquent l'Europe) qui déterminent un changement radical des conditions detravail et posent le problème de rechercher une nouvelle direction de développe-ment possible.3

Tout d'abord, il faut prendre conscience du fait que la phase évolutive actuelledu système économique capitaliste porte à l'imposition tendentielle d'un nouveaumodèle de production (et par conséquent à un nouveau modèle de re-productionsociale) qui préfigure une philosophie productive fondée sur des principes opposésà ceux qui ont jusqu'ici caractérisé l'époque dite fordiste. Ce modèle productif,appelé génériquement par certains post-industriel, par d'autres post-fordiste, et pard'autres encore de Vaccumulation flexible (Harvey, 1993) tend à modifier profondé-ment la structure des entreprises (qui prennent la forme de réseaux globaux) et peutêtre décrit de façon synthétique et efficace à travers la conscience profonde(opposée à la conscience fordiste) qu'elle a de ses propres limites de développement(Revelli, 1995). Ce qui signifie que le 'capital' a devant lui non plus des ressourcesinfinies et des marchés sans limites à conquérir, mais des liens et des limites concretsà prendre en considération (les exemples d'écosystèmes à protéger, la disponibilitédécroissante de matières premières et d'énergie, la saturation du marché des biensindustriels traditionnels doivent être valables pour tous).4

Le deuxième macro-phénomène que nous devons garder bien présent à l'espritpour comprendre le nouveau panorama du travail est Y automation croissante d'unnombre de plus en plus grand d'activités, due au développement technologique(Rifkin, 1995). Nous assistons, selon certains économistes, à la consolidation d'unnouveau type de chômage structurel (et donc sur de longues périodes avec tendanceà l'irréversible) appelé structurel-technologique, dû à l'incapacité des nouveaux secteursproductifs, directement ou indirectement liés au développement technologique, àcompenser (l'action de ce que l'on appelle les 'effets compensateurs' du systèmeéconomique semble être mise en discussion) les pertes d'emplois des fonctionsautomatisées (Pini, 1994). Il faut également rappeler ici ce que l'on appelle'déstabilisation de la condition salariale' et c'est-à-dire la perte d'emploi denombreux travailleurs qui étaient auparavant considérés comme employés dans des

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activités protégées et stables (Castel, 1995) et le licenciement en masse des cadresintermédiaires (management intermédiaire ou cols blancs) (Rifkin, 1995) devenusinutiles dans l'entreprise flexible et minimale. Ce phénomène comporte la 'destruc-tion physique des hiérarchies traditionnelles d'entreprise', que l'on peut observerdans les grandes corporations (Giovannini, 1993).

Ces phénomènes impliqueraient donc l'affirmation d'une croissance sans emploi(jobless growth) et, par conséquent, l'incapacité du système économique de sediriger vers une situation de plein emploi, malgré et indépendamment de la repriseéconomique. Il faut également ajouter à tout ceci l'émergence des nouveauxmouvements de l'immigration (Reyneri, 1996) et, last but not least, la crise du welfarestate et de sa 'monnaie': la citoyenneté moderne, entendue comme un ensemble dedroits inconditionnels (entitlements, parmi lesquels le travail a représenté et repré-sente encore aujourd'hui à certains points de vue le droit principal) pour laredistribution des biens de marché {provisions) (Donati, 1993).

C'est en fonction de ces observations que nous allons maintenant essayer decomprendre quels sont les principaux changements liés au thème actuel sur lemarché du travail et sur la qualité du travail-même.

3. Les Changements du Travail en Relation aux Sujets

Les changements qui ont eu lieu sur le marché du travail et au niveau du travaillui-même, qui dépendent des phénomènes 'macro' susmentionnés, sont variés etdifférents les uns des autres. Nous allons donc essayer ici d'identifier ceux qui sontles plus utiles pour arriver à comprendre les formes émergentes d'inégalité, enpartant de la condition nécessaire qu'aujourd'hui le marché reste (encore et malgrétout) cet instrument qui alloue aussi bien l'injustice que la justice sociale (Polany,1974).

Dans un premier temps, nous devons garder à l'esprit le fait que le marché dutravail est caractérisé aussi bien par une plus grande hétérogénéité de la compositionsociale des sujets qui se présentent sur les marchés du travail, que par une variabilitéaccrue des prestations professionnelles et des carrières (Accornero, 1994; Giovan-nini, 1993). L'affirmation des nouveaux modèles de production et parallèlement larésistance de formes de travail de type typiquement fordistes et la recherche d'uneflexibilité de plus en plus grande dans les relations de travail de la part desentreprises, avec comme conséquence la diffusion de formes de travail atypique,comporterait donc une pluralisation croissante des formes de travail, parmi lesquelles semultipieraient des activités de travail de type précaire (au sens large du terme ounon) qui constituent la base de la segmentation des 'status' de travail (Maruani etReynaud, 1993; Lallament, 1994). Une pluralisation qui s'exprimerait également àtravers l'émergence, au sein de l'offre d'emploi, d'acteurs que l'on ne peut plussituer dans le cadre des zones conceptuelles traditionnelles du marché du travail(emploi, chômage, inactivité) mais qui se situent de plus en plus souvent à chevalsur les trois zones avec une superposition de rôles qui concerne souvent le mêmesujet (Zucchetti, 1991). Un autre phénomène à signaler est la perte d'importancedes 'blocs de demande de l'emploi' typiquement industrielle et standardisée aussibien du point de vue du nombre d'emplois que de l'homogénéité des qualitésrequises (Accornero, 1994). L'industrie (ceci est évident même dans les petites etmoyennes entreprises) tend à sélectionner le personnel en se basant sur de nouvellescaractéristiques et en misant sur de nouvelles capacités du travailleur. Elle em-

