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Comme le ski ou le patinage, les sports d'en- gins ont pour origine des modes de locomo- tions utilitaires. Les premiers traîneaux ont été élaborés par l'homme bien avant l'inven- tion de la roue pour faciliter le transport de lourdes charges, et pas seulement dans les régions enneigées. Les Egyptiens se sont ainsi servis de ce procédé, sans patins, pour acheminer les blocs de pierre nécessaires à la construction des pyramides. Au Moyen Age, la luge est fréquemment utilisée sous la forme d'un loisir. C'est toutefois à la fin du XIX e que les sports d'engins vont réellement prendre forme et se développer grâce notamment à l'avènement des stations de sports d'hiver. Les Britanniques sont très largement à l'origine de ces pratiques, puis les Alpins vont en assurer le développement et la pérennisation. Apparition et utilisation des différents engins Les premiers traîneaux : une vocation utili- taire A l'époque préhistorique, il semble que les premiers engins en Scandinavie soient dérivés d'une coque de bateau adaptée à la terre ferme. Le "pulken" des Lapons, tracté par un renne et possédant un seul patin, y ressemble beaucoup. Différents types de traîneaux sont utilisés dans toute l'Europe mais il apparaît difficile d'en cerner le lieu d'origine. En 800 après JC, des sagas mentionnent l'emploi de la luge par les Vikings dans la région d'Oslo. En Europe Occidentale et en particulier dans les Vosges, des "schlittes" (dérivé de l'alle- mand schlitten signifiant traîneau) à deux patins sont utilisées par des bûcherons pour transporter du bois ou du foin sur des réseaux de traverses aménagés. Le patin apparaît plus efficace que la roue dans les régions escarpées, en été comme en hiver. Ce type de traîneau est d'ailleurs encore en usage actuellement, notamment à Madère. La luge : une dimension ludique plus marquée La luge n'a pas toujours eu une vocation strictement utilitaire. Au Moyen Age, elle est couramment employée pour un usage ludique. Les archives des villes mentionnent très sou- vent une réglementation de sa pratique, notamment sous la forme de joutes. Une figurine en os représentant une luge (sans doute un jouet pour enfant) a été réalisée au XIV e . De nombreux textes et chroniques évo- quent les plaisirs de la glisse en Norvège (1480) et en Europe Centrale (Hans Sachs en 1520), en particulier dans les Monts Métallifères ou Montagne de Erz (Conrad Schawarz en 1552). Aux Pays-Bas, la luge est utilisée sur la glace poussée par un patineur. Les traîneaux (ou troïkas) sont également très en vogue en Europe aux alentours de 1600. Attelés à un animal (cheval ou renne), ils sont de véritables objets de luxe, parés de nom- breuses décorations, et le plus souvent réservés aux classes aisées. L'usage ludique de la luge se poursuit à l'époque moderne, notamment dans les grandes villes. Il se construit même pour cela de petites collines artificielles de neige et de glace, à Saint-Pétersbourg à la fin du XVIII e , ou encore à Berlin dans le parc du Bellevue Palace en 1844. Pratiquée dans un premier temps dans un relief de plaines et de collines, la luge se dif- fuse rapidement dans les zones mon- tagneuses, principalement dans des régions de peuplement germanique (Alpes Orientales, Bohême, Saxe ...). Elle va se pérenniser dans ces lieux et être en partie à l'origine des sports d'engins. En Amérique du Nord, la roue est inconnue avant la conquête européenne. Les Indiens et les Esquimaux utilisent pendant toute l'année un traîneau appelé "odobagan" (ou "oto- Les sports d’engins : d’une tradition alpine aux stratégies de spécialisation 1 Un schlitteur au début du XX e

Un schlitteur au début du XX › Documents › Reports › FR › fr_report_665.pdfLa luge : une dimension ludique plus marquée La luge n'a pas toujours eu une vocation strictement

