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IV
ÉTUDE SYNTAXIQUE
DES CIRCONSTANTS
DE TEMPS ET DE LIEU
£24
Étude syntaxique________________________________267
1. ÉTUDE SYNCHRONIQUE DU CIRCONSTANT
1.1 DIFFÉRENTS SYNTAGMES CONSTITUANT LE CIRCONSTANT.
1.1.1 Le syntagme nominal
En principe, le circonstant de temps et de lieu est formé sur un
syntagtne nominal constitué d'un seul élément. L'élément est un nom de temps
ou de lieu.
Exemple :
IQâlû labitnâ yawm-a-n 'aw bacd-a yawm-i-n/18/19
« Ils ont dit : nous avons séjourné un jour ou une partie de la journée. »
Syntagme. nominal
Mais d'autres éléments peuvent venir s'ajouter à l'élément premier. Le
premier élément constitue la tête du syntagme. Dans ce cas, on peut parler
d'expansion par rapport au mot de tête.
Exemple de syntagme composé d'une tête et d'un déterminant :
lai- yawm-a 'akmal-lu Ja-Jaim dm-a-kuml 3/5
Le jour j'ai parachevé votre religion
Déterminant mot de tête
Syntagme nominal.
« Aujourd'hui, j'ai parachevé votre religion. »
Le mot de tête peut être l'élément qualifié. Son qualificatif lui est postposé.
Exemple :
Étude syntaxique_________________________________268
/fa hamalat-hu fa intabadat bihi makân-a-n qasiyy-a-nl 19/22
Mot de tête qualificatif
Alors, elle a porté il, alors elle s'est retiré avec il un lieu écarté.
« Elle l'a porté, puis s'est retiré avec lui en un lieu éloigné. »
Le mot de tête peut être le premier élément d'une annexion constituée de deux
éléments.
Exemple :
ILi-yaïymilû 'awzâr-a-hum kâmilat-a-n yawm-a l-qiyâmat-il 16/25
Mot de tête déterminant annectif
1er élément______2ime élément
Annexion
Afin de porter les charges à eux entières le jour de la résurrection
« Afin de porter leurs charges entières le jour de la résurrection. »
Le mot de tête peut être le premier élément d'une annexion constituée d'un
mot et d'une phrase.
Exemple :
/Fa rtaqib yawm-a ta 'tîs-samâ 'u bi dukân-i-n mubîn-i-nl 44/10
Attends le jour où viendra le ciel avec une fumée visible
Mot de tête phrase
« Eh bien, attends le jour où le ciel apportera une fumée visible. »
Le syntagme nominal est composé d'une série de mots regroupés autour
d'une tête, tel que l'ensemble est fonctionnellement équivalent à cette tête.
Dans les exemples mentionnés ci-dessus, le mot de tête est normalement régi à
l'accusatif, marque désinentielle du circonstant. Il arrive, cependant, que le
Étude syntaxique 269
mot de tête ne soit plus régi à l'accusatif et ce pour la raison suivante : lorsque
le mot de tête occupe la place de deuxième élément d'une annexion, dans ce
cas, c'est le mot de tête qui est le déterminant du premier élément de
l'annexion et de ce fait il est régi au génitif par l'annexion. C'est le cas avec
des mots comme /dât/ qui signifie l'essence de quelque chose ou ce qui détient
quelque chose.
/wanuqallib-u-hum dât-a l-yamîn-i wa dât-a s-simâl-i/\8/18
« Nous les retournions dans ce qui est à la droite et ce qui est à la gauche. »
expansion mot de tête
1er élément 2e""8 élément
Annexion
C'est le cas également avec des mots comme /bacd/ = un ou une partie, /kull/
chaque, etc.
Exemple :
Ikull-a yawm-i-n huwa fi sa'n-i-nl 55/29
« Chaque jour, il est dans une affaire. »
Expansion mot de tête
1er élément 2èrae élément
Annexion
IQàlû labitnâ yawm-a-n 'aw bacd-aexpansion
1er élément
yawm-i-n/ 18/19
mot de tête
2e1"6 élément
Annexion
« Ils ont dit : nous avons séjourné un jour ou une partie d'une journée. »
Étude syntaxique_________________________________270
C'est le cas également avec les nombres.
jwa labii-iî fî kahf-i-him talât-a mi'at-i simn-a wa zdâd-û ti$c-a-n!
18/25 expansion expansion mot de tête
1er élément 2*"" élément 3*™ élémentAnnexion
« Ils ont séjourné parmi eux trois cent ans et ont ajouté neuf [années]. »
Sans le mot de tête de nature spatiale ou temporelle, les expansions du
mot de tête, qui lui sont antéposés, perdent leur valeur circonstancielle. La
valeur circonstancielle est assurée uniquement par le nom de temps ou de lieu.
Étude syntaxique_________________________________271
1.1.2 Le syntagme prépositionnel
Chez la majorité des grammairiens arabes anciens, le syntagme
prépositionnel est exclu de la catégorie du circonstant. Bien qu'il exprime la
circonstance de l'action du verbe, le syntagme prépositionnel de type spatial
ou temporel n'est pas considéré comme un circonstant de temps et de lieu.
Seul le syntagme nominal régi à l'accusatif par le verbe et dont la tête est un
nom de temps ou de lieu est considéré comme un circonstant.
Exemple :
linnâ 'anzalnâ-hu fl laylat-i l-qadr-il 44/3
« Certes, nous l'avons fait descendre dans la nuit du destin. »
Syntagme prépositionnel
Pourtant, certains grammairiens, comme al-MUBARRID, font exception
à la règle. Al-MUBARRID voit, malgré tout, dans le syntagme prépositionnel un
circonstant de temps ou de lieu. Dans le cas du circonstant, dit-il, l'idée de
réceptacle qui contient l'action est assurée par le nom /yawm-a/, dans /sir-tu
yawm-a l-jumucat-i/ = j'ai marché le jour du vendredi, alors qu'elle est assurée
par la préposition /fî/ dans le deuxième énoncé /sir-tu fî yawm-i l-jumucat-i/ =
j'ai marché dans le jour du vendredi.1
Hassan HAMZÉ explique que : « Dans une analyse plus abstraite, les
grammairiens arabes ramènent ces deux types à un seul modèle, la phrase
verbale étant formée d'un verbe, d'un sujet et, éventuellement, d'un
1 Al-MUBARRID, al-Muqta<jab, t. 4, p. 342.
Étude syntaxique_________________________________272
complément (respectivement : fïcl, fâcil, maful : Opération, opérateur, opéré).
Les deux premiers éléments, à savoir le verbe et le sujet, sont, dans l'analyse
des grammairiens arabes, obligatoires sur les deux plans : sémantiques et
syntaxiques ; ils forment un énoncé complet. Le troisième est un mafûl que ce
soit un circonstant ou un complément d'objet direct, puisqu'il s'agit, dans les
deux cas, « d'un nom accusatif qui vient après la constitution d'un énoncé
complet », cela que le nom qui est au génitif est, en réalité, « dans la position
d'un nom accusatif» « Cependant, la rection de la préposition empêche
l'apparition de la voyelle /a/ de l'accusatif. ».'
Ainsi, la fonction syntaxique de zarf, bien qu'elle précise la
circonstance temporelle et spatiale de l'action du verbe, repose essentiellement
sur la rection. Il y a circonstant de temps et de lieu ($arf) lorsqu'il y a rection
du verbe. Dans le syntagme prépositionnel, le nom est le mot de tête du
syntagme. Il précise la circonstance de l'action du verbe, mais il n'est pas régi
par le verbe. Donc, ce n'est pas un zarf.
Les deux syntagmes sont sémantiquement semblables et syntaxiquement
différents. Ils se ressemblent parce qu'ils précisent tous les deux la circonstance
temporelle et spatiale de l'action du verbe. Ils sont différents parce que l'un (le
zarf) est régi directement à l'accusatif par le verbe et l'autre indirectement par
l'intermédiaire d'une préposition
1 Hassan HAMZÉ, Le circonstant dans la tradition grammaticale arabe, p. 3.
Étude syntaxique _________________________________ 273
1 .2 LE CIRCONSTANT ET L'iNDÉCLINAISON
Parmi les noms de temps et de lieu susceptible d'occuper la fonction de
circonstant, il y a une catégorie qui est totalement déclinable du fait qu'elle
peut occuper plusieurs fonctions syntaxiques différentes. Ce sont les noms de
temps spécifiés et certains noms de temps vagues comme /waqt-a/ (temps),
/hîn-a/ (moment), les noms de lieu dérivés et les noms de mesure. Ensuite, il y
a la catégorie des noms de lieu vagues qui sont les orientations /fawq-a/
(dessus), /taht-a/ (dessous), /'amâm-a/ (devant), /warâ'-a/ (derrière), etc., puis
la catégorie de ce que les grammairiens arabes anciens appellent ceux qui sont
similaires aux orientations. Ce sont, entre autres, Ainda/ (vers), /dûna/
(dessous), etc. Ce type de nom se décline à l'accusatif lorsqu'il est régi
directement par le verbe et au génitif, lorsqu'il est régi indirectement par le
verbe au moyen d'une préposition.
Exemple :
lla-qad radiy-a llah-u cani l-mu 'minîn-a 'idyubâyfûn-a-ka taht-a s-sajarat-i .148/18 ——— ~~
verbe circonstant C. de nom
« Dieu a été satisfait des croyants, lorsqu'ils t'ont prêté allégeance sousl'arbre. »
lyawm-a yagsâ-humu l- 'adâb-u
Le jour les couvrira le châtiment
min fawq-i- him wa min taht-i 'arjul-i-huml 29/55
de dessus eux et de sous les pieds à eux
prépo c.o.i C. de nom prépo c.o.i C. de nom
synt. prépo synt.prépo
« Le jour où le châtiment les couvrira de dessus et de sous leurs pieds. »
Étude syntaxique _________________________________ 274
Ces noms de lieu ont sans aucun doute occupé dans un passé lointain,
plusieurs fonctions syntaxiques. Il semble, d'après la réponse donnée par al-
KALÎL à SIBAWAYHI, que ces noms étaient encore indéterminés chez certains
Arabes de leur époque. C'est-à-dire qu'ils ne nécessitaient pas de leur annexer
un mot pour être déterminés. SlBAWAYHT dit : « Je lui ai demandé, à propos de
/min dûn-i-n/ (du dessous), /min fawq-i-n/ (du dessus), /min taht-i-n/ (du
dessous), /min qabl-i-n/ (d'avant), /min bacd-i-n/ (d'après), /min dubur-i-n/ (de
derrière) et /min kalf-i-n/ (de l'arrière) ? Il m'a répondu : Ils (les Arabes) ont
fait comme si c'était des noms déclinables, parce qu'ils s'annexent et sont
employés dans d'autres fonctions que celle de circonstant. »1
-fCr* J ô* J 'JJ^ ù* : ^J* ù* ^ J »
' '
-' r> î- ° 'â jl>- - »
. O » ^ 0 . .s 0
« .1— S
Différemment, ces noms étaient, à l'époque de SIBAWAYHI et d'al-
KALÎL, dans la plupart des occurrences, voués à la détermination par annexion
et à la rupture du rapport d'annexion, ils ont été figés avec la voyelle /u/. À ce
propos, al-KALÎL précise : « Qu'il y a parmi les Arabes ceux qui disent /min
fawqu/ et /min tahtu/. Ils les ont comparés à /qablu/ et /bacdu/. »2
' SIBAWAYHI, Al-kitôb, t. 3, p. 289.' Idem.
Étude syntaxique_________________________________275
Hormis les noms d'orientations : /qablu/ et /ba°du/, les noms
d'orientation et leurs semblables ne connaissent, aujourd'hui, que la fonction
de complément verbal, la détermination par annexion et la déclinaison à
l'accusatif et au génitif.
Quant aux unités n'occupant que la fonction syntaxique de circonstant
et toujours déterminées par annexion, sans jamais rompre avec le déterminant
annectif, notamment, les unités comme /'idâ/, /ladâ/, Aalâ/, /mata/, etc, elles
sont soit interprétées comme des noms figés et indéclinables, soit des noms
déclinables. Selon notre hypothèse, ils sont déclinables à l'accusatif. Quoi qu'il
en soit, on ne peut affirmer qu'ils sont figés, car pour cela, il faut une rupture
avec le deuxième élément d'annexion.
Étude syntaxique_________________________________276
1.2.1 Le figement et la voyelle prothétique finale
D'après Ibn al-'ANBÂRÎ, le figement se produit, entre autres, lorsqu'une
unité, qui est toujours annexée, est séparée de sa base, car les deux éléments de
ce type d'annexion forment un seul élément. Lorsque l'annexion est brisée, la
première partie de celle-ci se retrouve réduite et figée.
Exemples :
l-a 'arma yufry-i hâdi-hi llah-u bacd-a mawt-i-hâ/. 2/259II a dit : d'où fera t-il revivre celle-ci Dieu après sa mort à elle ?
circonstant C. de nom
Annexion
« II dit : Comment veux-tu que Dieu ressuscite celle-ci après sa mort ? »
Itumma 'agraq-nâ bacdu l-bâqîn-al. 26/120
« Ensuite, nous avons noyé après [cela], le reste. »
circonstant c.o.d
1.2.2 Les différents figements et leurs différentes marques
Le principe du figement en fin de mot est, qu'à la base, il y ait une
absence de voyelle casuelle et de ce fait, aucune marque de distinction si ce
n'est que le l°l (sukuri). C'est le cas des unités comme /'id/ (quand), /lad/
(auprès), /mac/ (avec), /mud/ (auprès de) et /kam/ (combien), ceux-ci sont
maintenus tels quels, sans déclinaison. L'absence de voyelle est le principe du
figement. C'est le signe l°l qui leur est assigné. A ce propos, Ibn al-'ANBÂRÎ
Étude syntaxique _________________________________ 277
explique que « /kam/ est figé avec le sukun, parce que c'est le principe du
fîgement et parce qu'il n'y a rien qui nécessite son figemeni avec une voyeJJe.
Il est maintenu sur le principe (...) C'est également parce qu'il n'a pas connu
une situation de déclinaison.1
J
x x^ °t x ^^ J
/ladun/ > /ladu(n)/. La voyelle /u/ ne serait pas une voyelle distinctive du
flgement, mais la voyelle syntagmatique contenue dans /ladun/.
1 Ibn al-'ANBÂRÎ, 'Asrâru l-carabiyya, p. 37.
Étude syntaxique_________________________________278
1.3 LES RÉGISSANTS DU CIRCONSTANT.
1.3.1 Le verbe est le régissant le plus puissant.
Pour traiter la question de rection, nous nous situons dans l'analyse
adoptée par les grammairiens arabes. Ainsi, Je circonstant de temps et de lieu
n'est pas seulement régissable par le verbe. Il est également régi par des
régissants de formes nominales comme le nom d'action, le nom d'agent, le
nom de patient, le qualificatif et le superlatif Cependant, Je verbe est le
régissant, par excellence, du circonstant. Si l'on recherche la ou les raisons de
la supériorité de force de rection du verbe vis-à-vis des autres régissants on se
rend compte que les raisons sont diverses, les unes plus importantes que les
autres. Tout d'abord, on remarque que le verbe représente une classe du
discours à part et que les autres régissants sont tous des formes nominales.
Au niveau de la rection, le propre du verbe est, en principe, de régir le
nom. Le propre du nom est d'être régi par le verbe. A ce niveau, il y a déjà un
rapport de supériorité du verbe par rapport au nom. Les formes nominales
régissantes comme le nom d'action (masdar\ le nom d'agent (ism al-fâ°il), le
nom de patient (ism al-mcffiïl), le qualificatif (as-sifa\ le nom de comparaison
(ism at-tafdîl), n'ont de pouvoir que de régir d'autres noms. Ils ne peuvent
régir une autre classe du discours dont le verbe.
Étude syntaxique_________________________________279
D'autres part, au niveau du sémantisme, la rection est plus forte entre le
verbe et Je circonstant qu'entre les autres formes nominales et Je circonstant.
La particularité du verbe est qu'il désigne à la fois un temps, une action et
implique un lieu, tandis que les formes nominales ne désignent, dans ce cas,
qu'une action. Le verbe régit le circonstant parce qu'ils ont en commun Je
temps et le lieu. Le temps et le lieu, points communs entre le verbe et le
circonstant, constituent un lien étroit entre le régissant et le régi. Le lien est
encore plus étroit entre le verbe et le circonstant de temps, car le verbe est
conjugable au temps passé et non passé et se retrouve avec un circonstant de
temps passé comme /'id/ (quand au passé), /'amsi/ (hier), et des circonstants
indiquant le nom passé comme /gadan/ (demain), /'idâ/ (quand/non passé).
Toutes ces caractéristiques sémantiques font du verbe un régissant puissant.
Exemples :
Jfû-qad na§ar-a-hu llah-u 'id 'akraja-hu lladjn-a kafarù!. 9/40
Certes, il a secouru lui Dieu lorsqu'ils ont sorti lui ceux qui ont mécru.
Verbe (au passé) circonstant (de temps passé)
« Dieu l'a certes secouru, quand ceux qui ont mécrus l'ont expulsé. »
/wa laqay-tu-ka 'ainsi yâ fatal1
Et j'ai rencontré toi hier ô jeune homme
Verbe au passé circonstant (de temps non passé)
« Je t'ai rencontré hier, ô jeune homme. »
Exemple extrait de Al-muqta<}ab, de al-MUBARRlD, t. 3. p. 173.
Étude syntaxique_________________________________280
Isa- yaclamûn-a gadan mani l-kaddâb-u l- 'asîr-ul. 54/26
Bientôt, Ils sauront demain qui est le menteur le pire.
Verbe circonstant(au temps non-passé) (de temps non-passé)
« Ils sauront demain qui est le pire des menteurs. »
Dans un énoncé où se côtoient éventuellement les différentes formes
régissantes du circonstant, la présence et la force du verbe s'imposent, effaçant
tout pouvoir de rection aux autres régissants (nominaux). Ce qui permet plus
d'aisance au verbe à régir de n'importe quelle position, c'est aussi le fait qu'il
n'est pas à l'instar des formes nominales, qualifié, ni déterminé. Il régit le
circonstant sans être gêné par une quelconque unité venant s'interposer entre
lui et le circonstant.
En somme, la raison principale de la force de rection du verbe, c'est
comme le fait remarquer Hassan HAMZÉ, sa liberté de rection.*
Pourtant, il faut préciser que le verbe régit tous les circonstants qui font partie
de sa phrase. Mais il ne peut régir le circonstant d'une autre phrase. Autrement
dit, lorsqu'il y a une phrase complexe dont l'un de ses éléments est une phrase
simple, il existe une barrière entre les phrases qui empêche la rection. Ce qui
fait que le verbe de la phrase complexe ne peut atteindre et de ce fait ne peut
régir le circonstant de la phrase simple et vice versa.2
Exemple :
1 Hassan HAMZÉ. les théories grammaticales d'az-Zajjâjî, p. 233.2 A ce propos, voir page : 310, du présent travail.
Étude syntaxique_________________________________281
lla-qad radiy-a llah-u °ani l-mu 'minîn-a 'id yubâyfûn-a-ka tafata s-sajarat-il.48/18 —————— ——
Verbe circonstent Verbe circonstjpti____________I i____T
(phrase simple)
Phrase complexe
« Dieu est satisfait des croyants, lorsqu'ils t'ont prêté allégeance sous
l'arbre. »
Dans l'exemple ci-dessus, le verbe /radiy-a/ (être satisfait) ne peut régir
le circonstant /tahta/ (sous), car tous les deux font partie de deux phrases
distinctes, /tahta/ fait partie d'une phrase formant un bloc dont les éléments se
régissent entre eux. Aucun élément extérieur ne peut les régir.
1.3.1.1 Formes nominales régissantes
À la différence du verbe, qui ne peut être régi par un autre verbe ou un
nom, il y a parmi les formes nominales, une catégorie, qui bien qu'étant
régissable, régit également d'autres noms, dont les noms de temps et de lieu à
l'accusatif. C'est le cas du nom d'agent, le nom de patient, le nom d'action et
ceux qui qualifient comme le qualificatif et le superlatif.
Cependant, à la différence du verbe, le pouvoir de rection de ces formes
nominales n'est pas absolu. S'il y a présence d'un verbe dans un énoncé
comprenant un circonstant de temps ou de lieu et une ou plusieurs formes
Étude syntaxique_________________________________282
nominales citées ci dessus, le régissant serait le verbe, quelle que soit sa
position vis-à-vis du circonstant. Le pouvoir de rection du verbe est absolu.
Mais s'il y a absence de verbe, le régissant pourrait être l'une des formes
nominales. Cependant, s'il y a présence de plusieurs formes nominales dans le
même énoncé, quel serait Je régissant du circonstant ?
Dans la tradition grammaticale arabe, lorsque plusieurs formes
nominales régissantes sont présentes dans l'énoncé, des règles ont été établies
sur leur possibilité de régir. Ainsi, pour les grammairiens arabes, les noms
d'agent, d'action et de patient ne peuvent régir le circonstant postposé si celui-
ci est séparé par un qualificatif. Le superlatif peut régir ce qui est postposé
comme ce qui est antéposé, etc.1
Bref, si nous analysons de plus près les raisons de possibilité et
d'impossibilité de régir, nous pouvons apporter une autre approche que celles
des grammairiens arabes à ce sujet.
Cela dit, ce qui semble être pour la tradition grammaticale arabe, une
impossibilité de rection du circonstant par les noms d'agent, de patient et
d'action, parce qu'ils sont séparés du circonstant par un qualificatif, ce serait
selon notre hypothèse, une question de proximité voire de contiguïté du
régissant vis-à-vis du circonstant. Autrement dit, le qualificatif qui se trouve
entre certaines formes nominales régissantes et le circonstant, est lui-même un
1 Voir à ce propos, al-°UDAYMA, Dirâsa li 'uslubi l-Qiir'ân, t. 2, pp. 815-816.
r
Etude syntaxique _________________________________ 283
régissant potentiel. Par ailleurs, si le qualificatif empêche d'autres formes
régissantes de régir le circonstant, c'est, tout naturellement, lui qui prend en
charge, par la proximité, la rection du circonstant. C'est comme si dans un
ordre linéaire, la forme nominale antéposée au circonstant le plus proche, est
celle qui régit le circonstant.
Exemple :
rulâ 'ika lahum cadâb-u-n ca$m-u-n yawm-a tabyaddu wujûh-u-n/ 3/105,TÔ6 ———— ————— —————inchoatif Nom d'action qualif. circonstant
Énonciatif
« Ce sont ceux pour qui un châtiment considérable, le jour où blanchiront des
visages. »
Dans l'exemple ci-dessus, c'est le nom d'action !°ap,m-u-n/ antéposé au
circonstant qui est le régissant, car le verbe Itabyaddui est un élément annexé
au circonstant /yawm-a/, autrement dit c'est son déterminant annectif.
On peut supposer, qu'entre deux régissants antéposés au circonstant, le
plus proche est celui qui régit. Puis entre deux régissants, l'un postposé, l'autre
antéposé au circonstant, l'antéposé est prioritaire sur celui qui est postposé au
circonstant. D'autre part, les grammairiens arabes, dont SlBAWAYHI, disent que
certaines formes nominales régissantes peuvent être antéposées au circonstant
et d'autres ne le peuvent pas. On dit, par exemple, que le qualificatif ne peut
être postposé au circonstant. Autrement dit, le circonstant ne peut être antéposé
au qualificatif.1 Au lieu de dire que le circonstant ne peut pas être antéposé au
SlBAWAYHI. t. 1, p. 205.
Étude syntaxique_________________________________284
qualificatif, pourquoi ne pas dire que tout circonstant antéposé au qualificatif
suppose la présence d'un régissant potentiel, apparent ou ellipse, antéposé au
circonstant et que l'antéposé est prioritaire sur le postposé.
Quant à la règle établie par les grammairiens arabes sur la possibilité du
circonstant d'être antéposé aux régissants comme Jes noms d'actions, de
patient, d'agent et le superlatif, nous pouvons supposer que c'est probablement
en l'absence de régissant antéposé au circonstant dans l'énoncé, et sûrement
parce que l'énoncé est une phrase nominale, constituée d'un inchoatif et d'un
énonciatif.
Exemples :
/'ilâ rabb-i-ka [ ] yawma'id-i-in-i l-mustaqarr-u/. 15/12
c.o.i régissant circonstant Inchoatif(supposé)
Enonciatif
« C'est vers ton seigneur [que sera], ce jour là, le retour. »
Ikallâ 'inna-hum °an rabbi-him yawma 'idin la-mahjûbûn-al.82/15 —— ——————— —————— ——————
Inchoatif c.o.i circonstant régissant____________________(nom de patient)
énonciatif
« Au contraire, de leur seigneur, ils seront ce jour-là, séparés d'un voile. »
/hum li l-kufr-i yawma 'idin 'aqrab-u. min-hum li l- 'îmân-il.3ÏÏ62 ————— —————— ———— ————— —————Inchoatif c.o.i circonstant régissant c.o.i c.o.i
(superlatif)Enonciatit
« Ils étaient, ce jour-là, plus près de la mécréance que de la foi. »
Étude syntaxique_________________________________285
En somme, la position d'une forme nominale régissante est primordiale
pour la rection. C'est la position vis-à-vis du circonstant qui permet à un
régissant de régir plutôt qu'un autre. Cela dit, la présence de régissants de
forme nominale en antéposition au circonstant, offre la possibilité de régir au
plus proche d'entre eux.
D'autre part, entre deux régissants dont l'un est antéposé, et l'autre postposé
au circonstant, l'antéposé est, de par sa position, le régissant potentiel du
circonstant.
Étude syntaxique_________________________________286
1.3.1.2 Rection entre les éléments de phrases différentes
Lorsque deux phrases distinctes se trouvent dans un même énoncé, les
éléments des deux phrases ne peuvent pas se régir mutuellement. La phrase en
elle-même se définit comme : « Tout énoncé dont une partie de ses éléments
régit l'autre. »' C'est une définition qui comprend deux niveaux, l'un interne,
l'autre externe. Hassan HAMZÉ explique : « Sur le premier niveau, interne, les
éléments de la phrase entretiennent des rapports de dépendance exprimés en
termes de rection, les éléments de la phrase régissant les uns les autres.
