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1 Troisième partie : LES FORMES DORGANISATION SPATIALE.

TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

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Page 1: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

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Troisième partie :

LES FORMES D’ORGANISATION

SPATIALE.

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2

Chapitre 9 :

Habitat et organisation de l’espace au Bénin

La transformation de l'espace national par les villes apparaît

comme l'expression évidente de l'emprise de l'homme sur son

environnement ; elle témoigne aussi de son niveau de développement.

De ce point de vue, la ville a toujours été la forme la plus évoluée des

établissements humains, symbole par conséquent de ce que (Gourou

1971) qualifie de « Civilisation supérieure ». Aujourd'hui, le caractère

galopant et anarchique du phénomène urbain qui se développe dans

les pays du Tiers monde est quelque peu en contradiction avec cette

maîtrise de l'space national.

En Amérique latine, par exemple, les pays comme l'Argen-

tine, le Chili et l'Uruguay ont plus de 60 % de leur population qui

vivent dans des villes de plus de 20 000 habitants.

En Asie, l'Indonésie, la Malaisie, Singapour et Taïwan enre-

gistrent plus de 50 % de leur population parmi les citadins.

Il n'y a que l'Afrique où le pourcentage des urbains reste

encore très faible; 22 % environ de sa population vivent dans des

agglomérations de plus de 20 000 habitants.

Malgré ce faible pourcentage de citadins, le taux d'urbani-

sation du continent noir est l'un des plus élevés du monde : Abidjan,

Kinshasa, Lagos, etc., croissent à plus de 10 % par an. Cotonou les

suit de très près avec un rythme de 8,26 % par an.

Dans la plupart de ces pays pauvres, la ville se développe dans

un environnement social médiocre, traduisant ainsi un état de pau-

vreté, une fragilité et une désaffection des techniques d'encadrement.

La plupart des villes, loin d'être des cadres d'élaboration de

civilisation supérieure » véhiculent plutôt les principaux maux dont

souffre la nation : prostitution, vol, usage de la drogue, meurtre,

chômage, etc.

Dans ces conditions, la ville devient de plus en plus incapable

d'assumer une partie de ses fonctions celle d'organiser correctement

l'espace national.

Ce constat d'échec n'est, en réalité, que le reflet des contradic-

tions sociales qui se développent dans les villes du Tiers monde,

expression évidente du caractère dualiste de leur histoire.

En effet, dans ces pays pauvres, certaines sociétés avaient déjà

acquis une longue expérience de la gestion urbaine ; d'autres, au

contraire, n'ont jamais connu de civilisation urbaine. Quelles que

soient les expériences mises en place, la ville est apparue en force

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avec la pénétration européenne. Elle est devenue pour ainsi dire le

meilleur cadre de gestion et d'exploitation des terres nouvellement

conquises.

Mais la ville coloniale s'est toujours démarquée de celle créée

traditionnellement pour des raisons de sécurité et d'intérêt colonial.

En terme de sécurité, le colonisateur créa son nouveau style de

ville, le plus souvent bâtie en damier, privilégiant désormais une zone

résidentielle séparée des quartiers indigènes par la ligne de chemin de

fer ou carrément par des fils de fer barbelés.

En terme d'intérêt, la ville coloniale est un centre de drainage

de l'économie territoriale vers la métropole au lieu d'être le noyau

autour duquel s'organise tout l'espace « national ».

Bien que conçu pour ces deux raisons, ce centre d'adminis-

tration colonial est demeuré cependant le cadre par excellence de

l'exercice du pouvoir politique après les indépendances nominales. Ce

cadre apparaît comme le plus commode pour la nouvelle élite qui a

pris la relève du colonisateur et qui, dans bien des cas, limite l'es-

sentiel de son action politique à la gestion de ces centres urbains. On

ne parle de l'espace national que pour mettre en place toutes les

structures de drainage de la force vive du monde rural vers la ville qui

ne vit que de l'exploitation de son arrière-pays immédiat et lointain.

Dans ces conditions, comment peut donc se poser le problème de

l'organisation de l'espace national à partir de ce modèle d'habitat? Pour

répondre à cette question, nous nous proposons d'analyser l'expérience

béninoise. Celle-ci nous parait intéressante à double titre.

D'abord, le Bénin offre l'exemple d'un habitat varié où se

jouent fort bien toutes les contradictions nées de l'expérience colo-

niale.

En outre, les tentatives actuelles de développement ont com-

mencé à mettre l'accent sur la dimension nationale du développement.

Dans ce contexte, la politique d'aménagement du territoire apparaît

comme une perspective.

Pour la commodité de présentation, nous envisageons ce tra-

vail en trois parties :

- dans une première partie nous parlerons des

différents types d'établissements humains qui

existent dans le pays en rapport avec leur mode

d'insertion spatiale ;

- dans une deuxième partie, nous étudierons le rôle

de l'habitat dans l'organisation de l'espace national

;

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- en troisième partie, nous évoquerons quelques

expériences de régionalisation dans la sous-région

en liaison avec les réformes administratives des

années 1974 et 1978.

I. La typologie de l’habitat au Bénin1

Par habitat, nous sommes loin de l'approche d'urbaniste qui le

confond avec l'habitation. Par habitat, nous entendons toutes les

formes d'établissements humains servant de cadre à la vie. En d'autres

termes, il s'agit (Derruau 1967) « d'une portion d'espace habité,

occupée par les maisons et leurs dépendances ». Il sera donc question

d'évoquer essentiellement le problème du groupement ou de la

dispersion et aussi de la forme de ces établissements humains en

rapport avec leur impact sur la transformation de l'espace

géographique.

Du point de vue de leur concentration spatiale, et de leur

fonction, on distingue deux catégories :

- l'habitat rural ;

- et l'habitat urbain.

A. Habitat rural

Il existe plusieurs types d'habitat rural. Au Bénin, on peut en

identifier au moins trois : le campement, la ferme de culture2

et le

village.

1 Les types d'habitat qui sont identifiés ici proviennent des enquêtes sur le

terrain que nous avons réalisées dans le cadre de deux autres

publications dont :

Répartition et composition par groupes d'âge de la population du Nord Bénin

(Rome : FAO 1981).

Analyse démographique du Bénin méridional Projet PUB (Cotonou :

MTPCH 1982).

2 Nous employons ferme de culture par opposition à la ferme avicole ou

d'élevage bovin. Cette distinction s'impose compte tenu de la non--

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Le campement peut se définir comme un simple abri situé au

cœur de l'exploitation agricole que le paysan utilise pour se protéger

contre le soleil et la pluie. Sa fonction ne dépasse guère celle de cet

abri temporaire même s il lui arrive quelques rares fois d'y passer la

nuit.

La ferme de culture a déjà une structure plus complexe que le

campement. Elle peut comporter une à plusieurs habitations selon le

cas. Elle a une fonction essentiellement agricole. Le paysan y séjourne

avec sa famille du début à la fin de la semaine avant de regagner le

village ou la ville où se déroulent toutes les festivités. Parfois, le

séjour y est continuel sans aucune interruption pendant plusieurs mois

correspondant à la période des grandes activités agricoles. La ferme

comporte, à la différence du campement, des équipements pour le

stockage et la transformation des produits agricoles. On y fabrique

l'huile de palme, le beurre de karité, des cossettes d'igname ou de

manioc ; on y procède à la mise en sac des grains, etc. À part ces

différentes activités agricoles, la ferme n'a aucune autorité

administrative ou religieuse. Elle est avant tout une simple unité de

production agricole à gérance uniquement familiale. Certes, les

vicissitudes historiques, les contraintes du milieu naturel ainsi que les

entreprises de colonisation agricole ont fait de la ferme une des formes

d'établissement humain les plus répandues sur l'ensemble du territoire

national.

Le village diffère de la ferme de culture par sa population

composée déjà de plusieurs familles, par sa fonction plus complexe.

En plus des activités agricoles qui se déroulent intensément à la ferme,

le village possède parfois un centre commercial symbolisé par un

marché. On compte au sein de sa population des commerçants et des

artisans. Outre ces différentes activités, le village a une fonction

politique assurée par les dignitaires locaux ou le représentant d'une

autorité centrale. A cette fonction politique s'ajoute celle dite

religieuse. Le village, à partir de ces différentes fonctions, apparaît

comme la base de l'État.

B. Habitat urbain

intégration de l'élevage à l'agriculture en Afrique et plus

particulièrement au Bénin. Ce que nous disons ici a d'ailleurs des

implications politiques dans ce pays où il existe un ministère

d'Élevage et des Fermes d'État par opposition au ministère de

l'Agriculture.

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La ville est la forme la plus achevée des différents types d'éta-

blissements humains. Il est parfois difficile de la définir par rapport au

village.

Le critère démographique qui vient premièrement à l'esprit ne

s'impose pas en particulier en Afrique où traditionnellement, il existe

très peu d'opération de dénombrement. Même à supposer qu'il en

existe, aucune société africaine, encore moins béninoise, n'a jamais

insisté sur le critère démographique pour établir la hiérarchie socio-

politique. Les réformes administratives de 1978 constituent une belle

illustration de ce que nous disons ici. Depuis cette réforme, plusieurs

chefs-lieux de districts sont moins peuplés que certains villages qui

sont sous leur autorité.

Pour définir une ville, on retient généralement cinq critères :

- population minimale ;

- caractère compact de la localité considérée ;

- importance des secteurs d'activité ;

- niveau d'équipement ;

- critère juridique ou administratif.

Sans rentrer dans le débat, ces cinq critères pris individuel-

lement ou globalement posent leurs problèmes, en particulier

lorsqu'on veut les appliquer aux agglomérations qui ont servi de cadre

à la gestion politique des sociétés traditionnelles ; d'où la nécessité de

les compléter par d'autres considérations.

Parmi celles-ci, on peut signaler l'existence d'une prise de

conscience du phénomène urbain des populations considérées.

L'existence de cette conscience se traduit dans les faits par la Ca-

tégorisation des différents types d'habitats mis en place. Cette caté-

gorisation est rendue dans le parler des habitants par une série de mots

réservés à chaque type d'habitat. Ainsi, chez les Yoruba, le

campement est désigné par le mot « Ahere », « Ago », « Ibudo » ; le

village s'appelle « Ileto », « Ilu Ereko » ; la ville se nomme « Ilu

Alade », Ilu Oloye ». Le préfixe « Ilu » signifie agglomération tout

court.

Exceptés les Yoruba, les populations du Nord d'origine mendé

ont également leurs vocables pour identifier chaque catégorie

d'établissement humain la ville est appelée « Dugu ou Duguba».

Malheureusement, pour certains groupes socioculturels du Sud-Bénin,

Mondjannangni (1977) a constaté l'inexistence de mot approprié pour

désigner la ville en dépit d'une civilisation urbaine propre. Il se

pourrait que dans ce contexte, la ville ait fait son apparition dans le

cadre d'une grande aire de civilisation dont les limites se sont

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considérablement réduites aujourd'hui privant ainsi ces groupes

socioculturels du Sud-Bénin d'une bonne partie du vocabulaire

naguère en usage.

Quoi qu'il en soit, tout groupe humain qui possède un vocable

pour désigner la ville n'a plus besoin d'autres critères pour se con-

vaincre de l'existence des villes parmi tant d'autres types d'habitats. À

notre humble avis, c'est une simple preuve d'honnêteté intellectuelle

que d'accepter pour ville ce que les intéressés eux-mêmes appellent

villes, bien sûr, à partir de critères objectifs et permanents.

Indépendamment d'une prise de conscience du phénomène urbain par

certains groupes ethniques, il existe des éléments matériels qui

différencient physiquement une ville d'un village. Par exemple dans la

plupart des villes traditionnelles du Bénin, ces éléments matériels sont

représentés soit par :

- un centre commercial ;

- un centre caravanier ;

- la présence d'un imposant palais autour duquel

évoluent les autres quartiers ;

- la présence d'un marché toujours situé en face du

palais ;

- les éléments de fortification qui sont le fossé et/ou

le mur ;

- un portail central à structure complexe.

Ces différents éléments pris individuellement ou collective-

ment sont inexistants dans le village et symbolisent par conséquent la

spécificité des fonctions urbaines. Ces nouveaux critères ajoutés à

ceux de la population, aux différents secteurs d'activités, à l'im-

portance des équipements, etc., permettent d'incorporer les centres

traditionnels aux définitions retenues pour les villes africaines.

Des différents types d'établissements que nous venons de défi-

nir, les plus répandus sont les fermes de culture.

Selon les évaluations faites par nous-même (Igué 1983) à

partir des résultats du recensement national de la population et

de l'habitat effectué en mars 1979, la partie méridionale du

Bénin (c'est-à-dire les provinces de l'Atlantique, du Mono, de

l'Ouémé et du Zou-Sud) compte environ 19 443 localités

réparties comme suit :

- campements de 1 à 50 habitants 13 328 soit 68,50

% ;

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- fermes de culture de 50 à 300 habitants 5 056 soit

26 %;

- villages de 301 à 4 999 habitants 960 soit 5 % ;

- villes de 5 000 habitants et plus 24 soit moins de

0,50 %.

Les deux provinces du Nord comptent 6 530

établissements dont :

- 3 822 campements de 1 à 50 habitants soit 50,52

% ;

- 2 099 fermes de culture de 50 à 300 habitants soit

32 % ;

- 602 villages de 301 à 4 999 habitants soit 9 % ;

- 7 villes de 5 000 habitants et plus, soit moins de

0,50 %.

Ces différents chiffres montrent qu'il existe très peu de gros-

ses agglomérations au Bénin. Sur un ensemble d'environ 26 575

localités dénombrées, seulement 38 centres ont 5 000 habitants et

plus3 (Fig. n°

1).

Cette démarche permet de conclure que du point de vue de

son insertion spatiale, l'habitat est très peu groupé au Bénin.

C. Le mode d’insertion spatiale de

l’habitat

Du point de vue de sa distribution géographique, on peut dis-

tinguer trois cas :

D. les structures d'habitat dispersé ;

E. l'habitat semi-dispersé ;

F. l'habitat groupé.

1. les structures d’habitat dispersé

Les structures d'habitat dispersé caractérisent à la fois le sud

et le nord du pays. Au sud, la dispersion est totale sur les plateaux de

la terre de barre et plus particulièrement dans les districts d'Avrankou,

Ifangni, Pobe et Sakété (Ouémé) ; Allada, Ze, Toffo et Tori-Bossito

3 Les chiffres de 26 575 et 38 englobent cette fois les localités du Zou-Nord.

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(Province de l'Atlantique) ; Bopa, Houeyogbe, Comè, (Province du

Mono).

Au nord, ce sont surtout les districts de Ouake et de Bassila

(Atacora), de Kandi, Segbana, Banikoara et Gogonou dans le Borgou

qui ont un habitat dispersé.

Dans ces différents districts, la population moyenne des loca-

lités est inférieure à 100 habitants.

Les raisons de cette dispersion sont multiples.

Au nord, elles sont dues à la forte emprise du peuplement

peul. Au sud, on peut évoquer, entre autres, trois principales causes :

- les contraintes du milieu naturel en particulier la

rareté de l'eau à faible profondeur sur le plateau

de la terre de barre ;

- la forte emprise de l'histoire aboméenne qui,

pendant l'époque de la traite des esclaves, a

provoqué l'éclatement des grosses

agglomérations ;

- la colonisation agricole, en rapport avec la forte

densité d'occupation et le système foncier.

Quelles que soient les raisons qui la déterminent, cette struc-

ture d'habitat dispersé témoigne du caractère individualiste des

populations et de leur fragilité devant le milieu environnant.

2. L'habitat semi-dispersé

Ce type d'habitat se remarque surtout au nord et plus

particulièrement sur le massif de l'Atacora et en partie dans le

pays bariba. Cette structure semi-dispersée concerne les fermes

de 100 à 300 habitants très répandues dans les districts de

Toukountouna, de Cobly, Boukoumbe, Materi et Tanguieta.

Dans ces différents districts de la province de l'Atacora, ces

petites localités sont formées de concessions non agglomérées,

constituant chacune une sorte de château fort » bâties au centre

du terroir agricole. Ces châteaux forts sont distants de 100 à 150

mètres les uns des autres. Cette distance correspond à l'espace

utile pour la mise en valeur des cultures de case. Elle peut être

aussi appréciée comme celle qui permet aux habitants de chaque

château de se soustraire de la convoitise des voisins. La fourchette de leur population comprise entre i00 et 300 ha-

bitants revêt une grande signification : la limite inférieure de 100

personnes représente le seuil minimum à partir duquel certains travaux

agricoles, en particulier la construction des terrasses, peuvent être

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convenablement envisagés. L'effectif de 300 personnes qui est la

limite supérieure équivaut à la pression démographique que peut

supporter le milieu naturel compte tenu des contraintes pédologiques

en rapport avec les techniques de mise en valeur agricole en usage

dans la région. Ce chiffre de 300 habitants apparaît donc comme un

seuil maximum au-delà duquel la localité s'éclate pour donner

naissance à d'autres.

Le peuplement semi-dispersé du pays bariba est une

association de campements d'éleveurs peul, de fermes agricoles

gando et de gros villages bariba. Ce modèle concerne surtout les

chefferies bariba de Ouassa-Pehunco, Kouandé, Kerou, N'dali et

Nikki. Les campements peul ont généralement moins de 50 habitants,

les fermes gando entre 50 et 300 habitants, les villages bariba

enregistrent une population de 1 000 habitants.

La coexistence de ces trois types d'habitat rural caractérise la

structure socio-économique du peuple bariba. En effet, au niveau de

ces différents établissements, il existe un lien de service et de Soli-

darité. Ainsi, les Peul éleveurs gèrent l'essentiel des animaux ap-

partenant aux princes bariba. Les Gando, pour une large part esclaves

d'origine, labourent la terre pour nourrir les princes bariba. Ceux-ci

sont chargés, à partir de leur parfaite organisation militaire, d'assurer

la sécurité de tout le territoire.

Mais ces structures semi-dispersées subissent actuellement de

profondes mutations, en particulier en milieu bariba les Peul qui se

sont enrichis au détriment de leurs maîtres préfèrent s'éloigner

aujourd'hui de leur ancien domaine pour mieux jouir de leur richesse.

Ils justifient ce départ par le manque d'eau et la rareté du pâturage

provoqué par la surcharge pastorale et la sécheresse. De même, les

Gando, affranchis depuis plu8ieurs années, quittent leur ancien village

pour mieux vivre en toute liberté.

3. L'habitat groupé

Les formes d'habitat groupé sont peu représentatives sur l'en-

semble du territoire national. Elles sont également très variées.

On a d'un côté les districts interlacustres du Bénin

méridional comme les Aguegues et So-Ava, les districts situés le

long de la vallée de l'Ouémé tels que Bonou et Dangbo. Au Moyen-Bénin, les districts de Savè et de Za-Kpota à un

degré moindre, peuvent être considérés comme ayant un habitat

groupé.

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Au nord, il s'agit d'un côté des districts urbains de Djougou et

Parakou, de l'autre, le district rural de Bembérékè et ceux de la vallée

du Niger comme Karimama et Malanville.

Dans ces différents districts, les localités de plus de 300 habi-

tants représentent environ 60 % des établissements humains. Ces

structures groupées caractérisent d'une part les districts où les pro-

blèmes d'eau ne constituent pas un handicap à la forte concentration

humaine comme c'est le cas le long de la vallée du Niger, de l'Ouémé

et dans les régions interlacustres. D'autre part, elles reflètent une

ancienne armature urbaine décadente comme c'est le cas à Savè4.

Ailleurs encore comme à Bembérékè, ce modèle fait suite d'une part à

la politique de regroupement villageois de 1963, d'autre part à la

décadence de la féodalité Bariba.

Quelles que soient les structures mises en place, ces différents

types d'habitat participent à l'aménagement de l'espace national.

II. Le rôle de l’habitat dans l’organisation de

l’espace national

Dans cette partie, il sera question d'évoquer :

- la participation de l'habitat rural à l'aménagement

de l'espace agricole ;

- l'influence des villes sur le modelage de l'espace

national.

A. L’habitat rural et aménagement de

l’espace agricole

On peut envisager ici trois aspects de la question :

1. le rôle de l'habitat dans la mobilisation foncière ;

2. le rôle de l'habitat dans la maîtrise des techniques de

production agricole .

4 Le pays Sabè était caractérisé par la présence de grosses cités qui ont pour

nom Ile-Sabè, Kaboua, Kokoro, Kilibo, Ikenon, Toui, etc. (Couchard 1911).

Là, la traite des esclaves, à la différence de ce qui s'est passé au sud, n'a pas

modifié les anciennes structures urbaines. Elle a eu par contre

pour effet de les vider de l'essentiel de leurs populations. La

plupart en sont désormais réduites à de simples gros villages.

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3. les conséquences des structures de l'habitat sur les

mouvements de population en rapport avec la main-

d’œuvre agricole.

1. Habitat rural et problème foncier

Sur l'ensemble des plateaux du Sud-Bénin caractérisés par un

habitat dispersé, les anciens domaines lignagers ont été partagés entre

les différents éléments de la famille. Cette distribution des terres a

provoqué un émiettement excessif des parcelles entraînant le plus

souvent une certaine rareté du patrimoine foncier. Partout sur ces

plateaux, 80 % des exploitations agricoles ont moins de deux hectares

de superficie. Ce morcellement excessif des parcelles est d'abord le

reflet d'une structure socio-politique élaborée dans ce contexte

d'habitat dispersé marqué par l'individualisme des populations.

Dans ces régions à très forte densité de population, le

problème foncier ne se pose pas seulement en termes de la rareté des

terres ; la dispersion de l'habitat débouche aussi sur un certain

gaspillage des terres disponibles pour l'agriculture. En effet, une

bonne partie de ces terres sont occupées par les innombrables pistes

qui relient les hameaux entre eux et aussi par les vastes concessions

des différentes fermes. Le refus de mettre en commun des terres

agricoles entraîne un important gaspillage dans ce contexte de forte

densité. Ce gaspillage est déjà moins important dans des structures

d'habitat groupé où les membres de plusieurs familles peuvent

partager les mêmes infrastructures collectives.

2. Habitat et maîtrise des techniques de production agricole

Les travaux consacrés aux techniques de production agricole

en Afrique tropicale ont pour la plupart insisté sur la supériorité des

techniques de mise en valeur agricole dans les structures d'habitat

dispersé (Pélissier 1966 ; Sautter 1962 ; Gourou 1971 ; etc.).

Les difficultés à disposer d'une grande surface à labourer ont

été compensées par une technique de production agricole à caractère

intensif. Ainsi dans toutes ces sociétés où la terre se fait rare, les

paysans fument leurs champs à partir des déchets de maison et des

excréments d'animaux.

En dehors de l'utilisation de l'engrais sous diverses formes, les

aménagements agraires répondent parfaitement aux exigences du

terrain ; ainsi, dans la basse vallée de l'Ouémé et aussi dans la

palmeraie de Porto-Novo, existe une palmeraie-parc à l'intérieur de

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13

laquelle se pratique une agriculture vivrière très savante (Pélissier

1963 ; Leclerc 1971).

Dans les structures d'habitat semi-groupé ou groupé, le

problème de l'organisation de l'espace agricole se pose différemment :

le plus souvent, on constate une mauvaise maîtrise des techniques de

production (exception faite toutefois des régions interlacustres du Bas-

Bénin). Mais l'espace agricole est mieux perçu ; on peut en identifier

trois à partir du village.

D'abord, le village se compose le plus souvent d'enclos où les

familles construisent leurs cases. Tout autour, dans un rayon d'environ

200 mètres, s'étend le cercle des champs nus constitués de parcelles

familiales que des fumures permettent de cultiver sans interruption et

sans jachère. Elles donnent, en saison humide, du mil précoce, du

haricot, du manioc et l'essentiel des condiments qui entrent dans la

préparation des mets ordinaires.

Juste après le village, et sur un noyau d'environ un kilomètre,

le reste du territoire villageois est consacré au système d'assolement

triennal. Il est divisé en plusieurs soles qui reçoivent en rotation le

coton Allen, le maïs, le mil et le tabac.

Au-delà de deux kilomètres, s'étend une troisième auréole

exploitée comme champ de brousse. Là se cultivent de l'igname, du

manioc et du maïs de façon extensive.

Ce modèle caractérise le Moyen-Bénin, en particulier dans le

Zou-Nord et presque tout le nord du pays.

D'une manière générale, les communautés rurales vivant dans

de grosses agglomérations sont soudées dans une forte cohésion qui

leur permet de réaliser l'aménagement de leur espace.

Dans les structures d'habitat dispersé, cette solidarité du grou-

pe, le plus souvent, fait défaut. Les rares structures de mise e n

commun des expériences favorisant par conséquent une certaine union

sociale concernent les marchés ruraux. Ces marchés ruraux deviennent

pour ainsi dire les pôles de développement régional. D'autres d'ailleurs

ont exercé un Si profond impact sur leur milieu qu'ils ont évolué

actuellement vers des centres semi-urbains : c'est le cas de Dogbo,

Azovè dans le Mono pour ne citer que ceux-là.

Mais le plus grand problème qui menace aujourd'hui les

structures d'habitat dispersé est celui de l'exode rural.

3. Habitat et mobilité de population

Ce problème se pose en termes d'incapacité des techniques

agricoles savamment élaborées à nourrir en permanence les excédents

démographiques. Ce problème menace davantage les groupes socio-

culturels ayant un mode d'habitat dispersé. Nous pouvons citer le cas

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particulier des Holli de la dépression d'Issaba dans le district rural de

Pobé. Ce peuple a pratiquement envahi tous les plateaux à la

périphérie de cette dépression, offrant ainsi le plus bel exemple de

colonisation agricole spontanée du Bénin méridional.

D'une manière générale, l'exode rural qui frappe toute la

campagne béninoise apparaît comme une sorte de remise en cause des

formes d'aménagements agricoles opérés dans le contexte d'habitat

rural, traduisant ainsi leur inefficacité face à l'émergence des villes.

B. Le rôle des villes dans l’organisation

de l’espace national

L'appréciation du phénomène urbain béninois est une tâche

très délicate. Il manque à ce propos des critères objectifs de définition.

À partir des propositions faites précédemment, on peut distinguer

plusieurs catégories de villes au Bénin.

Il y a d'abord les villes traditionnelles (Mondjannangni, 1977)

présentées comme des villes de première génération. Ces villes

historiques se regroupent en deux catégories : les «cités palais» et les

autres.

- Les « cités palais » selon toujours le qualificatif de

(Mondjannangni, 1977) ne sont autres que les villes qui ont servi de

capitales aux anciens royaumes. Parmi celles-ci on peut citer Allada,

Savi (dans la province de l'Atlantique) ; Kétou, Ifangni Itakété, Porto-

Novo (dans l'Ouémé) ; Abomey, Dassa-Zoumé, Savè, Savalou (dans

le Zou) ; Nikki (dans le Borgou).

- À part ces capitales, il existe d'autres villes historiques

différentes des « cités palais ». Tel est le cas, par exemple, de Djougou

qui, situé sur l'axe caravanier reliant Kano à Salaga dans le royaume

dagomba au nord du Ghana actuel, s'est développée comme une ville

étape ou d'entrepôt.

Après les villes historiques viennent les agglomérations de

deuxième génération » émergées dans le contexte de la traite négrière :

Ouidah seule peut être citée dans cette catégorie.

Ensuite, on a les villes de «troisième génération » constituées

en centres d'encadrement administratif et de traite commerciale nées à

l'époque coloniale. Ce sont les plus nombreuses, et parmi elles :

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Cotonou Bohicon, Grand-Popo, Abomey-Calavi, Adjohoun, Covè,

Kandi, Malanville, Natitingou, etc.

Sur la base de ces trois classifications (Mondjannangni 1977),

on peut identifier sur l'ensemble du territoire national une quarantaine

de localités pouvant être considérées comme villes.

Aujourd'hui, la situation parait plus complexe. À partir des

réformes administratives de 1974 et de 1978, avec l'apparition des

districts et communes urbains, les agglomérations promues au rang de

villes deviennent très nombreuses (environ 86).

De tels changements impliquent nécessairement une nouvelle

catégorisation de ses nouvelles cités. C'est ce qu'a tenté de faire

Ahoyo (1984) en identifiant :

1. une ville dirigeante d'envergure nationale : Cotonou ;

2. les villes d'encadrement régional : l'auteur en a

distingué trois pour la partie méridionale, Porto-Novo,

Abomey, Lokossa, auxquelles s'ajoutent, pour la

partie septentrionale, Parakou et Natitingou ;

3. les villes d'encadrement sous-régional ; seulement

quelques chefs-lieux des nouveaux districts dont la

population est comprise entre 5 000 et 30 000

habitants jouent ce rôle. C'est le cas de Comè, Dogbo,

Klouékamè, Savè, Dassa-Zoumé, Savabu, Djougou,

Kandi, et Malanville pour ne citer que ceux-là.

Cette classification proposée par Ahoyo montre bien que le

rôle de la ville est d'intervenir comme facteur d'organisation nationale,

régionale et sous-régionale.

C. L’influence des villes sur le territoire

national

Cette influence se manifeste de plusieurs manières, mais trois

sont souvent évoquées :

- les relations ville-campagne .

- la vie de relation ;

- le rôle des villes dans la formation des régions

autonomes.

Page 16: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

16

1. Les relations ville-campagne

La ville n'a pu naître que lorsque les campagnes sont par-

venues à dégager un surplus productif permettant de ravitailler les

populations citadines. Il s'instaure alors entre la ville et la campagne

plusieurs rapports de prélèvement pour ne pas dire d'exploitation. Les

formes de ce prélèvement sont multiples :

- prélèvement des travailleurs (exode rural) ;

- prélèvement des ressources alimentaires ;

- appropriation foncière dans certains cas.

On peut longuement insister sur les aspects de cette ponction.

À titre d'exemple, Si nous analysons l'évolution de la croissance des

principales villes du Bénin, on constate que Cotonou croît à un rythme

de 8,26 % par an qui se fait aux dépens des provinces du Zou, de

l'Ouémé et du Mono mais de façon très infime en ce qui concerne le

nord du pays. Sur une population totale de 350 000 habitants recensés

en 1979, il n'y a que 6 000 nordiques vivant à Cotonou, soit seulement

1,87 % de l'effectif. En se basant sur le prélèvement des travailleurs,

on peut conclure que Cotonou ne contrôle pas totalement tout l'espace

national. De ce point de vue, elle reste encore une ville régionale,

dépendant totalement de la partie méridionale du pays.

Après Cotonou, Porto-Novo croît à un taux de 4,1 % par an.

L'excédent de cette évolution par rapport au taux national calculé à2,8

% vient essentiellement de l'impact qu'elle exerce sur son arrière-pays

immédiat. De ce point de vue, Porto-Novo reste effectivement une

ville régionale.

Puis, Parakou croît à 3 % par an. Ce taux se rapproche de

celui de la nation. Cette croissance est également due à l'impact

qu'exerce Parakou sur son arrière-pays immédiat. En effet, sur un

effectif total de 48 761 habitants en 1979, les origines du Borgou

représentent les 70 %, ceux de l'Atacora, 19 % ; les 11 % qui restent

viennent de la partie sud (Igné 1983).

Les autres villes d'envergure régionale comme Abomey,

Natitingou et Lokossa enregistrent une croissance annuelle inférieure

à 2,8 % : Abomey croit à 1,50 % ; Natitingou, 2 %. Cette faible

croissance montre l'impact régional limité de ces centres.

Rien qu'en se référant à ce prélèvement démographique, très

peu des villes que nous venons de passer en revue exercent une

emprise nationale ou régionale évidente. Le moins qu'on puisse dire

est que la plupart servent plutôt de centre de relais aux travailleurs

Page 17: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

17

ruraux qui vont de la campagne à Cotonou dans un premier temps,

puis dans les pays limitrophes dans un second temps.

Les autres formes de prélèvement sont déjà plus difficiles à

analyser par manque de données.

2. La vie de relation

À partir des différents prélèvements qu'opère la ville sur la

campagne, celle-ci devrait offrir en contrepartie un certain nombre de

services tels que :

- le commerce

- la justice

- la santé

- l'éducation;

- la culture, etc.

Très peu de ces services sont correctement offerts à la cam-

pagne par les villes béninoises. Même si elles arrivent à les lui offrir

comme c'est le cas des services commerciaux (rôle du marché

Dantokpa) ou de l'éducation (à partir des collèges et de l'Université),

la campagne les paie cher. Dans d'autres domaines comme celui de la

culture, les villes dépendent plutôt des campagnes, pour la plupart. Il

suffit de se reporter aux grandes manifestations officielles qui se

déroulent en villes (fêtes nationales, visites des chefs d'Etat, etc.). À

chaque occasion, les meilleurs danseurs et chanteurs, les plus beaux

objets d'art viennent de l'arrière-pays immédiat ou lointain. La ville ne

restitue, dans ce domaine culturel, que les valeurs importées de

l'extérieur. La décoloration de la peau, des cheveux, la musique pop,

les films pornographiques etc., toutes choses qui touchent aujourd'hui

le monde rural par le biais de nos villes.

La plupart des autres services sont mal rendus à cause du

maillage des villes béninoises qui ne constituent pas encore un

véritable réseau.

Si l'on étudie le rayonnement de ces différentes villes, toutes

exercent une faible emprise sur leur environnement régional. Les cas

d'Abomey dans le Zou, de Parakou ou de Natitingou dans le nord ou

celui de Lokossa au Mono le prouvent bien.

Dans toute la province du Zou, l'influence d'Abomey s'arrête

au village de Setto. Au-delà, il existe un autre Zou couramment appelé

le Zou-Nord ; cette partie de la province échappe presque totalement à

l'emprise de la capitale. Ce Zou-Nord s'organise de façon autonome

autour du marché de Glazoué. On peut étudier les différents aspects de

cette autonomie du Zou-Nord en prenant pour exemple la circulation

Page 18: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

18

des personnes et des produits de première nécessité à l'intérieur de la

province. On constatera avec surprise qu’il n'existe aucun mouvement

journalier de taxi-brousse entre Abomey et Dassa-Zoumé ou Savalou,

encore moins entre Abomey et Savé. Ce dernier tisse davantage ses

rapports quotidiens avec Parakou.

Revenons à Parakou considérée comme la métropole du Nord.

Elle exerce davantage son impact sur l'axe routier Parakou-Malanville.

Son influence le long de cet axe est d'ailleurs due à la présence des

centres relais comme Kandi et surtout Malanville, deuxième marché

du pays après Dantokpa à Cotonou. Par contre, les régions enclavées

de l'intérieur comme les districts de Banikoara et de Segbana

n'entretiennent pas de rapports journaliers avec la capitale de la

province du Borgou.

Le rôle de Lokossa et de Natitingou est encore plus faible

dans le contexte régional.

Lokossa est complètement bloquée dans son rayonnement

régional par trois principaux marchés autour desquels s'organise toute

la vie de relation dans la province du Mono : Comè, Dogbo et Azovè.

Quant à Natitingou, son emprise vers le Sud et plus particu-

lièrement vers le district de Bassila est gênée par Djougou de loin plus

dynamique et plus prospère. Nous avons étudié en 1981, les rapports

qui existent entre le district de Bassila et la capitale de la province de

l'Atacora à partir des mouvements de taxi-brousse. Nous avons

constaté en cette année-là qu'aucune liaison par taxi-brousse n'est

assurée entre Bassila et Natitingou. Sur une dizaine de taxi-brousse

constituant l'essentiel du parc automobile du district de Bassila, quatre

font la liaison Bassila-Djougou, six, Bassila-Kambolé et Sokodé au

Togo et les dix se dirigent vers Cotonou la veille du marché Dantokpa.

(Igné Adam 1981). Cette situation a complètement isolé Bassila de

l'emprise de Natitingou. Pour l'essentiel de ses besoins, Bassila

entretient ses meilleures relations avec les localités frontalières du

Togo.

À partir de cette faible emprise de la vie de relation des prin-

cipales villes du pays sur leur arrière-pays, on peut conclure qu'elles

organisent mal l'espace national. Les différents rapports qui existent

entre ces villes sont plutôt d'ordre vertical. De ce point de vue, elles

servent tout au plus de relais entre leur région et la capitale

économique pour ne pas dire politique, d'une part, entre le monde

extérieur et l'espace national, d'autre part. Les décisions qu'elles font

répercuter vers le monde rural correspondent parfaitement aux

différents besoins du marché mondial.

3. Le rôle des villes dans la formation des régions

Page 19: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

19

La première idée à souligner est que dans la plupart des pays

du monde, l'organisation de l'espace national dépend des relations qui

s'établissent entre la ville et le monde rural. Pour reprendre Vidal de la

Blache, « les villes et les routes sont des initiatives d'unité qui créent

la solidarité des contrées ».

C'est à partir de leurs effets de polarisation que les villes

remodèlent l'espace qui les entoure. Ces effets de polarisation se

mesurent à partir de plusieurs actions qu'exerce la ville sur son milieu

immédiat. Parmi ces actions de polarisation, on peut signaler :

- les flux bancaires ;

- l'impact administratif ;

- l'impact industriel ;

- les centres de décisions politico-administratives.

Ces différents éléments constituent un pôle, c'est-à-dire un

ensemble d'unités motrices qui exercent des effets d'entraînement à

l'égard de l'ensemble territorial national. Lorsque plusieurs centres

existent et jouent ce rôle de pôle, il s'instaure un système de réseau, de

communication ou de liens de complémentarité régionale (Dollfus,

1970).

Si nous cherchons à apprécier ces différents éléments à partir

de l'espace béninois, très peu participent correctement à la polarisation

régionale.

Prenons par exemple le flux bancaire.

Au Bénin, il n'existe que quatre banques :

- la Banque centrale des États de l'Afrique de

l'Ouest (BCEAO) ;

- la Banque commerciale du Bénin (BCB) ;

- la Banque béninoise pour le Développement

(BBD) ;

- La Caisse nationale de Crédit agricole (CNCA).

La Banque centrale a deux agences dans le pays :

Cotonou et Parakou. La BCB en a environ 24 dont dix à Cotonou et quatorze dans

le reste du pays ainsi réparties :

- Mono : 4

- Zou : 4

- Ouémé : 2

Page 20: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

20

- Nord : 4

Cette répartition des agences de la Banque commerciale du

Bénin, de loin la plus importante banque du pays, montre déjà une

grande disparité du flux bancaire. La ville de Cotonou apparaît, dans

ce contexte, comme la seule à être pleinement engagée dans les

circuits monétaires.

En ce qui concerne les industries, on remarque la même

suprématie de Cotonou où se concentrent 63 % des unités industrielles

du pays.

Quant à la situation administrative, on peut rappeler qu'en

1977, le Bénin disposait de 39 000 emplois. Sur ces 39 000, Cotonou

en avait 28 000, soit 73 %.

Ces différents exemples illustrent fort bien l'inexistence d'au-

tres pôles de développement régional aussi importants que Cotonou.

Cela revient à dire que l'essentiel de notre effort de développement se

limite à Cotonou qui n enregistre pourtant que 10 % de la population

nationale. Or, les analyses précédentes ont montré que cette ville,

malgré les investissements qui lui sont consacrés, ne couvre pas

encore, par son influence, l'ensemble du territoire national. Si elle

contrôle et organise parfaitement le Bénin méridional, son impact

reste cependant faible sur les populations du Nord-Bénin.

Page 21: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

21

D. Les cause de la faible polarisation

régionale au Bénin

Elles sont multiples. Mais nous n'en retiendrons que trois :

- la primauté accordée au développement des villes

à faible personnalité historique et économique ;

- la nature du réseau urbain ;

- l'inexistence d'une élite citadine accrochée à son

origine géographique.

En quel terme se pose chacun de ces problèmes?

En ce qui concerne le premier point, Cotonou seule a bénéficié

des plus gros équipements réalisés depuis l'indépendance. Même

pendant l'époque coloniale, elle n'a jamais été aussi privilégiée. Pour

s'en convaincre, il suffit de jeter un coup d’œil sur l'évolution de sa

population par rapport à celle des autres agglomérations du Sud.

TABLEAU N° 1 : Évolution de la population de Cotonou comparée

à celle des principales villes du Sud

Années

Villes

1936 1956 1961 1973 1979

Cotonou 6811

hbts

56300

hbts

78000

hbts

197000

hbts

320000

hbts

Porto-Novo 23500 31000 64000 1oe000 133000

Ouidah 10500 18832 17200 24495 25459

Abomey 11435 18832 21000 30000 38418 Source O. J. IGUE Analyse démographique du Bénin méridional. Projet PUB

1983.

On remarque dans ce tableau, que c'est après 1961 que

Cotonou a réellement pris le pas sur les autres villes en bloquant

d'ailleurs l'évolution de certaines d'entre elles comme Ouidah et

Abomey. La primauté accordée à Cotonou après l'indépendance résulte

des contradictions qui existent entre les différents partis politiques du

pays. Sa position neutre face à l'origine des différents leaders du

Dahomey d'hier lui a valu son développement spectaculaire.

Page 22: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

22

Or, l'environnement biogéographique de Cotonou est si

fragile qu'elle ne peut supporter sa charge démographique

actuelle qu'en opérant de sévères ponctions sur les ressources

nationales et sur l'arrière-pays tout entier. Quoi qu'il en soit, cette suprématie de Cotonou a ruiné l'ébau-

che du réseau urbain sous-régional qui comportait trois autres villes :

Porto-Novo, Ouidah et Allada. Elle a ruiné aussi une certaine prise de

conscience régionale au niveau national. Actuellement, presque toutes

les élites intellectuelles du pays s'identifient facilement et aisément

aux habitants de Cotonou. Elles se réclament si spontanément de cette

ville qu'elles ne rencontrent aucun obstacle venant des autochtones

d'ailleurs inexistants.

La primauté de Cotonou conduit lentement le pays vers une

macrocéphalie très préjudiciable à l'équilibre national.

Conscient du danger que représente ce poids excessif de

Cotonou, il y a eu quelques tentatives de revalorisation de deux

localités de l'intérieur : Lokossa et Parakou. Malheureusement, le

choix de ces deux centres s'appuie sur l'expérience de Cotonou :

privilégier les agglomérations sans grande envergure historique. C'est

ainsi qu'il fut décidé de faire de Lokossa, le petit village Kotafon, la

capitale de toute la province du Mono qui souffrait cruellement de

l'inexistence d'une grande ville vers les années 1960. Le manque de

personnalité historique et d'assiette économique solide va priver ce

petit centre du soutien des ressortissants du Mono. Les efforts

déployés n'ont jamais permis à cette ville mise en chantier depuis

1964, de dépasser 5 395 habitants en 1980 et 12 626 si l'on y inclut ses

différentes communes5. Par manque d'élite constituant un groupe de

pression face aux autorités politico-administratives, Lokossa croît à

pas de tortue.

Jusqu'à ce jour, le Mono est resté privé d'une cité dynamique

autour de laquelle s'organiserait toute la province. Il est curieux de

rappeler que la plus importante agglomération de la province est Sè,

localité qui ne jouit même pas du statut de chef-lieu de district. Elle

compte 8945 habitants, suivie de très près par Dogbo avec 8 700 ha-

bitants.

Parakou au nord rentre également dans la catégorie de ces

créations neutres, en dépit de l'existence du petit royaume des Apaki

5 La situation est si critique qu’en 1975, lorsque Lokossa allait accueillir la

fête nationale tournante, le Président de la République a dû faire

appel à la conscience régionale des cadres du Mono pour venir

arranger quelque peu leur capitale régionale. Cet appel est resté

sans écho.

Page 23: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

23

d'origine Sabè et d'une halte caravanière. Par rapport aux principaux

foyers culturels du Nord, Parakou reste bel et bien une ville neutre.

Il en résulte là aussi le manque d'une élite autochtone prenant

en charge la destinée de la ville6.

Cette absence d'élite se trouve compensée par le rôle prépon-

dérant de l'État dans ces différentes agglomérations. Finalement, cet

État assure l'essentiel des fonctions utiles à ces différentes cités. Son

poids excessif dans la gestion de ces centres se pose en termes de

distribution équitable des ressources nationales.

Somme toute, les villes soutenues par une élite locale posent

moins de problèmes aux pouvoirs publics. Elles s'organisent le plus

souvent à partir d'elles-mêmes. Mieux, elles ont leur cachet propre se

traduisant par une certaine personnalité culturelle et une emprise

régionale.

III. Quelques expériences de régionalisation en

Afrique Occidentale et les réformes

administratives des années 1974-1978

Parmi les pays de la sous-région qui ont tenté d'organiser

l'espace national à partir des villes, on peut citer le Ghana, le Nigeria

et la Côte-d'Ivoire.

A. Les expériences ghanéennes

Le Ghana tout comme le Nigeria fait partie des pays d'Afrique

noire ayant bénéficié d'un important réseau de villes traditionnelles. A

6 6 Certes, Parakou bénéficie, à la différence de Lokossa, d'un soutien

rségionaliste à caractère politique que lui apportent les cadres du

Nord. Ce soutien se fait simplement par souci de se démarquer des

Sudistes. le caractère neutre de Parakou ne permet pas à cette

action d'avoir d'autres significations culturelles et régionales. Il en

résulte pour la ville le même type de développement que Cotonou,

à savoir une ville où l'on fait taire toutes les contradictions

socioculturelles, expression d'une civilisation authentique.

Parakou tout comme Cotonou, est un creuset dans lequel se moule

un autre citoyen béninois, sans grande conscience culturelle.

Page 24: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

24

la fin du siècle dernier, on pouvait y distinguer trois catégories de

villes :

- les villes côtières qui se sont développées entre le

XVIIe et le XIXe siècles respectivement dans le

contexte du commerce négrier, de la traite de

l'huile de palme, de l'or et de l'économie

cacaoyère. Elles sont très nombreuses et bien

peuplées. Ce sont : Ada, Pram Pram, Accra,

Winneba, Saltpond, Anomabu, Cape Coast,

Dixcove et le doublet Sekondi-Takoradi ;

- les villes des petits États formant la Confédération

ashanti nées dans le cadre d'une politique

expansionniste associée à une activité

commerciale très prospère. Elles ont pour cadre,

d'une part, le cœur du pays ashanti, d'autre part, la

région de la Brong Ahafo. Parmi les plus célèbres,

il y a Kokofu, Bekwai, N'kwanku, Agona,

Mapong, Juaben, Nsuta et bien sûr Kumasi qui

anime toutes ces agglomérations.

