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C A H I E R

L’adénocarcinome colorectal est, en Belgique,parmi les trois cancers les plus fréquents. Ilsurvient dans 90 % des cas après l’âge decinquante ans. L’intérêt d’un dépistage adaptéest de permettre le diagnostic précoce descancers en vue d’en améliorer le pronostic etde prévenir le cancer en réséquant les adénomescolorectaux avant leur transformationnéoplasique. Il n’existe à l’heure actuelle pasde consensus concernant les méthodes dedépistage individualisé chez le patient à risquemoyen de cancer colorectal (CCR).

Objectifs

Le but de la démarche était d’étudier lafaisabilité du dépistage par endoscopie dans unepatientèle habituelle de médecine générale.L’objectif primaire de l’étude était d’évaluer letaux d’acceptation d’un examen endoscopique(rectosigmoïdoscopie ou coloscopie) dedépistage parmi des patients ayant reçu de leurmédecin généraliste une informationconcernant les risques de cancer colorectal etles avantages possibles d’un dépistageendoscopique. Les objectifs secondaires étaientd’analyser les lésions observées, de déterminerle taux de complications inhérent à l’acteendoscopique et de déterminer la tolérancesubjective des patients à l’acte endoscopique.

Étude concernant l’impact d’une information surle dépistage primaire du cancer colorectal

Jean-FrançoisColin, gastro-entérologue,cliniques Europeet Gérard Stibbe,médecingénéraliste,Institut médecinegénérale etcancer.

Article paru dansLa Revue de laMédecineGénérale n°224de juin 2005.

Étude concertéeentre l’Institutmédecinegénérale etcancer et descentreshospitaliers degastro-entérologie.

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L’étude présentée par les Dr Colin etStibbe constitue un exemple concret del’impact de l’information sur un pro-blème de santé (ici, le cancer du rectumet du colon). Dans une première phase,des généralistes ont été sensibilisés àce problème, puis invités à y sensibiliserleur patient et à leur proposer uneendoscopie de dépistage.

Les lecteurs moins intéressés par les aspectstechniques de l’étude sont invités à passerdirectement au paragraphe Discussion.

Matériel et méthodes

Les promoteurs étaient l’Institut médecinegénérale et cancer (IMGC) et des centreshospitaliers de Gastro-entérologie. Desmédecins généralistes ont été contactés parl’Institut médecine générale et cancer,renseignés par les centres hospitaliers impliquésdans l’étude. Le médecin généraliste, en accordavec son patient, gardait l’entière liberté detravailler en collaboration avec le centre de sonchoix. Il était implicitement signalé qu’unexamen de dépistage ne devait pas êtreexclusivement réalisé dans un des centres cités.L’étude avait obtenu l’accord du comitéd’éthique de la Société scientifique de médecinegénérale.

Le seul critère d’inclusion était d’être âgé decinquante à septante ans. Les critèresd’exclusion étaient les suivants : avoir étésoumis à un examen endoscopique du côlon ily a moins de cinq ans, être atteint d’unepathologie colique chronique connue hormis lesyndrome du côlon irritable, présenter unecontre-indication à un examen de dépistageendoscopique, souffrir d’une pathologielimitant le pronostic vital à un an.La durée de l’étude avait été fixée à sixsemaines ou cinquante patients informés, vusau cabinet du médecin généraliste. Avant ledébut de l’étude, dans chaque centre, étaitréalisée une séance d’information desgénéralistes. Des feuilles de renseignementsconcernant le dépistage du risque moyen decancer colorectal leur étaient alors remises.L’information du patient était annoncée dansla salle d’attente. Elle était effectuée par lemédecin généraliste à l’aide de feuillets remisaux patients. Une feuille attestant del’interrogatoire et de l’information donnée aupatient devait être remplie par le généraliste.Un consentement éclairé oral du patient à laparticipation à l’étude était demandé. En casde refus, le questionnaire n’était pas rempli. La

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COMMUNICATION

Après information, 283 patients (36,6 % de lapopulation totale) ont exprimé leur refus departiciper à l’étude. Il s’agissait de 154 femmeset 129 hommes.Parmi les 490 participants à l’étude, l’inter-rogatoire permettait de retrouver des antécé-dents familiaux de risque moyen de cancercolorectal chez 14 % des patients, un antécédentpersonnel de polype chez 4,9 % des patients etun antécédent familial de polype chez 7 % despatients. Des symptômes digestifs (pertes desang par l’anus, troubles du transit, douleursabdominales) étaient signalés par 24,1 % despatients.