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  • Comme le ski ou le patinage, les sports d'en-gins ont pour origine des modes de locomo-tions utilitaires. Les premiers traîneaux ontété élaborés par l'homme bien avant l'inven-tion de la roue pour faciliter le transport delourdes charges, et pas seulement dans lesrégions enneigées. Les Egyptiens se sont ainsiservis de ce procédé, sans patins, pouracheminer les blocs de pierre nécessaires à laconstruction des pyramides. Au Moyen Age, laluge est fréquemment utilisée sous la formed'un loisir. C'est toutefois à la fin du XIXe queles sports d'engins vont réellement prendreforme et se développer grâce notamment àl'avènement des stations de sports d'hiver. LesBritanniques sont très largement à l'origine deces pratiques, puis les Alpins vont en assurerle développement et la pérennisation.

    Apparition et utilisation des différentsengins

    Les premiers traîneaux : une vocation utili-taireA l'époque préhistorique, il semble que lespremiers engins en Scandinavie soient dérivésd'une coque de bateau adaptée à la terreferme. Le "pulken" des Lapons, tracté par unrenne et possédant un seul patin, y ressemblebeaucoup. Différents types de traîneaux sontutilisés dans toute l'Europe mais il apparaîtdifficile d'en cerner le lieu d'origine. En 800après JC, des sagas mentionnent l'emploi dela luge par les Vikings dans la région d'Oslo.En Europe Occidentale et en particulier dansles Vosges, des "schlittes" (dérivé de l'alle-mand schlitten signifiant traîneau) à deuxpatins sont utilisées par des bûcherons pourtransporter du bois ou du foin sur des réseauxde traverses aménagés. Le patin apparaît plusefficace que la roue dans les régionsescarpées, en été comme en hiver. Ce type detraîneau est d'ailleurs encore en usageactuellement, notamment à Madère.

    La luge : une dimension ludique plus marquée La luge n'a pas toujours eu une vocationstrictement utilitaire. Au Moyen Age, elle estcouramment employée pour un usage ludique.Les archives des villes mentionnent très sou-vent une réglementation de sa pratique,notamment sous la forme de joutes. Unefigurine en os représentant une luge (sansdoute un jouet pour enfant) a été réalisée auXIVe. De nombreux textes et chroniques évo-

    quent les plaisirs de la glisse en Norvège(1480) et en Europe Centrale (Hans Sachs en1520), en particulier dans les MontsMétallifères ou Montagne de Erz (ConradSchawarz en 1552). Aux Pays-Bas, la luge estutilisée sur la glace poussée par un patineur.Les traîneaux (ou troïkas) sont également trèsen vogue en Europe aux alentours de 1600.Attelés à un animal (cheval ou renne), ils sontde véritables objets de luxe, parés de nom-breuses décorations, et le plus souventréservés aux classes aisées.

    L'usage ludique de la luge se poursuit àl'époque moderne, notamment dans lesgrandes villes. Il se construit même pour celade petites collines artificielles de neige et deglace, à Saint-Pétersbourg à la fin du XVIIIe,ou encore à Berlin dans le parc du BellevuePalace en 1844.Pratiquée dans un premier temps dans unrelief de plaines et de collines, la luge se dif-fuse rapidement dans les zones mon-tagneuses, principalement dans des régionsde peuplement germanique (Alpes Orientales,Bohême, Saxe ...). Elle va se pérenniser dansces lieux et être en partie à l'origine des sportsd'engins.En Amérique du Nord, la roue est inconnueavant la conquête européenne. Les Indiens etles Esquimaux utilisent pendant toute l'annéeun traîneau appelé "odobagan" (ou "oto-

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    Un schlitteur au début du XXe

  • banask") reposant sur un seul patin très large,pour un emploi utilitaire mais aussi sous uneforme ludique. Repris par les colonseuropéens, il donne naissance au toboggan,sorte de luge sportive Nord-Américaine. Cettepratique connaît dans la deuxième partie duXIXe un fort engouement dans la population,notamment au Canada, et de nombreusespistes artificielles sont construites. LeMontréal Toboggan Club est créé en 1870, etdes courses sont organisées sur les petitescollines proches. Les pistes sont d'abordtracées dans la neige fraîche, puis sontarrosées avec de l'eau qui gèle pendant lanuit. Cet usage va également se propager auxEtats-Unis, une telle piste est construite unpeu plus tard dans le New Jersey par leCountry Essex Toboggan Club.

