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Tuberculose pulmonaire de l’adulte Pulmonary tuberculosis in adults M.-C. Dombret Hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75877 Paris cedex 18, France MOTS CLÉS Mycobacterium tuberculosis ; Tuberculose multirésistante ; Chimioprophylaxie ; VIH ; BCG KEYWORDS Mycobacterium tuberculosis; Multidrug resistant tuberculosis; Chemo-prophylaxis; HIV; BCG Résumé La tuberculose est une maladie infectieuse à transmission interhumaine liée à Mycobacterium tuberculosis ; 33 % de la population du globe est infectée par ce bacille avec une mortalité qui touche 3 millions de sujets par an. Une minorité de patients infectés vont développer une tuberculose maladie. Le traitement est bien codifié mais repose sur un nombre limité d’antibiotiques actifs. C’est pourquoi le traitement doit être rigoureusement suivi afin d’éviter l’émergence de bacille résistant. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Tuberculosis is an infectious disease caused by Mycobacterium tuberculosis. Mycobacterium tuberculosis infects 2 billion persons worldwide; the related mortality is of 3 million persons/ year. Nevertheless, few of the people who are infected by Mycobacterium tuberculosis will develop the tuberculosis disease. Therapy is well defi- ned but close follow-up is needed in order to prevent the emergence of resistant bacillus. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Introduction La tuberculose est une maladie infectieuse à trans- mission interhumaine liée à Mycobacterium tuber- culosis (bacille de Koch, BK). L’homme est le seul réservoir de la maladie qui se transmet à partir d’un sujet contagieux à un sujet indemne. Le poumon est la localisation la plus fréquente de la tubercu- lose : atteinte isolée dans 80 % des cas, ou associée à une atteinte extrapulmonaire dans 10 % des cas. Épidémiologie La tuberculose est une maladie en expansion dans le monde alors qu’elle régresse dans les pays occi- dentaux. On estime à 8,4 millions les nouveaux cas de tuberculose dans le monde en 1999 contre 8 mil- lions en 1997. Cette évolution est liée à l’augmen- tation des cas dans les pays d’Afrique les plus touchés par l’épidémie du virus de l’immunodéfi- cience humaine (VIH). 1 Si la tendance actuelle se confirme, ce sont 10,2 millions de nouveaux cas qu’il faudra déplorer en 2005 et c’est l’Afrique qui rendra compte du plus grand nombre de cas alors que dans les pays industrialisés, la diminution de- vrait être de 2 à 3 % par an. Trente-trois pour cent de la population du globe est vraisemblablement infectée par Mycobacterium tuberculosis, ce chiffre correspondant à la popula- tion présentant une intradermoréaction positive à la tuberculine. L’Inde, la Chine, l’Indonésie sont les pays où le nombre de cas est le plus important. Mais l’inci- dence annuelle est de 1 à 2 % en Asie contre 1,5 à 2,5 % en Afrique, alors qu’elle est inférieure à 0,1 % Adresse e-mail : [email protected] (M.-C. Dombret). EMC-Médecine 1 (2004) 406–416 www.elsevier.com/locate/emcmed © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcmed.2004.03.005

Tuberculose pulmonaire de l'adulte

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Tuberculose pulmonaire de l’adulte

Pulmonary tuberculosis in adults

M.-C. DombretHôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75877 Paris cedex 18, France

MOTS CLÉSMycobacteriumtuberculosis ;Tuberculosemultirésistante ;Chimioprophylaxie ;VIH ;BCG

KEYWORDSMycobacteriumtuberculosis;Multidrug resistanttuberculosis;Chemo-prophylaxis;HIV;BCG

Résumé La tuberculose est une maladie infectieuse à transmission interhumaine liée àMycobacterium tuberculosis ; 33 % de la population du globe est infectée par ce bacilleavec une mortalité qui touche 3 millions de sujets par an. Une minorité de patientsinfectés vont développer une tuberculose maladie. Le traitement est bien codifié maisrepose sur un nombre limité d’antibiotiques actifs. C’est pourquoi le traitement doit êtrerigoureusement suivi afin d’éviter l’émergence de bacille résistant.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Tuberculosis is an infectious disease caused by Mycobacterium tuberculosis.Mycobacterium tuberculosis infects 2 billion persons worldwide; the related mortality isof 3 million persons/ year. Nevertheless, few of the people who are infected byMycobacterium tuberculosis will develop the tuberculosis disease. Therapy is well defi-ned but close follow-up is needed in order to prevent the emergence of resistant bacillus.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction

La tuberculose est une maladie infectieuse à trans-mission interhumaine liée à Mycobacterium tuber-culosis (bacille de Koch, BK). L’homme est le seulréservoir de la maladie qui se transmet à partir d’unsujet contagieux à un sujet indemne. Le poumonest la localisation la plus fréquente de la tubercu-lose : atteinte isolée dans 80 % des cas, ou associéeà une atteinte extrapulmonaire dans 10 % des cas.

Épidémiologie

La tuberculose est une maladie en expansion dansle monde alors qu’elle régresse dans les pays occi-dentaux.

