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Recherches en Langue et Littérature Françaises Vol. 12, No 22, Automne & hiver 2018-19, pp. 103-114
http://france.tabrizu.ac.ir/
Université de Tabriz-Iran
RECHERCHES EN LANGUE ET LITTERATURE FRANÇAISES
Mohammad RAHIMI**/Tayebeh RAOUFZADEH***
Résumé— Cette étude a comparé l’impact de deux différentes approches
d’enseignement centrées sur la forme--centration sur les formes (CSFs) et
centration sur la forme (CSF)-sur l’acquisition des temps passé composé et
imparfait chez les apprenants iraniens de Français langue étrangère (FLE). Dans ce
but, 50 apprenants iraniens de FLE du niveau pré-intermédiaire sont été assignés
au hasard à un groupe de CSF et un groupe de CSFs. Les participants faisaient deux
tests, un test de reconnaissance et un test de production, à la première semaine (pré-
test), à la sixième semaine (post-test), et à la neuvième semaine (post-test différé).
Les résultats de l’étude ont démontré que les deux groupes amélioraient leur
compétence des formes ciblées dans le post-test et dans le post-test différé.
Toutefois, la classe CSF, qui a appris les formes ciblées implicitement, avait plus
de progrès que la CSFs dans le post-test différé de la reconnaissance et de la
production. Cependant, la CSFs avait une meilleure performance dans le post-test
de la reconnaissance, alors qu’aucune différence significative n’était observée entre
le post-test de la production des deux groupes.
Mots-clés— centration sur la forme, centration sur les formes, déductif,
enseignement centré sur la forme, français langue étrangère, inductif.
*Date de réception : 2018/06/25 Date d’approbation : 2019/01/01
**Maître de conférences, Université de Shiraz, Iran, (auteur responsable), E-mail :
[email protected] ***Maître assistante, Université de Shiraz, Iran, E-mail : [email protected]
Étude Comparative de l’Impact de Deux
Méthodes d'Enseignement Centrées sur la
Forme : le Cas des Apprenants Iraniens de
Français Langue Étrangère*
104 | Recherches en Langue et Littérature Françaises , Vol 12, No 22, Automne & hiver 2018-19
I. INTRODUCTION
ENDANT des années l'enseignement de la langue seconde ou
étrangère a été associé à l'enseignement de la grammaire. On croyait
que la langue était généralement composée des règles grammaticales et la
connaissance de celles-ci suffisait largement au saisi de cette langue. Avec
l'épanouissement de l'approche communicative de l'enseignement de la
langue seconde ou étrangère dans les années 70, l'enseignement de la
grammaire a perdu sa crédibilité. L'enseignement de grammaire étant
considéré comme dépassé et ennuyant, les enseignants ont été encouragés
à abandonner celui-ci. Les chercheurs ont insisté que ce genre
d'enseignement n'aidait ni à l'amélioration des compétences en grammaire
ni à l'amélioration des compétences communicatives (Hymes, 1984 ;
Savignon, 1983). Cela signifie que ce système d'enseignement devrait être
éliminé de l'enseignement de la langue étrangère/ seconde (L2) (e.g.,
Krashen, 1981, 1985, 1993 : Krashen & Terrell, 1983).
Cependant, plusieurs raisons ont mené les recherches récentes dans le
domaine de l'acquisition de la langue seconde à revoir l'importance du rôle
de la grammaire (Nassaji & Fotos, 2011) : dans un premier temps,
l'hypothèse selon laquelle la langue pourrait être saisie sans un certain degré
de conscience s'est révélée théoriquement problématique (e.g., Schmidt,
1993, 1995, 2001 : Sharwood Smith, 1993). En outre, il existe de
nombreuses preuves empiriques selon lesquelles les approches
pédagogiques qui se concentrent principalement sur le sens sans prendre en
considération la grammaire sont insuffisantes (Harley & Swain, 1984 ;
Lapkin, Hart, & Swain, 1991 ; Swain, 1985). Troisièmement, la recherche
récente sur l'acquisition de la langue seconde a démontré que
l'apprentissage de la grammaire de L2 a des effets majeurs sur le taux et le
niveau ultime d'acquisition de ladite langue.
