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Trois dentistes SS pendant la Seconde Guerre Mondiale : Pr Hugo Blaschke, Dr Hermann Pook et Dr Willy Frank. par Docteur Xavier Riaud Après avoir étudié le service dentaire américain pendant la Seconde Guerre mondiale et son adversaire sur le front, le service dentaire de l’armée allemande, après avoir présenté l’histoire tragique de trois dentistes victimes du nazisme, la quadrilogie d’articles sur la Seconde Guerre Mondiale ne pouvait se terminer que par l’histoire de trois dentistes 1 SS. Leur ascension dans les plus hautes sphères du nazisme a été fulgurante. Ils ont été dénués du plus élémentaire scrupule pour y parvenir et le remord ne les a jamais harcelés. Le comportement du Pr Hugo Blaschke, dentiste des sommités les plus importantes du régime nazi et dentiste en chef des dentistes SS, celui du Dr Hermann Pook, dentiste en chef des dentistes SS exerçant dans les camps de concentration et responsable principal de la récupération de l’or dentaire sur les corps des déportés tués, et celui du Dr Willy Frank, dentiste en chef à Auschwitz ayant participé à des sélections vers les chambres à gaz à l’arrivée des trains, posent indéniablement la question des enjeux de l’éthique médicale sous un régime totalitaire. En tenant compte des licenciements et des mutations, il n’y a pas eu en Allemagne, plus de 100 dentistes 2 diplômés sur 16300 en 1939, qui ont exercé leur art dans les camps de concentration. Ce chiffre inclut ceux présents dans l’administration des camps de concentration. La plupart atteignent le grade de SS-Hauptsturmführer 3 (Capitaine) et servent dans plus d’un camp. « Médecins SS et dentistes SS dans les camps de concentration 4 » Médecins SS Dentistes SS Auschwitz 42 11 Buchenwald 43 8 Dachau 56 11 Flossenbürg 17 1 Gross-Rosen 8 2 Majdanek-Lublin 7 1 Mauthausen 45 7 Natzweiler 13 1 Neuengamme 16 4 Ravensbrück 20 4 Sachsenhausen 46 5 Stutthof 6 2 Total 319 57

Trois dentistes SS pendant la Seconde Guerre Mondiale : Pr ...histoire-medecine.fr/seconde-guerre-mondiale/dentiste-SS-3.pdf · dentaire remarquable des commandos SS, surtout de la

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Trois dentistes SS pendant la Seconde Guerre Mondiale : Pr Hugo Blaschke, Dr

Hermann Pook et Dr Willy Frank.

par

Docteur Xavier Riaud

Après avoir étudié le service dentaire américain pendant la Seconde Guerre mondiale et son

adversaire sur le front, le service dentaire de l’armée allemande, après avoir présenté l’histoire

tragique de trois dentistes victimes du nazisme, la quadrilogie d’articles sur la Seconde Guerre

Mondiale ne pouvait se terminer que par l’histoire de trois dentistes1 SS. Leur ascension dans

les plus hautes sphères du nazisme a été fulgurante. Ils ont été dénués du plus élémentaire

scrupule pour y parvenir et le remord ne les a jamais harcelés. Le comportement du Pr Hugo

Blaschke, dentiste des sommités les plus importantes du régime nazi et dentiste en chef des

dentistes SS, celui du Dr Hermann Pook, dentiste en chef des dentistes SS exerçant dans les

camps de concentration et responsable principal de la récupération de l’or dentaire sur les

corps des déportés tués, et celui du Dr Willy Frank, dentiste en chef à Auschwitz ayant

participé à des sélections vers les chambres à gaz à l’arrivée des trains, posent indéniablement

la question des enjeux de l’éthique médicale sous un régime totalitaire.

En tenant compte des licenciements et des mutations, il n’y a pas eu en Allemagne, plus de

100 dentistes2 diplômés sur 16300 en 1939, qui ont exercé leur art dans les camps de

concentration. Ce chiffre inclut ceux présents dans l’administration des camps de

concentration. La plupart atteignent le grade de SS-Hauptsturmführer3 (Capitaine) et servent

dans plus d’un camp.

« Médecins SS et dentistes SS dans les camps de concentration4 »

Médecins SS Dentistes SS

Auschwitz 42 11

Buchenwald 43 8

Dachau 56 11

Flossenbürg 17 1

Gross-Rosen 8 2

Majdanek-Lublin 7 1

Mauthausen 45 7

Natzweiler 13 1

Neuengamme 16 4

Ravensbrück 20 4

Sachsenhausen 46 5

Stutthof 6 2

Total 319 57

Sur la centaine de dentistes présents dans les camps, à ma connaissance, cinq ont été

condamnés à une peine de prison pour crimes de guerre et crimes contre l’Humanité (ou pour

appartenance à une organisation criminelle, en l’occurrence les services économiques de la SS

dans le cas de Pook): Pr Hugo Blaschke (10 ans), Dr Hermann Pook (10 ans), Dr Willy Frank

(7 ans), Dr Karl-Heinz Tauber (6 ans), Dr Karl Philipp Teodor Schütz5 (plus de 3 mois).

Deux ont été condamnés à mort : le Dr Wilhelm Henkel (exécuté le 28 mai 1947 pour ses

crimes au camp de Mauthausen) et le Dr Walter Sonntag6 (exécuté le 17 septembre 1948 à

Hameln, pour ses exactions au camp de Ravensbrück).

1- Pr Hugo Blaschke7 (14.11.1881- ?)

Il naît le 14 novembre 1881 à Neustadt en Prusse. Il passe avec succès son examen pour être

dentiste aux U.S.A. en 1911. De 1914 à 1918, il participe à la Première Guerre Mondiale en

tant que « médecin de campagne ». Il y reçoit la croix du mérite militaire de 2ème classe avec

épées, la croix du mérite militaire de 1ère classe et la croix d’honneur pour les combattants.