- Avant la guerre opposant Anglais et Ashanti à

partir de 1874, plusieurs de ces villes étaient très

populeuses Kumasi, la capitale, avait 200 000

habitants vers 1824. On peut également citer

Berwai, Juaben et Mapong. Juaben était aussi

vaste que la moitié de Kumasi ; sa population

avoisinait 70 000 habitants (Dickson, 1971) ;

- les villes du nord se sont développées uniquement

dans le contexte du commerce caravanier. Elles

ont la particularité d'être des centres d'entrepôt

bâtis au contact de la forêt et de la savane. Les

plus célèbres sont Kintampo, Atebutu, Kete-

Kratche (au sud), Gonja, Bole, Wa, Yendi (au

nord) et Salaga au centre. Toutes ces villes-

entrepôts étaient organisées autour de Salaga dont

le rayonnement couvrait pratiquement toute

l'Afrique occidentale.

Ces différents rappels montrent bien l'importance du

réseau urbain ancien de l'actuel Ghana. Durant la conquête

coloniale, les différents conflits opposant Anglais et Ashanti tout

Page 25: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

25

au long de la deuxième moitié du XIXe siècle ont ruiné les villes

de la Confédération ashanti ainsi que les entrepôts situés à l'orée

de la savane. Toutes ont été saccagées ou incendiées par les

Anglais. Kumasi même ne comptait plus que 15 000 habitants

vers 1900. Néanmoins, c'est à partir de cette assiette urbaine que les

Britanniques réorganisèrent le pays après leur victoire en 1896. La

colonie fut divisée en quatre grandes entités administratives : le nord,

la ceinture moyenne, le pays ashanti et la Côte. Le pays ashanti et la

partie sud-ouest étaient particulièrement privilégiés à cause de

l'importance de leurs ressources agricoles et minières. En dehors

d'Accra, la capitale, toute la polarisation régionale s'est faite autour de

Kumasi et en faveur du sud-ouest. Il en est résulté la revalorisation du

pays ashanti, et plus particulièrement sa capitale et aussi l'émergence

de nouveaux pôles de développement et de drainage comme Sekondi-

Takoradi. Le nord et la région de la Volta négligés étaient totalement

déprimés.

Après l'indépendance en 1957, une nouvelle structure admi-

nistrative fut élaborée faisant du Ghana un ensemble de neuf grandes

régions ou provinces7, lesquelles furent subdivisées en 91 districts.

Cette nouvelle structure administrative a pour but de reva-

loriser les anciens centres urbains décadents. Mais la plus grande

action du régime N'Krumah en faveur de l'organisation de l'espace

national a porté sur la réduction du déséquilibre territorial instauré par

l'administration coloniale. Celle-ci déboucha sur la mise sur pied d'un

vigoureux programme de développement en faveur de 1a «Volta

Region» qui disposait de plusieurs atouts en eau et en ressources

naturelles.

Les grandes orientations de ce programme furent la cons-

truction du barrage d'Akossombo, la revalorisation de la culture du

cacao dans l'«Eweland» et l'exploitation de la bauxite de l'Akwapin.

L'aboutissement de ce vaste programme de mise en valeur de la partie

orientale porta sur la création de la ville de Tema à la fois comme le

premier port en eau profonde du pays et même de l'Afrique

occidentale et le deuxième pôle de développement industriel après

l'ensemble Sekondi-Takoradi.

7 Les neuf régions en question sont les suivantes : ~ Region (capitale

Bolgatanga), Northern Region (capitale: Tamalé), Brong Ahafo Region

(capitale: Kete-Kratchi), Ashanti Region (capitale: Kumasi), Volta Region

(capitale : Hô), Eastern Region (capitale : Koforodua), Central Region

(capitale : Cape Coast), Western Region (capitale: Secondi-Takoradi),

Greater Accra Region (capitale: Accra).

Page 26: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

26

Mais ces différents programmes ont à peine débuté quand il

fut mis fin au régime de N'Krumah en 1966. La chute du régime porta

un coup d'arrêt à cette expérience, montrant ainsi le caractère limité et

même illusoire de toute entreprise de développement qui ne s'appuie

pas réellement sur un groupe de pression à caractère local et

autonome.

Celui qui visite aujourd'hui la petite ville de Tema qui avait

atteint 15000 habitants en 1966 est frappé par son état de délabrement

et d'abandon par manque d'appui local.

B. Le cas du Nigeria

Le Nigeria vient en tête par l'importance de son réseau urbain

d'origine très ancienne. Avant la colonisation, la partie occidentale

peuplée de Yoruba était gérée à partir des cités-États, faisant ainsi de

ce groupe ethnique l'un des plus urbanisés du monde. Lorsque les

premiers missionnaires arrivèrent en pays yoruba au milieu du siècle

dernier, plusieurs villes avaient plus de 50 000 habitants; selon Bowen

qui fait partie de ces missionnaires, en 1856, Ibadan comptait 70 000

habitants, Ilorin, 70 000, Abeokuta, 60 000 etc. (Mabogunje 1962).

Lors du recensement de 1952, on avait dénombré 136 agglomérations

de plus de 5 000 habitants dans la partie occidentale du Nigeria.

Le nord était également bien urbanisé. On peut y identifier

quatre catégories de cités : celles du Borno, du pays haoussa, de

l'Émirat peul de Sokoto et du royaume nupé de Bida. Dans chacun de

ces domaines se comptent plusieurs agglomérations au centre

desquelles se trouvent Kano, Sokoto et Bida.

La population de Kano était estimée en 1585 à 70 000

habitants. Aujourd'hui, elle demeure avec Khartoum (au Soudan) et

Dakar (au Sénégal), les plus grosses villes du monde soudano-

sahélien.

Seule la partie orientale du Nigeria était peu urbanisée avant

la pénétration européenne. Mais là aussi vont naître, à partir des

comptoirs commerciaux, des postes missionnaires et des marchés

régionaux d'importantes villes. Ce sont Onisha, Oweri, Port Harcourt,

Calabar, etc.

L'importance des villes nées dans le contexte du pouvoir

traditionnel obligea les Anglais à associer les anciens dignitaires à

l'administration du pays. Il en est résulté la revalorisation de ces villes

et celle de la culture autochtone. Les anciens dignitaires et les cadres

actuels, d'ailleurs issus, pour la plupart de cette classe dirigeante

Page 27: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

27

traditionnelle, constituent pour ces villes du Nigeria une élite

indispensable à leur gestion et au maintien de l'ancienne ambiance

culturelle traditionnelle. Ainsi, à la différence des villes nées de la

colonisation, les principales agglomérations du Nigeria continuent de

véhiculer une culture authentique à travers d'ailleurs une conscience

ethnique aiguë (Igué 1975). Malheureusement, cette conscience a

stimulé l'émergence des leaders politiques locaux qui pour des intérêts

évidents, ont transformé cette conscience ethnique en une forme de

tribalisme intolérant, débouchant sur un certain cloisonnement

régional qui gêne aujourd'hui le développement national.

Pour contourner les difficultés de ce tribalisme, il fut décidé

de la création d'une nouvelle capitale à Abuja dont le site arrange tout

le monde par sa parfaite neutralité culturelle qui fera d'Abuja une ville

sans âme et sans envergure nationale en dépit des intentions qui ont

motivé sa création. D'ailleurs, le fait que le projet Abuja, initié sous le

régime militaire de Murtala ait été pris en compte par le parti NPN de

Shagari constitue aujourd'hui une grande faiblesse dans la construction

de la nouvelle capitale. Abuja est devenue, dans l'esprit de tout

Nigérian honnête, le symbole d'un certain affairisme.

On comprend, dès lors, que le nouveau régime du Général

Buhari refuse, pour le moment, de se prononcer en faveur de 1 a

reprise des travaux de finition des premiers équipements urbains.

C. L’expérience ivoirienne

La Côte-d'Ivoire disposait de peu de villes pendant l'époque

coloniale. Elle n'a jamais bénéficié d'un important réseau de villes pré-

coloniales. Certes, on y comptait quelques centres caravaniers de

renom comme Kong, Odiéné, Boundoukou et Bouna. Autour de ces

différentes localités se sont d'ailleurs développées des chefferies de

commerçants d'origine manding.

Le caractère très marginal de son développement économique

au sein de l'ancienne Afrique occidentale française n'a pas débouché

sur la création de villes d'origine coloniale. Pour le montrer, en 1920

par exemple, la proportion des citadins représente seulement 2 % de la

population. A cette époque, l'ancien Dahomey et le Sénégal étaient de

loin plus urbanisés. Abidjan et Grand-Bassam considérées comme

principales villes du pays ont seulement 5 000 habitants chacune. Il

faudra attendre 1955 pour qu'émergent les premières ébauches de

villes. Quelques années avant cette date, il y eut des actions

spectaculaires de développement qui ont spécialement profité à

Abidjan, en particulier l'ouverture du port en 1952. À cette action

Page 28: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

28

s'ajoutent d'importants investissements effectués pour la mise en

valeur de la zone forestière sous forme d'infrastructures routières et de

développement des cultures de plantations.

Malgré ces investissements, Abidjan est restée privilégiée

jusqu'en 1960. Elle comptait en cette année 180 000 habitants ;

Bouaké qui venait en deuxième position n'en avait que 41 000. À part

ces deux villes, il existait sept autres agglomérations dont la

population est comprise entre 5 000 et 15 000 habitants.

Les difficultés de l'émergence de villes pendant l'époque

coloniale reposaient, en dehors du manque d'un ancien réseau urbain,

sur l'absence d'une politique cohérente de régionalisation. Le pays

était divisé en 19 cercles et 49 subdivisions. Certains de ces cercles

étaient peu homogènes sur le plan socio-économique. Les

subdivisions étaient, elles aussi, à cheval sur plusieurs pays naturels

très différents.

À l'indépendance en 1960, les autorités ivoiriennes ont

remanié cette vieille structure administrative en partageant le pays en

six départements (sud, est, nord, centre, ouest, centre-ouest),

subdivisés en 104 sous-préfectures.

Cette nouvelle division administrative n'avait pas résolu, pour

autant, les difficultés de régionalisation dans la mesure où les

nouveaux départements tout comme les anciens cercles ne corres-

pondaient à aucune réalité socio-économique. Ainsi par exemple, le

département du sud s'étendait sur toute la côte depuis la frontière du

Liberia à celle du Ghana. Celui du centre groupait autour de Bouaké la

savane baoulé, une partie du pays sénoufo à vocation céréalière et

deux foyers forestiers oriental et occidental où se cultivaient le café et

le cacao. Ces différentes difficultés ne pouvaient pas permettre à ces

préfectures d'être les bases d'une organisation rationnelle de l'espace.

Elles étaient loin de favoriser l'émergence de villes nouvelles, noyau

principal de développement.

C'est en 1969 que s'opéra la deuxième réforme administrative.

Le pays fut éclaté en 24 départements remplaçant les six anciens ; les

104 anciennes sous-préfectures n'avaient pas bougé. Aujourd'hui, on

compte 35 départements en Côte-d'Ivoire.

La création de ces préfectures a eu plusieurs conséquences.

On peut signaler au passage :

- la revalorisation de tous les anciens gros bourgs

sans aucune discrimination politique ;

- le développement des services publics, en

particulier les services de la santé, de

l'enseignement, des PTT, etc. ;

Page 29: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

29

- le développement d'un important secteur

commercial par la création de réseaux de

boutiques et de marchés ;

- le soutien politique apporté à ces différents

centres par la rotation des fêtes nationales. Les

fêtes de l'indépendance depuis 1965 se sont

tenues chaque année dans chacun des chefs-lieux

de département. Ces fêtes donnaient l'occasion de

refaire parfois de fond en comble l'aménagement

urbain : nouvelles maisons de préfecture, hôtel,

marché couvert et bitumage des rues. Elles don-

naient l'occasion de réaliser de gros

investissements publics dans ces différents chefs-

lieux de département. « Ces dépenses sont même

devenues si importantes, qu'elles ont plutôt écrasé

les deux dernières bénéficiaires, Boundoukou et

Odiéné » (Cotten 1975).

Au total, d'un pays sans ville en 1950, la Côte-d'Ivoire offre

aujourd'hui l'exemple d'une urbanisation dynamique, même Si ces

villes sont restées tout comme les autres, le centre de drainage de

l'économie nationale vers le monde extérieur. Abidjan a en 1975, 975

000 habitants, Bouaké, 160 000. En dehors de ces deux villes qui

jouent le rôle de métropole, il existe actuellement environ dix villes de

plus de 40 000 habitants, dix autres villes dont la population tourne

autour de 20 000 habitants et trente-huit derniers centres secondaires

ayant entre 5 000 et 15 000 habitants.

À partir de ces différentes réformes administratives, la

Côte-d'Ivoire s'est dotée d'un important réseau urbain qui

rappelle, par son maillage, celui du Ghana et même du Nigeria. La réussite de l'expérience ivoirienne n'est pas seulement due

à la volonté politique des dirigeants et aux énormes moyens financiers

du pays. Elle vient premièrement du fait qu'on a joué sur les gros

noyaux préexistants dont le nombre est d'ailleurs restreint en dépit des

moyens matériels du pays. Deuxièmement, l'expérience a bénéficié du

soutien qu'apporte chaque dirigeant politique à sa base originelle.

C'est le président Houphouët-Boigny lui-même qui donne l'exemple

en restant profondément accroché à sa ville natale. Du petit village de

moins de 1 000 hbts en 1955, Yamoussoukro est devenue aujourd'hui

une ville de 25 000 habitants ayant une croissance annuelle de 9 %.

Page 30: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

30

Somme toute, le soutien qu'apportent les dirigeants politiques

autochtones à ces différentes villes fait naître à l'intérieur de chacune

d'elles un véritable groupe de pression qui continue l'effort du

Gouvernement de plusieurs manières. C'est ainsi que certaines

localités complètent les actions gouvernementales par les équipements

culturels, éléments essentiels de l'identification régionale. L'apparition

de cette élite locale donne à ces nouvelles villes, une impulsion qui lui

assurera un meilleur avenir, même après le régime de Houphouët-

Boigny.

D. Les réformes administratives de 1974

ET 1978 (fig. n°2)

L'expérience béninoise diffère sensiblement des trois cas

précédemment étudiés. Le Bénin est moins urbanisé que le

Ghana et le Nigeria. Mais il a connu un processus urbain plus

ancien que 1a Côte-d'Ivoire. Comme nous le faisions déjà remarquer, il existait ici, tout

comme au Ghana - mais sur une toute petite échelle - les villes

côtières nées des comptoirs commerciaux, les villes de l'intérieur, base

de pouvoir traditionnel local et les agglomérations du Nord qui sont

tantôt des centres caravaniers, tantôt des cités historiques.

Après la conquête coloniale, le territoire fut divisé en cercles

et en subdivisions. Il existait quinze cercles sous lesquels on avait

entaillé quatorze subdivisions. Les chefs-lieux de ces différentes

unités administratives équivalaient en gros aux anciennes villes

traditionnelles bien que les Français aient choisi de liquider

définitivement, à partir de leur politique d'assimilation, toutes ces

anciennes structures traditionnelles. Ce n'est qu'exceptionnellement

qu'ils ont choisi de s'installer hors de ces anciens noyaux urbains :

exemple de Pobé par rapport à Adja-Ouèrè, exemple d'Aplahoué par

rapport à Sè, etc.

La présence des Français dans les villes traditionnelles leur

permettait, du reste, de contrôler les activités des anciens dignitaires.

Le refus de tenir compte de leurs intérêts dans la gestion de leur ville

n'a pas favorisé le développement d'une conscience urbaine très élevée

chez les Béninois comme on peut la constater dans les pays

anglophones, en particulier au Nigeria. Il en est résulté un manque

d'intérêt pour son origine géographique chez les nouvelles classes

dirigeantes.

Quoiqu'il en soit, après l'indépendance en 1960, les anciens

cercles et subdivisions ont fait place à six préfectures et à 31 sous-

Page 31: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

31

préfectures. La plupart des subdivisions sont toutes devenues des

sous-préfectures pendant que beaucoup de cercles redevenaient

également des sous-préfectures. Dans cette réforme, beaucoup d'an-

ciens cercles ont ainsi vu leur sphère d'influence se réduire

considérablement.

En 1974, on procéda à une autre réforme qui transforma les

anciennes préfectures en provinces et les sous-préfectures en districts.

Mais les six anciennes préfectures n'ont Pas été modifiées ; on a par

contre fait évoluer les 31 sous-préfectures en 44 districts.

En 1978, les 44 districts seront portés à 84. Par rapport à

1974, la dernière réforme administrative introduisit plusieurs innova-

tions.

D'abord, on distingue désormais deux catégories de districts

urbains et ruraux.

Ensuite, à chacun de ces districts, est associé un certain

nombre de communes urbaines et rurales.

Enfin, tous les chefs-lieux de district sont devenus des com-

munes urbaines quels que soient l'effectif de leur population, le

caractère lâche ou compact de la localité choisie et le niveau de son

équipement.

Ces innovations ont ainsi supprimé la hiérarchie fonctionnelle

existant entre les différentes villes du Bénin.

Mais le plus important à signaler est l'esprit qui a guidé la

réforme : « rapprocher l'administré de l'administrateur.» Ainsi définie,

cette entreprise a un but essentiellement politique dicté par l'unique

souci de mieux quadriller le pays pour en faciliter la meilleure

mobilisation des habitants.

Par rapport aux différentes expériences évoquées ci-dessus,

elle se singularise de plusieurs manières.

Premièrement, elle n'a aucun fondement régional. La plus

belle illustration est le refus de s'appuyer sur les grosses unités

administratives telles que les provinces dont la vocation serait de jouer

le rôle d'animateur régional en résolvant partiellement les problèmes

soulevés par la non-intégration nationale.

Deuxièmement, dans le choix des nouveaux chefs-lieux de

district, on avait fait fi des gros noyaux préexistants et surtout des

anciennes relations politiques à l'échelon traditionnel à partir

desquelles se définissent tous les rapports sociaux. Il en est résulté, au

niveau des populations administrées, de longs débats historiques qui

ont finalement pénalisé beaucoup de localités dont les populations

sont considérées comme de véritables réactionnaires.

Malgré l'appréciation qu'on en fait, ces débats historiques ont

pour conséquence de priver certains districts de la force vive néces-

Page 32: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

32

saire à leur mise en valeur, d'affaiblir l'influence des chefs-lieux sur la

plupart des villages qui leur sont dépendants.

Enfin, pour un petit pays comme le Bénin, il a manqué de

moyens matériels suffisants pour soutenir le projet. La défaillance de

ce soutien matériel se ressent sur le terrain par une lente croissance et

un équipement dérisoire. Dans une récente étude (Ahoyo, 1984)

concernant la partie méridionale du pays, l'auteur a montré que, dans

leur rôle d'encadrement sous-régional, seuls quelques districts ont

l'envergure nécessaire pour assumer ce rôle. Concernant l'emprise

locale des chefs-lieux, ce sont curieusement les anciens cercles et

subdivisions aujourd'hui transformés en districts qui se montrent plus

dynamiques. Tous ceux qui ont été nouvellement créés, faute

d'expérience et peut-être aussi d'un soutien local ferme, piétinent

toujours. Et Ahoyo de conclure :

« créer de nouveaux districts et ériger leurs chefs-lieux en

communes urbaines est un acte politico-administratif relativement

facile à prendre. Doter ces nouvelles communes d'une grille minimale

d'équipement pour en faire de véritables petites villes est une

entreprise autrement plus difficile qui nécessite la définition d'une

politique à long terme.

Les quatre exemples que nous venons de passer en revue

montrent bien la complexité de l'organisation de l'espace national à

partir des villes. Il s'agit d'une entreprise dans laquelle entrent en ligue

de compte plusieurs paramètres : politique, économique et culturel. La

plupart des pays analysés ont choisi certains de ces différents

paramètres. La réforme ghanéenne entreprise par N'Krumah a été

dictée par des nécessités économiques liées à un meilleur équilibrage

des pôles de développement. Celle réalisée par le Gouvernement

béninois a plutôt une orientation politique. La création d'Abuja au

Nigeria va dans le même sens, bien qu'officiellement, on justifie

l'opération par l'encombrement et l'insécurité de Lagos. En fait, c'est la

peur des autres groupes ethniques du pays de se voir submerger par le

caractère oppressant de la culture yoruba qui explique la rapidité avec

laquelle les dirigeants nigérians ont adhéré à ce programme. Il n'y a

que la réforme territoriale ivoirienne qui ait un contenu à la fois

politique et régional. Mais cette réforme, malgré ses bons côtés, a mis

en place les structures d'une meilleure exploitation du pays si

fortement engagé dans l'économie libérale.

Ces différentes remarques montrent ainsi le caractère com-

plexe de l'aménagement du territoire. Aujourd'hui, la réforme ter-

ritoriale ne peut être considérée comme une meilleure opération que

lorsqu'elle prend en compte la revalorisation de notre culture qui doit

désormais conditionner nos différentes options économiques.

Page 33: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

33

Pour revenir à l'espace national béninois objet de notre

propos, le poids excessif de Cotonou pourtant loin des macrocéphalies

africaines comme Kinshasa ou Brazzaville, empêche les autres villes

de rayonner correctement sur leur arrière-pays. Ce poids prive ces

villes secondaires d'une partie de leur élite qui ne retourne plus à leur

base originelle pour contribuer aux efforts entrepris par les pouvoirs

publics dans le cadre des nouvelles réformes administratives. Or, sans

le développement de cette élite régionale en tant que groupe de

pression qui se mobilisera aux côtés des autorités pour une meilleure

exploitation des possibilités régionales, il paraît impossible de

distribuer correctement les ressources nationales. Une telle

distribution des ressources nationales apparaît d'ailleurs comme l'une

des solutions pour retenir les hommes valides sur place afin de les

occuper à des tâches de production et de construction nationale.

D'ailleurs, compte tenu du caractère mouvant du pouvoir politique,

seule cette élite locale peut perpétuer les efforts de développement

fournis en faveur des régions.

Cette remarque signifie qu'il ne peut y avoir de politique

d'aménagement du territoire sans une conscience régionale chez les

citoyens du pays. Seule, cette conscience régionale peut permettre au

développement du processus national d'avoir une assise culturelle

solide.

Page 34: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

34

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Page 36: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

36

Chapitre 10 :

Échanges et espace de développement : cas de

l’Afrique de l’ouest

La question du développement économique est devenue très

préoccupante en Afrique. Devant l'échec des différentes expériences

en la matière et l'ampleur des crises, on s'interroge désormais sur cette

partie de la planète ; s'agit-il d'un continent maudit ? Mais quand on

cherche à connaître les causes profondes des difficultés que rencontre

actuellement le continent noir on se rend bien compte du lourd

héritage du partage colonial. En effet, l'Afrique est sans nul doute le

continent le plus "balkanisé" avec plusieurs Etats à l'intérieur desquels

l'exercice du pouvoir reste une véritable épreuve ou ces Etats sont

trop grands et l'encadrement correct des hommes qui y vivent pose de

sérieux problèmes en raison du caractère squelettique des équipements

légués par la colonisation, ou la majeure partie de leur territoire est

impropre au développement selon les moyens disponibles, ou enfin

ces Etats sont trop petits et manquent de ressources.

Cependant, la plus grande difficulté des espaces hérités de la

colonisation en Afrique ne résulte pas de la taille, mais plutôt du mode

de gestion des ressources humaines. Les problèmes de fond relatifs à

cette gestion ont été mal résolus en raison du tracé des frontières

issues de la colonisation. Celles-ci n'offrent pas aux territoires qu'elles

délimitent un espace culturel et économique viable. Autrement dit,

peut-on assurer le bon fonctionnement d'un Etat sans une référence

morale dépendant d'une valeur culturelle authentique ? Et quelle

valeur faut-il défendre dans ces territoires, véritable mosaïque de

peuples? Cette question s'était déjà posée aux différentes puissances

colonisatrices.

La France avait choisi de la régler par l'assimilation des sujets

colonisés à ses valeurs morales. Cette politique n'a finalement

concerné qu'une faible couche de la population. Les débats actuels tant

sur la francophonie que sur les migrations des ex-colonisés vers l'ex-

métropole en montrent les limites. Les Anglais ont agi tout autrement

en instaurant dans leurs territoires un système d'administration

indirecte, accordant aux peuples colonisés la possibilité d'évoluer

selon leur propre civilisation, bien qu'aucune colonie britannique ne

corresponde à une entité historique. L'absence d'un territoire culturel

Page 37: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

37

autonome a fait de la politique de l’indirect rule le facteur essentiel

des tensions tribales dans les pays anglophones.

De notre point de vue, ce sont ces questions qui expliquent la

profondeur des crises africaines, dans la mesure où elles ont rendu très

difficile la gestion des nouveaux Etats. On comprend dès lors

pourquoi les dirigeants actuels de l'Afrique, quels que soient leur

conviction politique, leur niveau de formation et leur moralité,

échouent toujours de la même manière. Le problème de fond pour

sortir l'Afrique de ses malheurs n'est pas seulement une question de

liberté démocratique, c'est aussi celui de la gestion de l'héritage

colonial à travers les frontières léguées par la colonisation.

Les populations africaines en sont tellement conscientes

qu'elles banalisent ces frontières parce que les espaces qu'elles

délimitent sont incapables d'assurer leur sécurité. Cette banalisation

revêt plusieurs aspects géographiques dont quelques-uns feront l'objet

de notre réflexion :

- le développement des échanges régionaux informels ;

- l'impact de ces échanges sur l'espace ;

- les échanges et les pôles de développement en Afrique de

l'Ouest.

I. Le développement des échanges régionaux

informels en Afrique de l’Ouest.

L'histoire du commerce régional en Afrique de l'Ouest est

celle d'une activité d'échanges impliquant les différentes zones

écologiques. C'est aux frontières de ces zones écologiques que se sont

développés depuis la période pré-coloniale les principaux marchés-

entrepôts qui ont pendant longtemps garanti le dynamisme des

échanges régionaux, à savoir, Kukawa, la célèbre capitale de l'Etat du

Borno, Kano, la plaque tournante du commerce caravanier africain,

Salaga, le plus important marché à cola du pays Dagomba et enfin

Kong situé au terminus de l'une des plus importantes voies du

commerce caravanier reliant le Moyen-Orient à l'Afrique occidentale.

Autour d'eux se sont constitués d'importants réseaux marchands

toujours contrôlés par les mêmes groupes ethniques (Haoussa -

Kanouri à l'Est, Wangara (Dendi) au centre et Malinké à l'Ouest) et

fondés à la fois sur les complémentarités régionales et les relations

avec le Maghreb, le Moyen-Orient et la zone forestière (Nigeria

actuel, Ghana et Côte-d'ivoire). L'importance et l'extension de ces

réseaux marchands avaient favorisé la création d'un système monétaire

Page 38: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

38

"emboîté" qui a hâté le processus d'intégration régionale à l'époque, à

savoir une monnaie locale représentée par la manille, une monnaie

régionale représentée par le cauris, et une monnaie internationale

représentée par l'or.

Ces différentes expériences n'ont jamais servi de référence

aux diverses stratégies de développement qui sont actuellement mises

en application dans la sous-région au niveau officiel.

Il ne peut en être autrement, puisque les décideurs actuels ont

choisi de minimiser les réalités historiques et culturelles locales pour

préférer un développement qui puise ses racines dans d'autres valeurs

culturelles d'origines exogènes, d'où leur difficulté à maîtriser les

principes de ce développement, notamment la mobilisation des

ressources, l'équilibre entre les populations des villes et des

campagnes. Les discours politiques n'atteignent pas les populations en

raison des différences de valeurs entre élites intellectuelles et

populations non scolarisées. Les paramètres du fonctionnement

national sont rarement maîtrisés. C'est le cas de la comptabilité

nationale souvent sous ou surévaluée, entraînant soit des pénuries, soit

des excédents difficilement gérables.

Ces distorsions sont les causes essentielles du développement

du secteur commercial informel tant décrié dans les discours officiels.

Celui-ci s'adapte très bien au contexte local puisqu il évolue dans le

sillage du commerce pré-colonial. Il s'appuie sur des réseaux

marchands dynamiques et efficaces qui, malgré l'apparition des

frontières coloniales, ont une activité transnationale et couvrent toute

la sous-région. Ils se sont parfaitement adaptés aux différents systèmes

économiques mis en place dans le contexte colonial, en particulier à la

complexité du système monétaire. Ainsi, d'importants marchés de

change parallèles se sont créés et sont même devenus la référence pour

fixer les cours officiels.

Enfin, ces différents réseaux marchands fonctionnent à partir

des complémentarités régionales imposées par l'existence des zones

écologiques. Ainsi, les pays côtiers à climat humide et largement

ouverts sur le monde extérieur animent les échanges régionaux à partir

de leurs produits agricoles ou industriels et à partir de ceux qui

proviennent du marché international. En contrepartie. les pays

enclavés sahéliens fournissent la main d’œuvre pour le développement

des cultures installées dans les pays du Sud. Ils fournissent également

du bétail, des oignons et des légumineuses.

En ce qui concerne l'échange des produits locaux, celui-ci a

connu ces dernières années un développement exceptionnel sous

l'effet de plusieurs facteurs :

- la sécheresse des années 1968 à 1973 ;

Page 39: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

39

- la valorisation exceptionnelle de certaines

matières premières entre 1970 et 1980 (pétrole,

fer, phosphates et uranium) ;

- la très forte urbanisation des pays côtiers.

Les produits qui alimentent ces échanges concernent

d’une part l’élevage, d'autre part les denrées agricoles sans

oublier les produits de la pêche. Le commerce du bétail représente sans nul doute l’un des

volets les plus importants des échanges intra-régionaux. Ce commerce

qui se fait des pays sahéliens vers ceux de la côte s'est

considérablement développé à partir de 1970, suite à l'augmentation

énorme des revenus tirés de la vente des matières premières. Les

principaux pays fournisseurs sont le Mali, le Niger, le Tchad et le

Burkina Faso. Le Nigeria et la Côte-d'Ivoire apparaissent comme les

plus gros demandeurs. Ces deux pays absorbent à eux seuls environ

95 % de ventes des Etats sahéliens. Les transactions actuelles sont

d'environ 450 000 têtes de bovins par an8.

Les denrées agricoles qui participent aux échanges régionaux

portent respectivement sur les céréales, les légumineuses et les

tubercules. Le volume des céréales locales échangées est de l'ordre de

400 000 tonnes par an9 . Mais celui-ci fluctue selon des années en

fonction de l'ampleur du déficit des pays sahéliens. La quantité de

légumineuses (niébé surtout) commercialisée annuellement est

d'environ 125 à 200 000 tonnes. Quant aux tubercules et dérivés, c'est

à peu près 50 000 tonnes qui sont concernées chaque année (Figure n°

1 et 2).

Le commerce des produits de la pêche s'est développé entre la

Mauritanie, le Sénégal et la Guinée et leurs voisins de la zone que sont

la Côte-d'Ivoire, le Ghana et le Nigeria. On estime à environ 150 000

tonnes le volume de poissons échangé annuellement.

8 A propos du commerce du bétail en Afrique de l'Ouest on peut consulter :

USAID an WORLD BANK Liberalizing regional markets for livestocks

products : An action plan for me Mali, Burkina and Côte d'Ivoire corridor,

octobre 1991.

JOSSERAND, P.H. Systèmes ouest-africains de production et d'échangea en

produits d'élevage, Club du Sahel, 1990.

9 COSTE 3., Esquisse régionale des flux de céréales en Afrique de l'Ouest,

Communication au Séminaire CILSS/OCDE-Club du Sahel -sur

les Espaces céréaliers régionaux en Afrique de l'Ouest, Lomé, 6-11

novembre 1989.

Page 40: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

40

Mais le gros du commerce régional porte de loin sur les flux

de réexportation. Cette réexportation apparaît comme le symbole

même des transactions qui exploitent au mieux les disparités des

politiques économiques et les failles dans les systèmes de contrôle des

échanges des divers Etats de la sous-région. Trois groupes de

marchandises sont actuellement concernés par les flux de

réexportation les céréales, les produits manufacturés et les voitures

d'occasion.

Les céréales réexportées portent d'un côté sur le riz en

provenance du Sud-Est asiatique et des Etats-Unis d'Amérique, de

l'autre sur le blé et sa farine. Près de 600 000 tonnes de céréales

importées du marché international animent ces échanges dont 500 000

sont destinées au seul Nigeria. Vers ce pays, la réexportation est

organisée à partir du Bénin (environ 200 à 300 000 tonnes par an) du

Cameroun (entre 120 et 150 000 tonnes) et du Niger (pour environ 20

000 tonnes).

A l'Ouest, c'est la Gambie et la Guinée qui sont les plus gros

réexportateurs de riz vers le Sénégal et le Mali. La Guinée intervient

dans ce trafic pour environ 66 000 tonnes par an selon la revue

Afrique Relance10

(figure n° 3).

La réexportation des produits manufacturés touche toute une

gamme de produits au centre desquels figurent en bonne place les

tissus, les cigarettes, les cosmétiques et les habits usagés (friperie).

Ces différents produits sont demandés par le Nigeria à partir de ses

marchés-relais que sont le Bénin, le Niger et partiellement le

Cameroun.

Le marché des véhicules d'occasion venus d'Europe ne s'est

développé que ces dernières années. Les ports les plus actifs en la

matière sont Douala (au Cameroun), Cotonou (au Bénin) et Conakry

(en Guinée). En 1990, celui de Cotonou a traité 9 000 véhicules

d'occasion dont 2000 pour le marché local et le reste pour la sous-

région.

Ces différents échanges, qui se font, le plus souvent par le

biais des circuits parallèles ont fortement soudé les Etats entre eux en

dépit d'une législation très protectionniste, montrant ainsi la nécessité

d'un espace économique plus grand et mieux intégré. Ils sont devenus,

contrairement aux préjugés ancrés dans l'esprit des décideurs, un

facteur de régulation et d'une meilleure distribution des richesses dans

la zone.

10

Afrique relance, vol. 6 n°1, avril 1992

Page 41: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

41

II. Impact des échanges sur l’espace

L'une des conséquences des activités marchandes dans la

sous-région est sans nul doute leur répercussion spatiale ; ces activités

commerciales ont introduit une nouvelle dimension régionale qui

contredit très fortement le fonctionnement rigide des Etats-Nations et

aussi le blocage des différentes expériences de regroupements

régionaux de type CEAO et CEDEAO. Cette dynamique régionale

fonctionne à travers deux types de relations dont l'un implique l'espace

national tout entier et l'autre l'espace de voisinage.

A. Echanges et espace national

Dans le cadre strictement national, les relations de production

et de consommation peuvent être définies comme des relations

verticales de type ville-campagne. Celles-ci se développent à partir

d'une forte demande urbaine et de l'excédent commercialisable à la

campagne. Elles se développent aussi à partir des relais dont deux

types participent très fortement à la structuration spatiale :

- les marchés de regroupement constitués d

importants centres d ' entreposage des

productions de l'arrière-pays agricole avec des

transactions se faisant en gros. Ces marchés

de regroupement sont généralement situés

dans des zones de contact écologique,

impliquant des productions complémentaires,

soit au carrefour de routes facilitant

l'évacuation des productions, soit au contact

de sociétés ayant des habitudes de

consommation contrastées... C'est au niveau

de ces marchés que les commerçants d'origine

urbaine, généralement des grossistes,

rencontrent les acheteurs forains résidant à la

campagne ;

- les marchés de collecte représentés par les centres

de production excédentaire mettent en contact les

acheteurs urbains de faible envergure économique

avec les producteurs.

Page 42: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

42

Ces deux types de marchés fonctionnent comme des

relais indispensables dans les relations ville-campagne. Cette

fonction de relais finit par transformer la plupart de ces marchés

en villes secondaires à envergure non négligeable mais ayant

toujours une fonction d'échange très dominante. On peut citer,

en guise d'illustration :

- les anciens caravansérails qui, de simples étapes

pour les caravanes, sont devenus des marchés,

puis des agglomérations. Ces caravansérails ont

joué un rôle considérable dans le commerce pré-

colonial. Sur le plus grand axe commercial de

cette époque reliant Kano (Nigeria actuel) à l'Est

à Kong (Côte-d'Ivoire actuelle) à l'Ouest, une

dizaine d'étapes sont devenues d'importants

marchés de regroupements, puis des villes

secondaires dynamiques. Parmi ces centres, les

plus célèbres par leurs activités commerciales

étaient Kishi au Nigeria, Kilir-Wangara ou

Djougou au Bénin, Sansanné Mango au Togo,

Kpempe-Salaga au Ghana, Bondoukou, Odienne

et Kong en Côte-d'Ivoire.

La plupart de ces anciens caravansérails sont encore actifs de

nos jours, bien qu'ayant perdu de leur importance par la modificaiton

de la route qui y menait, et fonctionnent comme des relais

administratifs (exemple, d'Odienne, de Djougou, de Yendi, etc.) ou de

marchés régionaux bien fréquentés : Djougou, Bondoukou, etc.

D'autres au contraire comme la célèbre Salaga et Kong sont devenus

de simples villages sans grande réputation :

- les marchés agricoles de la période coloniale,

servant à la traite des cultures de rente comme les

dérivés du palmier à huile (Ouagbo au Bénin), de

l'arachide (Kaolack au Sénégal), du café et du

cacao (Toumodi en Côte-d'Ivoire). Ces marchés

agricoles à l'instar des caravansérails ont

également évolué en villes de traite pour ces

mêmes marchandises. Ouagbo (Bénin) conserve

encore une bonne partie de cette fonction de

collecte de l'huile de palme ;

- les marchés de regroupement ou de production de

la période actuelle ayant émergé dans le cadre des

Page 43: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

43

politiques agricoles initiées depuis les

indépendances ; les localités de Pobè et de Comé

au Bénin font partie de cette série tout comme

celles de Vogan au Togo ou de Tengrela en Côte

d'Ivoire.

Ces différents marchés demeurent les facteurs

dynamiques des relations ville-campagne et participent de ce fait

à une nouvelle structuration de l'espace à l'échelon national. La

dynamique de cette polarisation spatiale dépend à la fois de

l'intensité du réseau de ces marchés, de leur périodicité

d'animation et de l'importance de leurs transactions marchandes. Par rapport à l'importance du réseau, c'est la partie forestière

du Golfe du Bénin, entre le delta du Niger et la frontière du Ghana

avec la Côte-d'Ivoire, qui demeure la plus importante. Ainsi dans la

seule province de 1'Ouémé au Bénin, on peut identifier quatre types de

réseaux :

- les marchés lagunaires du pays Gun-Houlénou au

centre desquels se trouve le grand marché de

Porto-Novo. Traditionnellement, ce réseau s'est

mis en place autour des escales qui servaient à la

traite des esclaves, de l'huile de palme et des

pacotilles. Ce réseau débordait d'ailleurs le cadre

territorial béninois pour impliquer le marché du

port de Badagry au Nigeria actuel ;

- les marchés du pays Ouémé situés à la fois sur le

bourrelet de berge du fleuve Ouémé et au contact

du plateau de la terre de barre. Ces marchés

fonctionnent comme le grenier des populations

lagunaires vivant exclusivement de la pêche et du

commerce. Ce réseau est resté jusqu'à ce jour le

pourvoyeur de la ville de Porto-Novo en produits

maraîchers et condiments de bases ;

- les marchés du pays tori comme Avrankou,

Adjara, Akpro-Missérété, Kouti etc., de la

palmeraie-parc de la banlieue de Porto-Novo, qui

se sont mis en place uniquement pour la traite des

produits du palmier à huile. Beaucoup d'entre eux

ont évolué pour devenir d'importants marchés

frontaliers comme Adjara et Avrankou, axés sur

les échanges commerciaux avec le sud-ouest du

Page 44: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

44

Nigeria, notamment avec Djoffin, Toubé, Ipokia,

et Ado-Odo ;

- enfin, les marchés yoruba d'Ifangni, Sakété, Pobé

et Kétou originellement plus dépendants du grand

réseau yoruba. Mais le partage colonial les a

transformés en marchés frontaliers dynamiques

animant les échanges commerciaux qui affectent

la partie méridionale du Bénin et du Nigeria.

Quant à leur périodicité, l'ensemble des marchés d'Afrique de

l'Ouest suit quatre schémas : les marchés journaliers généralement

situés dans les grandes villes, les marchés de deux jours situés le plus

souvent dans la zone péri-urbaine, les marchés de quatre jours très

représentatifs de la zone forestière d'Afrique noire et les marchés

hebdomadaires caractéristiques des régions ayant subi l'influence

islamique ; ainsi tous les marchés des pays sahéliens ont une

périodicité de sept jours, conformément au calendrier islamique. Mais

à l'intérieur de ce domaine, on rencontre des poches d'animation de

quatre jours, telles que Djougou au Bénin, conformément au rythme

d'arrivée des caravanes.

Cette périodicité est conditionnée aussi par l'abondance des

produits à vendre ainsi dans la région forestière riche en denrées

agricoles, la fréquence des marchés semble être plus rapprochée alors

qu'elle s'espace, là où la production agricole est hypothéquée par la

rigueur du climat.

C'est aussi par rapport à cette rigueur du climat qui limite

sérieusement l'offre locale en produits vivriers que les marchés

représentent aujourd'hui un grand enjeu dans les pays sahéliens, ceci

se traduit par une très grande affluence dans les centres commerciaux.

Cette affluence intensifie les relations ville-campagne, largement

complétées par d'autres types de relations à caractère horizontal

impliquant deux ou plusieurs pays à la fois, compte tenu des besoins

d'échange ou de l'extension des réseaux de marchés périodiques.

B. Echanges et relations de voisinage

Les types de marchés qui servent de relais aux relations ville-

campagne dépassent largement les catégories analysées ci-dessus. il

en existe d'autres comme les marchés frontaliers ou de transit qui, tout

en animant ces relations ville-campagne renforcent plutôt les échanges

frontaliers ou de voisinage Ces marchés se sont mis en place depuis le

partage colonial qui avait perturbé les vieilles structures d'économie

Page 45: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

45

pré-coloniale ; mais leur développement actuel fait plutôt suite à la

crise engendrée par la sécheresse des années 1968-1975 d'une part et

au boum des matières premières entre 1970 et 1980 d'autre part. Ils

sont également restés dynamiques en raison des flux de réexportation

et de transit entre pays francophones et anglophones provoqués par les

fluctuations qui se produisent entre monnaies convertibles stables et

monnaies non convertibles instables. La liste de ces marchés est

souvent longue :

Jibiya, Illela, Kamba, Gamboru, au Nigeria du Nord... Ilo,

Chikanda, Gouré, Babana, Okuta, Ijio, Ilara, Touré, Assiri et Kwémé

au Nigeria de l'Ouest, Malanville entre le Bénin et le Niger, Ifangni,

Klaké entre le Bénin et le Nigeria, Dapaong, Cinkansé entre le Togo et

le Burkina-Faso, Bawku entre le Ghana et le Burkina, Bondoukou et

Sampa entre le Ghana et la Côte-d'Ivoire...

C'est grâce à leur nombre élevé que l'on peut apprécier le

réseau des marchés frontaliers en Afrique de 1'Ouest et leur rôle dans

la structuration de l'espace à l'échelon régional :

- le réseau haoussa-kanouri implique à la fois le

Nord Nigeria et le Sud Niger, le Nord Cameroun

et le Sud du Tchad ;

- le réseau yoruba inclut le Sud-ouest du Nigeria et

le Sud-Est du Bénin ;

- le réseau ibo s'étend du Nigeria au Sud-ouest du

Cameroun ;

- le réseau akan comprend le Ghana et la Côte-

d'Ivoire;

- le réseau dioula-manding s'est largement

développé entre les pays forestiers et sahéliens à

l'Ouest de l'Afrique.

L'espace marchand se structure autour de ces réseaux. C'est

dire que les relations verticales de type ville-campagne à caractère

strictement national sont beaucoup plus complexes qu'on ne l'imagine,

dans la mesure où elles impliquent aussi des relations horizontales à

caractère extra-territorial. Ces relations horizontales structurent plutôt

les espaces frontaliers en les transformant en de véritables pôles de

développement soudant les Etats limitrophes entre eux. Ces pôles sont

souvent qualifiés de périphéries nationales à cause de leur

fonctionnement assez autonome par rapport aux lois en vigueur dans

les Etats limitrophes. Le développement de ces périphéries

Page 46: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

46

nationales11

est axé à la fois sur la dynamique des marchés frontaliers,

des migrations pendulaires, sur la rapide croissance des villes situées

aux points de passage de cette migration et sur un important flux de

marchandises. Toutefois, les espaces frontaliers n'offrent pas tous les

mêmes structures dans la sous-région. Certains de ces espaces ne

possèdent pas ces facteurs de dynamisme. Ainsi, d'autres espaces

frontaliers ne se sont pas développés le long des frontières d'Etat, mais

bien loin de celles-ci, à l'arrière d'espaces de protection qui empêchent

tout équipement frontalier.

Le premier modèle d'espace frontalier axé sur la dynamique

des marchés périodiques, les migrations pendulaires, la dynamique

urbaine et les flux importants de marchandises caractérise plutôt les

frontières du Nigeria avec ses voisins, partiellement une partie de celle

du Ghana et celle de la Guinée avec les pays limitrophes du Sud,

Sierra-Léone, Libéria.

A ce modèle très structurant de l'espace, s'opposent les

frontières, simples couloirs de trafic, caractérisées par l'absence totale

de tout équipement et de support des échanges tels que ville

frontalière, marchés périodiques, magasins de stockage et par

l'inexistence de cette vie de relation intense qui débouche ailleurs sur

la formation d'un espace grouillant d'hommes et d'activités

économiques. Ces frontières, simples couloirs de trafic, se sont surtout

développées dans la parti~ septentrionale de la Guinée, entre le

Sénégal d'une part et le Mali d'autre part.

Le dernier modèle d'espace frontalier est celui des pôles

d'échange situés à l'intérieur des pays Celui-ci caractérise toujours la

Guinée et ses voisins du Nord, Sénégal, Mali, Gambie et Guinée-

Bissau.