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bauche donc chaque personne en demandant d'une façon toute particulière, nonseulement des qualifications spécifiques, mais de la loyauté et de la participation. Cecinous amène directement à prendre en considération les changements 'subjectifs' dutravail, tant et si bien que Aldo Bonomi, dans sa récente et intéressante étude, aparlé du travail post-fordiste comme du travail des sentiments mis au travail (Bonomi,1996); et Bascetta de l'affaiblissement jusqu'à l'évanescence complète de la limiteentre travail et non travail' (Bascetta, 1994): on travaille non pas pour effectuer destâches, mais pour servir l'entreprise. Le mode de vie de la personne devient lacondition de son travail et de son revenu (Bascetta, 1994): à tel point que l'on aparlé du retour de travaux considérés serviles (Marazzi, 1994); et, en d'autrestermes, en référence à ce que l'on appelle 'société duelle' (Gorz, 1994). Latechnologie rend par ailleurs possible de nouvelles modalités de surveillance dutravail qui réussissent à pénétrer et à contrôler de façon analytique les habitudesquotidiennes du travailleur sur le poste de travail. 'Ces instruments contribuent àsuivre, et à manipuler, le temps et l'espace du travail, et à permettre à la directiond'identifier avec précision la position des ouvriers à un moment donné. Le rythmeet la qualité réelle du travail peuvent également être soumis à un monitorageélectronique' [David Lyon, 1997].

Par conséquent, ce qui est aujourd'hui demandé au travailleur est, en plus descompétences professionnelles de haut niveau, une grande faculté d'adaptation auxchangements (être flexible) de rythme et de fonctions, une force de travail polyop-érationnelle qui sait lire le flux communicatif, qui sait travailler en communiquant(Marazzi, 1994; Bonomi, 1996; Leonardi quand il cite le 'travail informel', 1993).En réalité, d'une part nous nous trouvons face à une expansion des emplois qui ontun contenu professionnel important et à une demande d'une plus grande profes-sionnalité dans de nombreux domaines de travail, d'autre part on assiste égalementà un processus—dramatique dans une certaine mesure—de polarisation des profes-sionnalitês. La distance entre la classe de niveau moyen et les classes non qualifiéesaugmente fortement depuis quelques années: tandis que ceux qui possédaient déjàdes niveaux de professionnalité moyens-élevés ont amélioré plus encore leurcontenu professionnel, ceux qui avaient de bas niveaux ont vu stagner leur position.Cette situation de distance entre les professionnalités existe principalement dans lesecteur tertiaire où, à la faible professionnalité d'un travailleur, s'accompagnentsouvent des conditions de travail précaires et une qualité du travail très médiocre.Ce phénomène (augmentation de l'éventail des différences) serait dû et iraitégalement de pair avec l'écart des emplois à haute et très haute productivité(travaux intellectuels) et les travaux qui, bien que nécessitant un effort significatifpour être réalisés, ont cependant un rendement productif très bas et ont égalementdes contenus et des fonctions que l'on peut facilement substituer ou automatiser. Dupoint de vue de la pluralisation 'subjective' de la signification du travail, en relationaux évolutions du travail, il faut aussi signaler l'affirmation d'une offre de travail'atomiste' qui essaie d'auto-représenter ses intérêts, qui 'active', et non seulement'subit' la demande d'un marché du travail où il est de plus en plus important defaire de bons passages (professionnalisants) plutôt que de longues (et déprofessionnal-isantes) permanences. (Accornero, Carmignani, 1986). Un dernier point importantà considérer est la difficulté croissante du syndicat; qui face aux changements dansle domaine du travail décrits ici, ne réussit pas à représenter les nouvelles exigencessociales de protection du travail et de promotion de la citoyenneté (même sion relève des signes de changement dans cette direction) (voir par exemple:Giovannini, 1993).

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La situation actuelle semble donc caractérisée par l'émergence de nouveauxprocessus profonds de segmentation et de stratification sociale, processus quitrouvent leur origine justement au sein des changements structurels qui accom-pagnent le monde du travail actuel. La transformation du marché du travail et lasegmentation croissante des positions traditionnelles de l'emploi et des conditionsprofessionnelles connexes, risquent d'ailleurs de miner à la base les formeshabituelles de solidarité sociale qui s'étaient consolidées en Italie et en Europe aucours des quarante dernières années, elles nous obligent à considérer attentivementel à vérifier de près les processus de marginalisation et d'exclusion qui tendent àcréer de nouvelles et graves formes d'inégalité sociale (Isfel, 1997).