En 1931, il entre à la Nationalsozialistische Deutsche Arbeitpartei, la NSDAP, (Parti ouvrier

allemand national-socialiste) où il prend le numéro 452 082. Le 1er mars 1931, il entre dans la

Sturmabteilung (Section d’assaut), les célèbres SA de Röhm. Le 2 mai 1935, il entre dans la

Schutzstaffel (Section de protection), la SS dirigée par Himmler, en tant que SS-

Sturmbannführer, n° 256 882. Le 1er juillet 1935, il se marie. Le 20 avril 1937, il est promu au

grade de SS-Obersturmbannführer à l’état-major de Himmler. Le 20 avril 1939, il devient SS-

Standartenführer au SS-HA. Le 1er janvier 1941, il entre dans la Waffen-SS au rang de SS-

Standartenführer, Abteilungsleiter im Sanitätsamt8 (Chef de section au service sanitaire). Le

20 avril 1941, il reçoit une promotion au grade de SS-Oberführer dans l’Allgemeine-SS (la SS

générale) à l’état-major du Personalhauptamt (Service général du personnel). Le 30 janvier

1942, il est nommé SS-Oberführer (Waffen-SS) au SS-Sanitätsamt (Service sanitaire de la

SS). Le 25 juin 1943, il est nommé professeur honoraire. Le 1er octobre 1944, il est promu

Brigadeführer dans l’Allgemeine-SS. Le 9 novembre 1944, il reçoit le grade de Generalmajor

de la Waffen-SS auprès du médecin du Reich SS et de la Police.

Blaschke est l’organisateur et le responsable de tout le service dentaire de la SS et de la

Police, et le dentiste personnel de Hitler9, de Himmler, de Goering, d’Eva Braun et d’autres.

C’est une des prothèses dentaires réalisées par lui qui servira d’élément d’identification du

corps carbonisé de Hitler. Après la guerre, Blaschke est interné en tant que détenu à

Nuremberg. Il est condamné à 10 ans d’emprisonnement pour crimes de guerre et crimes

contre l’Humanité. Perdus dans les camps soviétiques, ses lieux de séjour ultérieurs

demeurent inconnus.

Traduction : Le SS-Oberführer Blaschke10 a le mérite d’avoir créé en 10 ans de travail, à partir de rien, un suivi

dentaire remarquable des commandos SS, surtout de la Waffen-SS, et ceci, envers et contre toutes les

oppositions qui ont suivi la situation d’affrontement, encore aujourd’hui inexpliquée, concernant la formation et

le statut des dentistes et dentistes non diplômés.

Entre-temps, en reconnaissance de ses compétences médicales personnelles, le Führer a nommé Blaschke,

professeur.

J’appuie de toutes mes forces, sa promotion au rang de chef de Brigade de la SS générale.

SS-Obergruppenführer et Général de la Waffen-SS

Traduction :

Poste de commando, le 20 septembre 1944

Je nomme le

SS-Oberführer Dr Hugo-Johannes Blaschke

SS n° 258 882

à compter du 1er octobre 1944

au grade de

Général de Brigade SS

signé : H. Himmler11

Répertorié par le tribunal de Nuremberg sous le n°2035

Référence nazie : SS Wirtschafts-Verwaltungshauptampt (SS-WVHA)

Référence d’envoi: Chef A/Fr/B.

Tgb.Nr.892/42geh. (secret)

SECRET

Objet : Or dentaire

Adressé au Reichsführer SS

Berlin12

Reichsführer !

L’or dentaire en morceaux provenant des prisonniers morts dans les camps de concentration est, conformément à

votre ordre, livré au Service Sanitaire. Ce service l’utilise pour les soins dentaires de nos hommes.

Le SS-Oberführer Blaschke13 dispose déjà d’un stock supérieur à 50 kgs : ceci représente les besoins

prévisionnels en métal précieux pour les 5 prochaines années.

Je considère qu’il n’est pas admissible d’accumuler davantage d’or à cette fin, aussi bien pour des raisons de

sécurité, que pour la mise à profit de ce bien.

Je demande confirmation de l’autorisation de livrer désormais l’or dentaire en morceaux résultant des pertes

normales des camps de concentration, à la Reichsbank, contre reçu.

Heil Hitler !

I.V.

Commandant de Brigade SS

et Général de Brigade SS

Frank

2- Dr Hermann Pook14 (1901-1983)

Il naît le 1er mai 1901, de père dentiste. Il obtient son baccalauréat en 1921 à Berlin. Il fait ses

études pour devenir dentiste, à Berlin15, de 1922 à 1925, ce qui est le cas en mai 1925. Le 1er

octobre 1925, il travaille à son cabinet dentaire à Berlin-Lichterfelde pour la première fois. Il

obtient son doctorat en 1927. En juin 1927, il se marie. Le 1er mai 1933, il entre à la NSDAP,

n° 2 645 140. En juin, il entre dans la SS. Le 30 octobre 1934, il prend le grade de SS-

Unterscharführer. Le 30 janvier 1936, il est promu au rang de Scharführer. Le 26 avril 1934, il

devient Oberscharführer et Hauptscharführer, le 9 novembre 1936. Il reçoit le grade de SS-

Untersturmführer, le 9 novembre 1937. Le 15 août 1938, il est muté dans l’équipe sanitaire du

Sicherheitsdienst (Service des renseignements généraux et de la sécurité du Reich), le SD

alors sous l’autorité de Heydrich, le bras droit de Himmler. Le 30 janvier 1941, il est muté au

service sanitaire de la Waffen-SS. Il reçoit le grade de SS-Hauptsturmführer, le 1er juin 1941.

Le 1er juillet 1941, il est nommé Sturmbannführer au service sanitaire de la SS. Le 15 avril

1942, il est muté au commandement de la garnison SS de Berlin. Le 20 avril 1942, il devient

SS-Obersturmbannführer. Le 1er février 1943, il est muté à la division SS Panzer-Grenadier.

Le 3 septembre 1943, il arrive au SS-WVHA, le SS-Wirtschafts und Verwaltungshauptamt

(Services économiques de la SS), dans l’Amtsgruppe DIII (le groupe de bureaux DIII).

Après la guerre, lors du procès du SS-WVHA, Pook16 est condamné à 10 ans de prison pour

crimes contre l’Humanité, crimes de guerre et appartenance à une organisation criminelle. Il

fera seulement 5 ans et 9 mois. Il travaille dans un cabinet dentaire et vit jusqu’à sa mort dans

le nord de l’Allemagne, en 1983.

Le 20 janvier 1947, devant le Tribunal militaire International de Nuremberg, Hermann Pook

déclare sous serment lors du procès des dirigeants du SS-WVHA. Son propos est froid et

laconique. Il ne se reconnaît pas de responsabilités. Il n’a aucun remord.

