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Travail posté et/ou de nuit
et effets sur la santé
Dr Maria GONZALEZ
Service de Pathologie Professionnelle et Médecine du Travail
Pôle Santé Publique - Santé Travail Hôpitaux Universitaires de Strasbourg
67091 STRASBOURG Cedex
Travail posté et/ou de nuit et risques de cancer
Classement en groupe 2B par le CIRC en octobre 2007
(shift work that involves circadian disruption)
Environ 20 % des travailleurs en Europe et aux USA sont concernés par le travail posté et de nuit
Secteur de la santé, industries, mines, transports, loisirs, communication, hôtellerie – restauration, sécurité-secours etc .
Le travail de nuit est celui qui est le plus perturbateur pour l’horloge biologique
Plusieurs études épidémiologiques concordantes pour montrer une augmentation modérée mais significative du risque de cancer du sein notamment chez les infirmières et les hôtesses de l’air
Facteur principal de biais : la définition du travail de nuit très variable selon les études
Nombreuses études chez l’animal portant sur le développement de tumeurs lors de l’exposition à la lumière la nuit ou en cas de perturbation des rythmes circadiens
De même pour les études sur le lien entre la baisse de la sécrétion de mélatonine et la survenue de cancers
L’exposition à la lumière la nuit perturbe la sécrétion de mélatonine, entraîne une altération des rythmes circadiens, des troubles du sommeil ainsi qu’une perturbation de l’expression des gènes de l’horloge biologique avec pour conséquence un risque accru de cancers
En conclusion, le CIRC a jugé qu’il y avait suffisamment d’éléments sur le plan animal mais des données plus limitées chez l’humain et a décidé de classer le travail posté avec perturbation des rythmes circadiens comme probablement cancérogène chez l’Homme (2A)
K. Straif et al. The Lancet Oncology, dec. 2007, vol 8, 1065-1066
IARC monographs n° 98 - Shift-work, Painting and Fire-fighting
Dès 1987, l’hypothèse du rôle de l’augmentation de l’utilisation de la lumière la nuit a été évoquée comme pouvant en partie jouer un rôle dans la forte augmentation des cancers du sein notée dans les pays occidentaux
Ceci par le biais d’une suppression de la sécrétion de mélatonine la nuit augmentation de la sécrétion de certaines hormones comme les œstrogènes (œstradiol) augmentation et prolifération des cellules hormonosensibles du sein
Cancer du sein chez les femmes atteintes de cécité
Melatonin deficiencies in women. U. Rohr et al.
Maturitas 41 suppl 2002 S85 – S104
Auteurs Année Type d'étude Population
Nb
cancers
du sein
Risque
estiméIC95%
Pukkala et al. 1995Cohorte, suivi de 1967 à
1992
1 577 hotesses de l'air des
lignes aériennes finlandaises20 1,87 1,15-2,23
Lynge 1996Cohorte, suivi de 1970 à
1996
915 hotesses de l'air des lignes
aériennes danoises14 1,61 0,90-2,70
Wartenberg et
Stapleton1998 Cohorte rétrospective
287 hotesses de l'air des lignes
US à la retraite7 2,00 1,00-4,30
Haldorsen et al. 2001Cohorte rétrospective
(1953-1996)
3 105 hotesses de l'air des
lignes aériennes norvégiennes38 1,10 0,80-1,50
Rafnsson et al. 2001Cohorte rétrospective
(1955-1997)
1 532 hotesses de l'air des
lignes aériennes islandaises26 1,50 1,00-2,10
Reynolds et al. 2002Cohorte, suivi de 1988 à
1995
44 021 hotesses de l'air de
Californie60 1,42 1,09-1,83
Linnersjö et al. 2003Cohorte rétrospective,
suivi de 1961 à 1996
2 324 hotesses de l'air des
lignes aériennes suédoises33 1,30 0,85-1,74
Kojo et al. 2005Cas-témoins nichée dans
la cohorte finlandaise
1 098 hotesses de l'air
finlandaise nées avant 196027 1,72 0,70-4,27
Hôtesses de l’air et cancer du sein
Exposition répétée à des voyages transméridiens
(supérieur à 3 fuseaux horaires)
Auteurs Année Type d'étude Population ExpositionNb cancers
du seinRisque IC95%
Schernhammer
et al.2001
Cohorte (suivi
1988-1998)
Infirmières (Nurses Health
Study, USA)
Travail de nuit "au moins 3
nuits par mois"2 441 1,36 1,04-1,78
Hansen 2001Etude cas-témoins
(1970-1989)
Population générale (femmes
notifiées au registre des
cancers du Danemark)
Travail de nuit "au moins 60
% du temps pendant une demi
année dans les 5 années"
7 035 1,50 1,20-1,70
Davis et al. 2001Etude cas-témoins
(1992-1995)
Population générale (femmes
notifiées au registre des
cancers de Seatlle, USA)