4. Une Classification Possible des Catégories Faibles5

En prenant en considération ces observations, il faut maintenant faire un pas enavant et chercher à circonscrire et à spécifier le concept de catégories faibles sousun profil spécialement sociologique.6 Il faut dans un premier temps, à cet effet, êtrebien conscient du fait qu'une définition sociologique exhaustive des catégoriesfaibles ne peut pas être donnée une fois pour toutes, mais recherchée et mise enrelation dans toute situation socio-économique particulière et dans toute dynamiquespécifique d'exclusion alors présente. Actuellement, cette dernière serait étroitementliée, comme nous l'avons déjà rappelé, à l'arrivée à terme de la 'société salariale'et du modèle productif sur laquelle elle reposait, fondé sur le rapport (réglé pardes normes) de travail dépendant à temps indéterminé (destandardisation del'institution travail). Les nouvelles zones sociales de faiblesse seraient donc caractér-isées et par la présence inédite de sujets qui ne peuvent être identifiés à travers unconcept de 'catégories faibles' dans le sens traditionnel du terme et par le fait d'êtreen expansion progressive et préoccupante. Robert Castel (1996a) appelle les sujelsqui vivent cette forme de faiblesse non liée à des handicaps et/ou déficits personnelsceux qui ont été exclus par la conjoncture, les 'surnuméraires' ou, pour reprendre les motsde Jacques Danzelot 'les normaux inutiles'. Leur 'problème' viendrait du fait queles nouvelles exigences de Yhypercompétitivitê accompagnée de la réduction drastiqued'emplois les rendent 'inutiles' et non fonctionnels pour le développementéconomique du système (contrairement à la classe ouvrière de la société industriellequi ne pouvait être exclue des processus de production parce qu'elle constituait uneforce nécessaire à l'accumulation du capital).7

Mais pour bien comprendre la réalité de ce phénomène et essayer de le définir,nous ne pouvons pas nous arrêter ici, mais il faut faire une autre distinctionimportante: nous croyons qu'il est surtout nécessaire de différencier des situationsde grave faiblesse qui comportent le risque d'une émargination sociale commeconséquence, et celles qui, au contraire, représentent des situations qui sontprincipalement caractérisées par la difficulté à stabiliser ou améliorer leur propreprésence sur le marché du travail (et qui ne présentent donc pas des situations derisque extrême d'émargination sociale comme les premières). Il est en effet possibled'observer, à travers les informations statistiques dont nous disposons, qu'il existedes zones sociales potentiellement plus exposées au risque de chômage et/ou desous-emploi: les jeunes et les femmes par exemple, mais seulement une partied'entre eux, en relation aux nombreux facteurs que nous prendrons bientôt enconsidération, se trouveront dans des situations de faiblesse sociale.8 Il devient alorsnécessaire de les distinguer également au niveau de la terminologie: en appelant les

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premières catégories faibles émergentes et les deuxièmes zones sociales de malaise lié àl'emploi.

Les catégories faibles émergentes (ceci étant l'émergence sur laquelle nous voulons fixernotre attention) doivent alors être définie, en tenant compte du fait que leurfaiblesse est bel et bien économique (difficulté à se stabiliser sur le marché dutravail), mais seulement la rencontre de cette dernière avec d'autres déficitspersonnels et relationnels, normatifs et culturels du sujet peut comporter laformation d'une situation de véritable faiblesse sociale. Ce serait donc la rencontrecomplexe de facteurs internes à la condition de travail (ou de la condition non liéeau travail) avec d'autres facteurs sociaux qui se forment en-dehors du monde dutravail, qui conduirait à la faiblesse sociale. Nous croyons que Aris Accornero etPaolo Giovannini, quand ils parlent de prêter attention aux inégalités horizontales(horizontales dans la mesure où elles traversent de façon transversale la conditionde travail et dépendent également de facteurs de nature sociologique) (Accornero,1994; Giovannini, 1993; mais aussi Dahrendorf, 1995), veulent se référer justementà ces conditions.9 Mais allons encore plus loin.

Les catégories faibles émergentes, alors, sont au contraire des sujets qui rentrent dansce que l'on appelle les zones de malaise lié à l'emploi, une tentative de définitionencore plus sociologique qui tente d'identifier les zones de la faiblesse sociale dansla mesure où elle désigne non seulement la difficulté d'un acteur sur le marché del'emploi (la 'dimension économique' reste en tout cas un point de vue privilégié),10

mais l'individu en relation et c'est-à-dire la personne placée dans son contexte sociald'appartenance. Les catégories faibles émergente:s, pour être définies du point devue sociologique de manière valable et fiable, doivent donc être vues non seulementcomme porteuses de déficits inhérents à la 'sphère économique', mais aussi desituations qui mettent en évidence, dans un rapport circulaire avec celle-ci, desdéficits relationnels (manque de réseaux primaires de soutien, réseaux sociaux peuétendus), contextuels (vie quotidienne dans des contextes difficiles ou dégradés),culturels (incapacité à donner un sens à la complexité sociale), normatifs (nonreconnaissance institutionnelle de la faiblesse). Les relations entre les différentesdimensions déficitaires composeront et rendront ensuite explicite le degré defaiblesse sociale effective.