Déclaration sous serment

« Moi, Dr Hermann Pook17, averti et rendu attentif au fait que mes déclarations volontaires

peuvent à tout moment être employées par la cour de justice militaire, contre moi ou d’autres

accusés, jure et déclare que :

Je m’appelle Hermann, Friedrich Pook. Je suis né le 1er mai 1901, à Berlin. J’ai fait ma

scolarité au Real Gymnasium de Berlin Lichterfelde et j’ai obtenu mon baccalauréat à

Pâques de 1921. De 1921 à 1925, j’ai fait des études dentaires à l’université de Berlin et j’ai

passé mon examen d’Etat en 1925. En 1927, j’ai passé mon doctorat à Berlin. De 1925 au 1er

octobre 1940, j’étais dentiste indépendant dans mon propre cabinet à Berlin-Lichterfelde.

Je suis devenu membre du NSDAP, le 1er mai 1933. Je suis entré dans la SS générale en

mars/avril 1934, plus précisément à la 7ème compagnie de cavalerie. Mon dernier grade était

Untersturmführer.

Je fus appelé le 1er octobre 1940, dans la Waffen-SS, mon dernier grade était

Obersturmbannführer. Je n’appartenais pas aux SS-Totenkopf18 (bataillons têtes de mort).

Après ma convocation dans la Waffen-SS, par le commandement militaire de district, j’ai pris

part à un stage pour médecins à Hambourg dans le bataillon de remplacement « Germania ».

Le 1er décembre 1940, je revins à Berlin et je travaillai jusqu’en avril 1942, dans le service

sanitaire à Berlin, dans la section dentaire (j’étais chargé des dossiers du personnel). A

partir d’avril 1942 jusqu’à février 1943 environ, le service sanitaire berlinois de la Waffen-

SS me confia le soin de mettre en place et de diriger l’institut dentaire de la Waffen-SS à

Charlottenburg. Le 1er février 1943, je fus envoyé vers une unité de campagne, la division

« Hohenstaufen ». Pendant la période de déploiement, j’y fus dentiste jusqu’en août 1943,

date à laquelle je rentrai à Berlin. Puis, je fus nommé dentiste au service général de

l’administration économique (WVHA). Tous les médecins et dentistes dépendaient du service

III du groupe de services D et j’appartenais, en ce qui concerne mon unité, à ce service, et ce,

jusqu’à la fin. Mon activité principale était de soigner les membres de la SS et leurs proches,

les autres membres de la SS habitant à Oranienburg ainsi que les employés civils. Je

travaillais à la station dentaire d’Oranienburg. De plus, je devais transmettre le courrier

adressé par le service sanitaire aux différents camps, ainsi que le courrier envoyé par les

différents camps au service sanitaire. Je devais aussi examiner les demandes provenant des

différents camps et les transmettre au service sanitaire. Le service sanitaire, nommé plus tard

« service pour les affaires sanitaires de la Waffen-SS », dépendait du groupe de services D,

service principal de direction et était dirigé par le Gruppenführer Genzken. Les demandes

qui m’arrivaient en provenance des différents camps de concentration étaient des listes

mensuelles de matériel et de médicaments, établies par les dentistes dans les camps pour

couvrir les besoins dentaires.

Après leur transmission par moi, elles étaient traitées par le service sanitaire, service 14 à

Berlin19 et transmises ensuite au dépôt sanitaire central pour la livraison. Le fichier de ces

demandes se trouvait au service sanitaire et c’est seulement les derniers temps que les

dossiers furent transmis directement par moi au bureau du médecin du Reich, sans passer

par le service sanitaire, pour accélérer les livraisons.

Le chef du service DIII était le Standartenführer Lolling. J’étais en quelque sorte conseiller

dentaire. (...) De plus, 4 secrétaires faisaient partie de notre service, tous les 4 étaient des

Oberscharführer. Chaque camp de concentration avait un dentiste et ces dentistes

m’envoyaient régulièrement des rapports mensuels concernant les travaux effectués, rapports

que je transmettais au service sanitaire. Plus tard, sur ordre du Standartenführer Lolling, ces

rapports furent regroupés en un rapport unique sur les travaux réalisés dans les camps, puis

transmis au service sanitaire et ensuite, au médecin du Reich. J’avais pour tâche d’établir

une statistique des travaux effectués, le rapport étant écrit par Lolling. Les rapports de ces

dentistes, comme d’ailleurs tout le courrier, étaient d’abord présentés à Lolling qui m’en

transmettait une partie pour être traitée. Chaque année, un rapport médical était rédigé au

service DIII, dans lequel la pratique dentaire n’était pas oubliée. Ce rapport était lui aussi

rédigé par Lolling. Il le tapait lui-même à la machine et ne le donna jamais à un secrétaire.

De décembre 1943 à mai 1945, j’étais le responsable spécialisé pour les dentistes des camps.

En dehors des camps de concentration, une série de camps de travail et de camps extérieurs

dépendait du groupe de services D, c'est-à-dire que dans chaque entreprise industrielle qui

employait des détenus des camps de concentration, se trouvaient des camps plus petits

appartenant à un camp plus important, désigné sous le nom de camp extérieur. Ces camps de

travail et ces camps extérieurs étaient pris en charge dans le domaine dentaire par le dentiste

du camp concerné auquel ces camps appartenaient. Les dentistes des camps extérieurs

étaient subordonnés au dentiste du camp de concentration concerné et c’était en partie des

détenus qui y travaillaient, dentistes ou non (Etre dentiste dans un camp permettait aux

détenus bénéficiaires du poste de mieux manger, d’être mieux vêtu et d’être mieux logé que

les autres. Aussi, des prisonniers qui n’étaient pas dentistes de métier ont-ils souvent accepté

cette fonction pour sortir de la précarité où leur détention les avait placés.) , etc… Dans le

groupe de services D, ne se trouvaient que 17 à 18 dentistes qui travaillaient en tant que tels

dans les camps de concentration. Les demandes que je recevais chaque mois en provenance

des dentistes des camps de concentration incluaient aussi les demandes des camps de travail

et des camps extérieurs. Ces demandes faites par le dentiste détenu allaient au dentiste du

camp et étaient rassemblées par celui-ci en une liste unique, qu’il répartissait ensuite de

façon conforme à celle-ci. Je ne pouvais donc pas voir à la simple lecture de ces demandes,

s’il s’agissait de demandes pour un camp ou pour un camp extérieur. Seul le dentiste du

camp de concentration était parfaitement informé à ce sujet. (…)

En ce qui concerne les camps de concentration20, j’ai entendu au cours de conversations, à

mon époque, qu’une courbe des taux de mortalité était réalisée, donc une liste dans laquelle

les chiffres étaient reportés de façon à former une courbe. Déjà avant, à la moitié de l’année

1944, j’avais entendu quelque part au cours de conversations que des milliers et des

centaines de milliers de gens étaient tués dans les camps de concentration, mais pour moi, ce

n’étaient que des rumeurs auxquelles je ne pouvais croire.