L'absence de tout équipement et de tout dynamisme frontalier

visible à la frontière septentrionale de la Guinée d'une part, et le

transfert des pôles d'échanges frontaliers vers l'intérieur du pays

d'autres part s'expliquent par trois faits :

- l'absence de villes d'une certaine importance démographique

proches de la frontière dans les pays voisins, capables de jouer le rôle

de pôles d'échanges. De ce point de vue, ces frontières septentrionales

sont très différentes de celles du Nigeria ;

- l'absence de ces villes est la conséquence de la faible densité

du peuplement et surtout de l'inexistence de groupes ethniques vivant

11

IGUE (O. J.), le développement des périphéries nationales en Afrique, in

Les Tropiques, Lieux et Liens. Ed. de l'ORSTOM. Paris, 1991.

Page 47: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

47

à cheval sur les frontières. Ce modèle de frontière correspond aux

limites des civilisations traditionnelles, d'où l'absence totale d'acteurs

commerciaux originaires de cette zone, à la différence des groupes

haoussa entre le Niger et le Nigeria, des Foulbé entre le Nigeria et le

Nord Cameroun ou des Yoruba entre le Nigeria et le Bénin... Les

Peuls et les Malinkés qui sont les principaux acteurs du commerce en

Guinée n'habitent pas les zones frontières et animent les échanges

avec les pays voisins seulement à partir de leur propre région Il en

résulte un déplacement des pôles d'échanges de la frontière vers

l'intérieur ;

- l'absence enfin d'une politique de bon voisinage dans la

zone. Pendant longtemps, les relation de la Guinée et du Sénégal d'une

part, de la Guinée et du Mali d'autre part, sont restées très tendue Ceci

s'est traduit dans les faits par la mauvaise qualité des infrastructures

routières. Cette situation e particulièrement critique en Guinée où les

meilleures routes s'arrêtent à l'intérieur du pays, loin d zones

frontalières.

En conséquence, les pôles d'échanges avec les pays voisins se

sont déplacés de la frontière du Nord vers les villes de l'intérieur, là où

se trouvent d'un côté les acteurs de ces échanges et de l'autre les

centres urbains suffisamment dynamiques pour gérer le commerce

régional.

C'est la première fois qu'on assiste à un pareil transfert de ces

espaces d'échanges vers l'intérieur du pays. Ce type de marché

principal de l'intérieur mais entièrement axé sur le commerce

frontalier, notamment avec les pays sahéliens, est illustré par deux cas

Labé, la capitale de la moyenne Guinée et Kankan, chef-lieu de la

haute Guinée.

Les deux villes, qui commandent pourtant d'importantes

régions naturelles du pays, tirent davantage leurs ressources

économiques du commerce avec les pays sahéliens que de leurs

fonctions de métropoles régionales. On peut mesurer l'importance des

échanges frontaliers pour ces deux localités de plusieurs manières :

- Leurs activités économiques sont entièrement

axées sur le tertiaire : plus de 60 % de leur

population active exercent dans le commerce.

- Ce sont d'importants carrefours routiers et

d'importants marchés dont la clientèle provient à

plus de 30 % des pays sahéliens. Labé vit

davantage de ses relations commerciales avec la

Guinée Bissau, la Gambie et le Sénégal qu'avec le

Page 48: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

48

reste de la Guinée. Il existe un courant permanent

entre cette ville et ces trois pays, en dépit de la

mauvaise qualité des voies de communication.

Kankan est plutôt tournée vers le Mali et joue le

rôle de relais pour Guéckédou, d'où partent les

produits originaires d'Asie et des Etats-Unis et

destinés à Bamako. C'est également par Kankan

que transite tout le riz asiatique réexporté vers le

Mali. Enfin, elle reçoit du Mali des pièces de

véhicules en provenance du Nigeria.

- 30 % au moins des produits proposés sur le

marché arrivent de l'étranger et particulièrement

des pays sahéliens, qu'ils soient d'origine locale

comme le sel et le poisson du Sénégal ou achetés

sur le marché international tels que les tôles

ondulées, les postes de radio, les chaussures et les

cigarettes qui viennent surtout de la Gambie.

Enfin, il existe dans ces villes un marché des changes parallèle

extrêmement dynamique.

Le déplacement des pôles d'échanges frontaliers vers

l'intérieur du pays entraîne deux conséquences pour 1'Etat Guinéen.

- La réduction de l'espace économique réel aux

limites de ces pôles

- La formation d'un véritable "Border Zone" tacite

devenu un véritable champ de manœuvre par où

les commerçants peuhl et malinké exercent leurs

diverses activités parallèles.

- L'existence de cette zone non aménagée et mal

approvisionnée limite l'intégration de la Guinée

au plan officiel dans la zone ouest, malgré la très

forte diffusion de ses rentes vers l'extérieur. Ceci

permet à des commerçants très entreprenants de

réaliser d'importants profits dans le commerce

parallèle aux dépens de l'Etat guinéen.

Somme toute, les relations commerciales de voisinage

entraînent la formation de trois modèles d'espaces frontaliers en

Afrique de l'Ouest, aux effets structurants très différents. Si l'on

considère la dynamique de ces zones frontalières par rapport à celles

Page 49: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

49

d'autres espaces d'échanges déjà évoqués, on peut conclure que les

échanges commerciaux structurent l'espace de plusieurs manières :

Il y a d'abord les villes principales qui fonctionnent comme

des marchés terminaux de consommation ; à un deuxième niveau, on

trouve les villes-marchés situées dans 1' arrière-pays et servant de

relais entre produits manufacturés venant des villes et produits

agricoles offerts par la campagne ; enfin, en troisième position,

viennent les espaces frontaliers, éléments dynamisants du commerce

régional. C'est par rapport à ces trois pôles que l'on peut mieux

analyser les perspectives d'aménagement du territoire dans la sous-

région ouest-africaine.

III. Echanges et pôles de développement en Afrique de l'Ouest

Les différents espaces qui viennent d'être identifiés apparaissent

à nos yeux comme les maillons d'une structuration spatiale capable de

régler deux sortes de problèmes. Les premiers sont relatifs à la

dynamique démographique ; les seconds concernent la dynamique de

production et de consommation en vue de l'édification d'un espace

économique fonctionnel, soit à partir de la logique d'Etats nations, soit

en se fondant sur les alternatives d'intégration régionale. Chacun de

ces espaces comporte maintes nuances dont il faut saisir la portée et

les mécanismes.

Les villes administratives et industrielles définies comme

marchés terminaux de consommation, et dont certaines exercent des

fonctions politiques à l'échelon supérieur de la nation, demeurent les

points d'aboutissement de toutes les migrations de population qui

affectent la sous-région. On y distingue trois catégories :

- les métropoles régionales couvrant toute la sous-

région par leur rayonnement, lié d'une part à

l'importance de leur population (plus d'un million

d'habitants), d'autre part à leurs fonctions. C'est

dans cette catégorie que se trouvent Lagos,

Abidjan, Dakar, Accra et, dans une moindre

mesure, Lomé et ouagadougou. Leur fonction de

métropole régionale se traduit par une forte

immigration ainsi que par une croissance

démographique supérieure à 10 % par an. Le

niveau de vie élevé d'une partie de la population,

dû notamment aux salaires octroyés aux

Page 50: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

50

fonctionnaires internationaux provoque une très

forte demande en biens de consommation

courante et de luxe qui dépasse le plus souvent la

capacité de production du pays concerné. En

conséquence, leur marché est largement ouvert

sur tout l'espace ouest-africain ainsi que sur le

marché international.

- les métropoles nationales dont le rayonnement ne

dépasse pas les frontières du pays. Ces métropoles

ont généralement une population comprises entre

500 000 et 1 000 000 d'habitants. Elles

n'hébergent que peu de fonctions internationales.

Il en résulte un niveau modéré des migrations

qu'elles suscitent, celles-ci s'alimentant presque

exclusivement de l'exode rural. Néanmoins,

certaines de ces villes telles Cotonou, Conakry,

Freetown... favorisent, par leurs activités

portuaires et de transit, l'arrivée de migrants

étrangers à la recherche de gains faciles. la

demande de ces métropoles nationales est moins

élevée et se limite à ce que le pays peut offrir,

exception faite des biens d'équipements et de

quelques produits alimentaires de base. En

revanche, les villes sahéliennes de cette catégorie

comme Niamey, Bamako, Nouakchott, sont

largement tributaires de l'étranger pour leur

approvisionnement.

- les villes de l'intérieur exerçant une fonction

administrative de niveau régional. C'est surtout au

Nigeria que le rôle de ces villes par rapport à la

demande paraît significatif. En effet, beaucoup

d'entre elles sont très peuplées, telles Ibadan,

Kano et Onisha, qui comptent plus d'un million

d'habitants. On en trouve également plusieurs

dont la population dépasse 500 000 habitants

comme Port Harcourt, Enugu, Benin-City,

Kaduna, Ogbomosho, Abeokuta... Ailleurs,

aucune des villes administratives de l'intérieur

n'avoisine les 500 000 habitants. Mais leur

fonction d'encadrement à l'échelon de la région est

éminemment significative dans une perspective

d'aménagement du territoire. Il faudrait s'appuyer

Page 51: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

51

sur elles pour favoriser l'apparition d'un meilleur

réseau urbain en Afrique de l'Ouest et en même

temps établir des barrières freinant l'exode rural

massif vers la capitale, dans la perspective de

réactivation d'une dynamique de productions de

base.

C'est en s'appuyant sur ces trois catégories de villes et sur

leurs fonctions que la sous-région peut asseoir un réseau urbain

fonctionnel et capable d'offrir à la campagne une véritable dynamique

de production et de développement.

Le second axe possible d'aménagement de l'espace concerne

les villes-marchés, c'est-à-dire les principaux centres de regroupement

jouant le rôle de relais dans les relations ville-campagne. Ces villes

revêtent une importance capitale pour ce type de rapport car elles

répondent mieux au besoin des populations rurales que certaines villes

administratives dont le choix en tant que telles est parfois subjectif et

contestable12

. A cause de l'importance de ce rôle, on doit les

considérer comme les maillons nécessaires à un meilleur encadrement

du monde paysan. C'est grâce à leur variété et à leur dynamisme

commercial qu'elleS peuvent développer une véritable fonction

polarisante. Ces villes marchés sont également variées dans l'espace.

Les études qui existent sur la question font apparaître trois groupes13

:

- les villes-marchés de distribution primaire

dominées par l'offre de produits agricoles pour

environ 60 % de leurs activités. Elles sont

généralement peuplées de commerçants

travaillant en étroite collaboration avec les

producteurs. On y rencontre également quelques

transporteurs assurant le lien entre acheteurs et

commerçants et acheminant les marchandises

collectées vers les principaux centres de

consommation. Le dynamisme de ces villes-

marchés de distribution dépend le plus souvent de

12

Par rapport à cette remarque, Malanville reste de loin plus dynamique que

Kandi au Bénin, considérée comme une métropole régionale. De

même, Banki est plus active que Mora la capitale administrative de

la sous-préfecture de Mayo Sava, et Kerawa l'emporte sur Mokolo,

chef-lieu de la Mayo tsanaga au Cameroun, etc.

13 ABERC (J.A.) et BLAQUE-BELAI (P.) The role of market towns in

Guinée. Research Triangle Institute. Research Triangle Park North

Carolina. U.S.A., 1990

Page 52: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

52

la capacité productrice de leur arrière-pays

agricole. Elles souffrent d'un équipement

fonctionnel marqué le plus souvent par le manque

d'électricité.

- les villes-marchés de transit sont des centres

d'accumulation, d'entreposage et de distribution à

la fois des produits agricoles et manufacturés.

Mais leur caractéristique essentielle vient du fait

que 25 % des produits offerts sur le marché

proviennent de l'extérieur de la région. De même,

25 % de la clientèle du marché vient d'ailleurs.

Cette importance des produits et de la clientèle

étrangers donne à ces villes-marchés de transit un

certain rayonnement régional qui se manifeste par

un équipement supérieur.

- les villes-marchés frontalières agissent à la fois à

l'échelon national et régional dans leur fonction

de porte d'entrée et de sortie pour les

marchandises tant agricoles que manufacturées.

Ainsi, plus de 40 % de ce qui est offert sur ces

marchés vient de l'étranger de même que 30 % de

la clientèle. Les activités d'échanges entraînent

une très forte animation ; elles favorisent aussi le

développement des équipements en profitant de la

forte circulation monétaire qu'elles induisent et en

tirant bénéfice de leur rôle de fenêtres sur les pays

étrangers.

Par rapport au rôle que peuvent jouer les espaces frontaliers

dans la dynamique régionale, on pourrait surtout insister sur le fait que

ces espaces constituent de véritables maillons d'intégration

économique. Mais compte-tenu de leurs niveaux d'équipement très

différents, seules les périphéries nationales paraissent intéressantes

malgré leur évolution dans le temps et dans l'espace.

Les caractéristiques de ces périphéries nationales (important

réseau de marchés périodiques, fortes migrations pendulaires, forte

croissance des agglomérations frontalières, importants flux monétaire

et de marchandises) les rendent particulièrement propres à

1’instauration d'un véritable programme de coopération à la fois

bilatérale et régionale14

. Faut-il rappeler à ce sujet que la diversité des

14

Le Nigeria tente de dialoguer avec ses voisins pour la co-gestion des

espaces frontaliers

Page 53: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

53

fonctions de ces périphéries nationales entraîne leur relative

autonomie, les transformant ainsi en de véritables enclaves qui

s'imposent par leur rôle économique aux Etats-Nations limitrophes.

Ainsi se crée un nouvel espace qui se greffe sur celui des pays voisins

pour leur conférer des avantages tels que le développement des

marchés-relais situés en marge du contexte national et la constitution

d'un cordon de sécurité dans bien des cas.

Ces marchés-relais jouent plusieurs rôles et en particulier

détiennent des stocks régulateurs de produits bruts ou financiers. Ces

stocks permettent ainsi aux Etats de compter sur leurs voisins pour

régler une partie de leurs difficultés alimentaires ou financières. C’est

dire que ces espaces frontaliers favorisent la réalisation d'une certaine

intégration régionale qui s'organise de fait au travers des échanges

frontaliers. Ils servent de support à des réseaux d’échanges fondés sur

la solidarité éprouvée entre les populations, mais dans la plupart des

cas situés en marge de la légalité. Ainsi, prennent corps des

négociations inter-étatiques et des projets que les dirigeants africains

ont encore de la peine à bâtir, d'où la nécessité de prendre en compte

ces réalités dans la perspective des changements futurs.

Le commerce régional, largement dominé par les flux

informels, structure très fortement l'espace. Cette structuration ne se

fait pas forcément selon la logique des Etats-Nations, legs du

colonialisme. Tout en favorisant les relations ville-campagne dans le

cadre strictement national, ces échanges renforcent les espaces

d'intégration régionale, à la fois à partir du dynamisme des réseaux

marchands transfrontaliers animateurs des différents marchés, et par la

création d'autres pôles de développement (pôles frontaliers en

l'occurrence) qui viennent compléter ceux qui se constituent autour

des grandes villes.

Ces remarques attestent ainsi le fait que les dynamiques du

développement ne sont pas toujours conformes aux frontières héritées

de la colonisation et aux espaces politiques qui en découlent. L'échec

des différentes expériences de développement, de même que la

persistance des crises politiques actuelles résultent de cette situation.

D'une manière générale, les politiques économiques initiées dans le

cadre de ces anciennes colonies relèvent toujours de la logique

coloniale, marquée par différents systèmes de prélèvement et

d'extraversion souvent qualifiés d'exploitation coloniale. Cette

extraversion revêt actuellement plusieurs dimensions qui bloquent les

chances de relèvement des pays maintenant indépendants

détournement des forces motrices du développement du centre vers les

périphéries nationales, désintérêt des cadres nationaux pour leurs

bases culturelles, ce qui entraîne d'importants conflits d'intérêts entre

Page 54: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

54

élites et masses populaires, incapacité des villes africaines à jouer un

rôle moteur dans le développement parce que trop dépendantes du

marché international pour leurs différents besoins, aggravation de

l'exploitation coloniale occasionnée par les différentes réformes

économiques préconisées par les bailleurs de fonds, etc.

En Afrique noire, ces phénomènes d'extraversion se

manifestent encore puissamment et hypothèquent du même coup les

chances d'un développement endogène efficace. Il ne s'agit certes pas

de remettre en cause les frontières, mais plutôt de les banaliser afin de

permettre aux différentes régions du continent de dynamiser les

énergies locales à des fins de production et de développement ; en

négligeant ces réalités, il serait illusoire de prétendre sauver ce

continent.

Page 55: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

55

Chapitre 11 :

Le développement des périphéries nationales

en Afrique.

Les travaux géographiques consacrés aux frontières politiques

en Afrique noire ont abordé deux problèmes15

: les frontières comme

« espaces de litige »16

et les frontières comme « espaces de

chaleur »17

.

Les deux approches n’ont vu en ces lignes de partage colonial

que les facteurs de tensions sociales et de guerres qui secouent le

continent africain. Le rôle de structuration spatiale que jouent ces

frontières a peu retenu l’attention bien que cet aspect soit le

fondement des travaux scientifiques en Europe et en Amérique du

Nord18

.

15

Le rôle économique des frontières a fait l’objet de quelques mémoires et

thèses. On peut citer comme exemples :

- MONDJANNAGNI (A) 1964 – Quelques aspects historiques, économiques

et politiques de

la frontières Dahomey Nigeria – Etudes Dahoméennes.

- THOM DERRICK (J) 1970 – The Niger-Nigeria Boderland : A politico-

geographical analysis of boundary influences upon the Haoussa,

Ph. D. Michigan State University.

- MILLS (R. L.), 1973 – The development of a frontier zone and border

landscape along the Dahomey-Nigeria boundary, Journal of

Tropical Geography, 36.

16 FOUCHER (M.), 1984 – Les Géographes et les frontières : Herodote, n°

33-34.

17 LACOSTE (Y), 1982 – Typologie géographique, in : Problèmes de

frontières dans le Tiers-Monde. L’Harmattan, Paris VII, 1981. On

peut également citer GALLAIS (I.), 1982 – Pôles d’Etats et

frontières en Afrique contemporaine, les Cahiers d’Outre-Mer 138.

18 GUICHONNET (P.), et RAFFESTIN (CI.), 1974 – Géographie des

frontières, PUF Paris.

- MARTIN (J. E.), 1958 – Industrial employment and investment in a frontier

region : The Franco-German Exemple, Géaography 58 : 53-58.

- DAVEAU (S.), 1959 – Les régions frontalières de la montagne jurassienne :

Etude de géographie humaine, Lyon.

Page 56: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

56

Ce n’est seulement en Europe et en Amérique du Nord que les

frontières participent à la formation d’espaces originaux entre les Etats

qu’elles délimitent. En Afrique, et malgré l’importance des conflits

armés ou larvés, certaines d’entre elles ont favorisé l'apparition de

régions géographiques dynamiques. Citons à ce propos l’exemple des

frontières de la Gambie, du Bénin et du Togo,… Dans ces différents

cas, elles entraînant la distribution entre pays voisins des richesses

provenant des ressources naturelles dont disposent abondamment

certains Etats. Cette distribution est à la base de la création et du

développement de ces régions géographiques.

L'apparition de ces zones frontalières diminue les contraintes

de la partition sur les populations. Elle stimule le déplacement des

travailleurs d’un pays à un autre et renforce les échanges

commerciaux. Il en résulte la revalorisation des centres urbains

secondaires situés de part et d'autre des lignes de partage, la naissance

d'agglomérations jumelles dans les principaux points de passage et le

développement d'un important réseau de marchés frontaliers

périodiques dont bon nombre sont aussi des marchés jumeaux.

Ce nouvel espace est souvent qualifié d'« espace frontalier »

ou de « périphérie frontalière »19

, mais ces termes sont insuffisants

pour rendre compte de la complexité des phénomènes qui se déroulent

à ce niveau. Il s'agit en réalité, du moins dans le cas de l'Afrique, de

zones franches de fàcto qui se détachent par leur fonctionnement de

l'espace national.

L'autonomie dont jouissent ces zones par rapport aux lois qui

régissent le territoire national permet plutôt de les considérer comme

des périphéries nationales, c'est-à-dire de véritables enclaves qui

s'imposent par leur rôle économique et social aux Etats-Nations

limitrophes. La notion de périphéries nationales implique donc

l'existence d'un espace économique autonome qui se greffe sur deux

- REVEL-MOUROZ (J.), 1978 – Economie frontalière et organisation de

l’espace : Réflexions à partir de l’exemple de la frontière Mexique

Etats-Unis. Cahiers des Amériques latines 18.

- RENOLDS (C. W), 1978 – Analysis of the impact of U.S. Economy on the

Economy of Mexico and its border region, Berkeley.

19 Les régions frontalières d'Europe et d’Amérique sont souvent qualifiées

d'espace frontalier ou de périphérie frontalière. Le premier apparaît

très souvent dans les travaux de GUICHONNET et de

RAFFESTIN sur la Géographie des frontières op. cit. Le second

moins courant vient de Hélène RIVIERE d'ARC dans Espace

national et périphéries frontalières en Bolivie. Notes et Etudes

documentaires n° 4533-4534, Paris, 1979.

Page 57: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

57

ou plusieurs Etats-Nations dont le fonctionnement repose sur des

contrastes géographiques marqués.

Parmi les aspects de cette autonomie on peut mentionner :

- L'usage de plusieurs monnaies dont le cours est réglé dans

toute la zone par un système judicieux de marché parallèle de change.

- Bien que les principaux postes (le douane y soient localisés,

un contrôle inefficace pour la simple raison que le milieu rend

inopérante l'action des douaniers dont beaucoup deviennent d'ailleurs

des alliés inconditionnels des commerçants.

- Une exceptionnelle solidarité ethnique des populations

victimes du partage colonial, qui concurrence fortement le

développement d'une conscience nationale. Si cette dernière parvient

tout de même à se concrétiser, elle se double alors d'une conscience

ethnique, plus concrète, qui fonde l'existence de réseaux d'échanges

dynamiques, capables de résoudre toute difficulté liée à une

transaction par-delà la frontière.

Somme toute, un nouvel espace se greffe ainsi sur celui des

pays voisins pour leur conférer des avantages tels que la formation de

marchés-relais situés en marge du contexte national et la constitution

de cordons de sécurité dans bien des cas, en dépit d'un discours

officiel contraire20

.

I. Conditions de développement et extension des

périphéries nationales

20 Le Nigeria a profité de tels avantages pendant la guerre du Biafra. Mais

lors de la fermeture de ses frontières en 1984, il a développé un

discours officiel contraire aux profits qu'il tire de ses voisins que

sont le Bénin, le Cameroun et le Niger. Pourtant, grâce à

I'existence des périphéries nationales, cette fédération a souvent

utilisé ses voisins francophones comme des relais dans le cadre

d'actions régionales ou même continentales. Sur ce dernier aspect,

on peut consulter avec profit les travaux suivants :

-NWOKEDI (O.-C.), 1983 - Le Nigeria et ses voisins francophones :

contribution à l'étude de la politique régionale du Nigeria de 1970

à 1981 ; Bordeaux, CEAN. Thèse de 3e cycle.

BACH (D.), 1985 - Le Nigeria en Afrique de I'Ouest limites et paradoxes

d'une influence. Table Ronde sur L’Insertion du Nigeria dans le

système international, Bordeaux, CEAN, 2-3 mai 1985.

Page 58: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

58

Parmi les facteurs qui déterminent l’apparition des régions

frontalières on peut signaler au moins quatre types :

Les facteurs structurels sont au nombre de trois :

- les racines historiques des Etats africains. De ce point de

vue, on peut dire que les échanges commerciaux, qui constituent l'un

des aspects dynamiques de ces régions et qui revêtent un caractère

illégal, au fur et à mesure que s'affirment les indépendances et que se

créent des enceintes douanières et tarifaires différenciées, sont des

legs d'anciennes relations historiques ;

- les différences de peuplement ou de richesse économique qui

permettent à certains pays mieux doués de distribuer une partie des

ventes venant de l'exploitation des ressources naturelles vers leurs

voisins plus petits et plus pauvres ;

- les différences d'espaces monétaires où figurent (les entités

politiques qui sont rattachées à des monnaies convertibles

relativement fortes ou stables vis-à-vis de celles qui ont des monnaies

autonomes plus instables. La décote des secondes par rapport aux

premières sur les marchés parallèles de change engendre des flux de

nature particulièrement spéculative.

Les facteurs conjoncturels liés à des aléas climatiques, les

crises sociales et conflits armés ou larvés.

Troisième type de facteurs, les avantages comparatifs et les

complémentarités entre produits agricoles. Contrairement aux discours

selon lesquels les Africains n'ont rien à échanger entre eux, il existe

plusieurs formes de complémentarité entre pays producteurs de

céréales et pays producteurs de tubercules, pays d'élevage ou

d'agriculture. Il en résulte l'existence d'un marché commun naturel qui

s'est formé clandestinement » en raison du mauvais fonctionnement

des différentes structures officielles d'intégration.

Les avantages comparatifs sont aussi dus aux inégalités des

ressources naturelles et du coût du travail ; avec pour conséquence une

organisation des échanges destinée à contourner les entraves telles que

la rigidité ou la restriction des politiques commerciales.

Les différences entre politiques économiques constituent la

quatrième série de facteurs. Parmi ces différences en dehors des

disparités monétaires déjà évoquées, on peut signaler les disparités

douanières, les inégalités des taxes à l’exportation, la surévaluation ou

Page 59: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

59

sous-évaluation des monnaies et la différence dans les régimes de

subventions aux importations, etc.

Du point de vue de leur extension spatiale, on peut distinguer

deux types de périphéries nationales cri Afrique.

- celles qui se sont développées entre Etats issus d'empires

coloniaux différents suite aux contrastes de ressources, de marché et

de politique économique ;

- celles aussi qui ont fait leur apparition à la faveur des seuls

contrastes géographiques : c'est le cas actuellement entre pays côtiers

et sahéliens d'Afrique occidentale.

Si nous nous limitons à la sous-région ouest-africaine sur

laquelle porte l’essentiel de nos recherches, on peut signaler les

périphéries nationales suivantes : dans la partie sud, c'est-à-dire entre

pays francophones et anglophones, et d'est en ouest :

L'espace Badagry-Kétou à la frontière bénino-nigériane qui

s'étend sur environ 80 kilomètres du sud au nord. Il comprend huit

principaux marchés traditionnels jumeaux. Ces marchés dont certains

se classent parmi les plus importants du Bénin par le volume des flux

marchands et de la masse monétaire qu'ils brassent tous les quatre

jours21

, sont encadrés par une douzaine d’agglomérations de plus de

10 000 habitants chacune, parmi lesquelles huit sont jumelles (tab. I)

Le dynamisme de cet espace repose sur la solidarité ethnique Yoruba-

Gun, niais surtout sur la présence des marchés périodiques qui

rythment toutes les activités d'échange. La zone est particulièrement

réputée pour le commerce du cacao, du carburant et des produits

manufacturés venant du Nigeria, en contrepartie desquels le Bénin

livre du maïs, des cossettes d'igname, de l'huile de palme et toute une

gamme de produits de luxe (Wax hollandais. Bazin allemand,

dentelles d'Autriche, cigarettes des grandes marques anglaises, etc.)

objet d'une intense activité de réexportation.

21

Ces quatre jours correspondent à la périodicité de ces marchés.

Page 60: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

60

TABLEAU N°1 : Zones frontalières : pays francophones et

anglophones

Localisation des espaces

Villes principales

Population des villes

Principaux marchés

Principaux produits

exposés aux marchés

Entrepôts frontaliers

Groupes ethniques

Monnaies utilisées

Badagry-kétou

(Nigéria-Bénin)

Nigeria Nigeria Venant du Nigeria

Méridjonou

Badagry 25.000 hts Toubé - Cacao, produits pétroliers,

Gbawodjo Yoruba Naïra

Ijofin 8.872 Ago-sasa Produits manufactures

Ohumbe Gun Franc cfa

Ipokia 15.506 Koko Cola , etc… Towè Iforin Tedo 12.092 Oja-Odan Merchandises

“béninoises” Ilara

Oja-Odan 10.800 Ilara Wax hollandais Idigni Meko 22.200 Bénin Dentelles

d’Autriche Ilikimou

Bénin Adjara Cigarettes, alcools,

Adjara 8.724 Avrankou Maïs, huile de palme

Avrankou 9.344 Ifangny Dérivés de tubercules…

Ifangny 7.264 Pobè Sakété 15.226 Kétou Pobè 22.633 Ilara Kétou 12.950

Aflao-Badou (Ghana-Togo)

Ghana Ghana Produits ghanéens

Kéta - Kéta Cacao, fruits, cola,

Noepé Ewe – tafi Cédi

Aflao - Aflao Bois … Agou Naira Djodze - Djodze Tomegbé… Franc cfa Ho - Kpedape Produits

togolais

Kpedape - Togo Togo Lomé Riz, pâtes

alimentaires,

Lomé 450.000 hts Noepe Tomate en boîte, tissus,

Assahoum 5.000 Assahoun Alcohols… Palimé 27.000 Agou Badou 7.526 Palimé Tomegbe Badou

Assini-boundoukou (Ghana – C.

Ghana Boundoukou

Cacao, produits pétroliers,

Ebilassekro (C.I.)

Agni Cédi

Page 61: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

61

I). Sampa - Niable Produits

vivriers, produits

Encni (Ghana)

Nzima (Applolonée

n)

Franc cfa

Newton - Sampa (Ghana)

Manufacturés. Tanasso

Assini - Debiesso C.I. Boundoukou Agnilbelekro

u

Toulepleu (C.I.)

C.I.

N’zerekore (Guinée)

Toulepleu Danane

N’Zerekore Café Krou Franc guinéen

Ganta-Tobli (Libéria)

Guinée N’Zerekore

Toulepleu Riz Guerze (ancien Silly)

Dieke Ganta Produits manufacturés

Dollar

Liberia Tabli Franc cfa Ganta Tobli

Entre le Togo et le Ghana, on peut mentionner le secteur Kéta,

Aflao, Lomé, Kpalimé et Badou. C'est là, sur environ 100 kilomètres

du sud au nord, que sont disposées les principales agglomérations d'«

Eweland » tel qu'il existait avant son partage par les puissances

impérialistes. Ici, tout comme pour le Bénin et le Nigeria, se trouvent

les marchés de Kéta, Lomé, Noepé, Agou, Kpalimé et Badou, pour ne

citer que ceux-là. Mais les activités de ces marchés sont reléguées au

second plan pour des raisons politiques par celles des villes jumelles

de Kpalimé-Kpadekpo et Lomé-Aflao ; ce dernier exemple rappelle,

par sa situation géographique et l'importance de la population

concernée, le modèle des villes américano-mexicaines bien étudiées

par Revel-Mouroz22

. Les activités de cet espace reposent sur un

important marché de change parallèle pour lequel Lomé peut être

considérée comme la première place financière de la sous-région. Ici,

les dix monnaies des Etats d'Afrique occidentale se changent au

marché noir cri face de la gare routière située au quartier Anagokomê,

non loin du grand marché. Cette activité d'échange permet un impor-

tant trafic de diamants, de cacao, d’œufs, de fruits et légumes cri

provenance du Ghana en contrepartie desquels le Togo fournit les

produits manufacturés (Wax hollandais"', alcool, tabac et cigarettes.

etc.) venant des marchés européens.

22

REVEL-MOUROZ (J.), op. cit.

Page 62: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

62

Plus loin, entre le Ghana et la Côte d'Ivoire, la zone

Bondoukou-Assini occupe environ 100 kilomètres, du sud au nord.

Cet espace s'est entièrement développé en pays Agni. Son

fonctionnement repose sur les marchés de Bondoukou, Niablé (Côte

d'Ivoire) et Sampa (Ghana) et sur le trafic du cacao ghanéen par la

Côte d'ivoire pour lequel la localité de Niablé (sous-préfecture

d'Abengourou) est l'un des plus importants centres de collecte. Ce type

d'espace existe et fonctionne de la même manière entre la Côte

d'Ivoire et le Libéria d'une part, entre la Côte d'ivoire et la Guinée

d'autre part. Leur parfait fonctionnement a permis aux populations

d'échapper jusqu'ici aux conséquences parfois catastrophiques de la

rigidité des institutions socio-économiques des Etats-Nations

africains.

Si l'on quitte la partie sud de l'Afrique occidentale pour

remonter vers le nord, on compte entre Nigeria et Sénégal environ huit

régions frontalières à cheval sur les pays côtiers et les pays sahéliens

(tab. II). Elles fonctionnent de la même manière que les périphéries

nationales du secteur sud, mais diffèrent profondément par leur

dynamisme interne. De l'est vers l'ouest se succèdent ainsi :

- la zone Maradi-Katsena dont l'épicentre est

constitué par les marchés de Jibiya (au Nigeria) et

de Maradi (au Niger) .

- la zone de Birni-Koni (Niger) et illela (Nigeria) ;

- la zone de Gaya (Niger), Kamba (Nigeria) et

Malanville (Bénin). Il faut rappeler que ce dernier

marché et celui de Jibiya fonctionnent comme les

plus grands greniers des pays côtiers à la porte du

Sahel ;

- en allant vers l'ouest, on aborde l'espace frontalier

de Dapaong (Togo), Bakwu (Ghana) et Bittou

(Burkina Faso) soudé cri une petite unité

économique par les grands marchés de Cinkassé

et (le Bakwu qui s'animent tous les trois jours ;

- ensuite vient la zone de Bouna (Côte d'Ivoire),

Gaoua (Burkina Faso) et Bole (Ghana) animés par

le marché ivoirien de Doropo ;

- elle est prolongée, au nord, par un espace qui

participe au renforcement des échanges entre le

Ghana et le Burkina et encadrée par les villes

burkinabé de Diebegou et ghanéenne de Lawra ;

- l'ensemble Odienne (Côte d’Ivoire}. Beyla

(Guinée) et Madina (Mali) qui s'anime autour des

principaux marchés guinéens de Sirana-Beyla et

ivoiriens de Sirana-Odienné et Booko. Bien que

Page 63: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

63

deux premiers fournissent un bel exemple de

marchés jumaux, Boko est de loin le centre

commercial le plus dynamique ;

- enfin, entre la Guinée, le Sénégal et la Gambie, il

faut mentionner les importantes relations

commerciales existant d'une part entre les

localités de Mali (Guinée) et de Kédougou

(Sénégal), d'autre part entre les centres de Karang

(Sénégal), Barra et Banjul (Gambie), Nioro-du-

Rip (Sénégal) et Farrafenni (Gambie) (tab. II).

L'existence de ces nombreuses zones frontalières apparaît

comme une garantie pour les échanges entre pays sahéliens et côtiers.

Dans chacun de ces espaces. et à chaque séance de marché, des

centaines et parfois des milliers de tonnes de marchandises traversent

la frontière.

TABLEAU N°2 : Espaces frontaliers : pays sahéliens et côtiers

Localisation des espaces

Villes principales

Population des villes

Principaux marchés

Principaux produits exposés aux marchés

Entrepôts frontaliers

Groupes ethniques

Monnaies utilisées

Maradi-katsena (Niger-Nigeria)

Katsena - Jibiya (Nigeria)

Sorgho, mil, niébé, arachide, souchet, igname

Karaki (Nigeria) Dan-ararou (Nigéria)

Haoussa Naira Franc cfa

Maradi 48.853 hts Maradi (Niger)

Jubiya-Madji (Nigeria)

Kank (Niger)

Dabara-firji (Niger)

Birni-koni, Iléla (Niger-Nigeria)

Birni-koni Iléla

15.227 hts -

Birni-koni (Niger)

Sorgho, mil, niébé, arachide, maïs, riz, patate douce

Iléra (Nigeria)

Haoussa Naira Franc cfa

Gaya-Kamba-Malanville (Niger, Nigeria, Bénin)

Gaya Kamba Malanville

8.107 hts - 12.500

Malanville (Bénin) Kamba (Nigeria)

Sorgho, mil, maïs, gari, igname, cola, oignon, poisson fume

Ilo (Nigeria) Garou (Bénin) Dolle (Niger)

Dallol – Maouri

Franc cfa Naira

Dapaong-kakwu-bittou

Dapaong 15.200 hts Cikanse (Togo)

Maïs, mil, sorgho niébé

Cikanse (Togo)

Gourmantché”

Franc cfa Cédi Naira

Page 64: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

64

(Togo, Ghana, Burkina-Faso)

Bakwu Bittou

25.000 5.215

Bakwu (Ghana)

Igname, riz, huile de palme, patate Douce, banane fraîche

Yargatenga Sengba (B. F.) Ouidana Puisiga (Ghana)

Kayire (Togo)

Bouna-gaoua

Bouna 5.787 hts Bétail, mil, sorgho, maïs,

Bitchiri (C.I.) Bienou (C.I.)

Kampti-Bole Gaoua 9.543 Doropo (C.I.) Cola, légumes frais

Calgouti (BF) Bati (BF)

Lobi-koulango

Franc cfa Cédi

(Côte-Ivoire, Ghana, Burkina- Faso)

Kampt bolei

2.835 -

Banane Toba (BF) Bole (Ghana)

Diebegou – Lawra

Diebegou Lawra

- -

Hamale (Ghana)

Mil, sorgho, igname, cola

Legmoin (BF) Toba (BF)

(Ghana, Burkina-Faso)

Hamalé - Sirana-beyla Hamalé (Ghana)

Lobi Franc cfa cédi

Odienne-Beyla-Madina

Odiene Beyla

13.864 hts Sirana-Beyla (Guinée)

Bétail, sorgho, riz,

Kessedougou

Malinke Dioula

Franc cfa Franc guinéen

(Côte-Ivoire, Guinée, Mali)

- Sirana-odienne

Igname, fonio, cola

(ancien Silly)

Booko

Mali-kédougou

Mali - Koudougou Riz, bétail, cola, fonio,

Malinki-Peul Franc guinéen

(guinée, Sénégal)

Kédougou - (Sénégal) Fruit Franc cfa

II. Structure et fonctionnement des périphéries

nationales

La structure des différents espaces que nous venons de

présenter est très complexe ; trois éléments méritent qu'on s'y

intéresse : les marchés périodiques, les villes et les entrepôts

frontaliers.

Page 65: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

65

Pour échapper aux tracasseries des politiques coloniales, les

populations frontalières ont créé plusieurs marchés dont la

fréquentation permet de communiquer régulièrement. C'est le souci de

solidarité qui a été à l'origine de ces marchés jumeaux. Mais le

déséquilibre spatial introduit par la façon dont chaque puissance a géré

son domaine a fini par faire de ces centres d'échange un véritable

support de l'économie régionale. Les contrastes géographiques qui

résultent de ce déséquilibre entre les actuels Etats-Nations ont rendu

leur rôle déterminant dans les échanges.

Cependant, tous ces marchés ne résultent pas des

conséquences du partage colonial. Certains d'entre eux, dans le cadre

de l'économie traditionnelle. étaient des centres commerciaux

particulièrement célèbres avant la pénétration européenne. Entre le

Bénin et le Nigeria, Kétou, Oké-Odan et Badagry avaient joué un

grand rôle dans le commerce précolonial qui existait entre Oyo,

Abéokuta, Egbado et le royaume Gun de Porto-Novo. Autour de ces

vieux marchés s'en sont développés de nouveaux tels que Ilara, Oja-

Odan, Toubè et Adjara qui ont su perpétuer cette tradition

commerciale. Actuellement, ces marchés se sont multipliés avec la

diffusion des rentes apportées par l'exploitation des ressources

naturelles et agricoles.

Les plus importants de ces centres commerciaux, entre le

Bénin et le Nigeria. sont des marchés jumeaux, c'est-à-dire qu'en face

du marché béninois se trouve son homologue nigérian, le plus souvent

à moins dE dix kilomètres, suivant l'ordre ci-après, du sud vers le nord

(tab. III).

TABLEAU III

BENIN NIGERIA

Adjara Toubè

Avrankou Ago-Sasa

Ifangni Koko

Kétou Ilara

Entre le Niger et le Nigeria existent également de très

anciens marchés nés dans le contexte du commerce

transsaharien. Parmi ceux-ci, on peut mentionner, du côté

nigérien, Maradi, Gazoum, Roumdji, Matameye, Magaria,

Zinder et Birni-Koni. Dans la partie nigériane, il y a Daoura,

Zongo, Katsena, Madaou, Illela et Kamba. Leur structure et leur

organisation diffèrent de celles décrites à propos du Bénin. Il

Page 66: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

66

s'agit pour la plupart de marchés situés en marge des

agglomérations, soit à l'entrée, soit rejetés derrière le village.

Les rares d'entre eux qui sont à l’intérieur des cités, comme c'est

le cas à Kamba, Katsena, Maradi ou Daoura sont totalement

clôturés. Tous s'animent une fois par semaine à des jours

différents. - Compte tenu de leur importance et de leur

dynamisme, on peut les classer en trois groupes :

- les marchés polaires, ou de premier ordre, qui

rayonnent sur des régions très étendues et dont

l'approvisionnement se fait parfois de très loin ;

- les marchés-relais, ou de second ordre, qui

s'approvisionnent auprès des premiers ;

- les marchés de brousse qui sont des satellites des

deux précédents pour la vente des produits

manufacturés et la collecte des denrées agricoles.

Ces trois structures fonctionnent bien et favorisent une

meilleure circulation des produits entre le Niger et le Nigeria. Ailleurs en Afrique de l'Ouest, on peut mentionner les

marchés situés à cheval sur le Togo, le Ghana et le Burkina Faso, qui

rythment les échanges commerciaux entre Ces trois pays.

Le plus important réseau de ces marchés est situé dans la zone

délimitée par les villes frontalières de Bakwu (Ghana), Dapaong

(Togo) et Bittou (Burkina Faso). Ces villes, qui exercent des fonctions

administratives dans le cadre de leur Etat respectif, constituent les

sommets d'un triangle dont le centre est occupé par la localité de

Cinkassé divisée en deux par la frontière Togo-Burkina ; la partie

burkinabé a 1016 habitants ; celle qui est située en territoire togolais

en compte 2 800 et se trouve à 3 kilomètres du Ghana. Celui-ci

possède avec Bakwu les deux grands marchés de la région qui

organisent tous les échanges frontaliers au niveau des trois pays.

Le marché de Cinkassé se tient le lundi et le jeudi. Celui de

Bakwu tous les trois jours comme c'est de coutume en pays

gourmantché. Tous les deux sont au cœur d'un important réseau de

centres commerciaux secondaires qui leur servent de relais. Ainsi au

Burkina Faso : Bitou, Yorgatenga, Sengha et Tindégou ; au Ghana

Ouidana, Puisiga ; au Togo Dapaong Kayire et Largande.

Le fonctionnement et le dynamisme de tous ces centres

d'échange repose sur la cohésion ethnique du groupe gourmantché qui,

en dépit du partage de son territoire entre trois puissances coloniales

(Grande-Bretagne, Allemagne et France), continue de maintenir son

unité historique à partir de Fada N'Gourma (Burkina Faso) et de

Page 67: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

67

Gambaga (Ghana). Ces différents marchés recrutent leur clientèle

d'abord à l'intérieur des villes frontalières qui les encadrent, ensuite

dans les Etats limitrophes. Tous sont des pôles qui, par leur

rayonnement, exercent une très forte attraction sur plusieurs pays

lointains.

Le rôle des villes frontalières est capital dans la vie de ces

périphéries nationales. Par leur position et leur population elles

contribuent à la survie de ces espaces. Du point de vue de leur origine,

on peut distinguer quatre groupes :

- les anciennes bases historiques des populations frontalières ;

les agglomérations nées aux principaux points de passage, le long des

artères de communication les villes fondées dans les colonies plus

accueillantes, suite à des tracasseries administratives et les anciens

villages érigés en base de pouvoir traditionnel pour récompenser leurs

chefs, plus dociles ou plus coopérants, ou pour pallier l'absence d'une

autorité traditionnelle utilisable comme relais dans le cadre de la

politique d'« indirect rule»

Les agglomérations qui sont nées aux principaux points de

passage sont toutes des villes jumelles. Elles se sont développées à

part de l'aménagement de ces différents points frontaliers, sur lesquels

se greffent d'importants flux migratoires. Ces points de passage

fonctionnent comme des étapes pour des migrants qui cherchent à

exploiter les avantages économiques du pays voisin. Ils sont d'autant

plus nombreux que le voisinage immédiat permet de s'infiltrer

illégalement cri pays limitrophe.

Beaucoup d'entre eux ne quittent plus ces postes ; ils y élisent

domicile cri s'adonnant aux activités lucratives.

Parmi les villes qui sont nées aux principaux points de

passage on peut citer Klaké-Kweme et Igolo-Idiroko23

entre le Bénin et

le Nigeria, Aflao (en face de Lomé) entre le Togo et le Ghana ou

Malanville (en face de Gaya) entre le Niger et le Bénin.

Mais le phénomène des villes jumelles ne se limite pas

seulement aux points de passage. Il caractérise aussi les vieilles cités

historiques. Ici, c'est le refus des chefs déchus de leur fonction de se

soumettre au nouveau conquérant qui détermine la création d'une

nouvelle base d'autorité traditionnelle de l'autre côté de la frontière,

presque en face de l'ancienne métropole. L'exemple à signaler dans ce

cas, est celui d'Ifoyintedo fondée vers 1920 suite à la nomination du

chef Tori d'Avrankou par les Français comme chef de canton devant

gérer le royaume d'Ifoyin dont la capitale était Ifoyin-Ile, située en

territoire béninois (actuel district d'Ifangni). Le roi yoruba, déçu de

23

Les localités soulignées sont en territoire nigérien.

Page 68: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

68

devoir se soumettre à son hôte transféra le siège de son pouvoir cri

territoire britannique.

Parmi les villes qui sont nées suite à des tracasseries

administratives, on peut mentionner Ilara entre le Bénin et le Nigeria,

et Jibiya entre le Niger et le Nigeria. Le premier fut fondé par les

habitants de Kétou en 1915, pour protester contre le recrutement

militaire pendant la Première Guerre mondiale. Le second ne date que

de 1959, suite aux événements politiques opposant les partisans du

parti Sawaba de Djibo aux membres RDA de Diori. Après leur échec

au référendum de 1958 concernant l'indépendance du Niger, les

Sawabistes, qui se recrutaient en majorité dans la préfecture de

Maradi, ont quitté la région pour aller fonder Jibiya en territoire nigé-

rian, à quelques kilomètres de Maradi.

La ville de Maradi elle-même fut détachée de l'autorité des

émirs haoussa-peul de Katsena au Nigeria. Mais le plus bel exemple

de villages érigés en villes est celui de Meko en face de Kétou

(Bénin). Après la délimitation frontalière, son chef, qui dépendait de

celui de Kétou, fut promu roi pour gérer selon le système d'« indirect

rule » la population kétou relevant de l'administration britannique.