Nous pourrions prendre, en qualité d'exemple clarificateur, comme sujet typiquede cette catégorie, le chef de famille homme adulte, d'âge moyen-élevé (entre 40 et50 ans), ancien ouvrier d'une grande industrie, qui a perdu son emploi—protégéauparavant et aujourd'hui sacrifié par les 'restructurations' d'entreprise et parl'automation—et se trouve soudain exclu de son activité productive, et qui tend icià rendre chronique sa situation de chômage (chômage de longue durée). Dans uneenquête réalisée par l'Isfel en collaboration avec le C.I.Do.S.Pe.L. du Départementde Sociologie de Bologne, demandée par l'Unioncamere de l'Emilie-Romagne, onprenait en considération comme sujets appartenant potentiellement aux catégoriesfaibles émergentes deux typologies de travailleurs adultes: ceux inscrits sur les listesdes bureaux de placement et les travailleurs inscrits sur les listes de mobilité(Benedetti, 1991).

Il ressort de cette enquête une confirmation de ce que l'on a affirmé, c'est-à-direqu'un profil de chômeurs adultes possédant un niveau de professionnalité peu élevéémerge, avec des caractères de faiblesse évidents et clairs, confirmés par différentsfacteurs, comme: les temps longs de chômage, l'existence de différences entre lesexigences du marché, également en fonction des besoins de compétitivité, et laprofessionnalité aquise (et les sujets en question sont plutôt conscients de cela), la

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précarité et l'insécurité relatives à l'emploi, les comportements liés à la recherched'emploi, qui souvent ne sont pas désinvoltes mais problématiques et viennents'ajouter à l'apathie, à la sensation de malaise et de découragement pour l'avenir.Pour confirmer davantage encore les observations préalables, on note cependantune faiblesse différente entre les deux catégories de sujets, due à des caractéris-tiques intrinsèques différentes pour les deux groupes. On a d'abord identifié troisgroupes de facteurs qui influencent et différencient le comportement de ces sujets:la condition familiale, socio-économique et culturelle (plus forte et stable celle destravailleurs en mobilité), les caractéristiques liées aux carrières précédentes (plusstandards et moins spécifiques pour les inscrits dans les bureaux de placement), leniveau de qualification professionnelle (moins élevé pour les inscrits dans lesbureaux de placement). D'autres facteurs qui influencent profondément les deuxréalités différentes sont le sexe (les personnes inscrites dans les bureaux deplacement sont surtout des femmes) et le taux de scolarisation (qui est plus élevépour les travailleurs en mobilité). Ce qui ressort surtout de ces éléments est le faitque pour les travailleurs inscrits dans les bureaux de placement, on observe unmanque de volonté, un découragement et une difficulté à chercher du travail, enplus d'une disposition plus forte à s'adapter également à de bas salaires ou à desemplois sans qualification. Les travailleurs en mobilité, au contraire, qui sontprotégés du point de vue économique (également sous l'aspect normatif), fontpreuve d'exigences plus élevées, de moins de flexibilité et/ou de capacitéd'adaptation, mais d'un comportement plus actif et donc moins faible, parce qu'ilsont plus de compétences à investir et ont également plus de temps à leurdisposition pour chercher un meilleur emploi. D'autre part, ce type de travailleursattribue les causes de leur état de chômage principalement à des conditionsextérieures liées à la crise économique, à la distribution inique du travail sociale-ment disponible et aux comportements des entreprises, tandis que les chômeursinscrits dans les bureaux de placement se sentent davantage 'victimes d'eux-mêmes' et de leur façon de se poser sur le marché du travail, indépendemment ducontexte ambiant. En effet, les motifs le plus souvent évoqués pour expliquer leursituation au niveau du travail sont une faible profèssionnalité, l'incapacité d'unelecture attentive du marché du travail comme il apparaît aujourd'hui, c'est-à-direcomplexe et multi-dimensionnel.

Par contre, la situation de l'emploi des jeunes est influencée par d'autres facteurscomme l'aide des familles d'origine qui soutiennent leurs conditions de vie. Lesjeunes donc, même s'ils ont du mal à consolider et à donner un projet à leurcondition au niveau de l'emploi (avec tous les problèmes que c,ela comporte) ontgénéralement aussi moins de difficultés à construire des 'status' sociaux de substi-tution (Schnapper, 1994) et des parcours de transition positifs et constructifs. Sanstenir compte de l'exemple que nous venons de citer, il faut en tout cas répéter etgarder à l'esprit la difficulté actuelle croissante de subdiviser et d'englober en classeshomogènes de risque l'exclusion du marché de l'emploi et les nouvelles formes defaiblesse sociale émergentes; chaque exclu devient en effet un cas particulier,impossible à représenter en fonction des étiquettes classiques d'interprétation(Marazzi, 1996).