En ce qui concerne les différents envois d’or provenant de nombreux camps de concentration,

je sais qu’on prélevait de l’or dentaire sur les détenus morts, or qui était sous forme de

dentiers, de plaquettes en or et de dents. Cet or n’est pas allé au DIII et je ne sais pas s’il n’a

pas été directement envoyé par l’administration à Berlin. Il était du ressort des dentistes des

camps de concentration de surveiller ce prélèvement des dents en or, des bridges et des

plombages, et ceci doit avoir eu lieu sur ordre du service sanitaire. L’affaire était déjà en

cours lorsque j’arrivai au groupe de services D et il y avait chaque mois, une note

concernant le poids en grammes de ces envois d’or. Lolling recevait ces notes. Je ne sais pas

à combien s’élevaient ces envois, je sais seulement que certains camps n’avaient rien du tout

et que d’autres uniquement que quelques grammes à déclarer. Les situations étaient très

diverses et je ne me souviens plus des différents chiffres. Il ne s’agissait pas de rapports, mais

juste de petites notes des dentistes des camps de concentration qui m’arrivaient et qui étaient

transmises au service sanitaire. Je me souviens aussi avoir vu en 1941 de telles notes au

service sanitaire qui concernaient les masses d’or dentaire prélevées sur les détenus morts.

Le dentiste concerné qui envoyait la note indiquait seulement « transmis au chef de

l’administration » et ces données poursuivaient leur chemin. (…)

Je me souviens également, je ne sais pas si c’était Hinzert, que les notes furent plusieurs fois

envoyées ouvertement, sans respecter le secret de rigueur, sur quoi Lolling21 avait d’ailleurs

écrit au médecin en question pour le lui reprocher. Je connaissais son nom, mais je ne peux

plus m’en souvenir. L’or en question arrivait dans une petite caisse et était enveloppé dans

du papier. Je l’ai reçue déjà ouverte, car tout le courrier était décacheté dans le bureau de

Lolling. Je sais aussi que l’or aurait dû être livré au chef de l’administration par le médecin

de l’hôpital militaire. Je n’étais pas au courant qu’il y avait une directive du service sanitaire

selon laquelle cet or dentaire devait toujours être livré contre reçu, au directeur de

l’administration, donc au chef de l’administration du camp. (…)

J’ai lu la déclaration ci-dessus comprenant 7 pages rédigées en langue allemande et déclare

que c’est l’entière vérité en mon âme et conscience. J’ai eu la possibilité d’y apporter des

modifications et d’en souligner certains aspects. J’ai fait cette déclaration volontairement,

sans aucune promesse de récompense et je n’ai en aucune sorte été soumis à la menace ou à

la contrainte. »

Nuremberg, Allemagne, le 20 janvier 1947.

Signé Dr Hermann Pook

Traduction :SS-WVHA Oranienburg b. Berlin, le 10 août 1944

Groupe de services camps de concentration

EVALUATION

du SS-Oberturmbannführer Dr Hermann Pook22, né le 1.05.1901

Le SS-Obersturmbannführer Dr Hermann Pook, né le 1er mai 1901, remplit la fonction de dentiste directeur

auprès du service DIII. Ses connaissances et ses travaux professionnels sont bons.

Son comportement avec ses supérieurs et ses subordonnés de même qu’en dehors du travail ne donne pas lieu à

la critique. (…)

Il n’a eu aucune condamnation.

Le chef du service DIII

SS-Standartenführer

Dans sa déclaration du 21 février 1947, à Dachau, le Dr Werner Gruenuss23, médecin SS né à

Strasbourg, se souvient du comportement du Dr Pook, à son arrivée au camp de Ohrdruf.

« Je me souviens d’une visite du Dr Pook, le dentiste en chef de tous les camps de

concentration, qui venait de Berlin pour inspecter les installations dentaires au SIII et qui

déclara que les soins étaient effectués ici de manière beaucoup trop humaine, qu’il fallait se

débrouiller sans anesthésie et que les soins dentaires devaient être réalisés sans pitié. De

plus, on ne devait selon lui, effectuer sur ces détenus que les soins absolument indispensables.

La livraison de matériel, qui dépendait du Dr Pook et pour laquelle il était responsable en

tant qu’instance suprême, était déficiente au camp d’Ohrdruf et je ne pouvais recevoir le

matériel qu’avec les plus grandes difficultés de Buchenwald, en passant par les voies

administratives. Le Dr Pook, à qui je transmettais des dossiers minutieux, se moqua de ces

méthodes dignes de la bureaucratie civile et me dit qu’un traitement aussi pointu pour ces

gens-là, était exclu. Tous les efforts que je tentais afin de faire bénéficier les détenus d’une

assistance dentaire furent qualifiés par lui, de ridicules, et il ordonna qu’il ne soit fait que ce

qui relevait de l’extrême urgence, ce qui signifiait qu’il fallait seulement extraire les dents et

ne faire aucun autre soin. Ces extractions devaient être faites sans anesthésie locale.

Beaucoup de ces détenus n’avaient plus de dents et le Dr Pook m’interdit de leur faire des

dentiers. A cause de cet ordre, de nombreux détenus ne pouvaient plus mâcher correctement

leur nourriture, ce qui avait pour conséquence de graves problèmes d’estomac et aux

intestins. Ces maladies se finissaient dans la plupart des cas, par la mort du détenu. »

Werner Gruenuss24 est né le 20 février 1908. Il a le n° 98 403 en tant qu’adhérent de la

NSDAP. Il est médecin au camp d’Ohrdruf. Il est SS-Untersturmführer. En 1945, il exerce à

Buchenwald. Sa femme est également médecin.

Une liste de dentistes qui auraient été particulièrement impliqués dans la récupération de l’or

dentaire à leur profit, a été réalisée par deux anciens détenus rescapés du camp de

Mauthausen. Elle concerne principalement, ceux qui ont exercé un jour à Mauthausen25 ou

ceux qui y ont été en visite des infrastructures du camp. Le Dr Pook apparaît dans les

premières lignes.

26

L’or dentaire récupéré dans les camps était réparti de la façon suivante :

- Une partie était attribuée au SS-WVHA (les services économiques de la SS).