Sur le deuxième niveau, externe, la phrase est définie comme étant un
ensemble. Ses éléments régissent les uns les autres, mais ils ne sont pas régis
par un élément extérieur à l'ensemble. La phrase tout en étant la somme de ses
constituants sur le niveau interne, est une unité sur le niveau externe. Elle n'est
pas très éloignée de notre "unité syntaxique maximale". Une fois constituée,
aucun de ses éléments ne peut être régi par un élément qui ne fait pas partie de
l'ensemble, c'est la phrase toute entière, en tant qu'unité, qui peut entretenir
une relation avec un élément qui ne lui appartient pas. C'est pour cette raison,
une phrase, lorsqu'elle est reprise, conserve les voyelles casuelles de ses
éléments. »2
SIBAWAYHI. Al-kitâb, t. 1, p. 23 et az-ZAJJÂJÎ, Al-Jumal, p. 39.2 Hassan HAMZÉ, Les théories grammaticales d'az-Zajjâjî, pp. 528, 529.
Étude syntaxique________________________________287
Dans le cas d'une phrase complexe dont l'un de ses éléments est une
phrase simple, les éléments de la phrase complexe ne peuvent régir ceux de )a
phrase simple qui constitue un seul de ses éléments et vice-versa, c'est-à-dire
que si la phrase simple, elle-même, comporte un circonstant, celui-ci ne peut
être régi que par un élément interne à la phrase simple, mais jamais par un
élément extérieur.
Exemple :
Jqâl-al rabbî 'annâ yaktin-it lî walad-n-n wa lam yamsas-nî basar-u-nl. 3/47
circonstant verbe sujet Verbe sujet4__;jPhrase simple Phrase simple coordonnée
Phrase complexe
«. Elle dit . Mon seigneur ! D'où me viendra un enfant, alors qu'aucun homme
ne m'a touché. »
Dans la théorisation des grammairiens arabes anciens, un énoncé peut
être constitué de deux phrases simples, dont la deuxième serait introduite par
une particule. Ces particules sont /'in/ (si), /'an/ (que), /fa/ (alors). Ces
particules sont pour André ROMAN des translatifs permettant de translater une
phrase quelconque de son statut de phrase, segment syntaxique maximal et
donc indépendant, en un segment dont le statut syntaxique est celui d'une voix
ou d'une extension. Elle translate la phrase comme un sous-ensemble
syntaxiquement figé.1
André ROMAN, Grammaire de l'arabe, p. 114.
Étude syntaxique_________________________________288
Ainsi, pour André ROMAN, la phrase translatée est une phrase simple,
constituant d'une phrase complexe. Bref, que ce soit chez les grammairiens
arabes anciens ou chez André ROMAN, la phrase introduite par les particules en
question est un élément figé. Pour les grammairiens arabes, les constituants se
régissent entre eux et ne peuvent être régis par des éléments d'autres phrases.
Dans le cas du circonstant de temps et de lieu, s'il se trouve dans un énoncé
constitué de deux phrases dont l'une est introduite par les particules /'an/, /'in/,
/fa/, etc., qu'il se trouve d'un côté ou d'un autre de la particule, il fait partie
d'un élément figé (phrase simple) et de ce fait, il ne peut être régi par un
régissant qui se situe de l'autre côté de la particule. C'est-à-dire, qu'il se trouve
dans une autre phrase. Il faut chercher le régissant dans la phrase du
circonstant.
Régissant /'in/ régissant ? circonstant régissant ?
Ces schémas montrent la particule qui constitue un obstacle à toute rection
d'un coté ou de l'autre.
régissant ? circonstant régissant ? /'in/ régissant_______î________1
Exemple :
/wa qâlû 'a- 'idâ kunnâ cizâm-a-n wa rufât-a-n
_____________circonstant_______C de nom_____
Première phrase
« Ils ont dit : Lorsque nous ne serons plus qu'ossements et poussière,
'a- 'in- nâ la-mabcutûn-a kalq-a-njadîd-a-nl. 17/49
Étude syntaxique_________________________________289
partie Incho. entre euxou translatif_____________________________
Deuxième phrase
allons-nous certes, être ressuscites en une nouvelle création. »
Dans l'exemple ci-dessus, le verbe /qâlû/ constitue une phrase
indépendante. Cela dit, il ne peut régir le circonstant /'idâV qui est l'élément
d'une autre phrase. Quant au nom de patient /mabcûtûn-a/ qui a le pouvoir de
régir, il ne peut le faire avec /'ida/, car il fait partie lui aussi d'une autre phrase
introduite (ou translatée) par la particule /'in/ dans /'innâ/.
Autres exemples :
l'id yaqûl-uz-zâlimûn-a 'in tattabfûn-a 'illâ rajul-a-n mashûr-a-nl. 17/48circonstant C. de nom particule Verbe_____________
Première phrase Deuxième phrase
« Lorsque les injustes ont dit : Certes, vous ne suivez qu'un homme
ensorcelé. »
Dans l'exemple ci-dessus, le circonstant /'id/ ne peut être régi par le verbe
/tattabicûn-a/ (suivre), car tous les deux font partie de phrases différentes.
/yawm-a tublâ s-sarâ 'ir-ufa-mâ la-hu min quwwat-i-n wa là nâsir-i-nl 86/8-10
Circonstant particule Nom d'action Nom d'agentou translatif
Première phrase Deuxième phrase
« Le jour où les secrets seront dévoilés, alors il n'y aura alors ni force, ni
assistant. »
Dans l'exemple ci-dessus, le circonstant /yawm-a/ (jour) ne peut être
régi par le nom d'action /quwwâV (force) ou le nom d'agent /nâsir/ (assistant),
car ces deux régissants font partie d'une phrase différente de celle du
Étude syntaxique_______________________________290
circonstant et introduite (ou translatée) par la particule /fa/. Le circonstant ne
peut pas non plus être régi par Je verbe Itublâ/, parce qu'il fait partie de son
déterminant annectif. Le déterminant constitue un élément figé.
Le régissant potentiel du circonstant /'idâY doit être recherché en amont. Il y a
pour cela deux hypothèses :
1 - Du fait que le nom de temps /yawm-a/ régi à l'accusatif, se situe en
position initiale du verset, il est permis de supposer le verbe /udkur/ (rappel,
mentionne). Dans ce cas, Je nom de temps ne sera pas anaJysé comme
circonstant, mais comme complément d'objet direct.
2 - Le régissant pourrait se trouver éventuellement dans le verset précédent,
car iJ est constitué de deux formes régissantes qui sont un nom d'action et un
qualificatif. Cependant, comme nous l'avons constaté précédemment, c'est la
forme régissante antéposée la plus proche du circonstant qui régit. C'est donc
Je qualificatif qui en est le régissant. Nous aurons ainsi :
/ 'inna-hu calâ raf-i-hi la-qâdir-u-n yawm-a tublâ s-sarâ '-ir-u fama la-hu
qualificatif airconstant C. de nom
min quwwat-in wa là nâsir-i-nl. 86/8-9
« II est, certes, capable de son retour, le jour où les secrets seront dévoilés, où
il n'y aura ni force, ni assistant. »
II est toutefois intéressant de s'arrêter sur la manière dont la question
est présentée par les grammairiens arabes contemporains, notamment par
Muhammad °Abd-al-Khâliq al-GUDAYMA. Ce dernier reprend le propos des
anciens grammairiens arabes et présente cela sous forme de règle, qui à
Étude syntaxique _________________________________ 291
première vue, laisse entendre que la question n'est pas relative aux différences
de phrases, mais que c'est les particules qui ont un pouvoir d'empêcher Ja
rection des régissants d'éléments postposés ou antéposés. A1-CUDAYMA dit :
« Ce qui est postposé à /'in/ ne régit pas ce qui lui est antéposé, même si c'est
un circonstant et ce qui lui est antéposé ne régit pas ce qui lui est postposé. »1
^ *. I i "" \*J 2 \-fr
II ajoute : « Ce qui est postposé à la particule /fa/ et /ma/ de négation, ne
régit pas ce qui lui est antéposé. »2
- .» - „
llJ JllJ V 5l*u5i (C«
Ces règles nous semblent insuffisantes pour mieux comprendre les
raisons exactes qui ne permettent pas une interection entre les éléments de
chaque côté de la particule en question. Il serait, peut être, plus approprié de
dire : il ne peut y avoir de rection entre les éléments, de la phrase, antéposé à
telle ou telle particule et les éléments de la phrase introduite (ou translatée) par
la particule, car les éléments de chaque phrase ne se régissent qu'entre eux.
Toute forme nominale régissante ne peut régir si elle est précédée par la
particule de négation AâY. C'est là une autre règle présentée par al-cUDAYMA
qui laisse entendre que la particule de négation /là/ ôte tout pouvoir de rection
à une quelconque forme nominale régissante. En fait, la particule de négation
est considérée, par la tradition grammaticale arabe, comme une sorte
1 A1-CUDAYMA, Dirâsat li-uslûbi l-qur'ân, t. 2, pp. 815-816.2 Idem.
Étude syntaxique_________________________________292
d'inchoatif et le mot qu'elle régit, forme avec celle-ci un ensemble. Cet
ensemble constitue l'inchoatif qui débute une phrase nominale. Ce qui signifie
que les éléments postposés à la particule est dans ce cas, une autre phrase.
Si dans la phrase nominale constituée d'un circonstant, d'un énonciatif
et d'un inchoatif et que J'inchoatif a pour constituant une forme nominale
régissante précédée par la particule, le circonstant ne sera pas régi par ce nom
qui fait partie d'un ensemble, occupant la fonction d'inchoatif. Le régissant
potentiel du circonstant doit être un énonciatif apparent ou supposé.
Exemple :
/fa là
« II n'y aura pas de
Particulede négation
'ansâb-a
liens parentaux
nom d'action(au pluriel)
bayn-a-hum
entre eux, ce
circonstantde lieu
yawma'id-i-nl 23/101
jour-là. »
circonstantde temps
Inchoatif circonstant
Dans l'exemple ci-dessus, l'énonciatif, régissant des circonstants, doit être
supposé.
Autre exemple :
lyawm-a yarawn-a l-malâ 'ikat-a là busrâ yawma'idjn li-l-mujrim-înal.25/22
circonstant C. de nom particule circonstant synt. prépo.
« Le jour où ils verront les Anges, il n'y aura pas de nouvelle, ce jour-là pour
les injustes. »
Dans l'exemple ci-dessus, le nom de temps /yawm-a/ qui débute le
verset et qui est régi à l'accusatif, pourrait être un complément d'objet direct,
dont le régissant pourrait s'agir du verbe supposé /udkur/ (rappel, mentionne).
Quant au circonstant /yawm-a'idin/ (ce jour-là), il ne peut être régi par le nom
Étude syntaxique_________________________________293
d'action /busrâ/ (nouvelle), car /busrâ/ est régi par la particule de négation /là/
et forme avec elle un ensemble occupant la fonction d'inchoatif Le régissant
potentiel de /yawma'idin/ ne peut qu'être l'énonciatif ellipse.
1.3.1.3 Circonstant et élément étranger
On parle également dans la tradition grammaticale arabe, de disjonction
d'un énoncé par un élément étranger. Dans le cas du circonstant, al-GUDAYMA.
cite une règle établie à partir des analyses de certains grammairiens arabes
comme al-FARRÂ, Ibn PARIS, Abu HAYYÂN et al-cUKBARÎ et qui est : « La
disjonction par un élément étranger, empêche de régir le circonstant. »l
« ,<J>°jà)\ ^ J1»JI J (j^-Vl;
Autrement dit, lorsqu'un élément étranger crée une disjonction entre un
régissant et son complément, le régissant perd la faculté de régir le
complément qui lui est rapporté. Nous avons vu précédemment, qu'entre
plusieurs régissants, le verbe est le premier à régir. En l'absence de verbe, c'est
le régissant de forme nominale le plus proche qui régit le circonstant. Cela dit,
dans le cas de l'élément étranger, qui peut être une phrase simple comprenant
un verbe, si celui-ci vient s'insérer, dans la phrase, en tant qu'élément figé,
entre un verbe et un complément, c'est le verbe de l'élément étranger qui
prend le relais pour régir le complément de la phrase.
Exemple .
/ 'a-tufyadditûn-a-hum bi-mâ fataha llah-u
« Allez-vous leur parler de ce que Dieu a ouvert,
Al-^DAYMA, Dirâsat li uslubi l-qur'ân, t. 2, pp. 815-816
Étude syntaxique_________________________________294
°alay-kum liyultâjjû- kum °ind-a rabb-i-kuml. 2/76
synt.prép verbe c.o.d circonstant
Elément étranger de disjonctionpour vous, pour qu'ils argumentent contre vous, auprès de votre seigneur. »
Ainsi, dans l'exemple ci-dessus, même si le circonstant Aind-a/ (vers)
est rapporté sémantiquement au verbe /fatah-a/ (a ouvert), c'est le verbe de
l'élément étranger /li yuhâju-kum/ qui régit le circonstant. La raison en est
qu'il se trouve antéposé au circonstant et le plus proche. On constate, encore
une fois, qu'en présence de plusieurs verbes, ce n'est pas le lien sémantique
existant entre le verbe et le circonstant qui donne la priorité, au verbe, de régir,
mais c'est plutôt la proximité du verbe par rapport au circonstant.
D'autre part, il arrive parfois que malgré la proximité du verbe constituant
l'élément étranger d'un énoncé par rapport au circonstant, il ne régit pas le
circonstant. La raison en est qu'un verbe supposé est censé se trouver entre
l'élément étranger et le circonstant.
Exemple .
Ikutiba °alay-kumu $-§iyâm-u kamâ kutib-a calâ lladîna min qabl-i-kumnom d'action
lacalla-kum tattaqûn-a [sûmû] 'ayyâm-a-n mcf dûdât-a-nl. 2/183
Elément étranger verbe supposé circonstant
« II vous est prescrit le jeûne, comme il fut prescrit à ceux qui vous ont
précédé, certainement vous connaîtriez la piété. [Jeûnez] des jours
comptés. »
Dans l'exemple ci-dessus, il est possible de supposer le verbe à
]'impératif /sûmû/ (jeûnez), positionné entre J'élément étranger et le
circonstant. De plus, ce verbe /sûmû/ (jeûnez) serait relatif à la forme
Étude syntaxique________________________________295
régissante /as-siyyâm-u/ (le jeune) à laquelle se rapporte sémantiquement le
cjrconstant.
r
Etude syntaxique_________________________________296
1.4 SYNTAXE INTERNE.
Le circonstant de temps et de lieu est constitué d'éléments qui
admettent, entre autre, les déterminants. La particularité de ces déterminants
est qu'ils se présentent sous des formes multiples. Cela va de l'article défini
/al/ = le, au déterminant annectif de longueur et de composition variables. Vis-
à-vis de ces déterminants, le circonstant se caractérise par deux types de
distributions. Le circonstant, selon le type de déterminant, peut se trouver à
droite ou à gauche de celui-ci. Certains déterminants annectifs sont en
distribution complémentaire en ce sens où ils ne se situent pas toujours du
même côté du circonstant. Cela dit, il sera question dans cette partie d'analyser
les différentes formes de déterminants, ce qui les caractérise et la position du
circonstant par rapport à ces déterminants.
1.4.1 Déterminants positionnés à gauche du circonstant1
1.4.1.1 Le déterminant /al/ (le, la, les) et la deixis.
Hormis les noms de temps et de lieu qui indiquent intrinsèquement un
temps ou un lieu faisant partie du contexte de renonciation, comme /gadan/
(demain), /'amsi/ (hier) pour le temps et /hunâ/ (ici), /tamma/ (là-bas) pour le
1 Selon Bernard POTTIER : « Entendre au sens large, la détermination peut englober tous leséléments qui sont incidents ou substantifs dans le syntagme nominal. [Exemple] : le troisièmepoteau rosé à partir de la grille. Le poteau que tu a placé hier ici. » Théorie et analyse enlinguistique, p. 190.
Étude syntaxique_________________________________297
lieu vague, il existe d'autres formes de déictiques. Ce sont entre autres les
formes déictiques que l'on crée à partir d'un circonstant de temps ou de lieu,
auquel on préfixe le déterminant article /al/ (le, la, les). La préfixation est un
moyen qui permet de désigner un temps ou un lieu situé dans le contexte des
interlocuteurs.
S'agissant du temps, le locuteur peut désigner l'instant présent dans
lequel il se trouve ou une partie du temps la plus proche dans le passé ou le
futur. C'est-à-dire l'instant, le jour, la nuit, le mois, l'année la plus proche de
l'instant d'énonciation.
Exemple :
Iqàl-a 'innî tub-tu l- 'ân-al. 18/4
« II a dit : certes, je me suis repentis le moment. »
Déterminant nom de temps
Déictique temporel
« II a dit : certes, je me suis repentis maintenant. »
/ 'innîjazay-tu-humu l- yawm-a bi-mâ sabarûl. 23/111
Je les ai récompensés, le jour, pour ce qu'ils ont patienté.
Déterminant Nom de temps
Déictique
« Je les ai récompensés, aujourd'hui, pour ce qu'ils ont patienté. »
Le fait que le jour est l'unité principale du temps, des noms déictiques
ont été conçus pour indiquer le jour qui précède et celui qui suit 3'instant
d'énonciation. C'est là l'une des particularités du jour. Pour toutes les autres
parties du temps, que ce soit /al-laylat-a/ (la nuit), /as-sâcat-a/ (l'heure), /as-
Étude syntaxique_________________________________298
sahr-a/ (le mois), /as-sanat-a/ (l'année), les plus proches de l'instant
d'énonciation, ils sont distingués par un qualificatif spécifiant le passé ou le
futur.
Exemple :
Iftakaf-tu 1- laylat-a l-bârihat-a!.
J'ai fait retraite la nuit la dernière
Déterminant____Nom de temps___Qualificatif
Déictique
« J'ai fait retraite la nuit dernière. »
D'autres part, si le nom est générique, il ne peut servir de déictique,
même s'il est accompagné du déterminant /al/ (le, la, les). Pour qu'un nom de
temps puisse servir de déictique, il faut que le nom indique une seule unité de
l'une des parties du temps.
Dans l'exemple qui suit, le terme /al-layl-a/ (la nuit) est un nom générique, il
ne peut figurer en tant que déictique.
Iqumi l- layl-a 'illâ qalîl-a-nl. 73/2
Lève-toi la nuit excepté un peu
Déterminant Nom de temps (générique)
« Consacre-toi la nuit (en général) à l'adoration, si ce n'est qu'un peu. »
Quant au lieu vague, il est intéressant de constater qu'il n'existe aucun
déictique formé à partir d'un nom de lieu vague et du déterminant article /al/.
Ainsi, la deixis au moyen du déterminant /al/, placé à gauche du circonstant,
concerne uniquement une partie des noms de temps.
Étude syntaxique_________________________________299
1.4.1.2 Les nombres cardinaux
Le nombre cardinal est également une forme de détermination placée
généralement à gauche du circonstant. S'agissant du temps, le nombre cardinal
permet de déterminer le nombre de périodes temporelles additionnées.
Autrement dit, il permet de déterminer la durée temporelle. De ce fait, seuls les
noms spécifiés sont dénombrés.
Exemples :
/fa qâl-a tamattofûfi dâri-kum talâtat-a 'ayyâm-î-nl 11/65II a dit : profitez dans la demeure à vous trois jours.
Nombre nombre(Nom de temps)
« II a dit : profitez en dans votre demeure trois jours. »
/fa labit-a fî-him 'alf-a sanat-i-n 'illâ kamsîn-a câm-a-n/. 14/29
II demeura dans eux mille années exceptées cinquante ans
Nombre nombre deuxième partie
(Nom de temps) du déterminant
« II demeura, parmi eux, mille années exceptées cinquante ans. »
On peut constater que le nombre est annexé au nombre /'alf-a sanat-i-n/
(mille des années). D'autres parts, le procédé rhétorique est d'affirmer le
nombre mille, puis d'excepter les années en moins. Ce qui met le chiffre mille
en relief.
Étude syntaxique_________________________________300
Quant au lieu vague, c'est uniquement le nom de mesure, c'est-à-dire la
distance, qui est dénombré.
Exemples :
/sir-tu 'arbaln-a farsak-a-n/.
« J'ai parcouru quarante parasanges. »
Nombre nom de mesure
Déterminant circonstant
Étude syntaxique_________________________________301
1.4.2 Déterminants positionnés à droite du circonstant.
Si la syntaxe est, comme le fait remarquer M. NOAILLY : « une
réfiguration du monde, car elle figure notre figuration du monde », nous avons
dans le déterminant annectif, qui remplit la fonction de complément de nom du
circonstant, un exemple évident de cette réfîguration.1
En effet, quel que soit le nom de temps ou de lieu, celui-ci n'est pas
intrinsèquement déterminé par rapport au reste du monde qui l'entoure. Dans
l'énoncé /jâ'-a yawm-a.../ (il est venu le jour...), le nom de temps dont la
valeur temporelle est définie, n'est pas déterminé, car on ne sait pas à quel
point référentie] du monde, il est rapporté. De même que le nom de lieu vague,
si l'on dit : /istaqarr-a cind-a/ (il s'est installé vers...), le nom de lieu And-a/
(vers) n'est pas déterminé par rapport au monde des entités. Il nécessite un
autre point référentie] spatial. Cela dit, la nature du point référentiel du nom de
temps est différente de celle du lieu vague. Donc, la nature du déterminant au
niveau syntaxique sera également différente.
1.4.3 Déterminant à droite du circonstant de lieu
Dans le monde extralinguistique, le lieu vague est par nature une entité
relative. Le lieu vague n'a d'existence dans Je monde que lorsque
M. NOAILLY, Présentation, in : Cahier de praxématique, p. 3.
Étude syntaxique 302
l'énonciataire en fait mention. D'autre part, la présence du lieu vague ne peut
être perçue sans une entité de type absolu (chose animée ou inanimée) qui sert
de point référentiel dans l'espace.
Exemples :
Jistaqarr-a
« II s'est installé
Verbe
amam-a
devantlieu vague
Entité relative
Circonstant
l-bayt-ij.
la maison. »
lieu spécifié
entité absolue (point référentiel)
déterminant
Ijalas-a« II s'est assis
Verbe
majlis-al'endroit
lieu vague
Entité relative
Circonstant
zayd-i-nl.
Zayd. »
nom de mesure
entité absolue (point référentiel)
déterminant annectif
« II s'est assis à l'endroit où Zayd est assis. »
Au niveau syntaxique de l'énoncé, le déterminant du nom de lieu vague
peut être un nom commun, un nom propre ou un pronom. Dans ce cas, il vient
toujours se positionner à droite du circonstant. Par ailleurs, on trouve parfois
des énoncés où un circonstant de lieu vague est déterminé par un autre lieu
vague. Cependant, la référence ne peut être possible ainsi. Il est nécessaire
d'ajouter une autre référence à laquelle sera rapporté le nom de lieu de
référence, et qui, au niveau syntaxique, est le déterminant du circonstant.
Exemple :
Étude syntaxique_________________________________303
Ifa lammâ balag-a majmac-a bayn-i himâ nasiya hût-a-humâl. 18/61Lorsqu'ils eurent atteint le lieu de rencontre entre les deux, ils oublièrent lepoisson à eux deux.
Lieu vague lieu vague pronom
Circonstant déterminant déterminantdu déterminant
« Lorsqu'ils eurent atteint le lieu de rencontre entre les deux [mers], ils
oublièrent leur poisson. »
Étude syntaxique_________________________________304
1.4.4 Déterminant à droite du circonstant de temps
Au niveau syntaxique, les types de déterminants placés à droite du
circonstant de temps sont bien plus nombreux que ceux pour le circonstant de
lieu. En effet, si le lieu vague est, au niveau sémantique, référé à des
substances, autrement dit, à des êtres ou des objets, le déterminant sera limité à
une seule unité qui est soit un nom commun, un nom propre, ou un pronom.
Quant au nom de temps, hormis le système calendaire, il est sémantiquement
référé uniquement à un événement. Pourtant, l'événement est au niveau
syntaxique, refiguré sous des structures multiples. Le point référentiel ne peut
être que de nature semblable au référé. C'est à dire que le référé, qui est un
temps, ne peut être que semblable à son point référentiel qui est également lié à
la mémoire. D. WUNDERLICH explique que : «. De toute évidence, les concepts
spatiaux sont liés à la perception (ils servent à structurer le concret simultané),
les concepts temporels à la mémoire (ils servent à structurer la successivité,
nettement plus abstraite). »1
À propos de la similitude, Ibn Abî r-RABÎc dit : « Tout cela est comparable car
le passage de la nuit et du jour est dû aux mouvements du soleil, de son lever
et son coucher. Le passage, le lever, le coucher et le mouvement sont tous des
événements. Ils sont de même type que les actions [dénotés par les masdars].
D. WUNDERLICH. Langage et espace, in DRLAV, n° 27, p. 64.
Étude syntaxique_________________________________305
Cela te montre clairement que le temps ressemble aux actions sous deux
aspects, selon ce que j'ai dit et explicité auparavant. »!
" "* -* ^ ^ ^ ^ ^ " ' ° ' ' 8 S i ' £ j ' ' f i J I ^ ' i l ' '
i ' ' ' ' a, a , a ,• ^ ^ * o ê x*.. . ^ i ^ â - j o .b> t_~- - iP ^^- iUaxJI «u j OUJI J! dAJ j JLaâ .
• 'C - J JLâ
En résumé, le lieu vague est lié au concret simultané, comme le temps à
Ja successivité abstraite. Les points référentieJs de lieux vagues sont des entités
concrètes, tandis que les points référentiels de temps sont des entités abstraites.
D'autre part, on peut remarquer que, d'une certaine manière, le temps est
déterminé par l'événement (ou action) et que l'action est localisée par le
temps.
Bref, si tel est le cas du circonstant de temps et de ses nombreux
déterminants, nous allons, à cet effet, consacrer une analyse pour chaque type
de déterminant.