On estime à 8,4 millions les nouveaux cas detuberculose dans le monde en 1999 contre 8 mil-lions en 1997. Cette évolution est liée à l’augmen-tation des cas dans les pays d’Afrique les plustouchés par l’épidémie du virus de l’immunodéfi-cience humaine (VIH).1 Si la tendance actuelle seconfirme, ce sont 10,2 millions de nouveaux casqu’il faudra déplorer en 2005 et c’est l’Afrique quirendra compte du plus grand nombre de cas alorsque dans les pays industrialisés, la diminution de-vrait être de 2 à 3 % par an.Trente-trois pour cent de la population du globe

est vraisemblablement infectée parMycobacteriumtuberculosis, ce chiffre correspondant à la popula-tion présentant une intradermoréaction positive àla tuberculine.L’Inde, la Chine, l’Indonésie sont les pays où le

nombre de cas est le plus important. Mais l’inci-dence annuelle est de 1 à 2 % en Asie contre 1,5 à2,5 % en Afrique, alors qu’elle est inférieure à 0,1 %

Adresse e-mail : [email protected](M.-C. Dombret).

EMC-Médecine 1 (2004) 406–416

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© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/j.emcmed.2004.03.005

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dans les pays développés.2 En France, en 1999,l’incidence était de 10/100 000 habitants contre16/100 000 en 1990.La mortalité par tuberculose touche 3 millions de

sujets par an dans le monde, dont 400 000/an enOccident soit 1 à 2/100 000 habitants. À la fin duXIXe siècle en Occident, la mortalité par tubercu-lose était de 700 à 900/100 000 habitants.La répartition en fonction de l’âge est différente

selon les différentes régions du globe. En France,l’incidence est maximale après 65 ans alors quedans les pays en voie de développement, l’inci-dence est plus importante chez les sujets plusjeunes entre 25 et 44 ans.1

Mode de contamination

Ce sont les patients bacillifères qui sont à l’originede la contamination, c’est-à-dire les patients dontl’examen direct de l’expectoration est positif, cequi signifie qu’il existe au moins 104 bacilles/ml desécrétion. C’est le plus souvent le cas des tubercu-loses excavées sachant qu’une caverne contient del’ordre de 107 à 1010 bacilles, alors qu’une lésioncaséeuse ne contient que 102 à 103 bacilles (jusqu’à105).La contagion est favorisée par la toux et les

éternuements qui permettent de disperser dansl’air les particules infectantes : une quinte de touxdisperse 3 500 particules, un éternuement un mil-lion de particules. Seules les petites particulescontenant un à trois bacilles sont susceptibles d’in-fecter un sujet indemne. Les plus grosses particuless’impactent au niveau du nasopharynx ou sont arrê-tées dans l’arbre trachéobronchique et éliminéesvia le tapis mucociliaire. Les petites particules dequelques micromètres vont arriver jusqu’aux alvéo-les et pourront entraîner une infection en permet-tant aux bacilles de se multiplier dans les macro-phages alvéolaires. Ceci implique à la fois unebactérie virulente et des macrophages insuffisam-ment actifs. On considère que 5 à 200 bacillesvivants doivent être inhalés pour que puisse sedévelopper une lésion tuberculeuse.3 Le temps du-rant lequel on partage le même volume d’air avecun sujet contagieux est important. Au contactd’une tuberculose bacillifère, 50 % des enfants demoins de 15 ans seront infectés, 20 % des sujets deplus de 15 ans. Le risque tombe à 5 % si le contactest seulement occasionnel. Après l’infection tuber-culeuse, le risque de survenue d’une tuberculosemaladie est de 5 à 10 % dans les 5 ans et de 5 % pourle reste de la vie chez le sujet immunocompétent,alors que pour un patient infecté par le VIH, lerisque est de 8 %/an. Il est difficile de savoir si une

tuberculose maladie est le fait d’une réactivationou d’une réinfection ; celle-ci est néanmoins moinsprobable et la réinfection a moins de chances d’en-traîner une tuberculose maladie que la primo-infection. Les bacilles peuvent être transportés parles macrophages alvéolaires vers le ganglion lym-phatique et c’est probablement dans ce ganglionque se constitue la réponse immunitaire qui va setraduire par le virage des réactions tuberculiniques2 à 3 semaines après l’infection. La réaction d’hy-persensibilité retardée et l’immunité cellulaires’installent, alors que jusque-là, les défenses uni-quement macrophagiques ne permettaient pas delimiter l’infection. Les macrophages infectés vontêtre tués par les cellules inflammatoires recrutéesau sein de l’infection et ainsi être responsablesd’une nécrose tissulaire qui correspond au caséum.Ce caséum est peu favorable au développement duBK. Dans ces lésions, le nombre de BK reste limité(104 à 105). Cette lésion primaire peut se situern’importe où dans le poumon ce qui n’est pas le casdes lésions secondaires. Le plus souvent elle vaguérir sans manifestation clinique mais elle peutdonner lieu à une dissémination des bacilles quipeut se faire dans tout l’organisme et être respon-sable d’infections des séreuses, des méninges, de laplèvre, du péricarde, des os, des reins et des pou-mons.La quantité de bacilles dans ces lésions reste

limitée à environ 104 ou 105 et même en cas detuberculose disséminée sévère, la contagiosité esttout à fait réduite.3,4,5

Tuberculose chronique

Parfois sous l’influence d’un facteur inconnu, lecaséum se liquéfie au sein d’une lésion pulmonairesecondaire. Ces lésions siègent préférentiellementcette fois dans les lobes supérieurs. La liquéfactionet l’élimination par une bronche sont responsablesde la formation d’une caverne où le bacille vaproliférer aisément. Dans cette lésion, le nombrede bacilles est important, de l’ordre de 107 à 1010.Le grand nombre de bacilles présents dans ceslésions explique l’émergence possible de mutantsrésistants et oblige à l’utilisation de plusieurs anti-tuberculeux afin d’éviter toute sélection de mu-tants résistants. Ainsi, l’utilisation de trois antitu-berculeux à la phase initiale du traitement estjustifiée par l’hypothèse défavorable de se trouverdevant un bacille ayant une résistance primaire àun des antituberculeux. L’association de plusieursantituberculeux permet ainsi d’éviter de se trouveren situation de monothérapie vis-à-vis d’une popu-lation bacillaire avec le risque de sélection demutants résistants.