- Une partie servait à la réalisation de prothèses dentaires pour les officiers SS et leurs

familles.

- Une troisième partie était utilisée comme moyen de corruption à tous les échelons de la

hiérarchie SS.

3- Dr Willy Frank27 (09.02.1903- ?)

Il naît à Ratisbonne, le 09.02.1903. En 1916, il entre dans le corps des cadets bavarois de

Munich. En mars 1920, il est volontaire dans le corps franc de Ritter von Epp (régiment de

tirailleurs bavarois 21). En 1922, à 19 ans, il est membre fondateur du groupe de la NSDAP à

Ratisbonne. En 1923, il obtient son baccalauréat. De 1923 à 1931, il fait des études

d’ingénieur mécanicien à l’Ecole Supérieure Technique de Munich28. Il obtient son diplôme

d’ingénieur. De 1932 à 1934, il fait ses études dentaires à Munich. Le 01.05.1933, il adhère à

nouveau au NSDAP. Il prend le numéro 2 942 877. Le formulaire de sa première adhésion à

Ratisbonne a été perdu. En décembre 1934, il passe son examen dentaire d’Etat, à Munich. Il

a, alors, une fonction d’assistant. En février 1935, il entre dans l’unité de pilotes de planeurs

de Ulm. En septembre 1935, il obtient son doctorat.

Le 05.08. 1936, il entre dans la SS avec le numéro 289 643. Le 10.09.1939, il est promu

Untersturmführer. En 1940, il entre dans la Waffen-SS. En octobre 1940, il suit une

instruction dans la SS Germania à Hambourg. Le 30.01.1941, il est muté à la division SS

Wiking. Il participe à la campagne de Russie. Il est aussi promu au grade de Untersturmführer

de la Waffen-SS. Le 25.12.1941, il est muté pour cause de blessure au bataillon de

remplacement sanitaire SS Bad Cannstadt. Le 23.04.1942, il est muté à la station dentaire de

l’hôpital militaire SS de Dachau. Le 28.07.1942, il est muté à l’hôpital militaire SS de Minsk.

Le 10.11.1942, il est muté au SS-WVHA et délégué à la station dentaire SS de Wewelsburg.

Le 30.01.1943, il est promu au grade de Obersturmführer.

Le 28.02.1943, il est muté au camp de Auschwitz. Pour son travail dans ce camp, il est décoré

de la croix du mérite de guerre, 2ème classe avec épées. Le 21.06.1944, il devient

Hauptsturmführer. Le 15.08.1944, il est muté en tant que dentiste en chef au camp de

concentration de Dachau.

Homme de terrain et lassé de ses fonctions précédentes, il rejoint la 3ème Panzer-Division

Totenkopf, le 15.11.1944.

A la fin de la guerre, Frank est fait prisonnier par les Américains. Ils le libèrent en janvier

1947. Jusqu’au 05.10.1964, Frank a son cabinet dentaire à Stuttgart-Bad Cannstadt. Il est

condamné à sept ans de prison, lors du 2ème procès d’Auschwitz tenu à Francfort du

10.12.1963 au 10.08.1965, pour sa participation active dans les sélections des détenus à

l’arrivée des trains à Auschwitz. Ces sélections décidaient des personnes qui rejoignaient le

camp pour travailler ou qui allaient directement aux chambres à gaz. Il purge sa peine en

totalité à la prison de Butzbach. C’est là qu’il renonce à l’exercice de la dentisterie.

Traduction :

SS-WVHA Oranienburg, Berlin, le 13.05.1944

Service DIII

Dentiste en chef

Appréciation

Le SS-Obersturmführer Dr Willi Frank29, né le 9.02.1903, travaille depuis 1940 dans

différentes stations dentaires. Depuis le 21.02.1943, il est chef de la station dentaire de l’état-

major de la place au camp de concentration de Auschwitz et a acquis de nombreux mérites à

ce poste grâce à son énergie et son talent d’organisation.

En l’espace d’un an, il a su, avec peu de moyens, mettre sur pied plusieurs stations dentaires

filiales et assurer parfaitement le suivi dentaire au camp de concentration de Auschwitz.

Son domaine d’activité s’étend aujourd’hui à 21 lieux prodiguant des soins dentaires.

Ses capacités professionnelles sont irréprochables et il a su s’adapter aux méthodes de soins

modernes.

Pour des raisons professionnelles, une promotion au grade de SS-Hauptsturmführer est

instamment souhaitée, d’autant plus que Frank a déjà participé en 1923, à la marche à la

Feldherrnhalle30 en tant que vieux combattant.

SS-Obersturmführer et dentiste en chef

Le détenu Langbein31, témoin à décharge au procès de Francfort, se rappelle : « La vie ne

comptait pas. Tuer un homme était une bagatelle, cela ne valait même pas la peine d’en

parler. La plénitude de la puissance d’un SS est impossible à décrire. Ce n’est que sur cette

base que l’on peut expliquer ce qui s’est passé à Auschwitz. Il y en avait beaucoup qui n’était

pas du tout des nationalistes fanatiques ou antisémites. Le Dr médecin Vetter par exemple,

était un homme aux manières remarquables, même avec nous, les détenus. De même, les Drs

Schatz et Frank ne faisaient jamais rien de mal aux détenus. Mais, ils n’ont eu apparemment

aucun scrupule, dans l’atmosphère d’Auschwitz, à envoyer des gens se faire gazer. »

Frank était dentiste en chef à Auschwitz, alors que Schatz n’était que 2ème dentiste. Schatz

(1905- ?) est acquitté au 2ème procès d’Auschwitz à Francfort.

Roman Szuskiewicz32, n°25 122 à Auschwitz, dentiste polonais, se souvient avoir eu la vie

sauvée par les Drs Tauber et Frank. Il n’a autrement rien à reprocher à leur comportement.

« Kaduk30 avait aussi nié sa participation aux fusillades au «mur noir»; selon lui, c’étaient

des membres de la Gestapo du camp qui fusillaient. Les autres accusés Boger, Frank et

Broad seraient allés au «mur noir» avec des armes.»

Frank a succédé au poste de 1er dentiste d’Auschwitz après le départ de Tauber. Tauber

(1907-1961) est condamné à 6 ans d’emprisonnement pour crimes de guerre et crimes contre

l’Humanité. Il est reconnu coupable de participation active à la sélection des convois arrivant

au camp d’Auschwitz pour les chambres à gaz.