Ibn Abî r-RABÎc, Al-basît, t. 1, p. 509.
Étude syntaxique_________________________________306
1.4.4.1 Le système calendaire, déterminant du temps
Si le circonstant de temps est généralement déterminé par tout ce qui
dénote une action, le circonstant de temps fyawm-a/ (jour) ainsi que son
multiple /sahr/ (mois) font exception à la règle. Le circonstant /yawm-a/ et ses
multiples sont également déterminés par le système calendaire.
En effet, le temps extralinguistique est à l'origine le mouvement des
astres, perpétue], cyclique, régulier et linéaire. Le jour est l'unité principale du
temps. Cette unité dont la valeur temporelle est définie, constitue une
succession interminable. Des jours qui se suivent et se ressemblent. Aucun trait
particulier ne différencie un jour d'un autre. C'est à cet effet que fut établi Je
système calendaire. Ce système est structuré de façon permettant aux
interlocuteurs de localiser et dater un fait parmi d'autres sans faire appel à la
mémoire parfois défaillante.
Pour l'arabe, le système calendaire est constitué de sept noms de jours
et douze noms de mois lunaires, reportés au fur et à mesure sur de nouveaux
jours et de nouveaux mois. Ces noms calendaires qui sont considérés comme
des noms propres spécifiques, sont, au niveau linguistique et plus
particulièrement dans le cas du circonstant, des déterminants potentiels.
Étude syntaxique________________________________307
Chaque premier jour de la semaine s'appelle : /'ahad/ (dimanche).
2ème jour .-/'itnayni/ (lundi)
3ème jour :/tulatâY (mardi)
4ème jour : /'arbi caV (mercredi)
5ème jour :/kamts/ (jeudi)
6emejour : /jumu°a/(vendredi)
7èmejour : /sabt/(samedi)
Chaque premier mois de l'année s'appelle /muharram/
Le 2^ mois •. /safar/
Le 3eme mois : /rabî0 al-'awwal/
Le 4èrae mois : /rabf al-'âkir/
Le S6"16 mois : /jumâdâ al-'aww\â/
Le 6eme mois : /jumâdâ al-'âkirâ/
Le 7èrae mois : /rajab/
Le S^6 mois -. /sacbân/
Le 9eme mois : /ramadan/
Le lO^6 mois : /sawwal/
Lellèmemois-./dûl-qicda/
Lel2èmemois:/dûl-hijja/
Étude syntaxique_________________________________308
Exemples :
J'idânûdiy-a li s-salât-i min yawm-i l-jumucat-i
Lorsque l'on appelle à la prière du jour du vendredi,
fa scaw 'ilâ dikr-i llah-il. 62/9 nom de temps nom calendaire
rendez-vous au rappel de Dieu. (point référentiel)
« Lorsque l'on appelle à la prière du vendredi, rendez-vous au rappel de
Dieu. »
Isahr-u ramadân-a lladî'unzil-a fl-hil-qur'ân-ul. 2/85
Le mois de Ramadan lequel est descendu dans lui le Coran,
nom de temps nom calendaire
(Point référentiel)
« Le mois de Ramadan dans lequel est descendu le Coran. »
Au niveau de l'énoncé, la langue arabe offre la possibilité d'ellipser les
circonstants par souci d'allégement pour ne garder que Je déterminant qui
supplée pour la datation.
Exemples :
Jsir-tn yawm-a l-junwcat-iJ.
circonstant de temps déterminant annectif
J'ai marché le jour du vendredi.
Isir-tu l-jumucat-al
Verbe déterminant suppléant au circonstant de temps /yawm-a/ (jour).
« J'ai marché le vendredi. »
Étude syntaxique_________________________________309
Les noms calendaires, comme tout nom spécifique à une entité et connu
des interlocuteurs, sont souvent les représentants formels de leurs
hypéronymes. C'est le cas des noms de semaines, de mois. Tous les
interlocuteurs savent que le nom calendaire /'ahad/ correspond à /yawm-a/ et
non pas à /sahr-a/. Le nom /sawwal/ correspond à /sahr-a/ et non pas à ,/yawm-
a/, etc. C'est également le cas pour les adjectifs comme /al-bârib-at-a/ que tout
le monde sait qu'il correspond à /laylat-a/ et non pas à /yawm-a/.
1.4.4.2 /'id/ (quand) détermine t-il le circonstant de temps ?
Le nom de temps /'id/ (quand/passé) s'annexe à certains noms de temps
à durée déterminée comme /yawm-a/ (jour), /Jaylat-a/ (nuit), /sahr-a/ (mois),
/sanat-a/ (année) et à certains noms de temps à durée indéterminée comme
/ljîn-a/ (moment), /waqt-a/ (instant), /zamân-a/ (temps), /sâcat-a/ (heure). Dans
son annexion à un nom de temps, fia/ sert à la fois de relatif et de
démonstratif II rappelle un temps mentionné auparavant dans un texte donné
et dénote un temps passé.
Exemple :
/yawm-a 'id-i-n yuwaffihimu llah-udîn-a-humu l-faaqq-al. 24/25
Ce jour là, leur accordera Dieu leur rétribution véritable
Circonstantrelatif et démonstratif
« Ce jour [cité auparavant] là, Dieu leur accordera leur véritable rétribution. »
D'un autre côté, /'id/, annexé à un nom de temps, forme un déictique qui
permet de désigner et d'insister sur un temps SJtué dans un contexte temporel.
Étude syntaxique_________________________________310
/vra 'antum hîn-a 'id-i-n tanzurûn-al. 56/84« Et vous à ce moment -là, vous regardez. »
Circonstant de temps
Ainsi, le déictique ou le relatif composé annectivement de /'id/ et d'un
autre nom de temps est, d'une certaine manière, déterminé intrinsèquement et
indéterminé extrinsèquement. Du fait qu'il n'y a rien qui vient déterminer le
déictique, deuxième élément de forme annective, il prend la marque du génitif.
Exemple :- lyawm-a tashad-u calay-him.../ 24/24
« Le jour où témoigneront contre eux... »
Circonstant de temps phrase verbale
Déterminé déterminant annectif
- lyawm-a 'id-in .../.
Ce jour là
Circonstant de temps nom de temps
1er élément 2e"16 élément
Circonstant relatif
« ce jour-là »
/fa lawlâ 'idâ balagat-i l-fyulqûm-a« Si ce n'est lorsqu'elle eut atteint la gorge,
wa antum faîn-a 'id-in tan$urûn-al. 56/83
et que vous, à ce moment là, regardez... »
circonstant nom de temps
Étude syntaxique_________________________________311
1.4.4.3 Le temps détermine le temps.
Parmi les déterminants postposés au circonstant de temps, il y a le nom
de temps spécifié. Le circonstant de temps, déterminé par le nom de temps
spécifié, dénote une partie de son déterminant. Autrement dit, le déterminant
désigne une partie du temps qui englobe celle du nom déterminé. Ainsi, dans
une annexion, il y a un rapport d'inclusion.
Exemples :
Isabâh-a l-yawm-il.
« Le matin de ce jour. »
nom de temps nom de temps
circonstant déterminant
/min 'ahl-i l-kitâb-i 'ummat-u-n qâ 'imat-u-n yatlûn-a 'ayât-i llah-i
« II est parmi les gens du livre, une communauté droite [dont les membres]
récitent les versets de Dieu,
'ânâ '-a l-layl-i wa hum yasjudû-nal. 3/113
à des heures de la nuit et sont prosternés. »
Nom de temps nom de temps
Circonstant déterminant
Le circonstant de temps peut être une extrémité d'un temps spécifié.
L'extrémité est également une inclusion dans le nom de temps qui sert de
déterminant.
Exemple :
Étude syntaxique_________________________________312
Ara 'aqimi §-salât-a farafay-in- nahâr-i wa zulaf-a-n min l-layl-i/l 1/114
Et accomplis la prière aux deux extrémités du jour et à des heures de la nuit
Nom de partie extrême nom de temps
Circonstant déterminant
« Accomplis la prière aux deux extrémités du jour et à certaines heures de la
nuit. »
/ 'âminû bi lladj 'unzil-a calâ lladîna 'âmanû wajh-a n-nahâr-iCroyez en ce qui fut descendu sur ceux qui ont cru, la face du jour
nom de partie nom de tempsextrême spécifiécirconstant déterminant
wa kfurû 'âkir-a-hul. 3/72
et reniez sa fin.
« Croyez en ce qui fut descendu sur ceux qui ont cru, au début du jour et reniez
en fin de journée. »
Les noms de temps déterminent également les noms indiquant
l'antériorité et la postériorité teJ que /ba°d-a/ (après) et /qabJ-a/ (avant).
/wa 'inn min qaryat-i-n 'illâ nahnu muhlikû-ha qabl-a yawm-i l-qiyâmat-il.17/58Et, certes, de cité sauf que nous la faisons périr avant le jour du jugement
Circonstant déterminant
« II n'est point de cité que nous ne fassions périr avant le jour de la
résurrection. »
/wa qâlû rabbanâ 'ajjil lanâ qittanâ qabl-a yawm-i l-hisâb-i/. 38/16
Ils disent : notre Seigneur, hâte-nous notre part avant le jour des comptes.nom de temps nom de temps
circonstant Déterminant
« Ils ont dit : Seigneur, hâte-nous notre part avant le jour des comptes. »
Étude syntaxique_________________________________313
II faut cependant remarquer, que le nom de temps spécifié qui sert de
déterminant, ne peut, en réalité, déterminer que lorsqu'il est lui-même
déterminé. Dans le cas du nom de temps /yawm-a/ (jour), ce sont les noms
d'actions /al-qiyâmat-i/ (la résurrection) et /al-hisâb-i/ (le compte) qui le
déterminent dans les exemples précédents.
1.4.4.4 L'événement et la détermination du circonstant
L'événement, tout comme le temps, fait partie de l'ordre de la
succession. Il y a une sorte d'affinité entre eux. L'un, le temps, permet de
localiser l'événement. L'autre, l'événement, permet de déterminer une partie
du temps dans un ensemble du même genre. C'est-à-dire que l'événement
permet de déterminer un jour parmi tous les autres jours ou un moment parmi
d ' autres moments.
Cela dit, au niveau syntaxique, l'événement est refïguré comme un
déterminant du circonstant. Cependant, ce type de déterminant apparaît sous de
multiples formes. Cela peut aller de la simple unité lexicale (au-dessus, nom,
etc.) à la phrase (verbale ou nominale).
Étude syntaxique ________________________________ 3 14
1. 4. 4. 4. 1 Le nom d 'action (au-dessus)
Le au-dessus dénote une action qui peut être perçue comme un
événement historique ou un simple fait.1 Quant au masdars exprimant un
événement, ceux-ci déterminent essentiellement les circonstants de temps
spécifiés.
/laylat-a 1-qadr-i/
La nuit du destin.
lyunabbi'-u-humbimâsabar-û yawm-a l-qiyâmat-il . 58/7
II informera eux de ce qu' ils ont patienté le jour de la résurrection
nom spécifié au-dessus
(événement)
circonstant déterminant
« II les informera de leur patience le jour de la résurrection. »
Les événements appartiennent soit au passé, soit au futur, et sont
connus des interlocuteurs.
Événement du futur : /yawm-a - 1-qiyâmat-i/
- 1-hisâb-i/
Événement du passé : /yawm-a [gazwat-i] - hunayn-i/2
/yawm-a - 1-bajj-i l-'akbar-i/
1 Un fait : c'est une donnée de l'expérience. Un événement : c'est ce qui arrive2 Hunayn est le nom d'une bataille considérée comme passée. La bataille, qui est l'événementhistorique, est ellipsée et supplée par son nom propre.
Étude syntaxique_________________________________315
Quant aux simples faits, ils n'appartiennent pas à un temps en
particulier passé ou futur. Ils sont représentés par des masdars déterminant des
noms de temps vagues. Ces derniers peuvent être des instants localisateurs
comme c'est le cas pour /Ijîn-a/ (instant, moment).
En employant un nom de temps vague comme /bin-a/, on désigne simplement
le temps de l'action, un moment déterminé. Tandis que si l'on utilise un nom
de temps spécifié comme /yawm-a/, le temps serait d'une durée bien plus
grande que l'action. Il n'y a pas besoin d'employer de nom indiquant une
valeur temporelle étendue pour une action beaucoup moins grande. De plus, on
ne veut pas non plus parler d'un temps en particulier.
Exemples :
/7dâ hadar-a 'afyad-a-kumu l-mawt-a f}în-a l-wa$iyyat-i... 75/106
Lorsque assiste l'un de vous à la mort, au moment du testament
Nom de masdar
temps vague
Circonstant déterminant
« Lorsque l'un de vous vient à mourir, au moment du testament... »
lAllah-uyattawaffâ l-'anfits -a hîn-a mawt-i-hal. 39/42
« Dieu recueille les êtres au moment de leur mort. »
nom de temps vague masdar
circonstant déterminant
Iqâl-a 'annâ yuhyî hâdi-hi llah-u btfd-a mawt-i-hal. 2/259
II a dit : d'où fera t-il vivre celle-ci Dieu après la mort à elle ?
nom de temps vague masdar
circonstant déterminant
« II a dit : Comment Dieu va t-il ressusciter celle-ci après sa mort ? »
Étude syntaxique_________________________________316
Le circonstant /bacd-a/ désigne un temps situé après la mort. C'est comme si
on voulait dire : dans l'après mort. La traduction littérale du verset serait : II a
dit comment Dieu va t-il ressusciter celle-ci dans le temps postérieur à la
mort ? D'une certaine manière /ba°d-a/ est un temps appartenant à /mawt-i/ (la
mort) et d'une autre, /mawt-i/ est le spécificateur et déterminant de /ba°d-a/.
Autre exemples :
lyarudd-u-kum bacd-a 'îmân-i-kum kâfirîn-al. 3/100
II vous changera, après la foi à vous, en négateurs
nom de temps vague masdar
circonstant déterminant
« II fera de vous, après que ayez eu foi, des négateurs. »
/\va là tufsidûfl l- 'ard_-i bacd-a 'islâfy-i-hal. 7/85
Ne faites pas de corruption dans la terre après la réforme à elle.
nom de temps vague masdar
circonstant déterminant
« N'allez pas commettre la corruption en ce monde, après sa réforme. »
/wa sabbih bi hamd-i rabb-i-ka
« Célèbre les louanges de ton seigneur,
qabl-a $ilûc-i as-sams-i wa qabl-a gurûb-i-hal. 20/130
avant le lever du soleil et avant son coucher. »
nom de masdar nom de temps masdartemps vague vague
circonstant déterminant circonstant déterminant
Le circonstant /qabl-a/ est sémantiquement l'inverse de /bacd-a/. Il indique un
temps situé avant l'événement ,/tulûc-i/. La traduction littérale du verset, ci-
Étude syntaxique ____________________________317
dessus, serait : Célèbre les louanges de ton seigneur dans le temps antérieur au
lever du soleiJ et dans le temps antérieur à son coucher.
Étude syntaxique_________________________________318
1.4.4.4.2 La phrase, déterminant annectifdu circonstant
Pour définir la phrase, az-ZAJJÂJÎ reprend et complète la définition de
SffiAWAYHl en disant : « Sache que les phrases ne changent pas sous
l'influence des régissants. Est phrase tout énoncé dont une partie de ses
éléments régit l'autre. En conséquence, elle sera reprise tout en conservant les
voyelles casuelles de ses éléments. »!
Selon Hassan HAMZÉ, la citation d'az-ZAJJÂJÎ, mentionnée ci-dessus,
définit la phrase sur deux niveaux : interne et externe.
1- Au niveau interne, les éléments de la phrase entretiennent des rapports
de dépendance, exprimés en terme de rection, les éléments de la phrase
régissant les uns les autres. Mais ils ne sont pas régis par un élément extérieur
à l'ensemble.
2 - La phrase, tout en étant la somme de ses constituants sur le niveau
interne, est une unité sur le niveau externe ; elle n'est pas très éloignée de
"l'unité syntaxique minimale". Une fois constituée, aucun de ses éléments ne
peut être régi par un élément qui ne fait pas partie de l'ensemble. C'est la
phrase tout entière en tant qu'unité qui peut entretenir une relation avec un
1 Az-ZAJJÂJÎ. Al-Jumal, p. 339. Voir Hassan HAMZÉ, Les théories grammaticales d'az-Zajjâjî, p.
528.
SIBAWAYHI définit la phrase ainsi : « Tout énoncé dont une partie de ses éléments régit l'autre. »Al-kitâb, t. 1, p. 23.
Étude syntaxique_________________________________319
élément qui ne lui appartient pas. C'est pour cette raison, une phrase,
lorsqu'elle est reprise, conserve les voyelles casuelles de ses éléments.l
Cela dit, lorsque les noms de temps sont annexés à un nom, ce dernier
est au génitif et reçoit la désinence casuelle /i/. Mais lorsqu'il s'agit d'une
phrase annexée à un nom de temps, celle-ci, au niveau externe, occupe la
fonction d'une simple unité. Ses éléments ne peuvent être régis par un élément
qui ne fait pas partie de l'ensemble. C'est la phrase toute entière qui peut
entretenir une relation avec un élément extérieur tout en conservant ses
voyelles casuelles.
Exemples :
/waastamf yawm-a yunâdî l-munâdî min makân-i-n qarîb-i-nl. 50/41
Écoute, le jour où criera le Hérault d'un lieu proche,
circonstant de temps phrase
1er élément d'annexion 2e"16 élément d'annexion
Annexion
« Écoute, le jour où le Hérault criera d'un lieu proche. »
/law ycflam-u lladjn-a kafarû fyîn-a là yakuffûn-a can wujùh-i-himu n-nâr-al.21/39 ——— ————————————————————————S'ils connaissaient, ceux qui nié, le moment où ils ne pourront protéger leursvisages du feu.
circonstant phrasede temps___________________
Annexion
« Si les mécréants connaissaient le moment où ils ne pourront empêcher le feu
d'atteindre leurs visages. »
Hassan HAMZÉ, Les théories grammaticales d'az-Zajjâjî, t. 2, pp. 588-589.
Etude syntaxique_________________________________320
Isa yafylifûn-a bi Allah-i la-kum 'idâ anqalab-tum 'ilay-him li-tucridû can-huml 9/95 ~~ ———————————————————————Us jugeront par Dieu pour vous, lorsque vous retournerez à eux pour vousdétournez d'eux.—————————— Circonstant_________phrase
Annexion
« Ils vous feront des serments par Dieu, lorsque vous retournerez à eux pour
passer [sur leur tort]. »
l~wa 'id qîl-a li l-malâ 'ikat-i usjudû li 'âdam-a... 125/60
Lorsqu' on dit aux anges : Prosternez-vous pour Adam
circonstant phrase
Annexion
« Lorsqu'on dit aux anges : Prosternez-vous devant Adam... »
Aucune voyelle casuelle ne change dans la phrase unité, qu'elle soit
verbale ou nominale. Dans le cas de la phrase nominale qui débute par un nom,
voir ci-dessous, celui-ci ne change pas de voyelle casuelle, malgré sa
juxtaposition avec le circonstant de temps. Le circonstant possède une relation
d'annexion avec l'ensemble de la phrase nominale, non pas avec un seul de ses
éléments
Iwa 'idj l-qulâb-u ladâ l-fyanâjir-i kâçinûnl 40/18
« Lorsque les cœurs sont, près des gorges, terrifiés. »
Circonstant phrase
Étude syntaxique _________________________________ 321
1.4.4.4.3 Spécificité de la phrase annexée aux différents circonstants de
temps.
Les circonstants de temps comme /yawm-a/ (jour) s'annexent aussi bien
à une phrase verbale que nominale. Quant à la phrase verbale, celle-ci est soit
constituée au minimum d'un verbe et de son morphème de personne, soit
d'une addition d'éléments (verbe, sujet, complément, etc.). Lorsqu'il s'agit
d'une phrase verbale constituée au minimum d'un verbe et de son morphème
de personne, c'est tout simplement parce que le verbe est intransitif.
Exemple :
Jwa s-salâm-u calay-hi yawm-a wulid-al. 1 9/1 5
« Que la paix soit sur lui le jour où il naquit. »
Circonstant de temps phrase verbaleRégissant
Annexion
En principe, comme nous l'avons vu dans le chapitre sur l'annexion, un
nom indéterminé qui entre en rapport d'annexion avec une autre unité,
exemple /yawm-a-n/, perd le noun /n/ de l'indétermination pour s'annexer au
deuxième élément d'annexion, qui lui, est en principe affecté de la marque du
génitif /i/. Ce principe concerne également le circonstant de temps annexé à
une phrase verbale, sauf que celle-ci constitue un élément figé qui ne peut être
régi par un élément de la phrase complexe, ni par le rapport d'annexion dont le
deuxième élément doit être régi au génitif.
Exemples : /yawm-a-n/ (un jour)
Étude syntaxique_________________________________322
lyawm-a kalaq-a s-samâwât-i vra /- 'ard-al. 9/36
« Le jour où il créa les cieux et la terre. »
Circonstant phrase verbale
1er élément 2e"16 élément
Annexion
Si le verbe de la phrase annexée à un circonstant de temps est transitif,
il dépasse son sujet vers le complément directement ou indirectement au
moyen d'une préposition.
Exemples :
!\va sawfa yaclamûn-a hîn-a yarawn-a l-cadâb-a/. 25/42
Verbe circonstant verbe transitif c.o.dde tempse t
« Bientôt, ils sauront, au moment où ils verront le châtiment. »
lyawm-a ta'û s-samâ'-u bi dukân-i-n mubîn-i-nl. 10/44
Le jour où viendra le ciel avec une fumée apparente
Nom de temps Phrase
Annexion
« Le jour où le ciel paraîtra avec une fumée bien apparente. »
Les circonstants de temps qui s'annexent à une phrase verbale sont,
entre autres, /yawm-a/ (jour), /hîn-a/ (moment), /'id/ (quand/passé), /'idâ/
(quand/non passé). L'annexion de la phrase verbale à ces noms de temps est
expliquée par diverses raisons :
]- Le nom de temps /yawm-a/ annexé à une phrase, notamment à la phrase
verbale désignant un temps non passé, signifie que l'événement concerne le
r
Etude syntaxique_________________________________323
jour (yawm) et non pas la nuit. On veut mettre l'accent sur le temps /yawm-a/
(jour). Un jour qui appartient à un événement spécifique.
2-Si le nom de temps est remplacé par /bîn-a/ (moment), il n'y aurait plus
d'accent mis sur une temporalité spécifique comme /yawm-a/ jour, /laylat-a/
nuit, /sâcat-a/ heure, etc. On obtient un temps sans aucune spécificité.
3- Si l'on remplace le circonstant de temps /yawm-a/ par le circonstant de
temps /'id/ (lorsque), il y aurait une imprécision sur le temps passé ou non
passé, /'id/ peut servir aussi bien à indiquer un temps passé dans un contexte
passé ou non passé. De plus, il n'y a pas d'accent mis sur un jour, une nuit, une
heure, un mois ou une année en particulier.
4- Si J'on remplace /yawm-a/ par /'idâV, on obtiendrait avec le temps verbaJ
non passé de la phrase annexée, une incertitude sur l'accomplissement de
l'événement. Si le temps du verbe de la phrase annexée était au temps passé,
l'accomplissement de l'événement serait plus plausible. Le circonstant de
temps auquel est annexée la phrase verbale n'est pas là par hasard. On le
choisit pour sa particularité et selon l'importance de événement en le mettant
en évidence.
Quant à la phrase nominale annexée au nom de temps, elle débute par un nom
ou un pronom sur lequel on met la lumière. D'autre part, le contexte de la
phrase fait partie du temps non passé. Les noms de temps qui s'annexent à ce
genre de phrase, peuvent se remplacer entre eux, sauf si l'on veut mettre en
évidence un temps spécifique.
Etude syntaxique_________________________________324
Exemples :
lyawm-a hum °alâ n-nâr-i yuftamm-al. 51713
Le jour où eux sur le feu sont éprouvés
Nom de temps___pronom
Phrase
Annexion
« Le jour où ils seront éprouvés au feu. »
Ifa 'idâ hiya tucbân-u-n mubîn-u-nl. 107/7
Lorsque elle un serpent évident
circonstant_____pronom
phrase nominale
Annexion
« Lorsque celle-ci se transforma en un serpent évident. »
/ 'id hum calâ n-nâr-i yuftanûn-al. 51/13
Lorsqu'ils eux sur le feu à être éprouvés
circonstant pronom
phrase ___
Annexion
« Lorsqu'ils seront dans le feu à être éprouvés... »
Parmi les noms de lieu, seul /haytu/ (là où) s'annexe à une phrase,
notamment à la phrase verbale. L'annexion de /haytu/ à une phrase nominale
semble rare. Elle est inexistante dans le Coran. Mais cela est possible dans le
cas ou l'on veut mettre l'accent sur un nom.
Etude syntaxique_________________________________325
/wa kulâ min-ha ragad-a-n haytu si'tumâl. 2/35
Mangez d'elle aisément de là où vous voulezcirconstant phrase verbale
Annexion
« Mangez-en aisément de là où vous le désirez. »
II est intéressant de remarquer que /haytu/ est généralement annexé à
une phrase verbale où le verbe est conjugué au passé. On parle de lieu où un
procès est opéré et rarement voire pas du tout de lieu où un procès sera opéré.
Étude syntaxique_________________________________326
1.4.4.4.4 Déterminant et métaphore
Nous avons pu remarquer jusque là, que le circonstant de temps ne peut
être déterminé sous forme d'annexion que par une unité signifiant une entité de
même nature que le temps. Autrement dit, une entité faisant partie de l'ordre
de la successivité comme le temps. Ces entités sont les accidents qui
comprennent les faits ou les événements.
Cependant, il arrive parfois qu'un circonstant de temps puisse être
déterminé par un substantif dont le signifié est soit un être, un objet ou un fait.
Ce type de déterminant n'est possible que dans le cadre de la métaphore et
pour une catégorie spécifique de noms de temps.1
Outre la représentation spatialisée du temps comme un axe orienté vers
le futur, il existe une représentation métaphorique du temps où l'axe du temps
est immobile et sur lequel se déplacent toutes sortes d'entités comme sur un
chemin.