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C’est essentiellement à partir de ces lésions ex-cavées que le BK va pouvoir être disséminé. Ce sontles patients dont l’examen direct est positif quisont contagieux. Spontanément, l’évolution estmortelle dans environ un cas sur trois, un cas surtrois va évoluer vers une tuberculose chroniquepermettant la contagion et la dissémination dubacille, enfin un patient sur trois va guérir sponta-nément.Après une infection tuberculeuse, 90 % des sujets

infectés vont pouvoir contrôler la croissance et ladissémination des bacilles, tandis que 10 % vontprésenter une tuberculose maladie, 5 % dans undélai court par rapport à l’infection, 5 % plus tarddans la vie préférentiellement à la faveur d’unebaisse de l’immunité liée à l’âge, une pathologiesous-jacente ou un traitement immunosuppresseur.Les facteurs de risque de passage à la maladie

tuberculeuse sont, en France : le sexe masculin,l’origine étrangère, l’âge (entre 25 et 44 ans etsurtout supérieur à 65 ans). Enfin, l’infection par leVIH multiplie le risque par 30.

Signes cliniques

Les signes de la primo-infection tuberculeuse seréduisent souvent au virage des réactions cutanéestuberculiniques. Ceci impose de connaître la naturedes réactions tuberculiniques cutanées antérieu-res, ce qui est peu souvent le cas. En France, lavaccination par le bacille bilié Calmette-Guérin(BCG) fait que la majorité des sujets ont des réac-tions positives. On admet qu’une infection est res-ponsable d’une augmentation du diamètre de l’in-duration d’au moins 10 mm (alors que le BCG estresponsable d’une induration de 4 à 10 mm). Lesréactions peuvent être faussement positives soit dufait d’une réaction croisée avec d’autres mycobac-téries, soit du fait d’un effet booster (en effet, sil’intradermoréaction est pratiquée 1 semaine à1 an après la précédente, l’induration peut êtrebeaucoup plus importante par rapport à la réactionantérieure). Par ailleurs, l’intradermoréactionpeut être négative soit du fait d’une mauvaisetechnique, soit du fait d’une immunodépression.De toute façon une intradermoréaction positive nepermet pas d’affirmer un diagnostic de tuberculosepas plus qu’une intradermoréaction négative nepermet de l’infirmer.6

Signes de la tuberculose pulmonairemaladie

Certains sont communs à la primo-infection tuber-culeuse (asthénie, fièvre, anorexie, sueurs noctur-

nes, amaigrissement), d’autres sont évocateurs detuberculose pulmonaire. Le Tableau 1 résume lessymptômes d’appel en fonction du mode de dépis-tage de la maladie. Malheureusement, le caractèreaspécifique de la symptomatologie explique le re-tard au diagnostic qui est à l’origine du risque decontamination de l’entourage.6

Dans une étude rétrospective sur 53 patients, ledélai entre le premier symptôme et le diagnosticétait supérieur à 30 jours pour plus de la moitié despatients.7 C’est surtout la radiographie de thoraxqui permet d’évoquer le diagnostic.

Signes radiologiques

Primo-infection

Les signes sont minimes en cas de primo-infectionsans dissémination : chancre d’inoculation et adé-nopathie satellite mieux visualisée en tomodensito-métrie (TDM) ; en cas de dissémination : épanche-ment pleural ou image de miliaire (Fig. 1).

Cas de la tuberculose pulmonaire commune

Le poumon est la localisation la plus fréquente de latuberculose puisqu’il représente 80 % des cas. Leslésions siègent préférentiellement dans les zonesapicales et postérieures : segment dorsal et apicaldu lobe supérieur et du culmen, segment apical deslobes inférieurs. Elles se présentent sous forme denodules plus ou moins confluents, d’infiltrats, decavernes (Fig. 2). L’évolution vers la rétractiontémoigne de lésions relativement anciennes. À cestade, plus exceptionnellement, un hydropneumo-thorax témoigne de l’ouverture d’une caverne dansla plèvre et ici le liquide est riche en bacilles. Lesadénopathies médiastinales isolées sont plutôt lefait des sujets de race noire et peuvent poser leproblème d’un lymphome.