Travail en équipe de nuit
"début du travail après 19 h et
arrêt du travail avant 9 h"
813 1,60 1,00-2,50
Etre éveillée la nuit au
moment du pic de mélatonine
(2-3h du matin)
1,14 1,01-1,28
Allumer la lumière la nuit 1,03 0,90-1,18
O'Leary et al. 2006Etude cas-témoins
(1996-1997)
Population générale (femmes
notifiées au Long Island
Breast Cancer Study Project,
New-York, USA)
Travailler plus d'une nuit par
semaine depuis plus de 8 ans576 0,32 0,12-0,83
Allumer la lumière la nuit et
se lever plus de 2 fois par nuit1,65 1,02-2,69
Lie et al. 2006
Etude cas-témoins
nichée dans une
cohorte
Cohorte d'infirmières
norvégiennes diplômées entre
1914 et 1960
Reconstruction a posteriori
du nombre d'années
travaillées la nuit (plus de 30
ans)
537 2,21 1,10-4,45
Travail de nuit et cancer du sein
Risque significativement plus élevé chez les femmes travaillant de nuit ou
réveillées plusieurs fois par nuit
Méta-analyse réalisée par S. Megdal en 2005
sur 13 études : travail de nuit et cancer du sein
Night work and breast cancer risk: a systematic review and meta-analyse. S. Megdal et al.
European Journal of cancer 41 (2005) 2023-2032
Risque relatif commun = 1,48 (IC95% : 1,36-1,61)
Biais possibles
Définition du travail posté et du travail de nuit variable suivant les auteurs et les pays
Equipes alternantes ou fixes de nuit pas toujours bien spécifié, très peu d’effectifs de salariés travaillant de nuit uniquement en équipes fixes
Facteurs de confusion mal pris en compte : tabagisme et IMC habituellement plus élevés chez travailleurs postés, prise d’oestroprogestatifs, nombre d’enfants, alcool, stress, rayonnements etc .
Méta-analyse « personnel navigant », travail
posté et cancer (Erren et al. 2008)
Analyse de plus de 30 études
Augmentation du risque de cancer du sein de
70 % chez les hôtesses de l’air et 40 % chez
les travailleurs postés
Revue de la littérature publiée en 2008
Synthèse de plus de 13 études épidémiologiques dont 8 pour cancer du sein, 3 pour cancer prostate, 3 pour cancer colon et 4 pour autres cancers
6 nouvelles études depuis la méta-analyse de Megdal en 2005 et non prise en compte des études chez les hôtesses de l’air
Possibilité que le travail posté de nuit sur une longue période (plus de 20 - 30 ans) augmente le risque de cancer du sein
Augmentation du risque qui reste toutefois modérée
Rester cependant prudents car le nombre d’études publiées est faible et porte essentiellement sur 2 métiers (infirmiers et personnel navigant), possibilités de facteurs de confusion
Pour les autres cancers (prostate, colon, utérus), les études sont encore trop peu nombreuses pour pouvoir conclure
Rester aussi prudents sur la transposition des données animales (faites sur des animaux plutôt nocturnes comme souris et rats) à l’homme
H. Kolstad. Nightshift work and risk of breast cancer and other cancers.
Scand J Work Environ Health 2008, vol 34, n°1, 5-22
Mécanismes en cause
Plusieurs mécanismes biologiques peuvent
possiblement expliquer une association entre cancer
et travail de nuit et/ou travail posté et sont démontrés
au plan expérimental :
◦ Suppression de la sécrétion de mélatonine nocturne
◦ Modulation des gènes horloge et désynchronisation des
rythmes circadiens
◦ Privation et déstructuration du sommeil
◦ Perturbations des sécrétions cortico surrénaliennes et du
rythme thermique
Propriétés oncostatiques de la mélatonine
Action oncostatique pour les cancers hormono-dépendants [Cos et al., 2006] In vivo chez le rongeur, la mélatonine empêche la promotion et la
croissance des tumeurs mammaires
In vitro, la mélatonine inhibe la prolifération des cellules cancéreuses mammaires
Propriétés oncostatiques peuvent être expliquées par : Effet indirect lié aux interactions de la mélatonine avec l’axe
gonadotrophique [Reiter, 1980]
Action anti-oestrogénique de la mélatonine sur les cellules mammaires [Molis et al., 1994]
Action anti-oxydante liée aux propriétés immunologiques de la mélatonine [Fraschini et al., 1998 ; Allegra et al., 2003]
Action inhibitrice de la mélatonine sur l’activité de la télomérase sur les cellules tumorales [Leon-Blanco et al., 2003]
Autres cancers
Pas de données suffisantes ou de lien
établi entre travail posté et/ou de nuit et
d’autres cancers tels que cancer de
l’endomètre, ovaire, prostate ou colo-
rectal.