1 À ce propos, Andrée BORILLO explique : « Qu'en linguistique, il y une manière de représenter letemps, qui est de le traiter comme un continuum unidimensionnel asymétrique, c'est-à-dire commeun axe linéaire orienté sur lequel sont fixés des points de référence permettant de calculer des dateset de mesurer des durées. Le temps entre donc tout naturellement dans un système dereprésentation qui, au lieu d'être tridimensionnel comme celui que nous construisons pourl'espace, n'a qu'une dimension, le point et la ligne. Ainsi, s'il est dit que nous usons demétaphores spatiales pour parler du temps, il ne peut s'agir que de métaphores faisant appel à destermes spatiaux unidimensionnels, qui n'impliquent ni des surfaces, ni des volumes.Andrée BORILLO, Le déroulement temporel et sa représentation spatiale en français, in : Cahiersde praxématique, n° 27, p. 109.
Étude syntaxique_________________________________327
Dans le verset suivant, il est question de temps où le futur est représenté
comme une orientation spatiale (devant) et en laquelle Je procès est opéré.
Ibalyurîd-ul-'insân-u li-yajfjur-a 'atnâm-a- hu/.75/5
De plus, il voudrait l'homme se rebeller devant lui
Circonstant déterminant annectif
Annexion
« De plus, l'homme voudrait se rebeller dans le futur. »
Les noms de temps employés dans la représentation métaphorique sont
ceux qui dénotent l'antériorité et la postériorité. Ce sont /qabJ-a/ (avant) et
/ba°d-a/ (après). On peut donc comprendre que le temps qui fait partie de
l'ordre de la successivité peut dans ce cas servir à localiser ce qui fait partie de
la simultanéité.
Exemple :
///- 'alla yakûn-a li n-nâs-i calâ llah-i hujjat-a-n bacd-a r-rusul-il.4/165 * ———— ——————Afin qu'il n'y ait pas, pour les gens, sur Dieu, d'argument,
après les messagers.nom de temps nom d'êtrecirconstant déterminant annectif
«Afin qu'il n'y ait pas d'argument pour les gens, devant Dieu, après les
messagers. »
On pourrait se demander si, dans les exemples ci-dessus, les
déterminants annectif ne sont pas des déterminants d'un nom de temps supposé
être /zamân-a/ (temps, époque). Dans ce cas, nous sommes toujours dans
l'ordre de la successivité.
Étude syntaxique_________________________________328
Ifamâdâ bacda l-haqq-i 'illâ d-dalâl-ul. 10/32
« Qu'y a t-il d'autre après la vérité, si ce n'est que l'égarement. »
Nom de temps nom d'entité abstraite
Circonstant déterminant annectif
Le circonstant de temps peut être aussi bien déterminé par un pronom
personne] qu'un pronom relatif ou démonstratif.
Isunnat-u mon qad 'arsalnâ qabl-a- ka min rusulin-âl. 17/77
circonstant pronom
Annexion
« C'est la coutume de ceux que nous avons envoyés avant toi parmi les
messagers. »
Dans ce cas, on peut supposer : /qabl-a zamân-i-ka min rusulinâ/
Avant ton époque, parmi nos envoyés.
/qâl-û yâ §âlih-u qad kunta fî-nâ marjuww-a-n qabl-a hâdâ/. 11/62
Ils ont dit : « Ô Salih, tu étais en nous celui en qui on espère avant cela.
circonstant pronomdémonstratif
« Ils ont dit : « O Salih, ru étais pour nous une source d'espoir avant cela. »
On supposera : /qabl-a zamân-i hâdâ/= Avant le temps de cela.
/wa la'in ittabac-ta 'ahwâ'-a-hum bacd-alladî jâ'-a-ka min-a l-cilm-i/. 2/120
Si tu suis les passions à eux, après ce qui es venu à toi, comme
savoir... Circonstant pronom relatif
« Si tu suis leurs passions, après ce qui t'es parvenu comme savoir... »
On supposera : /bacd-a zamân-a lladî jâ'-a-ka min-a l-cilm-i/
« Après l'époque de ce qui t'est parvenu comme savoir. »
Étude syntaxique_________________________________329
1.5 LE CIRCONSTANT ET LE PRINCIPE D'ORDRE LINÉAIRE
1.5.1 L'ordre séquentiel
Dans la chaîne parlée et sa représentation linéaire écrite, les mots
apparaissent dans la phrase les uns après les autres. L'énoncé s'articule
linéairement en unités douées de sens remplissant des fonctions. Ces unités ou
ces éléments linguistiques s'enchaînent sur l'axe syntagmatique en une suite
ordonnée. L'enchaînement des éléments sur l'axe syntagmatique, en une suite
ordonnée, n'est pas le fruit du hasard. Bien au contraire, l'agencement des
éléments, qui est une organisation formelle de la proposition, obéit à des
contraintes relevant de la géométrie du langage et des conventions des
locuteurs. C'est ainsi que des habitudes, des usages, voire même une
convention collective qui font que tel ou tel mot se place à telle ou telle
position dans l'énoncé. D'après Ibn JlMNÎ, qui a dégagé un certain nombre de
principes généraux qu'il estime devoir être respectés dans l'ordre des termes
qui constituent la phrase : « Tout mot soumis à un régissant doit suivre ce
dernier ; que la place de l'agent ne peut être qu'après le verbe ».*
Bien entendu, ces principes, sur l'ordre séquentiel, ne sont pas, comme
l'explique Abdelkader MÉHHU, des principes rigides. Le locuteur garde,
Ibn JINNÎ, Al-Kasâ 7s, t. 2, p. 229
Étude syntaxique_________________________________330
malgré tout, une certaine latitude lui permettant de ne pas s'enfoncer dans des
structures théoriques.l
Cela dit, dans les langues flexionnelles, à déclinaisons, notamment dans
la langue arabe, l'ordre linéaire et la place respective des mots dans une phrase
sont secondaires pour indiquer la fonction. Ceci, bien entendu, dans le cas ou
le système casuel est encore vivant comme au temps de la révélation
coranique. A cette époque, le système casuel prédominait jusqu'à ce qu'il soit
concurrencé par l'ordre des mots à une époque tardive. C'est à dire vers le
quatrième siècle de l'hégire.2
Dans une phrase verbale, le circonstant de temps et de lieu est l'un des
compléments du verbe. Le circonstant est, de ce fait, soumis au verbe son
régissant. Ce qui signifie logiquement que la place canonique du circonstant
est la position postverbale.3 Cela dit, il s'avère que la notion de rection impose
des contraintes d'ordre séquentiel. C'est, sans doute, l'un des critères qui
définissent l'agencement canonique des positions linéaires. Ainsi, le régissant
est canoniquement le premier élément et ce qui est régi est le deuxième
élément. Bien plus, la rection a ce pouvoir de définir une précédence linéaire
1 Abdelkader MÉHIRI. Les théories grammaticales d'Ibn Jinnî, p. 3842 Voir à ce propos, Hassan HAMZÉ, Les théories grammaticales d'az-Zajjâjî, p. 5203 II est intéressant de voir, que la postposition du complément au verbe n'est pas le propre de lalangue arabe. Cela concerne également d'autres langues dont le français. Lucien TESNIÈRE précise« Le complément tend à suivre le verbe. » Évidemment, les critères qui définissent cette positionpeuvent être différents selon les théories linguistiques. Eléments de syntaxe structurale, p. 125
Étude syntaxique_________________________________331
du régissant et en conséquence, l'ordre respectif des éléments régissants et
régjs.
Exemples :
/fa mon yastamf-u l-'âna yajid la-hu sihâb-a-n rasad-a-nl 72/9
Celui qui écoute, le moment, trouvera pour lui un projectile de feux ardent.
Verbe circonstant
« Celui qui écoute, maintenant, trouve un projectile de feux ardent. »
/wa 'azlafnâ tamma l- 'âkarin-a/ 26/6
« Nous fîmes approcher, là, les autres. »
Verbe circonstant
La position canonique des différents éléments de la phrase verbale, est
que le verbe se place à l'initiale, ensuite, vient le sujet régi au nominatif et
enfin le complément régi à l'accusatif ou au génitif par l'intermédiaire d'une
préposition.
Verbe- sujet- complément.
Régissant régi régi
(au nominatif) (à l'accusatif ou au génitif)
La position initiale de la phrase appartient au régissant qui est le verbe.
Celui-ci régit son sujet au nominatif et son complément à l'accusatif. On
pourrait se demander si l'ordre entre le sujet et le complément est lié au type
de désinence casuelle. Autrement dit, est-ce que le nominatif se place avant
l'accusatif?
Étude syntaxique _________________________________ 332
Quoi qu'il en soit, l'ordre entre le sujet et le complément n'est pas
seulement lié au système casuel. II est également expliqué par des
considérations ayant rapport à l'importance du sujet jugé relativement à la
théorie de la prédication. Il s'agit d'un sens grammatical relatif à la
prédication. Le sujet est obligatoire dans la prédication. Le complément est
facultatif. « Ainsi -dira- SlBAWAYHI le fait est que le sujet soit antéposé, cela
est du très bon arabe. C'est comme s'ils (les Arabes) avaient placé celui qui
leur paraît le plus important à exprimer avant [les autres éléments] et par
l'expression duquel ils se suffisent »l
r .x &-,„ Jiaf> ,# > r f f c * ,, .j - * •>'„> . " ^ ° f °'° &, ' .> S u o r[UJ|J.»_£Jl5 tljiiS JLpr ^y^ j-*> J LaJbL» <us Oj-^J 01 • f e à U l -b^ Jo ^ tyk3
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Exemple:
/wa là yukallim-u-humu llah-u yawm-a l-qiyâmat-il 2/1 74
Et ne parlera pas à eux, Dieu, le jour de la résurrection. »Circonstant sujet circonstant
« Dieu ne leur parlera pas le jour de la résurrection. »
/fa- 'amât-a-hu llah-u mi'at-a câm-i-n tumma bacat-a-hu/2 2/259
II a fait mourir lui, Dieu, cent années ensuite il a ressuscité lui.Verbe sujet circonstant
« Dieu l'a fait mourir cent années ensuite il l'a ressuscité. »
Dans le cas de la phrase nominale, comprenant un inchoatif, un
étxoticiatif et un circonstant, l'ordre séquentiel canonique implique un ordre de
1 SlBAWAYHI, t. 1, p. 34-2 Les pronoms clitiques constituent une contrainte formelle en venant se positionner entre le verbe,le sujet et le circonstant.
Étude syntaxique_________________________________333
précédence où l'inchoatif est ce sur quoi on informe.1 Il est donc le premier
élément de la phrase. Vient ensuite l'information (Fénonciatif) accompagné,
parfois, du circonstant précisant facultativement la notion de temps ou de lieu.
Inchoatif - énonciatif - circonstant.
Régissant régi
L'ordre des éléments peut être également expliqué par le fait que tout
énoncé comporte une dynamique communicative selon laquelle normalement
l'information va croissant, du thème vers le rhème. Le début de l'énoncé
comporte naturellement l'indication de ce sur quoi l'énoncé va rouler, le thème
= ce dont on parle :
Exemple:
Ifallah-u yahkum-u bayn-a-hum yawm-a l-qiyâmat-il 13/2
« Dieu jugera entre eux le jour de la résurrection. »inchoatif énonciatif circonstant de lieu circonstant de temps
On peut remarquer, dans l'exemple d'énoncé de structure neutre comme ci-
dessus, que le rhème est composé d'un verbe et de deux compléments dont
l'un de lieu et l'autre de temps. Les circonstants sont dans leur position
canonique pour deux raisons: la première parce que le complément est,
d'ordinaire, postposé à son régissant. La deuxième, de nature sémantique, est
liée au fait que le circonstant précise la circonstance de l'action du verbe et la
précision vient normalement après ce qui est précisé.
1 L'inchoatif est appelé, par les grammairiens, al-mubtadâ ' qui signifie : ce par quoi on commenceet ce sur quoi on informe. Ainsi, la phrase nominale débute par "ce par quoi on commence" et "cesur quoi on informe". Autrement dit, l'inchoatif.
Étude syntaxique_________________________________334
1.5.2 Mobilité du circonstant
Malgré sa position canonique et les contraintes d'ordre, le circonstant
connaît, en général, une mobilité évidente sur l'axe syntagmatique. En effet, la
mobilité est relative aux différentes catégorie sémantiques du circonstant de
temps et de lieu (déictique, interrogatif, etc.). Ainsi, comme nous allons le
voir, certaines catégories de circonstants de temps et de lieu se déplacent
aisément de leur position canonique vers la position initiale, médiane ou finale
de l'énoncé et pouvant s'insérer entre différents éléments. D'autres se
déplacent uniquement entre les éléments postposés au verbe. D'autres se
déplacent uniquement dans la partie de l'énoncée antéposée au verbe. D'autres
par contre, ne quittent jamais la position canonique. Ces derniers ont un
placement fixe. Il est à préciser que la position canonique, qui est la
postposition au verbe, ne signifie en aucun cas qu'il existe une contrainte
d'adjacence ou de contiguïté stricte.
D'autres éléments de l'énoncé, comme les compléments verbaux, sont en
concurrence avec le circonstant dans l'ordre linéaire par rapport au verbe.
C'est là une question que nous traiterons par la suite.
En général, le circonstant est perçu comme un élément accessoire,
facultatif et mobile. Pourtant, sur l'ensemble des items circonstanciels
recueillis par dépouillement du Coran, seul un petit nombre apparaît très
mobile. Ce sont: /hunâlika/ = là bas, /bayn-a/ = entre, /haytu/ = de là ou,
/yawm-a/ = jour, /'id/ = lorsque (pour le passé), /'idâ/ = lorsque (pour le nom
Étude syntaxique_________________________________335
passé). Parmi ces circonstants mobiles, il y a ceux qui viennent se positionner
avant le verbe avec une contiguïté stricte. Autrement dit, ils se positionnent en
voisinage immédiat au verbe. Par conséquent, aucun élément n'interfère entre
eux et le verbe. Ce sont /al-âna/ et /hunâlika/ et les interrogatifs de temps et de
lieu comme /mata/ quand ? /'ayyâna/ quand ?, /'ayna/ où ?, /'annâ/ d'où ?.
Exemple:
lyaqûl-u l- 'insân-u yawma 'id-i-n 'ayna [istaqarr-a] l-mafarr-ul.1 75/10
II dit l'homme ce jour-là, où est le lieu de fuite?
circonstant verbe régissant
« L'homme dit, ce jours là: ou se trouve le lieu de fuite? »
l\vayaqûl-ûn-a mata [yakûn-u] hadâ l-wcfd-u 'in kuntum sâdiqîn-a/2lQ/4%
Ils disent: quand ce rendez-vous si vous êtes véridiques
circonstant [verbe]
« Ils disent: quand aura lieu ce rendez-vous si vous êtes véridiques. »
Ceux qui sont antéposé avec une adjacence non stricte, sont: /bayn-a/, /haytu/,
,/yawm-a/, /'idâ/, /'id/ et /yawm-a/. Ce dernier est l'exemple type de la mobilité
du circonstant.
Exemple avec /yawm-a/:
-Postposition et contiguïté:
Isahidnâ 'an taqûl-û yawm-a l-qiyâmat-i 'innâ kunnâ can hâdâ gâfilîn-al7/172 verbe circonstant
1 On suppose que le régissant des interrogatifs de lieu n'est autre que le verbe /istaqarr-a/s'installer.2 On suppose que le régissant des interrogatifs de temps est le verbe d'existence /kân-a/ être.
Étude syntaxique_________________________________336
« Nous avons témoigné que vous direz, le jour de la résurrection: nous étions,
pour cela, distraits. »
- Postposition et non adjacence:
/wa ma çann-a lladîna yaftarûn-a °alâ Allah-i l-kadib-a yawm-a l-qiyâmat-il
10/60 verbe circonstant
« II ne pensait pas que ceux qui profèrent le mensonge, sur Dieu, le jour de la
résurrection... »
- Antéposition et contiguïté:
lal-yawm-a akmal-tu lakum dîn-a-kuml 51/13
Le jour, j'ai parachevé, pour vous, religion à vous.
circonstant verbe
« Aujourd'hui, j'ai parachevé, pour vous, votre religion. »
Antéposition et non adjacence:
Ifal-yawm-a ïïadjna'âmanû min-a l-kuffâri yadhakûn-al 83/34
le jour, ceux qui croient, des mécroyants, ils se moquent.
circonstant verbe
« Aujourd'hui, ceux qui croient se moquent des incrédules. »
II est notoire de constater, dans le Coran, qu'une grande partie des circonstants
de temps et de lieu sont généralement postposés au verbe. Parmi ceux-ci, il y a
ceux qui connaissent une adjacence stricte. C'est le cas notamment de:
/warâ'-a/ derrière /nahâr-a-n/journée
/'asfal-a/ = plus bas /'asiyyat-a-n/ soirée
/tilqâ'-a/ = en direction Aisâ'-a-n/ soir
/kilâl-a/ = dans l'intervalle /dufr-a-n/ matinée
/tamma/ = là ou /sâcai-a-n/ heure
Étude syntaxique 337
/'ayna/ = ou?1 /'ayâna/=d'où?
Les circonstants postposés qui n'ont pas de relation strictement contiguë avec
le verbe sont entre autres:
/'amâm-a/ = devant
/bacd-a/ = après
/taht-a/ = sous
/jânib-a/ = du côté
/hawl-a/ = autour
/kalf-a/ = derrière
/kilâf-a/ = «« *• r > e f e
/dûna/ = en deçà
/dât-a/ = partie de
/subul-a/ = chemins
/satr-a/ = en direction de
/°md-a/ = vers
/fawq-a/ = dessus
/qabl-a/ = avant
/qibal-a/ = face à
/ladâ/ auprès de
/'abad-a-n/ = à jamais.
/'asîJ-a-n/ = soir,
/'ânâ'a/ = instants,
/bukrat-a-n/ = matin,
/bayât-a-n/ = de nuit,
/târat-a-n/ = fois, moment,
/huqub-a-n/ = longtemps.
/hïn-a/ = moment,
/zulaf-a-n/ = proche.
/tarafay/ = les deux extrémités.
Aasiy-a-n/ = soirée,
/^âm-a-n/ = année.
/gad-a-n/ = demain.
V'ayna/ est généralement régi par le veibe /qâl-a/ (dire) qm est parfois sous-entendu.2 D'après Ibn al-JAWZÎ (597/1201), les commentateurs du Coran ont huit avis différents sur ladurée désignée par le circonstant /huqub-a-n/. Voir à ce propos : Zâdu l-masîrfî cilmi t-tafsîr, t. 5,
p. 165
Étude syntaxique_________________________________338
Après avoir cité al-JURJÂNÎ1 qui défend l'hypothèse selon laquelle deux
énoncés ne sont jamais équivalents et, qu'à tout changement de forme doit
correspondre un changement de fond, Hassan HAMZÉ conclu: « S'il en est
ainsi, l'ordre des mots ne peut qu'être le signifiant d'un signifié.
L'antéposition et la postposition d'un mot interviennent pour apporter un
changement :
Soit sur le plan syntaxique : le mot voit alors sa valeur changer tout en gardant
son statut syntaxique. C'est l'exemple de Zayd-u-n dans : /katab-a Zayd-u-n/ et
dans /zayd-u-n katab-a/ Zayd a écrit.
Soit en dehors du plan syntaxique : le mot voit alors sa valeur changer tout en
gardant son statut syntaxique. C'est l'exemple de Zayd dans : /zayd-u-n kâtib-
u-n/ Zayd [est] écrivant, .et dans /kâtib-u-n zayd-u-n/ écrivant [est] Zayd,
puisqu'il est inchoatif qu'il soit antéposé ou postposé ».2
Lorsque le circonstant est en présence d'un ou plusieurs compléments
verbaux, là aussi, il y a un agencement des différents compléments. La
question qui se pose est de savoir s'il existe un ordre conventionnel et
canonique entre les compléments et les circonstants et entre les circonstants
eux-mêmes ? Existe t-il une variation d'ordre et quelles en sont les raisons et
les conséquences ?
1 Al-JURJÂNÎ. Abd al-Qâhir, grammairien et rhétoricien, mort en 471/1078, (Mcufjawâz al-majâz,p.56)2 Hassan HAMZÉ, La linéarité dans le langage, P. 9
Étude syntaxique_________________________________339
Mais avant d'aborder cette question, il reste à dégager les raisons ou les
motivations des déplacements des circonstants mobiles, car comme l'explique
Nicole LE QUERLER, dans une étude du circonstant en général, : « La mobilité
du circonstant n'est pas sans conséquences sémantiques même minimes soient-
elJes ».l
II faut savoir que dès qu'un ordre tend à être habituel, tout changement se
présente comme une inversion pouvant avoir au niveau sémantique, une valeur
expressive. Cela dit, le déplacement du circonstant sur l'axe syntagmatique est
un procédé pouvant répondre à une intention expressive de mise en valeur.
Ainsi, qui dit variation d'ordre, dit variation de sens. En d'autres termes, la
variation de sens est corrélative à l'ordre des mots.
Nicole LE QUERLER, Le circonstant et la position initiale, in : 7007 circonstants, p. 177.
Étude syntaxique________________________________340
1.5.2.1 Motivations et variations de sens.
1.5.2.1.1 L'emphase ou l'antéposition de l'élément important.
- Dans la phrase verbale
Si l'ordre canonique de la phrase verbale est : Verbe-sujet-complément,
le sujet est positionné avant le complément pour une question d'importance. A
ce propos, SlBAWAYHI explique : « Ainsi, le fait est que le sujet soit antéposé,
cela est du très bon arabe. C'est comme s'ils (les Arabes) avaient placé celui
qui leur paraît le plus important à exprimer avant [les autres éléments] et par
l'expression duquel ils se suffisent ».*
^ j UJLÂ* <U9 ùj>J jî JàiJJt Ju>- jlS" 1.Ju?r
C'est comme le souligne Georgine AYOUB : « Le sens purement
grammatical, évoqué par SïBAWAYffl, est relatif à la prédication. »2 L'ordre
canonique peut être modifié en antéposant le complément, notamment le
circonstant au sujet de la phrase. Ceci est permis, d'après Ibn JlNNÎ qui
dit : « L'insertion, entre le verbe et l'agent, d'un complément d'objet ou
circonstanciel ou d'un autre élément non étranger au verbe, est permise à bon
escient... ».3
SlBAWAYHI, t.l, p. 34
2 Georgine AYOUB, la forme du sens, p. 443IbnJlNNÎ, t.l, p.229
Étude syntaxique_________________________________341
Bien entendu, lorsque l'on parle de variation de sens, il ne s'agit pas
d'un changement de fond catégorique du sens du circonstant, mais simplement
une modification de sens au niveau de l'énoncé apportant de ce fait une
information utile d'après al-JURJÂNÎ qui dit : « Si on constate, par exemple,
que l'antéposition du complément devant le verbe est destinée à [apporter] une
[information] utile qui n'est pas constatée dans sa postposition après le verbe
dans beaucoup d'énoncés, ce principe doit être valable partout ».*
jC
s ' ^ ^ « ' ' ^. JS' 4.1/7.Ê iUj ûj>J jl ( r J JLââ Ji^-ll5l o» ÔJljLà]|
~~
La postposition enclavée du circonstant a pour but rhétorique de lui donner une
importance qu'il n'a pas d'ordinaire et d'après le dictionnaire de linguistique, à
exagérer l'expression d'une idée. C'est le procédé d'emphatisation.2
Exemples :
lwa laqad sabbafa-a-hum bukrat-a-n c adâb-u-n mmtaqirr-u-nl 54/38
Et certes, il a réveillé eux, de bon matin, un châtiment persistant
verbe circonstant sujet
« Un châtiment persistant a réveillé de bon matin. »
fWakân-a warâ'a-hum malik-u-n/ 18/79
« II y a derrière eux un roi. »
verbe circonstant sujet
1 AJ-JURJÂNl, Dalâ 'il I- 'icjâz, p. 88
Traduction empruntée à Hassan HAMZÉ, la linéarité dans le langage, p. 10Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage. P. 176
Étude syntaxique_________________________________342
Ainsi, plus le circonstant se déplace vers la tête de l'énoncé, plus son
importance est grande. Si Je déplacement vers Fantéposition du sujet lui
confère une certaine importance, Fantéposition au verbe augmente
l'importance de l'élément déplacé. Il arrive cependant que le circonstant soit
postposé au sujet par Je fait qu'il est annexé à un pronom anaphorique qui
renvoie à quelque chose cité auparavant dans le discours. Le pronom
anaphorique permet au circonstant d'être antéposé au sujet.
Exemples :
Ijannât-i-n tajrî taftt-a- ha l-'anhâr-ul 9/100
Des jardins, courent, au dessous d'eux, des fleuves.
verbe circonstant pronom sujetanaphorique
« Des jardins sous lesquels coulent des fleuves »
Exemple où le circonstant est dans sa position canonique :
/Là yukallim-u-hum Allah-u yawm-a l-qiyâmat-il 2/174
II ne parlera pas à eux, Dieu, le jour de la résurrection
Verbe sujet circonstant
« Dieu ne leur adressera pas la parole le jour de la résurrection. »
Exemple d'antéposition du circonstant au verbe :
Jwayawm-a J-qiyâmat-j yakûn-îi calay-him sahîd-a-nJ 4/159
Le jour de la résurrection, il sera, contre eux, un témoin
circonstant verbe coi c.d'état
«il sera un témoin, contre eux, le jour de la résurrection »
Étude syntaxique _________________________________ 343
1 .5.2. 1 .2. L'antéposition et l'exclusivité
L'exclusivité est différente de l'emphase. L'exclusivité est un autre
procédé rhétorique qui consiste à donner l'exclusivité absolue au circonstant
en Fantéposant au mot exprimant l'action opérée en lui. Autrement dit, le
verbe. A ce propos, az-ZARKASÎ1 précise que parmi les raisons de l'inversion
de Tordre des éléments, il y a: « F exclusivité et ce en antéposant le patient,
Fénonciatif, le circonstant, le régissant au génitif et tout ce qui leur est
similaire au verbe. Exemple : l'iyyâ-ka ncfbud-ul c'est toi que nous adorons.