Tableau 1 Fréquence des symptômes (%) de la tuberculose.Effet du mode de dépistage de la maladie. D’après4

Symptômes Mode de dépistageRadiologique Symptomatique

Asthénie 16 85Anorexie 7 44Amaigrissement 23 68Fièvre 11 59Sueurs 11 24Toux 31 76Expectoration 19 53Hémoptysie 3 22Douleur thoracique 8 26Dyspnée 12 31Pleurésie 8 16

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Diagnostic

Dans le cadre de la tuberculose pulmonaire com-mune, c’est surtout la bactériologie qui va permet-tre le diagnostic. Il repose sur l’examen direct, lamise en culture des produits d’expectorationlorsqu’on s’est assuré que le patient pouvait pro-duire une expectoration d’origine sous-glottique.Dans les autres cas, la recherche se fera par tubagegastrique à jeun avant le lever afin de recueillir dessécrétions bronchiques dégluties pendant la nuitavant la vidange gastrique. En cas de négativité, larecherche pourra se faire par endoscopie bronchi-que : aspiration et/ou petit lavage dirigé dans leterritoire lésionnel. Au mieux trois tubages ou exa-mens d’expectorations seront réalisés dans les3 jours suivant la fibroscopie, ce qui augmente larentabilité de ces explorations. En attente du dia-

gnostic bactériologique, devant une suspicion detuberculose, il importe que le patient soit isolé(chambre seule, porte fermée, port d’un masque àhaute protection pour le personnel soignant et lesvisites) jusqu’à obtention de résultats négatifs oubien de négativation après traitement. En casd’épanchement pleural ou de miliaire, la chargebacillaire reste faible et le diagnostic bactériologi-que est malaisé, l’examen direct est le plus souventnégatif aussi bien dans le liquide pleural que dansl’expectoration, c’est pourquoi ici le diagnosticrepose plus volontiers sur l’histologie, c’est-à-diresur la présence de granulome épithélioïde et gigan-tocellulaire avec nécrose caséeuse sur la biopsie deplèvre en cas d’épanchement ou sur les biopsiesbronchiques ou les biopsies transbronchiques en casde tuberculose miliaire.Lorsque le diagnostic n’est pas confirmé par la

bactériologie ou l’histologie, d’autres moyens doi-vent être mis en œuvre tels que la ponction sousscanner ou la médiastinoscopie en cas d’adénopa-thie médiastinale. En revanche, la recherche systé-matique de BK dans les urines s’avère inutile chezles patients suspects de tuberculose pulmonaire endehors de suspicion associée de tuberculose uri-naire (symptômes urinaires ou leucocyturie sansgerme) ou chez les patients très immunodéprimés.8

Lorsqu’il existe des images excavées, la négati-vité des recherches de BK doit faire remettre lediagnostic en doute car la richesse en BK de ceslésions est telle que le diagnostic bactériologiqueest aisé. Il importe alors d’évoquer d’autres dia-gnostics : cancer excavé, séquelles de tuberculoseéventuellement colonisées à Aspergillus, abcès, in-fection par des germes à croissance lente (Nocar-dia, Actinomyces).La culture permet d’isoler le BK lorsque les lé-

sions sont peu bacillifères puisqu’elles ne nécessi-tent que la présence de 102 à 103 bacilles/ml pourêtre positive alors que l’examen direct ne peut êtrepositif qu’à partir de 104 bacilles/ml de sécrétions.Elle est indispensable pour l’identification de lamycobactérie et pour la réalisation de l’antibio-gramme. Le temps nécessaire au développementdes colonies sur milieu de Löwenstein-Jensen est de3 à 4 semaines pour Mycobacterium tuberculosis.Une détection plus rapide de la croissance est pos-sible en utilisant une culture en milieu liquide(Bactec®). Le délai est alors raccourci à 9 jours sil’examen direct est positif, à 16 jours s’il est néga-tif. Les techniques de biologie moléculaire permet-tent l’identification rapide de la mycobactérie quipousse en culture. Elles permettent la détection dela résistance vis-à-vis de la rifampicine en recon-naissant la séquence responsable ; elles assurent lacompréhension de l’épidémiologie en identifiant

Figure 1 Miliaire tuberculeuse.

Figure 2 Infiltrat excavé.

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des souches ayant la même empreinte génétiqueresponsables de cas groupés.Avant l’obtention de l’antibiogramme, l’interro-

gatoire doit préciser le risque d’avoir affaire à unbacille résistant aux antituberculeux : antécédentde tuberculose traitée avec mauvaise observancefaisant craindre l’existence d’une résistance secon-daire. Le risque de résistance primaire en Franceest faible, de l’ordre de moins de 1 % pour larifampicine, l’éthambutol et le pyrazinamide,moins de 5 % pour l’isoniazide ; quant aux tubercu-loses multirésistantes définies par la résistance àl’izoniazide et à la rifampicine, elles ne représen-tent que 0,5 % de l’ensemble des tuberculoses enFrance.5

Formes particulières de la tuberculose

Tuberculose chez le sujet infecté par le VIH

Les patients infectés par le VIH sont particulière-ment exposés à la tuberculose. Ces patients ont unrisque élevé de réactivation ; le risque de dévelop-pement d’une maladie tuberculeuse est de l’ordrede 8 à 10 % par an contre 10 % pour toute la vie chezles patients non immunodéprimés et de plus, lerisque de réinfection exogène est également plusélevé. La tuberculose elle-même a un effet délé-tère sur l’évolution de la maladie VIH en stimulantla réplication virale. La survenue d’une tuberculosemaladie doit motiver la réalisation d’une sérologieVIH si le statut VIH du patient n’est pas connu.Depuis 1993, la tuberculose pulmonaire est consi-dérée comme une infection opportuniste et suffit àclasser le patient comme sida.4,5,9