Après tant de débats, avec l'avènement d'une orientation formelle de
l'enseignement, en tant que modification de l'approche communicative,
l'enseignement implicite de la grammaire a cédé sa place à l'enseignement
formel et significatif. L'Enseignement centré sur la forme (ECF) exige que
cette activité didactique soit concentrée, non seulement sur la
communication du sens mais en plus, et au cas échéant sur la forme (Ellis,
2012, Long, 2015 ; Nassaji & Fotos, 2007). Selon Ellis, ECF concerne
“toute activité d’enseignement planifiée ou non-planifiée destinée à
sensibiliser les apprenants de la langue seconde aux formes linguistiques.”
(2001, pp. 1-2). En plus, il suggère deux approches d'ECF : centration sur
les formes (CSFs) et centration sur la forme (CSF). Ces deux approches
proposent deux différentes méthodes d'enseignement de la grammaire : Le
premier ciblant la forme grammaticale comme objectif suggère une
méthode déductive et le deuxième visant le sens de la forme grammaticale
recommande une méthode significative et inductive. Peu d'études se sont
P
Étude Comparat ive de l’Impact de Deux Méthodes … | 105
penchées sur la comparaison de différentes méthodes d'ECF (e.g., Ellis et
al., 2001, 2002 ; Spada & Lightbown, 2008 ; De la Fuentes 2006) et ces
études précaires ne se focalisent principalement que sur l’apprentissage de
l’anglais comme langue seconde ou langue étrangère. Cependant
l’acquisition du français comme langue étrangère en Iran, où il n’y a
pratiquement aucune exposition de l'apprenant à la langue française à
l’extérieur de la classe, reste encore un domaine inexploré.
II. HISTORIQUE DE LA RECHERCHE
En général, CSFs est considéré comme une approche traditionnelle qui
nécessite une présélection ciblée sur une fonctionnalité grammaticale
spécifique et dans laquelle l'instruction est basée sur un traitement intensif
et systématique (Ellis et d'autres, 2002 ; Ellis, 2012) et, enfin, où certaines
parties de la langue sont enseignées séparément, explicitement et
progressivement (Ellis, 2012). En termes théoriques, CSFs est soutenue par
la théorie de l'acquisition de compétences avec ses trois étapes :
Connaissance déclarative, connaissances procédurales et automatisation
des connaissances procédurales (e.g., Laufer, 2006 ; Ellis, 2012). Par
exemple, selon Ellis : « Mettre l'accent sur les formes d'apprentissage en
vue en termes d'apprentissage des compétences, implique une formation
consciente des règles, la procéduralisation, l'automatisation et le suivi »
(2012, p. 273). Un bon exemple d'une situation d'apprentissage CSFs est
celui réalisé par le modèle PPP (Présentation, pratique, production) (Ellis
et d'autres, 2002 ; Ellis, 2003 ; Sato, 2010 ; Nassaji & Fotos, 2011).
Comme son nom l'indique, la procédure d'une leçon PPP comprend une
séquence de trois étapes : dans la première étape (présentation), l'enseignant
présente explicitement les nouvelles structures de langue à étudier au
moyen d'exemples (Ellis, 2003), les explique et enfin s'assure de la
compréhension des apprenants. La deuxième étape est la pratique dans
laquelle les apprenants utilisent habituellement les nouveaux éléments de la
langue grâce à des exercices décontextualisés et substitutionnels. Ces deux
étapes initiales sont souvent caractérisées par un contexte finalement
contrôlé par l'enseignant (Richards, 2006). Dans la troisième étape,
production, les apprenants continuent à pratiquer et à utiliser les structures
cibles mais dans différents contextes. Dans cette phase finale, les
apprenants ont généralement plus de possibilités d'utiliser librement ce
qu'ils ont appris dans un contexte moins contrôlé (Richards, 2006).