● Population dépistée

Suite à la proposition d’un examen endosco-pique de dépistage, 158 patients (20,4 % de lapopulation totale) ont effectué un examenendéans la durée de l’étude. Comme le montrele tableau, 61 hommes (18,5 %) d’un âge moyende 61 ans, effectuaient soit une rectosigmoido-scopie (7 patients), soit une coloscopie (54patients). À la même proposition, 97 femmes(24,7 %) répondaient positivement et effec-tuaient soit une rectosigmoïdoscopie (14patientes) soit une coloscopie (83 patientes).La réalisation d’un examen de dépistage était,en analyse univariée, uniquement corrélée à laprésence de symptômes digestifs (p = 0,003) et

sélection des patients, avec ou sans facteurs derisques de risque moyen de cancer colorectal,présentant des symptômes digestifs ou non, étaitfaite grâce au questionnaire rempli par legénéraliste.La proposition d’un examen de dépistage étaitla suivante :

• pour les patients sans facteurs de risque :proposition d’une rectosigmoïdoscopie (oud’une coloscopie totale si le patient le désiraitaprès explication de l’intérêt des deuxtechniques)

• pour les patients avec facteurs de risque :proposition d’une coloscopie.

Les facteurs de risque étaient définis commesuit :

• des antécédents personnels de polypes ;• des antécédents familiaux de polypes et/ou

de risque moyen de cancer colorectal ;• une histoire familiale de polypose adéno-

mateuse familiale ou de cancer coliquehéréditaire non polyposique.

L’examen de dépistage devait être effectuéendéans les trois mois après la proposition.

L’analyse statistique des résultats a été effectuéepar Patrick Mullie (Eenheid voor Epide-miologie, Preventie en Screening, Jules BordetInstituut) à l’aide du logiciel SimStat forWindows version 1.3.1.

Résultats

● Population globale

Des dix centres hospitaliers, de Bruxelles oude Wallonie, cinq ont participé. Ils ont contactéet informé de l’étude 172 médecins généralistes.Selon les centres, l’étude a débuté entre févrieret juin 2002. Seulement 48 généralistes(27,9 %) ont participé à l’étude. Ils ont inclus773 patients (dont 13 % âgés de plus de 70 ans).Il s’agissait de 440 femmes d’un âge moyen de61,2 ans (4279) et de 333 hommes d’un âgemoyen de 60,8 ans (40-83). Onze généralistes(6,4 %) ont inclus moins de quatre patients.

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à l’existence d’un antécédent familial de risquemoyen de cancer colorectal (p = 0,03). N’étaientpoint corrélés le sexe, l’âge, les antécédentsfamiliaux ou personnels de polype.

● Endoscopies

La tolérance à l’examen endoscopique étaitjugée excellente par 98 patients (62,1 %), bonnepar 47 (29,7 %) patients, à peine acceptable par7 patients (4,4 %) (7 coloscopies) et mauvaisepar 6 patients (3,8 %) (5 coloscopies, 1 recto-sigmoïdoscopie). La tolérance était comparablepour les coloscopies et les rectosigmoïdo-scopies. Il est cependant à noter que denombreuses coloscopies ont été pratiquées soussédation. La seule complication consistait enun malaise vagal survenu avant le début d’unecoloscopie, qui n’a pas été pratiquée.Des lésions prolifératives, parfois multiples, ontété retrouvées chez 43 patients (27,2 % de lapopulation ayant fait l’objet d’un dépistage). Ils’agissait de polypes chez 41 patients, dont 10polypes « avancés » (villeux ou d’une tailled’au moins un cm), d’un cancer du rectum,sténosant, et d’un cancer du côlon. La locali-sation des lésions était proximale chez 11patients, distale chez 23 patients, proximale etdistale chez 9 patients. Parmi les patients ayanteu une rectosigmoïdoscopie, 6 présentaient despolypes ou un cancer justifiant une coloscopietotale, réalisée chez 4 patients.

D’autres lésions étaient observées chez 8 (5 %)patients : 1 rectite médicamenteuse, 1 ulcèresolitaire du rectum, 3 diverticulites sigmoïdien-nes, 1 colite radique, 1 angiodysplasie cæcaleet une maladie de Crohn iléale.

Discussion

Le cancer colorectal remplit les conditionsnécessaires pour qu’un dépistage soit justifié.Il est fréquent. Il reste grave. Un dépistagepermet de prévenir la survenue de certainscancers ou d’en améliorer le pronostic. Il existedes tests de dépistage performants. Pour qu’undépistage soit efficace, la participation de lapopulation doit être importante. L’organisationdoit être rigoureuse. Le dépistage doit êtrecoordonné et faire l’objet d’une évaluation