La présentation radioclinique de la maladie varieen fonction du taux de lymphocytes CD4. Lorsquecelui-ci est supérieur à 200/mm3, le tableau clini-que est généralement celui d’une tuberculose pul-monaire proche de celle connue chez le patient nonimmunodéprimé. Chez le patient plus immunodé-primé, les localisations ganglionnaires médiastina-les et les localisations extrapulmonaires sont plusfréquentes. De toute façon, toute fièvre prolongéechez le patient VIH doit faire rechercher une tuber-culose. Les recherches de bacilles sont souventpositives au direct alors qu’on ne trouve pas degranulome lorsque les patients sont très immunodé-primés (Tableau 2).4,9

La thérapie antirétrovirale, lorsqu’elle est miseen route conjointement au traitement antitubercu-leux, peut être responsable d’une majoration dessymptômes, d’une augmentation de volume desadénopathies, d’un virage des réactions tuberculi-niques lorsque celles-ci étaient négatives, témoi-

gnant d’une restauration de l’immunité et nécessi-tant parfois une corticothérapie.10 Cesmanifestations peuvent survenir 2 à 40 jours aprèsl’initiation du traitement antirétroviral. Parailleurs, l’utilisation de la rifampicine interfèreavec plusieurs antirétroviraux et peut obliger àmodifier, soit le traitement antituberculeux, soit letraitement antirétroviral (cf. traitement).

Tuberculose chez le sujet âgé

Dans les pays industrialisés, ce sont les sujets deplus de 65 ans qui sont le plus touchés par latuberculose du fait de l’infection survenue à unepériode de plus forte endémie et d’une baisse desdéfenses immunitaires. La clinique est souvent insi-dieuse et la mortalité est plus lourde que chez lesujet jeune atteignant près de 100 % au-delà de90 ans. La majorité des cas de tuberculose diagnos-tiquée à l’autopsie est le fait de sujets de plus de65 ans témoignant de la difficulté du diagnostic. Laclinique est souvent atypique. Les hémoptysies, lesdouleurs thoraciques, la fièvre, les sueurs noctur-nes sont beaucoup moins fréquentes que chez lesujet jeune et tout peut se résumer à une baisse del’état général, une perte pondérale, une toux iso-lée. Les tests tuberculiniques sont plus souventnégatifs que chez le sujet jeune. Sur le plan radio-logique, l’atteinte est plus volontiers bilatérale,touche moins fréquemment les lobes supérieurs, lamiliaire est plus fréquente et le diagnostic en estparticulièrement difficile. Si elle est le plus souventle résultat d’une réactivation, la tuberculose peutêtre le fait d’une infection primaire, en particulierdans le cadre de tuberculose nosocomiale chez lespatients en institution.11

Traitement antituberculeux

Bien conduit, un traitement antituberculeux en-traîne une guérison dans 99 % des cas. Même chez lesujet séropositif pour le VIH, le taux de guérison est

Tableau 2 Manifestations de la tuberculose. Stades préco-ces et tardifs de l’infection par le virus de l’immunodéfi-cience humaine. D’après4

StadePrécoce Tardif

Allergie à la tuberculine Présente AbsenteAdénopathies Rares FréquentesLocalisations lobaires Supérieures InférieuresCavernes Présentes AbsentesAtteinte extrapulmonaire 10-15 % Supérieure à 50 %Bactériémies (bacillestuberculeux)

Rares Supérieures à 10 %

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supérieur à 95 %. Un traitement précoce permetd’éviter la dissémination de la maladie. Le traite-ment permet de faire cesser la contagion en 2 à3 semaines.6,12

Les règles de traitement reposent sur un certainnombre de faits.

• Le BK se multiplie toutes les 20 heures, ce quipermet une prise quotidienne de médicament.

• Une population bacillaire comporte obligatoi-rement des mutants résistants dont la fré-quence diffère en fonction de l’antibiotique.Plus la population bacillaire est importante,plus grand est le nombre de mutants résistants,qui est donc bien entendu plus important dansles lésions excavées. Une monothérapie est àproscrire pour éviter une sélection de ces mu-tants résistants et la règle est de donner audépart trois antituberculeux afin d’éviter, encas de résistance primaire à un des antituber-culeux, de sélectionner des mutants résistantsau deuxième antituberculeux utilisé. En revan-che, lorsque la sensibilité aux différents anti-tuberculeux est confirmée sur l’antibiogrammeà 2 mois du début du traitement, on peutréduire le traitement à deux antituberculeuxmajeurs.

• L’utilisation du pyrazinamide, qui est particu-lièrement actif sur les bacilles intracellulairesen pH acide, va permettre de raccourcir letraitement de la tuberculose à 6 mois, délai endessous duquel il n’est pour le moment paspossible d’être efficace (Tableau 3).

• Le traitement actuel comporte trois antituber-culeux durant les deux premiers mois de trai-tement : isoniazide, rifampicine, pyrazinamidepuis, en cas de bacille sensible à tous les anti-tuberculeux pendant les 4 mois restants, ri-

fampicine, isoniazide. Ces médicaments peu-vent être utilisés, soit séparément, soit enassociation fixe. L’éthambutol est rajouté àcette trithérapie lorsqu’il existe un doute surune résistance à l’isoniazide (Tableau 4).