L'objectif de cette étape est d'aider les apprenants à développer leur maîtrise
des nouvelles structures après avoir démontré leur utilisation précise. Ainsi,
elle les aide à passer d'une utilisation contrôlée à une utilisation
« automatisée » de nouveaux éléments linguistiques (Ellis, 2003).
Cependant, la critique qui cible la CSFs consiste au fait que celle-ci est
une approche traditionnelle et problématique (Long, 2015) puisqu'elle est
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basée sur cette conception qui envisage la langue composée d'une série de
formes grammaticales pouvant être intériorisées progressivement par les
apprenants, sans considérer l'importance de l'utilisation communicative de
ces formes. Par exemple, Ellis (2001, p. 14) qualifie cette approche d’"un
processus d'accumulation des entités distinctes". Autrement dit, CSFs est
critiquée pour être basée sur un type d’enseignement qui ne permettra pas
aux apprenants d’utiliser les formes ciblées dans la production orale
spontanée (Ellis et d'autres, 2002). Mais paradoxalement, en ce qui
concerne la CSF, elle vise à attirer l'attention des apprenants sur des formes
linguistiques tout en se concentrant principalement sur le sens (Ellis, 2012 ;
Long, 2015). Dans une perspective théorique, la CSF est basée sur la théorie
Socioculturelle et interactionniste-cognitive : "En termes de théorie
socioculturelle, concentration sur la forme sert d’intermédiaire entre les
processus inter et intra-psychologiques impliqués dans l'apprentissage. En
termes de théorie interactionniste-cognitive, elle aide les apprenants à
prendre conscience des lacunes existant dans leur compétence et à corriger
leur production" (Ellis, 2012, p. 273).
La CSF implique l'utilisation des tâches communicatives centrées sur une
structure, spécifique (Ellis et d'autres., 2002) pouvant être réalisées
proactivement par des flux d’input ou l’augmentation d'input, ou par
rétroaction corrective sur des erreurs que les apprenants commettent dans
leur production des formes ciblées (Ellis, 2012). Cependant, bien que la
CSF soit critiquée de prendre beaucoup de temps (une quantité considérable
d'activités doit être consacrée à l'acquisition d'une seule forme), on la
considère comme une approche effective parce qu'elle est basée sur un type
d'apprentissage qui permet aux apprenants d'exécuter la structure ciblée
dans la production orale (Ellis et d'autres, 2002).
Un bon exemple d'une leçon basée sur la CSF serait celui qui est
donnée par un flux d’input. Ce dernier consiste au fait que
l'enseignant présente certaines situations authentiques dans
lesquelles plusieurs exemples de la forme grammaticale ciblée sont
utilisés, "sans que l'attention des apprenants soit attirée sur les règles
grammaticales" (Ellis, 2001, pp. 20-21). Dans ce type
d'enseignement, c'est, en effet, le sens qui est mise en valeur. Or, ce
penchement excessif sur le sens soulève une autre critique qui ne
reste pas cachée du regard de Balcom et Bouffard (2015, p. 4), selon
lesquels une des reproches principales portée sur les flux d’input
consiste à leur nature qui est parfois si implicite que les apprenants
"ne pourraient pas comprendre qu’on doit découvrir une forme ciblée
si on ne leur dit pas de le faire ".
De nombreuses études ont été intéressées à étudier l'effet de
l'instruction explicite axée sur la forme et de flux d’input sur
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l'acquisition d'une série de formes linguistiques. Par exemple,
Hernández (2008, 2011) a comparé l'effet de l'instruction axée sur la
forme explicite par rapport à celle de flux d’input sur l'acquisition des
marqueurs discursifs dans l'apprentissage de la langue espagnole
chez les anglophones. Les résultats n'ont révélé aucune différence
significative entre les deux méthodes d’enseignement. Malgré une grande quantité de recherche sur ECF, à l’exception des
études de Hernandez (2008, 2011), mentionnées ci-dessus, peu de
recherches sont réalisées autour de la comparaison entre la CSF et la CSFs
et leurs effets sur l'apprentissage des formes grammaticales d’une langue
seconde. A titre d'exemple, nous pouvons citer Laufer (2006) qui a comparé
les effets de la CSF et de la CSFs sur l'acquisition du vocabulaire, et non
pas des structures, par les apprenants de l’anglais langue seconde.