5. Les Factuers que Contribuent à Former des Formes de FaiblesseSociale Inédites

Le problème devient maintenant de réussir a qualifier dans leurs contenus lesnouvelles formes de faiblesse sociale qui se produisent en rapport à la situation occupée

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par un sujet sur le marché de l'emploi.11 Il est important, dans un premier temps,d'avoir conscience du fait que la dimension purement économique (position dupoint de vue de l'emploi et du revenu) d'un sujet n'est pas suffisante pourdéterminer seule son degré de faiblesse sociale. 'Le degré effectif d'inégalité desopportunités que les personnes rencontrent ne peut pas être immédi:atement déduitde l'ordre de grandeur de l'inégalité des revenus, parce que ce que nous pouvonsfaire, ce que nous pouvons ou ne pouvons pas acquérir, ne dépend pas seulementde notre revenu, mais également de la variété des caractéristiques physiques etsociales qui influent sur nos vies et qui nous font ce que nous sommes' (Sen, 1994;p. 49). Il faut donc prendre en considération, pour évaluer la faiblesse, d'autresfacteurs significatifs de faiblesse qui, si présents ensemble, peuvent mettre un sujetdans Vincapacité12 de choisir (librement entre plusieurs possibilités) et d'acquérir sapropre position optimale sur le marché de l'emploi et par rapport à ce dernier (dansla terminologie de Sen, fonctionnement) son bien-être social.

Il est donc possible, grâce aux considérations exprimées jusqu'ici, de mettre enévidence une série de facteurs qui, s'ils sont mis en relation et (plus ou moins)présents ensemble chez un sujet sans stabilité au niveau de l'emploi et insatisfait desa position sur le marché de l'emploi, contribuent au développement d'une formede faiblesse sociale significative:13

Variables 'qualitatives' qui contribuent au développement de formes de faiblessesociale inédites chez des suiets qui ont des problèmes au niveau de l'emploi(catégories faibles émergentes):

Incapacité d'analyser et de traiter le monde symbolique caractéristique de lacomplexité (faiblesse culturelle);

Impossibilité de reconvertir et de (re)donner une direction et un 'pouvoir' auxprofessionnalités devenues inadaptées par rapport aux exigences du marché (faib-lesse économico/professionnelle);

Réseaux sociaux primaires peu solidaires et secondaires peu étendus et qui nesont pas étendus sur la globalité. Distance sociale par rapport aux éliteséconomiques et sociales (faiblesse relationnelle);

Non reconnaissance institutionnelle de la faiblesse sur le marché de l'emploi(faiblesse normative).14

Plus les facteurs qui sont présents parallèllement chez un sujet seront nombreux,plus celui-ci sera exposé au risque de marginalisation sociale. Comme nous avonsessayé de le démontrer, la position occupée sur le marché de l'emploi maintient unesuprématie fonctionnelle quant à l'identification des nouvelles faiblesses, mais ceci nesuffit pas à expliquer le risque réel d'exclusion sociale d'un sujet.15 Il faut en effettenir compte également d'autres facteurs comme les facteurs relationnels, culturels,normatifs et économico-professionnels. Par exemple, l'installation d'une relationentre faiblesse économique et faiblesse culturelle tend à créer une situation person-nelle d'orientation difficile sur le marché du travail, ainsi que des difficultés à créerdes 'status' sociaux de substitution différents de ceux liés au domaine du travail: larelation entre la faiblesse économique et la faiblesse relationnelle cache souvent unefamille et/ou un contexte relationnel qui n'est pas apte à absorber et jouer un rôlepositif de médiateur sur la situation de chômage ou de sous-emploi. Le rapportentre une faiblesse économique et la faiblesse normative pose la question de lareconnaissance et de la 'protection' institutionnelle de ces sujets qui, n'ayafnt pasune professionnalité adaptée aux exigences actuelles du marché, tendent à rendreprécaire leur présence sur celui-ci. Naturellement, plus il y aura de facteurs de

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faiblesse (en relation et) présents ensemble, plus grave sera le risque de marginalisa-tion sociale.

Nous pouvons maintenant définir, grâce aux considérations exprimées jusqu'ici,les catégories faibles émergentes comme cet ensemble de sujets qui vivent, à causedes nouvelles dynamiques émergentes d'exclusion sociale, des situations de gravefaiblesse encore peu perçue par la société et pour lesquels les normes existantes neprévoient pas la nécessité de mécanismes particuliers à l'appui de leur présence surle marché de l'emploi. La faiblesse (et le degr,é de faiblesse) de ces sujets dépenddonc de la présence croisée de déficits professionnels, relationnels, culturels etnormatifs dans le sens considéré ci-dessus.