Effets secondaires

Dans environ 5 % des cas, les effets secondaires sontresponsables d’une modification de traitement.12

IsoniazideC’est surtout l’hépatite toxique qui domine leseffets secondaires de l’isoniazide, sa fréquence estaccrue par l’association à la rifampicine qui, parson effet inducteur enzymatique, augmente le tauxd’isoniazide acétylé qui est la forme hépatotoxiquede l’isoniazide. Une élévation des transaminasesest fréquente en début de traitement mais ne né-cessite pas l’interruption du traitement si elle resteinférieure à 6 fois la normale. En cas d’hépatitetoxique, l’isoniazide pourra être réintroduit aprèsretour à la normale à doses progressives. Les autreseffets secondaires sont les manifestations digesti-ves mineures, la polynévrite quand existe un déficitvitaminique et l’adjonction de vitamine B1, B6 ne seconçoit que chez les patients œnoliques, et lapériarthrite scapulohumérale. Le dosage d’isonia-zide est inutile en pratique courante, lorsque laposologie est adaptée au poids ( 3 à 5 mg/kg).

RifampicineLa rifampicine est un puissant inducteur enzymati-que qui modifie la biodisponibilité de nombreuxmédicaments (Tableau 5).13

En cas d’insuffisance hépatocellulaire ou d’ic-tère, les doses doivent être réduites (5 à 7 mg/kg)

Tableau 3 Antituberculeux. D’après6

Antibiotiques Mode d’action CMI (mg/l) Pic sérique (mg/l)après dosestandard

Activitéselon pH

Élimination Taux demutantsrésistants

Isoniazide Bactéricide Entre 0,05et 0,20

3-4 Constante Rein 1 × 10-5

Bacilles extracellulaires+++Bacilles intracellulaires+

Rifampicine Bactéricide 0,2-0,5 7 à 10 Constante Foie-rein 1 × 10-8

Bacilles extracellulaires+++Bacilles intracellulaires+

Pyrazinamide Bactéricide 8 à 20 à pH 5 30 à 50 En pHacide

Rein 1 × 10-3

Bacilles intracellulairesÉthambutol Bactériostatique 1-5 3-4 Constante Rein 1 × 10-6

Streptomycine Bactéricide 0,5-8 30 à 40 Neutre oubasique

Rein 1 × 10-5

Bacilles extracellulaires++

Les antituberculeux ont une demi-vie courte (3 heures ou moins) de sorte que leur épuration est totale en 24 heures, sauf pour lepyrazinamide dont la demi-vie est de 8 heures. CMI : concentration minimale inhibitrice.

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en particulier pour ne pas augmenter le risque detoxicité de l’isoniazide. Les autres accidents sontdes accidents immunoallergiques : insuffisance ré-nale, thrombopénie, hépatite. Les traitements in-termittents et la réintroduction favorisent ces acci-dents immunoallergiques et sont fortementdéconseillés. L’apparition d’un prurit ne justifiepas l’arrêt et il peut bénéficier d’un traitementantihistaminique.

PyrazinamideSes effets secondaires sont dominés par l’hépato-toxicité qui oblige à l’interruption du traitement encas d’élévation des transaminases à 4-5 fois lanormale.Les arthralgies et plus rarement les crises de

goutte sont la conséquence de l’augmentation del’uricémie. Celle-ci est normale au cours du traite-

ment par la pyrazinamide et ne doit pas fairemodifier le traitement ni introduire l’allopurinol.En effet, le pyrazinamide et ses métabolismes sontexcrétés en compétition avec l’acide urique. L’aug-mentation de l’acide urique est, en revanche, unbon reflet de l’observance thérapeutique. C’estseulement en cas de crise de goutte ne cédant passous uricosurique qu’on est amené à interrompre lepyrazinamide. Un exanthème avec prurit est égale-ment fréquent et cède généralement sous antihis-taminique.Les hépatites cytolytiques surviennent surtout

lors des deux premiers mois de traitement. Lerythme de surveillance n’est pas clairement défini.Il doit être plus rapproché pendant le premier moiset surtout le patient doit signaler tous symptômesdigestifs (nausée, vomissement, douleur abdomi-nale). L’augmentation des transaminases à 6 fois la

Tableau 4 Protocole thérapeutique des antituberculeux. D’après12

Indication Première phase Deuxième phaseRégime standard de première intention Rifater® Rifinah®

1 cp/12 kg de poids/j 1 cp/30 kg de poids/j, 4 mois± éthambutol 20 mg/kg/j, 2 mois

Régime classique de 6 mois permettantune adaptation séparée des posologies

Rifampicine 10 mg/kg/j Rifampicine 10 mg/kg/jIsoniazide 4-5 mg/kg/j Isoniazide 4-5 mg/kg/jPyrazinamide 25 mg/kg/j 4 mois± éthambutol 20 mg/kg/j2 mois

Régime de 9 mois à utiliser chez la femmeenceinte

Rifampicine 10 mg/kg/j Rifampicine 10 mg/kg/jIsoniazide 4-5 mg/kg/j Isoniazide 4-5 mg/kg/jÉthambutol 20 mg/kg/j 6 mois3 mois

Régime à deuxième phase intermittente,de 6 mois, permettant un contrôle directvisuel de la prise du traitement

Rifampicine 10 mg/kg/j Rifampicine 10 mg/kg 3 fois/semaine(maximum 600 mg 3 fois/semaine)

Isoniazide 4-5 mg/kg/j Isoniazide 15 mg/kg 3 fois/semaine(maximum 900 mg 3 fois/semaine)