régulière. Il en est de même de la prise en chargedes lésions dépistées. Il faut aussi disposer dufinancement et des moyens nécessaires.Actuellement, il est démontré que la recherchede sang occulte dans les selles par le testHemoccult II est efficace dans le cadre d’undépistage de masse de la population, avecréduction de l’incidence du risque moyen decancer colorectal. Le test est réalisé sans régimealimentaire et est lu sans réhydratation. Lalecture du test doit être centralisée. Néanmoins,vu la faible sensibilité de ce test, on ne peut leconsidérer comme le test de dépistage de choixà l’échelon individuel. D’autre part, sa positivitéimpose la réalisation d’une coloscopie totale.C’est pourquoi l’Institut médecine générale etcancer a développé un programme de dépistagesystématique basé sur l’endoscopie. C’est ceprogramme qui a été testé auprès d’un groupede médecins de famille et de leurs patients. Dansnotre étude, les endoscopies effectuées ontmontré la présence de lésions chez 27 % despatients, dont 7,6 % de lésions significatives,soit un pourcentage globalement retrouvé dansla littérature. Malheureusement, les chiffres departicipation de la population investiguée(20,4 %) et des médecins généralistes (28 %),quoique sensibilisés à la problématique durisque moyen de cancer colorectal, sontdécevants. Il est possible que la participationeffective de la population ait été sous-estimée,certains patients préférant postposer l’examende dépistage. Ces résultats ne permettent pasde dépistage efficace du risque moyen de cancercolorectal. Ils peuvent s’expliquer par desrésistances liées au patient ou au médecingénéraliste.

Parmi les résistances liées au patient, il s’agitnotamment de l’appréhension d’un examen dedépistage, de l’acceptabilité du test de dépistageproposé (caractère invasif, préparation désagré-able, risques de complications), de l’absencede perception du bénéfice d’un dépistage durisque moyen de cancer colorectal, et del’absence de symptômes digestifs. Parmi lesrésistances liées au médecin, il s’agit surtoutde l’insuffisance de données scientifiques entermes de santé publique et, ce qui était le pluscontraignant dans notre étude, du temps néces-saire à l’information du consultant sur le cancercolorectal, son dépistage, et l’étude proposée.Jouent également la charge administrative,

Étude concernant l’impact d’une information sur le dépistage primairedu cancer colorectal

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l’appréhension d’examens invasifs et laperception d’une faible motivation de lapopulation.Un dépistage efficace du risque moyen decancer colorectal devrait d’abordimpliquer une information adéquate de lapopulation permettant de la sensibiliserau dépistage, à ses risques et bénéfices.Ensuite une information et une formationpréalable des médecins généralistes et desmédecins du travail seraient nécessaires,comme le démontrent les étudeseffectuées en France. Par contre pour lessujets à risque élevé, la sensibilisation estmeilleure et des arguments existent enfaveur de la coloscopie de premièreintention. Le médecin généraliste joue làun rôle essentiel dans la sélection de cespatients. Cependant une stratégie dedépistage limitée aux patients à risque nepourrait avoir qu’un effet modeste entermes de santé publique dans la mesureoù le risque moyen de cancer colorectalapparaît dans près de 75 % des cas chezdes patients n’appartenant pas à un groupeà risque.

Conclusion

L’étude menée démontre les difficultéspratiques d’un dépistage systématique du risquemoyen de cancer colorectal basé sur l’endo-scopie dans une patientèle habituelle demédecine générale.En termes de santé publique, dans l’attented’études complémentaires intégrant notammentla coloscopie virtuelle, il reste préférable dedévelopper un programme de dépistage basésur la recherche du sang occulte dans les selles.Ce test non invasif permet de sensibiliser lepatient et, en cas de positivité, d’inciter à laréalisation d’une coloscopie. Cette politique desanté implique cependant un financement et desmoyens adaptés.

HOMMES

Proposition Acceptation Réalisation

n % n % n %

Rectosigmoïdoscopie 43 27.2 19 9.3 7 11.5

Coloscopie 115 72.8 66 32.4 54 88.5

Refus d’un examenendoscopique 119 58.3

Pas de données 175 129

Total 333 333 333

18 % des hommes effectuent un examen de dépistage

FEMMES

Proposition Acceptation Réalisation

n % n % n %

Rectosigmoïdoscopie 33 15.8 15 5.2 14 14.4

Coloscopie 176 84.2 94 32.9 83 85.6

Refus d’un examenendoscopique 177 61.9

Pas de données 231 154

Total 440 440 440

22 % des femmes effectuent un examen de dépistage

Tableau 1 : Endoscopie de dépistage

Lexique

Adénocarcinome : Une forme fréquente de cancer, développé àpartir de tissu glandulaire.

Colorectal : touchant le rectum (partie terminale de l’intestinconduisant à l’anus) et/ou le colon (ou gros intestin).

Coloscopie : examen médical consistant à introduire un endoscope(tuyau souple pouvant amener divers instruments d’optique ou deprélèvement de tissus) dans le colon. La coloscopie « totale » exploretoute la longueur du colon.

Rectoscopie : même examen, limité au rectum.

Rectosigmoidiscopie : même examen, limité au rectum et ausigmoïde, qui est la dernière partie du gros intestin (le colondescendant)

Polype : excroissance charnue implantée dans la paroi de l’intestinet se projetant dans le conduit intestinal ; il existe des polypes bénins(non cancéreux) et malins (cancéreux) ; tout polype, même bénin,peut un jour se transformer en cancer.

Prévalence : nombre total de personnes touchées par une maladieà un moment donné dans une population donnée.

Sang occulte : sang non visible à l’œil nu (parce que, dans le casprésent, mêlé en petite quantité aux selles).

La bibliographie est disponible sur simpledemande