    Les débuts des sports d'engins

    Les prémices : un sport initié par lesBritanniques dans les stations de sportsd’hiverComme pour le développement des stationsde sports d'hiver dans la deuxième moitié duXIXe, les Anglais sont à l'origine de la nais-sance des sports d'engins. Vers 1850, la lugeest utilisée en Suisse pour les transports et

    pour l'amusement des enfants, mais la pra-tique sportive n'existe pas encore. Lestouristes (des Britanniques pour la plupart)sont de plus en plus nombreux à fréquenterles stations en hiver essentiellement pour desraisons de santé (soleil, air pur et vivifiant desmontagnes). Certains pratiquent alorsquelques activités sportives, dont la luge qu'ilsempruntent aux villageois pour se divertir.Petit à petit, des pistes sont tracées notam-ment sur les routes enneigées, et quelquescourses sont organisées. John AdingtonSysmonds, un anglais envoyé en cure à Davospar son médecin, apprécie beaucoup cettepratique. Il fonde en 1883 le Davos TobogganClub et organise la même année la premièrecourse internationale de luge. Cette compéti-tion se déroule sur une route longue de3,2 km entre Davos et le village de Klosters,elle regroupe 21 concurrents provenant desept nations (Allemagne, Australie, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Suède etSuisse). Après la réussite de cette premièreédition, la "Sysmonds Cup" est créée en 1885(ainsi que le "Freeman's Trophy" quelquetemps plus tard pour les femmes). Devant le succès remporté par ces compéti-tions, notamment auprès des hivernants,Saint-Moritz, la grande station rivale de

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    piste de luge

    piste de bobsleigh

    piste de bobsleigh et de luge

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    Les principales pistes de sports d’engins au début du XXe

  • Davos, se devait de réagir et de développer àson tour les sports d'engins. Au cours del'hiver 1884/1885, un groupe d'Anglais entre-prend la construction d'une piste artificielle, laCresta Run. La glace y est naturelle et refaitechaque année (elle est encore actuellement enactivité). La première compétition se dérouleen 1885 et le Saint-Moritz Tobogganing Clubest fondé deux ans plus tard. Lors de cette même année 1887, il se produitun événement important qui va modifier defaçon considérable l'avenir de cette piste enparticulier et la pratique des sports d'enginsen général.

    Bobsleigh et skeleton : une origine Nord-AméricaineEn effet, le toboggan, d'origine amérindienne,est introduit en Suisse par l'Américain L. P.Child. Cette sorte de luge est directement àl'origine du skeleton : les patins de bois sontremplacés par des patins en acier, ce qui aug-mente le poids et accroît la vitesse ; le skele-ton se pratique davantage sur la glace tandisque la luge est plus appropriée sur la neige. Letoboggan va très vite se propager dans lesdeux principales stations suisses et montrersa supériorité par rapport à la luge locale. ADavos, la "Sysmonds Cup" est remportée dès1888 (et les deux années suivantes) par unconcurrent doté de ce nouvel engin. Pouréviter une telle domination, les deux types deluges sont séparés, une nouvelle coupe étantcréée spécialement pour le skeleton, la"Sysmonds Shield" (et la "Ladies Bowl" pourles femmes). A Saint-Moritz, M. Cornish a lepremier l'idée de descendre la piste de laCresta Run tête la première dans la compéti-tion du "Grand National" de 1887. Malgré lesdifficultés qu'il rencontre, sa technique fait