Nous reproduisons ci-dessous un schéma récapitulatif pour essayer de rendre plusclaires nos conclusions:

déficits personnels et/ou sociaux déficits socio-économiques déficits économiques< >zones de malaise lié à l'emploi catégories faibles émergentes catégories faibles traditionnelles

Dans le cas des catégories faibles traditionnelles, les causes du désavantage sontliées à l'individu et ne sont pas liées directement aux dynamiques d'exclusion dusystème économique; dans le cas des catégories faibles émergentes c'est au contrairela rencontre des dynamiques d'exclusion émergentes avec d'autres déficits sociaux(culturels, relationnels, économico/professionnels et de protection normative) quicrée la situation de faiblesse; dans le troisième cas au contraire, nous nous trouvonsdevant des situations qui comportent des difficultés de caractère économique duesà l'insertion précaire sur le marché de l'emploi, mais qui ne conduisent pasnécessairement (même si souvent elles en posent les bases) à des situations demarginalisation sociale.

Reconnaître l'existence de larges zones sociales (qui sont aujourd'hui de plus enplus hétérogènes) qui émergent comme porteuses de nouvelles formes de faiblesse,ne doit pas et ne peut pas se réduire à un acte purement 'réthorique'. Il faut quela sociologie, en tant que discipline théorique pratique, indique des parcourspossibles d'intervention sociale qui partent tout d'abord de la conscience ducaractère multidimensionnel du phénomène examiné et proposent des formesd'intervention cohérentes avec la complexité d'expression actuelle du phénomène.16

6. Conclusions

Si la caractérisation et la définition sociologique des nouvelles catégories faibles(considérées dans les différentes acceptations que nous avons identifiées) n'estcertainement pas une tâche facile, il est plus difficile encore d'identifier les solutionspossibles aux graves problèmes d'intégration sociale (considérée également entermes de crise de la citoyenneté) qui se manifestent dans le tissu social. Le débatest ouvert et les recettes proposées sont nombreuses: certains mentionnent unecapacité supposée 'auto-régénératrice' du marché qui devrait être libéré des liens etentraves de l'Etat interventionniste (davantage de citoyenneté à travers davantagede marché ou à travers un marché plus efficace); d'autres, au contraire, sontfavorables à une plus forte présence de l'Etat comme redistributeur compensatoiredes richesses aux exclus. Et on trouve également une troisième position qui consisteà affirmer l'incapacité de ces deux perspectives à comprendre correctement lesenjeux (si l'on n'est pas en mesure de saisir complètement l'affirmation cle la sociétépost-industrielle et le dépassement nécessaire conséquent du trade off entre Etat-

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marché comme lieu de mise en oeuvre de la citoyenneté) et qui indique larésolution des problèmes par la construction d'une nouvelle citoyenneté, directe-ment issue des subjectivités sociales et de ce que l'on appelle les corps intermédiairesdu social (par exemple, Donati (1993)). Naturellement, notre intention n'est pasd'aborder ici et de tenter de trouver des réponses à un débat aussi complexe etpolyvalent. Nous souhaiterions au contraire nous limiter (et de cette façon choisirimplicite :ment une position à l'intérieur de ce débat) à exprimer l'opinion d'unemise en oeuvre nécessaire de nouvelles actions politiques (et en particulier despolitiques d'insertion) pour affronter le thème des faiblesses sociales émergentes quine peuvent absolument pas être laissées aux soins de ceux qui considèrent ladérégulation des marchés comme la seule recette possible. Notre opinion est qu'ilfaut penser à deux types différents d'intervention, un à court terme et l'autre à longterme. Dans le cas des sujets situés dans les zones de malaise occupationnel,caractérisées par la précarité et la faiblesse économique qui risquent de miner à labase le tissu social, il faudra penser à de véritables politiques (alternatives) dedéveloppement social et économique de grande ampleur qui peuvent s'inscrireuniquement au sein de projets globaux de réforme du Weifare et des droits decitoyenneté (qui tiennent compte également des processus de différenciation socialeactuels).

En plus, pour ces sujets, par exemple les jeunes et/ou les femmes, il faudra tenircompte de leurs capacités et de leurs connaissances qui, même si elles ne sont pasimmédiatement requises par le marché, sont en même temps le fruit d'un parcoursde formation et de vie spécifique. Tenir compte des exigences, des attentes et dubesoin qu'ont ces sujets de pouvoir penser également en termes de projet de viesignifie alors tenter leur valorisation en les orientant vers de nouvelles professionsémergentes, vers des emplois créatifs, flexibles, autonomes ou en tout cas vers unedimension qui leur permette de se réaliser également comme citoyens.

A court terme, au contraire, dans le cas des catégories faibles émergentes quiexpérimentent des problèmes immédiats de grave marginalisation sociale, il faudraau contraire penser à une intervention urgente de soutien ad hoc (spécifique selonles exigences) pour chaque sujet impliqué. Il faut donc in primis distinguer claire-ment les dynamiques d'exclusion véritables de l'ensemble des composants quiconstituent aujourd'hui la question sociale et économique dans son ensemble. Puis,s'agissant d'intervenir sur des catégories de sujets extrêmement fragiles, agir de tellefaçon que les politiques mises en oeuvre à leur égard ne se transforment pas enpolitiques de discrimination négative. Dans un troisième temps et avant tout, il fautse rappeler que la lutte contre l'exclusion doit être menée non seulement en termesde réparation mais surtout en termes de prévention, en intervenant sur les phénomè-nes émergents de dérégulation et de déstabilisation qui trouvent leur origine dansle coeur même de l'évolution actuelle de la production.