Enoncé du jugement du 2ème procès d’Auschwitz tenu à Francfort du 10.12.1963 au

10.08.1965, contre le Dr Frank34 :

« L’accusé Dr Frank est reconnu coupable d’avoir aidé à un meurtre de masse dans au

moins 6 cas pour 1 000…

L’accusé Dr Frank est condamné à 7 ans de prison. »

Justification du jugement prononcé contre le Dr Frank :

Conclusion :

Bien que condamnés pour crimes de guerre et crimes contre l’Humanité, deux de ces trois

dentistes sont morts dans leur lit.

Les dentistes SS qui ont exercé dans les camps, ont répondu aux obligations idéologiques et

militaires imposées par la SS de Himmler. Ils ont renié toute éthique médicale. Sous un

régime totalitaire, celle-ci s’arrête en effet, là où l’idéologie commence (antisémitisme,

eugénisme, etc…). A partir de cet instant, un praticien était considéré comme totalement libre

de ses actes. Ces hommes ont oublié le principe essentiel de dévotion et d’abnégation à leurs

malades que leur impose leur métier de professionnel de santé. Ils se sont laissés corrompre

par l’univers concentrationnaire et même si beaucoup ont été acquittés, peu nombreux sont

ceux qui peuvent se targuer réellement de n’avoir aucune exaction à se reprocher. Les

Américains considéraient que pour garder mille à deux mille soldats de la Werhmacht32, il ne

fallait que trois à quatre gardiens. Par contre, pour garder des SS qu’ils qualifiaient de

« rattlesnakes » (serpent à sonnettes), il fallait un garde par prisonnier. Les SS étaient des

soldats d’élite qui méritaient une surveillance de tous les instants. Leur tournure d’esprit

embrigadée dans une idéologie délétère pouvait les rendre particulièrement cruels, dénués de

tous scrupules au point de rabaisser l’être humain, et notamment les prisonniers des camps de

concentration, au rang d’animal, pire de jouet que l’on remplace à volonté quand celui-ci est

cassé. Les dentistes SS n’ont pas échappé à cette règle.

Afin que personne n’oublie…

Notes

1- Riaud Xavier, Les dentistes allemands sous le IIIème Reich, L’Harmattan (éd.), Collection

Allemagne d’hier et d’aujourd’hui, Paris, 2005, p. 127-141; 153-160.

Sur les 100 dentistes SS ayant exercé dans les camps de concentration, j’ai retrouvé les parcours militaires et

politiques de 60 d’entre eux à travers des témoignages, des documents ou des archives de procès.

A l’époque, il existe en Allemagne, de nombreux conflits d’intérêts entre les chirurgiens-dentistes diplômés qui

réclame une reconnaissance et une légitimité, et les dentistes qui cherchent à obtenir le même statut que leurs

collègues diplômés. Un chirurgien-dentiste diplômé a suivi un enseignement universitaire sanctionné par des

examens. Un dentiste n’a pas fait d’études en université. Il a juste suivi une formation dans une école appropriée.

2- Riaud Xavier, La pratique dentaire dans les camps du IIIème Reich, L’Harmattan (éd.),

Collection Allemagne d’hier et d’aujourd’hui, Paris, 2002, p. 54.

3- Liste des grades répertoriés dans la SS (MacLean French, The Camp men: the SS Officers

who ran the Nazi concentration system, Shiffer Military History, Atglen, 1999, p. 297.)

Reichsführer SS Maréchal de la SS

SS-Oberstgruppenführer Général

SS-Obergruppenführer Lieutenant-Général

SS-Gruppenführer Major-Général

SS-Brigadeführer Général de Brigade

SS-Oberführer Colonel en chef

SS-Standartenführer Colonel

SS-Obersturmbannführer Lieutenant Colonel

SS-Sturmbannführer Major

SS-Hauptsturmführer Capitaine

SS-Obersturmführer 1er Lieutenant

SS-Untersturmführer 2nd Lieutenant

SS-Sturmscharführer Sergent-Major

SS-Hauptscharführer Sergent-Chef

SS-Oberscharführer Sergent 1ère classe

SS-Scharführer Sergent d’état-major

SS-Unterscharführer Sergent

SS-Rottenführer Caporal

SS-Sturmann Caporal suppléant

SS-Oberschütze Soldat de 1ère classe

SS-Schütze simple soldat

4- MacLean French, 1999, p. 277.

Ces chiffres concernent seulement 12 camps et ne prennent en compte que les officiers.

5- Information fournie par le directeur du Musée de Lublin-Majdanek (Pologne, 2003 et 2005) où ce dentiste a

exercé de novembre 1941 à novembre 1942, puis de décembre 1942 à juillet 1943. M. le directeur n’a pas pu me

donner d’information plus précise.

6- Gartiser Pierre, manuscrit inédit daté de 1998, communication personnelle, 2005.

Pierre Gartiser est Français. Il a été déporté au camp d’Oranienburg-Sachsenhausen où il a été infirmier au

revier (infirmerie).

7- Bundesarchiv Berlin, Berlin, Allemagne, 2004, © Bundesarchiv Berlin, photo prise le 11

avril 1932.

8- Schulz Wilhelm, Zur Organisation und Durchführung der zahnmedizinischen Versorgung

durch die Waffen-SS in den Konzentrationslagern während der Zeit des Nationalsozialismus,

Bonn, 1989, Dissertation, p.82.

9- Hitler avait de très mauvaises dents et une mauvaise haleine. Avant la guerre, il a demandé à Blaschke

d’immobiliser ses dents avec un bridge une bonne fois pour toute. Il souhaitait que ce bridge soit en place pour

de nombreuses années. Blaschke réalise dès lors un bridge métallique massif assez inhabituel et facile à

reconnaître (Stephenson David, Discovering the truth, the whole tooth about Hitler’s death, in

Daily Express, Londres, 29 juin 2003, pp. 54-55.).

Le 30 avril 1945, Hitler se suicide. Son corps est brûlé. Ses restes sont placés dans un cratère de bombe dans le

jardin de la Chancellerie, au milieu d’autres corps, près d’un hôpital.