    école et devient le standard à partir de 1890(il n'y avait pas de règles précises, tout lemonde pouvait descendre comme bon luisemblait et sur n'importe quel engin) : lecresta skeleton est né. Il se différencie légère-ment du skeleton par l'utilisation d'une sortede râteau à l'extrémité des bottes pour sefreiner et se diriger. Il se pratique uniquementsur la piste de la Cresta Run (c'est ce type deskeleton qui a été au programme des JeuxOlympiques d'hiver de 1928 et de 1948 àSaint-Moritz). Les femmes pratiquent dès ledébut ce nouveau sport. L'une d'elles, UrsulaWheble, gagne même la compétition dames àneuf reprises, les trois premières en positionassise et les six autres tête en avant (en 1911,elle parcourt la piste en 61 secondes, lemeilleur homme réalisant 59,6 secondes lamême année). Le bobsleigh arrive également à la mêmeépoque, il est importé par un touriste améri-cain, M. Stephen Withney, à Davos pendantl'hiver 1888/1889. Ce type d'engin existaitaux Etats-Unis depuis longtemps (il est men-tionné en 1839 à Albany, capitale de l'Etat deNew York) ; il était utilisé pour le transport decharges, le bois notamment. Il est élaboré àpartir de deux toboggans (ou deux skeletons)attachés ensemble à l'aide de barres. Le pre-mier système de freinage était assuré par unrâteau de jardinier et la direction par descordes. Des innovations vont rapidement lerendre plus attrayant. Un exemplaire en acierest construit dès 1889 ; en 1903, M.Roessinger de Leysin y adapte un volant et unsystème de freinage par le pied afin defaciliter la conduite. D’autres inventeurs vontpar la suite constamment faire évoluer cetengin faisant de ce sport une sorte de"Formule 1" des glaces.

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    La Cresta Run à Saint-Moritz en 1928(CIO, Collections du Musée Olympique)

    Compétiteurs participant à l’épreuve de skeletonsur la Cresta Run en 1928(CIO, Collections du Musée Olympique)

  • Le développement du bobsleigh

    Les stations alpines lieux de prédilectionA la fin du XIXe, le bobsleigh connaît un cer-tain succès tant en termes de pratique que despectacle ; il se propage d'abord en Suisse,puis dans les pays voisins. A Saint-Moritz, cer-tains touristes anglais recherchent une pistepour le pratiquer. Ils sont accueillis dans leTobogganing Club en 1895, mais rapidement,des conflits éclatent sur l'utilisation de laCresta Run où les compétitions de skeletonsemblent favorisées. Les bobsledders fondentle Saint-Moritz Bobsled Club en 1897, premierclub de bobsleigh au monde. Pour pallier auproblème de piste, ils décident d'en construireune autre, financée par les donations des dif-férents membres. Celle-ci est inaugurée en1904 (l'Olympic Bob Run) ; c’est la premièrepiste de bobsleigh artificielle avec glacenaturelle (elle accueille encore actuellementdes grandes compétitions de bobsleigh).D'autres pistes artificielles sont construitespar la suite à Davos (la "Schatzalp" en 1913)et à Chamonix, renforçant ainsi la célébrité deces stations.

    Une clientèle aisée attirée par le bobsleighAvant la première guerre mondiale, les sportsd'engins et en particulier le bobsleigh devien-nent très à la mode parmi la clientèle aiséedes stations prestigieuses. De très nom-breuses compétitions sont organisées, récom-pensées par de multiples prix. La luge sedéveloppe mais principalement sous un aspectludique. Le bobsleigh est accaparé par les"sportsmens" en recherche de sensationsfortes et de notoriété. Les bons pilotes sontcourtisés et les courses sont particulièrementprisées par la "bonne société". Les pays ontchacun leur coupe : La Coupe de France, laManchester Cup, la Coupe de l'EmpereurGuillaume II, …. Les aristocrates sont trèsfriands de ce sport, devenu en quelquesannées synonyme d'audace et de courage, etréservé à une élite.

