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lundi 30 mars 2015 RADIO FRANCE : LE GRAND GÂCHIS Les salariés et les auditeurs de Radio France sont spectateurs d’une mauvaise pièce de théâtre entre le PDG de Radio France et son actionnaire unique, l’État. Et ils demandent : à quand la fin ? La crise à Radio France dure depuis trop longtemps et l’intense période d’actualité que nous traversons n’a qu’un maigre écho sur nos ondes. Deux scrutins en sourdine, mais aussi une retentissante tragédie aérienne et l’attaque terroriste en Tunisie... Parmi les journalistes, si chacun porte un regard différent sur le mouvement social à Radio France, nous sommes tous rassemblés dans la volonté de mettre fin à ce malaise qui ne date pas du premier jour de grève et qui entrave jour après jour notre mission de service public. La principale variable trouvée jusqu’ici pour tenter de faire des économies budgétaires est l’emploi. Sur ce point, la direction et la tutelle, c'est-à-dire l’État, semblent être d’accord. L’avenir de Radio France est en train de se jouer dans un bras de fer inédit avec la tutelle pour négocier le prochain COM* qui doit déterminer le cap des prochaines années et les ressources pour l’atteindre. Or nous vivons depuis longtemps déjà les restrictions qui pèsent sur l’information, moins d’ambition et des économies à tous les étages. Et l’État n’a pas honoré 87 millions et demi d’euros promis à Radio France. Que dire du fruit de la taxe Telco ou « taxe Copé » créée en 2009 pour aider tout l’audiovisuel public dont Radio France et qui aujourd’hui abonde plus le déficit de l’État que les entreprises concernées ? L’État doit s’acquitter de ce qu’il doit à la radio publique. L’État porte donc une responsabilité particulière dans la situation financière critique que connait aujourd’hui Radio France. Il doit assumer cette responsabilité s’il ne veut pas que le service public de la radio perde son identité, son indépendance, sa diversité et sa qualité. Alors que le PDG de Radio France annonce 50 millions d’euros d’économie d’ici 2019, notre métier est devenu de plus en plus compliqué, au quotidien. Savez-vous que nous mettons souvent de longues journées avant de prendre la décision de partir en reportage, le temps de vérifier si notre budget le permet ? C’est un frein à l’information. Les budgets de reportages sont chaque année un peu plus contraints, la réflexion est à la fusion de services entre rédactions, une crainte pour les identités éditoriales de chaque chaîne. Nos sites internet regorgent déjà de publicités intrusives, l’heure du bricolage et de la vision purement comptable approche. Sauf que l’information ne se bricole pas. Savez-vous que plus de 100 journalistes en CDD, remplacent les titulaires au pied levé partout en France, faisant au mieux pour cerner les enjeux économiques, politiques d’une région, en quelques jours seulement, sans garantie aucune d’une embauche future ? Et que chaque année, la direction réduit l’enveloppe financière qui permet de les faire travailler régulièrement ? Aujourd’hui ce n’est pas la radio publique qui coûte cher mais la restauration du bâtiment qui l’abrite.

Tribune SDJ Radio France Lundi 30 Mars 2015

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Tribune de la Société des Journalistes de Radio France du lundi 30 mars 2015

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  • lundi 30 mars 2015

    RADIO FRANCE : LE GRAND GCHIS Les salaris et les auditeurs de Radio France sont spectateurs dune mauvaise pice de thtre entre le PDG de Radio France et son actionnaire unique, ltat.