Pyrazinamide 25 mg/kg/j 4 mois± éthambutol 20 mg/kg/j2 mois

Tableau 5 Interactions médicamenteuses avec la rifampicine. D’après12

Modification du métabolisme des drogues associées Conduite à tenirŒstroprogestatifs anticonceptionnels Autre contraceptionAntivitamines K Surveiller soigneusement INR (augmenter la dose d’antivitamines K)Barbiturique (Gardénal®) Remplacer par dépakine si possibleMorphiniques (Méthadone®) Arrêt 24 heures avant anesthésie généraleAnesthésiquesThéophylline Surveiller la théophyllinémieCorticoïdes naturels et synthétiques Augmenter doses de 30 à 50 %Digitaline Surveiller la digitalinémieTolbutamide Baisse de la demi-vie de 40 %Probénécide Augmente taux de rifampicine, ne pas associerBenzodiazépines Diminue le taux de rifampicine, ne pas associer

INR : international normalized ratio.

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normale ou plus ou l’apparition de symptômes di-gestifs doit faire interrompre le traitement parisoniazide et pyrazinamide. Un traitement de subs-titution fait appel à rifadine, éthambutol, strepto-mycine ou d’autres aminosides, éventuellementaux quinolones. L’isoniazide peut être réintroduitensuite progressivement après normalisation du bi-lan hépatique.

ÉthambutolLes effets secondaires sont essentiellement oculai-res sous forme de névrite optique rétrobulbaireavec cécité irréversible ; c’est pourquoi un bilaninitial comportant champ visuel et vision des cou-leurs est indispensable au début du traitement. Cebilan peut se faire dès que le patient n’est plusbacillifère. Il faudra recontrôler une fois par mois sil’éthambutol doit être continué au-delà dudeuxième mois car c’est au-delà de ce délai que leseffets toxiques risquent d’apparaître.En cas d’antécédent d’altération oculaire ou de

perte préalable d’un œil, ce médicament est àécarter.

Observance thérapeutique

L’observance du traitement est une des conditionsde la guérison. Les associations de médicamentspermettent de simplifier le traitement et d’amélio-rer l’observance, et en dehors de cas de figureparticulier (femme enceinte ou suspicion de résis-tance à l’isoniazide), l’éthambutol est abandonnédans le traitement initial.Globalement, l’efficacité du traitement se juge

sur la défervescence qui le plus souvent s’observeen une dizaine de jours, sur la reprise de poids, surla diminution des symptômes respiratoires, surl’amélioration de l’état général.

Mesures sociales

La tuberculose est une maladie donnant droit àl’exonération du ticket modérateur. C’est une ma-ladie à déclaration obligatoire (DO), en ce quiconcerne la tuberculose maladie chez l’adulte. LaDO est à adresser à la DDASS du département derésidence du patient. Le dépistage de l’entouragedoit être réalisé chez les patients bacillifères par lemédecin traitant ou par le Centre de dépistage etde prévention sanitaire. La tuberculose est unemaladie professionnelle reconnue pour les person-nels de santé (Tableau 76M), les éleveurs, lesouvriers d’abattoir, les équarisseurs, les employésde l’industrie de l’alimentation animale, les vété-rinaires, les personnels de laboratoire (Ta-bleau 40 du régime général et 16 du régime agri-cole).

Cas particuliers

Femme enceinteChez elle, le pyrazinamide est contre-indiqué ainsique la streptomycine. Le traitement sera donc de9 mois comportant isoniazide, rifampicine, étham-butol durant les deux premiers mois puis isoniazide,rifampicine.

Patient infecté par le VIHL’efficacité du traitement est la même mais il y aplus d’effets secondaires observés. Chez le sujetséropositif pour le VIH, un traitement de 6 moisobtient le même taux de succès que chez le sujetnon immunodéprimé, mais ce traitement serait res-ponsable d’une fréquence de rechute plus impor-tante. Une durée de 9 mois est recommandée.Chez ces patients infectés par le VIH, l’utilisa-

tion des associations de traitements antirétrovirauxa compliqué la prise en charge de la tuberculose. Eneffet, la rifampicine augmente le métabolisme desantiprotéases dans une proportion qui varie avecdifférents produits. La rifabutine interfère égale-ment avec le métabolisme des antirétroviraux sibien que l’utilisation concomitante de ces médica-ments ne se conçoit que sous couvert de dosagesérique à la fois des ansamycines et des antirétro-viraux sous peine d’inefficacité.9

Dans tous les cas, la prudence est de mise etlorsque les taux de CD4 sont supérieurs à 200/mm3,il n’y a pas d’urgence à mettre un traitementantirétroviral en route ; il faut peser les risques etles avantages de ces associations.

Sujet âgéLes interactions entre rifampicine et de nombreuxmédicaments posent plus de problèmes car cessujets sont souvent polymédiqués (Tableau 5).L’âge supérieur à 60 ans est associé à une fré-

quence accrue des effets secondaires. Le traite-ment systématique de l’infection tuberculeusechez les patients présentant une intradermoréac-tion positive ou des séquelles de tuberculose sem-ble de moins en moins rentable au fur et à mesurequ’on avance en âge. En effet, le risque de surve-nue d’une hépatite compense le bénéfice lié à laprévention du développement d’une tuberculosemaladie.11,13

BK résistantEn cas de suspicion de résistance aux antitubercu-leux, il peut s’agir d’une résistance secondaire,c’est-à-dire de la sélection d’un mutant résistantau cours d’un traitement antituberculeux mal suivi,ou résistance primaire, c’est-à-dire l’infection parun bacille d’emblée résistant à un ou plusieurs

413Tuberculose pulmonaire de l’adulte

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antituberculeux. Le traitement doit comporter audépart trois antituberculeux actifs a priori en te-nant compte des facteurs de risque de résistancepuis le traitement sera adapté en fonction de l’an-tibiogramme. En cas de résistance ou d’intoléranceà l’isoniazide ou au pyrazinamide, le traitementsera prolongé pendant 9 mois. En cas de résistanceà la rifampicine, le traitement sera prolongé12 mois.5,12 D’une façon générale, les traitementscourts supposent que l’on peut utiliser l’isoniazideet la rifampicine.