Autres effets sur la santé
Travail posté et troubles cardio-vasculaires
Sujet controversé
Effet « travailleur sain »
Biais liés à la non prise de compte de certains facteurs de
confusion (alimentation, activité physique, tabagisme …), biais
liés à la définition variable du travail posté selon les études
Les travailleurs postés et/ou de nuit ont habituellement plus de
facteurs de risque que les travailleurs de jour :
◦ Poids (IMC)
◦ Consommation de tabac, café
◦ Stress
◦ Désorganisation système autonome et HTA
◦ Lien possible entre travail posté et/ou de nuit (> 10 ans) et
syndrome métabolique (Tucker et al. 2012)
Durée de sommeil et risque cardiovasculaire
Méta analyse récente publiée en 2011 (Cappuccio et al., 2011)
Durées courtes de sommeil (< 5-6 heures) associées à
◦ Un risque augmenté de
maladies coronariennes (RR = 1,48 (1,22-1,80)),
d’AVC (RR = 1,15 (1,00-1,31)),
◦ Mais pas de maladies cardiovasculaires totales (RR = 1,03
(0,93-1,15)).
Longues durées de sommeil (> 8-9 heures) associées à un
risque plus élevé de
◦ Maladies coronariennes (RR =1,38 (1,15-1,66)),
◦ AVC (RR = 1,65 (1,45-1,87),
◦ Maladies cardiovasculaires totales (RR = 1,41 (1,19-1,68))
Mécanismes explicatifs de ces associations ne sont actuellement
pas complètement connus
Autres effets Alimentation : très peu d’études valables
◦ Réduction de la fréquence des repas, augmentation du
« snacking », répartition circadienne des aliments différente
mais pas d’augmentation significative de la consommation
quotidienne totale
Dyslipidémies
◦ Augmentation modérée du cholestérol et des triglycérides
Diabète de type 2
◦ Données controversées en milieu e travail
◦ Un temps de sommeil court serait associé à un léger sur
risque de diabète
Troubles digestifs et ulcère gastrique
◦ Données anciennes, possibilité d’un sur risque mais faible
Travail posté et prise de poids
Données concordantes de plusieurs études et
méta analyses (Van Drogelen et al. 2011,
Antunes et al. 2010) récentes en faveur d’un
lien significatif entre travail posté surtout de
nuit et augmentation de l’IMC
Augmentation de risque qui reste toutefois
modérée (1,14 à 1,50)
Travail posté et grossesse
Le travail posté et/ou de nuit peut être associé à une
augmentation modérée du risque :
◦ D’avortements spontanés (risque relatif variant de
1,44 à 1,69 selon les méta-analyses)
◦ D’accouchements prématurés (risque relatif variant
de 1,18 à 1,24 selon les méta-analyses)
◦ De retards de croissance intra-utérin (risque relatif
proche de 1,1 selon les méta-analyses)
Des études complémentaires restent à mener
concernant le risque de faible poids de naissance
Travail posté, vigilance et sommeil
L’analyse de la littérature met en évidence que le travail posté
et/ou le travail de nuit peut être associé à :
◦ Une diminution du temps de sommeil total (de l’ordre de 1 à 2
heures par 24 heures) aboutissant, avec le temps, à une
privation chronique de sommeil
◦ A une augmentation du risque de somnolence durant la
période d’éveil
◦ À une augmentation du risque d’accident de la circulation et
surtout de quasi accidents
Données insuffisantes pour un lien avec le syndrome d’apnées
du sommeil
Données insuffisantes pour un lien avec les accidents du travail
ou avec erreurs
Travail posté et /ou de nuit et troubles mentaux
(dépression, anxiété
Augmentation du risque de dépression et d’anxiété
mais études valables limitées
Rapport HAS mai 2012
Synthèse et conclusion
Le travail posté et /ou de nuit est associé avec :
Une diminution du temps de sommeil total et un
risque de somnolence lors de la période d’éveil
Une augmentation du risque de cancer du sein
Une augmentation du risque d’avortements
spontanés, d’accouchement prématuré et de retard
de croissance intra utérin
Une augmentation modérée du risque de maladies
cardio-vasculaires, d’HTA, de perturbations du bilan
lipidique et de l’IMC
Une augmentation modérée de troubles digestifs et
d’ulcère gastrique
Une augmentation des dépressions et des signes
d’anxiété
Merci de votre attention