La volonté d'arracher les populations de toutes ces villes

frontalières à leur ancienne base a favorisé la réalisation de quelques

équipements garants du développement urbain. Aujourd'hui, ces

agglomérations tirent profit de leur origine commune pour se

soustraire à l'emprise administrative des pouvoirs centraux en renfor-

çant l'autonomie des périphéries nationales.

Entre les villes et les marchés se trouvent d'autres localités qui

servent d'entrepôts pour d'importants volumes de marchandises prêts à

franchir la frontière. Ces localités, qualifiées d'entrepôts frontaliers,

sont des lieux de revente pour les commerçants grossistes qui opèrent

de chaque côté de la ligne de partage entre les Etats et commercent des

marchandises qui peuvent provenir de très loin. D'autres entrepôts se

situent dans les zones de production et servent de centres de collecte et

de distribution. Le rôle de ces localités-entrepôts est capital dans les

échanges frontaliers, activité-clé de ces périphéries nationales. C'est

grâce à eux que s'effectuent des échanges invisibles portant sur

plusieurs milliers de tonnes (cf. tab. I et II).

Les trois structures qui viennent d'être passées en revue font

l'originalité des espaces frontaliers d'Afrique et garantissent leur bon

fonctionnement.

Le fonctionnement de ces périphéries nationales est

particulier. Toutes sont des espaces autonomes qui échappent

totalement aux lois économiques cri vigueur dans les Etats qui

les abritent. Cette autonomie peut être mise en relief de plusieurs

Page 69: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

69

manières :

- par l'interférence de plusieurs monnaies ;

- par une forte mobilité journalière des

populations ;

- par une forte circulation des produits agricoles et

manufacturés.

L'interférence monétaire se manifeste par l'utilisation

indifférente de toutes les monnaies qui circulent dans les pays

voisins, voire dans toute la sous-région ouest-africaine, avec

néanmoins une forte emprise de la monnaie du pays

économiquement le plus solide. Il en résulte l’existence de

plusieurs marchés de change qui fonctionnent comme de

véritables guichets de banque. La mobilité des populations s'ap-

puie d'un côté sur l'influence qu’exercent les grandes villes

situées à l'arrière-zone de ces espaces ; de l’autre, elle vient de la

fréquentation des marchés périodiques, si nombreux dans le

secteur.

Dans la premier cas, les sondages effectués en 1984 dans

quelques points de passage entre le Bénin et le Nigeria ont

révélé :

- Entre Klaké (Bénin) et Kweme (Nigeria), 553

véhicules transportant 3301 personnes circulent

dans la Zone, par jour, dont la moitié avec 1695

personnes fréquente les deux localités et l’autre

moitié ayant 1 606 voyageurs à bord traverse le

milieu et se dirige vers Lagos.

- Entre Igolo (Bénin) et Idiroko (Nigeria)

seulement 230 personnes traversent la frontière

les jours ordinaires ; les trois quarts restent dans

les deux localités, le quart restant continue sa

route vers Lagos. Les jours du marché d'Ifangni,

situé à 3 kilomètres d'ldiroko, 3 200 Nigérians en

moyenne franchissent la frontière24

.

Pendant la fermeture de la frontière à partir d'avril 1984, ces

mouvements ont continué de la même manière témoignant ainsi de

l'autonomie de ces espaces. Par exemple, en septembre 1985, les

24

Ces enquêtes ont été réalisées par l'un de nos étudiants : SOARES (M.),

1984 - Etude géographique de deux postes frontaliers : Idiroko et klaké

Mémoire de Maîtrise de Géographie, UNB.

Page 70: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

70

enquêtes effectuées sur le territoire nigérian à l'entrée des principales

localités frontières ont donné les résultats suivants25

:

- Kweme : 3 727 véhicules par semaine soit 532

véhicules par jour (contre 553 avant la fermeture),

- ldiroko : 35 536 véhicules en 15 jours, soit 2 252

véhicules par jour,

- Ilara : 316 véhicules par semaine, soit 45 par jour.

Ces différents résultats montrent bien que la fermeture

des frontières n'a gêné en rien le fonctionnement de ces espaces

entre le Bénin et le Nigeria, tout comme, du reste, entre le Niger

et le Nigeria26

.

Les échanges commerciaux concernent à la fois les

produits agricoles, industriels, d'élevage et de pêche. Dans le

domaine agricole, pour nous limiter à cela, le Niger vend au

Nigeria environ 120 000 tonnes de niébé par an, dont 24 tonnes

seulement par le circuit officiel. Le reste des échanges se fait à

partir des marchés frontaliers. Cette légumineuse qui a remplacé

l'arachide depuis 1975 est complétée par un important trafic de

bétail pour environ 160 000 têtes de bovins et 109 000 têtes

d'ovins par an. De cet effectif seulement 51 677 bœufs et 33 936

moutons sont officiellement enregistrés. En contrepartie, le

Nigeria livre 136 000 à 273 000 tonnes de sorgho et de mil par

an, compétées par une quantité substantielle d'engrais. On pourrait multiplier ces exemples en parlant de la fuite du

cacao ghanéen vers le Togo et la Côte-d’Ivoire ou de la fraude de

l'arachide entre le Sénégal et la Gambie ou encore du Bénin qui

réexporte depuis 1983 environ 80 000 tonnes de riz asiatique vers le

Nigeria en échange de fèves de cacao.

Ce n’est pas le volume des marchandises commercialisées qui

est significatif, mais plutôt son impact sur les pays limitrophes. De ce

point de vue, ces échanges jouent plusieurs rôles parmi lesquels on

peut signaler :

- Celui du stock régulateur qui peut concerner

l’apport de produits bruts ou un apport financier

25

Ces enquêtes ont été réalisées par le Prof. ASIWAJU Antony et moi-même

avec la collaboration des étudiants de l'Université de Lagos.

26 Sur cet aspect on pourra consulter : IGUE (O. John), 1985 - Rente

pétrolière et commerce des produits agricoles à la périphérie du

Nigeria : les cas du Bénin et du Niger. Montpellier, INRA-LEI.

Page 71: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

71

substantiel. Ce stock permet ainsi aux Etats de

compter sur leur voisin pour régler une partie de

leurs difficultés alimentaires ou financières.

- L'existence de Ces différents mouvements, pour

la plupart illicites, qu'il s'agisse des flux

monétaires (par le biais des marchés parallèles de

change) de personnes ou de marchandises, illustre

fort bien les limites des espaces territoriaux des

actuels Etats-Nations. Cela parait d'autant plus

évident que ce qui est illégal d'un côté, une fois la

frontière franchie, devient aussitôt légal,

témoignant ainsi du degré insuffisant d'autonomie

de ces différents Etats. Tous se sont greffés les

uns sur les autres par le biais des périphéries

nationales.

En définitive l'apparition des périphéries nationales que nous

venons de décrire très brièvement permet de réaliser une certaine

intégration régionale qui s'organise de fait au travers des échanges

frontaliers. Elles constituent des réseaux d'échanges fondés sur la

solidarité éprouvée entre les populations, mais la plupart du temps

situées en marge de la légalité. Elles réalisent par ce biais ce que les

négociations inter-étatiques et les projets n'ont pu bâtir.

Ce sont même les entraves sur lesquelles butte l'intégration

officielle qui, souvent, favorisent le développement de ces espaces

dont toute la vie repose sur des réseaux parallèles et clandestins. De ce

fait, si les politiques économiques ne sont pas homogènes dans la

sous-région (ce qui freine l'élaboration d'une stratégie commune), elles

sont devenues, par le biais des échanges qu'animent les périphéries

nationales étroitement interdépendantes. Car si la nature clandestine

du commerce détourne ou affaiblit la portée des interventions

étatiques sur un territoire, elle répercute aussi l'effet des politiques des

Etats voisins.

D'ailleurs, dans le fonctionnement des régions frontalières que

nous venons de présenter, il ne s'agit plus d'opposer l'officiel au

parallèle ou au clandestin, tel qu'on en a souvent l'habitude : trop de

relations lient les circuits étatiques aux réseaux illégaux d'échanges ;

sinon on ne comprendrait pas que les mesures d'interdiction ou de

contrôle du commerce parallèle aient souvent pour résultat d'accroître

les disparités des deux côtés d'une même frontière et de stimuler ainsi

les flux que l'on cherche à empêcher, tout en renforçant le

développement des enclaves frontalières.

Ces enclaves frontalières constituent de nouveaux types de

régions géographiques qui diffèrent du modèle classique de région,

Page 72: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

72

fondé sur l'interaction entre les villes et les campagnes qui en

dépendent. Les crises sociales dues à la sécheresse, à l'avancée du

désert, à l'épuisement ou à la mévente des produits agricoles, au man-

que de démocratie, etc., entraîneront une multiplication des formes de

discontinuité spatiale qui obligera désormais les géographes africains

et africanistes à se débarrasser de certains concepts dont l'intérêt sera

de moins en moins évident

Page 73: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

73

Quatrième partie :

VILLES ET SOCIETES.

Page 74: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

74

Chapitre 12 :

Les politiques urbaines en Afrique : Etat de

connaissance

La question urbaine est, depuis quelques années, au

centre des préoccupations scientifiques en Afrique Noire. Par la

variété des thèmes étudiés, le nombre des institutions

universitaires et de développement et des chercheurs qui s'y

intéresse, elle occupe la première place devant les autres

secteurs de la recherche en sciences sociales. Cet engouement

pour les problèmes urbains rend ainsi complexe notre propos. L'intérêt accordé aux problèmes urbains ne date pas de

longtemps : par exemple avant les indépendances nominales des Etats

Africains et même quelques années après, les africanistes qui étaient

chargés d'aider les nouveaux dirigeants africains à bâtir leurs pays

avaient plutôt porté leur intérêt sur le monde rural. Le monde rural

représentait vers les années 1958 - 1962 deux enjeux :

- la prédominance des populations rurales dans la

vie nationale ;

- le rôle qu'avaient joué les cultures de rente dans

l'entreprise coloniale et qu'elles devaient continuer

à jouer pour asseoir les bases économiques des

nouvelles nations.

Ainsi, les premières thèses de Doctorat soutenues par exemple

en Géographie sur l'Afrique francophone portaient sur la

paysannerie27

.

Il n’y a que de rares travaux qui soient consacrés à l'urbani-

sation, en l'occurrence en Afrique Centrale28

.

27

Pelissier, P. Les paysans du Sénégal : la civilsation agraire du Cayor à la

Casamance. Imprimerie Saint-Yrieux (Haute Vienne), 1966.

Galet, Jean, Le delta intérieur du Niger, Mémoire de l’IFAN, Dakar, 1970.

28 Denis, J. Le phénomène urbain en Afrique centrale. Duculot Edition,

Bruxelles, 1968, p.401

Dresch, J. Les villes congolaises – Revue de Géographie Humaine et

d’Ethnologie, 1948, p.401.

Page 75: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

75

Mais très rapidement, le développement du monde rural fut

remis en question par la croissance accélérée des capitales africaines

base de l'exercice de nouveaux pouvoirs africains. Ainsi, de véritables

métropoles ont émergé ça et là en compromettant très dangereusement

l'équilibre de la paysannerie. Signalons toutefois que la crise de la

paysannerie ne vient pas uniquement du développement urbain, elle

est aussi provoquée par les ambitieux plans de développement

agricole initiés après les indépendances avec aggravation des

problèmes fonciers en milieu rural,

Ainsi, lorsque les africanistes occidentaux allaient passer la

main à des chercheurs africains, l'enjeu du monde rural n’était plus

évident. Ces derniers vont plutôt s'intéresser à de nouveaux

phénomènes provoqués par la forte croissance des capitales d'Etat.

Dès lors, les premières thèses de Doctorat d'Etat rédigées par les

africains (toujours en Géographie) portaient toutes sur la question

urbaine : A. SECK (1970), MONDJANNANGNI (1976), HAROUNA

(1978)... Cette tendance ira on se renforçant29

.

L'intérêt porté à l'urbanisation semble se justifier de plusieurs

manières :

D'abord à cause du rôle qui revient désormais aux villes dans

le processus de l'organisation spatiale du développement. La ville est

devenue le point clé de cette organisation. Elle intervient dans

l’organisation du territoire suivant trois axes :

1) comme support de la production agricole ;

2) comme animatrice du réseau de la vie de 'relation

dans toutes les parties du territoire national ;

3) comme pourvoyeuse d'emplois de qualité

indispensable à l’amélioration du niveau de vie des

populations.

Compte tenu de ces trois importants rôles, beaucoup de pays

africains ont donc œuvré pour renforcer les structures urbaines dans

leurs différentes actions politiques.

29

SECK, A. Dakar, métropole ouest-africaine. Mémoire de l’IFAN –

Dakar, 1970.

MONDJANNANGNI, A. Campagne et ville au Sud de la République

Populaire du Benin, Paris, Mouton, 1977.

Page 76: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

76

L'effort fourni en matière d'urbanisation est surtout remar-

quable dans les pays peu favorisés pendant la période coloniale

comme la Côte-d'ivoire, le Cameroun et le Congo... Ces derniers, par

une organisation administrative bien conçue ont su pallier à

l'insuffisance du réseau urbain.

Ces réformes administratives ont ainsi permis à plusieurs pays

de disposer de trois types de structures urbaines à partir desquelles l'on

peut envisager d'aménager aisément l'espace national. Parmi ces

structures, on peut distinguer :

- les villes d'encadrement national (Capitale d’Etat

ou économique) dont certaines sont devenues de

véritables métropoles régionales à l'échelon de

toute l'Afrique subsaharienne : Dakar, Abidjan,

Lomé, Lagos, Brazzaville, Kinshasa, Naïrobi, etc.

Ces villes, par leur influence et leurs fonctions

dépassent très largement le cadre territorial qui

les supporte ;

- les villes d'encadrement régional (chefs-lieux de

région, de province ou de préfecture). Certaines

comme Bouaké en Côte-d'ivoire, Kumassi au

Ghana, Bafoussam au Cameroun sont

particulièrement dynamiques ;

- les villes d'encadrement sous-régional (chefs-

lieux des unités administratives inférieures).

A part le Nigeria et le Ghana qui disposent d'un véritable

réseau urbain qui ne repose pas sur les divisions administratives, on

peut citer trois exemples où cette politique d'urbanisation volontaire a

bien réussi : la Côte-d'Ivoire, le Cameroun et le Togo.

Si l'on se limite é l'expérience du Cameroun, la planification

urbaine permet à ce pays de disposer d'une armature urbaine

composée comme suit :

- deux villes d'envergure nationale ayant chacune

près de 1 million d'habitants Douala et

Yaoundé ;

- dix villes d'encadrement régional de plus de

100000 habitants chacune parmi lesquelles trois

se font une très forte concurrence sur la place de

Page 77: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

77

leur dynamisme régional Bafoussam, Bamenda

et Garoua ;

- 49 chefs-lieux de départements de près de 50 000

habitants ;

- 174 chefs-lieux d'arrondissement de 10 à 20 000

habitants.

Mais le développement excessif de certaines villes

d’encadrement national vient de faire apparaître une quatrième

catégorie de villes, celles des nouvelles capitales conçues

essentiellement pour régler les difficultés de l'intégration nationale et

de l'équilibre de toutes les forces qui participent au processus du

développement.

L'apparition de ces différentes catégogies urbaines et surtout

la rapidité de leur croissance démographique devient l'argument

principal de l'intérêt porté à cette question dans les préoccupations

scientifiques.

En effet, ce rapide développement urbain pose un certain

nombre de problèmes dont la bonne maîtrise devient le garant du

développement national :

- Problème d'un véritable réseau urbain par lequel il

est possible de maximiser tous les flux de biens et

de personnes qui circulent à l'intérieur de la

nation.

- Problème de la croissance urbaine qui soit en

parfaite harmonie avec le développement

économique.

- Problème du bien-être des citadins par un réseau

décent et par la mise sur pied d'un système

efficace de ravitaillement.

- Problème enfin de la ville comme creuset de la

nation en devenir.

Ces différents problèmes sont autant de thèmes de réflexion

scientifique menée tant de l'intérieur que de l'extérieur. Mais ces

réflexions n’ont pas toujours connu les mêmes importances. Les

chercheurs qui ont essayé avant nous de faire un bilan sur l'état des

Page 78: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

78

connaissances scientifiques en matière d'urbanisation ont proposé

plusieurs classifications.

Paul Claval par exemple, dans son travail sur "La logique des

villes", repris tout récemment dans une autre publication intitulée

"Géographie humaine et économique contemporaine"30

, a classé ces

travaux suivant cinq grandes rubriques :

1) Ville comme nœud de la nation ;

2) Espace urbain et réseaux urbains ;

3) Les bases de l’économie urbaine ;

4) L'incidence du progrès scientifique sur les villes ;

5) La théorie urbaine.

Ensuite vient la proposition de Philippe Haeringer regroupée à

l'intérieur d'une publication qui s'intitule : la recherche urbaine à

l’ORSTOM Bibliographie analytique31

.

Dans sa démarche, l'auteur distingue plusieurs phases de la

recherche urbaine ; chacune marquée par une certaine innovation.

Première phase : Demi-décennie 1975 - 1980

Elle est dominée par deux principaux thèmes comportant

chacun plusieurs sous-thèmes :

1) La ville dans l'état

- l'incidence démographique ;

- les situations de métropole ;

- l'armature urbaine des espaces ruraux ;

- les migrations induites par la ville.

2) L'homme dans la ville

- la ville, cadre de vie ;

- la novation sociale et économique

Deuxième phase : à partir de 1980

30

Claval, P. La logique des villes : essai d’urbanologie, LITEC, Paris,

1981.

Géographie humaine et économie contemporaine, PUF, Paris,

1984.

31 Haeringer, Ph. La recherche urbaine à l’ORSTOM, Paris, ORSTOM,

1986.

Page 79: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

79

1) La ville dans l'Etat

- l'incidence démographique ;

- les migrations induites par la ville ;

- l’armature urbaine des espaces ruraux ;

- Les situations de métropole ;

- les systèmes urbains.

2) L'homme dans la ville

- la ville, cadre de vie ;

- le secteur d'activité dit "informel' ;

- la novation sociale dans la ville ;

- l'homme entre la ville et la campagne.

Par rapport à la période 1975 - 1980, on peut constater

qu'à partir de 1980, deux nouveaux thèmes ont commencé à

préoccuper les chercheurs : le secteur d'activité dit "informel" et

l'homme entre la campagne et la ville. Ces deux classements viennent d'être complétés par un autre

bilan fait par Yves Marguerat concernant le Togo, qui s’intitule

« Bibliographie thématique sur les villes du Togo au 31 Décembre

1984 »32

. Ce travail bien que centré uniquement le Togo est

intéressant dans la mesure où il fait état d'un autre regroupement

beaucoup plus à jour que les deux précédents.

Ainsi Marguerat distingue-t-il quatre principales orientations

comportant chacune plusieurs sous-thèmes :

1) Les villes dans leur contexte

- le contexte spatial, démographique et

économique ;

- le contexte historique et anthropologique ;

2) Etudes générales sur les villes du Togo

3) Monographies

32

Marguerat, Y., Bibliographie thématique sur les villes du Togo au 31

décembre, ORSTOM, Lomé, 1984.

Page 80: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

80

- relations villes-campagnes ;

- monographie des villes moyennes ;

- Lomé, études partielles ou générales.

4) Société citadine et problèmes urbains

- structures urbaines, habitat et politiques

d'urbanisation ;

- théories et pratiques foncières ;

- activités et travail leurs en milieu urbain ;

- la société urbaine, composition, évolution,

sociabilité.

Ces différentes classifications sont en retard par rapport à l'é-

volution des recherches urbaines actuelles.

Aussi, avons-nous jugé nécessaire de~proposer un nouveau

regroupement de ces travaux en huit points (cf. bibliographie).

1. - Aspects méthodologiques

2. - les fondements historiques des villes africaines

3. - Mise en place du réseau urbain actuel

4. - La ville dans l’Etat : fonctions de métropole et

d'encadrement administratif

5. - La nature du réseau urbain actuel

6. - Villes et espace national

- rapports ville-campagne

- fonctions économiques

- villes et aménagement du territoire.

7. - Croissance et gestion urbaine

- croissance urbaine

- structure urbaine, habitat et politique

d'urbanisation

- approvisionnement urbain

- sociétés urbaines.

8. - Problèmes des villes africaines

- villes et dépendance

- villes, culture et nation.

Ces différentes classifications montrent désormais la prise en

compte de nouveaux problèmes tels que le rôle des villes dans la

Page 81: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

81

dépendance vis-à-vis du monde extérieur, en particulier la dépendance

alimentaire et culturelle.

Mais quel que soit le souci qui nous guide cette classification,

les études qui existent sur les villes africaines malgré leur abondance

n'ont pas suffisamment montré le rôle de l'histoire dans l'héritage

urbain.

L'Afrique connaît des problèmes de gestion urbaine dont la

solution mérite que l'on s'appuie sur les expériences menées dans le

passé.

Dans ce domaine, se pose actuellement au Continent les

problèmes suivants :

- Comment gérer convenablement l'espace urbain ?

- Quelle est la dimension sociologique d'une ville

"moderne" pour les populations africaines ?

- Comment intégrer la campagne à la ville et vice-

versa.

- Comment réaliser l'intégration des villes nées de

la période coloniale au cadre historique et

culturel? etc...

Les trois premières questions sont d'autant plus importantes

que presque partout en Afrique, les villes modernes ne se présentent

plus comme des facteurs d'organisation des campagnes. Pour la

plupart, elles apparaissent plutôt comme les causes de la désor-

ganisation du monde rural, ne serait-ce qu'au niveau de la ponction

démographique qu’elles font subir à ces campagnes à partir de l'exode

rural et des flux migratoires dont elles bénéficient. L'importance de

l'immigration fait poser à la ville le problème de la maîtrise de

l’espace urbain, de la gestion de cet espace à partir de l’équipement et

du ravitaillement adéquats à leur assurer. Sur ces problèmes

d'équipement et de ravitaillement souvent mal assuré se greffe celui du

logement. Devant toutes ces difficultés, les populations africaines

d’origine citadine mènent dans l'ensemble une vie difficile qui fait de

la ville, un cadre permanent d'insécurité sociale. Les grands maux de

nos populations sur le plan moral (chômage, prostitution, vol usage de

la drogue, meurtre etc...) ont désormais pour origine la ville. Dans ces

conditions, la ville n'arrive plus à assumer une de ses fonctions sacrées

qui est d'élaborer la civilisation supérieure. Devant l'incapacité

d'élaborer cette civilisation supérieure, elle se contente d'en importer

de l'extérieur pour les transmettre à la campagne environnante.

Page 82: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

82

A ce niveau, il se pose le quatrième problème évoqué plus

haut, celui de l'intégration culturelle des villes africaines ''modernes"

aux civilisations locales dans lesquelles elles se sont insérées.

Ce problème d'intégration culturelle a plusieurs dimensions :

culturelle, architecturale et urbanistique. Cela revient en d'autres

termes à se poser la question de savoir de quel modèle d’urbanisme et

d'architecture l'Afrique a-t-elle besoin pour son épanouissement

culturel, économique et technologique.

Pour montrer en quel terme il se pose, on partira des éléments

qui méritent d'être améliorés à l'intérieur des villes modernes :

- Palais présidentiel ;

- Marchés ;

- Places publiques ;

- Formes de l'habitation et des concessions ;

- Matériaux de construction etc...

Depuis l'indépendance des Etats Africains, les villes capitales

ont bénéficié d'importants investissements consentis pour la

rénovation ou la construction des Palais présidentiels. Ces palais, pour

la plupart, représentent le modèle étranger, en particulier européen. or,

en Europe, les exigences du protocole présidentiel sont fort simples.

En Afrique au contraire, ces exigences nécessitent une conception plus

originale. En effet, le palais reçoit ici une foule immense, voire même

toute la population urbaine qui vient accueillir les différents hôtes de

marque. Au cours de ces visites officielles, les différentes réceptions

qui sont offertes s'accompagnent des danses folkloriques pour

lesquelles il faudrait nécessairement un aménagement spécial.

Lorsqu'on est témoin de plusieurs de ces manifestations, on se rend

compte que les palais construits à l'image européenne ne répondent

plus à leurs différents usages, en particulier aux animations

populaires et mêmes populeuses qui caractérisent le protocole

présidentiel en Afrique.

On peut en dire autant des marchés urbains qui, de plus en

plus se transforment en grands magasins fermés, et dont la

fréquentation se trouve désormais réglée sur les horaires de travail. Or,

une appréciation judicieuse des activités urbaines et de la nature des

marchandises qui s'exposent au marché permet de se rendre compte

que si ces marchés construits en enceintes fermées font économiser

l'espace, leur fonctionnalité n'est pas pour autant aisée. Il se pose ici

Page 83: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

83

le problème de l’aération, de la lumière, de mouvement de la clientèle

etc... et surtout de leur adaptation au contexte sociologique.

Quant aux places publiques, elles se font de plus en plus rares.

Très peu de villes africaines possèdent d’espaces verts. On ne voudrait

même pas évoquer ici ces espaces verts pour lesquels les forêts

fétiches et celles qui entourent les villes traditionnelles constituent des

palliatifs heureux. Ce propos concerne plutôt les places publiques qui

font fonction à la fois de centres d'animation culturelle et de marché

de quartiers pour l’exposition des marchandises d’usage courant.

L’absence de ces places dans les différents quartiers des villes

modernes entraîne aujourd'hui l’engorgement des trottoirs qui sont

transformés en lieux de danses populaires et surtout d'exposition des

marchandises d'utilisation quotidienne. L’engorgement de ces trottoirs

provoque quelques débordements qui rendent malaisée la circulation

des véhicules le long des principales artères des villes africaines,

notamment dans les après-midi où toute la vie citadine se transporte le

long des artères de circulation, alors que traditionnellement, celle-ci se

déroulait plutôt sur les places publiques.

Les formes d’habitation et de concession proposées par l'ar-

chitecture moderne ne permettent plus aux familles africaines de

mener une vie réellement intime. Pour pallier cette difficulté, certaines

villes africaines ont adopté le style d'habitation entièrement clôturée

par une imposante maçonnerie. Le caractère massif de ces clôtures

non seulement rend plus cher le coût de l'habitation, mais entraîne

aussi un gaspillage important des matériaux de construction. Quoi

qu'il en soit, les nouvelles formes de l'habitation ont rompu avec ce

que le milieu offre comme valeur de civilisation. Les maisons rondes

qui sont des formes d'adaptation aux conditions climatiques dans

certains milieux deviennent de plus en plus rares.

Enfin, le problème des matériaux de construction est déjà

plus complexe à cause de son implication à la fois pratique et

politique : il devient plus aisé de construire avec des matériaux

importés, même si ceux-ci ne s’adaptent pas toujours au climat, que de

réfléchir à l'amélioration de ceux d’origine locale. Politique parce que

cet aspect illustre celui de la dépendance des sociétés africaines vis-à-

vis de la technologie étrangère. Ces nouveaux problèmes sont

désormais abordés à travers une multitude de travaux dont fait état la

bibliographie ci-jointe.

Page 84: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

84

BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE

I- Aspects méthodologiques

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Autrement n0 9 - Octobre, pp. 308 - 311.

Page 106: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

106

Chapitre 13 :

Démographie et croissance urbaine en

Afrique de l’Ouest.

La population de l'Afrique au Sud du Sahara et celle de

l'Afrique de l'Ouest en particulier a stagné jusqu’à la fin du XIXè

siècle, tandis que la plupart des autres continents étaient déjà en pleine

croissance démographique. Elle n'a commencé à croître de façon

significative qu'au début du XXè siècle. Mais ce n'est qu'après la

deuxième guerre mondiale, avec l'amélioration des conditions

sanitaires et médicales que le boom démographique a pris son essor.

Depuis cette époque, la région enregistre régulièrement des taux de

croissance démographique élevés, proches de 3% par an. Cette

croissance soutenue a fait passer la population de la sous-région ouest

africaine d'un effectif total de 40 millions d'habitants en 1930, à 85

millions en 1960 et à 215 millions en 1990.

De tels taux de croissance qui entraînent un dédoublement de

la population tous les 25 à 30 ans agissent de façon spectaculaire sur

la croissance urbaine. Mais avant de montrer l'importance de cette

croissance urbaine, nous passerons respectivement en revue :

o le bilan de cette croissance démographique ;

o son impact sur l'urbanisation ;

o ses conséquences pour l'avenir.

I. Bilan de la croissance démographique en

Afrique de l’Ouest

L'ensemble des pays de la sous-région ont un taux moyen de

croissance annuelle de l'ordre de 3 %. Mais si l'on jette un coup d’œil

sur les Etats qui composent la sous-région, on peut distinguer trois cas

de figure sur la période allant de 1960 à 1990

- les pays à très forte croissance, supérieurs à 3%

par an ; dans cette catégorie vient en tète la Côte-

d'ivoire avec plus 4%, ensuite la Gambie, le

Sénégal et le Libéria avant la crise

Page 107: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

107

- les pays à taux de croissance comprise entre 2 et 3

%, avec une moyenne de 2,7 % par an. Ce sont les

pays les plus nombreux. Par ordre d'importance,

viennent respectivement le Togo, le Nigérian, le

Bénin, le Ghana, le Niger et la Mauritanie

- enfin les pays dont la croissance annuelle se situe

autour de 2 %, tels que la Sierra-Léone, le Mali, le

Burkina-Faso, la Guinée et le Cap-Vert. Cette

croissance inégale se traduit aussi par la

répartition spatiale de la population avec trois

types de densité. Ainsi, distingue-t-on les pays

faiblement peuplés où la densité est inférieure à

20 hbts/km2

comme c'est le cas au Mali, en

Mauritanie, au Niger, en Guinée et en Côte-

d'ivoire. Ensuite viennent les pays intermédiaires

dont la densité est comprise entre 20 et 60 hbts. Il

s'agit notamment de la Gambie, de la Sierra-

Léone, du Burkina-Faso, du Ghana, du Bénin et

du Togo ; puis les pays dont la densité est

supérieure à 60 libts/km2

le Nigeria et le Cap-

Vert.

Cette relation entre habitant et espace aura des

conséquences sur la manière dont les villes seront distribuées en

Afrique de l'Ouest. Pour entrer dans le détail de cette croissance

démographique, on pourrait envisager trois situations : le rappel

historique, la gestion de la croissance démographique et les

conséquences de cette croissance démographique.

A. Rappels historiques de la croissance

démographique en Afrique

Si l'on analyse les différentes courbes qui renseignent sur

l'évolution des effectifs démographiques des grandes régions du

inonde entre 1750 et aujourd'hui, le continent africain occupe une

place moyenne. Comparé aux autres régions du monde, sa croissance

démographique est restée stationnaire jusqu'en 1900, au même titre

d'ailleurs que l'Amérique Latine, alors que l'Asie, l'Europe et

l'Amérique du Nord subissent d'importantes croissances

démographiques qui vont déclencher à partir de 1800 une forte

Page 108: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

108

émigration européenne vers l'Amérique du Nord, l'Amérique Latine,

l'Australie et les colonies d'Afrique et d'Asie. Ce n'est qu'à partir de

1900 et plus particulièrement après la fin de la deuxième guerre

mondiale que le taux de croissance est devenu spectaculaire en

Afrique pour rester comme l'un des plus élevés du inonde. Malgré

cette forte croissance, le continent africain est néanmoins le moins

peuplé, à l'exception de l'Australie. Il semble donc que la forte

croissance actuelle tente de régler deux problèmes :

- d'un côté le vide créé par la traite des esclaves se

soldant par la faible densité démographique de la

majorité des Etats africains. Cette faible densité

démographique a des conséquences énormes sur

la manière dont les pays africains rentabilisent

leurs différents équipements et infrastructures de

base. Dans tous les cas, cela constitue un handicap

sérieux dans la distribution et l'entretien de ces

infrastructures et équipements ;

- de l'autre, la forte croissance actuelle tend à

combler le déficit numérique comparé aux autres

régions du monde, et peut-être aussi les difficultés

liées à la mortalité par la persistance des crises

socio-politiques et surtout le développement

extraordinaire de certaines maladies comme le

paludisme et le sida aujourd'hui. Si l'on ne trouve

pas une solution adéquate à ces maladies, il y a de

fortes chances que, malgré sa forte croissance

démographique, l'Afrique éprouve des difficultés

à combler son retard démographique. Cependant,

les études qui ont été faites sur les conséquences

du sida sont moins pessimistes quant à ses

conséquences sur la croissance démographique.

Quoiqu'il en soit, les derniers rapports des Instituts européens

de démographie affirment que cette croissance va fortement baisser

dans les prochaines années par le déclin du taux de fécondité. Pour le

moment, ce taux de fécondité reste très variable ; sa moyenne tourne

autour du chiffre 6, avec quelques pays en pointe comme la Côte-

d'Ivoire, 7,4 - le Mali, 7,1 - le Niger 7,1 - le Bénin 7,1 et la Guinée, 7.

Les pays intermédiaires sont représentés par le Sénégal : 6,1 - le

Burkina Faso : 6,5 - la Sierra Léone : 6,5 et le Ghana : 6. Dans la

catégorie des pays à fécondité basse, se trouvent la Guinée Bissau :5,8

Page 109: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

109

- le Cap Vert : 4,3 - tandis que le Nigeria et le Ghana tournent autour

du chiffre 6.

Sur la base de ces différentes données, la question qui mérite

d'être posée est de savoir comment l'Afrique a géré sa forte croissance

démographique de ces dernières années, entraînant un dédoublement

de la population tous les 25 à 30 ans, dans une ambiance de pauvreté

généralisée.

B. La gestion de la croissance

démographique en Afrique de l’Ouest

La plupart des pays qui ont connu de très fortes croissances

démographiques ont exporté les excédents qui en résultent vers

d'autres régions du monde par les mouvements migratoires en

direction des pays lointains. C'est de cette manière que les pays

européens ont conquis le nouveau monde, l'Australie et leurs

différentes colonies de peuplement. Malheureusement, l'Afrique n'a

pas eu de moyens pour se lancer dans la conquête coloniale. Pire, sa

croissance se situe à la fin de toutes les révolutions démographiques

qu'à connues le monde entier. Ainsi, pour faire face à cette situation,

l'Afrique en général et la sous-région ouest africaine on plutôt misé

sur les déplacements internes des populations.

C. Les migrations de population comme

réponse à la croissance

démographique

La mobilité des populations a joué un rôle essentiel dans

l'adaptation des Africains à la croissance démographique. Cette

mobilité a revêtu plusieurs formes : exode rural, migration vers les

régions côtières, et exceptionnellement vers les pays lointains. Sur le

plan interne, l'exode rural s'est fait essentiellement au profit des

capitales d'Etats et de quelques villes secondaires. Cet exode rural a eu

des conséquences énormes sur la croissance de ces villes-capitales.

Beaucoup d'entres-elles sont allées de petites agglomérations de rien

du tout à de très grosses villes aujourd'hui, comme en témoigne le

tableau n°1.

TABLEAU N°1 : Evolution de la population des capitales d'Etats

de quelques pays africains entre 1960 et 1990

Page 110: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

110

1960 1970 1980 1990

Lagos 790.000 hbts

1.380.000 hbts

2.400.000 hbts

5.000.000 hbts

Abidjan 200.000 hbts

575.000 hbts 1.250.000 hbts

2.500.000 hbts

Dakar 530.000 hbts

765.000 hbts 1.099.000 hbts

1.700.000 hbts

Accra 342.000 hbts

570.000 hbts 980.000 hbts 1.500.000 hbts

Conakry 115.000 hbts

257.000 hbts 632.000 hbts 1.083.000 hbts

Cotonou 131.000 hbts

214.000 hbts 363.000 hbts 850.000 hbts

Bamako 102.000 hbts

235.000 hbts 480.000 hbts 860.000 hbts

Freetown 138.000 hbts

223.000 hbts 360.000 hbts 680.000 hbts

Ouagadougou 135.000 hbts

214.000 hbts 342.000 hbts 650.000 hbts

Lomé 106.000 hbts

190.000 hbts 347.000 hbts 950.000 hbts

Niamey 59.036 hbts 260.000 hbts Source : Document d’étude WALTP

Comme on peut le constater à la lecture de ce tableau, la

plupart des capitales d'Etat doublent leur population tous les dix ans, à

partir de leur forte croissance démographique supérieure à 6 % en

moyenne par an. Cette forte croissance urbaine est aussi le résultat

d'un autre courant migratoire qui s'effectue de l'intérieur de la sous-

région vers les zones côtières.

Ce sont des facteurs socio-économiques qui justifient ce type

de migration en particulier l'attraction exercée par certains pays côtiers

à partir de leurs avantages écologiques ayant permis le développement

d'une activité agro-exportatrice prospère doublée par la suite d'un

début d'industrialisation. Ainsi, les pays comme le Ghana, la Côte-

d'ivoire et le Nigeria sont restés pendant longtemps des réservoirs pour

la main-d’œuvre venant des pays sahéliens.

Actuellement, les migrations qui s'effectuent à l'intérieur de la

sous-région ouest-africaine affectent trois zones principales : les villes

capitales, la ceinture moyenne de l'Afrique de l'Ouest comprise entre

le 7è et le 1 lé parallèle nord, ayant d'énormes potentialités agricoles,

et enfin les zones côtières généralement caractérisées par leur

développement économique avancé.

Au total, les différents mouvements migratoires ont pour

conséquence sur le peuplement d'Afrique de l'ouest de faire apparaître

Page 111: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

111

quatre plages de densité à l'intérieur desquels se structurent les

différents réseaux urbains.

La première zone de peuplement rassemble les principaux

pôles de croissance urbaine dans les pays côtiers et leurs arrières-pays

immédiats. Il s'agit notamment de la région du Cap-Vert au Sénégal,

du Sud de la Côte-d'Ivoire et du Sud des pays du Golfe du Bénin. Ces

différentes zones se caractérisent par leur forte densité de population

de l'ordre de 124 hbts/km2. Elles représentent 41% de la population

régionale pour 8% de la superficie totale, avec un niveau élevé

d'urbanisation de l'ordre de 55%. Ces zones ont connu la plus forte

croissance de ces trente dernières années avec un flux d'immigration

nette d'environ 8,3 millions de personnes, soit un taux d'immigration

de 0,4% par an.

La seconde zone rassemble le reste de l'espace proche des

côtes. Elle représente 28% de la population totale sur 25% de la

superficie régionale. Elle est relativement peu peuplée au regard de ses

potentialités foncières. Elle est également peu urbanisée parce qu'elle

fut pendant longtemps la région d'émigration de l'Afrique, à cause du

développement de certaines maladies comme l'onchocercose. Mais

depuis la maîtrise de cette maladie, elle accueille beaucoup d'étrangers

qui y viennent pour y installer de nouvelles fermes agricoles, mais

surtout des Peul dans le cadre de la transhumance.

La troisième zone correspond approximativement aux pôles

de peuplement issus des anciennes formations historiques du moyen-

âge : empire du Ghana, du Mali, empire Songhaï, etc. C'est aussi le

domaine utile des pays sahéliens. Elle rassemble 25% de la population

sur 13% du territoire. Elle est relativement plus urbanisée à cause de

la présence des chefs-lieux d'Etats qui s'y trouvent et de quelques

reliquats des vieilles cités de l'époque médiévale africaine.

Malheureusement, la zone est actuellement confrontée à de très fortes

contraintes liées à la sécheresse provoquant la dégradation de

l'environnement et des potentialités économiques de base. Cela se

traduit désormais par une émigration qui se fait en faveur de la zone

côtière.

La quatrième zone couvre le reste de l'espace sahélien. C'est la

région dont le potentiel de croissance démographique et économique

est le plus limité et qui constitue l'un des principaux foyers

d'émigration.

Le tableau ci-après résume bien les dynamismes

démographiques et urbains de ces différentes zones de peuplement.

Page 112: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

112

TABLEAU N°2 Dynamismes démographiques et urbains des

différents pôles de peuplement ouest-africain

Part de la superficie totale (%)

Part de la population

total (%)

Taux de croissance

de la population

Proportion d’urbains

(%)

Taux de croissance

de la population

urbaine

1960 1990 1960/1990 1960 1990 1960/1990

Zone 1 7 35 41 3,2 25 55 5,9

Zone 2 25 29 28 2,6 10 30 6,4

Zone 3 13 27 25 2,4 8 32 7,5

Zone 4 55 9 6 1,7 6 22 6,0

Régions 100 100 100 2,7 14 40 6,3 Source Etude WALPT , décembre 1994, page 9.

Ce tableau montre bien le caractère inégal de la dynamique de

la croissance démographique en Afrique de l'Ouest. Ce phénomène

entraîne des conséquences énormes sur la manière dont se structurent

les différents réseaux urbains dans la sous-région.

II. Impact de la croissance démographique sur

l’urbanisation

L'évolution la plus marquante des 30 dernières années en

Afrique de l'Ouest est le développement très rapide des villes. Celles-

ci accueillent aujourd'hui plus de 40% de la population contre

seulement 13% en 1960. Le nombre d'urbains est ainsi passé de 12 à

78 millions. Au regard de cette forte croissance urbaine, on peut donc

conclure que les villes absorbent près de 2/3 de la croissance

démographique totale.

Mais cette forte urbanisation caractérise davantage des pays

riches comme le Nigeria, dopé par le boom pétrolier où ce taux

d'urbanisation passe de 15% en 1960 à 49% en 1990. Il en est de

même de la Côte-d'Ivoire dont la réussite agricole s'est traduite par

une rapide croissance urbaine (17 à 47% durant la période 1960-

1990).

Cette urbanisation s'est également développée dans les pays

ayant subi une crise écologique aiguë comme la Mauritanie, avec un

taux de 9 à 42% d'urbains entre 1970 et 1990. Les autres pays

Page 113: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

113

sahéliens comme le Mali et le Burkina Faso ont bénéficié des mêmes

phénomènes urbains, mais avec une faible ampleur.

Si on analyse l'ensemble du réseau urbain ouest-africain, on

peut dire qu'il est relativement équilibré. En effet, le phénomène de

croissance urbaine ne se limite pas uniquement au développement de

quelques mégapoles. A ces grosses villes s'ajoutent les villes

secondaires. Ainsi le nombre des villes de plus de 100.000 hbts est

passé de 12 en 1960 à 90 en 1990; celui des centres urbains de plus de

5.000 hbts de 600 à 3.000. On peut donc dire que le réseau urbain

ouest africain commence petit à petit à se structurer même Si les

grandes villes de plus de 500.000 hbts n'assurent encore qu'un

maillage assez lâche de l'espace régional. Elles sont séparées par les

distances de l'ordre de 1.000 km.

Malgré la forte croissance urbaine dont la moyenne se situe

actuellement autour de 6,1%, le rythme d'urbanisation connaîtra un

ralentissement structurel pour se stabiliser autour de 4,5% par an.

Du point de vue de l'organisation de l'espace régional par ces

villes, on peut distinguer plusieurs types de structures fondées sur la

taille des différentes villes africaines.

Ainsi, les principales villes auront une évolution assez

significative axée sur leur capacité à imposer leur rôle au niveau

régional, voire international. Ces plus grandes villes d'Afrique de

l'Ouest assureront les fonctions de polarisation assez significatives.

Par contre, l'ensemble des villes de plus de 100.000 hbts dont

le nombre avoisine 90 actuellement seront appelées à se multiplier

pour atteindre le chiffre de 280 environ, d'ici à l'an 2020. Ce sont elles

qui joueront un rôle important dans l'organisation de l'espace ouest-

africain. Ce rôle leur sera d'autant plus facile qu'elles bénéficieront de

l'appui des petites villes de plus de 5.000 hbts dont le nombre sera

supérieur à 6.000.

Mais en attendant qu'on en arrive là, l'impact de la croissance

démographique et des migrations de population sur l'urbanisation

permet actuellement de distinguer dans la sous-région deux principaux

réseaux urbains qui s'appuient sur deux axes :

- celui reliant Dakar à N'Djamena sur près de 3000

km et qui supporte les villes de Tambacounda

(Sénégal), de Bamako (Mali), de Ouagadougou

(Burkina-Faso), de Niamey (Niger), de Sokoto

(Kano, Maiduguri (Nigeria) et N'Djamena

(Tchad) ;

- le second axe longe la côte entre Abidjan et

Douala sur près de 2000 km et comprend les

Page 114: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

114

agglomérations d'Abidjan, Accra, Lomé,

Cotonou, Lagos, Abeokuta, Ibadan, Benin-City,

Onitshia, Enugu, Port Harcourt, Calabar et

Douala.

Ces différents réseaux sont relativement équilibrés. La région

d'Afrique occidentale compte à la fin du 20è siècle quelques 3.000

centres urbains de plus de 5.000 hbts, répartis comme suit :

1960 1970 1990

Nombre de villes 623 1.164 3.049

Population urbaine 12.499.000 25.142.000

78.350.000

Les villes qui se sont développées sur l'axe Dakar-N'Djamena

sont presque toutes des capitales d'Etats ou d'Etats fédérés. Elles

doivent leur croissance actuelle davantage à l'exode rural qu'à la

migration internationale. Cet exode rural est la conséquence de la

sécheresse qui sévit dans cette partie. A titre d'exemple,

Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso reçoit à elle seule environ

39% des flux migratoires ruraux en direction des centres urbains du

Burkina Faso. Par contre, elle accueille peu d'étrangers, à l'exception

des grandes manifestations qui s'organisent dans la ville tel que le

FESPACO ou le CIAO. Mais les étrangers qui arrivent à cette

occasion n'élisent pas domicile dans la ville.

A l'opposé, la croissance des villes côtières est largement

tributaire du flot des étrangers qui viennent pour la plupart des pays

sahéliens. Le cas d'Abidjan est significatif de ce point de vue ; ville d'à

peine 400.000 hbts en 1967, avec 8,9% de la population nationale, elle

atteint en 1990 2.500.000 hbts, soit 1/5 de la population totale. Elle est

passée de la place de 5è ville en 1965 à celle de 2ème ville après

Lagos en 1990. Toutes ces villes côtières doivent leur forte

concentration humaine d'abord à l'essor des cultures d'exportation,

ensuite du pétrole et des minerais, puis enfin à leur fonction portuaire.