C'est-à-dire, nous te donnons l'exclusivité de l'adoration. Nous n'adorons
aucun autre que toi ».2
L'exclusivité vient du fait que si on dit: /nacbud-u-ka 'anta/ = nous
t'adorons toi, c'est une affirmation qui n'exclu pas le fait que nous adorons
d'autres choses hormis Dieu. En inversant la phrase comme ceci : /'iyyâ-ka
nacbud-u/, nous insistons sur l'exclusivité de ce qui est adoré : c'est toi [seul]
que nous adorons.
1 AZ-ZARKASÎ, Muhammad Ibn Bagâ d-Dîn Ibn Qâsim Ibn °Abd Allah Badr d-Dîn cAbû cAbdAllah, égyptien, né en 745/1344 et mort en 794/1392, traditionniste, juriste, exégète etgrammairien. (Al-Burhânfîculûmal-qur'ân, t. 1, p. l l)a
' Az-ZARKASÎ, Al-Burhânfî °ulûm-i l-qur 'an, t.3, p.277,
Étude syntaxique_________________________________344
1.5.2.1.3 L'antéposition et l'insistance
La notion d'insistance est également produite par l'antéposition du
circonstant vis-à-vis de son verbe. En antéposant le circonstant, nous avons là
une manière d'insister sur celui-ci et de créer une opposition implicite. C'est à
dire que l'on insiste sur tel ou tel moment ou lieu et pas un autre.
Exemple :
Ihunâlika dcfâ zakariyyâ rabb-a-hul. 3/38
« C'est là où, a imploré Zakarie son seigneur. »
circonstant verbe
C'est là où, Zakarie a imploré son seigneur.
a). La phrase nominale
Dans le cas de la phrase nominale, ou le circonstant est régi, selon la
théorie grammaticale arabe, par J'énonciatif, la position canonique des
éléments est :
inchoâtif-énonciatif-circonstant.
Exemple :
Ifallah-u yaljkum-u bayn-a-hum yawm-a l-qiyâmat-i/2/113
« Dieu jugera entre eux le jour de la résurrection. »
Inchoatif énonciatif circonstant de lieu circonstant de temps
/wa l- 'ar$-u jamf-a-n qabdat-u-hu yawrn-a l-qiyâmat-il 39/67
« La terre, toute entière sera dans sa main, le jour de la résurrection. »
Inchoatif énonciatif circonstant de temps
Étude syntaxique _________________________________ 345
Ibn HlSÂM précise : « qu'il est de règle que l'inchoatif se place avant
F énonciatif. Mais il est permis d'antéposer J 'énonciatif. Cependant, on ne peut
faire de l'antéposé un inchoatif et du postposé un énonciatif pour son apport
d'information déterminé sur ce qui est déterminé ».x
\" ^\ " r * * ° f r<-«-» j bjjrj jl >
JS S S jf S ff S s- S f
Ainsi, l'inversion de l'ordre des éléments de la phrase nominale est
chose possible. Dans le cas du circonstant qui se situe habituellement en fin
d'énoncé, il est aisément déplaçable vers une antéposition à l' énonciatif. De ce
fait, le circonstant risque de se trouver enclavé entre l'inchoatif et l' énonciatif.
Exemple •.
Iwujûh-u-n yawma'id-i-n kâsfat-u-n/ 88/2
« Les visages, ce jours là, seront humiliés. »
Inchoatif circonstant de temps énonciatif
Dans l'exemple, ci-dessus, le circonstant est une sorte de relatif qui renvoi à
quelque chose de cité précédemment. L'accent est mis d'avantage sur celui-ci
plus que sur l'énonciatif.
Ara htfwa cind-a llah-i °azîm-u-nl 24/15
II est, auprès de Dieu, très important
inchoatif circonstant de lieu énonciatif.
« II est très important auprès de Dieu. »
IbnHisÂM, Sarb qatru n-nadâ\ p. 120
Étude syntaxique_________________________________346
Dans l'exemple ci-dessus, le circonstant est sémantiquement un déictique sur
lequel l'accent est mis plus que sur Fénonciatif.
l'inna-ka l-yawm-a laday-nâ makin-u-n amîn-u-nl 12/54
Certes toi, le jour, auprès de nous, d'une grande autorité et d'unegrande confianceIrtchoatif circonstant circonstant énonciatif
de temps de lieu
« Tu es aujourd'hui, auprès de nous, d'une grand autorité et d'une grande
confiance. »
Dans l'exemple, ci-dessus, deux circonstants de nature différentes (temps et
lieu) sont déplacés avant l'énonciatif. Ce sont deux déictiques dont celui de
temps est antéposé à celui de lieu. Il semble que l'on ait voulu mettre l'accent
un peu plus sur le temps. Nous avons pu remarquer jusque là que le déictique
est rarement en fin d'énoncé. Dans le déictique, il y a une forme d'insistance
naturelle qui le positionne avant certains autres éléments de l'énoncé. Il arrive
que l'on veuille donner plus d'importance au circonstant en le déplaçant vers
la tête de la phrase nominale. De ce fait, il est antéposé à l'inchoatif et à
l'énonciatif.
Exemples :
/wafawq-a kull-idîcilm-i-n °âlim-u-n [mustaqirr-u-n]l 12/76
« Et Au-dessus de tout savant, un savant [installé]. »
circonstant indicatif énonciatif
/wa laday-nâ mazîd-u-n [mustaqirr-u-n]I 50/35
Auprès de nous, un supplément [installé]
circonstant inchoatif énonciatif
« II y a auprès de nous un supplément. »
Étude syntaxique_________________________________347
/wayawm-a l-qiyâmat-i hum min-a l-maqbûlm-al 28/42
Le jour de la résurrection, eux, parmi les acceptables
circonstant de temps inchoatif énonciatif
« Ils seront, le jour de la résurrection, parmi les acceptables. »
Ifal-yawm-a lladîn-a âman-û min-al-kuffâr-i yadhakûn-al 83/34
Le jour, ceux qui ont cru, des négateurs ils se moquent,
circonstant de temps inchoatif énonciatif
« Aujourd'hui, ceux qui ont cru se moquent des négateurs. »
Bien entendu, un tel déplacement, ne peut être réalisable par n'importe
quel circonstant. Ceux que l'on peut apercevoir, ce sont essentiellement Jes
déictiques. Il est clair que l'on ne verra pas un nom de durée ou de mesure en
tête de phrase nominale, car l'assignation d'une position n'a de sens que si elle
correspond à une configuration linguistique pertinente. Ainsi, l'antéposition de
certains circonstants semble impraticable dans la phrase nominale.
En conclusion, il est permis de tirer certaines règles qui ne sont ni
absolues, ni exhaustives :
1 - La position canonique du circonstant, que ce soit dans une phrase verbale
ou nominale, est la postposition à son régissant.
2 - La postposition serait, d'une certaine manière, le principe de la position du
circonstant et l'antéposition son corollaire.
3 - La position canonique du circonstant est liée à l'aspect facultatif et
accessoire de l'élément.
Étude syntaxique_________________________________348
4 -La mobilité du circonstant entraîne une variation de sens.
5 - Le rapprochement du circonstant vers la tête d'énoncé, augmente
l'importance du circonstant.
Etude syntaxique_________________________________353
raison est sémantique, car la relation entre le verbe régissant et le complément
est très étroite, plus étroite qu'avec Je circonstant. C'est également J'avis de
Pierre LE GOFFIC dans le cas du français. Aussi dit-il : « Ce qu'on peut
expliquer en disant que le complément direct est à priori senti comme plus
étroitement rattaché au verbe... ». '
Verbe - c.o.d. - circonstant
L'ordre de base peut être inversé lorsqu'il est motivé par des effets de
stylistique : insistance, exclusivité, et la rime.
Pierre LE GOFFIC, Grammaire de la phrase française, p. 55.
Etude syntaxique_________________________________354
1.6.2 Le circonstant et le complément d'objet indirect.
Dans la logique des choses, on tend à croire que ce qui est régi
directement par le verbe doit être normalement ce qui est le plus proche du
verbe pourtant, le cas du complément d'objet indirect montre bien que ce n'est
pas toujours le cas. En effet, le circonstant qui est régi directement par le verbe
lorsqu'il se trouve en concurrence avec le complément d'objet indirect, il se
place en dernière position de la phrase.
Nous avons ainsi : Verbe- complément d'objet indirect-circonstant
Que dire lorsqu'un complément d'objet direct se retrouve en présence
d'un complément d'objet indirect ? Est-ce que Je complément d'objet direct est
placé en proximité immédiate du verbe parce qu'il est régi directement ? Nous
pouvons constater que la rection directe n'influe aucunement sur la position.
C'est sans doute la relation sémantique entre le verbe et le complément qui est
la cause principale de la position.
Le cas du complément d'objet indirect est semblable à celui du
complément d'objet direct lorsqu'il se trouve en présence d'un circonstant.
Dans un contexte normal, sans rime, le complément d'objet indirect est
antéposé au circonstant. La raison d'un tel ordre est que s'il y a c.o.i, c'est que
le verbe régissant est indirect et que le lien entre ce verbe et la préposition qui
lui permet de dépasser son sujet vers un complément, est très étroit. Ce lien
Étude syntaxique_________________________________355
sémantique rapproche les éléments entre eux dans l'énoncé, puis vient le reste
(circonstant, etc.). Ce fait est attesté entre autres, par un nombre important
d'occurrences dont voici quelques exemples :
Ifa-sîh-û fi l- 'ard-i 'arbacat-a 'ashur-i-n/. 9/2
Marcher dans la terre quatre mois
Verbe c.o.i circonstant de (durée)
« Parcourez la terre durant quatre mois. »
La relation entre le verbe spatial de déplacement /sîh-û/ (marchez, parcourez)
et Je complément circonstanciel de lieu constitué d'un syntagme prépositionnel
/fi 1-'ard-i/ (dans la terre), dont la tête est la préposition de lieu /fi/ (dans), est
naturellement plus étroite qu'avec le circonstant de temps /'arbacat-a 'ashur-i-
n/ (quatre mois).
l'a-âman-tum bi-hi l-'ânal. 10/51
Avez-vous cru en lui le moment
Verbe c.o.i circonstant (déictique)
« Avez-vous cru en lui maintenant ? »
D'habitude, le déictique de temps /al-'ân-a/ (maintenant) se place en proximité
immédiate du verbe, mais lorsqu'il s'agit d'un verbe qui se combine avec une
certaine préposition comme dans l'exemple précédent ou le verbe /âman-a/ se
combine avec la préposition /bi/ (en) pour donner -. croire en...
runzurû 'M tamar-i-hi 'idâ 'atmar-al. 6/99
Regardez vers les fruits à lui lorsqu' il aura des fruits
Verbe c.o.i circonstant déterminant annectif
« Voyez ses fruits lorsqu'ils produira des fruits. »
r
Etude syntaxique_________________________________356
C'est donc le lien entre le verbe et la préposition qui impose la position
du complément d'objet indirect par rapport au circonstant. Bjen entendu,
lorsqu'il s'agit d'un complément d'objet direct et d'un complément d'objet
indirect. Si le complément d'objet direct est en proximité immédiate du verbe,
c'est que le verbe est transitif, sinon Je complément d'objet indirect est
antéposé au complément d'objet direct.
Exemples :
/wa huzzî 'ilay-ki bi jicf-i n-na^laî-j îiisâqit calay-ki niltab-a-n janiyy-a-
w/19/25 Verbe c.o.i c.o.d
Secoue vers toi avec la branche du palmier, elle tombera, sur toi, des dattes
fraîches.
« Secoue vers toi la branche du palmier, des dattes fraîches bonne à cueillir
tomberont sur toi. »
/wa sabbify bi fyamd-i rabb-i-ka hîn-a taqûm-al. 52/48
Célèbre les louanges de ton seigneur le moment tu te lèves.
Verbe c.o.i circonstant
« Célèbre les louanges de ton seigneur au moment où tu te lèves. »
L'antéposition du circonstant au complément d'objet indirect est
rarement motivée par la rime, car Je complément d'objet indirect forme, avec
la préposition, un syntagme long et dont la fin de séquence ne se prête pas
vraiment à la rime. Ce qui motive entre autres, l'inversion, c'est le circonstant
déjctjque, comme c'est le cas pour /al-yawm-a/ (aujourd'hui).
Exemple
Etude syntaxique_________________________________357
/ 'innî jazay-tu -humu l-yawm-a bi-mâ sabarûl. 23/111
Certes moi, J'ai récompensé eux le jour pour ce qu'ils ont patienté.
Verbe c.o.d circonstant c.o.i
« Je les ai récompensés aujourd'hui pour leur patience. »
Ce qui prouve qu'un circonstant peut être antéposé au complément
d'objet indirect par le fait qu'il soit un déictique, ce sont les exemples presque
similaires à l'exemple ci-dessus, excepté le fait que le circonstant n'est pas un
déictique. Pour cela, il est postposé au complément d'objet indirect.
Exemple :
lyunabbi'-u- hum bi-mâ sabarû yawrn-a l-qiyâmat-il. 58/7
Ils informera eux pour ce qu'ils ont patienté le jour de la résurrection
Verbe c.o.d c.o.i circonstant
« Ils les informera de leur patience le jour de la résurrection. »
Une autre motivation de l'inversion est celle du sémantisme commun
entre Je verbe et le circonstant. Ce sémantisme commun produit un lien étroit
entre les unités concernées. C'est le cas de la durée. Lorsqu'un verbe de durée
comme /labit-a/ (séjourner), régit un circonstant de durée comme /sinîn-a/ (des
années), les deux unités restent proches l'une de l'autre dans l'énoncé. De ce
fait, le circonstant est antéposé au complément d'objet indirect.
Lorsque deux compléments circonstanciels, dont l'un est un syntagme
nominal (circonstant) et l'autre est un syntagme prépositionnel, se retrouvent
avec un verbe lié au temps et à l'espace comme c'est le cas avec le verbe
Étude syntaxique_________________________________358
/labit-a/ qui signifie rester quelque part un certain temps, c'est qu'il est d'abord
rattaché à l'espace puis au temps. Mais pour l'espace, le verbe /Jabiî-a/
nécessite la préposition /fi/. Dans ce cas, nous avons :
Verbe-c.o.i- circonstant.
Lieu temps
/fa labit-a f î s-sijn-i bif-a sinîn-a/12/42
II est resté dans la prison quelques années
Verbe prépo. nom circonstantSpatiale de lieu (spécifié) de temps
(c.o.i) Circonstanciel de lieu
« II a passé quelques années en prison. »
Ifa labit_-ta sinîn-a fi 'ahl-i madyan-al. 20/4
Alors, il est resté des années dans les gens de Madian.
Verbe de durée circonstant de durée c.o.i
« II a passé des années parmi le peuple de Madian. »
D'après les exemples ci-dessus, on peut penser que la position entre l'espace et
le temps est motivée par la longueur du complément. Nous remarquons que le
complément le plus long se place en fin de séquence. Ce fait a également été
observé dans la langue française. A ce propos, Pierre LE GOFFIC explique « Un
complément court avant un complément long (ce qu'on peut expliquer en
disant que le complément long, plus développé, est à priori plus informatif,
plus rhématique et de ce fait, tend vers une position finale ».!
1 Pierre LE GOFFIC, op. cit., p.55
Étude syntaxique_________________________________359
Ainsi, un constituant court se place avant un constituant long. C'est une
progression par masse croissante.
Au niveau sémantique, le syntagme prépositionnel, dans l'exemple ci-dessus,
exprime une circonstance spatiale. Mais au niveau syntaxique, il y a une
différence entre Je circonstant de Jieu et un c.o.i régi par une préposition. En
somme, nous avons là, deux circonstances dont l'une est exprimée par un
circonstant et l'autre par un syntagme prépositionnel. La circonstance
temporelle exprimée par le circonstant est plus proche de celle du verbe de
durée. Tandis que la circonstance spatiale exprimée par le syntagme
prépositionnel n'a pas de point commun aussi fort que de la durée existante
dans le verbe et le circonstant de temps.
En somme, dans un contexte normal, le complément d'objet indirect est
antéposé au circonstant. L'inversion est motivée par deux choses .
1 - Lorsque le circonstant est un déictique, il est antéposé au complément
d'objet indirect. Ceci relève de la stylistique.
2 - Lorsque Je circonstant a le même sémantisme que le verbe, les unités
restent proches l'une de l'autre et de ce fait, le circonstant est antéposé au
complément d'objet indirect.
- Verbe de durée circonstant de durée c.o.i.
llabil-a sinîn-al
II est resté des années
- Verbe de localisation spatiale circonstant de lieu c.o.i.
« II resta des années »
Étude syntaxique_________________________________360
Ijalas-a l-majlis-al
II s'est assis l'assise
Verbe de localisation spatiale circonstant de lieu
« II s'est assis dans une assise »
D'autre part, lorsque les différents compléments que nous venons
d'analyser se retrouvent ensemble dans un même énoncé, il sembJe que l'ordre
habituel serait : Verbe - c.o.i. - c.o.d. - circonstant
Exemples :
,/wû là mitf-ii fî-kum 'afyad-a-n 'abad-a-nl. 59/11
Et nous n'obéirons dans vous personne jamais
Verbe c.o.i c.o.d circonstant
« Nous n'obéirons jamais à aucun d'eux. »
lyaftarûn-a calâAllah-i l-kadib-a yawm-a l-qiyâmat-il. 10/60
Ils profèrent sur Dieu des mensonges le jour de la résurrection
Verbe c.o.i c.o.d circonstant dét. annectif
« Le jour de la résurrection, ils proféreront des mensonges sur Dieu. »
/ 'a-fa-man yattaq-i bi wajh-i-hi su '-a al-°adâb-i yawm-
Est-ce que celui qui craint avec son visage le mauvais du châtiment, le jourVerbe c.o.i c.o.d Circonstant
al-qiyâmal-iJ. 39/24
de la résurrection...déterminant
« II craint pour son visage le pire des châtiments le jour de la résurrection. »
Le fait est que s'il y a complément d'objet indirect, c'est que le verbe
est un verbe qui s'emploie avec une certaine préposition et de ce fait, reste
Étude syntaxique_________________________________361
proche de la préposition, qui elle, ne se sépare pas de son complément.
Ensuite, vient le complément d'objet direct qui est plus étroitement lié au
verbe que le circonstant.
Étude syntaxique_________________________________362
1.6.3 Le circonstant et le complément d'état
Définir un ordre préférentiel entre le circonstant et le complément d'état
est une opération très délicate. Les occurrences à notre disposition ne nous
permettent pas de trancher sur tel ou tel ordre préférentiel. Nous pourrions
nous contenter de la règle établie par Lucien TESNÈRE sur la position du
circonstant vis-à-vis du complément d'état dans les langues centrifuges. A ce
propos, Lucien TESNÈRE explique : « C'est ainsi que les circonstants de
manière se placent volontiers avant ceux de temps général, ceux-ci avant ceux
de lieu et enfin ceux de lieu avant ceux de temps particulier ».! II nous semble
que l'ordre donné par Lucien TESNÈRE ne s'applique pas tout à fait à l'arabe,
car on rencontre autant d'occurrences où le circonstant se place avant le
complément d'état et vice-versa. Cela dit, notre tâche sera d'analyser les
différentes occurrences et tenter de savoir ce qui motive l'une et l'autre
position. À l'issue de cela, nous essayerons de découvrir s'il existe une
position canonique entre le circonstant et le complément d'état.
L'analyse des différentes occurrences ou le circonstant est en présence
du complément d'état, révèle l'existence de deux facteurs motivant la position
du circonstant par rapport au circonstant.
1 Lucien TESNIÈRE. Elément de syntaxe structurale, p. 126-
Étude syntaxique_________________________________363
1.6.3.1 Le critère de la rime
Dans un contexte en prose rimée, ou la rime se fait avec l'accusatif
indéterminé, lorsque la phrase comporte un circonstant et un complément
d'état, c'est souvent le complément d'état qui occupe la dernière position. La
raison en est que le circonstant, utilisé dans de tel cas, sert à localiser un procès
dans le temps ou le lieu. S'agissant du temps, le circonstant est une datation,
jamais une durée. S'agissant du lieu, le circonstant nécessite un complément de
nom pour déterminer le lieu. Le lieu ne peut être un nom de mesure (distance).
Exemples :
/wa ttakad-tumû-hu warâ'a- kum zihriyy-a-nl 11/92
Et vous avez pris lui derrière vous ouvertement
Nom de lieu vague pronom c.d'état
Circonstant complémentde nom
« Vous lui tournez ouvertement le dos. »
/wa kutt-u-hum 'âtî-hi yawm-a l-qiyâmat-i fard-a-nl 19/35
Et tous viendront à lui le jour de la résurrection individuellement
Nom de nom d'événement c.d'étattemps spécifié
Circonstant complément de nom
Datation
« Ils viendront tous individuellement à lui le jour de la résurrection. »
Quant au complément d'état, il s'agit généralement d'un nom
indéterminé à 1'accusatif. Ce dernier se prête mieux à la rime.
Étude syntaxique_________________________________364
Ce qui prouve également que la rime est une contrainte pour l'ordre, c'est
l'exemple où le complément d'état indéterminé à l'accusatif est antéposé au
circonstant dont la fin de séquence est un complément de nom. Ce complément
de nom se prête au contexte de prose rimée, dans lequel il se trouve, où tous
les versets se terminent la voyeJJe /-a/ de l'accusatif.
Itajrîbi 'amr-i-hi rukâ'a-n haytu 'a$âb-al 38/36
Elle court par son ordre modérément là où il atteint.
C. d'état circonstant verbe(Complément de nom)
« Par son ordre, il (le vent) soufflait modérément partout où il voulait. »
1.6.3.2 Le critère de longueur
Dans un contexte où les deux compléments ne sont pas concernés par la
rime, il semble que la position est motivée par le critère de la longueur des
compléments. Le complément le plus long se place en fin de séquence.
Autrement dit, un constituant court se place avant un constituant long. Une
progression par masse croissante. Une observation qui rejoint l'explication de
Pierre LE GOFFIC pour le français : « un complément court avant un
complément long ».!
larsal-a r-riyâh-a busr-a-n bayn-a yaday-i mhmat-i-hi/25/^%
II a envoyé les vents en annonce entre les deux mains de sa miséricorde.
C. d'état circonstant C. de nom
« II a envoyé les vents en annonce précédant sa miséricorde. »
1 Pierre LE GOFFIC, op. cit., p. 55.
Étude syntaxique________________________________365
1.6.3.3 La place préférentielle
Si avec l'analyse des occurrences coraniques, nous n'avons pas pu
déterminer la place préférentielle lorsqu'il y a présence, dans l'énoncé, d'un
circonstant et d'un complément d'état, il ne reste plus qu'à réfléchir sur la
question à savoir : un locuteur désirant employer un circonstant et un
complément d'état, par quoi doit il commencer? Quelle est la première
question qui se pose : comment ? ou : quand et où ?
Un autre critère est celui de l'ordre du verbe et du sujet. Nous savons
que le circonstant précise l'action du verbe, premier élément de la phrase et
que le complément d'état qualifie le sujet, deuxième élément de la phrase.
Ceci dit, l'ordre des compléments pourrait être relatif à l'ordre du verbe et du
sujet.
On aura ainsi :
Verbe sujet circonstant complément d'état
Ainsi, la position préférentielle serait probablement : le circonstant
avant le complément d'état. Cet ordre peut être inversé par des facteurs comme
la rime et la longueur des compléments.
Étude syntaxique_________________________________366
1.6.4 Le circonstant, le complément absolu et le spécificateur
Toutes les occurrences coraniques présentent le même ordre entre le
circonstant et le complément absolu et entre le circonstant et le spécificateur.
Ces deux compléments sont postposés au circonstant, car la rime oblige. Le
circonstant est, dans tous les cas, déterminé soit par le déterminant /al/ (le), soit
par un nombre ou un complément de nom. De plus, le circonstant et ses
différents déterminants forment un syntagme plus long que celui des
compléments absolu et du spécificateur, qui eux ne sont pas déterminés. C'est
l'une des raisons qui pourrait être à l'origine de leur position vis-à-vis du
circonstant. Ainsi, le complément le plus long est antéposé au complément le
plus court. Il semble que le complément absolu soit une information
concernant à la fois le verbe et le circonstant. Ce qui fait qu'il vient se
positionner après le circonstant. Dans ce cas, la longueur des compléments n'a
aucun effet sur l'ordre.
Exemples :
Complément absolu :
Iqâl-â tazra°ûn-a sabc-a sinîn-a da'b-a-n/1 12/47
II dit : vous sèmerez sept années de manière consécutive
Verbe circonstant complément absolu
« II dit : vous sèmerez durant sept années consécutives. »
1 D'après al-cUKBARî, le complément /da'b-a-n/ est régi à l'accusatif en tant que complémentabsolu. At-tibyânfî 'fràbi l-qur'âni, t. 2, p. 58.
Étude syntaxique_________________________________367
Itummala-nufydiranna- hum faawl-ajahannam-a jutiyy-a-nl.l 19/68
Ensuite, nous placerons eux autour de la géhenne, agenouillés
Verbe c.o.d circonstant c.absolu
« Ensuite, nous les placerons certainement autour de la géhenne en position
d'agenouillement. »
Dans l'exemple ci-dessus, la position du complément absolu est également
motivée par la rime.
Ainsi, l'ordre entre le circonstant et le complément absolu est relatif à
plusieurs points dont.
1 - L'information du complément absolu sur le verbe et le circonstant. Donc,
l'information vient après.
2 - Le circonstant est déterminé et le complément absolu est indéterminé. Le
déterminé est antéposé à l'indéterminé.
3 - La rime. Dans un contexte de rime, en particulier la fin de séquence à
l'accusatif indéterminé, le complément absolu se place en fin d'énoncé.
1 Le complément /jitiyy-a-n/ connaît deux lectures : /jutiyy-a-n/ et /jitiyy-a-n/. Il peut être aussibien analysé comme un masdar qu'un pluriel. At-tibyân, t. 2, p. 173.