    Une présence féminine remarquableLes femmes sont très largement admises dansce sport. À la création du premier club de bob-sleigh à Saint-Moritz, les organisateursanglais, avec une certaine idée de l'émancipa-tion féminine à l'esprit, ont stipulé dans leursrègles la présence obligatoire de deux femmesminimum par équipage (sur un total de cinqmembres). Quatre ans plus tard, cette règle

    ramène le nombre minimum de femme paréquipage à une. Cette règle est reconnue auniveau international jusque dans les années20. Il y eut néanmoins des équipages de bob-sleigh exclusivement masculins, mais aussiexclusivement féminins. La présence desfemmes dans les compétitions bénéficiait engénéral de la bienveillance des représentantsdes pays alpins, surtout par intérêtéconomique (n'oublions pas que la clientèlebritannique et américaine était la plus recher-chée à cette époque).

    Du loisir à la compétition

    Les premières compétitionsLe bobsleigh n'est pas le seul sport d'engins àse développer même s’il apparaît à cetteépoque comme le plus charismatique. En1913, l'Union Internationale du Sport de Lugeest fondée à Dresde par l'Allemagne, l'Autricheet la Suisse. Elle organise dès l'année suivanteles premiers Championnats d'Europe àReichenberg dans le Royaume de Bohême(actuelle Liberec au nord de la RépubliqueTchèque) avec près de 80 concurrents. C'estégalement en 1914 que vont avoir lieu lespremiers Championnats d'Europe de skeletonà Davos. Mais, c'est en Allemagne que cettepratique connaît la plus grande populariténotamment dans les Monts Métallifères, deschampionnats nationaux s’y déroulant depuis1912 et reprenant après la guerre jusqu'en1938.La première guerre mondiale va donner uncoup d'arrêt au développement de tous cessports. A l'issue de ce conflit, la mise en placeet l'institutionnalisation des sports d'enginsreprennent leur cours. La FIBT (Fédération

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    Nombre d'organisations

    CNO ayant organisé au moins une compétition

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    Les lieux d’organisation des Championnats dumonde senior et junior de sports d’engins de 1930à 2001

  • Internationale de Bobsleigh et deTobogganing) est créée en 1923 à Milan enItalie. Le bobsleigh rentre dès l'année suivantedans le programme des Jeux Olympiquesd'hiver de Chamonix. Les premiersChampionnats du monde sont organisés en1930 à Caux/Montreux en Suisse. En luge, lestrois pays précurseurs refondent en 1927 uneFédération Internationale de Sport deTraîneau, rejoints plus tard par la Pologne (oùest construite une des premières pistes artifi-cielles de course à Krynica). Les deuxièmesChampionnats d'Europe se déroulent en 1928à Schreiberhau en Allemagne (aujourd'huiSzklarska Poreba en Pologne), avec pour lapremière fois la présence des femmes. En1935, la luge intègre la FIBT qui forme unesection spécifique regroupant six pays (lesquatre précédents plus la Norvège et laTchécoslovaquie).

    L'exclusion progressive des femmes L’entre deux guerre va être marquée par lerejet des femmes (excepté en luge) dans lapratique des sports d'engins. Dans lesannées 30, l'Union sportive amateur desÉtats-Unis (AAU) a exigé que toutes leséquipes de bobsleigh soient composées dedeux hommes et de deux femmes. Beaucoupde femmes sont pilotes avec de bons résul-tats. Mais en 1938, Katherine Dewey gagne lechampionnat national de l'AAU à la consterna-tion de cette organisation, qui décide l'étésuivant d'interdire les femmes dans cesport. Celles-ci n'étaient déjà pas admisesaux Jeux Olympiques d'hiver et auxChampionnats du monde car la FIBT avaitinterdit leur participation avant les premiersJeux de Chamonix en 1924. Ce n’est qu’à par-

    tir de 1995 que la FIBT organise les premiersChampionnats du monde de bobsleighféminin.Le bobsleigh n'est pas le seul sport d'engins àavoir proscrit la pratique féminine. Sur laCresta Run à Saint-Moritz, elles sont d'abordexclues des compétitions en 1925. Puis, ellessont interdites de pratique quatre ans plustard après des débats houleux au sein du clubde tobogganing. Une des raisons invoquéespour cette interdiction est que descendre cettepiste peut provoquer un cancer du sein ! Lesfemmes ne sont toujours pas admisesactuellement sur la Cresta Run qui reste undomaine réservé aux hommes.