Il faut donc concevoir une ample action de politique sociale qui repose sur deuxstratégies d'intervention différentes et simultanées. La première doit avoir l'objectifd'intervenir sur les fonctionnements pervers du système économique et social afind'éviter de façon préventive la formation des inégalités et la deuxième (que nouscroyons tout aussi importante) doit avoir pour objectif l'intervention par despolitiques (et de nouvelles normes) ciblées d'action sur ces sujets (que nous avons icidéfinis comme catégories faibles émergentes) qui se trouvent déjà dans des situationsd'extrême marginalisation sociale et qui ne peuvent être ni ignorés, ni considérésseulement comme des sujets passifs que l'on doit assister. Il faut agir rapidement,notamment parce que nous nous trouvons devant des fractures sociales profondes

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qui mettent en crise les formes traditionnelles de la solidarité sociale et qui nousobligent à les repenser aujourd'hui rapidement et de façon plus urgente que jamais.

Notes1. L'essai est le résultat d'un travail commun d'approfondissement des chercheurs du

C.I.Do.S.Pe.L.; toutefois, pour des motifs purement formels, les paragraphes 1 et 2 sont àattribuer à Michele La Rosa, les paragraphes 3 et 5 à Federico Chicchi et les paragraphes 4 et6 à Claudia Dall'Agata.

2. L'hypothèse sur laquelle se fondent toutes nos considérations exprimées ci-après, est la convic-tion que le travail, malgré sa 'raréfaction' progressive et croissante, reste, quoi qu'il en soit,aujourd'hui l'une des activités indispensables pour déterminer l'appartenance, la reconnaissanceet la dignité sociale d'un acteur social quel qu'il soit.

3. Naturellement, nous ne pourrons qu'en identifier quelques-uns de façon très synthétique, et nousrenvoyons les personnes intéressées par l'approfondissement à certains textes significatifs citésdans la bibliographie.

4. Nombreux sont les phénomènes qui accompagnent et qui ont porté à cette 'discontinuité'productive; nous citerons ici ceux que nous considérons comme les plus significatifs: laglobalisation et l'internationalisation des marchés (et donc de la concurrence) et des finances(Reich, 1993), l'expansion d'abord et l'affirmation ensuite du secteur tertiaire et par conséquentl'interconnexion croissante du secteur industriel avec celui des services, par exemple dans le sensd'une prolifération des services à des fins de distribution et de vente (Marazzi, 1994), del'importation des modèles d'organisation japonais (Toyotisme) caractérisés par la 'productionlégère' et par l'externalisation de segments de production tout entiers et avec eux des risques desurproduction (l'usine minimale'); l'importance de la communication, considérée comme un fluxd'informations, dans les nouveaux cycles productifs qui permet de réaliser le renversement durapport entre production et consommation (production de qualité faite sur commande) (Marazzi,1994), la perte d'importance économique des matières premières physiques (hardware) parrapport aux matières premières incorporelles (software), etc. .

5. L'acception de catégories faibles à laquelle on fait référence, en utilisant de manière génériqueun terme qui au contraire, pour les spécialistes, a un sens bien codifié et non spécifique(personnes portant un handicap, invalides, ex-détenus, etc.), ne désigne donc pas ces sujets quiont déjà eu en Italie une reconnaissance normative de leur faiblesse au point de vue de l'emploi(par exemple la loi no. 482 de 1968 et la loi no. 104 de 1992 désignent certaines catégoriesd'individus auxquels est reconnu, entre autre, le droit au placement obligatoire). Nous ap-pellerons ces sujets catégories faibles traditionnelles parce qu'il nous semble que l'urgence actuelle estde mettre en évidence ces nouvelles formes de faiblesse qui, dans la mesure où elles ne sont pasencore reconnues d'un point de vue institutionnel, ne sont pas aidées ni stimulées comme il lefaudrait. De plus, dans le cas des catégories faibles traditionnelles, le rapport entre faiblessesociale et condition au niveau de l'emploi n'est pas 'circulaire', puisque c'est clairement et surtoutle premier facteur qui cause le second, et non le contraire. (Voir à ce sujet une rechercheeffectuée par l'Isfel en collaboration avec le C.I.Do.S.Pe.L. du Département de Sociologie dutravail de Bologne et commandée par l'Unioncamere sur 'Catégories de malaise lié à l'emploiet catégories faibles sur le marché du travail: projet de fatibilité pour certains services régionaux',1996-1997).