Pour terminer, on peut dire que la croissance démographique

entraîne des conséquences importantes sur la croissance urbaine. Au

regard des évolutions en cours, cette croissance démographique va

provoquer deux types de peuplement dans la sous-région ouest-

africaine.

1. La nouvelle image du peuplement ouest-africain. Celle-ci se

traduira par trois plages de densité qui affecteront :

Page 115: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

115

- la zone côtière qui concentre actuellement environ

45% de la population

- la partie intermédiaire correspondant à la fameuse

"middle belt" des Anglais. Naguère vide

d'hommes, elle bénéficie actuellement de la

recolonisation agricole fondée sur le

développement des cultures vivrières, du coton et

sur le stockage d'une partie du bétail originaire du

sahel ;

- les zones péri-urbaines des villes sahéliennes

s'étant développées sur l'axe Dakar-N'Djaména.

Mais l'avenir de cette troisième zone de

peuplement dépendra de ses liens avec les pays

côtiers.

Au total, la nouvelle image du peuplement ouest-africain

comportera trois plages aux potentialités différentes qui exigent que

l'on mette davantage l'accent sur la construction des ensembles

régionaux homogènes afin de tirer meilleur profit du fonctionnement

de ces différents môles de peuplement.

2. L'émergence des pôles urbains du Golfe du Bénin. Il s'agit

ici des villes côtières qui se développent entre la Côte-d'ivoire et le

delta du Niger avec la création du véritable chaîne de villes qui fera du

golfe du Bénin la région la plus urbanisée du continent africain. On y

compte déjà plus de cinq villes de plus 2.000.000 d’habitants chacune:

Abidjan, Accra, Lagos, Ibadan, Benin-City et Port-Harcourt. Ces

grosses agglomérations satellites d'autres centres de près d'un million

d'habitants chacune Lomé, Cotonou, Abéokuta, Owéri, Abba et

Calabar. Entre ces différentes villes se trouvent plusieurs centres

secondaires comme Grand-Bassam, Bonoua, Aboisso (Côte-d'ivoire),

New-Town, Haîf-Assini, Eziama, Discove, Tacoradi, Secondji, Elm

ina, Cape-Coast, Winneba, Tema, Ada, Keta, Denou, Aflao (Ghana),

Kpèmè, Anécho (Togo), Grand-Popo, Comé, Ouidah, Porto-Novo

(Bénin). Badagry, Ikorodu, Shagmu, Ijebu-Odé, Oré, Ikoko, Sapalé,

Wari, Inagoa (Nigeria). La concentration des villes sur l'axe Abidjan-

Port-Harcourt provoque une rapide évolution spatiale se traduisant par

la réduction considérable des distances qui séparent chacune des

agglomérations entre elles. Ces distances sont inférieures à 50 km.

Dans une telle mutation spatiale, la notion de frontière n'a plus de sens

et celle des Etats souverains risque d'être ébranlée dans son fondement

juridique.

Page 116: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

116

Au terme de cette étude sur démographie et croissance urbaine, on

peut donc affirmer que l'Afrique connaît aujourd'hui de très grandes

mutations. Celles-ci entraînent plusieurs conséquences qui méritent

que l'on repense sérieusement les différentes approches de

développement, tant en terme de priorités agricole et industrielle qu'en

ce qui concerne les préoccupations d'intégration régionale. Les

populations africaines sont déjà conscientes de ces différents enjeux,

d'où d'ailleurs le développement extraordinaire des migrations de

population et celui des échanges commerciaux informels dans la sous-

région. La question de fond est celle de savoir comment les Etats

respectifs peuvent-ils accompagner ces différents dynamismes qui

structurent l'espace ouest-africain autrement que les différentes

propositions en cours d'expérimentation dans la sous-région telles que

la Communauté Economique des Etats d'Afrique de l'Ouest

(CEDEAO), et l'Union Economique et Monétaire Ouest Africain

(UEMOA).

Page 117: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

117

Chapitre 14 :

Les villes africaines en crise : les grands

traits de la dégradation du milieu urbain

La croissance urbaine est devenue un phénomène

extraordinaire en Afrique et singulièrement en Afrique de l'Ouest. Le

développement urbain est la conséquence d'une politique ambitieuse

menée par les pouvoirs politiques dans le cadre des différentes

réformes administratives. Ainsi, la ville devient le principal signe de

progrès accompli par les Etats depuis leur accession à l'indépendance.

L'avenir de l'Afrique dans les prochaines années se jouera dans les

villes. Les études récentes sur l'évolution de la croissance urbaine en

Afrique et notamment dans la sous-région ouest-africaine révèlent

qu'entre 1960, année des indépendances et 1990, le taux de

l'urbanisation est passé de 13 à 40% portant ainsi l'effectif des citadins

de 12,50 à 78,4 millions d'habitants33

. Les mêmes études estiment

qu'ici à l'an 2020, plus de 60% de la population de la sous-région

vivront dans les villes, soit environ 250 millions d'habitants.

Malheureusement, cette évolution urbaine spectaculaire est

aussi devenue le facteur de crises à la fois pour les citadins eux-

mêmes que pour les Etats qui ont la responsabilité de gérer ce

phénomène urbain. La crise urbaine à plusieurs dimensions :

- dégradation des milieux urbains ;

- tensions sociales assez graves ;

- fort endettement de l'Etat, pour faire face à la

demande urbaine toujours croissante.

Le but de ce travail est de dégager quelques traits de ces

dégradations en mettant l'accent sur celles qui touchent

l'environnement. Pour ce faire, on insistera sur quatre points:

1. Les raisons de la crise urbaine en Afrique ;

2. Les aspects de la dégradation des milieux urbains ;

3. Les solutions préconisées ;

33

Etude des prospectives à long ternie de l’Afrique de l’Ouest. Club du

Sahe1. décembre 1994.

Page 118: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

118

4. Les perspectives d'avenir.

I. Les raisons de la crise urbaine en Afrique

Pour justifier les difficultés posées par la croissance urbaine en

Afrique, on peut d'abord se demander si la ville comme cadre de vie

fait partie des civilisations africaines. Cette question parait importante

dans la mesure où elle pose la problématique de la croissance urbaine,

le problème du modèle urbain et les questions relatives à la gestion

urbaine. Même si plusieurs sociétés africaines ont géré leur

civilisation traditionnelle à travers les villes, comme c'est le cas des

Yoruba, des Haoussa du Nigeria et des populations mandingues du

Sahel, il n'en demeure pas moins que le modèle urbain actuel a fait son

apparition dans le sillage de la colonisation et de l'économie de

dépendance. De ce point de vue, la ville apparaît comme le meilleur

instrument de l'exploitation coloniale ; c'est le relais entre les marchés

africains et internationaux. Cette fonction de la ville africaine justifie à

notre avis les difficultés actuelles dans la mesure où elle a d'énormes

conséquences sur le cadre géographique d'implantation urbaine, sur

les principales fonctions urbaines, le modèle de son accroissement et

les différents services proposés aux citadins.

A. Le cadre géographique de

l’implantation urbaine

Si l'on procède à une analyse minutieuse des sites urbains en Afrique,

on peut classer ceux-ci en plusieurs catégories :

- Facilité de communication (voies fluviales, régions

côtières, carrefours de circulation) ;

- contreforts montagneux servant de refuge aux populations

en difficultés;

- pleines découvertes avec d'énormes facilités de visibilité ;

- zones de contact écologique et même temps de marché

entre différentes possibilités de production.

Les contreforts montagneux, les pleines découvertes et les

zones de contact écologiques ont été plutôt les préférences des

populations africaines. Ainsi, la plupart des villes traditionnelles en

Afrique de l'Ouest ont été bâties sur de pareils sites (les anciennes

cités du moyen âge africain comme Awdaghost, Koumbi-Saleh, villes

Page 119: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

119

haoussa et yoruba par la suite...). Il n'y a que quelques rares exceptions

de villes qui soient créées le long des cours d'eaux : exemple de Gao,

de Djenné au Mali...

Par contre, les villes qui ont été fondées par les Européens ont

pour site le bord des fleuves pour des raisons de circulation ou les

régions côtières pour cause d'ouverture sur le monde extérieur.

Comme exemple on peut mentionner :

- les anciens escales du fleuve Sénégal comme Diagana,

Podor, Richard-toll, Bakel, créés pour la traite de la

gomme arabique. On peut aussi mentionner l'exemple des

villes nigérianes d'Onitsha et de Jeba sur le fleuve Niger

pour faciliter l'évacuation des principales productions

agricoles de l'intérieur vers la côte ;

- les anciens carrefours marchands comme Bobo-Dioulasso

au Burkina-Faso, Parakou au Bénin ;

- les ports maritimes, nombreux en Afrique de l'Ouest :

Nouadibou, Nouaktchott (Mauritanie), Saint-Louis,

Dakar (Sénégal), Banjul (Gambie), Conakry (Guinée) ;

- Abidjan (Côte-d’Ivoire), Accra (Ghana), Cotonou

(Bénin), Lagos (Nigeria), etc. Ce sont d'ailleurs ces villes

côtières qui sont par la suite devenues les capitales d'Etats

et les plus grosses agglomérations de la sous-région. Or,

lorsqu'elles ont été choisies pour servir de comptoirs

commerciaux, personne d'imaginait qu~elles allaient

devenir les plus grosses agglomérations car leur site

présente plusieurs inconvénients malgré les facilités

d'ouverture sur le monde extérieur.

- la plupart sont bâties sur des cordons littoraux au sol très

mouvant avec une faible profondeur de la nappe

phréatique. Cette situation présente à la fois le risque

d'érosion côtière et d'inondation permanente.

- certaines de ces villes sont situées entre la nier et la

lagune, avec un site parfois plus bas que le niveau de la

mer. Ce site est seulement protégé par quelques cordons

littoraux qui malheureusement sont exploités comme

carrière pour le ramassage du sable nécessaire à la

construction des habitations. Tout cela occasionne

l'érosion côtière et les risques d'inondation.

Page 120: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

120

Au total. les sites choisis par le colonisateur pour implanter

ses premiers comptoirs commerciaux sont donc impropres pour

accueillir de grosses agglomérations. Ces situations posent aujourd'hui

et de façon dramatique le problème d'extension des espaces urbains

(cas de Cotonou, de Lagos, de Freetown, coincées entre la mer et la

lagune), le problème de la remontée de la nappe phréatique en surface

avec le risque d'inondation permanente, de la pollution des eaux des

puits et des difficultés à disposer d’une voirie bien fonctionnelle.

B. Les fonctions premières des villes

coloniales

Celles-ci étaient uniquement axées sur le transit, d'où la

construction des wharfs, et par la suite des ports. Cette fonction de

transit était suffisante compte tenu de la précarité des sites.

Malheureusement, les ressources générées par les activités de transit

ont eu pour conséquence de priver les anciennes capitales qui étaient

en retrait par rapport à la mer de leur fonction d'encadrement national :

Bingerville perd son titre de capitale au profit d'Abidjan, Porto-Novo

également au profit de Cotonou. En s'élevant au rang de capitales

d'Etats, toutes ces villes sont ainsi devenues des hydres dont la

croissance et la gestion sont difficiles à maîtriser aujourd'hui. On peut

donc dire qu'à partir de leurs fonctions, il y a trop de choses à faire à la

fois dans les villes capitales qui finalement empêchent les pouvoirs

publics de faire quoique ce soit ou du moins le minimum.

C. L’absence d’une planification urbaine

rigoureuse

L'absence d'une politique efficace de planification urbaine

empêche les pays d'Afrique de l'Ouest, exceptés la Côte-d'ivoire, le

Nigeria et le Ghana, de disposer d'un bon tissu urbain.

Ainsi, la ville capitale devient la seule ville digne de ce nom.

Quelques rares fois, deux agglomérations se font âprement

concurrence (exemple de Cotonou et de Porto-Novo au Bénin de

Douala et de Yaoundé au Cameroun, de Ouagadougou et de Bobo-

Dioulasso au Burkina Faso...). Cette concurrence débouche le plus

souvent sur l'abandon de toute politique urbaine ou sur la dispersion

Page 121: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

121

des maigres moyens dont dispose l'Etat pour mieux aménager ces

agglomérations.

La suprématie de la ville capitale sur les autres centres devient ainsi

l'une des causes des crises et particulièrement celle de

l'environnement. En effet, la gestion de cette ville capitale est

extrêmement coûteuse à la nation tant sur le plan financier, sur le

dynamisme de la production économique, notamment agricole que sur

la possibilité de pratiquer une véritable politique d'indépendance

nationale.

D. Les conséquences d’une migration

urbaine incontrôlée

Le trop grand poids de la ville capitale au détriment des

agglomérations de l'intérieur a pour conséquence le développement

extraordinaire de l'exode rural doublé de l'arrivée des étrangers. Cette

migration est aggravée par l'incapacité des Etats d'initier une politique

de mise en valeur équilibrée des différentes régions du pays, se

traduisant par la prépondérance d'un secteur sur le reste des activités

économiques : monoculture agricole d'exportation, exploitation d'une

ressource minière, etc. L'argent apporté par cette mono-activité

économique va d'abord au profit de la ville capitale même au

détriment parfois de la zone productrice de cette richesse agricole ou

minière. Ainsi, lors du boom pétrole du Nigeria entre 1973 et 1978, on

disait que pour pouvoir profiter des avantages de la rente du pétrole, il

faut être à Lagos ou à Kano et par la suite à Abuja où une partie

importante de cette rente pétrolière permet d'initier de grands travaux

d'infrastructures urbaines (échangeurs de Lagos, aménagements

routiers de Kano et construction d'Abuja). Toutes ces options

économiques ont induit une forte migration urbaine qui a ruiné les

principaux secteurs agricoles du Nigeria, la richesse avant la

découverte du pétrole. Ce modèle nigérian s'applique aussi à la Côte-

d'Ivoire durant le miracle ivoirien et probablement à la Guinée avec

l'économie de la bauxite.

Cette migration interne fut amplifiée par les différentes crises

politiques qui secouent actuellement la sous-région, entraînant

d~importants flots de réfugiés vers les villes encore en paix comme

Abidjan, Dakar, Accra et Cotonou.

On petit enfin mentionner les conséquences des différentes

années de sécheresse qu'ont connu les pays sahéliens avec l'arrivée

massive des populations de l'arrière-pays vers la ville capitale où

Page 122: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

122

l'accès à la nourriture à partir de l'aide alimentaire massive paraît plus

facile.

Au regard de l'ampleur des migrations urbaines, on peut, sans

exagérer, affirmer que la ville capitale est devenue le mirage de la

nation, entraînant une croissance exceptionnelle avec le débordement

du phénomène par manque de moyens pour le contenir. C'est ce

débordement urbain qui paraît à nos yeux comme la principale cause

des crises urbaines.

II. Les manifestations de la dégradation des

milieux urbains

La dégradation des milieux urbains africains sur le plan

environnemental concerne plusieurs aspects à la fois : la dégradation

du milieu physique, des besoins non satisfaits des citadins et de

l'atmosphère sociale.

A. La dégradation du site

La première chose qui frappe l'étranger qui arrive dans une

ville africaine concerne d'abord la mauvaise qualité du tissu urbain, se

manifestant par l'état délabré des habitations, (en particulier dans les

zones dortoirs), des rues, et parfois de l'atmosphère d'insécurité qui

règne dans les grandes cités. Mais plus on se familiarise à ces cités,

plus on se rend compte de l'ampleur de l'érosion côtière qui détruit des

pans entiers des quartiers situés sur le littoral. Et si le séjour a lieu

pendant la saison pluvieuse, on est alors témoins de grandes

catastrophes d'inondation provoquées par les pluies torrentielles ou les

crues inattendues des fleuves ou lagunes au pied desquels est bâtie

l'agglomération.

Les rues des cités africaines souffrent de plusieurs

manifestations de dégradation :

Elles sont impropres parce que peu nettoyées par les riverains.

Certaines d'entre elles sont transformées en des dépotoirs

d'ordures ménagères, faute d'un service correct de ramassage

des déchets, ou pour combler les zones qui s'inondent en

saisons de pluie;

Page 123: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

123

elles sont ravinées par l'érosion, faute de caniveaux, et Si

ceux-ci existent, ils bénéficient rarement d'entretien ou alors

servent de lieu de déversement des eaux usées de ménage;

elles sont ensablées lorsqu'elles sont bitumées ou alors

jonchées de nids-de-poule qui les transforment en de véritable

gruyère. Les familiers de la ville de Cotonou connaissent le

surnom de cette ville durant la crise économique du Bénin des

années 88-89 : "Cototrou".

Quant aux habitations, la dégradation porte d'abord sur la

hiérarchisation des quartiers. Ainsi, les quartiers dortoirs dans la

plupart des villes d'Afrique de l'Ouest sont très délabrés, depuis les

murs, en passant par la toiture des maisons. Peu de ces quartiers

dortoirs possèdent des rues de bonne qualité, d'eau potable et d'un

système d'assainissement adéquat. Mais le plus grand danger de ces

quartiers concerne leur système électrique extrêmement précaire, le

plus souvent qualifié de Toile d'araignée. C'est aussi dans ces quartiers

dortoirs que les autres formes de dégradations provoquées par les

différents besoins urbains sont les plus prononcées. D’ailleurs, ces

quartiers dortoirs occupent les sites médiocres, en permanence sujets à

des dangers de toutes sortes : inondation, glissement de terrain... Ces

sites médiocres concernent les zones marécageuses qui font suite aux

cordons littoraux, les bras de lagune ou de fleuve ou les rebords de

plateau au sol mouvant.

Normalement, ces sites à hauts risques devraient être réservés

à des espaces verts si la ville africaine bénéficiait d'une gestion

rigoureuse. Plusieurs villes comme par exemple Cotonou, ont interdit

l'occupation de ces sites dangereux ; mais le besoin croissant de terres

pour construire face à la forte migration urbaine n'a pas permis de

respecter cette loi. Parfois, c'est l'Etat même qui aggrave la situation

en vendant certaines zones à risque comme par exemple les régions

littorales fortement soumises à l'érosion côtière. Ainsi, l'une des zones

résidentielles de Cotonou (la Zone des Ambassadeurs) est

actuellement menacée de disparition par l'érosion côtière.

B. Les dégradations provoquées par les

différents besoins urbains.

C'est surtout dans la manière d'exploiter les avantages de sites

urbains pour les besoins des citadins que se sont produites plusieurs

Page 124: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

124

formes de dégradations. Ces dernières formes de dégradation sont

importantes et revêtent plusieurs aspects .

1. La question de l'eau

L'alimentation en eau potable est un des besoins primordiaux

des citadins. Au fur et à mesure que la ville s'accroît, ce besoin devient

difficile à satisfaire d'abord par l'insuffisance des moyens financiers,

ensuite parce que l'occupation de l'espace urbain est anarchique et le

lotissement des parties occupées se fait avec beaucoup de retard. Au

fur et à mesure que la ville s'étend, elle incorpore plusieurs villages

avoisinants où le seul moyen de disposer de l'eau potable est le forage

des puits traditionnels. L'utilisation de ces puits se généralise ainsi à

toutes les villes africaines, y compris même dans les quartiers

résidentiels, afin de pallier à la pénurie d'eau potable. La

généralisation de ces puits affecte la nappe phréatique qui s~épuise ou

qui se pollue. La plupart des puits sont ainsi impropres ou deviennent

salées comme c'est le cas actuellement à Dakar, Cotonou et Lagos.

2. La question des déchets de ménage

Cette question est préoccupante, d'abord à cause de la forte

demande, ensuite des maigres moyens mis à la disposition de la voirie

et des grandes distances à parcourir pour ramasser ces déchets. A titre

d'exemple, les voies urbaines de Cotonou au Bénin, mesurent

actuellement plus de 1.500 km, soit plus que la distance Cotonou-

Niamey. Cela demande beaucoup d'argent qui manque le plus souvent

aux Etats. Même si ces moyens existent, le second problème est celui

des dépotoirs d'ordures qui se font de plus en plus rares, ou qui sont

difficiles à gérer à cause de la nature même des déchets. Actuellement,

les meilleurs clients de la voirie et des sociétés privées qui

interviennent dans ce domaine sont les jardins maraîchers. Mais la

difficulté de ces jardins réside dans la composition des déchets urbains

devenue très complexe. Une étude réalisée sur les villes du Nigeria

illustre bien cette complexité conformément au tableau ci-dessous.

Page 125: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

125

TABLEAU N°1 : Composition des déchets ménagers de quelques

villes nigérianes

Composition des déchets Zone résidentielle 5% Zone traditionnelle

Feuilles 4,3% 50,1%

Reste de nourriture 19,2% 6,4%

Papier 26,2% 15,2%

Matières plastiques 8,9% 4,8%

Objets métalliques 11,4% 7,8%

Os 16,7% 29,8%

divers 1,5% 4,5% Source : Adepoju Onibuku : croissance et gestion urbaine au Nigeria, in

Villes africaines en crise, l’harmattan, Paris 1993 p. 105

Au regard de ce tableau, il apparaît clairement que

l'exploitation de ces déchets pose beaucoup de problèmes en raison de

cette variété d'objets.

Mais ce ne sont pas seulement les déchets dures qui posent

problèmes il y a aussi des déchets liquides, venant de l'épuration des

égouts ou des fausses septiques individuelles ou collectives. Pour

vider régulièrement ces déchets liquides, on a besoin d'une grande

flotte de camions-vidangeurs. La plupart de ces camions font toujours

défaut en Afrique.

3. Le problème de l'énergie

Cette question se pose par rapport à l'énergie de cuisine, dans

la mesure où peu de villes africaines utilisent encore de gaz pour

préparer les repas. Dans beaucoup de ménages, le combustible

domestique le plus utilisé est de loin le charbon de bois. La plupart des

ménages dépendent de ce charbon de bois, à hauteur de 60%. Le

charbon est complété par le bois de combustion, de l'ordre de 30 à

40%. L'utilisation du bois de feu ou de charbon a pour conséquence

immédiate la destruction des cordons forestiers qui entourent les villes

africaines. Cette destruction du couvert forestier aggrave ainsi la

pollution de l'air, provoquée par le développement des industries et les

différents modes de transport urbain.

4. La pollution par le transport urbain et par le bruit.

Les moyens de transport publics sont très variés dans les villes

africaines. Mais quatre participent à la pollution : les bus, les voitures

Page 126: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

126

personnelles, les taxis-autos et les engins à deux roues qui sont en

train de prendre les places des taxis-autos. Ici, à la différence de

l'Europe, il manque encore de transport urbain par voies ferrées. Ainsi,

les villes africaines sont affectées à la fois par le bruit de ces différents

moyens de transport et surtout par la fumée venant des pots

d'échappement. La situation est devenue critique ces dernières années

avec les voitures et engins d’occasion qui viennent de l'Europe et de

l'Extrême-Orient. Ces moyens de transport vétustes consomment

beaucoup de carburants et polluent énormément. Certaines de ces

villes ont même dépassé le seuil critique comme Lagos, Kano et

Abidjan. La situation est d'autant plus critique qu'il y a peu d’espaces

verts à Lagos et à Kano.

5. La dégradation de l'environnement social

Elle se remarque notamment par les difficultés de la vie

quotidienne, rendant ainsi la vie moins attrayante dans les principales

villes africaines. Parmi ces difficultés, on peut signaler celles relatives

à l'emploi, à l'alimentation. à la santé, au logement et plus

particulièrement à la gestion des relations sociales, sans bien sûr

perdre de vue les problèmes de la criminalité et des tensions sociales

parfois très fortes

Ces difficultés résultent de plusieurs phénomènes :

- le partage inégal des rentes des matières premières entre

les différentes couches de la population urbaine ;

- la généralisation du programme d'ajustement

structurel, entraînant plusieurs conséquences sociales, à

partir de la perte d~emploi, de l'arrêt de recrutement dans

la fonction publique, de la mauvaise scolarisation, de la

déficience des soins de santé ou tout simplement de la

précarité de la vie. Toutes ces difficultés augmentent la

proportion de la population vulnérable et ternissent

l'image de la grande ville ci tant que miroir de la nation ;

- les crises politiques aiguës, notamment dans les pays

comme le Nigeria, le Liberia et le Togo ces dernières

années. Ces crises ont fait éclater au grand jour dans

certaines villes des revendications identitaires fortement

soutenues par les enfants de la rue. Ainsi à Lagos, les

originaires de la ville se sont constitués en lobbies très

puissants, soit autour des entreprises commerciales ou des

enjeux fonciers pour exiger plus de responsabilité dans la

Page 127: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

127

manière dont se gèrent la distribution des places

marchandes et le patrimoine foncier. Cette exigence

débouche sur des phénomènes de marginalisation des non

autochtones contraints à abandonner leurs différents

privilèges urbains. Ce phénomène touche aussi la ville de

Dakar, de Conakry et surtout d'Abidjan à partir de la

question de l'Ivoiriété soulevée par quelques partis

politiques.

Aujourd'hui, les nouveaux migrants qui arrivent dans les

grandes villes pour s'enrichir ou pour s'émanciper sont confrontés à

cette situation de marginalisation qui les pousse vers des pratiques

dangereuses ; drogue, vols à main armée, prostitution avec le risque

des maladies vénériennes ou de sida. Ainsi, on vient désormais dans la

ville africaine davantage pour y mourir ou tout au moins pour perdre

son âme, à partir de la mauvaise gestion des relations sociales par

absence d'une structure correcte d'insertion des jeunes à leur nouveau

milieu.

III. Les approches de solutions à la crise urbaine

Les problèmes qui affectent les villes africaines en terme de leur

gestion sont nombreux, d'où la multitude des approches préconisées.

En se limitant à la seule question de la dégradation de l'environnement

on peut insister sur trois solutions possibles.

A. Les aménagements de protection et le

renforcement des services de la voirie

Dans ce sens, les solutions proposées sont nombreuses.

1. La construction des dignes de protection

Ces digues sont surtout construites pour protéger les cordons littoraux

contre l'érosion côtière. Les digues de protection concernent une partie

de la côte sénégalaise et togolaise. Elles sont complétées par quelques

épis.

2. L'assainissement des zones inondables

Page 128: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

128

Les solutions préconisées dans ce domaine sont également

variées. Il y a les travaux d'aménagement urbains à partir des canaux

d'évacuation. La Côte-d'ivoire, le Nigeria et le Bénin ont énormément

investi dans ce genre de travaux. La ville de Cotonou bénéficie en ce

moment d'un important financement japonais polir ce type de

réalisation.

La seconde solution préconisée est la plantation des arbres

appropriées pour assécher les zones marécageuses, en particulier

l’écalyptus. Cette plantation d'écalyptus est très répandue au Congo et

au Rwanda, pour ne citer que ces deux pays. Cette solution qui porte

sur la création d'un espace vert en milieu urbain contribue à

l'amélioration de la biodiversité.

3. Le rôle de la ceinture verte pour faire face à la pollution de

l'air

Pour diminuer la pollution de l'air dans les grandes villes

africaines, on mène trois actions simultanément :

- l'aménagement des voies urbaines par la plantation des

arbres de bordure ;

- l'aménagement des parcs publics ;

- l'agriculture péri-urbaine.

Ces trois actions créent un couvert arboré qui contribue de

façon non négligeable à l'abaissement de la teneur de l'air en particules

en suspension et en gaz toxiques ou à effet de serre. On pense qu'un

hectare d'arbres peut fixer 50 tonnes de poussière en un an et un

hectare de pelouse 5 tonnes de poussière.

B. Le recyclage des déchets

Les déchets durs sont désormais recyclés de plusieurs

manières : par l'incinération, la production de biogaz, le compostage et

la mise en décharge.

L’incinération pose beaucoup de problèmes dans la plupart

des villes africaines à cause de la richesse des ordures en matières

organiques fraîches, en matières métalliques et en cristaux.

Cependant, elle commence à se généraliser un peu partout, notamment

dans les quartiers situés à la périphérie des centres urbains.

La production de biogaz est encore sous forme expérimentale

en ce qui concerne les ordures ménagères. Plusieurs ONG

commencent à sensibiliser les Africains à cette méthode, afin de

Page 129: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

129

diminuer l'utilisation du charbon de bois et de pallier l'insuffisance de

gaz domestique.

Pour le moment, c'est le compostage qui marche le mieux en

raison du développement extraordinaire des activités de maraîchage.

Dans plusieurs villes d'Afrique comme à Bamako, Lomé, Cotonou,

etc, il existe toute une filière de compostage artisanale des ordures

ménagères pour la vente aux maraîchers.

Mais si on commence à recycler les déchets durs, ceux

d'origine liquide ne font pas encore l'objet d'une grande attention

malgré leur bon usage dans beaucoup de pays asiatiques et d'Afrique

australe.

C. Les solutions techniques

Elles concernent l'amélioration des services de gestion

urbaine, notamment le désengagement de l'Etat des secteurs qui

demandent de gros moyens tels que le ramassage des ordures

ménagères et la vidange des différentes fosses. Ainsi, les services de

ramassage des déchets solides et liquides ainsi que de leur traitement

sont en train d'être cédés à des sociétés privées qui deviennent de plus

en plus nombreuses dans les villes africaines. On pense que pour

mieux résoudre ces problèmes, la meilleure solution serait de mettre

en place une structure qui puisse à la fois travailler avec l'Etat et les

citadins eux-mêmes.

Malgré les efforts fournis pour résoudre les problèmes de la

dégradation des milieux urbains africains, les risques naturels et

technologiques ne sont toujours pas bien maîtrisés. On ne sait pas

encore se protéger contre les fortes pluies tropicales qui provoquent

des inondations périodiques, ni les crues inattendues de certaines

rivières et fleuves qui traversent les villes. En conséquence, beaucoup

d'agglomérations continuent toujours de souffrir des crues

dévastatrices comme c'est le cas en 1960, 1963 et 1980 à Ibadan au

Nigeria.

IV. Les perspectives d’avenir

L'avenir des problèmes urbains africains passe par une politique

d'ensemble éclairée et volontariste, appuyée des structures et des

moyens performants. Par rapport à cela, on peut envisager pour

l'avenir plusieurs démarches.

Page 130: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

130

1- DIVERSIFIER LES EQUIPEMENTS DE BASE A L'INTERIEUR DES VILLES

Cette approche suppose que la ville deviennent un lieu

d'innovation. Celle-ci peut porter sur l'amélioration des activités qui

participent à l'assainissement du milieu naturel et urbain comme par

exemple le développement de l'agriculture urbaine. Pour cela, il faudra

régler les problèmes fonciers que cette agriculture pose, en élaborant

des lois claires sur le marché foncier, en assurant Lin bon débouché

pour les produits maraîchers et en professionnalisant le métier de

jardinier.

Parallèlement, on doit aussi initier des projets nouveaux sur

les espaces publics. Les villes africaines souffrent cruellement du

manque d'espaces publics. Il faudrait commencer à prendre intérêt à

de pareils aménagements qui font la beauté des villes européennes. De

tels aménagements pourront d'ailleurs permettre de désengorger les

rues souvent assiégées par la foule massive des villes tropicales.

2- PRIVILEGIER LA GESTION COLLECTIVE DES RESSOURCES

NATURELLES

Face à l'épineux problème posé par la gestion de

l'environnement, les responsables politiques doivent s'orienter vers

plusieurs solutions à la fois :

- la gestion directe des problèmes ;

- la gestion déléguée des problèmes ;

- l'incitation économique ;

- la sensibilisation et la mobilisation des populations

urbaines pour l'assainissement et l'entretien de leur

milieu ;

- la planification et l'aménagement de l'espace.

Ces multiples possibilités doivent déboucher sur l'utilisation

de différents instruments de gestion et sur la possibilité d'évaluer

l'intérêt de chaque population urbaine, à partir des critères comme

l'acceptabilité, l'efficacité, l'efficience, le bien fondé des actions,

l'impact et la viabilité de ces actions à long terme. C'est à partir de

cette évaluation que l'on peut développer une vision stratégique de la

gestion de l'environnement.

3- ADAPTER LES STRUCTURES ET LES MOYENS A LA GESTION URBAINE

Page 131: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

131

Les responsables des villes africaines doivent apprendre

désormais à mettre en place un dispositif efficace de gestion des

espaces naturels urbains en regroupant les informations nécessaires à

cette gestion, à partir des questions suivantes :

- quel est l'état actuel des espaces naturels ?

- comment évoluent-t-ils ?

- à quels menaces sont-ils soumis ?

- quel usage en tait-on ?

Aucune de ces questions n'a fait l'objet d'un état des lieux

systématiques dans la plupart des villes africaines. Il paraît donc

urgent de pallier à cette déficience d'information en élaborant des

programmes de surveillance des zones naturelles urbaines, en ayant

des instruments de diffusion des informations au public sur l'évolution

de toutes ces questions.

La deuxième solution que l'on pourrait envisager, toujours par

rapport à la création de nouvelles structures pour appuyer la gestion

urbaine serait de mettre en place une Mission espaces urbains naturels

qui regrouperait de façon informelle les services d'assainissement et

de ramassage d'ordures ménagères des différentes municipalités, les

centres de recherche universitaires, les services de l'administration

relevant du Ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme et des ONG

travaillant au développement social urbain

La troisième solution serait de former des professionnels de

gestion urbaine ayant une bonne connaissance des espaces naturels en

milieu urbain et en architecture paysagère, etc.

4- INSTAURER UNE VERITABLE POLITIQUE URBAINE PAR

L'ELABORATION D'UN SCHEMA DIRECTEUR D'AMENAGEMENT POUR

L'ENSEMBLE DE LA NATION

Il paraît impossible de maîtriser la gestion des villes africaines

sans modifier leurs structures et leur fonctionnement. Il va falloir donc

diminuer le poids excessif de la ville capitale sur le fonctionnement de

l'espace national. Ceci ne pourra se faire que lorsqu'on envisage de

développer Lin véritable réseau urbain à partir d'un schéma directeur

concerté qui prendra appui d’un côté sur la décentralisation, de l'autre

sur la volonté des pouvoirs publics de procéder à une hiérarchisation

fonctionnelle de l'ensemble de l'armature urbaine nationale.

Page 132: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

132

Pour conclure, on peut donc dire que la situation que

traversent les villes africaines aujourd’hui mérite que l'on gère avec

beaucoup d'imaginations leur évolution. Dans le temps, on avait

imaginé les réformes administratives pour cela. A partir de ces

réformes administratives basées sur la création des départements, des

régions ou des Etats fédérés, comme pôles de développement

économique, beaucoup de pays comme la Côte-d'ivoire, le Ghana et le

Nigeria ont réussi à désengorger quelque peu la ville capitale et à créer

un véritable réseau urbain national. Malheureusement, les crises

économiques que ces pays ont connu suite à la mévente de leurs

principales ressources économiques n'ont pas permis de faire aboutir

ce projet urbain national. Les maigres moyens issus de cette mévente

des matières premières n'ont servi finalement qu'au fonctionnement de

la ville capitale qui en a profité pour se développer exagérément.

Malgré cela, l'avenir des villes africaines dépend de la capacité des

Etats à limiter le développement de ces villes capitales en accordant

plus d'attention au développement équilibré des autres régions du

pays, à partir d'une politique vigoureuse d'aménagement du territoire

national.

Page 133: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

133

Chapitre 15 :

Urbanisation, culture et Etat-nation :

exemple du Nigeria

L'Afrique noire est surtout composée de sociétés rurales à qui

la colonisation a imposé la ville comme instrument d'intégration

politique, de mise en valeur territoriale, de modernisation

technologique et socioculturelle. Au Nigeria, les cultures des

populations ont souvent procédé de la ville qui assumait à la fois un

rôle de protection, de production et de création et, de ce fait, se veut

l'instrument naturel d'intégration qu'elle est ailleurs. La masse

intégratrice de l'Etat colonial et moderne est venue entraver et

contrarier ces dynamiques internes avec plus ou moins de brutalité :

main de fer dans un gant de velours, elle multiplie les statuts et les

exceptions à même de valoriser les différences, se livre à un travail

incessant de cartographie socio-politique, de répression des sécessions

et des « tribalismes »... Qu'adviendra-t-il dans le long terme ? Faut-il

croire au dépérissement de l'Etat central, ou à la négociation de

compromis successifs par une classe dirigeante dégagée de ses

pesanteurs ethniques '?

Les villes sont parue intégrante de l'histoire nationale du

Nigeria. Les plus importantes d'entre elles ont été fondées alors que

les principaux groupes socioculturels se constituaient. L'histoire des

Yoruba et des Haoussa est d'abord celle de leurs cités.

Selon la tradition, au commencement «le grand dieu

Oludumare envoie seize dieux mineurs créer le monde. Il confie à

Orisha, connu également sous le nom d'Obatala, une calebasse de

sable et un poulet à cinq doigts. Mais au cours de sa descente vers la

terre, Obatala boit du vin de palme, s'enivre et finit par s'endormir.

Profitant de l'occasion, le dieu Oduduwa s'empare du sac de sable et

du poulet; arrivé sur l'océan originel, il vide le sac sur l'eau et met le

poulet dessus. Le volatile commence alors à gratter et finit par faire

apparaître la terre (à l'emplacement actuel de la ville d'lfe). A ce

moment, les autres dieux viennent rejoindre Oduduwa grâce à une

chaîne descendant du ciel dans le bosquet d'Olose... » (34

). En dépit de

son comportement, une nouvelle chance sera accordée à Obatala mais,

34

P. Aziz, « Ife, une grande civilisation africaine arrachée à l'oubli », Jeune

Afrique 3 (mars 1984), pp. 20-25.

Page 134: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

134

à nouveau ivre, il fabriquera des monstres que Oduduwa anéantira

avant de créer les hommes « beaux, sains et vigoureux » qui vont

fonder les 16 premières villes yoruba.

Le récit de la fondation du Daura, berceau du peuple hausa,

paraît moins mythique. Un certain Bayajidda, fils de Abdulahi, roi de

Baghdad, se serait querellé avec son père puis expatrié au Bornou dont

Daura était la capitale. Le roi de Bornou avait une fille qu'il donna en

mariage à Bayajidda. De cette union naquit un fils appelé Bawo qui, à

la mort de Bayajidda, monta sur le trône de Daura et eut six enfants.

Chacun d'entre eux fonda les six premières cités hausa (Kano, hiram,

Katsina, Zaria, Rano et Gobir) qui, avec Daura, constituent les sept

Etats hausa légitimes (Hausa Bakwai) auxquels virent s'adjoindre, plus

tard, les cités, dites bâtardes (Banza Bakwai), de Zanfara, Nupe,

Gwari, Yawri et Korofora. Ici, comme en pays yoruba, les différentes

villes constituent le point de départ d'une nouvelle segmentation

ethnique.

Ces rappels historico-mythologiques (voir chapitre 2)

illustrent fort bien l'importance des villes dans l'histoire des peuples

concernés. Elles participent, en même temps que les institutions

politiques traditionnelles, à la formation d'une nouvelle classe sociale,

les citadins, qui, descendants directs des dieux ou des princes

créateurs, exercent toutes les fonctions politiques. Dans chaque cas,

c'est la ville qui crée la campagne car les premiers paysans en sont

issus. De la résulte la faible participation de la campagne aux

différentes formes d'organisation de l’espace. Les relations ville-

campagne, en pays yoruba, sont plutôt des relations de la ville à ville

dans la mesure où la campagne est souvent inexistante35

.

I. Genèse et évolution des villes

Aujourd'hui, 40 à 50 % de la population nigériane est citadine

(70 à 80 % en pays yoruba). Aux cités traditionnelles, à forte

personnalité historique se sont ajoutés des centres urbains issus de la

conquête européenne ou encore, récemment fondés pour mieux

contrôler la gestion de l'espace national.

35

C. Camara, «L’organisation de l’espace géographique par les villes

yoruba : l’exemple d’Abeokuta» Annales de géographie, IXXX,

439 (1971), pp. 257-287 ; O. Igue « Sur l’origine de villes yoruba

» , Bulletin de l’IFAN, ILI, série B, 2 (1979), pp. 249 - 279

Page 135: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

135

A. Les villes traditionnelles.

On peut ici opérer une distinction entre les villes du Nord,

profondément islamisées, et celles du Sud, à forte majorité animistes.

Prospères, les villes du Nord forment un tissu urbain relativement

dense et un support socioculturel marqué par la religion islamique.

Elles sont d'abord apparues en tant que pôles de conquête territoriale,

mais leur développement s'est plutôt appuyé sur leur localisation

commerciale stratégique. Presque toutes se sont constituées autour des

axes de communication qui reliaient Tripoli et l'Egypte à la forêt

équatoriale, mais aussi le Niger à la vallée du Nil en passant par le

Darfour. En outre, la voie caravanière qui se dirigeait vers l'est, à

partir de la région 'de Kong (Côte d'Ivoire actuelle) et du Soudan

occidental, aboutissait au pays hausa. Au XIXè siècle, la plupart des

villes du Nord comptaient une population importante de 30 000 à60

000 habitants à la veille de la jihad de Ousmane Dan Fodio et des

conquêtes européennes. De tous ces centres urbains, Kano est alors le

plus important et le plus prospère, par son commerce et surtout par la

qualité de ses fabrications textiles et de cuir. D'un point de vue

architectural, les villes sont d'abord des forteresses entourées de

remparts à même d'offrir aux habitants la sécurité et d'attirer des

immigrants. L'histoire permet de faire une distinction entre les villes

d'origine kanuri, les cités hausa, les fondations peul du XIXè siècle et

les création nupe.

Les villes kanuri sont, de nos jours, réparties autour de

Maiduguri, principale métropole du bassin du lac Tchad. La

dégradation écologique du lac et l'éloignement des villes par rapport

aux principaux pôles de décisions politiques, en font des centres peu

dynamiques qui souffrent d'une certaine léthargie. La population de

Maiduguri, qui avoisine 180 000 habitants36

, est très largement

supérieure à celle de centres tels que Potiskum, Dikwa, Bama, Geidam

ou Gashua.

Les cités hausa sont à la fois plus peuplées et plus

dynamiques. Dispersées autour de Kano, elles provoquent des

concentrations démographiques importantes qui participent à

l'équilibre spatial de la population nigériane. Après Kano, viennent,

par ordre d'importance numérique, les villes de Zaria, Katsina, Gusau

et Nguru qui, par leur position centrale, contrôlent activité

économique et influences culturelles dans le Nord.

36

K. Barbour, J. Oguntoyinbo, J. Onyemelukwe, J. Nwafor, Nigeria in maps,

Londres, Hodder & Stoughton, 1982, p. 90

Page 136: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

136

Les fondations peul ne remontent qu'au début du XIXe siècle.

Elles se sont greffées sur les vieilles cités hausa et kanuri, à partir

d'une entreprise de conquête animée par la fois islamique. L'apparition

de ces villes, dont la plus importante est Sokoto, a complètement

modifié les rapports traditionnels dans le Nord. Les Hausa et leurs

hôtes Kanuri ont alors perdu le contrôle politique de leur espace

géographique au profit des conquérants peuls de Ousmane Dan Fodio.

Il en résulte, aujourd'hui encore, une distribution des influences

politiques traditionnelles qui a sérieusement compromis

l'épanouissement des villes kanuri. Les Hausa, pour leur part, se sont

rapidement accommodés de la situation grâce à leur habileté com-

merciale. Ils sont parvenus à imposer leur langue aux envahisseurs

peul par l'entremise d'un profond métissage rendu possible par l'Islam

et les commerçants. De nos jours, la domination politique des Peul et

l'influence dominante de l'émir de Sokoto ne sont plus ressentis

comme des contraintes par les populations, fortement soudées entre

elles par une langue et une religion communes.

Seuls les Nupe et les populations animistes du plateau de

l3auchi sont culturellement détachées de cette forte emprise. Les

Nupe, à partir de la ville de Bida, capitale de leur royaume, ont su

entretenir une civilisation originale qui prend appui sur l'animisme et

une activité artisanale très prospère.

Somme toute, autour de ces différents types de villes

traditionnelles du Nord, s'est créée une nouvelle forme de société,

marquée par un environnement géographique propre - celui du Sahel -

où la facilité des contacts a favorisé la diffusion de la religion

islamique par l'entremise de la langue véhiculaire hausa. L'uniformité

des comportements qui résulte de cette communauté culturelle a ainsi

permis au Nord du Nigeria d'assurer sa suprématie au sein de la

Fédération depuis 1960.

Le Middle Betl et la partie orientale du Nigeria étant peuplés

par des groupes socio-culturels à faibles structures étatiques, il en est

résulté une absence quasi-totale de villes traditionnelles. A l'exception

d'Onitsha, en pays ibo, l'ensemble des établissements humains était

constitué de hameaux dispersés. Il en était de même dans le delta du

Niger où les difficultés de communication, dues à un écosystème

marécageux, n'ont pas favorisé l'éclosion de cités-Etats d'une grande

envergure démographique.

Dans le Sud du Nigeria, les villes se sont exclusivement

développées dans la sphère culturelle yoruba. Plus nombreuses et plus

densément peuplées que les cités du Nord, elles tirent leur originalité

d'une spécificité culturelle et d'une morphologie reposant sur la triple

relation entre un palais, un marché (qui lui fait face) et des

fortifications.

Page 137: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

137

Les Yoruba possèdent le réseau urbain le plus dense du monde

noir. Déjà en 1953, on dénombrait 136 agglomérations de plus de 5

000 habitants dans la partie occidentale du Nigeria, dont 120 en milieu

yoruba. Parmi celles-ci, on compte, depuis la moitié du XIXè siècle,

plusieurs centres de plus de 50 000 habitants. En 1886 les populations

d'lbadan et d'llorin étaient estimées à 70000 habitants, celle

d'Abeokuta étant de 60 000. Aujourd'hui, Ibadan et Lagos ont chacune

plus de deux millions d'habitants. L'ampleur du phénomène urbain a

suscité chez les Yoruba une conscience citadine que traduit la

distinction qu'établissent les populations des différents types

d'établissement humain entre les fermes de culture (aheré, ibudo,

ago), les hameaux (abâ, abule), les villages (ilejo, ilu, ereko) et les

villes (ilu alade, ilu oloye). Une telle conscience urbaine constitue une

preuve évidente du caractère autonome du développement urbain.