En plus, Sheen (2006), dans son étude sur deux cours cibles où il vise à
comparer la CSF et CSFs, a trouvé que la CSFs menait à un apprentissage
plus efficace que la CSF. Cependant, l'auteur admet notamment que la CSF
dans son étude n'était pas correctement appliquée car l'enseignant du cours
cible n'avait pas constamment corrigé les erreurs des apprenants, au
moment où ils exécutaient les tâches communicatives (autrement dit, il n’y
avait aucune concentration sur la forme ciblée). De plus, les tests de son
étude se sont centrés sur la production contrôlée des formes ciblées et, donc,
ont favorisé les apprenants du cours cible de la CSFs.
D’ailleurs, Shintani (2015) a examiné l'acquisition accidentelle de la
grammaire dans la CSF et la CSFs. Ainsi, alors que le but de son cours a
été d’améliorer la compétence de vocabulaire des apprenants, ces derniers
ont été exposés au matériel d'instruction contenant des exemples de
structures grammaticales. Shintani a rapporté que la CSF a connu plus de
succès dans l'apprentissage des structures ciblées, car cette approche s'est
de plus en plus centrée sur le sens des structures. Ce qui dit que la
focalisation sur le sens fournit plus d'occasions de prise de conscience des
formes ciblées. Cependant, il est à signaler que cela ne concernait qu'une
seule structure - le morphème grammatical (-s pluriel) – et « non pas » pour
la mise en relief du verbe « être ».
Bref, alors que l'approche CSF est présentée comme étant plus actuelle
et théoriquement parlant plus convenable, peu de recherches ont comparé
cette approche à celle de CSFs. Les recherches entamées dans ce domaine
se sont d’ailleurs centralisées sur l'efficacité soit de la CSF soit de la CSFs.
Or, aucune d’elles n’a eu jusqu’alors pour objectif de prouver l'efficacité et
la priorité d'une approche par rapport à l'autre. La différence existant dans
les résultats obtenus est issue des défauts de ces recherches. Selon Nassaji
(2004, p. 241), « Beaucoup a été écrit, à la fois théorique et empirique, sur
l'idée de CSF et la suggestion selon laquelle une sorte d'activité CSFs doit
être incorporée dans des contextes de communication en langue seconde.
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Cependant, beaucoup moins de travail a été publié sur la façon dont ce but
peut être favorisé pédagogiquement ».
Par conséquent, la nécessité de réaliser des recherches, qui auront pour
objectif de comparer les techniques employées dans lesdites approches,
s'avère nécessaire. Car c'est le résultat de ces nouvelles recherches qui
déterminerait si la CSF serait réellement plus efficace comme d'ailleurs le
prétend la théorie. Sur ce, l'étude présente cible la comparaison de l'impact
des approches CSFs et CSF par les techniques présentation-pratique-
production (PPP) et les flux d’input, sur, respectivement, l'acquisition du
passé composé et de l'imparfait chez les apprenants iraniens de FLE au
niveau pré-intermédiaire. Ce qui nous a mené à ce choix, c'est la difficulté
de l’apprentissage de ces deux temps car, dans la langue persane, ces deux
temps ne se présentent pas comme ils se présentent en français.
Cette étude vise donc à répondre à ces questions :
1. Est-ce que la CSFs et la CSF par PPP et de flux d’input aideront les
apprenants de FLE au niveau pré-intermédiaire à acquérir les formes
passé composé et imparfait ?
2. Est-ce qu’il y a des différences entre l’efficacité des deux méthodes
sur l'acquisition des deux temps?
III. METHODES
-LES PARTICIPANTS
50 étudiants de FLE (hommes et femmes) ont assisté à un cours de
français pré-intermédiaire dans un institut de langue iranien. Ils ont
participé à deux sections du même cours. Ils étaient tous des locuteurs natifs
de persan et étudiaient le français depuis presque 6 mois. Ces deux sections
ont été chacune répartie accidentellement en deux groupes : celui de la
CSFs (28 apprenants) et celui de la CSF (22 apprenants).