BK multirésistantsOn définit comme multirésistante une tuberculosedont le BK est résistant à la fois à l’isoniazide et à larifampicine. En France la multirésistance primairereprésente environ 0,5 % des tuberculoses et larésistance secondaire, quoique plus fréquente, estde l’ordre de 4 %. Ces tuberculoses multirésistantessont beaucoup plus fréquentes dans les pays balteset l’Asie du Sud-Est. Elles sont généralement laconséquence d’une non-standardisation du traite-ment de première intention. Chez les sujets jamaistraités auparavant, elles représentent de 0 à 14 %des cas suivant les pays (Fig. 3). Elles peuventatteindre 40 % chez les patients déjà traités.14 Ellesvont obliger à utiliser des antituberculeux dedeuxième ligne : aminosides et polypeptides (strep-tomycine, kanamycine, amikacine, capréomycine),quinolones et autres antituberculeux (éthiona-mide, cyclosérine, acide para-amino-salicylique[PAS]). Le traitement n’est pas standardisé ; ildépend de l’antibiogramme. Il est instauré unique-ment en milieu spécialisé. Ce traitement compor-tera trois à cinq antituberculeux non déjà utilisésdont un aminoside ou un polypeptide. La durée serade 12 à 24 mois, la chirurgie des lésions tuberculeu-ses peut être nécessaire à la stérilisation dans cescas.5,12

Traitements associés

Corticothérapie

Elle a peu de place dans le cadre de la tuberculosepulmonaire. Aucune donnée n’a prouvé l’efficacitédes corticoïdes pour prévenir une sténose en cas detuberculose endobronchique. Elle n’améliore pasl’évolution de la pleurésie tuberculeuse qui bénéfi-cie, en revanche, d’une évacuation la plus com-plète possible au début de l’évolution.15 Elle seraitbénéfique à court terme au cours de la miliaireasphyxiante et des tuberculoses étendues cachec-tisantes, sans changer l’évolution à long terme(Tableau 6).16

Chimioprophylaxie

Elle concerne les sujets infectés par le BK maisasymptomatiques. Elle repose sur le principe quedans ces cas, la population bacillaire est faible etdonc le risque de sélection de mutants résistantsest nul. Elle a pour but d’éviter le développementd’une tuberculose maladie. Elle concerne les pa-tients dont l’intradermoréaction à la tuberculineest devenue positive en dehors d’une vaccinationpar le BCG. Elle concerne également les patientsprésentant des séquelles de tuberculose jamaistraitée. Le traitement repose sur l’isoniazide seul àla dose de 5 mg/kg pendant 6 mois chez le sujetimmunocompétent. Elle peut être remplacée parl’association rifampicine/isoniazide pendant3 mois.Chez le sujet séropositif pour le VIH ayant une

intradermoréaction positive, l’administrationd’isoniazide est recommandée pendant 12 mois,tandis que le sujet séropositif dont l’intradermo-réaction est négative ne semble pas bénéficierd’une chimioprophylaxie.5,9

Vaccination par le BCG

C’est essentiellement le dépistage et le traitementprécoce des patients susceptibles d’être conta-gieux qui permettent d’éviter la dissémination dela maladie ; en revanche, l’impact de la vaccinationest controversé. Elle permettrait surtout d’éviterles formes graves de la maladie : miliaire ou ménin-gite. Son taux de protection est d’environ 50 %. Sonintérêt a diminué avec la décroissance de l’inci-dence de la tuberculose et serait négligeable quandl’incidence approche 10/100 000.Le BCG a l’inconvénient de rendre l’intradermo-

réaction difficilement interprétable. Au mieux, lavaccination est réalisée après 6 mois et avant10 ans, mais la vaccination s’effectue avant en casde population à risque ; en revanche, chez le grandenfant, l’adolescent et l’adulte, l’efficacité de lavaccination est mal connue. Les réactions tubercu-liniques sont contrôlées 3 à 12 mois après la vacci-nation. En cas de réaction négative, on recom-

Tableau 6 Indications de la corticothérapie au cours de latuberculose miliaire. D’après15.

Tuberculose miliaire suffocante en association avec un trai-tement antituberculeux :- méthylprednisolone intraveineuse : 120 mg/24 h pendant1 semaine puis 60 mg/24 h pendant 1 semaine ;- relais per os par 40 mg d’équivalent prednisone pendant1 semaine, puis 20 mg pendant 1 semaine

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Figure 3 Estimation des nouveaux cas de tuberculose multirésistante en 2000. D’après14

415Tuberculose

pulmonaire

del’adulte

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mande une revaccination par voie intradermiquemais des réactions négatives ne signifient pas l’ab-sence de protection. Il n’y a pas de parallélismeentre ces deux éléments.5

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