Étude syntaxique_________________________________368
Le spécificateur
Exemples :
Ifa-lâ nuqîm-u la-hum yawm-a l-qiyâmat-i wazn-a-n/1 18/105
Nous ne ferons à eux le jour de la résurrection aucune pesée
Verbe c. entre eux circonstant
spécificateur
« Nous ne leur ferons aucune pesée le jour de la résurrection. »
Iwasâ'-a la-hum yawm-a l-qiyâmat-i himl-a-n/2.20/101
Et mauvais, pour eux, le jour de la résurrection, un fardeau.
Verbe c.entre eux circonstant spécificateur
« Quel mauvais fardeau, ils auront le jour de la résurrection. »
En somme, si la rime motive la position du complément absolu et du
spécificateur, l'hypothèse d'un ordre de base inverse, motivé par la longueur
du circonstant n'est pas à écarter. Le cas du complément absolu et du
spécificateur vis-à-vis du circonstant serait comparable à celui du complément
d'état vis-à-vis du circonstant.
Ordre :
Verbe - complément absolu - circonstant - spécificateur
1 D'après al-UKBARÎ, le complément /wazn-a-n/ est analysé soit comme un spécificateur soitcomme un complément d'état. At-Tibyânfî 'icrâbi l-qur'ân, t. 2, p. 162.2 D'après az-ZAJJÂJ, le complément est régi à l'accusatif en tant que spécificateur. mcfanî l-qur 'an\va 'frâb-u-hu, t. 3, p. 376.
Étude syntaxique_________________________________369
On peut remarquer que dans le Coran, le circonstant de temps est
toujours une date, jamais une durée. Pour qu'il y ait sens à l'énoncé, il faut que
le circonstant de temps ou de lieu soit une localisation. Pour le temps, ce sera
une date et pour le lieu ce sera un point dans l'espace. Ce ne peut être une
durée ou une mesure de distance.
Le spécificateur informe sur le verbe uniquement. Il semble que Fantéposition
du circonstant n'est pas une place canonique, car l'inversion est
sémantiquement possible. L'antéposition du circonstant est d'après les
exemples ci-dessus, liée à la rime.
Étude syntaxique_________________________________370
1.6.5 L'ordre entre plusieurs circonstants
II est vrai que comme le précise Lucien TESNIÈRE : « Le nombre de
circonstants n'est pas défini comme celui des actants. Il peut y en avoir aucun,
tout comme il peut y en avoir un nombre illimité».1 Lorsqu'un énoncé
contient plusieurs circonstants, ceux-ci sont soit coordonnés, soit ils ne le sont
pas. Dans le cas de la coordination, les circonstants sont de même genre, c'est-
à-dire que les circonstants coordonnés sont soit tous temporels avec des temps
différents, soit tous spatials avec des lieux différends.
Quant aux circonstants de temps coordonnés, ce sont des noms
spécifiques à une partie du temps, telles les parties du jour et de la nuit. Cela
peut être également des noms vagues déterminés par des formes verbales
impliquant un moment du jour ou de la nuit.
Exemples :
Isabbifa -hu bukrat-a-n wa casiyya-nl. 19/62
Glorifie lui matin et soir
Verbe c.o.d circonstant coordonnant circonstant de temps
« Glorifie-le matin et soir. »
Ifa-subljân-a Allah-i hîn-a tumsûn-a wa hîn-aGloire à Dieu au moment où vous êtes au soir et au moment
Nom d'action Circonstant .Circonstant
tusbifaûn-a/.30/11
où vous êtes au matin.
1 Lucien TESNIÈRE, op.cit., p. 125
Étude syntaxique_________________________________371
« Gloire à Dieu soir et matin. »
L'ordre des circonstants dans les exemples ci-dessus est un ordre
chronologique. Ce sont des exemples figurant dans un contexte en prose rimée,
où la terminaison des versets est une nounation à l'accusatif. L'ordre n'est pas
dans ce cas, motivé par la rime, car les deux circonstants se terminent par une
nounation de l'accusatif. Dans ce cas, la motivation de l'ordre est sémantique
(chronologie). Il arrive que deux circonstants n'aient pas la même terminaison.
Si l'énoncé qu'ils constituent se trouve dans un contexte en prose rimée,
l'ordre sera motivé par la rime, malgré l'ordre chronologique qui peut être
inversé.
Exemple :
Iwa la-hu l-hamd-u fi as-samâwât-i wa l-ard-i wa
À lui, la gloire dans les cieux et sur terre,
,'asiyy-a-n wa hîn-a tuzharûn-al. 30/18
le soir et au moment où vous êtes à la mi-journée.
circonstant . Circonstant complément de nomde temps de temps
Annexion
« Gloire à lui dans les cieux et sur terre, le soir et au milieu de la journée. »
Quant aux circonstants de lieu, leur ordre peut être motivé par la rime,
comme dans l'exemple ci-dessous.
Ila-hu ma fi as-samâwât-i wa ma fi l- 'ard-i wa maÀ lui ce qu 'ily a dans les cieux et sur terre, et ce qu'il y a
bayn-a- huma wa ma taht-a /-tara/. 20/6
entre les deux et ce qu'il y a sous le sol
Circonstant Circonstant déterminant
Étude syntaxique_________________________________372
de lieu de lieu
« II lui appartient ce qu'il y a dans les cieux et sur terre, ce qui se trouve entre
les deux et sous le sol. »
Cela dit, en l'absence de rime, l'ordre peut également être motivé par la
longueur du syntagme ou par la sémantique. En effet, un circonstant annexé à
un pronom personnel relatif serait antéposé à un circonstant qui ne serait pas
annexé à un pronom personnel relatif. Cela aurait pu être le cas pour l'exemple
ci-dessus s'iJ ne figurait pas dans un contexte de prose rimée, comme dans
l'exemple suivant :
Iwajcfal-û bayna- hu wa bayn~a l-jannat-i nasab-a-n/. 37/158
Et ils ont mis entre lui et entre les djinns un lien de parenté
circonstant C.de nom Circonstant C.de nom.
Annexion Annexion
(Syntagme court) (Syntagme long)
« Ils ont établi entre lui et entre les djinns une parenté. »
La situation des circonstants vis-à-vis des autres compléments de même
énoncé peut être de deux sortes : les circonstants sont soit coordonnés, soit ils
ne sont pas coordonnés aux autres compléments verbaux. Dans le cas où ils ne
sont pas coordonnés à un autre complément verbal, c'est qu'ils ne sont pas
sémantiquement du même type.
Exemples :
/fa hiya tumlâ calay-hi bukrat-a-n wa ' asiyy-a-nt'. 25/5
Elles sont dictées sur lui matin et soir.
Verbe syntagme prépo. Circonstant coord. .Circonstantde temps de temps
Étude syntaxique_________________________________373
« Elles lui sont dictées matin et soir. »
Jwajcfalû bayn-a-hu wa bayn-a J-jcmnat-i nasab-a-nl. 37/158
Et ils ont mis entre lui et entre les djinns un lien de parenté
circonstant . C.de nom Circonstant. C.de nom
« Ils ont établi entre lui et entre les djinns une parenté. »
En cas de coordination de circonstants avec un autre complément, cela
signifie qu'il existe un. lien sémantique avec le circonstant. L'autre
complément pourrait s'agir d'un syntagme prépositionnel constitué d'un nom
de lieu spécifié, coordonné à un circonstant de temps ou de lieu. Le lien
sémantique serait la localisation signifiée par les différents compléments.
Exemples :
Iwa la-hu l-hamd-u ft s-samâwât-i wa l- 'ard-i
à lui la gloire dans les cieux et la terre
Complément (Synt. Prépositionnel)
wa casiyy-a-n wa hîn-a tuzhirûn-al. 18/30
et le soir et au moment où vous êtes au matin.
Circonstant Circonstant complément de nom.
« Gloire à Dieu soir et matin. »
Par ailleurs, la position des circonstants coordonnés diffère selon le type
de complément qui leur est juxtaposé. Il semble que les compléments directs et
indirects sont antéposés aux circonstants coordonnés, tandis que le
spécifîcateur est postposé. C'est peut-être là le signe d'un ordre préférentiel.
Exemples :
/sabbi/j- hu bukrat-a-n wa casiyy-a-nl. 19/62
Loue lui matin et soir
Verbe c.o.d circonstant circonstant
Étude syntaxique 374
« Glorifie-le matin et soir. »
/wa 'aqim s-salât-a tarafay-a n-nahâr-i wa zulaf-a-n
Et accomplie la prière aux deux extrémités du jour et à des heures
Verbe c.o.d circonstant c.de nom circonstant
de min al-layl-il. 11/114
la nuit.
« Accompli la prière aux deux extrémités du jour et à des heures de la nuit. »
Ifa hiya tumlâ calay-hi bukrat-a-n wa casiyyat-a-nl 25/5
Elles sont dictées sur lui matin et soir
Verbe c.déictique circonstant . circonstant
« Elles lui sont dictées matin et soir. »
l~wajacalû bayn-a- hu wa bayn-a l-jannat-i nasab-a-n/.31/15?>
Et ils ont mis entre lui et entre les djinns un lien de parenté
circonstant c.de nom.. Circonstant c.de nom. Spécificateur(ou c.d'état)
« Ils ont mis, entre eux et entre les djinns, une parenté. »
II est intéressant de remarquer que la longueur n'est pas nécessairement
un critère déterminant. Le spécificateur qui est bien plus court que le groupe
circonstanciel est placé en fin d'énoncé. Ce n'est pas non plus la terminaison
du complément, car l'énoncé ne figure pas dans un contexte de prose rimée.
Étude syntaxique_________________________________375
1.6.5.1 Plusieurs circonstants non coordonnés
Lorsque deux circonstants localisent une seule et même action, ce ne
peut être qu'un circonstant de temps et un circonstant de lieu. L'énonciataire
désire localiser l'action dans le temps et l'espace. Ce sont deux compléments
comme tant d'autres, où l'ordre est assez varié à en juger par les exemples ci-
dessous, mais pas indifférent.
Lorsqu'il s'agit d'un circonstant de temps et de lieu, le circonstant de
lieu est antéposé au circonstant de temps, sauf dans le cas où le circonstant de
temps est employé comme un déictique. Celui-ci est antéposé au circonstant de
lieu. C'est là un fait stylistique très fréquent. L'exemple du circonstant /yawm-
a/ (jour) peut être employé aussi bien comme déictique avec le déterminant /al/
(le), /al-yawm-a/ (ce jour ou aujourd'hui), que comme un simple circonstant
(date, durée). Lorsqu'il est employé comme déictique, il est antéposé à tout
autre circonstant.
Exemples :
/ 'inna-ka l-yawm-a laday- nâ makîn-u-n 'amîn-u-nl. 12/54
Certes, toi, le jour auprès de nous, plein d'autorité et de confiance.Indicatif circonstant circonstant c.denom énonciatif
de temps de lieu
« Tu es aujourd'hui, auprès de nous, plein d'autorité et de confiance. »
Lorsqu'il s'agit de deux circonstants déictiques, l'un de temps et l'autre
de lieu, c'est le circonstant de temps qui est antéposé au circonstant de lieu.
Exemple :
Étude syntaxique_________________________________376
/fa lays-a la-hu l-yawm-a hâhunâ hamîm-u-nl. 69/35
Un'y a pas pour lui, le jour, ici, de protecteur
Verbe synt.prépo. Circonstant circonstant sujetde temps de lieu(Déïctique) (Déïctique)
« Aujourd'hui, ici, il n'a pas de protecteur. »
Voici des exemples où le circonstant de temps /yawm-a/ (jour) n'est pas
employé comme déictique.
/ 'inna Allah-a yafsil-u bayn-a- hum yawm-a l-qiyâmat-il. 22/17
Certes, Dieu tranchera entre eux le jour de la résurrection
Circonstant . Circonstantde lieu de temps
« Dieu tranchera entre eux le jour de la résurrection. »
/wa lladjna attaqaw fawq-a- hum yawm-a l-qiyâmat-il. 2/212
Ceux qui craignent au-dessus d'eux le jour de la résurrection
Circonstant Circonstantde lieu de temps
« Ceux qui craignent seront au-dessus d'eux le jour de la résurrection. »
La longueur du syntagme ne motive pas la position des circonstants.
Voici un exemple où le premier groupe circonstanciel est bien plus long que le
deuxième circonstant de temps.
Isahâdat-u bayn-i-kumL'attestation d'entre vous,
'idâ hadar-a 'ahad-a-kumu l-mawt-a hîn-a l-wasiyyat-il. 5/106
lorsque l'un de vous est en présence de la mort au moment du testament
circonstant complément de nom. Circonstant c. de nom.de temps_____________________ de temps________
groupe circonstanciel groupe circonstanciel
r
Etude syntaxique_________________________________377
« L'attestation d'entre vous, lorsque l'un de vous est en présence de la mort au
moment du testament. »
En conclusion, lorsqu'un énoncé comprend deux circonstants, l'un de
temps et l'autre de lieu, c'est le circonstant de lieu qui est antéposé, excepté le
cas où le circonstant de temps est un déictique. Dans ce cas, il est antéposé au
circonstant de lieu.
Étude syntaxique________________________________378
1.6.5.2 Plusieurs circonstants et niveaux différents
Parmi les circonstants, il existe une catégorie dont la particularité est de
s'annexer à une phrase qui lui sert de complément de nom. Autrement dit, ce
type de circonstant a pour complément de nom une phrase. Ces circonstants
sont pour la plupart des noms de temps : /yawm-a/ (jour), /hîna/ (moment) ; de
lieu : /haytu/ (là où), /'id/ (quand/passé), /'idâ/ (quand/non passé).
La phrase annexée au circonstant peut être elle-même constituée d'un
circonstant et forme un élément figé (un déterminant) dans une phrase
majeure. Les éléments de la phrase annexée se régissent entre eux et ne
peuvent être régis par un élément extérieur.
lla-qad radiy-a llah-u cani l-mu 'min-în-a 'idyubâyfûn-a-ka taht-a
s-sajamt-i/.40/18
Verbe circonstant verbe circonstanti________J _____tPhrase mineure
Anexion
Phrase majeure
« Allah est satisfait des croyants, lorsqu'ils ont prêté allégeance sous l'arbre. »
Nous avons ainsi deux phrases distinctes. Une phrase majeure qui est
constituée d'un circonstant et d'un verbe qui le régit. Puis nous avons la phrase
annexée au circonstant qui forme un noyau figé dont les éléments se régissent
entre eux et dans laquelle il pourrait y avoir un circonstant. Nous pourrions
Étude syntaxique_________________________________379
avoir deux circonstants mais à deux niveaux différents. L'un serait constituant
de la phrase majeure, l'autre de la phrase mineure. Dans ce cas, les régissants
sont différents.
Exemple :
l\va 'andir-hum yawm-a l- 'âsifat-i 'idi
Verbe circonstant c. de nom circonstantEt avertis eux du jour qui approche, lorsque
l-qulûb-u ladâ l-fyanâjir-i kâziminl. 40/18
les cœurs seront près du gosier, angoissésc.de nom circonstant
Phrase mineure
« Avertis les du jour qui approche, lorsque les cœurs seront près du gosier,
angoissés.
Dans l'exemple ci-dessus, la localisation des deux circonstants est tout
à fait différente. Le circonstant de la phrase majeure /'id/ dénote le temps et
localise l'action du verbe /'andir/ (met en garde) tandis que le circonstant de la
phrase mineure /ladâ/ dénote le lieu et localise l'action de l'énonciatif
/kâzimîn-a/ (angoissés).
Étude syntaxique_________________________________380
2. ÉTUDE HISTORIQUE DU CIRCONSTANT
2.1 GENÈSE DU CIRCONSTANT
Selon toute hypothèse, le nom de temps et de lieu exprimant la
circonstance et régi directement à l'accusatif par le verbe, serait né par
extension. C'est-à-dire, que la circonstance de temps et de lieu d'une action
était, à l'origine, exprimée uniquement par un syntagme prépositionnel
constitué d'une préposition en l'occurrence /fi/ (dans) et d'un nom de temps ou
de lieu. Cela signifie que lorsqu'un nom de temps ou de lieu était régi
directement par un verbe, ce n'était pas pour exprimer une circonstance
temporelle ou spatiale. Le nom de lieu ou de temps régi, directement par le
verbe, n'était autre qu'un complément d'objet direct, comme dans l'exemple
suivant :
Iwa ttaqû yawm-a-n lâtajzînafs-u-ncannafs-i-nsay'-a-n/.2/48verbe cod
« Craignez le jour où aucune personne ne sera récompensée pour une autre. »
Ci-dessus, la relation entre le verbe et son complément (nom de temps
ou de lieu) n'était pas une relation verbo-circonstancielle, c'est-à-dire une
relation d'une action opérée dans un réceptacle, mais une relation d'une action
opérée avec un objet. La préposition devait probablement être perçue comme
ce qui marquait la relation sémantique entre le verbe et le complément. La
préposition Ifil devait marquer, seule, l'idée de contenance, jusqu'à ce que la
notion de contenance impliquée par les noms de temps et de lieu apparaisse de
Étude syntaxique_________________________________381
plus en plus saillante. Le sémantisme de la préposition était finalement perçu
comme redondant. La préposition a fini par s'effacer et laisser place à une
relation sémantique directe entre le verbe et le nom de temps ou de lieu. Ainsi,
le circonstant (zarf) de temps et de lieu serait né après suppression de la
préposition Ifll. Une naissance selon un procédé dérivationnel qui, selon toute
logique, s'est déroulé sur une longue période.
Exemples :
-/awtahwî bihi ar-rîh-u fî makân-i-n sahîq-i-n/ 22/31
Ou que précipite avec lui le vent dans un abîme très profond.
Syntagme prépositionnel
« Ou bien que le vent le précipite dans un abîme très profond. »
-/warafacnâ- hu makân-a-n caliyy-a-n/ 19/57
Et nous avons élevé lui un Heu haut.Syntagme nominal
« Nous l'avons élevé [en] un lieu très haut. »
Le circonstant régi directement à l'accusatif a dû connaître une
apparition timide et discrète qui au fil du temps s'est imposée dans le parler
des Arabes. La question qui se pose est : a-t-il vu le jour simultanément dans
toutes les régions occupées par les Arabes ou a-t-il vu le jour dans l'une des
tribus arabes avant de s'imposer à toutes les tribus ? Ceci reste pour le moment
invérifiable, mais on peut émettre l'hypothèse d'une naissance en un endroit
donné avant de se répandre dans toute la communauté linguistique arabe.
F
Etude syntaxique________________________________382
La naissance du circonstant de temps et de lieu constitué d'un syntagme
nominal représente, à elle seule, une importante variation dans l'histoire
immémoriale de la langue arabe. Cette variation constitue un fait de langue qui
peut être expliqué par différentes théories linguistiques.
2.1.1. Théorie d'ïbn Abî r-Rabf (599/688 h.)
Pour le grammairien arabe Ibn Abî r-RABÎ0, la suppression de la
préposition Iflf devant le nom de temps et de lieu est un fait réel dont l'origine
s'explique par une analogie successive entre différents concepts
grammaticaux.
2.1.1.1 Suppression de la préposition Ifil devant un nom de temps
Pour Ibn Abî r-RABΰ, c'est d'abord le nom de temps qui, le premier, a
connu la suppression de la préposition Ifil. Aussi dit-il : « Sache que le verbe
dépasse vers le temps au moyen de la préposition [...] mais les Arabes ont
supprimé la préposition, lorsqu'il est apparent. »'
» OIS" iil A!
Ibn Abî r-RABic, Al-bayt, t. 1, p. 477.
Étude syntaxique _________________________________ 383
D'après Ibn Abî r-RABÎc, la suppression de la préposition Ifll est due à
l'assimilation du nom de temps au nom d'action (masdar), car le temps et
l'action sont deux notions impliquées par le verbe. Ibn Abî r-RABÎc justifie
l'accusatif de /yawm-a/ GourX dans l'énoncé /jalas-tu yawm-a al-kamîs-i/ en
disant que dans l'exemple suivant : « le nom /yawm-a 1-kamîs-i/ (le jour du
jeudi) est régi à l'accusatif parce qu'il a été assimilé au masdar : /jalas-tu
yawm-a 1-kamis-i/ (je me suis assis le jour du jeudi). La préposition fut
supprimée, le verbe a atteint le nom de temps, comme il a atteint le masdar du
fait qu'il l'implique.. »1
î ,.*». fié. -• î -o ,- * o ",, ^ . .o ^ . s °. ta s s f * AJlj 4-->< 4J i( t -«^AkJ'irJI /» «J iJl- --!•»- t cLJU «* .-S **AS»cJ) «J i_--/»î LaJl/» «J iJl- --!•»- t cLJU «* .-S ^**AS»cJ) ^ «J i_--/»î LaJl «
Ainsi, pour Ibn Abî r-RABÎc, le masdar exprime l'action et le nom de
temps exprime une temporalité. Ce sont des notions impliquées par le verbe.
Les noms d'action sont divisés en ce qui est vague et en ce qui est spécifié et
d'après le grammairien, seule le nom d'action vague était, à l'origine, régi
directement. : Aussi dit-il : « En principe, seul le nom d'action vague peut être
régi à l'accusatif. »
il. ^ y ù\r j
À l'origine, le nom d'action vague est le nom d'action dont le
sémantisme est identique à celui de l'action exprimée par le verbe. Exemple, le
Ibn Abî r-RABic, Al-Basit, p. 1, p. 478.
Étude syntaxique _________________________________ 384
nom d'action /qiyâm/ exprime l'action d'entreprendre, que l'on retrouve dans
le verbe /qâm-a/ = entreprendre ou se lever. Cependant- dira Ibn Abî r-RABÎ0-
les Arabes ont procédé par extension en faisant dépasser le verbe vers ce qui
est spécifié, incluant celui-ci (l'action spécifiée) sous le vague. l
s oJt . s ot fl:~" r-ljJb
Le nom d'action n'est plus considéré comme vague lorsqu'il est
simplement déterminé annectivement par un nom ou si le sémantisme lexical
est différent de celui de l'action du verbe.
Verbe : /qâm-a/ Entreprendre ou se lever.
Nom d'action vague : /qiyâm/ Entreprise.
Spécifié: /qiyâm al-layl-i/ Entreprise de la nuit.
- /qâm-a qiyâm-a-nl II entreprend une entreprise.
- 1 qâm-a [préposition] qiyâm- [génitif] al-layl-il > I qâm-a qiyâm-a l-layl-il
II a entrepris [dans] l'entreprise de la nuit. > II a entrepris l'entreprise de la
nuit.
1 Op. cit. D'après al-GALAYÎNÎ, le nom d'action vague est celui qui équivaut sémantiquement à sonverbe, ni plus, ni moins. Le nom d'action spécifié est celui dont le sens est augmenté par rapport àson verbe, tant au niveau du genre que du nombre.Masdar vague : /qum-tu qiyâm-a-n/ (je me suis levé d'une levée).Masdar spécifié :/sir-tu sayr-a l-°uqalâ'-i/ (j'ai marché d'une marche de gens raisonnables)/darab-tu 1-liss-a darbat-a-y-n-i/ (j'ai frappé le voleur de deux frappes)Al-GALAYÎNÎ, Jamfu d-durûsi l-carabiyya , t. 3, p. 32.
Étude syntaxique_________________________________385
Le nom de temps est comparable au nom d'action. Il existe le nom de
temps vague et le nom de temps spécifié. A l'origine, les temps vagues et
spécifiés étaient régis au génitif par une préposition. Dans un premier temps,
les Arabes ont comparé le temps vague au nom d'action vague, car tous les
deux sont impliqués par le verbe. Le temps vague, à l'instar du nom d'action
vague, finit par être régi directement par le verbe.
Exemple :
Avec préposition /fî/ : /gulib-at ar-rûm fî 'adnâ l-'ard-i/30/2-3
Les Romains ont été vaincus dans le plus proche de la
terre
Sans préposition/fî/:/fa kân-a qâb-a qawsayn-i 'aw 'adnâ/53/9
II était deux portées d'arc ou plus près.
Voici l'ordre des étapes de rection directe :
Ie"6 étape : nom d'action vague
Verbe (rection directe) 1... —————^ 2eme étape : nom d'action spécifié
3eaK étape : nom de temps vague
Ensuite, les Arabes ne se sont pas limités à cette analogie. Ils ont fini
par généraliser tous les noms de temps, comme ils ont agi avec les noms
d'action. Tous les noms de temps sont régis directement par le verbe.
Exemple :
Avec /fî/ : /tumma yacruj-u fî yawm-î-n kân-a miqdâr-u-hu 'alf-a sanat-i-n/
32/5 Ensuite, il monte dans un jour dont la durée est de mille années...
Sans /fî/: /qâl-a labit-tu yawm-a-n... / 2/259
Étude syntaxique 386
Je suis resté un jour.
Verbe (rection directe)
Nom d'action vague
Nom d'action spécifique
Nom de temps vague
Nom de temps spécifié
Étude syntaxique_________________________________387
2.1.1.2 Suppression de la préposition Ifîl devant un nom de lieu
Aux côtés des deux notions abstraites que sont l'action et le temps, il y
a la notion d'espace. Celle-ci est également impliquée par le verbe. Les noms
de lieu vague étaient à l'origine régis indirectement par le verbe et ont été
assimilés au nom de temps, qui lui, a été assimilé au nom d'action. Il y a là une
sorte d'analogie successive de trois notions abstraites qui sont, soit impliquées
formellement par le verbe, comme c'est le cas pour le nom d'action et le
temps, soit impliquées théoriquement comme pour le lieu vague.
Pour Ibn Abî r-RABÎc, les Arabes auraient supprimé la préposition (fî)
dans le cas des noms de lieu spécifiés, par extension, sans qu'il en connaisse la
raison exacte. Selon lui, il convient de se limiter là où ils se sont arrêtés. Il
ajoute que la suppression est attestée uniquement pour le nom de lieu vague,
les noms de mesures spatiales et les noms de lieu dérivés, selon les conditions
précitées. On ne peut aller au-delà, ni appliquer l'analogie.1
Dans une des réponses qu'il donne à la question suivante : « Pourquoi les
Arabes ont particularisé ces types de noms de lieu (vague, mesure et dérivé)
dans la comparaison aux noms de temps et y ont supprimé la préposition ? »,
Ibn Abî r-RABÎ0 explique que : «[...] Lorsque l'on vient au circonstant de lieu
et que l'on veut l'assimiler au circonstant de temps, le verbe ne cherche à
1 Ibn Abî r-RABf, t. 2, p. 493.
Étude syntaxique ________________________________ 388
dépasser son sujet que vers ce qui est vague ou dérivé, et Ton ne peut aller au
delà ».