-LES INSTRUMENTS
Nous avons fait deux tests pour évaluer la reconnaissance et la production
des deux temps. Le premier test était un test de grammaire composé de 20
phrases dans lesquelles l'emploi des temps passé composé et imparfait a été
vérifié. Nous y avons demandé aux participants de reconnaître la
grammaticalité de ces phrases. Les résultats de ce test montrent la
compétence des participants à reconnaître les deux temps ciblés. Le
deuxième test concernait une histoire en images. Les participants devaient
écrire une histoire au passé, où l'emploi du passé composé et de l'imparfait
était inéluctable. Le but de ce test était de trouver les participants capables
d'utiliser correctement ces deux temps dans leur production écrite. Il est à
signaler que nous avons utilisé trois versions parallèles pour ces tests : une
version pour évaluer les prérequis des apprenants sur passé composé et
imparfait (pre-test), une deuxième pour vérifier l'acquisition à court terme
(immédiatement après l'enseignement) de ces deux temps (post-test) et une
Étude Comparat ive de l’Impact de Deux Méthodes … | 109
troisième destinée à évaluer la pertinence à long terme de ces temps (post-
test différé).
-LE TRAITEMENT
Notre démarche était étendue sur une période de dix semaines. Au début
de la première semaine, les deux groupes ont fait les deux pre-tests : celui
de la reconnaissance et celui de la production. De la deuxième semaine
jusqu’à la cinquième, les professeurs des deux groupes ont enseigné les
deux structures visées. Pour mieux expliquer, le professeur de la CSF a
adopté la méthode de flux d’input, c’est-à-dire la réception d’une grande
quantité de donnés linguistiques par les apprenants à travers des documents
écrit, sonore et visuel. Ces documents riches de ces deux temps du passé,
n’étaient accompagnés d'aucune explication grammaticale explicite de la
part du professeur. Le professeur de la classe où s'applique la CSFs, lui, il
a enseigné les structures grammaticales selon la méthode présentation-
pratique-production. Dans cette méthode déductive, l’enseignant a expliqué
les règles grammaticales et ensuite il les a fait entraîner grâce aux exercices
appropriés.
A la sixième semaine, les apprenants ont été évalués à l’aide du post-test
pour une estimation de leur niveau d’apprentissage. Et finalement, la
dernière semaine du trimestre (la neuvième semaine) a été consacrée à
l’évaluation de l’effet à long terme desdites méthodes à l’aide du post-test
différé.
-LES RESULTATS
Les résultats de l’étude sont présentés dans le Tableau 1.
Tableau 1 : Moyens des deux groupes dans les deux tests pendant l’étude
Groupe Pre-test Post-test Post-test
différé
Test de
reconnaissance
CSFs 3.20 11.39 15.96
CSF 2.54 9.22 16.22
Test de
production
CSFs 2.35 9.96 16.07
CSF 2.50 9.27 19.45
Le tableau numéro 1 montre que dans les deux groupes, la compétence
des deux formes grammaticales a été améliorée au cours de cette étude.
Pour obtenir des réponses aux questions soulevées dans notre recherche,
nous avons utilisé, pour chaque groupe, deux mesures répétées d’analyse
de la variance à deux directions : l’une pour le test de reconnaissance et
l’autre pour le test de la production. Les résultats sont présentés dans le
tableau 2.