Plusieurs hypothèses s'affrontent sur l'origine de ces villes37

,

que l'on peut répartir en trois catégories selon l’époque de leur

établissement (Fig.l0). Les villes de première génération ont été

fondées (ou gouvernées) par les descendants directs d'Oduduwa,

l'ancêtre mythique. Elles sont au nombre de seize et peuvent être

considérées comme des implantations coloniales au milieu de

populations autochtones moins avancées et peut-être hostiles. Leur

originalité repose sur le fait que elles ne résultent pas d'une croissance

spontanée, mais d'une entreprise consciente pour contrôler les

populations lion organisées » 38

Les villes de deuxième génération

sont nées des premières à l'issue de nouvelles conquêtes, ou par suite

d'une remise en cause de l'autorité souveraine par certains éléments de

l'équipe dirigeante (ministres, chefs de familles). Très nombreuses, ces

cités sont apparues dans un contexte d'expansion démographique et

d'équilibre économique. Elles ont servi de relais aux villes de l'époque

antérieure Enfin, les villes de troisième génération, toutes récentes, ont

été fondées alors que le monde yoruba du XIXe siècle était secoué par

les guerres et l'agitation sociale. Ce furent des villes-refuge,

généralement bâties par les rescapés de conflits armés (guerres d'Owu,

d'Ilorin, d'ljaye, mouvement d'indépendance et d'unification d'Ekiti-

Parapo contre la domination d'Oyo). Egalement très nombreuses, elles

furent issues d'agglomérations de première génération (Oyo-Ago-Oja

est née de la chute d'Oyo-Ile, Abeokuta de l'affaiblissement d'lle-

37

L. Munoz, tradicion y modernizacion en el contexto politico yoruba»,

Thèse de doctorat d’Etat, faculté de droit de l’université de

Madrid, 1976, multigr

38 A. Mabogunje, Urbanisation in Nigeria, Londres, Oxford university press,

1968, p.76.

Page 138: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

138

Owu), ou de cités de deuxième génération la plupart étant des villes

situées au contact forêt-savane, entre la rivière Oshun et la ville d'Ile-

Ife, soit Ode-Omu, Gbongan, Ikoyi... Ces villes de troisième

génération, bien que fondées dans un contexte de guerre ont

généralement reproduit les structures morphologiques caractéristiques

des cités anciennes (palais, marché et, Si possible, éléments de

fortification).

La spécificité de ces trois catégories de sites urbains tient à

leur hiérarchie administrative. Ainsi, seules les 16 villes de première

génération sont dirigées par des rois « authentiques », les oba, dont la

couronne perlée (Ade ileke) est l'un des attributs du pouvoir. Les villes

de seconde génération sont plutôt administrées par des chefs de

province, les bale, à qui le port de la couronne perlée est rigoureu-

sement interdit. Les villes de troisième génération sont placées sous

l'autorité d'un oba, lorsqu'elles sont issues du transfert d'anciennes

cités de première génération, ou d'un bale, s'il s'est agi d'une nouvelle

fondation. Cette hiérarchie politico-administrative a renforcé le

sentiment de solidarité familiale construit autour d'lle-Ife à partir de

l'ancêtre mythique Oduduwa. Il en est résulté une forte prise de

conscience ethnique chez les Yoruba.

B. Les villes de l’époque anglaise.

Durant la période coloniale, des villes se sont développées au

centre et à l'est du Nigeria, par suite de l'établissement d'exploitations

minières (Jos et Enugu), de bases militaires (Kaduna), de comptoirs

commerciaux (Port Harcourt et Calabar) ou de postes missionnaires

(Owerri et Aba). Kaduna fut ainsi fondée par lord Lugard en 1917 afin

de servir de base à la conquête du Nord. Son développement s'est

fondé sur une forte présence militaire de la traite de l'arachide, ainsi

que sur son statut de capitale de la région septentrionale jusqu'en

1967. Ces fonctions administratives ont fait progresser sa population

de 3 000 habitants en 1919 à 150 000 en 1963. De nos jours, Kaduna

demeure le principal centre industriel du Nord grâce à l'implantation

de la firme Peugeot.

Enugu fut, pour sa part, établi en 1915 pour faciliter la

recherche minière et la construction du chemin de fer venant de Port

Harcourt. Comme Kaduna, la ville a dû son essor initial à son rôle de

capitale de la région orientale du Nigeria. Port Harcourt, fondée au

XIXè siècle était l'un des principaux comptoirs de traite pour l'huile de

palme. Par la suite, la ville est devenue le second port du pays (après

Lagos) et le terminus du chemin de fer reliant Maiduguri à la côte.

Page 139: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

139

Toutefois, malgré les multiples fonctions commerciales de Port

Harcourt, sa population ne dépassait pas 7 200 habitants avant 1931.

C'est à la découverte du pétrole que la ville doit sa forte croissance

depuis les années soixante, et en particulier son accueil des principales

industries pétro-chimiques de la Fédération.

Ce bref rappel souligne combien les villes coloniales sont des

créations artificielles qui ne s'enracinent en aucune manière dans les

civilisations locales. Leurs habitants sont en majorité des travailleurs

venus de l'extérieur, pendant longtemps du pays ibo où la forte

scolarisation, résultat du travail missionnaire, a permis d'apporter un

soutien efficace au fonctionnement de l'administration coloniale puis

moderne. Jusqu'aux massacres massifs des Ibo lors des événements de

1966 (voir chapitre 4), leur prééminence dans les centres urbains

d'origine européenne a constitué la base de leur opposition à la forte

emprise culturelle hausa ou yoruba.

C. Les villes nouvelles : Abuja

La création de villes nouvelles peut-elle favoriser le

développement d'une conscience nationale, alors que le cloisonnement

ethnique est tenu pour largement responsable de la guerre civile ?

Depuis la fin du conflit, les nigérians se sont rendus à l'évidence que

Lagos, avec sa population composée pour 75 0/o de Yoruba, ne

pouvait jouer un tel rôle. Dans son acuité, le problème a été posé par

la forte congestion de la capitale et sa rapide croissance économique et

démographique consécutive aux effets de la rente pétrolière. La

création d'une nouvelle capitale, située au centre du pays, à l'écart des

influences des trois grands groupes ethniques hausa, yoruba et ibo, a

été décidée en 1976. Après plusieurs mois de travail, le choix de la

commission constituée à cet effet s'est porté sur le site d'Abuja, à égale

distance des quatre angles du quadrilatère national. Un territoire

fédéral de 8 000 km2

(deux fois et demie la superficie de l'Etat de

Lagos) a été délimité afin de recevoir la nouvelle capitale qui devrait

atteindre une superficie de 250 kilomètres carrés et accueillir, en fin

de croissance, environ deux millions d'habitants. Les travaux ont

effectivement débuté en 1981, sous la présidence de Shehu Shagari,

qui avait promis d'habiter la cité avant la fin de son premier mandat.

La construction de la nouvelle capitale est restée la préoccupation

majeure de son régime. La ville a été officiellement occupée le 1er

octobre 1983, date anniversaire de l'indépendance du Nigeria, et les

premiers aménagements permettaient alors d'accueillir 22 000

personnes. Mais les sommes énormes englouties dans cette opération

Page 140: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

140

ont contribué aux difficultés économiques du régime, sanctionné par

le coup d'Etat de la Saint Sylvestre 1983. Les travaux en cours à Abuja

ont alors été précipitamment arrêtés. Sa construction, lancée pour

galvaniser l'esprit national, avait plutôt débouché sur un affairisme au

profit du seul parti NPN (National Party of Nigeria) au pouvoir. La

crise économique qui secoue actuellement le Nigeria n'a pas permis à

l'équipe du général Babangida de relancer la construction des

équipements urbains prévus. Malgré l'existence d'un ministère fédéral

chargé du projet Abuja, la nouvelle capitale recrute ses meilleurs

habitants parmi les charognards et les éleveurs nomades qui habitent

la région...

L'avenir du Nigeria en tant que nation dépend-il de ce projet ?

Le choix d'une nouvelle capitale n'a pas seulement que signification

nationale. Sa réussite permettrait également de revaloriser le Middle

BeIt, toujours considéré comme une zone de litige entre le Nord et le

Sud et de mieux intégrer à l'ensemble de la Fédération les minorités

ethniques, si nombreuses dans cette partie du pays.

II. Villes et cultures

On l'a vu, les villes nigérianes ont historiquement évolué dans

le strict cadre des principaux groupes socio-culturels du pays. Leur

rôle social s'est avéré remarquable dans les domaines du

développement culturel, du renforcement de l'identité ethnique et de

l'enracinement régional.

A. Le développement culturel

Longtemps relayé au second plan des préoccupations

nationales, le retour aux racines culturelles redevient une

préoccupation des sociétés africaines, peut être par suite de l'échec des

programmes de développement économique des Etats.

Dans cette quête, les pays africains ne disposent pas tous des

mêmes atouts, en l'absence de langues nationales et d'un cadre

matériel approprié, pour la gestation et la diffusion d'une culture qui

soit le reflet des sociétés africaines. Depuis la conquête européenne, la

destruction ou le dysfonctionnement des institutions politiques pré-

coloniales ont sapé les bases d'un développement et d'une diffusion

des cultures concomitantes, dans la plupart des Etats-nations contem-

porains. Les villes d'origine coloniale qui se sont développées ici et là

et qui assument les fonctions d'encadrement politique ne sont

Page 141: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

141

porteuses d'aucun projet culturel spécifique. Indépendamment de leur

rôle de relais dans la diffusion de la civilisation occidentale, elles ont

toujours été dépendantes du monde rural dans le domaine culturel39

.

On rappellera simplement que lors des grandes manifestations

officielles (fête nationale, réception d'hôtes de marque...), c'est de la

campagne que l'on fait venir les meilleurs griots et les plus habiles

danseurs qui animent les cérémonies.

Unique à cet égard, la situation du Nigeria en Afrique

occidentale reflète l'importance numérique de ses différents groupes

socioculturels et de ses villes traditionnelles. C'est à leur participation

à sa production culturelle que le Nigeria doit d'être l'un des pays les

plus riches en traditions du continent africain. Dans le Nord, où l'Islam

a apporté aux villes hausa l'écriture arabe, la diffusion d'une culture

savante a été favorisée à partir du Xè siècle de notre ère. A ceci sont

venus s'ajouter des facteurs tels que la richesse des cités marchandes,

la politique de mécénat des souverains, ou encore, l'immigration

d'hommes de culture originaires du Soudan, qui ont encouragé une

création artistique importante dans les domaines de la musique et de

l'art plastique.

La musique est l'expression vivante de la culture d'un peuple.

Elle témoigne de ses goûts, de ses préoccupations, de ses valeurs

intellectuelles et morales. Dans les cités hausa, deux types de musique

coexistent. A la cour, des musiciens professionnels constituent une

caste à part, les Gesere. Leur musique raffinée fait partie intégrante de

la pompe royale et a donné naissance à une belle littérature orale,

essentiellement constituée de poésies composées en l'honneur des

grands rois et régulièrement chantées par les griots lors des

événements importants. Outre cela, il existe une musique populaire

qui émane de toutes les couches sociales et aborde les thèmes de la vie

courante. La musique Wakar, art où les femmes hausa excellent, en est

la plus belle illustration. Chacune de ces deux formes d'expression

musicale associe chants, danses, tams-tams, et instruments à cordes et

à vent. L'art plastique, moins développé par suite de la forte emprise

de l'Islam, est surtout représenté par le travail du cuir, le tissage et par

une architecture urbaine d'une sobriété caractéristique. Les façades de

certaines maisons sont ainsi décorées de motifs géométriques aux

couleurs variées. Dans les villes yoruba du Sud, l'art plastique est tout

particulièrement célèbre parce que visible et accessible à tous et, en

particulier, aux étrangers à la communauté yoruba. Ife, Bénin, Oyo et

39

Ceci se traduit par un syncrétisme d'ajustement bien décrit par Caya

Makhele dans « Dakar, Abidjan, Lagos, Douala, Kinshasa, capitales de la

couleur », Autrement, 9 (octobre 1984), p. 197.

Page 142: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

142

Owo sont les principaux foyers artistiques du monde yoruba. A Ife,

l'art plastique portait sur le travail du bronze et du granite. On coulait

des statuettes de bronze, notamment les bustes des principaux

souverains représentés selon des conventions précises. Leur beauté, la

perfection naturaliste des traits et des formes des visages, ont conféré

à ces oeuvres une réputation internationale. Bénin devait perpétuer la

tradition artistique d'Ife en travaillant surtout le bronze et l'ivoire

(fabrication de plateaux, de bustes, de sièges royaux et de récades). A

Oyo, le groupe des artistes vivait à la cour. Ici c'est le travail de la

peau (sandales, sacs, fourreaux d'épée) et des calebasses (décorées en

vue de l'ornementation des maisons ou d'usages quotidiens) qui fut le

plus développé. Le bois était également travaillé par les artistes à Owo

afin de fabriquer des portes et des piliers somptueusement sculptés

destinés aux palais. A Owo comme à Oyo, les traditions artistiques

sont restées vivantes jusqu'à ce jour.

A la richesse de l'art plastique du monde yoruba répond la

diversité des genres d'expression de sa littérature orale. Son

développement et sa survie sont assurés à travers des fonctions

politiques et religieuses qui relèvent de la seule autorité de l'oba.

L'oba entretient autour de sa personne un certain nombre de pratiques

culturelles dont les répercussions dépassent largement le cadre du

palais où vivent aussi les griots (joueurs de tam-tam, flûtistes,

trompettistes et récitants de poèmes qui rendent louanges aux

dignitaires) qui ont pour mission d'invoquer chaque matin à l'aube la

gloire du royaume à travers la personne de l'oba. Quand celui-ci se

déplace ils suivent ses mouvements qui sont autant de sources

d'inspiration pour leur poésie. Le roi devient, en quelque sorte, un

symbole autour duquel toute une littérature orale de glorification se

façonne et se renouvelle.

Au Nigeria, les villes traditionnelles ont renforcé l'identité

ethnique dans le Nord hausa ou, de façon encore plus marquée, dans

l'Ouest, en pays yoruba. On ne peut que s'interroger sur les

conséquences d'une situation si particulière en Afrique noire. Peut-on

avancer que le Nigeria a été moins influencé que d'autres régions du

golfe de Guinée par les différents syncrétismes d'ajustement au plan

religieux ou culturel, en raison même de cette préservation de

traditions auxquelles les cultures populaires se réfèrent directement ?

Les modes de référence propres à chaque région favoriseront-ils

l'élaboration d'une culture globalisante, proprement nationale, destinée

à devenir le ciment de la Fédération ? N'ont-elles pas pour

conséquence de marginaliser des populations ou des couches sociales

moins structurées, les renvoyant à des formes de cultures plus frustres

et plus sensibles à l'influence occidentale ? Que sera, à cet égard,

l'effet de la scolarisation de masse sur l'évolution de l'ensemble ?

Page 143: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

143

B. Villes et polarisation ethnique :

l’exemple Yoruba

L'une des difficultés du développement national au Nigeria

réside dans le poids de certaines de ses ethnies, suffisamment

puissantes pour se manifester en tant qu'entités nationales. L'utilisation

des langues hausa, yoruba et igbo à l'Assemblée fédérale, durant la

seconde république, rappelle cette prégnance, tout comme la décision

de déplacer la capitale fédérale à Abuja.

A Lagos, les manifestations culturelles par lesquelles les

Yoruba exercent une très forte influence sur les autres groupes de

population ne sont paradoxalement pas toutes communes à l'ensemble

des sous-groupes yoruba. La langue et le terme de yoruba sont eux-

mêmes des acquis d'Oyo dont les éléments de civilisation ont été

totalement intégrés par l'ensemble des sous-groupes yoruba. Les villes

yoruba ont joué le rôle de creusets ethniques. Les courants unitaires

n'ont jamais cessé d'y progresser depuis la période pré-coloniale.

D'abord dans le cadre des rapports entre les différents centres urbains,

puis sous l'effet d'incitation au rassemblement des populations

qu'eurent les guerres du XIXe siècle. Outre cela, le développement de

l'alphabétisation. en yoruba, fruit de l'action missionnaire, a

indirectement contribué à fixer chez les intellectuels une forme écrite

normalisée de la langue, aujourd'hui connue sous le nom de yoruba.

En ce qui concerne la langue parlée, un phénomène similaire est

intervenu. La stabilisation et l'uniformisation des outils linguistiques

de la communication ont ainsi facilité la gestation d'un groupe se

définissant comme Yoruba. Il est indéniable que l'idéologie pan-

yoruba qui se développe de nos jours au Nigeria aux dépens de la

personnalité de sous-groupes comme les Ijebu, Egba et Ekiti, est

renforcée par l'importance du phénomène urbain. Les villes yoruba

sont d'abord des centres commerciaux ouverts sur des zones rurales

dont les multiples sous-ethnies viennent assimiler normes culturelles

et formes de comportements sociaux.

A cet exemple d'une urbanisation qui a pour effet de resserrer

la société yoruba autour de ses valeurs et des normes édictées par le

pouvoir urbain, peut être opposé un schéma ibo. Là, les villes ont servi

de tremplin à une modernisation de la société. sans destruction des

valeurs fondamentales. Créations exogènes, les villes ont été des outils

au service d'une société voulant maîtriser sa démographie et assurer

son expansion par le contrôle des leviers de l'Etat. Cette société, plus

ouverte vers l'extérieur, moins autocentrée, a pu caresser un moment

Page 144: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

144

le rêve d'assumer en partie le destin national du Nigeria. Dans la

région septentrionale, le rôle des Ibo dans les services publics était tel

que leur exode brutal en 1966 eut pour effet une diminution

spectaculaire des effectifs dans les secteurs de la banque, de

l'électricité, et des postes. La guerre civile qui s'ensuivit à conduit à un

repli durable de chacun sur son « pré-carré » ethnique.

Le Nigeria a pu être décrit comme un Etat « moléculaire »40

ou toute solution politique passe par une coalition de groupes

ethniques qui suscite inévitablement en face d'elle la constitution d'une

coalition rivale. Dans ce jeu complexe, les villes, en fonction de leur

origine géographique et de leur genèse, ont eu différents rôles à jouer :

création et reproduction de la conscience ethnique, mobilisation des

éléments centrifuges afin d'atteindre une envergure dissuasive vis-à-

vis d'autres groupes, contrôle des processus de modernisation et des

dépendances pour les rendre acceptables, protection face aux

empiétements d'un Etat fédéral contrôlé par une coalition partisane...

La ville en tant que facteur de constitution d'une élite, d'une

classe dirigeante trans-ethnique permettant d'assurer la pérennité de

l'Etat central au-delà des aléas de l'histoire, a été ici peu évoquée. La

dimension des groupes et l'ampleur des conflits que le Nigeria a vécus,

traduisent la difficulté qu'il y a pour une nouvelle couche sociale à se

rendre autonome vis-à-vis de son environnement spécifique.

La difficulté à mettre en oeuvre une véritable structure fédérale,

pourtant destinée à concilier particularismes locaux et intérêt général,

dans des contextes d'expansion économique ou de crise, ne vient pas

libérer les énergies urbaines tournées vers la consécration et le

renforcement de l'acquis et du connu. Une politique d'aménagement

du territoire ne peut se limiter au seul saupoudrage des

investissements mais doit répondre à des attentes aussi bien qu'à une

stratégie cohérente. Voilà qui manque cruellement au Nigeria

40

J. Bugnicourt, Disparités régionales et aménagement du territoire en

Afrique noire, Paris, Armand Colin, 1971, p. 240

Page 145: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

145

Chapitre 16 :

Sur l’origine des villes yoruba.

Page 146: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

146

Cinquième partie :

MARCHES ET MARCHANDS

D’AFRIQUE DE L’OUEST

Page 147: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

147

Chapitre 17 :

Marchés ouest-africains et problématiques

d’intégration régionale

Page 148: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

148

Chapitre 18 :

L’officiel, le parallèle et le clandestin

Aujourd’hui on parle moins du commerce en dépit de son

évolution et des préoccupations d'intégration régionale. Les thèmes

qui sont actuellement à la mode et discutés généralement hors de

l'Afrique occidentale portent sur l'agriculture, l'urbanisation galopante,

la migration de travailleurs et, de façon plus générale, sur la

problématique du développement. Des anciens travaux relatifs au

commerce et des rares publications actuelles, on peut dégager

plusieurs options: commerce moderne contrôlé soit par l'État, soit par

les grandes sociétés de traite de la période coloniale41

, commerce

traditionnel, tenu en main par les Africains eux-mêmes dans le cadre

des marchés traditionnels42

, commerce illicite qui se fait le long des

frontières d'États-Nations, devenu le relais indispensable du circuit

moderne ayant pour cadre les villes et du circuit traditionnel contrôlé

en grande partie par le monde rural43

.

Je voudrais proposer une nouvelle approche qui romprait avec

la sectorisation des activités commerciales en essayant d'intégrer ses

différents aspects. Cette intégration paraît fondamentale afin de mieux

cerner les problèmes soulevés par le développement du secteur

41

S. Amin, «Le commerce interafricain», Le Mois en Afrique 24, 1967 ; D,

Bollinger, Le Marketing en Afrique, Abidjan, CEDA, 1978 ; B.

Vinay, L’Afrique commerce avec l’Afrique, Paris, Presses

universitaires de France, 1968.

42 Voir par exemple Hodder et Ukwu, Markets in west Africa, Ibadan ,

Ibadan University Press, 1969, ou C Meillassoux, The development

of indigenous trade and markets in West Africa, Oxford, Oxford

University Press, 1971.

43 Voir Banque Africaine de Développement, Etude des possibilités de

coopération entre le Ghana, la Côte d’ivoire, la Haute Volta, le

Dahomey et le Togo, Paris, IEDES, 1970 ; D.-J. Collins, «The

clandestine movement of groundnuts across the Niger–Nigeria

boundary», Revue canadienne des études africaines 10 (2), 1976 ;

O. J. Igue, «Evolution du commerce clandestin entre le Dahomey

et le Nigeria depuis la guerre de Biafra», in : Le commerce de

contrebande et les problèmes monétaires en Afrique occidentale,

Cotonou, Publication du CEFAP, 1977 ; J. Thom, The Niger –

Nigeria borderlands : a political geographical analysis of

boundary influence upon the Haussa, Ph. D. thesis, Michigan State

University, 1970, multigr.

Page 149: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

149

tertiaire en Afrique occidentale ; en effet, le secteur moderne, qui est

le domaine privilégié d'intervention des pouvoirs publics, ne peut

s'épanouir sans le concours du relais clandestin et des marchés

traditionnels à travers lesquels se fait la distribution des marchandises.

Pour ce faire, il paraît utile de remonter l'histoire pour arriver à la

situation actuelle.

I. Le commerce pré-colonial

Les pratiques commerciales en Afrique occidentale pré-

coloniale sont déterminantes pour l'avenir économique de la sous-

région. Sans se référer à elles, il me paraît impossible de régler

correctement les problèmes liés à l'intégration régionale au niveau de

la sous-région, car l'Afrique occidentale avait constitué un seul marché

où ne se posait guère le problème de l'espace économique, de la

complémentarité des ressources, de l'harmonisation des tarifs

douaniers, de la circulation des biens et des personnes, encore moins

du mode de paiement.

En effet, avant la conquête coloniale, l'espace ouest-africain

était géré à partir de grandes formations politiques comme l'empire du

Ghana, du Mali ou du Songhay. Le dernier avait pratiquement couvert

tout le champ d'action de la Communauté économique d'Afrique

occidentale (CEAO), exception faite de la partie forestière de la Côte-

d'Ivoire.

Après la chute de ces empires, des royaumes ont pris la relève ;

certains de ces royaumes étaient parfois plus petits par leur superficie

et leur population que les Etats-Nations actuels. Malgré l'étroitesse de

leur territoire et de leur population, ils n'avaient pas davantage eu à

résoudre l'épineux problème de l'espace économique. Tous

bénéficiaient des avantages d'un commerce ouvert, dynamique et

prospère. Ce commerce était bien organisé et reposait très largement

sur la complémentarité régionale en matière des produits échangés.

A. Son organisation

Du point de vue organisationnel, trois types d'activité com-

merciale peuvent être distingués.

1. Le commerce local

Le commerce local se pratiquait à l'échelon villageois et

urbain. Sa sphère d'influence ne dépassait guère les chefferies et les

Page 150: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

150

royaumes. Il se faisait surtout par l'intermédiaire des marchés où l'on

venait présenter les marchandises d'origine agricole, quelques produits

manufacturés et en particulier les produits d'importation comme le sel,

la potasse, les épices, etc. Ces marchés se tenaient tous les jours et

parfois de nuit, comme c'est le cas chez les Yoruba. Ils ne sont

devenus périodiques que lorsque leur fréquentation engagea les

populations des contrées avoisinantes, c'est-à-dire des espaces

économiques plus grands que celui du village ou de la ville. Ces

marchés locaux, en dehors de leur fonction économique (distribution

des biens de consommation courante), servaient également de cadre

aux activités culturelles. Ils facilitaient la diffusion des informations

au sein de la communauté villageoise, citadine, et même de la

chefferie. C'était le lieu de rencontre et d'intégration sociale par

excellence.

2. Le commerce inter-régional

Le commerce inter-régional se faisait à travers un important

réseau de routes caravanières ayant deux grandes directions Nord-Sud

et Est-Ouest, à partir desquelles d'importants axes de circulation, par

leur densité et leur longueur, dépassaient de très loin le réseau routier

actuel : ils comportaient de nombreux raccordements et se recoupaient

au niveau de certains marchés régionaux, véritables plaques

tournantes pour l'échange des produits agricoles et manufacturés

procurés à partir du commerce international.

3. Le commerce international

Le commerce international était constitué par le commerce

transsaharien (reliant les grands empires au monde méditerranéen dont

les principaux débouchés étaient les villes situées à la porte du Sahara

comme Tombouctou, Djenné, Gao, Agadès...) et le commerce des

comptoirs européens, le long de la côte entre l'Europe et les puissances

politiques de la forêt Cape-Coast, El Mina, Axim (Ghana actuel)

Gorée (Sénégal), Ouidah (Bénin actuel), Badagry (Nigeria)). Entre les

deux existaient des points de contact situés à l'orée de la forêt. La

plupart de ces points de contact étaient de grands marchés de transit,

ayant, par la suite, évolué en villes: Salaga, Kintampo, Atébubu

(Ghana actuel), Boundoukou, Bouna, Kong (Côte-d'Ivoire actuelle),

Bobo-Dioulasso (Haute-Volta), Sansanné-Mango (Togo), Djougou-

Parakou (Bénin actuel), Boussa, Bida (Nigeria). Leur existence

facilitait le brassage des produits dans toute la sous-région.

Page 151: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

151

B. Les produits échangés.

Ces produits étaient très nombreux, d'origine agricole, animale

et artisanale, avec des complémentarités évidentes. La zone soudano-

sahélienne produisait le sel de Téghazza, dans le désert, et d'Awlil, sur

le fleuve Sénégal, du parfum et des teintures fabriqués à partir de la

gomme arabique, des tissus (Djenné, Kano), de l'or (Bouré,

Bambouk), du cuivre (Adjout, Aïr, Tessali). Cette région soudano-

sahélienne, indépendamment des produits qu'elle offrait, servait aussi

de relais au commerce extra-régional qui se faisait avec les pays

arabes et tout le bassin méditerranéen. La région centrale, comprise

entre le 7è et le 11è parallèle Nord, soit entre la ville de Zaria

(Nigeria) et celle d'Abomey (Bénin), alimentait le commerce régional

en indigo (pour la teinture), beurre de karité, tissus (parmi lesquels les

plus célèbres étaient les «Aso-Oke» d'Iseyin, Adire d'Abeokuta), fer

exploité dans le Gourma (Haute-Volta actuelle) et traité dans les hauts

fourneaux qui pouvaient produire entre 500 et 1 000 tonnes de fer pur.

Ces hauts fourneaux existaient un peu partout Odienne (Côte-

d'Ivoire), Silla, Niani, Bandjeli en pays Bassari (Togo), etc. cuivre, en

particulier celui de Lanta dont le travail faisait l'une des célébrités de

la ville d'Abomey. Cette région centrale servait aussi de contact entre

la zone forestière et le monde soudano-sahélien. La partie forestière,

de la mer jusqu'au 7è parallèle Nord, était importante pour la

production du sel (sel de Kéta, de Djegbadji), de la kola (pays Yoruba,

pays Ashanti), de l'or (Ashanti), de l'ivoire pays Agni en Côte-

d’Ivoire, pays Edo au Nigeria et des perles (Ilé-Ifé au Nigeria).

La nature des produits offerts par zone révèle nettement une

certaine complémentarité régionale. Ces produits indiquent aussi la

maîtrise de certaines technologies (extraction et raffinage de l'or, du

fer et du cuivre, extraction et traitement du sel, fabrication des perles,

etc.). Chacune de ces techniques était développée et diffusée par

l'intermédiaire de corporations parmi lesquelles certaines familles

étaient particulièrement célèbres (exemple des Hountondji à Abomey).

Il faut rappeler enfin que le commerce international portait sur

l'échange de marchandises locales contre quelques pacotilles venant

soit de l'Europe soit du bassin méditerranéen. Des pays arabes,

arrivaient des tapis d'orient, des faïences, des épices, échangés contre

l'or et la kola ; de l'Europe, on recevait de l'alcool, du tabac, des fusils

de traite et de la poudre à canon, échangés contre l'or, l'ivoire et le bois

d'ébène.

Page 152: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

152

Ces produits européens se vendaient dans le cadre des factore-

ries d'origine portugaise, hollandaise, anglaise et française Maison

Régis de Marseille, Maison Renhard, les chaînes Williamson, Cook et

Lucas du côté britannique. Elles opéraient le long de la côte, l'intérieur

étant entièrement contrôlé par les commerçants africains.

C. Les tenants du commerce pré-colonial

Dans le commerce africain, intervenaient trois grands groupes

ethniques les Mandé, les Haoussa et les Yoruba.

Les Mandé étaient divisés en trois sous-groupes : les Dioula,

les Wangara et les Dendi. Le groupe Dioula opérait surtout au niveau

de la Haute-Volta et de la Côte-d'Ivoire actuelle où il contrôlait le

commerce de la kola et de l'or qu'il troquait contre le sel dans les

localités de Boundoukou, Bouna et Kong. Les Wangara étaient

installés en pays Ashanti autour de Kintampo et d'Atébubu, toujours

pour s'occuper du commerce de la kola et de l'or. Les Dendi, quant à

eux, se rencontraient surtout à l'Est où ils ont fondé les localités de

Kandi et de Djougou au Bénin actuel. Ils s'occupaient de l'organisation

des marchés et offraient des structures d'accueil aux caravanes.

Les Haoussa, originaires du Nord Nigeria, contrôlaient tout le

commerce de la kola, depuis le Nigeria jusqu'au Ghana actuel. Ils

étaient installés dans les marchés situés à la périphérie de la forêt, tels

que Kintampo, Salaga, Kishi, Ilorin, où ils attendaient l'arrivée des

productions yoruba et ashanti. Ils échangeaient la kola contre les

produits venant du monde arabe.

Les Yoruba ont conquis tout le marché ouest-africain à partir

du commerce des tissus d'Isayin et d'Abeokuta ; subsidiairement, ils

vendaient aussi de la kola.

Ces commerçants se déplaçaient à pied et utilisaient le cheval,

le mulet, le dromadaire et l'âne ; le voyage se faisait par caravane,

véritable marché ambulant comprenant parfois plus de cinq cents

personnes. Ces caravanes se déplaçaient librement d'une région à

l'autre, d'un pays à l'autre. Elles étaient protégées dans leur parcours

par les autorités traditionnelles locales qui vivaient d'ailleurs en partie

des péages et des dons versés en nature ou en monnaie.

D. Les moyens de paiement

Le troc était très peu courant malgré ce qu'on en dit. Il portait

essentiellement sur les produits précieux ou sur ceux dont l'usage était

Page 153: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

153

prioritaire pour les populations (sel, tissus et chevaux). Pour

réglementer néanmoins ce système de troc, il existait des mesures

étalons : barres de sel, pièces de tissu d'une certaine longueur, etc.

En dehors du troc, trois principales monnaies étaient en usage

: la manille, le cauris et l'or. La manille est une tige de fer utilisée

localement dans la partie Sud de l'actuelle Côte-d'Ivoire et dans le

delta du Niger au Nigeria. Le cauris est d'usage inter-régional. On peut

le qualifier de monnaie intracommunautaire. Son importance est telle

dans la sous-région qu'il a modelé des expressions encore utilisées par

les populations. Ainsi, les Yoruba du Nigeria et les Fon du Bénin

appellent-ils 1 000 F CFA Apokan ou Chaki Dopo, ce qui signifie un

sac de cauris. Pour ce cauris, de véritables banques de dépôts créées et

gérées par certaines familles fonctionnaient à peu près comme les

banques modernes. Elles rapportaient des fortunes exceptionnelles à

leurs propriétaires.

L'or servait exclusivement pour les échanges extérieurs. Il a

été utilisé comme monnaie de plusieurs manières : sous forme de

poudre, de lingot ; enfin, on frappait la monnaie. A cet effet, la zone

soudano-sahélienne avait mis au point un système d'émission dont le

siège était à Tadmekka. On y frappait des dinars d'or, très connus dans

tout le monde arabe.

L'existence de ces différents modes de paiement avait permis

à l'Afrique occidentale de traiter convenablement tous les problèmes

posés par les transactions commerciales. Pour résoudre ceux qui

étaient liés à l'usage de la monnaie (problème de confiance, problème

de poids de cauris et du temps qu'il faut mettre pour le compter, etc.),

trois types de monnaie avaient été mis au point : locale, régionale et

internationale. L'existence de ces paliers rappelle l'expérience

monétaire des pays socialistes. En tout cas, elle illustre bien la parfaite

maîtrise que les Africains de l'époque avaient des techniques

monétaires. Ces expériences sont autant de précédents pour résoudre

les problèmes soulevés aujourd'hui par les politiques d'intégration

économique.

Le système commercial qui vient d'être décrit a fonctionné du

IXè au XIXè siècle. Il a provoqué beaucoup de mutations au sein de la

population. Le commerce local permettait aux habitants d'une même

agglomération de s'intégrer à son monde, à son cadre de vie de tous les

jours. Ainsi, dans les villages et les villes de l'époque, tout le monde se

connaissait effectivement. Mais ces avantages n'ont rien de

comparable à ceux procurés par le commerce inter-régional ou

international.

De ce point de vue, le commerce inter-régional apparaît

comme l'un des meilleurs exemples d'intégration sur le plan

économique, ethnique et culturel. Sur le plan économique, il n'y avait

Page 154: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

154

pas de cloisonnement commercial imposé par les contraintes

douanières et monétaires. Les produits élaborés à Kano, tels que les

tissus, circulaient jusqu'au Fouta-Djallon en Guinée actuelle. De

même, la kola produite en pays Bété, Agni, Ashanti, etc., allait

jusqu'au bord du lac Tchad. Sur le plan ethnique, les villes de la

ceinture moyenne, créées entre le 8è et le 9è parallèles Nord, étaient

fondées pour la plupart par des communautés marchandes étrangères

aux populations autochtones vivant pour la plupart du travail de la

terre. Ainsi, Kong fut créée par les Dioula en territoire Senoufo,

Djougou par les Dendi en milieu Yowa. Le dynamisme de Bouna,

d'origine Koulango, était assuré par les commerçants Dioula. Entre ces

étrangers et les autochtones régnait une parfaite entente ; la

bourgeoisie marchande d'origine étrangère apportait son soutien

matériel pour consolider les chefs locaux dans leur pouvoir. Enfin, ces

cités marchandes ont été aussi des centres de rayonnement culturel :

rayonnement linguistique d'abord, diffusion religieuse ensuite. Par

leur intermédiaire, les populations de l'époque pratiquaient un certain

polyglottisme, condition indispensable à l'intégration effective d'un

vaste ensemble. A l'échelon international, le commerce transsaharien a

favorisé le développement des cités marchandes au contact du Sahara,

la formation d'une élite marchande et intellectuelle, et hâté

l'islamisation de l'Afrique. Beaucoup d'anciens comptoirs ont donné

naissance à une génération de villes comme Accra, Cape-Coast, Saint-

Louis du Sénégal, Ouidah, etc. A l'intérieur de Ces villes, la formation

d'une élite fut déterminante dans l'évolution des sociétés côtières

pendant la période coloniale.

II. Le commerce pendant la colonisation

Pendant la colonisation on assiste à la fin du commerce cara-

vanier, au renforcement du commerce de traite né des comptoirs

européens à l'intérieur des espaces territoriaux issus du partage

colonial et au développement du circuit parallèle, les populations

réagissant contre la paralysie du commerce caravanier provoquée par

la rigidité des barrières frontalières et les nouvelles lois commerciales

élaborées dans les colonies.

A. La fin du commerce caravanier

Le partage colonial opéré à Berlin en 1885 amena plusieurs

changements en Afrique. En particulier, l'espace économique ouest-

africain fut fragmenté en 16 territoires appartenant à quatre puissances

Page 155: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

155

colonisatrices : la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et le

Portugal. En dehors du domaine d'influence française qui, par son

ampleur, pouvait se constituer en un vaste marché, les autres colonies,

excepté le Nigeria, formaient des espaces économiques fragiles. Mais

le but de la colonisation n'était guère de constituer des ensembles

économiques viables pour les Africains ainsi, l'ancienne structure

commerciale fut aussitôt remise en cause par la création de routes

Sud-Nord, conçues uniquement pour drainer les produits de l'intérieur

(Régies Dakar-Niger, Abidjan-Niger, Bénin-Niger). Ces nouveaux

axes ne prenaient plus en compte ceux créés et entretenus dans le

cadre du commerce pré-colonial. La création de nouvelles monnaies

rompant avec la vanille, le cauris, et l'or (ce dernier devenu l'un des

centres d'intérêt de la colonisation) eut pour conséquence la disparité

des régimes douaniers et la différence des prix des principaux produits

élaborés sur place ou importés conformément à la politique

économique de chaque puissance colonisatrice. Ainsi, au marché de

libre échange qu'était l'Ouest africain furent substituées des zones

économiques dont le mécanisme de fonctionnement était contrôlé

depuis l'Europe.

L'une des conséquences de cette situation fut la ruine des

anciennes villes nées du commerce transsaharien, comme

Tombouctou, Djenné, Gao,... ou de celles qui leur servaient de relais

et qui avaient été fondées au contact de la forêt-savane : Kong, Bouna,

Kintampo, Salaga, etc.

La rigidité des barrières frontalières constituait un obstacle

majeur à la circulation des personnes et des biens. Les seuls

mouvements autorisés étaient ceux qui s'effectuaient à l'intérieur d'un

même espace colonial ; hors de cet espace, tout déplacement

d'hommes et de marchandises était conditionné par l'obtention d'un

visa, le port d'une pièce d'identité et, pour les produits, le paiement de

droits de douane. Cette situation était d'autant plus difficile à supporter

pour les populations que la conférence de Berlin avait permis le

partage d'un même groupe ethnique entre plusieurs puissances

colonisatrices.

Toutes ces contraintes paraissaient obligatoires pour favoriser

le renforcement de l'économie de traite amorcée avec la création des

premiers comptoirs.

Page 156: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

156

B. Le renforcement du commerce de

traite

La ruine du commerce caravanier laissa le champ libre à la

puissance impérialiste pour organiser les échanges commerciaux

comme elle l'entendait.

Aussi vit-on apparaître, à la place des anciennes communautés

marchandes contrôlées par les Mandé, les Haoussa et les Yoruba, de

grandes sociétés commerciales créées pour une meilleure exploitation

des colonies. Ces sociétés étaient très nombreuses et très puissantes

(CFAO, SCOA, UAC, John Holt,...). Certaines jouissaient du

monopole de certaines marchandises et opéraient dans des régions

définies, soit à l'échelon d'un territoire, soit dans toute la sous-région.

Leurs activités étaient conditionnées par l'existence de

groupes d'intermédiaires capables d'assurer la collecte des produits de

la brousse vers la ville. A ce propos, elles avaient trouvé de puissants

relais auprès des Levantins, dont le rôle fut déterminant dans le

développement de l'économie de traite pendant la colonisation44

. Avec

ces Libano-Syriens, quelques commerçants africains jouèrent le même

rôle ; ils se recrutaient en particulier au sein des élites issues du

métissage entre Noirs et Blancs à l'époque de la traite négrière.

Quoiqu'il en soit, l'action de ces sociétés favorisa le dévelop-

pement de l'agriculture de plantation selon les vocations régionales

(arachide, coton, cacao, café, palmier à huile). L'introduction et le

développement de ces cultures commerciales devaient avoir des

répercussions considérables sur l'avenir des colonies qui devinrent

ainsi les appendices de la métropole en tant que débouchés des

produits manufacturés et sources de matières premières45

.

44

R. Charbonneau, «Les Libano-Syriens en Afrique noire», Revue française

d’études politiques africaines 26, 1968.

45 Parmi ces répercussions, signalons la mobilisation des meilleures terres

pour les cultures d’exportation au détriment de la production

vivrière ; il s’en est suivi un certain déséquilibres alimentaire, et la

nécessité de combler, ce déficit a conduit à l’importation de

denrées étrangères ou à l’augmentation de la production locale par

l’emploi d’une main-d’œuvre supplémentaire (femmes, enfants).

De plus, les autorités coloniales elles-mêmes se sont chargées

d’organiser le développement des travailleurs des zones moins

propices (Sahel) vers celles de plantations (forêt). On peut ainsi

affirmer que le développement des cultures commerciales est un

des facteurs de l’explosion démographique des anciennes colonies

de la forêt.

Page 157: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

157

Somme toute, le développement de l'économie de traite

transforma profondément la physionomie des échanges en Afrique

occidentale. A un secteur officiel bien structuré s'opposa désormais un

autre secteur informel, non moins structuré mais dont le contrôle

échappait aux pouvoirs publics.

C. Le développement du commerce

parallèle

Ce commerce parallèle n'était rien d'autre que le nouveau

circuit d'échange mis au point par les anciennes communautés

marchandes de l'époque caravanière dont les activités avaient été

paralysées par les nouvelles lois de l'économie coloniale. Ces

réactions étaient, non seulement prévisibles, mais aussi souhaitables

dans la mesure où l'économie de traite n'avait jamais pris en compte

l'intérêt vital des populations locales. Il suffit de se souvenir de ce que

les circuits de distribution mis en place pendant la colonisation se

trouvaient uniquement sur les principales voies de communication.

Cependant, ce commerce parallèle allait être victime de toutes formes

de répression. Mais plus cette répression se développait, plus les

méthodes d'organisation du circuit parallèle se raffinaient, plus son

impact devint évident dans les sociétés villageoises mal desservies par

les circuits officiels. Cette organisation peut être appréciée à quatre

niveaux : les pistes d'évacuation, les moyens de transport, les

intermédiaires (c'est-à-dire les agents de liaison qui jouaient le rôle de

transitaires pour l'expédition et la réception des marchandises) et le

réseau de distribution.

Les pistes d'évacuation, c'étaient les pistes terrestres, créées et

contrôlées par les commerçants, les voies d'eau et quelques rares fois

les routes officielles. Les moyens de transport consistaient surtout

dans le portage, les animaux, l'utilisation d'engins à deux roues, de la

pirogue lorsqu'il s'agissait d'emprunter les voies d'eau. Les

intermédiaires étaient de deux catégories : ceux formés par les tenants

de la «fraude» et payés pour la «fraude», puis les indicateurs recrutés

par les services douaniers qui prêtaient leurs services aux trafiquants.

Quant aux réseaux de distribution, ils concernaient d'abord les alliés

des commerçants ; ceux-ci se rencontraient parmi les détaillants

africains ou les Levantins qui étaient installés dans les villes comme

propriétaires d'hôtels, de bars, restaurants, bars-dancing ou boîtes de

nuit. Ceux-ci s'intéressaient surtout aux alcools et aux cigarettes

introduites en fraude. Paradoxalement, certaines sociétés de traite

sollicitaient aussi le concours du circuit parallèle pour se procurer

Page 158: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

158

certains produits agricoles quand elles n’arrivaient pas à contrôler leur

zone de production. C'est le cas des sociétés de traite installées au

Togo pour la traite du cacao produit au Ghana ou de celles implantées

en Gambie pour l'arachide du Sénégal. Il y avait aussi les petits

détaillants qui, pour faire face à la concurrence des grands magasins ;

s'appuyaient sur les produits de contrebande qui revenaient beaucoup

moins cher sur le marché de consommation.

Enfin, le domaine privilégié des contrebandiers, était le

marché traditionnel. On distingue à ce propos deux types : les marchés

villageois et péri-urbains qui faisaient partie des structures

économiques pré-coloniales et les marchés frontaliers créés et

dynamisés par la fraude qui se faisait au niveau des États à

colonisation différente et à organisation économique aux avantages

dissemblables. Ces marchés frontaliers remplaçaient en quelque sorte

les villes nées du commerce pré-colonial et qui, parce que situées à

l'intérieur d'un même espace colonial, ne participaient plus activement

aux échanges parallèles. Dans ces marchés frontaliers réapparurent les

mêmes groupes ethniques (Mandé, Haoussa et Yoruba) qui avaient

assuré entre le IXe et le XIXe siècle le dynamisme du commerce

caravanier dans la sous-région. Ils intervenaient cette fois-ci selon

deux circuits ; l'un à courte distance, l'autre à longue distance.

Le circuit à courte distance affectait uniquement les régions

frontalières et portait sur une meilleure redistribution des

marchandises introduites par les grandes sociétés de traite opérant

selon des lois différentes de part et d'autre des frontières ; ainsi, des

colonies britanniques venaient des fusils de traite, de la poudre à

canon, des produits émaillés et des pacotilles vers les territoires

français, lesquels livraient en contre-partie de l'alcool, des cigarettes et

du tabac, produits fortement contingentés par les Anglais dans leur

domaine administratif.

Le commerce à longue distance se faisait sur de longs

parcours où les commerçants empruntaient les anciennes pistes

caravanières. Les pays concernés étaient la Côte-d'Ivoire et le Mali,

d'une part, le Nigeria, le Niger et le Ghana, d'autre part. De la Côte-

d'Ivoire, on envoyait vers le Mali des tissus importés, de la kola et du

poisson fumé, contre du bétail. Du Nigeria, on expédiait vers le Ghana

des tissus fabriqués en pays Haoussa et Yoruba, contre l'or et la kola,

etc. Les exigences de ce commerce parallèle à longue distance

entraînèrent le développement de migrations marchandes doublant

celles des travailleurs agricoles.