* "
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4 9. 0 &• O ? ,. i x O ^ î o f ^ ^ û J t î ^ J l ^ ^ / f f x . x - * . .
9 x- J ^ J . Ji^Jl J» .« g .oU j* J Ajjaj U |»
Ibn Abî r-RABÎ0 fait référence à l'usage des Arabes et dans le cas du lieu
spécifié, il n'y a pas de place pour l'analogie.
Ainsi, il apparaît, dans la théorie d'Ibn Abî r-RABΰ que la suppression
de la préposition Ifll n'est pas liée à l'idée de contenance ou de réceptacle. La
suppression est plutôt liée à l'idée d'implication du nom de temps et de lieu
(complément) par le verbe. D'après lui, la suppression de la préposition entre
le verbe et son complément se fait avec tous les noms qui désignent une notion
impliquée par le verbe. Ce phénomène linguistique aurait, selon le
grammairien, commencé avec le nom d'action dont l'action est impliquée par
le verbe, puis cela s'est étendu au nom d'action dont l'action est quelque peu
différente de celle impliquée par le verbe (nom d'action spécifié). Le
phénomène s'est ensuite étendu à une autre notion impliquée par le verbe et
qui est le temps. Cela a commencé par le temps imprécis (vague) qui est le
plus proche du temps impliqué par le verbe, puis au temps précis (spécifié) qui
est un peu moins proche du temps impliqué par le verbe.
Le phénomène s'est enfin étendu à la dernière notion impliquée moins
fortement par le verbe. C'est la notion de lieu. Cela a commencé par le lieu
r
Etude syntaxique________________________________389
imprécis (vague) et cela a atteint, en partie, le lieu précis (spécifié). Cependant,
seul le lieu vague est concerné par la suppression de la préposition //?/, alors
que seuls certains noms de lieu spécifié sont concernés. Va t-on voir, un jour,
une généralisation pour les lieux (vagues et spécifiés), comme pour le nom
d'action et le nom de temps ?
Ainsi, le phénomène de suppression de la préposition (/z) est une
extension d'une notion à une autre par analogie. L'action spécifiée est
comparée à l'action vague. Le temps vague est comparé à l'action spécifiée.
Le lieu vague est comparé au temps vague et le lieu spécifié est comparé au
nom de temps spécifié.
2.1.2 THÉORIE MODERNE D'ANDRÉ ROMAN.
Parmi les théories modernes sur le fait précis de l'arabe, il y a celle
d'André ROMAN. Même si sa théorie est différente et particulière, elle permet,
néanmoins, de démontrer que le circonstant de temps et de lieu était à l'origine
constitué d'un syntagme prépositionnel. En effet, d'après André ROMAN, les
noms de temps et de lieu qui sont des res spécifiant la circonstance, ils ne
peuvent qu'être des extensions complétives, car dit-il : « La relation entre une
base et son extension complétive est une relation à un objet ou à une
circonstance. En conséquence, l'extension d'identité, l'extension d'annexion et
l'extension complétive doivent être signifiées par des formes dénotant des
Étude syntaxique_________________________________390
ras».1 Seuls les modus peuvent signifier une extension modale ou
d'identification.2
L'extension complétive, quand elle porte sur une circonstance de sa
base, la circonstance est signifiée par des fonctionnels spécifiés et non pas par
le fonctionnel non spécifié : l'accusatif /a/.3 André ROMAN explique : « La
diversité des circonstants réalisables par une extension complétive n'est autre
que la diversité des fonctionnels qui la rapportent à sa base. »4
Ainsi, le circonstant de temps et de lieu est en principe une extension
complétive introduite par le fonctionnel spécifié /fi/ (dans) qui dénote un plan
sécant de l'espace ou un point du temps.
1 André ROMAN, L'expression binaire des circonstants, in : Autour du circonstant, p. 180.Les res sont des entités du monde imaginées par l'homme, hors du temps, comme étrangères autemps, dont le temps n'est pas une composante.2 Les modus sont des entités du monde, imaginées par l'homme, dans le temps comme s'inscrivantdans un déroulement apparent3 Les fonctionnels, moyens de subordination, sont en arabe, des unités amorphes qui sontspécifiées ou non spécifiées sémantiquement. Les fonctionnels non spécifiés sémantiquement sontla voyelle /a/ de l'accusatif ; l'identité des voyelles désinentielles de l'expansion et de sa base. Lesfonctionnels spécifiés sémantiquement s'emploient comme des prépositions. L'expansion, qu'ilsintroduisent, reçoit, en raison de la contrainte du système syllabique, une voyelle désinentielle quiest /i/. Voir André ROMAN, Grammaire de l'arabe, pp.98-99.4 André ROMAN, L'expression binaire des circonstants, p. 185.
Étude syntaxique_________________________________391
2.1.2.1 Circonstants réalisés par une extension modale
Nous avons pu voir que les noms de temps et de lieu sont des res et que
les res occupent les fonctions d'extension d'identité, d'annexion et complétive.
Que les fonctions d'extensions modales et d'identification sont occupées
uniquement par des modus. Pourtant, des noms de temps et de lieu ont été
employés, au cours du temps, sans être introduit par un fonctionnel spécifié.
Les noms de temps et de lieu ont constitué une extension particulière, comme
une extension modale. Pour André ROMAN, les noms de temps (res-a) sont
rares. Si André Roman semble constater une rareté à ce niveau, c'est qu'il a
tout simplement classé la plupart des noms de lieu, que la tradition
grammaticale arabe qualifie de lieu vague, dans la catégorie des fonctionnels
spécifiés, autrement dit, dans la catégorie des prépositions.
Pour André ROMAN, seuls les noms de lieu topographiques que la tradition
grammaticale arabe appelle "noms spécifiés", sont traités comme des
compléments d'objet direct, particulièrement après quelques verbes dénotant
une ingression.1 Ces compléments ne sont, semble t-il, pas rapportés
directement à leur base, mais comme toute autre extension, par le truchement
d'un fonctionnel spécifié qui serait autre que le fonctionnel /fi/ ellipse.
Bref, quoi qu'il en soit, que le nom de lieu soit traité comme des
compléments d'objets, l'évolution dans la perspective :
André ROMAN, L'expression binaire des circonstants, pp. 185-186
Étude syntaxique_________________________________392
Verbe + Préposition + Nom (-i) (temps/lieu) P Verbe + Nom (-a), est
une réalité linguistique. Cette évolution a pu être observée par différents
grammairiens et linguistes et selon des théories différentes. Quoi qu'il en soit,
dans la théorie grammaticale arabe, cette évolution est le passage d'un
syntagme prépositionnel vers un syntagme nominal. Autrement dit, un passage
d'un complément circonstanciel formé d'une préposition et d'un nom de temps
ou de lieu et où le verbe régit tout le syntagme qui forme une seule unité ou un
noyau vers un complément circonstanciel constitué d'un nom de temps ou de
lieu régi directement par le verbe.
r
Etude syntaxique_________________________________393
2.3 Autres théories modernes
La raison de la suppression de prépositions introduisant les circonstants
de temps et de lieu, peut être expliquée par la théorie de la familiarité des lieux
et des formes de discours. C'est en tout cas le résultat de l'étude faite sur de
nombreuses langues par Jeanne Marie BARBERJS.
Jeanne Marie BARBERIS explique que : « L'indication d'une localisation par
le nom d'une rue (d'une place, d'un boulevard, etc.) relève des pratiques
quotidiennes profondément réglées par des routines. L'indication de la
localisation fait volontiers l'économie du relateur, dans un contexte de
communication familière, et dans un environnement aux structures pré-
organisées, comme c'est le cas de la ville, pour son habitant. Dans un contexte
suffisamment connu, de nombreuses langues se contentent d'énoncés sans
relateurs du type : j'irai brousse, il marchait montagne. »*
L'effacement de la préposition devant un nom de temps ou de lieu est
un phénomène linguistique qui touche également la langue arabe. Ce qui est
spécifique à la langue arabe, c'est la suppression de la préposition /fi/ devant
les noms de temps et de lieux vagues, puis devant certains noms de lieux
spécifiés. Il y a également la suppression de certaines prépositions comme
/'ilâ/ (vers) devant certains noms de lieux spécifiés. Dans son commentaire du
kitâb de SffiAWAYffl, as-SlRÂFÎ explique que dans le cas de l'énoncé : «dahab-
Jeanne Marie BARBERIS. La grammémisation à l'œuvre dans la parole ; pp.170-171
Étude syntaxique_________________________________394
tu s-Sâm-a», la préposition a été supprimée et ne pouvait être que /'ilâV (vers)
ou /fi/ (dans).1 La suppression de la préposition n'est pas irrémédiable, celle-ci
peut être employée ou non.
D'après Dany LAUR, il arrive que la combinatoire d'un verbe de
déplacement et une préposition de déplacement, engendre une certaine
redondance, on dit qu'il y a congruence entre le verbe et la préposition. Ce qui
peut entraîner la suppression de la préposition. Cependant, dira t-elle : « Du
point de vue de l'information véhiculée, l'association vdp/prépl est plus
précise qu'un vdp isolé. »2
L'étude de Claude BOISSON rejoint, quelque part, La théorie de Dany LAURE.
En effet, Claude BOISSON traite, à travers un nombre significatif de langues, la
question des adverbiaux sans préposition (circonstants), plus particulièrement
les adverbiaux de temps. Supposant définis, les adverbiaux, il s'attache à
discerner dans un nombre de données les critères de choix entre adverbial sans
préposition et adverbial avec préposition (facteurs sémantiques, fréquences
différentes, faits de saillance, notamment dans les micro-systèmes des termes
de saisons, facteurs stylistiques et dialectaux). Il conclut que l'explication
simple par l'économie s'avère suffisante. L'économie, toutefois, est
susceptible de jouer sous des contraintes de type différent : l'ellipse familière
1 Voir as-SœÂFÎ, Sari} kitâb Sibawayhi, T: 2, p:291.2 Dany LAUR, La relation entre le verbe et la préposition dans la sémantique du déplacement in :Language, 110, pp. 53, 54.
Vdp = veibe de déplacementPrépl. = préposition de déplacement
r
Etude syntaxique________________________________395
ou de fréquence, l'ellipse de récupérabilité. Et il avance Pétymologie des
adverbes « simples » d'utilisation fréquente, dont l'usure même serait un fait
d'économie, montre qu'ils dérivent à l'occasion de syntagmes
prépositionnels. *
Nous pourrions supposer qu'à l'origine, la circonstance de temps et de
lieu était exprimée par un syntagme prépositionnel. La raison de la suppression
de la préposition /fi/ serait la même que pour d'autres prépositions spatiales
telles que /'ilâ/ (vers). La raison est à la fois, la familiarité des lieux et des
formes de discours et une redondance de sens entre les différents constituants
de l'énoncé. Il y a également la relation des notions générales comme l'action,
le temps et le lieu contenues dans le verbe et les compléments. Autrement dit,
si un complément verbal désigne l'une des trois notions générales que l'on
retrouve également impliquée dans le verbe, cette notion rapproche
sémantiquement le verbe avec le complément.
Cela dit, lorsque l'on parle d'espace, cela exclut le nom spécifié qui
n'est pas abstrait mais concret. Il est classé parmi les entités concrètes,
corporelles à l'instar des individus et des objets qui possèdent tous des traits
spécifiques. Le lieu spécifié est étranger aux notions abstraites, notamment à la
notion de l'espace. Il n'est donc pas proche du verbe, comme le sont l'action,
le temps et le lieu vague (localisation dans l'espace abstrait).
1 Voir le résumé fait par Sylvianne Rémi Giraud sur l'article de Claude BOISSON, Les adverbiauxsans préposition, in : Autour du circonstant, p.215
r
Etude syntaxique_________________________________396
La suppression exceptionnelle de la préposition, lorsqu'il s'agit de
noms spécifiés se fait avec les verbes de déplacement d'un lieu vers un autre.1
C'est le cas du verbe /dakal-a/ (entrer), /dahab-a/ (aller vers), /habat-a/
(descendre vers) et /sakan-a/ (se retirer vers), qui à l'origine sont accompagnés
de prépositions de direction comme /'ilâ/ (vers) et /rnin/ (de). Ce genre de
verbe implique, en quelques sortes, la localisation interne (dans) et les noms
spécifiés, malgré leur aspect concret, impliquent également la localisation
interne (dans).
Quant au verbe /dakal-a/, il est employé dans le Coran sans préposition
lorsqu'il s'agit de lieu spécifié, car la localisation interne est évidente. Mais
lorsqu'il s'agit d'entités abstraites autres que spatiales, il est employé avec la
préposition de localisation interne /fi/ (dans) et ce, peut être, pour mieux
marquer la localisation interne de l'entité abstraite.
- Exemples où /dakal-a/ est employé avec un nom de lieu concret (spécifié) :
Iwa dakal-a jannat-a-hu wa hnwa zâlim-u-n H nafs-i-hil. 18/35Et il entra le jardin à lui, et lui est injuste pour sa personne.
Verbe Nom de lieu spécifié (c.o.d)« II entra dans son jardin, tout en se faisant du tort. »
1 Voir à ce propos as-SffiÂFÎ, Sari} kitâb Sibawayhi, t. 2, p. 295. as-SlRÂFÎ dit : « L'entrée enquelque chose, c'est le déplacement d'un lieu vers un autre [...] et le verbe de déplacement nedépasse [son sujet] qu'au moyen d'une préposition. »
« .^!>°J~ Sfl && Si JÛthll j [...] 4 £>
Étude syntaxique_________________________________397
Iqâl-a udkul-û misr-a 'in sâ'-a Allah-u 'âminîn-al. 12/99
II dit : Entrez l'Egypte, si Dieu le veut, sans inquiétude.
Verbe Nom de lieu spécifié (c.o.d)« II dit : Entrez en Egypte, si Dieu le veut, sans inquiétude. »
lyâqawm-i udkulû l-'ard-a l-muqaddasat-al. 5/21Ô peuple, entrez la terre la sainte
Verbe Nom de lieu (cod)A
« O peuple, entrez en terre sainte. »
- Exemples où /dakal-a/ est employé avec des noms d'entités abstraites :
/wa 'adkilnâ fi rahmat-i-kaFais nous entrer dans la miséricorde à toi
Verbe prépo. .entité abstraiteSyntagme prépositionnel
wa 'anta 'arliatn-u r-mfaimîn-a/7/151
et toi le plus miséricordieux des miséricordieux.
« Fais nous entrer dans ta miséricorde toi qui es le plus miséricordieux des
miséricordieux. »
Ira 'ay-ta n-nâs-a yadkulûn-a f i dîn-i Allah-i 'qfwâj-a-nf. 110/2
Tu vois les gens ils entrent dans la religion de Dieu en groupe
Verbe prépo entité____déterminantSynt prépo.
« Tu vois les gens entrer dans la religion de Dieu en groupe. »
Étude syntaxique_________________________________398
Quant au verbe /dahab-a/ (aller vers), il est à l'origine accompagné,
généralement, de la préposition /'ilâ/ qui, dans certains cas, est supprimée. Une
suppression qui, d'après SffiAWAYHl serait exceptionnelle.1
- Exemples où /dahab-a/ est employé avec /'ilâ/ (vers) :
Itumma dahab-a 'ilâ 'ahl-i- hi yatamatt-âl. 75/33
Ensuite, il alla vers sa famille, s'enorgueillissant
Verbe synt prépo.
« Ensuite, il se rendit chez sa famille, s'enorgueillissant. »
l'idhab 'ilâfifawn-a 'inna-hu tagâl. 20/23Va vers Pharaon, certes, lui, a commis l'injustice
Verbe Synt prépo.
« Va à Pharaon, il a, certes, commis l'injustice. »
- Exemple où /dahab-a/ est employé sans préposition :
Idahab-tu s-sâm-al2
Je suis allé Sâm.
Verbe cod
« Je me suis rendu en pays de Sâm. »
On remarque que la préposition /'iîâ/ (vers) est effacée en présence d'un
verbe de déplacement et d'un nom de lieu. C'est le nom de lieu qui est, dans ce
cas, la raison de l'effacement de la préposition, car avec le même verbe de
déplacement et un complément dont la catégorie lexicale désigne autre chose
qu'un lieu, la préposition subsiste.
1 SlBAWAYHI, t. 1, p. 37.2 Exemple emprunté au Kitûb de SIBAWAYHI, t. 1, p. 35.
Étude syntaxique_________________________________399
Quant au verbe /habat-a/ (descendre vers, se rendre en), il est employé
avec la préposition /'ilâ/ (vers) et /min/ (de). Il exprime le déplacement d'un
lieu à un autre.
Exemple :
rihbit-û misr-a-n, fa- 'inna la-kum ma sa 'al-tuml. 2/61Descendez Egypte, il y a, certes, pour vous ce que vous avez demandé.
Verbe Nom de lieu spécifié
« Descendez en Egypte, il y a pour vous ce que vous avez demandé. »
- Exemple avec /min/ (de) :
Iqâl-a fa-ihbit-û min-ha 1.7/13
II dit : Descendez d'elle
Verbe (impératif) préposition de provenance
« II dit : Descendez-en (du paradis) ! »
Cependant, dans le Coran, lorsqu'il s'agit du verbe /habat-a/ (se rendre), la
préposition /'ilâ/ n'est pas employée et lorsque le verbe /habat-a/ est utilisé
pour la provenance d'un lieu, la préposition /min/ est exprimée.
Quant au verbe /sakan-a/ il se combine aussi bien avec la préposition
/'ilâ/ (vers) et /fi/ (dans), que sans préposition.
- Exemple avec et sans /'ilâ/ :
/wajacal-a min-hâ zawj-a-ha li-yaskun-a 'ilay-hal. 7/189
Et il a fait d'elle son époux, pour demeurer vers elle
Verbe préposition
« C'est d'elle qu'il créa l'autre partie du couple, pour demeurer auprès elle. »
Là aussi, la préposition est exprimée en l'absence de complément de lieu et
elle est effacée en présence de complément de lieu. Le sémantisme lexical du
Étude syntaxique________________________________400
verbe /sakan-a/ (habiter) et du nom de lieu désignant un lieu d'habitation sont
si proche qu'ils se passent de toute préposition.
- Exemples de noms de lieu avec ou sans /fî/ :Ifa-askan-nâ-hu fi l-'ard-il. 23/18Nous avons fait habiter lui dans la terre
Verbe prépo nom de lieu spécifié
« Nous l'avons retiré dans la terre »
luskun-û l-'ar4-al, 17/104
Habiter la terre
Verbe (impératif) nom de lieu régi directement par le verbe /sakan-a/
« Retirez-vous sur terre. »
/waqul-nâyâ 'âdam-u uskun anta wa zawj-u-ka l-jannat-al. 2/35
Verbe Nom de lieu spécifié^« Nous avons dit : O Adam, habite toi et ton épouse le paradis. »
Lorsqu'il s'agit des noms de temps et de lieu vague, on remarque que
seule la préposition spatiale /fî/ (dans) a fait l'objet de suppression, alors
qu'avec les noms de lieu spécifié comme dans les exemples ci-dessus, c'est les
prépositions /fî/ et /'ilâ/ (vers) qui sont supprimées. Ce qui signifie que
l'économie de préposition ne se limite pas qu'à la localisation interne, mais
également à la localisation de déplacement.
Ce sont les usages familiaux et fréquents qui sont, semble t-il, à l'origine de
l'économie de prépositions spatiales. Quoiqu'il en soit, la ressemblance, au
niveau syntaxique, des énoncés formés de circonstants de temps et de lieu
vague, puis de noms de lieu spécifié régis à l'accusatif par une forme verbale,
Étude syntaxique________________________________401
ne signifie pas nécessairement qu'il y a ressemblance au niveau sémantique ou
que la préposition était la même à l'origine, en l'occurrence /fi/ (dans).
Bref, le concept de circonstant de temps et de lieu, complément verbal
régi directement à l'accusatif, est un concept secondaire, obtenu à partir d'une
forme première, constituée d'une préposition, puis qui a fini par être
supprimée. C'est là un produit de l'évolution de la langue arabe en particulier.
De plus, sur le plan lexical, le circonstant de temps et de lieu constitue, sans
aucun doute, une catégorie ouverte, laissant, d'un côté, s'échapper certaines
unités nominales vers la grammémisation et d'un autre côté recevoir des unités
qui sont des noms d'entités concrètes comme la terre, les villes comme as-Sâm
etc. l
Exemples :
l'aw itrafyû-hu 'ard-a-n yakl-u la-kumwajh-u'abî-kum/2 9/12
Ou bien, jetez lui la terre, libérant pour vous la face de votre père.
Verbe Nom de lieu spécifié(impératif)
« Ou bien, jetez-le loin dans la terre, libérant ainsi la face de votre père. »
1 « Voir supra » la partie sur la position du circonstant et la subduction, p. 3902 D'après al-'AKFÂs : « Le nom /'ard-a-n/ n'est pas ici un circonstant, bien que la préposition /fî/ait été supprimée et que le verbe. Macânî l-qur'ân, t. 2, p. 364.
D'après KAZIMIRSKI, le verbe /tarafc-a/ signifie Jeter ou rejeter loin de soi et avec force ouabandonner. Dictionnaire Arabe/français, t. 2, p. 67, 1. Voir également Zâdu l-masîrfi çilmi t-tafsîr, t. 4, p. 184, de Ibn al-JAWZÎ.
Étude syntaxique________________________________402
Signalons que de nos jours, le retour à la structure primitive du
complément circonstanciel de temps et de lieu semble se confirmer de plus en
plus. En effet, après avoir produit le circonstant régi directement par le verbe à
l'accusatif (zarf) à partir d'un syntagme prépositionnel, la tendance est au
retour à ce syntagme prépositionnel formé de la préposition /fî/ et d'un nom de
temps ou de lieu.
Si le circonstant de temps et de lieu sous forme de syntagme nominal est né par
un usage très fréquent et familial, on pourrait expliquer le retour au syntagme
prépositionnel par l'inverse ; c'est-à-dire que le monde arabo-musulman n'a
plus la même approche de la langue arabe. Il existe, selon toute vraisemblance,
une défamiliarisation sensible avec l'usage de la langue arabe classique. C'est
aussi, sans doute, dans la langue de la presse et dans certains parlers comme
celui des pays du Maghreb, que le phénomène semble se ressentir le plus. Un
retour qui, semble t-il, est dû à une structure des énoncés calqués sur le modèle
des langues européennes.
Quoi qu'il en soit, le circonstant formé d'un syntagme nominal, ne sera peut-
être pas détrôné, mais concurrencé, à grande échelle, par le circonstant à
syntagme prépositionnel.
Étude syntaxique________________________________403
2-2 CAUSE DE VARIATION : LA SUBDUCTION
L'étude du circonstant, révèle l'existence d'un processus de mutation
de certains circonstants sur une diachronie lointaine, entraînant des
transformations au niveau syntaxique, morphologique et sémantique. Le
processus de transformation est connu des linguistes en général et observable
dans plusieurs langues. Il est appelé par l'école guillaumienne : la subduction.
A ce propos, Bernard POTIER explique « qu'au cours de l'histoire d'une
langue, de nombreux mots se grammaticalisent par subduction ou perte de
sèmes spécifiques ».1
Bien qu'il soit connu des linguistes modernes sous une dénomination
d'origine guillaumienne, le phénomène de subduction n'est pas chose ignorée
par les grammairiens arabes anciens. C'est, semble t-il, dans la grammaire
arabe, une constatation très ancienne, mais qui n'avait pas jusque là été érigée
en méthode.2 En effet, cela avait été signalé et décrit partiellement par le
grammairien du 6eme siècle de l'hégire, du nom de as-SUHAYLÎ (m.581 h).3 Ce
grammairien expose le sujet à partir de l'exemple de /'idan/ (alors). Aussi dit
il : « cette particule ('idan) n'est pour moi que /'idàV (lorsque) qui était un
1 Bernard POTTIER, Sémantique générale, p.362 C'est là une preuve que le travail des grammairiens arabes n'est pas définitivement achevé, fl estloin de l'être du fait que beaucoup de constatations, d'ordre linguistique, n'ont pas été érigées enméthode ni soumises à une étude particulière.3 Nous ne possédons pas d'autres références antérieures à as-Suhaylî sur ce sujet. Nous ne savonspas s'il est le premier à en parler.
Étude syntaxique ________________________________ 404
circonstant destiné au futur [...]. Elle était dénuée de son sens nominal, tout
comme /'id/ (lorsque), le pronom /kaf/ de la deuxième personne du singulier,
ainsi que les pronoms libres dans le chapitre de la séparation. Elles furent
dépourvues du sens du nom et sont devenues des particules n'ayant pas de
place pour les désinences casuelles »l
,"t- 1bi UP • < ~ 3 - 'L* ^ J
*
La description faite par les linguistes modernes et le grammairien as-
SUHAYLÎ semblent s'accorder sur le fait qu'une unité lexicale (lexème) perd de
ce qui fait d'elle un nom pour ne devenir qu'une unité grammaticale
(grammème). Ceci se résume dans l'explication donnée par Michel
CAMPRUBI : « Mais il semble que pour aboutir à une nouvelle unité de fonction
(= préposition) à partir d'un substantif, il faut que celui-ci ait perdu, en partie
au moins, ce qui fait précisément qu'il est un nom ».2
Selon as-SUHAYLÎ, le circonstant de temps et de lieu (zarft /'idâV est concerné
par le phénomène de la subduction. Mais, est-ce l'ensemble des circonstants
qui est exposé au phénomène ou certains d'entre eux ? A quel niveau
1 As-SUHAYLÎ, Natâ'ij l-fikrfin-nafywu, p. 134,2 Michel CAMPRUBI, Les locutions prépositives dans une approche contrastive, p. 189,,
Étude syntaxique________________________________405
grammatical le phénomène a lieu ? Qu'est ce qui fait que le circonstant est
concerné par la subduction et quelles sont les conséquences réelles d'un tel fait
linguistique ? Ce sont autant de questions auxquelles, nous allons tenter, autant
se faire que peut, d'y répondre.