    Et ils demandent : quand la fin ? La crise Radio France dure depuis trop longtemps et lintense priode dactualit que nous traversons na quun maigre cho sur nos ondes. Deux scrutins en sourdine, mais aussi une retentissante tragdie arienne et lattaque terroriste en Tunisie... Parmi les journalistes, si chacun porte un regard diffrent sur le mouvement social Radio France, nous sommes tous rassembls dans la volont de mettre fin ce malaise qui ne date pas du premier jour de grve et qui entrave jour aprs jour notre mission de service public. La principale variable trouve jusquici pour tenter de faire des conomies budgtaires est lemploi. Sur ce point, la direction et la tutelle, c'est--dire ltat, semblent tre daccord. Lavenir de Radio France est en train de se jouer dans un bras de fer indit avec la tutelle pour ngocier le prochain COM* qui doit dterminer le cap des prochaines annes et les ressources pour latteindre. Or nous vivons depuis longtemps dj les restrictions qui psent sur linformation, moins dambition et des conomies tous les tages. Et ltat na pas honor 87 millions et demi deuros promis Radio France. Que dire du fruit de la taxe Telco ou taxe Cop cre en 2009 pour aider tout laudiovisuel public dont Radio France et qui aujourdhui abonde plus le dficit de ltat que les entreprises concernes ? Ltat doit sacquitter de ce quil doit la radio publique. Ltat porte donc une responsabilit particulire dans la situation financire critique que connait aujourdhui Radio France. Il doit assumer cette responsabilit sil ne veut pas que le service public de la radio perde son identit, son indpendance, sa diversit et sa qualit. Alors que le PDG de Radio France annonce 50 millions deuros dconomie dici 2019, notre mtier est devenu de plus en plus compliqu, au quotidien. Savez-vous que nous mettons souvent de longues journes avant de prendre la dcision de partir en reportage, le temps de vrifier si notre budget le permet ? Cest un frein linformation. Les budgets de reportages sont chaque anne un peu plus contraints, la rflexion est la fusion de services entre rdactions, une crainte pour les identits ditoriales de chaque chane. Nos sites internet regorgent dj de publicits intrusives, lheure du bricolage et de la vision purement comptable approche. Sauf que linformation ne se bricole pas. Savez-vous que plus de 100 journalistes en CDD, remplacent les titulaires au pied lev partout en France, faisant au mieux pour cerner les enjeux conomiques, politiques dune rgion, en quelques jours seulement, sans garantie aucune dune embauche future ? Et que chaque anne, la direction rduit lenveloppe financire qui permet de les faire travailler rgulirement ? Aujourdhui ce nest pas la radio publique qui cote cher mais la restauration du btiment qui labrite.

  • Sil y a bien un budget que les directions successives ont aliment sans compter, et qui assombrit lui seul les perspectives de la maison ronde : cest bien celui de sa rhabilitation. Un chantier certes complexe, mais surtout plomb de malfaons et de projets dmesurs qui pourraient financer des dcennies de reportages, de journaux, dmissions, de podcast, dinfo en ligne. Ce budget a explos, dun devis initial de 176 millions deuros, lestimation culmine aujourdhui 584 millions deuros. Comment justifier les efforts demands aux rdactions et tous dans cette maison face cette gabegie et labsence de bon sens ? Mathieu Gallet vient de dcider un moratoire sur une partie de la fin du chantier, nous verrons. Pour le reste, cest limpasse absolue. La direction et la tutelle se renvoient la balle, dans un match qui ne prsage rien de bon pour la qualit de linformation Radio France. Chacun semble improviser dans son coin et une vieille rengaine autoritaire schappe de la rue de Valois quand le prsident de Radio France y est convoqu et tanc publiquement. Madame Pellerin, Monsieur Gallet, il faut mettre un terme la reformulation des projets pour Radio France. Monsieur Hollande, Monsieur Valls, il faut mettre un terme cette cacophonie, au pourrissement dune situation qui devrait au contraire vous obliger agir, dans lintrt du service public de la radio et des auditeurs. Il faut sortir de lindcision permanente et dune espce de nostalgie, cette volont peine voile de reprise en main de laudiovisuel public loppose de la marche de lHistoire. Radio France en apritif de lautre enjeu politico-mdiatique : la prochaine Prsidence de France Tlvisions. Radio France ne doit pas servir de terrain de jeux aux rglements de comptes entre ltat et le CSA. Monsieur Hollande, Monsieur Valls, les auditeurs et les personnels de Radio France tous corps de mtier confondus nont que faire de ces querelles. Les salaris et les auditeurs refusent que la radio publique fasse les frais daffaires de personnes. Cest ltat, Matignon et Bercy, de ne pas casser cette maison. Cest vous dassurer la continuit de lventail unique dinformation que proposent tous les jours les rdactions de France Info, France Inter, France Bleu, France Culture, France Musique et Mouv. Exigence, ractivit, pluralit, proximit. Cest ltat de garantir une information publique de qualit et de sengager pour son avenir. Vous savez que dans une France qui lutte contre ses divisions, une information indpendante et gratuite qui sadresse tous est, plus que jamais, un enjeu primordial. Mieux quune ngociation comptable sur un budget, Radio France mrite une ngociation sur un projet. Et des moyens dignes de ce nom pour le servir. Et pour loffrir aux auditeurs, les salaris et les journalistes de la radio publique attendent de lambition tous les niveaux. Aujourdhui, rien de tel nest au rendez-vous. * Contrat dObjectifs et de Moyens 2015-2019 Publi par La Socit des journalistes de Radio France 13:19 http://societedesjournalistesderadiofrance.blogspot.fr/