En résumé, le développement du commerce clandestin

s'appuya sur la fragmentation de la sous-région en quatre zones aux

avantages différents. La contrebande apparut alors comme un

phénomène qui se chargeait de réduire les disparités régionales créées

Page 159: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

159

par le partage colonial. Ainsi, la situation commerciale à l'époque

coloniale se caractérisa par un certain dualisme né de l'existence d'une

structure informelle, clandestine, à côté d'une autre structure moderne

officielle. Cette situation dualiste devait aller en se renforçant même

après les indépendances des colonies.

III. Le commerce à l’ère des indépendance

Les activités commerciales sont aujourd'hui conditionnées par

les mutations intervenues depuis l'indépendance dans le commerce de

traite et les règles monétaires et par l'amorce d'une politique

d'intégration régionale.

A. Renforcement et transformations des

structures commerciales héritées de la

colonisation

Le renforcement des structures de traite est illustré par la forte

emprise des anciennes sociétés commerciales dont les activités se

diversifient. Beaucoup d'entre elles ouvrent leur capital social à la

participation des nationaux. D'autres réinvestissent une partie de leurs

bénéfices dans le secteur d'économie agricole revalorisé par les

dirigeants africains en tant que facteur clé du développement. D'autres

encore utilisent ces bénéfices pour la création d'industries légères de

transformation. Cette évolution est surtout remarquable au Nigeria et

en Côte-d'Ivoire où la société Unilever, à travers ses filiales, a

largement contribué au développement du palmier à huile. Et plus

particulièrement en Côte-d'Ivoire, beaucoup d'anciennes sociétés de

traite s'adaptent aux exigences actuelles en oeuvrant pour la création

du «Programme d'action commerciale» (PAC) conçu pour moderniser

et ivoiriser le secteur de distribution entièrement contrôlé par les

commerçants étrangers pendant la colonisation.

Malgré cette évolution, la plupart des Etats ont jugé nécessaire

d'aller plus loin en transformant ces structures de domination

économique. La transformation se manifeste par l'apparition d'un

secteur commercial d'État, d'une structure d'économie mixte, et le

développement d'un secteur africain officiel.

Le secteur d'État concerne surtout le contrôle de l'exportation

des principaux produits qui forment l'ossature de la richesse nationale,

mais ne se limite pas uniquement à l'exportation des produits agricoles

; il touche aussi l'import-export ; les autorités publiques, en récupérant

le monopole de certains produits dont bénéficiaient les vieilles

Page 160: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

160

compagnies commerciales, contrôlent le secteur de l'alimentation

générale46

.

L'existence de toutes ces sociétés d'Etat qui traduit une réelle

volonté politique d'indépendance pose d'autres problèmes en rapport

avec la situation monétaire, comme on le verra plus loin. C'est pour

contourner une partie de ces difficultés qu'apparaît un autre secteur

d'économie mixte. Les sociétés d'économie mixte concernent surtout

la gestion des infrastructures commerciales ports, aéroports, sociétés

de transit et de consignation, etc. Dans certains pays comme le

Sénégal ou la Côte-d'Ivoire, où l'emprise du capitalisme est plus

sensible, le secteur agricole fait également partie de cette économie

mixte.

Qu'il s'agisse des sociétés d'État ou d'économie mixte, leur

bon fonctionnement est conditionné par une large participation des

Africains aux activités commerciales, en particulier dans le domaine

de la distribution. Le développement du secteur africain s'appuie sur

l'apparition des sociétés d'Etat, sur la restriction du monopole dont

jouissaient les anciennes sociétés coloniales en matière d'importation

et sur l'ouverture des marchés africains à toute l'Europe, à l'Amérique

et surtout à l'Extrême-Orient.

Au niveau du commerce africain, interviennent deux groupes :

les Levantins qui, en majorité, ont pris la nationalité de leur pays

d'accueil, s'intéressent à la vente de tissus, à l'alimentation générale et

aux appareils ménagers ; les Africains d'origine dominent surtout le

commerce de détail, faute de grands moyens pour se livrer à l'import-

export. Ils deviennent ainsi les intermédiaires privilégiés des sociétés

d'Etat et des anciennes maisons commerciales dont ils renforcent le

volume des importations. Cependant, dans quelques Etats comme le

Nigeria, le Togo, le Bénin et, à un moindre degré, le Sénégal,

quelques Africains, pour la plupart de gros tenants du circuit parallèle,

s'adonnent à l'importation et à la représentation. Ils font venir de

l'extérieur presque les mêmes produits que les sociétés officielles dont

ils rachètent le droit de monopole si cela s'avère nécessaire. C'est

seulement au Bénin et au Nigeria qu'ils contrôlent entièrement des

secteurs nouveaux comme les dentelles tissées en Suisse et en

Autriche, les bijoux d'origine française, allemande et italienne, les

foulards d'Extrême-Orient et les habits usagés (friperie) qu'ils font

venir des États-Unis et des Pays-Bas. Ces différents produits sont

46

Sur ce secteur, voir Centre d’Etude d’Afrique Noire : Les entreprises

publiques en Afrique noire (Sénégal, Mali, Madagascar), Paris,

Pédone, 1979.

Page 161: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

161

d'ailleurs en grande partie réexportés vers l'extérieur par le circuit

clandestin.

La plus grande innovation du commerce africain concerne,

d'un côté, la forte participation des femmes, de l'autre, l'abandon

progressif des marchés métropolitains au profit de l'Extrême-Orient.

Cette évolution n'est possible que grâce à la situation monétaire.

B. La situation monétaire

Il existe deux types de monnaies dans la sous-région : les

monnaies convertibles et les monnaies non convertibles (le Naira

nigérian, le Nouveau Cédi ghanéen, le Dalasi gambien, le Léone de

Sierra Léone, le Silly guinéen, l’Escudo du Cap-Vert et l’Ouguiya

mauritanien).

Les monnaies convertibles sont émises pour la plupart dans le

cadre d’une association qui est celle de l’Union Monétaire Ouest-

africaine (UMOA) ou dans le cadre d'une appartenance à une zone

monétaire au sens strict (la zone franc). Ce sont le Franc de la

Communauté financière d'Afrique, le Franc malien et le dollar

libérien.

Les avantages des Francs CFA et malien reposent sur le fait

que ces deux monnaies font partie de la grande zone franc, garantie

par la France. Ainsi, ils jouissent de la libre convertibilité par rapport

au Franc français. Ces monnaies peuvent même circuler librement à

l'intérieur de toute la zone monétaire garantie par la France, comme

les Etats d'Afrique centrale (Gabon, Congo, Tchad, République

centrafricaine et Cameroun). Cette situation non seulement renforce le

pouvoir d'achat des Francs CFA et malien, mais elle leur confère une

certaine crédibilité internationale quelle que soit la situation

économique des Etats membres du système. Le dollar libérien jouit

des mêmes avantages.

A côté des monnaies convertibles faisant partie des zones

franc et dollar, il existe le groupe des États qui, pour des raisons de

souveraineté politique, ont préféré la totale indépendance monétaire.

Le souci d'avoir des monnaies non-convertibles s'appuie sur la volonté

de limiter les transferts de fonds vers les pays voisins et lointains, de

favoriser l'épargne nationale, de contrôler étroitement l'activité des

établissements commerciaux à caractère privé et de maîtriser le crédit

mobilisable pour la production industrielle et pour les activités

commerciales afin de stimuler le développement.

Page 162: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

162

Du point de vue des échanges régionaux, la non-convertibilité

présente beaucoup d'inconvénients :

- limitation exagérée des transactions internationales par souci

d'équilibrer la balance des paiements, faute de pouvoir compter sur

des devises extérieures,

- blocage du commerce officiel entre les Etats de la sous-

région en raison des difficultés de règlement (ces difficultés du

commerce officiel constituent l'un des facteurs du développement de

la contrebande),

- création d'une situation chronique d'endettement qui ruine à

long terme les sociétés d'Etat. L'expérience de la Guinée est riche de

leçons en la matière47

. Finalement, la survie de l'Etat n'est garantie que

par le développement du commerce parallèle.

Somme toute, la situation monétaire qui existe aujourd'hui en

Afrique occidentale divise cette région en onze zones monétaires au

lieu de quatre pendant la période coloniale. Cela signifie donc que sur

le plan commercial, l'Afrique est gérée à travers des espaces

économiques fragiles. La paralysie qui en découle est d'autant plus

importante que les dispositions que l'on prend au niveau officiel pour

favoriser les échanges se heurtent aux contradictions monétaires.

La situation est d'autant plus critique que sur le plan global, on

assiste au recul de la production, notamment dans le domaine agricole

paralysé par la détérioration des termes de l'échange. Ce recul de la

production agricole entraîne la dépendance alimentaire de tous les

pays de la sous-région vis-à-vis des grandes puissances. En dehors de

l'augmentation du tonnage des denrées traditionnellement importées à

faible quantité comme le riz et le blé, le maïs et le mil font désormais

leur apparition sur la liste des importations. L'essentiel des devises

apportées par la vente des matières premières est utilisé aujourd'hui

dans les États comme le Sénégal, la Guinée, le Ghana et le Nigeria

pour régler l'achat de denrées alimentaires à l'étranger.

Cette situation, ajoutée à la fragilité monétaire, condamne tous

les pays à monnaie non-convertible à l'instauration du contrôle des

changes et par conséquent à la paralysie du secteur commercial

pendant que l'on parle d'intégration régionale.

47

C. Rivière, «Les conséquences de la réorganisation des circuits

commerciaux en Guinée», Revue française d’études politiques

africaines 66, 1971.

Page 163: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

163

C. Les politiques d’intégration régionale

Partant de l'évidente sectorisation des activités commerciales

amorcées depuis la colonisation, c'est pour lutter contre ce phénomène

très préjudiciable à tout effort de développement que l'intégration

régionale devient aujourd'hui non seulement une nécessité, mais aussi

une exigence. L'objet n'est pas ici de décrire les différentes

institutions. Il s'agit tout simplement de montrer que leur existence

ramène théoriquement à trois les onze zones commerciales engendrées

par la situation monétaire. Mieux, la Communauté économique de

l'Afrique de l'Ouest (CEAO) et la Communauté économique des États

de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) constituent des espaces

économiques assez intéressants.

La CEAO a l'avantage de réunir les Etats d'une même langue,

ayant une même monnaie convertible (à l'exception toutefois de la

Mauritanie) et soudés par le même environnement géographique et

historique48

. Pour sa part, la CEDEAO a une superficie de 6 081 000

km2, elle est peuplée de 140 millions d'habitants et possède

d'importantes ressources économiques basées sur le pétrole, le fer, la

bauxite, le cacao, le palmier à huile, etc.

Mais au-delà de ces avantages évidents, il existe aussi des

contradictions qui créent toutes les conditions aboutissant à la

paralysie des échanges : la situation monétaire qui jusqu'ici n'a fait

l'objet d'aucun protocole, le délai proposé pour régler les obstacles

douaniers en vue de la libération des échanges, les options politiques

divergentes entre États favorisent le développement de structures

économiques non-identiques. Enfin, l'existence même d'une grande

communauté à l'intérieur de laquelle se créent des sous-communautés

(l'Union du fleuve Mano s'ajoutant à la CEAO) traduit de façon

évidente l'importance de ces oppositions politiques. Il en résulte une

certaine divergence dans le programme de libération des échanges au

niveau des trois formes d'intégration et par conséquent des avantages

commerciaux non-identiques.

Pour l'ensemble de ces problèmes, des solutions ne sont

envisagées que pour la situation monétaire, où du fait des obstacles

créés par l'existence de onze monnaies, une Chambre de compensation

dont le siège est à Freetown (Sierra Leone) a été mise sur pied en

1976. Cette chambre de compensation, loin de constituer un

48

Ce sont presque tous les Etats soudano-sahéliens couvrant l’espace de

l’ancien empire songhaï, marqués par une profonde islamisation :

Sénégal, Mauritanie, Mali, Haute-Volta, Niger plus la Côte-

d’Ivoire.

Page 164: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

164

événement comme l'a écrit Desneuf49

, pose elle aussi d'énormes

problèmes relatifs au contrôle effectif des banques commerciales qui

opèrent en Afrique. Il s'agit de savoir quel est le pouvoir dont

disposent les responsables politiques, pour la plupart inféodés aux

mêmes intérêts capitalistes, d'exiger de ces institutions financières

d'origine étrangère qu'elles fassent passer les dossiers de leurs clients

par Freetown plutôt que par Londres, New York ou Paris. En dehors

de cet aspect politique, la lenteur de l'exécution des ordres entre pays

anglophones et pays francophones constitue autant de gêne pour les

commerçants. Enfin, en dehors de ces obstacles que l'on peut qualifier

de visibles, il existe aussi des obstacles invisibles qui ne seront jamais

résolus même si l'on arrive à une parfaite intégration. On peut

notamment évoquer les entraves à la libre circulation des

marchandises qui garantissent la sécurité alimentaire tels que les

produits vivriers de base. Aujourd'hui, par exemple, malgré les

résultats déjà obtenus à la CEAO et à la CEDEAO50

, le Bénin interdit

par moments la sortie du maïs, du mil, des tubercules d'igname et de

manioc, ainsi que de leurs dérivés. Le Togo fait de même pour ses

produits vivriers, y compris les fruits et les légumes, le Niger

également pour son cheptel bovin et ovin. Si ces différentes mesures

sont dictées par le souci de maîtriser localement la situation

alimentaire, malheureusement, elles sont souvent prises à partir d'une

simple alerte qui ne reflète pas la situation de surproduction que

connaissent certaines régions du pays. Il en résulte un marasme

agricole à tendance saisonnière aggravé par la défaillance des

équipements de stockage et la non-intégration nationale, faute

d'infrastructures routières de qualité.

Somme toute, les structures commerciales de l'Afrique

occidentale ont subi beaucoup de mutations depuis les indépendances.

Malheureusement, ces mutations sont toujours paralysées par

l'héritage colonial. Il s'ensuit le même dualisme des structures qui

favorise la naissance du circuit non-officiel.

49

P. Desneuf, «L’événement 1976 : la chambre de compensation de l’Afrique

de l’Ouest», Africa 87, 1977.

50 Cf. la décision du Conseil des ministres de la CEDEAO relative à la

libéralisation des échanges des produits locaux du 3 novembre

1979.

Page 165: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

165

IV. Le développement du courant clandestin en

rapport avec les politiques d’intégration

régionale

Le commerce clandestin né de l'époque coloniale s'est plutôt

amplifié avec les indépendances. Son évolution résulte du maintien

des frontières héritées de la colonisation, du maintien des contraintes

douanières et de l'apparition, après la libération des colonies, de

plusieurs systèmes monétaires. Cette activité clandestine est assurée à

la fois par les commerçants traditionnels, par les travailleurs migrants

dont le nombre est impressionnant dans les régions côtières plus

favorisées dans les processus du développement néo-colonial, et par

les États à faibles ressources à travers leur système commercial basé

sur la réexportation. Enfin, les politiques d'intégration régionale qui

n'ont pas trouvé de solution efficace au problème du cloisonnement

commercial n'ont fait que renforcer les zones de tarifs préférentiels.

Même à l'intérieur d'une même zone tarifaire, on assiste à la disparité

des taxes qui joue sur le prix des produits à la consommation. Cette

disparité est en rapport avec l'importance du pays, ses ressources

naturelles, le coût des facteurs de production et le degré d'initiative de

ses habitants. A cet égard, les marchés nigérian et ivoirien offrent des

avantages supérieurs à ceux des autres États de la CEDEAO.

La disparité des tarifs douaniers n'est d'ailleurs plus l'élément

déterminant dans l'évolution de la contrebande. Le facteur qui

conditionne cette évolution est aujourd'hui d'ordre monétaire. Tous les

pays à monnaie non-convertible se trouvent dans une position

désavantageuse par rapport à ceux dont les monnaies ont valeur

d'échange hors de leur espace territorial. De façon plus explicite, c'est

le Franc CFA qui est actuellement la monnaie la plus sûre et la plus

recherchée dans la région, en dépit de la vigueur de l'économie

nigériane, comparée à celle de la plupart des Etats membres de

l'UMOA. Les avantages de cette monnaie reposent sur sa libre

circulation non seulement à l'intérieur des Etats de l'UMOA, mais

aussi dans les pays d'Afrique centrale francophone et dans toute

l'Europe à travers le Franc français. Cette position avantageuse fait

qu'elle s'échange sur le marché parallèle à un taux très élevé.

L'apparition de ce marché parallèle de change est devenue

pour les commerçants et même pour les touristes une nécessité

absolue pour contourner les difficultés de la non-convertibilité

imposées par les politiques monétaires dans la sous-région. Ce marché

de change fonctionne à peu près comme les guichets de banque : c'est-

à-dire qu'à la vente de la monnaie le taux de change est plus bas,

tandis qu'à l'achat, ce taux devient plus élevé. La différence entre les

Page 166: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

166

deux taux varie entre 10 et 50 francs selon la parité de la monnaie et

selon l'offre et la demande. Ces marchés parallèles de change existent

un peu partout en Afrique occidentale : dans les postes frontaliers,

dans les marchés frontaliers et dans les principaux centres urbains.

Ainsi, entre les pays du Conseil de l'Entente et le Ghana, on

peut distinguer du côté togolais, les postes d'Aflao-Lomé, de Kpalimé

et de Badou, du côté voltaïque, le village Pô où se trouvent trois points

de change et, du côté ivoirien, Suyanni, Assini et Sanwi-Wharf. A

l'intérieur du Ghana même, on peut changer le nouveau Cédi contre le

Franc CFA à Accra, à Kumassi et à Tamalé.

Entre ces différents marchés existe une légère disparité de

taux liée essentiellement à l'importance des transactions commerciales

: entre la Haute-Volta et le Ghana, le Nouveau Cédi valait 30 F CFA

en 1981 alors que son cours officiel était de 90 F CFA. Du côté

togolais, sa valeur est de l'ordre de 25 F CFA. Cette parité est très

faible, elle équivaut à une perte du pouvoir d'achat du Cédi d'environ

70 %.

Entre le Naira du Nigeria et le Franc CFA, la situation est

moins catastrophique. Son cours est presque identique sur tout le

cordon frontalier du Nigeria où existent cependant d'innombrables

postes de change. Le Naira valait à la fin de l'année 1981, 300 F CFA

alors qu'officiellement, cette monnaie se change à 447 F CFA.

Actuellement, le Naira est moins prisé sur le marché parallèle en

raison des mesures économiques prises par le gouvernement fédéral

en avril 1982 pour restreindre les importations et instaurer à nouveau

le contrôle des changes. Ainsi, de janvier à octobre 1982, le taux de

change est descendu de 300 à 275 F CFA, pendant qu'à la Banque

centrale du Nigeria, la tendance est à la hausse : 447 à 525 F CFA. Le

Naira subit ainsi une perte de fait d'environ 45 % par rapport au Franc

CFA.

On pourrait multiplier ces exemples en évoquant le cas des

autres monnaies comme le Silly guinéen, le Dalasi gambien ou le

Léone de Sierra Leone. La situation serait presque identique, toutes

ces monnaies subissent une baisse de parité allant de 45 à 80 % par

rapport au Franc CFA surévalué localement en dépit de sa

dépréciation réelle sur le plan international.

Cette baisse de parité des monnaies non-convertibles par

rapport au Franc CFA est un puissant facteur de développement de la

contrebande. Elle place les ressortissants des pays de l'UMOA dans

une situation très avantageuse quel que soit le tarif douanier pratiqué

et la situation du marché d'achat dans les pays à monnaie fermée. La

monnaie n'est pas seulement le moyen de paiement de la fraude, mais

aussi elle devient l'agent principal du système. La suppression des

barrières douanières telle qu'elle est envisagée dans le cadre des

Page 167: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

167

intégrations régionales étudiées jusqu'ici n'a plus grande signification

dans ce système monétaire dualiste. C'est conscients de cette situation

que certains pays à faibles ressources naturelles sont devenus

officiellement des États contrebandiers en faisant reposer toute leur

fiscalité sur la politique commerciale de réexportation.

A. Mouvement et nature des échanges

des marchandises de fraude

Les marchandises qui participent à la fraude sont très variées

et suivent plusieurs mouvements qui changent d'orientation selon la

conjoncture socio-économique des États.

D'une façon générale, ces mouvements ont gardé les mêmes

orientations que pendant la période coloniale à savoir, Nord-Sud-

Nord, Est-Ouest-Est. Chacun de ces circuits comporte cette fois des

trafics permanents et semi-permanents.

Parmi les échanges permanents, la kola, les produits finis

comme les tissus, la bonneterie, les chaussures, les produits émaillés,

les appareils électroniques et les friperies, vont du Sud vers le Nord

dans l'autre sens on trouve du poisson fumé pêché dans le fleuve

Niger, des animaux, des peaux.

Dans le sens Est-Ouest-Est, les échanges se font surtout entre

les pays anglophones et francophones, ainsi qu'entre la Guinée et la

Côte-d'ivoire, le Togo et le Bénin. En effet, c'est entre les pays

anglophones et francophones que contraintes douanières et disparités

monétaires sont les plus nettes. La création de la monnaie guinéenne

liée à une politique économique à vocation socialiste a engendré les

mêmes conditions et complètement modifié ses rapports commerciaux

avec ses voisins comme le Libéria et la Côte-d'ivoire. Entre le Togo et

le Bénin la contrebande s'appuie sur le système fiscal légèrement

opposé, sur l'apparition d'un secteur d'Etat très développé au Bénin,

sur l'existence d'un port franc à Lomé et sur le fait que le Togo a signé

des accords bilatéraux avec la CEAO en matière de commerce. Il en

résulte, sur les marchandises d'importation entre les deux pays, des

disparités de droits et taxes si importantes qu'elles font du Togo un

marché intéressant pour les commerçants béninois (huile d'arachide

+31,75 % au Bénin ; tissus imprimés + 21 %, lait + 11% …)51

Des pays anglophones, on importe des produits émaillés, du

carburant, de la tôle ondulée, des ustensiles de cuisine, du savon

51

Chambre de commerce et de l’industrie du Bénin, Note sur la situation

économique à la fin du premier semestre 1982, Cotonou, 1982

Page 168: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

168

(lessive et toilette), des voitures d'occasion, des pièces détachées. Le

commerce des voitures et de leurs accessoires concerne surtout les

échanges entre le Nigeria et le Bénin. A l'exportation, les pays

francophones vendent de l'alcool, des tissus imprimés sortis des usines

locales ou venant des Pays-Bas.

Ce commerce qui était pendant longtemps favorable aux pays

anglophones ne profite aujourd'hui qu'aux Etats francophones en

raison de leurs avantages monétaires. Ces échanges portent sur des

chiffres d'affaires assez élevés, notamment dans le trafic occasionnel.

Le trafic occasionnel : il s'agit essentiellement du trafic des

produits agricoles, qui se développe en fonction de l'évolution des prix

pratiqués dans les pays limitrophes.

D'une manière générale, ce sont les produits agricoles des

pays anglophones qui passent dans les pays francophones pour

renforcer le volume de leurs exportations, à l'exception toutefois de

l'arachide du Niger et du Sénégal qui subit le courant inverse. Ce trafic

affecte une quantité substantielle fuite de l'arachide du Sénégal vers la

Gambie52

, du Niger vers le Nigeria53

, fuite du cacao ghanéen vers la

Côte-d'Ivoire et le Togo, fuite du cacao nigérian vers le Bénin54

.

Le mouvement est inverse pour l'arachide parce que le produit

est mieux soutenu dans les pays anglophones. Mais la dégradation de

la situation économique du Nigeria pendant la guerre du Biafra et de

celle du Ghana après Nkrumah avec une monnaie constamment

dévaluée sont à l'origine de la fuite de leurs produits agricoles vers les

zones frontalières. Pour le paysan ghanéen, en particulier, aller vendre

son cacao en territoire francophone est doublement avantageux :

d'abord, il est sûr d'être payé immédiatement car, à l'intérieur, le

marketing board n'arrive plus à honorer sur-le-champ ses

engagements vis-à-vis des paysans. Ensuite il reçoit du Franc CFA

qu'il convertit en nouveau Cédi sur le marché parallèle à un taux si

avantageux qu'il rentre chez lui avec un revenu plusieurs fois

supérieur.

L'importance de ces différentes transactions fait du commerce

clandestin un secteur assez dynamique qui n'épargne aucune région

frontalière de la sous-région (Bénin-Nigeria, Niger-Nigeria, Ghana-

Togo, Ghana-Côte-d'Ivoire, Ghana-Haute-Volta, Gambie-Sénégal).

Entre le Nigeria et le Bénin, ce commerce clandestin porte sur

un chiffre d'affaires annuel supérieur à 12 milliards de Francs CFA. Il

52

Cf. Sekyere, Le commerce de l’arachide en Gambie, Dakar, ISEA, 1962.

53 Cf. Collins, art, cit.

54 Voir O. J. Igué, «Un aspect des échanges entre le Dahomey et le Nigeria :

le Commerce du cacao», Bulletin de l’IFAN (Sér. B), 38 (3), 1976.

Page 169: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

169

fait pratiquement du Nigeria le premier partenaire commercial du

Bénin. Le développement exceptionnel du circuit clandestin s'appuie

ici sur la politique de réexportation mise en application par les

autorités de Cotonou depuis 1973. Ainsi, le Bénin est devenu l'un des

marchés relais par excellence du Nigeria bloqué dans son commerce

extérieur par la pratique du contrôle des changes. Le Bénin livre au

Nigeria des marchandises de luxe prohibées ou sévèrement

contingentées, comme les dentelles, les bijoux, les alcools, les

cigarettes et le tabac, etc. En contrepartie, le Bénin reçoit les produits

fabriqués au Nigeria, en particulier des détergents, des matières

plastiques, des appareils ménagers et électroniques et surtout du

carburant. La fraude en carburant représente environ 50 % de la valeur

des importations frauduleuses. Cette fraude est si importante qu'elle a

paralysé la distribution des produits de la SONACOP (Société

nationale pour le commerce des produits pétroliers) sur toute la partie

orientale. Malgré cette importance du carburant, la balance

commerciale est restée à l'avantage du Bénin jusqu'en février 1982.

Mais les dernières mesures prises par le gouvernement nigérian, qui

interdisent l'importation de 33 produits étrangers et instaurent à

nouveau le contrôle des changes, vont considérablement modifier la

conjoncture du commerce parallèle entre le Bénin et le Nigeria.

Le Togo joue le même rôle de marché relais pour le Ghana en

raison de la dégradation de la situation économique ghanéenne. Les

importations en provenance du Ghana portent sur les produits

agricoles (cacao, légumes, fruits, œufs), sur des produits manufacturés

locaux (ustensiles de cuisine, matelas de mousse, lits métalliques, sel)

et enfin sur le diamant pour lequel Lomé est devenu le plus important

marché d'Afrique occidentale. A l'exportation, le Togo fournit le

Ghana en produits de première nécessité et marchandises de luxe dont

le Ghana ne peut plus autoriser l'importation : tabac, cigarettes,

alcools, tissus imprimés d'origine hollandaise, etc. La valeur de ces

exportations serait de l'ordre de 4 milliards de Francs CFA, contre 1,7

milliard pour les importations, selon les estimations de la Banque

centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (agence de Lomé). Ici encore

la balance commerciale est à l'avantage du Togo. Ce chiffre d'affaires

représente la moitié des transactions qui se font entre le Bénin et le

Nigeria. Mais il est très important si l'on rapporte cela à l'importance

de la population ghanéenne, évaluée à 10 millions d'habitants, alors

que le Bénin profite d'un marché de 80 millions d'hommes, plus riche

et plus dynamique.

On pourrait multiplier ces analyses sectorielles en évoquant la

situation entre la Haute-Volta et le Ghana, entre la Gambie et le

Sénégal ou entre la Guinée et ses voisins. Ce qu'il faut surtout

souligner, c'est la conséquence du développement du circuit parallèle

Page 170: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

170

sur la formation de nouveaux espaces économiques qui se développent

le long des frontières.

B. Le rôle du circuit clandestin dans le

développement des périphéries

frontalières

Pendant la période coloniale, les régions frontalières

constituaient des espaces déprimés en Afrique occidentale, marginales

dans le processus de développement territorial. Elles se caractéri-

saient, d'une part, par le nombre des postes douaniers, installés à

environ 3 km les uns des autres pour freiner les mouvements

commerciaux, d'autre part, par le flottement de leur population fuyant

le recrutement militaire, l'impôt, les corvées de portage et de

construction d'infrastructures routières.

Aujourd'hui, le développement du commerce parallèle a reva-

lorisé cette zone frontalière, car il a contribué à transformer les postes

frontaliers en pôles urbains, à créer un cordon de marchés qui sont

parmi les plus dynamiques du pays, et à construire des routes de

première qualité liant des Etats naguère antagonistes. Autour de ces

trois phénomènes, se polarise une multitude d’activités économiques

qui sont en train de changer radicalement la vie des populations dans

ces régions frontalières.

Ces mutations caractérisent surtout les frontières du Bénin

avec le Nigeria, du Niger avec le Nigeria, du Togo avec le Ghana, du

Togo avec le Bénin et, à un moindre degré, du Sénégal avec la

Gambie. Aujourd'hui, loin de constituer des régions déprimées, ces

périphéries frontalières offrent plutôt le modèle d'un nouvel espace

économique qui interfère, au niveau des États voisins ; avec les vastes

marchés que constituent la CEAO et la CEDEAO.

Leur apparition et leur développement constituent une nou-

velle forme d'organisation de l'espace national qui modifie très

profondément le rapport Nord-Sud à l'échelon territorial. Cela favorise

aussi une autre forme d'intégration régionale, engageant effectivement

les populations et qui évolue en dehors de tous les regroupements

régionaux officiels.

SOURCES

Page 171: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

171

BINGER, L. «Transactions, objets de commerce monnaies

des contrées d'entre le Niger et la Côte-d’Ivoire», Economie ouest-

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commerce africain médiéval du XIè au XVè siècle», Revue d'histoire

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de Guinée de 1838 a 1871, Paris, La Haye, Mouton, 1962.

Page 172: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

172

Chapitre 19 :

Malanville, une ville-marché à la frontière

bénino-nigérienne.

Malanville est une petite ville du Bénin située au nord du

pays, sur la rive droite du Niger. Sa population est de 11.146 habitants

au recensement de mars 1979. C’est le chef-lieu du district du même

nom. Mais ses activités commerciales font d’elle une ville bien

connue, aussi bien dans le pays que dans la sous-région, car le marché

de Malanville est l’un des plus importants du Bénin. Venant au

deuxième rang après Dantokpa, à Cotonou ; sa zone d'influence

couvre tous les Etats du Conseil de l'Entente (Bénin, Côte-d'Ivoire,

Haute-Volta, Niger, Togo), ainsi que le Ghana et le Nigeria.

En effet, c'est de ce marché que partent en majeure partie les

oignons consommés dans ces différents Etats, en contre-partie de la

kola, des agrumes, des animaux et de l'ail venant respectivement de la

Côte d'Ivoire, du Ghana, du Togo, de la Haute-Volta, du Niger et du

Nigeria.

Incontestablement, le marché de Malanville apparaît comme

l'un des plus grands centres de redistribution des produits d'origine

agricole de cette sous-région. Dès lors, on se rend compte aisément de

l'impact de ce centre commercial sur son environnement

géographique.

I. La ville et son marché

Le nom originel de cette petite cité est Tassi, qui en langues

Djerma et Dendi signifie sable. En effet, le site de la ville correspond

à la zone d'accumulation des sables provenant du fleuve Niger en

période de crue. Malanville dérive de "Malan", nom d'un des

gouverneurs de l'ancienne colonie du Dahomey. Jusqu'au début du

XXe siècle, cette ville n'existait pas il y avait seulement en bordure du

fleuve quelques maisons de pêcheurs Dendi et d'éleveurs Peul. Le

village le plus important de la localité était Bodjékali, situé à sept

kilomètres au sud de "Tassi" sur la route internationale Bénin-Niger.

Vers 1910, les tatas de pêcheurs dispersés dans la vallée du fleuve

furent regroupés en un seul village Tassi, la future agglomération de

Malanville, qui va évoluer progressivement avec l'arrivée de nouveaux

Page 173: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

173

habitants qui vont s'installer dans cette plaine d'inondation en créant

de nouveaux quartiers. Le noyau primitif est Wolo, quartier de

pêcheurs et d'éleveurs, situé au nord-ouest, en bordure du fleuve.

L'installation s'était effectuée de façon spontanée avec les

Djerma-Dendi venus du Niger (région de Gaya-Dosso), des Dendi et

Peul du Bénin septentrional. Les liens de parenté parfois très poussés

favorisaient une atmosphère d'entente et de collaboration entre ces

peuples d'origines nigérienne et béninoise, mais de civilisation

identique. Jusqu'en 1950, Malanville n'était cependant qu'un village de

500 à 600 habitants. Les premières maisons rappelaient les habitations

Peul : des cases rondes construites en paille. La forme rectangulaire

des habitations est apparue vers les années quarante avec l'arrivée

d’une autre vague d'étrangers, surtout les militaires et les cadres de

l'administration coloniale.

A. La ville et ses quartiers

Malanville est bâtie dans la plaine d'inondation du Niger, au

point de rupture de charge entre la route et le fleuve, sur un site

sablonneux gorgé d'eau par endroits en saison des pluies, ce qui

favorise le pullulement des moustiques en toutes saisons. Elle

s'allonge de part et d'autre de la route internationale Bénin-Niger sur

une distance de 2 km environ. A l'ouest de cet axe de circulation

principal, la ville s'étale largement de la bordure du fleuve jusqu'à la

zone de lotissement récent constituant la limite sud de l'agglomération

urbaine. C'est dans cette partie que sont installés la plupart des

services publics ; ainsi du nord au sud, on trouve le marché, le

commissariat de police, les bâtiments de l'AGB (Alimentation

Générale du Bénin), le bureau du district et la résidence du Chef de

district, le Service des Douanes. Plus en profondeur, en s'éloignant du

"goudron" sur quelques centaines de mètres, se trouvent les

établissements scolaires : l'école de base à proximité de laquelle se

dresse la maternité ; plus loin, c'est le collège d'enseignement moyen

général bâti dans la zone des nouveaux lotissements, ainsi que le

service du Centre d'Actions Régionale pour le Développement Rural

(CARDER).

Du côté opposé en venant de Bodjékali, la ville est moins

étendue : elle forme une bande étroite longeant la route internationale.

Du nord au sud, on y trouve aussi quelques services. Toujours en

partant du fleuve, après la grande place publique plantée d'arbres et

entourant le monument aux morts, se trouvent la poste, la pharmacie

Page 174: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

174

populaire, la salle de cinéma (OBECI). Encore plus loin, à cent mètres

environ de la route, se trouve le service vétérinaire.

Au total, Malanville a la forme d'un polygone irrégulier limité

au nord par le fleuve Niger, s'allongeant de part et d'autre de la route

internationale qui la divise en deux parties inégales, la partie

occidentale étant la plus étendue. On y compte cinq quartiers.

Les quartiers Wolo et Tassi-Zénon constituant le noyau

primitif, sont situés en bordure du fleuve et habités essentiellement par

les éleveurs Peul et les pêcheurs Dendi-Djerma qui en sont les

premiers habitants. C'est à partir de ces deux quartiers que Malanville

s'est développée, formant autour de ce premier noyau trois autres

quartiers : Wourohesso, Galiel et Tassi-Tédji.

Wourohesso est le troisième quartier autochtone après Wolo

et Tassi-Zénon. On y rencontre des originaires de la région, en

particulier les Dendi qui sont de loin les plus nombreux.

Galiel, Situé du côté est, à droite de la route internationale en

allant vers le Niger, est peuplé en grande partie de fonctionnaires ;

c'est là que l'administration coloniale avait installé des militaires et des

cadres coloniaux dans le souci d'assurer correctement la liaison entre

l'ancienne colonie du Dahomey et le Niger. Ce quartier a toujours

conservé ses vieilles prérogatives, en y ajoutant d'autres innovations

portant sur les petits métiers de service: bars, restaurants, boutiques,

etc.

Tassi-Tédji, nouveau quartier ayant été partiellement loti est

dominé par les commerçants étrangers, en particulier les Haoussa et

les Yoruba du Nigeria, auxquels s'ajoutent les populations du moyen

Bénin : Sabè, Idaïtcha et Mahi en particulier.

En parcourant ces différents quartiers, on est frappé par leur

caractère essentiellement rural et par la prépondérance de certains

groupes ethniques. Cette situation au niveau des quartiers traduit le

caractère récent du processus d'urbanisation, les nouveaux immigrants

n'étant pas entièrement intégrés. Cependant, cela témoigne du

dynamisme de ce processus dans la mesure où l'évolution urbaine n'est

pas seulement due à la simple croissance naturelle. Le caractère rural

de la ville se traduit par l'absence d'eau courante et d'électricité,

l'absence de plan d'urbanisme, etc.

Les maisons construites forment des îlots compacts entre

lesquels serpentent des sentiers qui ne sont accessibles qu'aux piétons

et aux cyclistes, ce qui rend difficile ou interdit parfois la circulation

en automobile.

Les Peul installés dans la zone périphérique habitent toujours

les cases rondes sans ouverture en dehors de l'unique porte d'entrée.

Elles sont faites de bois et couvertes de pailles.

Page 175: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

175

A côté de ces maisons d'habitation Peul se trouvent deux ou

trois greniers dans lesquels sont conservées les céréales, surtout le mil

pour la période de soudure. Cependant, dans les quartiers

administratifs tel que Galiel, et d'immigrants comme Tassi-Tédji,

l'habitat porte l'empreinte d'une évolution. Celle-ci concerne d'un côté

les constructions rectangulaires en terrasse apelées Sidjifia , de l'autre

sur des habitations au toit couvert de tôle ondulée.

Au moment du recensement administratif (1977), la commune

urbaine de Malanville, qui s'étend sur une superficie de 136 km2

environ comptait 11146 habitants répartis entre deux localités

suburbaines (Bodjékali et Koki groupant 2 148 personnes) et cinq

quartiers urbains avec 8 998 habitants : Wolo, Tassi-Zénon et

Wourohesso, qui constituent les premières zones habitées, groupent

tous trois environ 5 044 personnes. Tassi-Tédji compte environ 2 140

personnes. Galiel est le quartier le moins peuplé avec 1815 habitants.

Malanville est une petite ville cosmopolite : tous les groupes ethniques

du Bénin y sont représentés pour des activités diverses en particulier

le commerce et la pêche ; ainsi, les pêcheurs Popo installés à Galiel

constituent une petite colonie de 100 personnes environ.

Les groupes les plus importants sont les Djerma, 30 % de la

population urbaine totale ; les Dendi, 25 % les Haoussa, 15 %. Puis,

viennent les Peul (10 %), les Bariba (4 %) ; les Nagot, dont la plupart

sont de la région de Savè, représentent 6 %. Les Fons arrivés dans la

région pour exercer divers métiers (commerce, artisanat, etc.),

représentent 4 % de la population totale, les autres formant des

minorités dont la présence est à peine perceptible.

Bien que la population de la ville soit un mélange de plusieurs

groupes d'origines diverses, certains quartiers semblent avoir leur

personnalité marquée par la présence majoritaire de certains groupes

ethniques. Ainsi, Wourohesso est dominé par les Peul, Wolo est le

premier quartier des Dendi, Tassi-Tédji est habité à plus de 50 % par

les Haoussa et les Nagot. La population de Galiel est plus hétérogène,

avec cependant une forte population de Dendi et Haoussa.

Au total, avec le caractère cosmopolite de sa population ajouté

au développement du tertiaire, Malanville, ancien gros village, évolue

aujourd'hui vers une véritable agglomération urbaine. Grâce à sa

position de ville frontière, à son marché situé au carrefour des

communications fluviales et terrestres, les fonctions urbaines iront en

se développant. Elle est bien située par rapport à Parakou, grand nœud

ferroviaire et terrestre, chef-lieu de province situé à 317 km au sud; au

nord, au-delà du fleuve, la capitale du Niger, Niamey, est seulement à

302 km. Du côté nigérian, Sokoto, grand centre commercial en pays

Haoussa, est distant de 280 km Ainsi trois grands centres urbains

situés à des distances à peu près égales de Malanville, communiquent

Page 176: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

176

avec elle par des voies terrestres bitumées, ce qui la renforce dans son

rôle de marché à la fois national et international.

B. Le marché

Dans les sociétés africaines traditionnelles, le marché

constitue un lieu de rencontre et d'échange de produits agricoles,

volailles, bétail, etc. C'est dans cet esprit que le marché de Malanville

a été créé sous l'impulsion de l'administrateur français installé dans la

région vers 1919. Mais très tôt, au fur et à mesure qu'il prenait de

l'ampleur, il a été déplacé du bord du fleuve, son site initial, vers la

place publique en bordure du "goudron", en face de son emplacement

actuel. C'était essentiellement un marché local de vivres, céréales,

tubercules, poisson, bétail, etc. Il n'avait presque pas de rapport avec

les populations du Borgou-sud, mais les échanges se faisaient de part

et d'autre de la vallée du fleuve, avec les populations de Gaya. Avant

la construction du pont, la liaison avec le Niger se faisait à l'aide des

pirogues et des plate-formes placées sur le fleuve, ce qui n'était pas

bien commode pour un centre commercial à vocation internationale.

Déjà vers 1940, Malanville était devenue un centre important et

attirait les clients des régions lointaines du pays : Porto-Novo,

Cotonou, Abomey - Bohicon, etc. Avec la route internationale et

l'ouverture du pont sur le fleuve Niger en 1959, la liaison directe avec

la République du Niger et le Nigeria du nord s'est établie ; ainsi, très

vite, la facilité de circulation des biens et des personnes a fait de

Malanville un grand marché international pour le Borgou Nord.

La création de ce marché a totalement perturbé les anciens

rapports politico-adrninistratifs dans la vallée : elle a précipité le

déclin de Guéné et de Karimama, respectivement ancien siège de

l'administration coloniale et capitale du royaume Dendi. En effet, le

développement de Malanville a montré qu'il était plus commode de

régler tous les problèmes frontaliers entre l'ancienne colonie du

Dahomey et celle du Niger à partir du fleuve plutôt que de Guéné,

situé à 25 km plus au sud. Ainsi, Guéné perdit tout privilège lié à la

fonction administrative, en particulier le développement urbain.

Aujourd'hui, elle est reléguée au simple rang de commune rurale, dont

la population se vide au profit de Malanville.

La question qu'il faut tout de même se poser est celle de savoir

si cette promotion permettait à Karimama de retrouver ses anciennes

prérogatives. Actuellement cela est difficile à concevoir. La situation

d'enclavement de cette localité et de tout son arrière-pays administratif

apparaît comme un grand handicap, alors que Malanville jouit de sa

Page 177: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

177

position privilégiée sur les grands axes de communication la reliant à

Parakou, Niamey et Sokoto.

Le marché de Malanville a connu depuis sa création deux

périodes d'évolution.

De son origine jusqu'en 1979, les activités de ce centre

commercial s'effectuaient de part et d'autre de la route internationale,

depuis la résidence du chef de district jusqu'au Commissariat de police

vers la vallée du fleuve. Malanville se présentait alors comme un

marché-rue, sans infrastructures correctes pouvant garantir la

protection des marchandises et des personnes par temps de pluie. Les

commerçants s'installaient comme ils le pouvaient, de façon

anarchique, l'essentiel pour chacun étant de pouvoir bien vendre. Par

ailleurs, avec l'encombrement de la route par les commerçants

ambulants qui ne se préoccupent guère de la circulation des engins

motorisés et des automobiles, les accidents étaient fréquents. En se

tenant de cette façon dans la rue, le marché était devenu un lieu

d'insécurité pour la population et les nombreux clients. Pour prévenir

une aggravation de la situation, il fut décidé le transfert du marché de

son site initial à un nouvel emplacement l'opération devint effective en

janvier 1980.

En effet, en 1979, les autorités administratives de Malanville

ont mis à exécution le plan local d'aménagement du marché situé au

nord-ouest de la ville, sur le côté gauche de la route internationale

Bénin - Niger. Il s'étend le long du fleuve, formant presque un

rectangle qui occupe une superficie totale de deux hectares. Cette

place a été spécialement aménagée pour la construction en tôle

ondulée de 1 550 hangars de 9 m2. L'acquisition de ces parcelles de 3

x 3 m ne fit l'objet d'aucune convention. Il suffisait de faire une simple

demande verbale ; moyennant la modique somme de 2 000 francs

CFA, on était automatiquement inscrit sur la liste des acquéreurs

auprès du comité chargé de l'aménagement et de l'attribution des

places. A l'exception des lots réservés aux hangars de stockage, aucun

individu ne pouvait postuler plus de trois "carrés", quels que soient ses

moyens financiers. En fait, il s'agit d'une location plus que d'une réelle

vente. Cette dernière précaution permet à l'Etat de faire dégager à tout

moment les acquéreurs si besoin était ; elle a aussi l'avantage

d'empêcher toute spéculation sur la revente éventuelle des lots acquis.

C'est seulement après ces dispositions que le recasement fut opéré par

les responsables du District.

Les nouveaux bénéficiaires de ces lots peuvent les transformer

s'ils le désirent en un seul abri ou s'associer à plusieurs pour faire un

grand hangar ; c'est d'ailleurs cette formule qui a le plus séduit les

propriétaires de parcelles. Quoiqu'il en soit, chaque acquéreur était

tenu d'y construire un hangar solide en tôle ondulée, suivant le plan

Page 178: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

178

imposé par les autorités locales afin de donner au nouveau marché un

aspect homogène.

Ainsi, depuis décembre 1979, Malanville est dotée d'un

marché moderne qui ne souffre pas des défauts des installations

anarchiques en plein air qui caractérisaient l'ancien marché. Les

commerçants y sont répartis suivant la nature et l'importance de leurs

marchandises. La priorité est donnée aux vendeurs de tissus qui

occupent les premiers hangars à l'entrée est du marché. Ensuite

viennent les vendeurs de friperie, qui semblent être en permanence sur

les lieux continuant leur activité les jours ordinaires de la semaine. Le

troisième groupe aussi important est celui des vendeuses d'articles

émaillés : bols, récipients de toutes dimensions, casseroles,... et de

divers objets en matière plastique importés essentiellement du Nigeria.