3.1 Les circonstants exposés à la subduction
Pour être exposé au processus de désémantisation vers une
grammémisation, seul le circonstant impliqué dans une relation d'annexion, en
tant que premier élément de l'annexion, est concerné.
Exemple :
/wa kân-a warâ'-a- hum malik-tm.../lB/79Et il y avait derrière eux un roi. »
verbe circonstant C. de nom sujet1er élément 2*"* élément
Annexion
« II y avait un roi derrière eux. »
Ainsi, la subduction est un changement voire un bouleversement au
niveau syntaxique qui est à l'origine des changements au niveau
morphologique et sémantique. Ce que nous allons tenter de démontrer dans la
présente partie.
Étude syntaxique________________________________406
3.2 Les causes de la subduction
La subduction touche l'ensemble des circonstants qui, au niveau de la
structure de la phrase, présentent des ressemblances avec la particule
prépositionnelle.1 Parmi ces ressemblances, il y a la position. En effet, le
syntagme prépositionnel est, en quelque sorte, le complément du verbe. Le
syntagme est constitué d'une tête qui est la préposition et d'un nom régi par
celle-ci. Quant au circonstant, il existe une catégorie qui nécessite un
complément de nom. Le circonstant et le complément de nom forment une
annexion dont le circonstant est le premier élément Autrement dit, l'annexion
se présente sous forme de syntagme nominal dont la tête est le circonstant.
Dans le cas, où le syntagme nominal et le syntagme prépositionnel sont
postposés au verbe, le circonstant occupe une place comparable à celle de la
préposition.
Verbe circonstant complément de nom (nom)
Tête
Syntagme nominal
Verbe préposition complément d'objet indirect (nom)
Tête
Syntagme prépositionnel
1 La dissemblance fondamentale entre les parties du discours n'exclut pas des ressemblances quipermettent à un élément d'une catégorie donnée d'avoir dans un emploi donné le comportementdes éléments d'une autre catégorie.Hassan HAMZÉ, Les parties du discours dans la tradition grammaticale arabe, p. 103,
Étude syntaxique________________________________407
Exemple :
- Circonstant :
llâyakâf-u laday - ya al-mursalûn-a/27/10/II n'ont pas peur auprès de moi les messagers,
circonstant complément de nomSyntagme nominal
« Les messagers n'ont pas peur auprès de moi. »
- Préposition :
/wa ma yugnî can- hu mâl-u-hul 91/11Ne sera pas utile à lui sa richesse.
préposition COI4L______I
Syntagme prépositionnel
« Sa richesse ne lui sera pas utile. »
La ressemblance, dans la construction de phrase, est frappante. La seule
différence est que la tête des deux syntagmes est pour le premier un nom et
pour le deuxième une préposition. La ressemblance est bien plus frappante
lorsque le circonstant est un nom court et figé. C'est là l'une des
caractéristiques fondamentales de la particule en général et la préposition en
particulier.1
Exemple :
1 Hassan HAMZÉ explique que pour les grammairiens arabes : « le changement de la voyelle finalesous l'influence des régissants est le propre d'une partie du discours : le nom.Ainsi, toute unité appartenant à la classe des noms et dont la voyelle finale ne change pas sousl'influence des régissants doit recevoir une justification : c'est sa similarité aux particules »Hassan HAMZÉ, Les parties du discours dans la tradition grammaticale arabe, p. 102 *
Étude syntaxique________________________________408
/ma ra 'ay-tu- hu mud yawm-i l- 'awwal-il.l
Je n'ai pas revue lui depuis le jour premier
Circonstant complément de nom
Syntagme nominal
« Je ne l'ai pas revue depuis le premier jour »
l'innâ 'anzaln-â- hu fi laylat-i l-gadr-il .91 II~fi~t
Certes, nous avons descendu lui dans la nuit du destin
c.o.d préposition complément d'objet indirect
Syntagme prépositionnel
« Nous l'avons descendu durant la nuit du destin »
II existe une autre ressemblance entre le syntagme nominal sous forme
d'annexion dont la tête est un circonstant et le syntagme prépositionnel. C'est
la rection au génitif du deuxième élément de l'annexion.2 Dans un syntagme
prépositionnel, la préposition, tête du syntagme, régit, au génitif, le nom qui lui
est postposé.
Syntagme nominal :
Annexion
1er élément 2e"16 élément
régi au génitif
1 Exemple emprunté auLisanu l-carab de IbnMANZÛR, 1.13, p. 1922 Selon les analyses grammaticales, le régissant du deuxième élément est soit l'annexion elle-même, soit une préposition ellipsée. Exemple : /laylat-u 1-qadr-i/ = /laylat-u [min] al-qadr-i].
Étude syntaxique________________________________409
Syntagme prépositionnel :
Préposition nom
Régissant régi au génitif
C'est à partir de ces traits de ressemblance que le processus de
désémantisation va se produire sur un certain nombre d'étapes. D'autre part, il
faut savoir que la subduction du circonstant est précédée d'un certains nombre
de changement au niveau de l'énoncé. En effet, comme le fait remarquer
Jeanne-Marie BARBERIS, dans son étude de linguistique générale sur le
circonstant de lieu, «Le signe formel de ce bouleversement des relations
syntaxiques est la disparition à la fois de la préposition spatiale et de
l'article »! C'est le cas notamment du circonstant de temps et de lieu (^arf)
issue d'un syntagme prépositionnel dont la tête est la préposition /fi/.2 Pour
parvenir au concept de zarf, il a fallu supprimer la préposition (fî). Pour
certains circonstants, le déterminant numéral /al/ n'a plus lieu d'être, du fait
qu'ils sont désormais déterminés annectivement.
Après le passage, d'un syntagme prépositionnel vers un syntagme nominal,
régi directement à l'accusatif par le verbe, il y a la tendance, à un autre
1 Jeanne-Marie BARBERIS, La grammémisation à l'œuvre dans la parole, p. 170-1712 Voir la partie sur l'origine du circonstant, p. 400.D'après Jeanne-Marie BARBERIS, il a été observé qu'un circonstant à sens intrinsèquementlocatif offre la possibilité à son entourage syntaxique de s'alléger de certaines informationslocatives. Cet allégement peut être de deux ordres : soit suppression de la préposition etredistribution des équilibres sémantico-syntaxiques dans le groupe annectif, soit l'emploi d'unepréposition particulièrement pauvre en spécification sémantique de type locatif. P. 165.
Étude syntaxique________________________________410
passage, de nouveau vers un syntagme prépositionnel ou toutes les données
risquent de changer.
En effet, certains circonstants accompagnés d'un complément de nom risquent
de se voir transformer en relateur. Autrement dit en préposition. Jeanne-Marie
BARBERIS explique : « Dans un contexte suffisamment connu de nombreuses
langues se contentent d'énoncés sans relateurs du type: j'irais brousse; il
marchait montagne. Dans un contexte de familiarité, l'expression est soumise à
un changement dans les équilibres interne du groupe. Le déterminé "la rue
originellement centre du groupe "la rue x" devient thématique par sa
disponibilité et son évidence. Son sens s'allège et devient plus générique.
L'attention se déplace sur le déterminant [annectifj qui apporte l'information
nouvelle. L'élément x se rhématise. »1
Voici l'évolution supposée sur le plan chronologique :
- Point de départ et origine :
Du syntagme prépositionnel temporel et spatial, on passe au syntagme
nominal de temps et de lieu et ce par suppression de la préposition /fi/.
Exemple :
- Syntagme prépositionnel :
l'awtahwî bi-hi r-rfy-u fi makân-i-n saftîq-i-n/22/31
Ou elle souffle avec lui le vent dans un lieu retiré.
Préposition nom de lieu
« Ou que le vent le précipite dans un abîme profond. »
Jeanne-Marie BARBERIS, op. cit., p.170-171.
Étude syntaxique ________________________________ 41 1
- Syntagme nominal :
rafcfnâ-hu makân-a-n caliyy-a-nl 57/19
Nous avons élevé lui un lieu haut
verbe circonstant épithète
« Nous l'avons élevé en un haut lieu. »
A l'origine, la phrase devait être constitué comme dans l'exemple ci-dessous:
*/vra rafa°nâ-hu fî makân-i-n caliyy-i-nlNous avons élevé lui dans un lieu haut
Verbe préposition nom de lieu épithète
« Nous l'avons élevé dans un haut lieu. »
Aujourd'hui, bien que la structure de la phrase circonstancielle ait été
modifiée en passant du circonstant formé d'un syntagme prépositionnel à un
syntagme nominal, face à un syntagme nominal on suppose le syntagme
prépositionnel constitué de la préposition de localité interne /fî/ (dans).
En principe, pour risquer de passer à l'étape suivante, c'est-à-dire celle
du syntagme nominal, il faut que le nom ait connu le figement total ou partiel.
Ce qui n'est pas encore, tout à fait, le cas pour le nom /makân-a-n/ ni pour un
certain nombre d'autres noms de temps et de lieu.
r
Etude syntaxique________________________________412
Le figement total signifie que le nom devient absolument indéclinable comme
c'est le cas pour /mundu/ (depuis), /maca/ (avec), etc.1
Le figement partiel signifie que le nom se décline dans certains cas, par
exemple à l'accusatif et au génitif avec une seule préposition /min/ (de). C'est
le cas des noms d'orientations spatiales comme : /bayn-a/ (entre), /fawq-a/
(dessus), /tafrt-a/ (dessous), /'amâm-a/ (devant), /warâ'-a/ (derrière), /hawl-a/
(autour), /"ind-a/(vers), /dûn-a/ (sous).
Lorsque les orientations, en général, et certains noms de lieu
(déictiques, interrogatifs) sont régis à l'accusatif par un verbe, ils font figure de
réceptacle de l'action. En dehors de l'accusatif, les orientations sont régi par la
préposition spatiale dénotant la provenance /min/ (de). Dans ce cas, ces noms
de lieu font figure de point de provenance ou d'origine d'une action.
1 II existe pourtant des circonstants très ressemblant avec la particule, mais qui ne risquent pas lasubduction. Ce sont les circonstants annexés à une phrase notamment à la phrase verbale. C'est lecas de /haytu/ (là où), /'idâ/ (lorsque), /'id/ (lorsque), etc. Le fait est que le principe de lapréposition est de régir un nom, jamais un verbe. Le fait qu'ils s'annexent à un verbe, les préservede la subduction, car l'attention qui se déplace, elle se déplace vers une seule unité simplenominale, non pas vers une phrase (verbale). D'après Hassan HAMZÉ : « un verbe avec sonmorphème de personne qui lui est conjoint, constitue un énoncé complet, une phrase minimale ». Ilajoute : « tout verbe est une phrase » Hassan HAMZÉ La linéarité dans le langage, pp.4 - 5En déplaçant l'attention, le circonstant se grammémise pour devenir une préposition, parce que lecomplément de nom, qui est un nom, lui permet de le régir au génitif.
Etude syntaxique 413
C'est le cas de :
/fawq-a/ — au-dessus
/warâ'-a/ =derrière
/taht-a/ = dessous
/kalf-a/ = derrière
/°ind-a/ = vers
/dûn-a/ = sous
Aalâ/ = sur
/hunâ/ = ici
/min fawq-i/ de dessus
/min warâ'-i/ de derrière
/min taht-i/ de dessous
/min kalf-i/ de derrière
min cind-i/ de vers
/min dûn-i/ de sous
/min calâ/ de sur
/min hunâ/ d'ici ou de là
/'ayna/ = ou ?
/qabl-a/ = avant
/bacd-a/ = après
Exemples :
Au génitif :
/wa lammâjâ '-a-hum rasûl-u-n
/min 'ayna/ d'où ?
/min qabl-i/ d'avant
/min ba°d-i/ d'après
min cind-i llah-i...l 2/101
vers AllahEt lorsque est venu à eux un messager dePrépo. de lieu nom de lieu(Dénote une origine) (Origine)
« Lorsqu'un messager leur est venu d'auprès de Dieu. »
À l'accusatif :
lia yastaw-ûn-a cind-a Allah-il
Ils ne sont pas égaux vers Allah
Circonstant de lieu(Réceptacle)
« Ils ne sont pas égaux yeux de Allah. »
9/19
Étude syntaxique_______________________________414
Après une recherche de notre part, dans le Coran, les traditions
prophétiques et la poésie pré-islamique, nous n'avons pu trouver la trace
d'aucune des orientations spatiales introduites par une préposition spatiale
autre que /min/, nous nous sommes posé la question à savoir pourquoi les
orientations et certains autres noms de lieu sont régis au génitif uniquement par
la préposition dénotant une origine ou une provenance /min/ et non pas par une
préposition dénotant l'inverse de /min/ ?
Selon notre hypothèse, ces noms de lieux impliquent, d'une manière ou d'une
autre, la destination. Ce qui fait qu'ils n'ont nul besoin d'être accompagnés par
une préposition de destination ou de direction comme /'ilâ/ (vers). Lorsqu'ils
sont régis à l'accusatif, ils font figure de réceptacle tout en impliquant une
destination. L'emploi d'une préposition de destination serait de trop. Cela
créerait une certaine redondance de sens.
Nom de lieu
(Orientation, déictiques, interrogatif)
Avec /min/ sans préposition
provenance réceptacle - destination
Dans le syntagme nominal, notamment dans une annexion, l'élément
annexé (deuxième élément) se rhématise. C'est-à-dire qu'il devient une
information nouvelle pour le thème. La tendance, explique Jeanne-Marie
rEtude syntaxique_________________________________415
BARBÉRISSE, est donc à l'inversion des polarités.1 Autrement dit, le premier
élément d'annexion (circonstant) perd son statut au profit du deuxième
élément.
Quant au circonstant, il tend à se rattacher à la valence du verbe en
concurrence avec la liste des prépositions locatives. L'équivalence
paradigmatique : valence prépositionnelle/circonstant, amorce une
identification du praxème dépraxémisé à une unité grammaticale.2
Exemple :
/wajacal-a bayn-a l-bahrayn-i fyâjiz-a-n/ 27/61
circonstant dét. annectif
1er élément 2e"16 élément
Annexion
« II a mis entre les deux mers une séparation. »
Dans l'exemple, ci-dessus, l'attention qui est porté sur le circonstant
/bayn-a/ risque de se déplacer sur le déterminant annectif /al-bahrayn-i/. La
raison en est que le nom de lieu /bayn-a/ essuie la perte d'un ou de plusieurs de
ses sèmes spécifiques dont la circonstance spatiale récupérée par le
complément de nom. Dans le cas de /bayn-a/, les sèmes sont : l'espace,
l'intervalle, la localisation, la circonstance, etc. En se grammémisant, il devient
une préposition qui ne dénote pas de signifié en soi, mais rapporte un signifié à
un autre mot. De plus, la préposition est cette particule qui ne peut pas être une
1 Jeanne-Marie BÂRBÉRIS, op. cit., p. 171,2 Le praxème se définit comme une unité pratique de production de sens dans le lexique. Voir :Jeanne Marie BÂRBÉRIS, op. cit.
Étude syntaxique________________________________416
information.1 Qu'est-ce qui entraîne la perte de sèmes ? L'explication de
Michel CAMPRUBI sur la mutation d'un substantif en une préposition peut être
la réponse. Aussi dit-il : « Intégré dans une unité supérieure (au sens
structurel), il perd forcément de son identité, le nom a subi une
grammaticaiisation (il fait partie d'une forme purement grammaticale) ».2 La
perte de sèmes spécifiques du lexème, autrement dit la désémantisation du
lexème pour aboutir à une grammémisation en grammème, ajouté aux traits de
ressemblance morphosyntaxiques de la préposition, ne font qu'augmenter la
possibilité de subduction.
Ainsi, on peut comprendre que la préposition est sémantiquement
pauvre par rapport à un nom. Dans l'énoncé, elle apparaît, de ce fait,
sémantiquement, moins saillante. Ce qui signifie que les noms sont
sémantiquement plus saillants.3 Dans le cas où /bayn-a/ a subi la subduction on
/wa jcfal-a bayn-a l-bajtrayn-i }}âjiz-a-nl 27/61
II a mis entre les deux mers une séparation
Verbe circonstant nom au génitif
Syntagme prépositionnel« II a mis une séparation entre les deux mers. »
1 Voir Ibn SARRÂJ, Usûl an-naljwu, t.l, p.36.2 Michel CAMPRUBI, Les locutions prépositives dans une approche contrastive, p. 1893 Quoi qu'il en soit, la primauté sur le plan de la nomination et de la communication revient aunom. Voir à ce propos : Hassan HAMZÉ, Les parties du discours dans la tradition grammaticale,
p. 101»
Étude syntaxique_________________________________417
Mais qu'en est il donc de /bayn-a/ et de ses congénères ? Pour les
grammairiens arabes anciens, /bayn-a/, ainsi que les noms d'orientations, ce
sont des circonstants à part entière. Autrement dit, ce sont encore des lexèmes.
Par contre, pour certains linguistes et philologues, ces circonstants sont
considérés comme des prépositions.1 Il nous semble pourtant que ces
circonstants sont plus ou moins engagés dans le continuum :
lexème > grammème
ou nom > préposition
II est clair que l'évolution d'une unité engagée dans le continuum
lexème > grammème, n'évolue que très lentement. C'est sur une diachronie,
très lointaine, que l'on peut observer une timide progression. Cela dit, la
grammémisation peut construire des phénomènes locaux et instables, tout
autant qu'aboutir à des ruptures et des changements décisifs, comme c'est le
cas pour Aalâ/ (sur), /mundu/ (depuis), /maca/ (avec), etc. La dépraxémisation
d'un mot peut se faire partiellement.2 On peut rester dans Fentre-deux, dans la
dynamique lexique-grammaire. C'est le cas pour les orientations spatiales.
1 Voir André ROMAN, Grammaire de l'arabe, p. 99 et Henri FLEISCH, Traité de philologie, 1.1,p.465.2 La dépraxémisation repose sur un allégement des spécifications concrètes reliant le praxème à larichesse de l'expérience vécue. Cela non pas au profit de la disparition des traits expérientiels,mais au profit d'un sens référé à des traits stabilisés de l'expérience. Voir : Jeanne-MarieBARBÉRIS, La grammémisation à l'œuvre dans la parole, p. 172 /
Etude syntaxique____________________________________ 418
3.3 Conséquences de la subduction
Lorsqu'un eirconstant est concerné par la subduction, il entraîne une
mutation dans l'énoncé qui affecte l'ensemble des niveaux grammaticaux. Au
niveau syntaxique, la grammérnisation du eirconstant, tête d'un syntagme
nominal, permet de passer d'un syntagme nominal à un syntagme
prépositionnel.
Dans le cas de /maca/, celui-ci est considéré par un grand nombre de
grammairiens, notamment les anciens, comme un eirconstant de lieu et il est
considéré par d'autres, notamment par les grammairiens modernes comme une
préposition. Aujourd'hui, la majorité des grammairiens l'identifie comme une
préposition. De là, nous constatons que /maca/ est devenu une préposition
après avoir été un eirconstant, donc un nom de lieu. Sur le pîan syntaxique, la
différence est évidente. Sur le plan sémantique, la signification est, à première
vue, identique, car il y a là deux circonstances. Pourtant, dans le cas de /rnaca/
en tant que eirconstant, on insiste sur la notion d'accompagnement et en tant
que préposition, on se tourne vers le nom régi par celle-ci. Ce nom apporte une
information et la préposition seule n'informe sur rien.
Exemples :
Etude syntaxique__________________________________ 419
- Avant la subduction :
/wa rkcfî maca r-râkfîn-al 3/43
Et incline-toi avec ceux qui s'inclinent
verbe circonstant complément de nomSyntagme nominal
- Après la subduction :
hva rkcfî maca r-râkfîn-al
« Et incline-toi avec ceux qui s'inclinent. »
verbe préposition nom régi au génitif
Syntagme prépositionnel
On passe d'une rection directe de la part du verbe sur son complément à
une rection indirect d'un nouveau complément par le biais de la préposition.
Au niveau sémantique, on passe de la circonstance de temps ou de lieu
exprimant l'intériorité vers une autre circonstance de temps ou de lieu
exprimant différentes notions selon la nouvelle préposition spatiale :
intériorité, déplacement, élévation, extériorité, etc. et temporalité : début, fin,
antériorité, postériorité, etc. L'unité circonstancielle de temps et de lieu
devenue une préposition, gardera des sèmes liés au temps ou à l'espace. Ce
sera une préposition spatiale ou temporelle. La nouvelle préposition exprime le
type de relation existant entre le verbe et le complément d'objet indirect.
Ainsi, le syntagme, dont la tête est une préposition issue de la
subduction d'un circonstant de temps ou de lieu, sera un syntagme
prépositionnel précisant une circonstance temporelle ou spatiale.
Etude syntaxique 420
Exemples :
-Avant la subduction
/ma ra 'ay-tu-ka
Je ne t'ai pas vu
Verbe
mundu yawm-i l-jumucat-ill
depuis le j our du vendredi
circonstant complément de nom
Circonstant de temps
« Je ne t'ai pas vu depuis du vendredi. »
Après la subduction :
/ma ra 'ay-tu-ka
Verbe
mundu yawm-i l-jumucat-i/préposition temporelle nom de temps
Complément circonstanciel de temps
II est intéressant de remarquer qu'un complément de nom dans un
syntagme nominal circonstanciel de lieu peut désigner toutes les sortes
d'entités possibles : personne, objet, temps, lieu, etc.
Exemple :
Ifawq-a ra's-i- hil 44/48
Dessus de la tête à lui
Tête
« Dessus de sa tête. »
Itaht-a s-sajarat-i! 18/48
« Dessous l'arbre. »Arbre
1 Exemple emprunté du Jâmf d-durûs l-carabiyya, Mustapha al-GALAYiNi, t.3, p. 187»
Etude syntaxique__________________________________ 421
Lorsque le syntagrne nominal circonstanciel de lieu se transforme, par
subduction en syntagme prépositionnel, le nom régi par la préposition sera de
nature sémantique différente.
Exemple :
/ 'idyubâyicûn-a-ka taht-a s-sajarat-ilLorsqu'ils ont prêté allégeance à toi dessous l'arbre.
Circonstant complément de nom
Syntagme nominal
« Lorsqu'ils t'ont prêté allégeance sous l'arbre. »
/ 'id yubâyiûn-a-ka tafat-a s-sajarat-ilpréposition Complément d'objet indirect
Syntagme prépositionnel
Ce qui n'est pas le cas pour un cireonstant de temps qui, à chaque fois, est un
complément de nom lié au temps. Ce peut être un nom de temps, un fait ou
d'événement.
Exemple :
IQifâ nabk-îmin dikrâ habîb-i-n wa cirfân-i
wa rabc-i-n °afat âtâr-u-hu mundu 'azmân-i/2
préposition nom de temps
complément de temps
« Arrêtons-nous et pleurons au souvenir de l'aimée
et du campement dont les traces se sont effacées depuis des temps. »
• Umru 1-QAYS (m. 540), Sarlf al-Mucallaqât as-sabc, p.4.
Etude syntaxique__________________________________ 422
Après subduction, le syntagme prépositionnel est composé d'une
préposition temporelle et d'un nom de temps. Tout le syntagme est lié au
temps.
Au niveau morphologique, après subduction, on passe d'un nom de temps ou
de lieu à une préposition temporelle ou spatiale. Autrement dit, c'est le passage
d'une classe du discours à une autre classe du discours. On passe du nom à la
particule. Morphosyntaxiquement, il peut y avoir un changement au niveau de
la déclinaison. Cela concerne les unités qui sont partiellement déclinables soit
à l'accusatif soit au génitif par la préposition /min/ et qui risquent la
subduction. En passant dans la classe des particules, le figement devient
complet et définitif, car l'unité concernée n'est plus introduite par une
préposition. Nous avons le cas de certaines unités considérées, aujourd'hui,
comme des prépositions à part entière, alors que dans un passé lointain, elles
étaient des noms introduits par une préposition spatiale. C'est le cas
notamment de AalâV (sur).
Exemple :
Igada-t min calay-hi bcfd-amâtammazim'-u-hâl*Elle se présenta de sur lui après que sa soif soit terminée
prépo.____Nom de lieu
Syntagme prépositionnel
« Elle se présenta de sur lui après que sa soif soit terminée. »
3Cet hémistiche, emprunté au Lisan al-carab, est de Yazîd bn at-TATARiYA, Lisan al-carab, t. 9,p.381.
Etude syntaxique__________________________________ 423
Au cours du temps, /°alâ/ a fini par ne plus être introduite par une
préposition, c'est là un signe précurseur de la subduction et du passage de la
classe du nom à celle de la préposition.
/alâ/ a la faculté d'être introduite par différentes prépositions de lieu. C'est le
cas de la préposition de provenance /min/ et celle qui a disparue bien avant
/min/, la préposition d'intériorité /fi/ (dans). La disparition de la préposition
d'intériorité /fi/ a contribué à la fin d'un syntagme prépositionnel pour donner
naissance à un syntagme nominal circonstanciel et la disparition d'autres
prépositions comme celle de provenance a contribué à la fin d'un syntagme
nominal circonstanciel et la naissance d'un syntagme prépositionnel constitué
d'une nouvelle préposition.
Bref, la subduction permet de rendre compte de l'instabilité de la
langue, notamment au niveau du complément verbal. En effet, le cas du
circonstant permet de constater que sur une diaehronie lointaine, la structure
du complément circonstanciel de temps et de lieu est passée du syntagme
prépositionnel vers un syntagme nominal qui est le circonstant régi
directement par le verbe à l'accusatif. Ensuite, certains de ces syntagmes
nominaux se transforment en syntagme prépositionnel. Une transformation
entraînée par la mutation du circonstant en préposition. Bien entendu, le
phénomène n'a touché qu'un petit nombre de circonstants. Dans un avenir plus
ou moins proche, d'autres circonstants rejoindront la liste des mutants.