Le corps du Führer n’est retrouvé que le 3 mai 1945, par des agents du Smersh, organisme de renseignements de

l’Armée Rouge. Le 8 mai, il est emmené dans un hôpital de la banlieue berlinoise pour y être autopsié. Le 9 mai,

les prothèses dentaires trouvées sur le cadavre sont reconnues par l’assistante du dentiste personnel de Hitler et

par le mécanicien dentaire qui les avait confectionnées. « Le Führer portait des bridges à la mâchoire

supérieure et à celle inférieure, et une couronne d’un genre particulier peu réalisée par un chirurgien-dentiste

contemporain. » L’assistante est arrêtée et meurt incarcérée. Le mécanicien dentaire est resté emprisonné 9 ans à

Moscou (Lamendin Henri, Anecdodontes, Aventis (éd.), 2002, p. 60-61.).

Eva Braun a été identifiée de la même manière.

Les dents d’Adolf Hitler exposées dans un musée ukrainien

(Peu de renseignements nous sont fournis par cette photo, si ce

n’est une atteinte parodontale avec perte de support osseux sur

le bloc dentaire de gauche, pouvant expliquer la « mauvaise

haleine » du personnage. Sur le bloc de droite, on aperçoit une

couronne dentaire sur une 1ère prémolaire inférieure n°44.)

10- Schulz Wilhelm, 1989, p. 83.

Blaschke a été nommé professeur honoraire. Il n’a pas enseigné.

11- Schulz Wilhelm, 1989, p. 83.

12- Staatsarchiv Nürnberg, Nürnberg, Allemagne, 1999.

Himmler, le directeur de la SS, décrète la récupération de l’or dentaire dans la bouche des déportés, le 23

septembre 1940. Elle devient systématique le 23 décembre 1942. L’or dentaire récupéré est utilisé notamment

pour faire les prothèses dentaires des officiers SS et de leurs familles. Les soldats n’ont droit qu’aux soins, pas à

la prothèse. Dans le document présent, le calcul suivant s’impose :

50 000 g / 2 g d’or par couronne à l’époque = 25 000 dents environ.

13- Staatsarchiv Nürnberg, Nürnberg, Allemagne, 1999.

14- Gedenkstätte Oranienburg-Sachsenhausen, Oranienburg, Allemagne, 2003, ©

Gedenkstätte Oranienburg-Sachsenhausen.

15- Schulz Wilhelm, 1989, p. 85.

16- Riaud Xavier, 2002, p. 56 (ibid note n°2).

17- Centre de Documentation Juive Contemporaine, Paris, 2003, doc. CXXXII-48 du

20.01.1947, p. 1-7.

Déclaration sous serment faite au Tribunal militaire de Nuremberg, lors du procès de l’organisation SS-

Wirtschafts und Verwaltungshauptamt (Services économiques de la SS) chargée notamment de la gestion de tout

ce qui concerne les camps de concentration. Hermann Pook en est un des principaux accusés.

18- SS-Totenkopfverbände (Unités tête de mort SS) : Les SS appartenant à cette unité sont chargés de la

surveillance des camps de concentration à partir de 1934, après le démantèlement de la SA de Röhm lors de la

nuit des longs couteaux du 30 juin 1934.

19- C.D.J.C., 2003, doc. CXXXII-48 du 20.01.1947, p. 1-7.

20- C.D.J.C., 2003, doc. CXXXII-48 du 20.01.1947, p. 1-7.

21- C.D.J.C., 2003, doc. CXXXII-48 du 20.01.1947, p. 1-7.

22- Schulz Wilhelm, 1989, p. 86.

23- CDJC, 2003, doc. CXXXIII-92, 21.02.1947, p. 4-5.

24- Mac Lean French, 1999, p. 90.

25- ISD-Sachdokumenten-Ordner Mauthausen 6 seite 43, 1999, © Internationaler Suchdienst,

Bad Arolsen, Allemagne, 1999.

26- ISD-Sachdokumenten-Ordner Mauthausen 6 seite 43, 1999, © Internationaler Suchdienst.

27- Cette photo est issue du 2ème procès d’Auschwitz, tenu à Francfort du 10/12/1963 au 10/08/1965. 22 anciens

SS sont inculpés.

28- Schulz Wilhelm, 1989, p. 93-95.

29- Schulz Wilhelm, 1989, p. 96.

Lors de la déportation des Juifs d’Europe de l’Est, les nazis leur demandaient d’emmener avec eux le plus de

biens et de valeurs possibles, car les SS leur laissaient entendre qu’ils se rendaient « dans un monde meilleur »

où ils pourraient vivre en paix et exercer leur art en toute liberté. Arrivés dans les camps d’extermination, ils

étaient gazés, mais leurs valises étaient récupérées par les SS. Certains détenus arrivaient avec des bagages

pesant jusqu’à 50 kg (Picaper Jean-Paul, Sur les traces des trésors nazis, Tallandier (éd.), Paris,

1998, p. 208.). Ainsi, des cabinets dentaires complets ont pu être installés dans des camps annexes

d’Auschwitz, par exemple, avec des fraiseuses électriques provenant de ce butin (Poliakov Léon,

Auschwitz, Julliard (éd.), Collections archives, Paris, 1964.). Une note manuscrite du Dr Willy Frank

au milieu d’une liste de matériel dentaire en date du 23 janvier 1944, atteste qu’il a réussi à mettre en place 13

stations dentaires dans Auschwitz et ses kommandos (Panstwowe Museum Auschwitz-Birkenau,

Oswiecim, Pologne, 2003.).

Traduction :

Liste de matériel et d’instruments faite au cabinet dentaire du camp de

concentration d’Auschwitz par le Dr Frank. Il affirme par écrit « que le 23

janvier 1944, il y a 13 stations dentaires » dans le camp d’Auschwitz et de

ses kommandos.

Au-dessus de l’annotation du Dr Frank:

5 paquets de cire (rose)

Petits restes 500 gr de silicate de potassium

Petite quantité 10 paquets de cellulose (rouleaux)

A côté : Excavateur 6

Au-dessous : Pierres à aiguiser,

Scalpel

Sondes

Alcool

Stéthoscope

Au 13 mai 1944, il y a 21 stations odontologiques (voir document précédent page 16).

30- Feldherrnhalle = Portique des Maréchaux. Place de Munich.

Ce lieu constitue un des points culminants de la tentative de prise de pouvoir des nazis en 1923. Beaucoup y sont

morts et c’est après cette marche sanglante que Hitler a été incarcéré.

31- Kirchhoff Wolfgang (Hrsg), Zahnmedizin und Faschismus, Verlag Arbeiterbewegung und

Gesellschaftswissenschaft, Marburg, 1987, p. 91.

Langbein est un détenu rescapé des camps venu témoigner à décharge au 2ème procès d’Auschwitz tenu à

Francfort du 10/12/1963 au 10/08/1965.