Puis, vient l'immense zone des hangars mixtes sous lesquels se

côtoient vendeurs de sel et vendeurs de cigarettes, vendeurs de pièces

détachées pour cycles-cyclomoteurs et vendeurs de friperie ou

pharmacopée africaine, vendeurs de conserves et de sucre sur étalage

et vendeurs de gari au détail, etc. Plus en profondeur, non loin de la

zone d'inondation, à l'extrême bout du marché, c'est le rayon des

vendeurs de kolas importées des pays voisins de la zone des forêts

humides. Enfin, l'extrémité nord-est correspond au domaine des

produits vivriers ; c'est là que sont construits la plupart des magasins

de stockage.

Dans l'ensemble, malgré la grande liberté de mouvement entre

les vendeurs des divers produits qui se rencontrent çà et là, la

prédominance de certaines marchandises dans les endroits bien

déterminés sur l'aire du marché de distinguer plusieurs zones :

- la zone des produits vivriers ;

- la zone des tissus ;

- la zone des friperies ;

- la zone des émaillés ;

- la zone des divers et la zone des kolas.

Ce nouveau marché présente une structure très simple

facilitant son entretien et l'encadrement de la clientèle qui, pour le

moment, s'installe aisément. Cependant, tous les habitants de la ville

sont d'avis que ce nouveau lieu d'échange est moins dynamique que

l'ancien ; ils lient ce manque de dynamisme à cette nouvelle structure.

Effectivement elle pose un certain nombre de problèmes éloignement

de l'aire de parking toujours située dans la zone de l'ancien marché,

d'où difficulté pour les véhicules d'accéder aux nouveaux hangars ;

étroitesse des voies de circulation séparant les hangars à cet effet, il est

prévu seulement un axe principal de 6 m de large, et deux de trois

Page 179: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

179

mètres sur lesquels débouchent les allées secondaires de 3 m ;

l'attribution de 1 550 hangars à des locataires particuliers est un

facteur limitatif du nombre de la clientèle ; enfin, une bonne partie du

marché est dans une zone d'inondation en période de pluies, ce qui

limite encore les possibilités d'accueil du nouveau quartier.

Au-delà de ces remarques, il est incontestable que l'aire du

nouveau marché est plus importante que celle de l'ancien.

L'éparpillement de la clientèle sur cette superficie peut donner

l'illusion d'un manque de dynamisme. Quoiqu'il en soit, le nouveau

marché se trouve rejeté à l'extrême nord de la ville, bloqué contre le

fleuve Niger, alors que l'extension de la ville se fait du côté opposé.

Le plan d'aménagement de Malanville aurait dû tenir compte de cette

réalité pour orienter l'implantation du nouveau marché qui, finalement,

reste caché par les grands magasins longeant la route internationale

Bénin-Niger. Cette situation posera tôt ou tard avec l'accroissement de

la ville et de la clientèle, de sérieux problèmes au fonctionnement du

marché.

II. Le fonctionnement du marché

Il s'agit ici de mettre un accent sur les activités du marché : la

clientèle, les marchandises échangées et les divers services nés de la

présence de ce centre commercial.

A. La clientèle

Son appréciation correcte exige la mise au point de toute une

méthodologie. En effet, malgré l'abondance des études réalisées sur

les marchés traditionnels en Afrique, l'analyse de la clientèle a

toujours posé des problèmes aux différents chercheurs ; généralement,

on insiste très peu sur cet aspect, qui est pourtant un élément majeur

du dynamisme des centres commerciaux.

En ce qui concerne le marché de Malanville, nous avons tenté

de répondre à la question en utilisant quatre méthodes :

- Recensement direct de la clientèle sur le marché ;

- Dénombrement des véhicules sur le parking et

aux abords du marché ;

- Blocage des principales voies d'accès au marché à

l'aube ;

Page 180: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

180

- Comptage des souches de tickets vendus par la

société d'exploitation des marchés.

1. Recensement sur le marché

Cette méthode n'est finalement applicable que pour les

commerçants assis devant les étalages. Elle élimine le groupe des

acheteurs à cause de leurs déplacements incessants.

A partir de ce recensement, nous avons pu compter lors de la

première enquête du 1er au 15 septembre 1980, environ 550 vendeurs,

dont 345 pour les produits manufacturés et 205 pour les produits

vivriers et divers. A la deuxième sortie au mois de janvier 1981, cet

effectif est monté à 697 dont 345 pour les produits manufacturés et

352 pour les autres marchandises. Le recensement de l'effectif, à cette

période de l'année est lié à l'afflux des vendeurs d'oignons qui ont

particulièrement dominé le secteur agricole.

Au cours de la dernière enquête, environ 600 vendeurs étaient

dénombrés, dont près de 310 pour les produits manufacturés et le reste

pour le secteur agricole et divers. C'est toujours dans ce dernier

secteur qu'on enregistre des variations. C'est ainsi que lors de cette

dernière tournée, la kola représentait une part importante des produits

végétaux.

A partir de ces différentes observations, on peut dire que le

nombre des vendeurs qui exploitent le marché de Malanville est voisin

de 650. Le caractère peu changeant de ceux qui livrent les produits

manufacturés toujours exposés sous abri est en rapport direct avec le

mode d'attribution des parcelles, tel qu'il avait été défini plus haut. Par

contre, le changement périodique de ceux qui exposent les produits

d'origine agricole est lié au rythme climatique. Ceux-là n'ont guère

besoin d'abri permanent, et étalent pour la plupart leurs marchandises

en plein air ou le long des allées. 2. Dénombrement des véhicules sur le parking et aux abords

du marché

Cette démarche a aussi l'inconvénient de ne prendre en

considération que la clientèle étrangère. Néanmoins, il offre l'avantage

de mieux apprécier le rayonnement du centre commercial. Les

résultats obtenus au cours de nos différentes enquêtes sur le terrain ont

permis de déterminer la provenance des véhicules et l'origine des

clients.

Pour la journée du 6 septembre 1980, 80 véhicules

automobiles ont été recensés, dont 46 immatriculés au Bénin, 18 au

Niger, 17 au Nigeria, 4 au Togo et 5 en Haute-Volta. En dehors des

Page 181: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

181

véhicules automobiles, il a été compté 20 voiturettes tirées par une

paire de bœufs chacune et transportant entre quatre et six personnes,

25 pirogues motorisées, dont huit provenant du District de Karimama,

trois du Niger et quatorze du Nigeria ; chacune d'elles peut transporter

plus de 50 personnes. En outre, une bonne partie de la clientèle arrive

à dos de mulet ou à pied.

En considérant toutes les places offertes par ces divers

moyens de transport, on peut estimer que Malanville accueille plus de

3 000 personnes les jours de marché, mais ce nombre peut varier d'une

date à l'autre. Ainsi, le 3 janvier 1981, 125 véhicules ont été

dénombrés, venant d'horizons divers : 79 du Bénin, 20 du Niger, 18 du

Nigeria, 13 du Togo, 1 de Haute-Volta.

Cela suppose une affluence beaucoup plus importante en cette

période de l'année.

Par ailleurs, sur la base de véhicules qui servent de taxis-

brousses et dont le nombre de places est marqué sur les portières, on

peut estimer à 896 personnes l'effectif des passagers transportés par

les voitures d'immatriculation béninoise, 346 personnes l'effectif des

passagers transportés par les voitures d'origine nigérienne, 133

personnes en provenance du Nigeria, 23 du Togo, 52 de Haute-Volta,

soit un total de 1 450 passagers environ acheminés par les taxis vers le

marché. Or, nous savons très bien qu'en Afrique, les camions qui

servent au transport des marchandises prennent également des

passagers. Si on estime à 10 le nombre de ces passagers par véhicule,

le résultat serait nettement plus élevé, et on aurait environ : Bénin,

1066 personnes ; Niger, 396 ; Nigeria, 143 ; Togo, 143 ; Haute-Volta,

52. On en arrive ainsi à un effectif total de 1792 passagers acheminés

vers Malanville par ces 125 véhicules à raison d'un seul voyage.

Par ailleurs, les taxis-brousses assurant la liaison entre Kandi

et Malanville, Gaya et Malanville, Dosso et Malanville, etc.,

effectuent plusieurs voyages par séance de marché.

En dehors des véhicules automobiles, 102 voiturettes tirées

par une paire de bœufs chacune ont été également recensées en janvier

contre 20 au mois de septembre. Provenant toutes des communes de

Garou et de Tombouctou, elles transportent chacune entre 4 et 6

personnes. Si l'on considérait seulement le chiffre 4 multiplié par 102

(voiturettes), on obtiendrait 403 autres personnes qui pourraient

s'ajouter à l'effectif antérieur.

Toujours dans la série de ces moyens de transport, se trouvent

les pirogues. Au port fluvial de Malanville situé au quartier Galiel, il a

été dénombré pour la même séance du 3 janvier 1981, 37 grosses

pirogues à moteur dont 18 provenant du Nigeria, 3 du Niger, et 16 de

Karimama. Les propriétaires de ces pirogues ont affirmé qu'elles

peuvent transporter chacune au moins 40 personnes.

Page 182: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

182

Nous avons assisté au départ de trois d'entre-elles ; celles-là

ont transporté en moyenne 40 passagers, ce qui correspond d'ailleurs

au nombre de banquettes aménagées pour servir de siège. Sur cette

base, on peut estimer à 1 480 l'effectif des passagers qui arrivent à

Malanville le jour du marché par voie d'eau.

En fonction donc des véhicules automobiles, des voiturettes à

traction animale et des pirogues, Malanville accueillerait le jour du

marché environ 3 900 étrangers.

A cet effectif, il faudrait ajouter ceux qui arrivent par cycles,

cyclomoteurs, ainsi que les piétons. Sans exagération, pour cette

période de l'année (mois de janvier) et en se basant sur l'analyse des

différents moyens de transports, Malanville bénéficierait d'une

clientèle d'environ 4 000 personnes.

3. Blocage des principales voies d'accès au marché

Cette opération consiste à mettre une équipe d'enquêteurs à

l'entrée des principales routes et pistes conduisant à Malanville très tôt

à l'aube. Le rôle de ces enquêteurs est de procéder au recensement

systématique des véhicules et des personnes venant de divers horizons

pour la fréquentation du marché. Elle a été seulement tentée une fois

au mois de janvier 1981 à Malanville. En effet, il s'agit d'une

méthodologie extrêmement délicate, qui demande beaucoup de temps

; mais ses résultats sont de loin les plus significatifs : non seulement

cela permet un comptage direct de tous ceux qui arrivent au marché

(grâce au concours des agents de la douane), mais il permet aussi de

mieux cerner la nature et la provenance de toutes les marchandises

apportées. Le blocage opéré les 9 et 10 janvier 1981 a donné les

résultats suivants : 152 véhicules automobiles, 130 voiturettes à

traction animale, 2 335 passagers venant de toutes les directions.

Si l'on ajoute à ce chiffre l'effectif des passagers arrivés par

voie d'eau, estimé à 1 560 personnes, on aurait une clientèle d'environ

4 489 personnes arrivées à Malanville. Ce résultat confirme à peu de

chose près celui obtenu à partir des moyens de transport recensés au

cours de la même séance.

Somme toute, cette technique du blocage des routes permet

d'affirmer que le comptage des véhicules sur le parking et aux abords

du marché est une méthode valable pour l'appréciation de la clientèle

étrangère, en particulier dans le cas précis de Malanville dont la

vocation internationale prend nettement le pas sur le rôle régional. Dès

lors, suivant l'importance régionale, nationale ou internationale des

centres d'échanges traditionnels, on s'orienterait vers l'une ou l'autre

méthode.

Page 183: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

183

4. Comptage des souches de tickets vendus par la société

d'exploitation des marchés

Toujours pour vérifier la qualité des différentes démarches,

nous avons utilisé une dernière méthode qui consiste en un

dépouillement des souches de tickets vendus aux commerçants par la

Société d'Exploitation des marchés. Ces tickets vendus permettent en

fin de journée de savoir le nombre des marchands effectivement taxés

dans le compte de la Société. Cependant, des problèmes se posent

encore à ce niveau. En effet, si les vendeurs des produits manufacturés

payent une fois dans la journée pour leur place, la situation se

complique avec les commerçants en produits vivriers, taxés sur

chaque sac apporté au marché (par exemple, celui qui vient avec dix

sacs prend dix tickets). Pour contourner cette difficulté, il importe

d'exiger des agents de la Société d'Exploitation une enquête spéciale

les obligeant à uniformiser leur méthode. Ainsi, il leur a été demandé

de matérialiser chaque commerçant taxé par un trait sur papier libre ou

dans un carnet spécial. Le défaut de cette méthode est qu'elle

débouche uniquement sur une appréciation des vendeurs.

Le dépouillement des souches des tickets vendus au marché

du 24 mai 1981 a donné le résultat suivant : produits vivriers, 235

vendeurs ; produits manufacturés, 300 ; poisson, volailles, nattes et

divers, 86, soit au total 621 vendeurs. Ce résultat confirme à peu de

chose près celui du dénombrement direct effectué au cours de la même

mission. C'est donc dire que ces quatre méthodes d'approche sont

toutes valables. Elles permettent d'apprécier la situation de la clientèle

à chaque période de l'année. Ainsi, le marché de Malanville est le plus

animé à la saison sèche après les grandes récoltes. A cette période, on

peut estimer à 5 000 environ le nombre de ceux qui viennent d'ailleurs

participer à son animation. Il est moins fréquenté au début de la

campagne agricole ; entre avril et mai, on y compte environ 3 000

étrangers. Cependant, les produits ne sont jamais absents à Malanville

malgré les fluctuations de la clientèle.

B. Les produits commercialisés

Les produits vivriers tiennent une place importante, puis

viennent les textiles, les émaillés, les produits animaux et les divers.

1. Les produits agricoles

Ils sont exposés à l'extrémité nord-est du marché longeant la

vallée du fleuve devant une série de 22 hangars servant en même

Page 184: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

184

temps au stockage. La gamme de ces produits vivriers est longue ; par

ordre d'importance viennent l'igname, le sorgho, le maïs, l'oignon, le

piment, les dérivés du manioc comme le gari et le tapioca. Ensuite,

arrivent les fruits tropicaux dont la kola, les oranges, les bananes, les

produits maraîchers tels que le gombo, les pastèques, les courges, etc.

Ces produits viennent parfois de très loin, et une partie de la

commercialisation est assurée directement par les producteurs ; mais

la grande majorité de ceux qui se livrent au commerce de ces produits

jouent plutôt le rôle d'intermédiaires entre producteurs et

consommateurs venus d'horizons divers (Niger, Nigeria, Bénin...). Ces

commerçants connaissent les variations des prix d'une région à l'autre

et d'une saison à l'autre au cours de l'année, ce qui leur permet de

réaliser de très bonnes affaires, surtout lorsqu'ils disposent de stocks

importants en période de soudure.

a- Les tubercules

L'igname occupe une place importante dans la gamme des

produits vivriers exposés sur le marché, principalement aux mois de

septembre-octobre, période correspondant à la grande récolte. Plante

annuelle, l'igname apparaît aux mois de juin-juillet, mais la grande

période de commercialisation au marché de Malanville pour ces

nouveaux tubercules se situe en août, septembre et octobre. Les grands

producteurs sont les Bariba et les populations de l'Atacora sud; ainsi

l'igname vient des régions de Parakou, N'dali, Nikki, Djougou... La

vente est assurée par ces mêmes populations ; elle se fait généralement

en détail par tas de 3, 6, 12, 24 tubercules, dont le prix peut varier

entre 200 F, 600 F, 1 200 F et 2 400 F CFA suivant la grosseur et la

variété des morceaux. La vente en gros se fait par sacs de 100 à 150

kg à raison de 6 à 8 000 francs le sac. Les acheteurs privilégiés de

l'igname sont surtout les Nigériens.

Le manioc est commercialisé sous forme de farine (gari) ; en

période de pluies, il est moins important que l'igname. Le gari ne

constitue pas l'alimentation fondamentale des populations du nord. Il

semble transiter en grande partie par Malanville avant d'atteindre les

villes du Niger méridional, où vivent de fortes colonies béninoises,

consommatrices de farine de manioc.

Le gari provient principalement de la province du Zou les

districts ruraux de Savalou, Dassa-Zoumé, Savè et Ouèssè en sont les

grands fournisseurs sur le marché. C'est surtout en saison sèche qu'il

est le plus commercialisé ; en effet c'est un produit très délicat, qui

craint l'humidité et la pluie. Il se présente comme un plat cuisiné qui

se prend directement délayé à l'eau sucrée, à l'huile ou à la sauce ;

mélangé au riz ou au haricot cuit, il constitue un excellent plat de

Page 185: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

185

résistance apprécié des ouvriers et des travailleurs déployant un grand

effort physique. Le gari est vendu dans des sacs de 50 kg et de 100 kg,

dont le prix varie entre 5 000 francs et 10 000 francs CFA en période

normale ; pendant la période de soudure, le prix monte avec la pénurie

des vivres.

b- Les céréales

Le mil est la céréale par excellence du Borgou-Nord,

caractérisé par un climat tropical de type soudano-sahélien. La hauteur

des précipitations ne dépasse guère 900 mm au cours de l'année. On

en distingue deux variétés : le sorgho et le petit mil, vendus

généralement dans de grands sacs de 100 kg après avoir subi une

opération de décorticage au mortier. Le prix de vente en gros est

d'environ 6 000 F les 100 kg en période de pluies. L'achat se fait dans

les magasins de stockage auprès des hommes, mais par contre la vente

en détail est effectuée par des femmes à l'aide des mesures appropriées

récipients adjanjan chez les Fon. Au cours des années de sécheresse,

la production faiblit, l'approvisionnement devient difficile, ce qui

entraîne une augmentation importante des prix. En toute période, un

consensus se réalise entre les vendeurs qui fixent un prix plancher au-

dessous duquel personne ne saurait descendre, de peur d'entraîner une

grave dévaluation de la marchandise. Le mil, aliment de base de la

région, est consommé sous formes diverses : ledonnou chez les Peul

ou foura chez les Houssa-Djerma est une pâte épaisse que l'on

consomme aussi sous forme de bouillie chaude. La pâte dure qui

rappelle quelque peu celle de maïs et de cossette d'igname est

consommée à la sauce préparée avec divers ingrédients : viande ou

poisson, piment, tomate, oignon, gombo, etc.

Ainsi, la production locale de mil est orientée essentiellement

vers la consommation familiale, et il est difficile de déterminer la

quantité réservée à la commercialisation. Une bonne partie du mil

vendu à Malanville vient des régions de Kandi, Parakou, Sinendé,

Ségbannan.

Le maïs est aussi une céréale importante sur le marché : il

vient en deuxième position après le mil. La spécialité de la région de

Malanville, voire du Borgou, est le maïs jaune, dont la récolte se fait

une seule fois dans l'année, compte tenu de la durée des pluies qui ne

dépassent guère quatre mois. Comme le mil, il est consommé sous

plusieurs formes : séché et moulu, il est transformé en bouillie, en pâte

conditionnée sous forme de boules dans des feuilles vertes, c'est

l'akassa qui se conserve pendant plusieurs jours. Très souvent, le maïs

se consomme sous forme de pâte dure qui se prend à la sauce c'est le

repas quotidien chez les originaires du sud résidant à Malanville. C'est

Page 186: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

186

aussi un produit destiné essentiellement à la consommation familiale.

Ainsi des centaines de sacs de 100 kg livrés sur le marché proviennent

principalement des autres régions du pays : le maïs blanc provient des

provinces du Zou et du Mono, du District Rural de Dogbo en

particulier. Le maïs jaune vient du Borgou Sud et surtout de la région

de Kandi.

Malanville se caractérise par l'abondance des produits

vivriers, en particulier au mois de janvier qui correspond à la grande

récolte ; on note aussi une certaine spécialisation par saison :

prédominance de l'igname au mois de septembre, noix de néré et

dérivés de l'igname en janvier, sorgho et maïs au mois de mai qui

correspond à la période de soudure ; c'est à cette époque que le prix de

vente de ces différentes denrées est le plus élevé. L'abondance des

marchandises en janvier et le renchérissement des prix au mois de mai

se justifient aussi par la fermeture des frontières à l'exportation des

vivres, qui intervient périodiquement et de façon plus rigoureuse à la

soudure. Cela entraîne de temps en temps une situation de blocage qui

dure plusieurs mois, corrigée partiellement par une sortie clandestine

des denrées utilisant la voie d'eau. Cette situation suscite une

atmosphère de spéculation, très profitable aux commerçants bien

organisés.

c- Les produits maraîchers et autres denrées

En dehors des tubercules et des céréales qui sont les produits

de grande consommation, le marché de Malanville reçoit encore de

nombreuses denrées dominées par les produits maraîchers notamment

les légumes et les piments.

L'oignon est la spécialité de la région de Malanville ; il est

produit surtout dans les communes rurales de Garou et de Tomboutou.

Garou est située dans la plaine d'inondation comprise entre la Sota et

le Niger, Tomboutou entre l'Alibori et le Niger. En effet, l'oignon est

une plante délicate qui nécessite beaucoup de soins et un apport

constant d'eau. A Malanville, les vendeurs d'oignons en sont en même

temps les producteurs. Il n'y a donc pas d'intermédiaire avant la

livraison sur le marché. Il est acheté essentiellement par des

commerçants béninois venus de toutes les régions, ainsi que par des

commerçants togolais. Le transport des régions productrices au

marché se fait par des charrettes tirées par une paire de bœufs. La

plupart des producteurs-vendeurs d'oignons sont Dendi, généralement

des hommes qui se font aider par les membres de leur famille. La

vente de ce produit procure aux paysans les revenus importants qui

leur permettent de s'acheter des outils modernes (moto-pompes)

facilitant l'arrosage des pépinières et des jardins bien enclos. La vente

Page 187: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

187

en gros ou en détail se fait en plein air. Le revenu procuré par l'oignon

peut atteindre 500 000 F. CFA pour un paysan au cours d'une année de

bonne récolte. La commune de Garou est la première région

productrice d'oignons, dont les paysans tirent de grands profits ; toutes

leurs maisons sont couvertes en tôle ondulée, ce qui constitue un signe

extérieur de richesse.

Le village de Koki a abandonné la culture du coton dont la

vente est moins rentable que celle de l'oignon. Ce condiment, dont la

consommation s'étend au-delà des frontières nationales, se vend très

bien, ce qui décourage toute activité de coopérative dans le sens du

développement des cultures d'exportation. L'essentiel pour les

villageois est de pouvoir améliorer leur condition de vie avec un

revenu monétaire important.

En dehors de ce condiment essentiel, il faudrait signaler le

piment, le sel et la potasse, dont l'importance n'est pas négligeable sur

le marché, ainsi que les légumes verts et les huiles végétales.

d- La kola

Celle-ci occupe la partie sud-ouest du marché correspondant à

la zone d'aménagement encore inachevée, où les eaux stagnent en

période de pluies. Il s'agit d'une aire de quatre rangées de hangars

correspondant à 98 lots de 9 m². A la différence des autres, ces

hangars sont faits de séko et couverts de chaume. Ces précautions

tiennent compte des conditions de conservation de ce produit très

sensible à la sécheresse. Ainsi, pour conserver le maximum d'humidité

sous ces hangars, le sol est quotidiennement arrosé et les sacs de kola

périodiquement mouillés dans la journée. On y compte environ 300

sacs, dont le poids varie entre 70 et 10 kg selon la grosseur et la nature

des noix (la kola rouge est plus lourde que la jaune). La kola vient

essentiellement du secteur de Palimé et Badou au Togo ; elle arrive à

Malanville suivant l'itinéraire Palimé-Atakpamé, Sokodé, Kétao,

Djougou, Parakou, Malanville.

Environ 35 vendeurs contrôlent ce commerce ; ils sont en

grande majorité de l'ethnie Kotokoli, et assistés de quelques Dendi de

Djougou et Haoussa du Niger. Ces vendeurs ont des fournisseurs

installés au Ghana, généralement des parents ayant quitté le Bénin

depuis quelques années, et qui ont établi des circuits discrets pour

l'expédition des noix de kola jusqu'aux vendeurs de Malanville,

puisque aucune autorisation officielle n'est accordée pour l'exportation

de ce produit très demandé par les populations africaines. Ainsi la kola

se vend très cher en gros dans des paniers, ou en demi-gros par tas de

quarante noix ; la vente au détail se fait souvent à la criée par les

femmes, lorsqu'elles n ont plus d'autres produits sur leur étalage. La

Page 188: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

188

kola appelée aussi Goro en langue du pays, semble se substituer à la

bière de mil ou de maïs chez les peuples pratiquant la religion

musulmane qui interdit toute consommation d'alcool. C'est un produit

très délicat, qui demande des soins particuliers : il ne se conserve qu'à

l'abri des feuilles vertes et épaisses (feuilles de banane ou de teck en

particulier), qui doivent être renouvelées périodiquement afin d'éviter

la déshydratation des noix. Si toutes ces conditions sont remplies, les

noix se conservent juSqu'à plusieurs semaines. La vente de Goro est

un commerce très rémunérateur, et ceux qui se livrent à cette activité

comptent parmi les plus fortunés, quand le circuit n'est pas interrompu

entre les clients béninois et les fournisseurs du Ghana. Ceux-ci livrent

de préférence le produit en gros aux commerçants Haoussa et Dendi

originaires de Malanville, du Niger et du Nigeria; ce sont des

intermédiaires, en majorité des hommes, richement habillés, ce qui

montre que ce sont eux qui tirent le meilleur profit de ce commerce.

Ils achètent le sac entre 15 000 et 30 000 F et le revendent sur place à

des détaillants au prix de 700 F à 1100 F la calebasse, mesure standard

correspondant à 100 noix de kola. Un sac en contient généralement

40, sur la base de 15 000 F le sac à l'achat et de 700 F la calebasse à la

vente, la marge bénéficiaire serait de: 28 000 (700 F x 40) - 15 000 F.

= 13 000 F. par sac. Ce bénéfice paraît assez important, si l'on tient

compte du fait qu'ils traitent sur place, sans fournir un grand effort.

Les détaillants sont à la fois des jeunes gens de moins de 30

ans et des femmes au contraire assez âgées. Tous exposent les noix sur

étalage au marché, le long des routes ; la kola est vendue à l'unité, à

raison de 10,15 ou 25 F, suivant la qualité et la grosseur.

2. Les produits d'élevage et de la pêche

a- La viande

Malanville est située dans une grande région d'échange entre

agriculteurs Dendi-Djenna et éleveurs Peul, grands consommateurs de

céréales. Les Peul vendent leurs animaux aux sédentaires et

fournissent ainsi la viande de boucherie livrée sur le marché. Il s'agit

surtout de bovins et d'ovins, dont une partie est exportée sur pied

jusqu'à Cotonou. Les sédentaires agriculteurs ou commerçants Dendi,

Djerma ou Haoussa, possèdent aussi des animaux, surtout les bovins

qu'ils confient aux Peul. Le District rural de Malanville compte

environ 5 000 bovins, 12 000 ovins et caprins ; les volailles sont

estimées à plus de 16 000. On distingue plusieurs races de bœufs dans

la région : la race Brorodji, qui comprend les zébus venus du Niger et

du Nigeria; les Djali, qui viennent du Burkina Faso et du Niger; les

Kiwali, appelés aussi Bounali, qui dérivent du croisement de la race

Page 189: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

189

Borgou et de zébus du Niger. Les croisements s'opèrent au cours des

transhumances.

Les ovins comprennent aussi plusieurs races : les Oudali

viennent du Niger et du Nigeria; les Doulodji qui présentent une robe

grise ; ils sont de grande taille et viennent aussi du Niger ; les

Kambadii blancs grisâtres, sont de petite taille.

Ils sont élevés par des Peul et suivent les troupeaux de bœufs

dans leurs déplacements.

Les caprins comprennent deux espèces, qu'on distingue par

leur taille. Les grandes chèvres viennent du Niger, les petites sont

d'origine béninoise.

Les bovins donnent non seulement la viande de boucherie,

mais ils sont aussi utilisés pour le transport et la culture attelée après

dressage, surtout les "Djali" et les "Kiwali" à cause de leur résistance.

Ainsi, le District rural de Malanville offre des possibilités

élevées dans le domaine animal. Mais le marché de la viande est

organisé ici de façon particulière. L'éleveur Peul ne livre jamais

directement son animal à la consommation : il existe toujours des

intermédiaires et des bouchers professionnels. Ceux-ci vendent la

viande fraîche aux populations et le prix au kilo est fixé actuellement

sur le marché en fonction du prix d'achat de la bête sur pied et aussi en

fonction de la demande. Les autorités locales interviennent de temps à

autre pour éviter la hausse excessive des prix. Comme partout ailleurs,

la consommation de viande se fait de plusieurs manières : des

particuliers peuvent abattre eux-mêmes un ou plusieurs animaux

(bœufs, moutons), uniquement pour la consommation domestique

avec des invités lors des cérémonies coutumières. Mais la viande est

généralement achetée au détail chez les bouchers professionnels. La

plupart de ceux qui pratiquent ce métier sont des Haoussa, Dendi,

Bariba, etc. Ils achètent des bêtes sur pied, les abattent, en découpent

la viande en morceaux suivant les possibilités financières des clients,

la font rôtir ou fumer sous diverses formes pour la vente, surtout

quand il s'agit de la viande de mouton. Ainsi, dans l'angle est du

nouveau marché, du côté du magasin de l’A.G.B (Alimentation

Générale du Bénin), la présence des vendeurs de viande est signalée

de loin par une fumée blanche sortant lentement des foyers allumés en

plein air, d'où se dégage une odeur alléchante de viande bien cuite,

prête à la consommation. "Beefteacks" vraiment populaires à la portée

de toutes les bourses, les morceaux de viande découpée en tranches de

25 F, de 50 F et de 100 F CFA attirent de nombreux clients : chacun

se fait servir dans des feuilles vertes ou dans des morceaux de sacs de

ciment récupérés, le piment en poudre et quelquefois un peu d'huile

étant fournis gratuitement par le rôtisseur.

Page 190: TROISIEME PARTIE : LES FORMES D’ORGANISATION SPATIALE

190

Les bouchers bénéficient au marché de Malanville d'une

clientèle constante, ce qui s'explique par la présence de nombreux

commerçants, de salariés ayant un niveau de vie relativement élevé et

stable. il est rare que ces bouchers souffrent du manque de clients et

du problème de la mévente lorsqu'ils abattent deux ou trois bœufs un

jour de marché, la demande étant généralement supérieure à l'offre.

Pour un étranger qui est de passage à Malanville, il est recommandé

qu'il se confie à un agent du service d'élevage (un vétérinaire) un ou

plusieurs jours à l'avance, s'il désire retourner chez lui avec quelques

kilogrammes de viande ; en effet, l'abattoir public est contrôlé par un

service vétérinaire qui autorise la vente des animaux abattus.

Dans ce domaine précis, on compte en moyenne le jour du

marché 65 moutons, 43 cabris et 79 bœufs provenant de Karimama,

Garou, Bodjékali, Tomboutou, etc. Ces animaux viennent directement

des zones d'élevage sans transiter par des intermédiaires qui achètent

le bétail en gros et le revendent aussitôt sur place en détail. Il existe

aussi des démarcheurs entre propriétaires et acheteurs : leur

intervention provoque un certain renchérissement du prix d'achat.

Ainsi un cabri sur pied pesant 40 kg peut monter de 1 250 F à 7 750 F

CFA dans la journée ; le prix d'un bœuf de 100 à 150 kg peut passer

de 35 000 F à 85 000 F CFA.

La clientèle vient surtout du Borgou Sud (Parakou-

Tchaourou) et de la côte. Elle s'approvisionne à Malanville pour le

ravitaillement des principales villes du Bénin.

b- Le poisson

Tout comme l'élevage, la pêche occupe une place importante

dans le ravitaillement du marché de Malanville.

Les pêcheurs Dendi et Popo livrent l'essentiel de leurs

produits sous forme de poisson fumé, conditionné dans des paniers qui

arrivent au marché par voie fluviale. Le poisson vient surtout du

secteur de Karimama et est fourni par les villages de Moussey et du

Mekrou. Le prix du panier varie de 10 000 à 30 000 F CFA suivant le

poids. Les clients viennent du Nigeria, du sud Borgou et du Zou-Nord.

Comme dans tous les marchés traditionnels, on trouve également des

produits manufacturés : tissus, chaussures, émaillés, etc. Mais

Malanville apparaît comme un grand marché international, largement

dominé par les produits vivriers.

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191

III. Impact du marché de Malanville sur son

environnement géographique

Malanville s'impose comme le marché le plus important de la

Province du Borgou, exerçant une force prépondérante dans la région

septentrionale du Bénin. Son influence se manifeste de plusieurs

manières.

La présence de ce marché a contribué au développement d'une

série de petits métiers qui donnent à cette agglomération l'allure d'un

véritable centre urbain. L'importance de ces petits métiers a des

conséquences évidentes sur la situation de la main-d’œuvre agricole

de la région. Dans le même ordre d'idée, le marché participe de façon

substantielle à l'amélioration des recettes fiscales de la commune

urbaine. il modifie le rythme des activités agricoles tout en contribuant

largement à l'amélioration du niveau de vie des populations rurales.

En dehors du rôle des petits métiers dans la situation de la

main-d’œuvre, Malanville est devenue un important centre d'accueil

dans le cadre de l'exode rural qui affecte certaines communes des

districts avoisinants et la migration étrangère concernant les Etats

limitrophes.

A. Les petits services nés de la présence

du marché

Ce secteur englobe les diverses activités de la ville nées de la

présence du marché. Il s'agit des boutiques, des bars-restaurants et du

groupe des artisans.

Les boutiques, au nombre de 8, sont situées en bordure est et

ouest du marché, à droite de la route inter-Etats Bénin-Niger. Elles

appartiennent à des propriétaires étrangers à la région, pour la plupart

originaires des Provinces de 1’Ouémé et du Zou. En dehors de

l'A.G.B. et peut-être de l'EBENIG, il s'agit de tous petits

établissements à caractère familial dont le chiffre d'affaires ne dépasse

guère un million de francs CFA. Les propriétaires sont en même

temps vendeurs et se font aider soit par leur femme, soit par leurs

enfants.

L'approvisionnement de tous ces établissements se fait chez

les grossistes de Parakou ou de Cotonou.

Les petits bars et restaurants sont situés dans le même secteur

que les boutiques et appartiennent aux étrangers ; leur gestion est

assurée par les femmes, généralement épouses des propriétaires de

boutiques. En dehors de ces bars et restaurants, il existe plusieurs

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192

stations de plats-cuisinés en plein air tenues par les femmes Fon,

Yoruba et Mina, qui connaissent une activité exceptionnelle les jours

de marché. Certaines se sont spécialisées exclusivement dans la

préparation d'une seule nourriture, la pâte de maïs ou l'igname pilée

prise à la sauce de tomate avec de la viande ou du poisson ; d'autres

beaucoup plus polyvalentes se livrent à la vente de plusieurs mets.

Ainsi chez une même femme Fon, Mina ou Yoruba, le client peut faire

plusieurs choix et demander à côté du riz, du macaroni, de la pâte de

maïs ou des cossettes d'igname, un plat supplémentaire de salade bien

garnie avec oeufs durs, oignons et tomates fraîches. Autour du marché

et le long de la route internationale, on peut compter à Malanville une

dizaine de femmes dont la profession est fondée essentiellement sur

cet art culinaire qui leur assure de gros profits. On a l'impression que

certaines femmes se sont installées spécialement dans la ville pour ce

type de commerce.

Hormis ces spécialités de plats cuisinés, on compte un grand

nombre de jeunes filles, vendeuses ambulantes circulant dans toutes

les directions, avec des galettes d'arachide, des beignets d'igname, de

haricot, diverses friandises qu'elles présentent à la criée aux clients.

De temps à autre, elles s'arrêtent pour offrir leurs produits à quelques

passants dont la bourse n'autorise que l'achat de deux à quatre

morceaux.

Le jour du marché, on compte environ 40 personnes

s'occupant à des activités artisanales : ce sont généralement des

autochtones. Ainsi les Haoussa dominent dans la fabrication et

réparation des chaussures, dans l'exercice du métier de tailleur.

Dans l'ensemble, les petits métiers occupent à Malanville

environ 300 personnes d'origines diverses. A la différence de la

grande clientèle qui arrive périodiquement, on peut considérer cette

catégorie de personnes comme constituée de sédentaires. Il s'agit des

tailleurs, horlogers, coiffeurs, fabricants de tamis, etc.

C'est dans ce secteur des petits métiers que se rencontrent les

autochtones, pour la plupart issus de l’exode rural. En effet, autour du

chef d'atelier, gravitent des apprentis dont le nombre varie de 3 à 5

selon l'importance de l'atelier. Ces jeunes apprentis proviennent en

général de la main-d’œuvre agricole à cause des avantages offerts par

le marché.

B. Le marché et les recettes fiscales

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193

Il existe plusieurs taxes que les autorités administratives

perçoivent à partir de la tenue du marché : les droits de la SEMAB,

droit de stationnement et de chargement de véhicules.

Pour l'administration locale et pour l'Etat, le marché de

Malanville est donc un élément très important favorisant l'entrée

régulière des recettes fiscales.

D'abord, la SEMAB (Société d'Exploitation des Marchés du

Borgou) y a installé ses agents depuis le mois d'avril 1979. Elle a créé

de nouvelles taxes : taxe de place, taxe de stationnement, taxe

d'abattage. La taxe de place est perçue auprès des commerçants

installés, suivant l'importance de leur étalage et des produits qu'ils

vendent : elle varie entre 10 F et 100 F CFA par jour ; la taxe

d'abattage est perçue chez les bouchers avec le concours des agents du

service vétérinaire. La SEMAB perçoit 50F par tête de caprin abattu et

100 F par tête de bœuf.

Quand le marché est très animé, les recettes montent jusqu'à

150 000 F par marché ; pendant la "morte saison", elles varient entre

60 000 F et 80 000 F. En effet, le marché de Malanville connaît sa

grande période d'animation aux mois de septembre-octobre-novembre

correspondant à la grande période des récoltes. Les mois de juin,

juillet, août correspondent à la "morte-saison".

Ainsi, du mois d'avril au mois de novembre 1979, la SEMAB

avait réalisé une recette de 3.736.457 F. CFA. De novembre 1979 au

mois de juin 1980, soit en huit mois, elle a réalisé des recettes totales

de 7.063.030 F.

Le droit de stationnement est perçu auprès des transporteurs

ou conducteurs de véhicules automobiles; le taux varie de 200 F à

400F suivant les distances.

En dehors des droits perçus par la SEMAB, qui en verse 66 %

à la Province, le District de Malanville a institué d'autres taxes fondées

sur les activités du marché pour renforcer son budget. La taxe de

chargement de véhicule est perçue chez les transporteurs suivant le

tonnage embarqué. Elle est de 2 000 F pour les véhicules de 1 à 10

tonnes, et de 3 000 F pour les chargements de plus de 20 tonnes. Les

amendes forfaitaires sont perçues par les gendarmes et les policiers sur

les infractions. Des taxes sont aussi perçues sur le stationnement des

pirogues au port fluvial de Galiel : 100F à 300F suivant les

chargements. Les jours de marché, on compte régulièrement 25 à 30

pirogues motorisées appartenant aux exploitants béninois, nigériens et

nigérians.

Par ailleurs, en dehors de ces petites taxes, le poste douanier

de Malanville réalise des recettes importantes sur les marchandises à

l'entrée et à la sortie de la ville, suivant la nature et l'importance de

celles-ci. En 1979 par exemple, pour une valeur globale de 31 055 000

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F. de diverses marchandises à l'importation, les droits de douane ont

été de 6 839 684 F. A l'exportation, pour une valeur totale de 323 089

236 F, le droit perçu a été de 7 180 800 F, soit une recette douanière

globale de 14 020 484 F. Ainsi, de façon directe ou indirecte, le

marché profite à tout le monde.

C. Marché et problème de la main

d’œuvre agricole

Les marchés de la vallée du Niger en général, et en particulier

celui de Malanville, exercent une certaine attraction sur les

populations environnantes et diminuent de ce fait le phénomène

d'émigration en direction des pays limitrophes. Ainsi, une bonne partie

de la population active en milieu rural est déviée vers le centre

commercial où elle se livre à des activités diverses : tireurs de

"pousse-pousse", conducteurs de charrettes à traction animale, petits

métiers urbains, etc.

Les "pousse-pousse" jouent un rôle important au marché de

Malanville pour plusieurs raisons : absence de taxi-ville, grande

distance séparant l'aire de stationnement automobile des différentes

zones de marchandises sur l'aire du marché, etc.

Il s'agit d'une charrette reposant sur deux roues de

cyclomoteur et munie d'un ou de deux manches métalliques de 40 cm

environ, utilisée pour le transport des marchandises. Ces "pousse-

pousse" assurent la liaison entre le marché et les différents quartiers

d'une part, entre le parking et l'aire d'exposition des marchandises

d'autre part.

L'étude des tireurs de pousse-pousse est d'autant plus

intéressante qu'il s'agit de gens pouvant constituer une main-d’œuvre

agricole très appréciable. Les activités du marché leur offrent des

débouchés qui empêchent leur insertion totale dans la vie rurale, et en

particulier dans les programmes d'aménagement,

Lors des différentes missions à Malanville, il a été recensé en

septembre 1980, 82 jeunes tireurs de "pousse-pousse" ; en janvier

1981, 212 ; en mai 1981, 114. Ils jouent un grand rôle dans le

transport des marchandises les jours du marché. Tous travaillent soit

pour le compte d'un patron, soit à leur propre compte. Lorsqu'ils sont

au service d'un patron, ils perçoivent un salaire mensuel dont le

montant varie en fonction des recettes réalisées au cours du mois.

Installés à leur compte, ils louent des charrettes appartenant

généralement aux commerçants de la place, à certains agents de l'Etat,

ou aux artisans ayant fait quelques économies. Le taux de location se

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situe entre 1 000 F et 1 800 F suivant l'état des engins : les plus vieux

sont loués 1 500 F et parfois 1 000 F, les plus neufs 1 800 F.

Généralement, chaque conducteur peut transporter un à trois sacs de

100 kg, ainsi que diverses marchandises pondéreuses.

Le tarif appliqué varie suivant les distances à parcourir, la

quantité et le poids des objets à transporter : un sac de mais, de mil ou

de cossettes d'igname rapporte 100 F en moyenne. Il est courant de

voir le même jeune homme transporter à la fois trois sacs, qui lui

rapportent 300 F en un voyage; la plupart de ces jeunes gens

effectuent plus de dix voyages dans la journée : cela revient à dire que

ce genre de métier procure de substantiels revenus.

Cette activité peut être considérée comme un travail

occasionnel qui mobilise surtout les jeunes gens, en grande partie de la

République du Niger, pour se faire de l'argent au marché de

Malanville. Il s'agit surtout des Djerma venus de Gaya, Dosso et Birni.

Certains sont installés à Malanville depuis des mois, d'autres y

arrivent seulement la veille du marché. Tous déclarent avoir d’autres

activités en dehors du jour de marché. A cet effet, on peut faire trois

distinctions :

D'abord, la grande majorité d'entre eux vont aux champs. Les

autres jours de la semaine, labourer ou sarcler, soit pour chercher le

bois de chauffage qu'ils vendent aux femmes, surtout aux vendeuses

de plats cuisinés. Dans cette catégorie, beaucoup abandonnent leur

activité hebdomadaire sur le marché, pour rejoindre les champs en

saison des pluies.

La deuxième catégorie est constituée par les jeunes résidant en

permanence à Malanville. Ils ne s'intéressent guère aux travaux

agricoles. Du lundi au samedi, ils font le petit commerce de rue,

exposant divers objets sur des tablettes en bois blanc ; on y trouve

quelques boîtes de conserve, des cigarettes au détail, des boîtes

d'allumettes, du sucre... Ils rentabilisent ainsi sans grande peine le

bénéfice issu de l'effort du dernier week-end sur le marché.

Le dernier groupe est celui des élèves de l'école coranique qui,

en dehors des études, viennent exploiter le marché pour le compte de

leur maître.

Quel que soit le métier exercé au cours de la semaine, tous ces

jeunes gens sont attachés à leur liberté, ce qui leur permet de tirer

meilleur profit du marché qui, à coup sûr, leur rapporte plus d'argent

que s'ils étaient à plein temps au service d'un employeur.

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Cette situation laisse donc entrevoir une certaine difficulté de

recrutement de main-d’œuvre agricole, et aussi un renchérissement

éventuel de celle-ci lors d'un programme d'aménagement sera mis en

oeuvre.

En plus des hommes, le marché "dévie" aussi les animaux des

activités agricoles. il s'agit des bœufs utilisés dans la culture attelée et

spécialement dressés pour le transport des personnes et des

marchandises vers le marché. Ainsi, les jours de marché, dès le petit

matin, on voit défiler sur les grandes artères menant vers le centre

commercial, des voiturettes à traction animale dont le nombre varie

d'une saison à une autre : septembre 1980, 30 en moyenne ; janvier

1981 : 130 ; mai 1981, 0. Ces voiturettes sont tirées chacune par une

paire de bœufs guidée par un jeune paysan Dendi, Djerma ou Bariba.

Ce dernier moyen de transport constitue donc un autre prélèvement

momentané de la force de production en milieu rural.

CONCLUSION

Malanville est ainsi un marché international largement dominé

par les produits vivriers. Les produits manufacturés occupent une

place secondaire compte tenu du caractère local de leur demande. Les

denrées vivrières font l'objet de transactions importantes : ainsi,

l'oignon et l'ail sont orientés vers le Bénin méridional, le Togo et le

Ghana, en contre-partie des oranges et de la kola qu'ils expédient vers

ce Centre commercial; les tubercules et les céréales sont envoyés vers

le Niger et le Nigeria en échange des haricots.

Dès lors, on peut affirmer que Malanville joue un rôle de

grenier à la porte du Sahel ; son ravitaillement vient de très loin. Il

exerce de ce fait une grande influence sur les localités environnantes

de la vallée du Niger. Cependant, les autres communes rurales de cette

région ont leur personnalité, et s'affirment par leurs productions

agricoles et l'organisation des échanges à une échelle purement locale.

Ainsi, en dehors de Malanville, la région du fleuve compte plusieurs

marchés ruraux dont les plus importants sont Kantro, Garou et

Karimama.

L'importance des activités économiques entretenues par

Malanville explique le caractère assez stable de la population, qui n'est

guère affectée par l'exode rural, phénomène qui caractérise la plupart

des campagnes béninoises dont les éléments les plus dynamiques

s'expatrient momentanément vers les pays voisins.