Tableau 2 : Résultats de Mesures répétées pour les variables de temps et
de groupe
Facteur F Sig
Temps 1919.91 0.000
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Test de
reconnaissance
Groupe 15.90 0.000
Test de
production
Temps 908.87 0.000
Groupe 9.30 0.004
Groupe : CSF et CSFs ; Temps : pre-test et post-test
Comme les résultats le montrent, le temps est une variable significative
pour les deux groupes : Il indique que le progrès des deux groupes dans les
deux tests (voir tableau 1, ci-dessus) est significatif (F=1919.91, p<0.001
pour le test de reconnaissance ; F=908.87, p<0.001, pour le test de
production). Ensuite, les résultats de quatre mesures répétées d’analyse de
la variance ont montré une différence significative entre les moyens de pré-
test, post-test, et post-test différé pour le test de reconnaissance de la classe
CSFs (F=1425.27, p<0.001) et celui de la classe CSF (F=1029.74, p
<0.001). Les données ont également montré une différence significative
entre les trois tests de production (pre-, post-, et post-test différé) pour la
classe CSFs (F=1029.74, p <0.001) et pour la classe CSF (F=725.99,
p<0.001). Ces résultats répondent à notre première question de la recherche,
et prouvent que les apprenants des deux classes ont amélioré leur
compétence sur le passé composé et l'imparfait dans les deux tests de
reconnaissance et de production.
En ce qui concerne la deuxième question de la recherche, c’est le tableau
2 (ci-dessus) qui montre qu’il y a une différence significative entre les deux
classes concernant la reconnaissance et la production correcte des deux
temps. Pour connaitre plus précisément les différences existant entre les
deux classes, pour chaque test (reconnaissance et production), trois Tests t
indépendants sont appliqués entre les deux classes dans le pré-test, le post-
test, et le post-test différé. Tableau 3 montre bien les résultats.
Tableau 3 : Résultats de Test t pour la différence entre les 2 classes dans
les deux tests pendant l’étude
Test classe Moyen t Sig.
Test de
reconnaissance
Pre-
test
CSFs 3.20 2.40 0.054
CSF 2.54
Post-
test
CSFs 11.39 6.76 0.000*
CSF 9.22
Post-
test
différé
CSFs 15.96 0.711 0.480
CSF 16.22
Test de
production
Pre-
test
CSFs 2.35 0.55 0.585
CSF 2.50
CSFs 9.96 1.23 0.223
Étude Comparat ive de l’Impact de Deux Méthodes … | 111
Post-
test
CSF 9.27
Post-
test
différé
CSFs 16.07 5.19 0.000*
CSF 19.45
Les résultats pour le test de reconnaissance indique qu’il n’y a aucune
différence significative entre les pre-tests des deux groupes (t= 2.40, p
>0.05). Cependant, les deux groupes sont différents dans le post-test où le
moyen de la classe CSFs est plus élevé que celle de CSF (t= 6.76, p >0.05).
Or, il est à constater qu’il n’y a aucune différence significative entre les
deux classes dans le post-test différé (t=0.711, p >0.05).
Quant au test de production, les résultats n’ont montré de différence
significative ni entre le pre-test des deux classes (t= 0.55, p >0.05), ni dans
leur post-test (t= 1.23, p >0.05). Cependant, les participants de la classe
CSF ont eu une meilleure performance que ceux de la classe CSFs dans le
post-test différé.
Les résultats de l'étude ont montré que les deux approches, c’est-à-dire,
la CSFs et la CSF, ont aidé les participants à améliorer leur compétence sur
le passé composé et l'imparfait. Cependant, les résultats ont indiqué qu'en
ce qui concerne la reconnaissance de ces formes, la CSFs est plus efficace
à court terme, mais la CSF a un meilleur effet à long terme. Quant à la
production de ces structures, la nouvelle approche CSF avait un effet plus
fort que la CSFs à long terme.
Les résultats ne soutiennent donc pas l'idée que les apprenants de L2 ne
peuvent pas acquérir les niveaux avancés de compétence grammaticale par
une instruction totalement centrée sur le sens, et non pas sur un
enseignement explicite de la grammaire (Voir Norris et Ortega, 2000 ; Ellis,
2001 ; Nassaji et Fotos, 2011). La conclusion que nous tirons de notre étude
correspondrait, dans une certaine mesure, à celle de Shintani (2015), qui a
constaté que l'approche CSF était plus efficace que la CSFs. Cependant, nos
résultats contredisent ceux de Sheen (2006) qui a trouvé la CSFs plus
efficace que la CSF.