32- Panstwowe Muzeum Auschwitz-Birkenau, 2003.

33- Kirchhoff Wolfgang (Hrsg), 1987, p. 91.

34- Kirchhoff Wolfgang (Hrsg), 1987, p. 93-94.

Dans le jugement du Dr Willy Frank, il est fait mention du Dr Franz Lucas. Ce dernier est un médecin SS qui a

officié à Auschwitz. Il se retrouve au banc des accusés au côté de Frank. Il sera condamné à 3 ans et 3 mois pour

crimes de guerre et crimes contre l’Humanité au procès de Francfort. Il a participé à des sélections de convois

vers les chambres à gaz, à leur arrivée à Auschwitz.

35- Yad Vashem, Jerusalem, Israël, 1995.

Témoignage en date du 20/11/1978 du Dr Samuel Glashow, dentiste de l’armée américaine.

Bibliographie :

Bundesarchiv Berlin, Berlin, Allemagne, 2004.

Centre de Documentation Juive Contemporaine, Paris, 2003.

Gartiser Pierre, manuscrit inédit daté de 1998, communication personnelle, 2005.

Gedenkstätte Oranienburg-Sachsenhausen, Oranienburg, Allemagne, 2003.

Internationaler Suchdienst, Bad Arolsen, Allemagne, 1999.

Kirchhoff Wolfgang (Hrsg), Zahnmedizin und Faschismus, Verlag Arbeiterbewegung und

Gesellschaftswissenschaft, Marburg, 1987.

Lamendin Henri, Anecdodontes, Aventis (éd.), 2002.

MacLean French, The Camp men: the SS Officers who ran the Nazi concentration system,

Shiffer Military History, Atglen, 1999.

Panstwowe Muzeum Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne, 2003.

Panstwowe Muzeum Na Majdanku, Lublin, Pologne, 2003 et 2005.

Picaper Jean-Paul, Sur les traces des trésors nazis, Tallandier (éd.), Paris, 1998.

Poliakov Léon, Auschwitz, Julliard (éd.), Collections archives, Paris, 1964.

Riaud Xavier, La pratique dentaire dans les camps du IIIème Reich, L’Harmattan (éd.),

Collection Allemagne d’hier et d’aujourd’hui, Paris, 2002.

Riaud Xavier, Les dentistes allemands sous le IIIème Reich, L’Harmattan (éd.), Collection

Allemagne d’hier et d’aujourd’hui, Paris, 2005.

Schulz Wilhelm, Zur Organisation und Durchführung der zahnmedizinischen Versorgung

durch die Waffen-SS in den Konzentrationslagern während der Zeit des Nationalsozialismus,

Bonn, 1989, Dissertation.

Staatsarchiv Nürnberg, Nürnberg, Allemagne, 1999.

Stephenson David, Discovering the truth, the whole tooth about Hitler’s death, in Daily

Express, Londres, 29 juin 2003, pp. 54-55.

Yad Vashem, Jerusalem, Israël, 1995.

Biographie :

Xavier Riaud, 34 ans, a fait ses études à Nantes. Docteur en Chirurgie Dentaire (1997), Prix

Alpha Oméga (1997) et Lauréat de l’Académie Nationale de Chirurgie Dentaire (1998), il est

également titulaire de trois diplômes universitaires (2000, 2002, 2004) et attaché en clinique à

la Faculté de Chirurgie Dentaire de Nantes. Membre de la Société Française d’Histoire de la

Médecine, de la Lindsay Society for the History of Dentistry (U.K.), de la Société

Internationale d’Histoire de la Médecine et nouvellement de l’American Academy of the

History of Dentistry, il achève actuellement un Doctorat universitaire d’Histoire des Sciences

et Techniques au Centre François Viète de la Faculté des Sciences et Techniques de Nantes. Il

est enfin l’auteur de deux livres sur l’Allemagne nazie (2002, 2005) et a apporté sa

contribution à une œuvre collective (2006) consacrée au « Conflit », tous trois publiés chez

L’Harmattan.

Résumé :

A travers l’histoire de trois dentistes SS, la démonstration est faite que l’éthique médicale

sous un régime totalitaire s’arrête là où commence l’idéologie. Le Pr Hugo Blaschke a été le

dentiste des plus hauts dignitaires nazis, mais aussi le supérieur hiérarchique de l’ensemble

des dentistes SS. Il a organisé les soins dentaires dans la Waffen-SS et à ce titre, a dû

contrôler les stocks d’or dentaire provenant de la bouche des morts dans les camps de

concentration, destinés aux prothèses dentaires de ses soldats. Le Dr Hermann Pook a été le

dentiste en chef de tous ceux en place dans les camps de concentration. Il a eu pour

responsabilité le contrôle et la statistique des soins délivrés aux détenus dans les camps. Ses

consignes ont été strictes : « Pas de soins conservateurs ni restaurateurs pour ceux-ci. Des

extractions seulement et sans anesthésie ! » Il a également eu en charge au sein des services

économiques de la SS, la récupération de l’or dentaire issu des camps. Le Dr Willy Frank,

dentiste à Auschwitz, a participé quant à lui, à des sélections de convois sur la rampe menant

aux chambres à gaz. Son implication dans la récupération de l’or dentaire dans la bouche

des morts a également été démontrée.

Tous trois ont été condamnés à des peines de prison pour crimes de guerre et crimes contre

l’Humanité.

Summary :

The story of three SS dentists shows very well that the medical code of ethics, under a

totalitarian regime, ends where ideology begins. Professor Hugo Blaschke provided dental

care to the most eminent Nazi leaders, but he also was the hierarchical superior of all the SS

dentists. He was in charge of dental care in the Waffen-SS, and therefore, he had to control

the stocks of dental gold collected in the mouths of the dead in the concentration camps, in

order to make dentures for his soldiers. Dr Hermann Pook was the dentist in charge of all the

other dentists in practice in the concentration camps. His job was to control and gather

statistics on the dental cares provided to the prisoners in the camps. His instructions were

very clear: « No preserving treatments nor restoring ones for them. Only extractions, and

with no anaesthesia! » He was also in charge of gathering the gold that was collected in the

camps, for the financial department of the SS. Dr Willy Frank, an Auschwitz dentist,

participated to the selection of some convoys for the gas chambers. His participation to the

collection of gold from the mouths of the dead was also established.

Theses three men were sentenced to prison for War Crimes and Crimes against Humanity.