6. C'est-à-dire qui soit capable de rendre compte de la complexité du social qui, bien sûr, ne peutpas être appréhendé exhaustivement en restant à l'intérieur (ou dans les environs) du paradigmethéorique néoclassique du choix rationnel, défini par certains, et non à tort, comme unhyper-rationnalisme méthodologique sans fondements sociologiques (voir entre autre Salvati (1993)).

7. 'Quel rapport entre tout cela et la globalisation? Lorsque l'on parle de la nouvelle inégalité, dela divergence croissante entre sommet et base de la pyramide sociale, il faut absolument serabattre sur l'option rétribution basse-haute spécialisation. On reconnai'aft aux personnes quipossèdent les capacités recherchées un salaire appréciable, mais beaucoup d'autres, quibénéficiaient avant d'un salaire raisonnable, ne peuvent maintenant plus compter que sur unrevenu misérable et souvent irrégulier. Il ne semble pas non plus y avoir une voie qui offre unepossibilité de remonter la pente. Certaines personnes (aussi terrible que puisse sembler le faitmême de l'écrire) ne sont tout simplement pas utiles: l'économie peut se développer même sansleur contribution; de toutes les façons que l'on considère la question, ces personnes ne sont pasun bénéfice pour le reste de la société, mais un coût' (Dahrendorf, 1995, p. 36).

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8. Il n'est en effet pas correct d'affirmer que le fait d'appartenir à un groupe social qui présentestatistiquement de graves difficultés de stabilisation de leur propre condition sur le marché dutravail (comme par exemple les jeunes) comporte une forme de grave faiblesse sociale automatiqueet subjective. Même si, naturellement, en termes généraux l'information est en mesure demontrer efficacement l'émergence d'une 'urgence sociale' qu'il ne faut pas sous-estimer maisprendre en considération; le problème ici, il faut le préciser, se pose a un autre niveau d'analyse.

9. Nous croyons qu'il devient alors nécessaire, d'un point de vue méthodologique et dans uneperspective de recherche sur le terrain, de cibler l'analyse sur la nature des trajectoiresbiographiques individuelles d'exclusion.

10. 'Le fait que la position dans la division sociale du travail soit encore aujourd'hui déterminantepour la configuration des droits de citoyenneté et pour en donner la titulante, est à attribuer àl'importance qu'une telle structure a eu pour les sociétés fondées sur le travail; il me sembleprévisible qu'une telle prééminence survivra longtemps, même dans les futures sociétés du tempslibre' (Ammassali, 1993).

11. Nous croyons utile d'exploiter dans ce but les précieuses observations faites par Amartya Sen surle thème de l'inégalité dans Sen (1992).

12. Nous nous référons ici au concept de capabilities de A. Sen.13. Naturellement ceci représente une hypothèse entièrement à contrôler et il faudra effectuer des

recherches empiriques pour vérifier si ces caractéristiques représentent réellement des facteurssignificatifs de faiblesse sociale et essayer d'en identifier d'autres qui ont échappé à la reconnais-sance théorique.

14. La nécessité de revoir et de repenser les fondements du droit du travail dans le but de l'adapterau 'nouveau' marché du travail et à la nouvelle situation économique est désormais une opinionlargement diffuse. Voir au sujet de la réalité italienne Mattone (1996), Pizzoferrato (1995), Renga(1995) et plus généralement Castel (1996b). Ce dernier affirme 'Il en résulterait que l'une desvoies—si ce n'est la voie royale—à explorer pour trouver une sortie honorable de la crise dutravail que nous traversons serait un redéploiement du droit du travail'.

15. Il est de moins en moins possible, nous dit Giovanna Procacci dans son récent et brillant article(en se rapprochant, à notre avis, de la thèse que nous exposons ici), d'utiliser une grilleexclusivement économique pour épuiser la lecture de l'inégalité sociale. Au contraire, plus nousregardons les informations du revenu, plus il est possible de se rendre compte, ajoute-t-elle, quela détermination sociale du phénomène devient de plus en plus complexe à vue d'oeil.

16. La question de savoir comment parvenir à identifier les sujets qui vivent des situations defaiblesse extrême et qui peuvent accéder aux nouvelles formes de soutien est tout autre quesimple. Une proposition possible pourrait être de partir de ces sujets qui occupent des positionsparticulièrement désavantageuses sur le marché du travail. Par exemple, les chômeurs de longuedurée (en utilisant à cet effet les listes des chômeurs de longue durée qui existent dans les bureauxde travail situés dans chaque province). Mais ceci ne peut et ne doit pas être suffisant. En effet,on risquerait de laisser de côté une vaste et très large catégorie de sujets qui exercent des activités'illégales' et non contrôlables ainsi que la plupart des travailleurs précaires ou sous-employés. Anotre avis il faut donc alors penser également à des formes de protection qui soient interdépen-dantes et qui prennent en considération, dans leur application, non seulement la positionofficielle occupée par le sujet sur le marché du travail, mais aussi le revenu et la situationfamiliale, le niveau d'instruction, le cadre de vie, les protections existantes prévues par les normesen vigueur, le niveau de professionnalité du sujet, etc.

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