La supériorité de la classe CSFs à celle de CSF dans le test de
reconnaissance à court terme et, d'autre part, le fait que la deuxième avait
une meilleure performance sur le test de production dans le post-test différé
peuvent être expliquées par la théorie de la distinction d'acquisition et
d'apprentissage de Krashen (1981). Selon Krashen (1981), il y a deux
systèmes qui s’impliquent dans la production d’une langue seconde : "le
système acquis" et "le système appris". "Le système acquis" ou
"l'acquisition" est le produit d'un processus subconscient qui est très
semblable au processus que les enfants subissent quand ils acquièrent leur
première langue. Il exige l'interaction significative dans la langue cible - la
communication naturelle - où les interlocuteurs se concentrent sur le sens
112 | Recherches en Langue et Littérature Françaises , Vol 12, No 22, Automne & hiver 2018-19
de ce qui se dit, et pas sur la forme. La technique des flux d'input qui est
employée dans la CSF est basée sur le système acquis. Selon Krashen, de
telles méthodes ne forcent pas les apprenants à produire L2 avant qu’ils s'y
apprêtent. Cela explique pourquoi les apprenants dans la classe CSF avaient
une meilleure performance que ceux de la classe CSFs dans le post-test
différé de production.
"Le système appris" ou "l'apprentissage" est le produit d'une instruction
formelle et il comprend un processus conscient qui conduit à une
compétence consciente de L2, par exemple la compétence des règles de
grammaire. Selon Krashen (1981), "l'apprentissage" est moins important
que "l'acquisition". Ceci pourrait expliquer pourquoi la classe CSFs avait
une meilleure performance sur le test de reconnaissance à court terme qui
interrogeait la connaissance apprise plutôt qu’acquise.
Nous pouvons aussi expliquer les résultats de cette étude par la
comparaison de la connaissance déclarative et procédurale, qui correspond
approximativement à la théorie de Krashen. Selon Ellis (1993), l'acquisition
de L2 commence par la connaissance déclarative des règles de la langue,
c’est-à-dire la compétence consciente de cette langue. Ceci est la
compétence qui est normalement apprise par l’enseignement explicite et
formel de cette langue. Cependant, cette compétence, ne peut pas être
utilisée efficacement dans la communication avant qu'il ne se développe à
la compétence procédurale, qui est l'acquisition des formes de L2 et
l'utilisation de cette langue dans la communication naturelle. Par
conséquent, étant donné que nos participants de la classe CSF avaient une
meilleure performance sur le test de production, nous pouvons dire que la
technique de flux d’input a aidé ces apprenants de passer plus efficacement
de l’étape déclarative à l’étape procédurale que ceux de la classe CSFs.
IV. CONCLUSION
En somme, si nous voulons aider les apprenants à acquérir des formes
linguistiques de L2, et arriver à un point où ils puissent communiquer de
manière effective, nous devons nous focaliser plutôt sur le sens des formes
grammaticales auxquelles nous les exposons que sur la forme de celles-ci.
Comme Krashen (1981) le suggère, les étudiants doivent être impliqués
dans une interaction significative de la langue ciblée. Dans une telle
situation, les étudiants se concentrent non seulement sur la forme de leur
parole, mais encore plus sur son contenu et son sens.
Malgré les arguments présentés, il n’y a pas assez de recherches pour voir
si l'effet du type d’enseignement (CSF ou CSFs) serait aussi différent pour
d'autres formes ciblées (Spada et Tomita, 2010). En fait, bien que notre
étude ait constaté que la CSF est plus efficace que la CSFs dans
l’acquisition à long terme des temps passés en français, la relation entre la
CFSs et la CFS est trop complexes pour être expliqués de manière exacte
Étude Comparat ive de l’Impact de Deux Méthodes … | 113
et précise. Ellis (2001, 2005) croit que la CSFs et la CSF doivent être
séparées et utilisées pour l’enseignement des formes différentes. Autrement
dit, il y a des formes qui se prêtent à la CSF et celles qui correspondent
mieux à la CSFs.
BIBLIOGRAPHIE
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