    Le développement récent : des trajec-toires diverses

    La seconde guerre mondiale est à l'origined'un profond déclin de la luge et du skeletonqui a pratiquement disparu (excepté le crestaskeleton à Saint-Moritz). En effet, les deuxpays (Allemagne et Autriche) où la pratique deces deux disciplines était la plus répandue sor-tent particulièrement exsangues de ce conflit.

    La luge de compétition : un sport devenuolympiqueSous l'influence de l'Autriche, et notammentde Bert Isatitsch (président de la FédérationAutrichienne et de la section luge de la FIBT),la luge redevient populaire en EuropeCentrale. A partir de 1952, il se bat pour l'au-tonomie de sa discipline par rapport au toutpuissant bobsleigh. L'entrée du Canada et desEtats-Unis dans la section luge va favorisercette indépendance. En 1954, la luge sur pisteartificielle est désignée comme sportolympique lors de la Session du CIO à Athèneset se substitue au skeleton. Les premiersChampionnats du monde sont organisés en1955 à Holmenkollen (Oslo) avec 8 nations.Deux ans plus tard, la FédérationInternationale de Luge de course (FIL) estofficiellement fondée à Davos avec lesdélégués de 14 pays, Bert Isatitsch est éluprésident. Enfin en 1959, la Session du CIO àMunich intègre la luge dans le programme desJeux Olympiques d'hiver d'Innsbruck (1964). Ce sport a la particularité d'être pratiqué parquelques nations seulement. Trois pays s'ad-jugent ainsi plus des trois-quarts des placesde finalistes aux Championnats du monde etd'Europe : l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie.L'Allemagne est de loin la plus impression-

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    source : FIL

    de 1914 à 1935de 1951 à 1969de 1970 à 1989de 1990 à 2001

    Dates de la première participation des pays auxChampionnats d’Europe et du monde de luge surpiste artificielle de 1914 à 2001

  • nante puisqu'elle obtient 45 % des récom-penses si l'on additionne la RFA, la RDA et laGER. Si la tradition de pratique peut expliqueren partie cette domination, d'autres raisonssont à l'origine de ces succès. En effet, àl'époque de la division de l'Allemagne, lesdeux CNO se livraient à une farouche com-pétition pour asseoir leur primauté sur l'autre,et la luge était un terrain d'affrontementapproprié. De très lourds investissements ontété réalisés de chaque côté du mur pour par-venir à ces fins. La présence de l'Italie aux cotés des deuxnations germaniques précurseurs dans cettepratique peut paraître anodine. En fait, laquasi-totalité des lugeurs vient du Nord dupays, principalement du Sud Tyrol, région oùla langue allemande est encore parlée et où laplupart des noms sont à consonances ger-maniques. Cette partie de l'Italie étaitautrichienne avant 1919 et sa population estrestée très attachée à ses traditions, notam-ment à la pratique de la luge. Les autres pays ont en général des faiblesrésultats mais certains d'entre eux font desefforts pour inverser cette tendance. AuxEtats-Unis, ce sport a été très peu développépendant longtemps. La première équipeolympique de luge était constituée de soldatsaméricains stationnés en Allemagne et quis'étaient initiés à ce sport de façon récréative.Avec la tenue des Jeux Olympiques d'hiver deLake Placid en 1980, des moyens sont mis enœuvre pour développer ce sport. L'Associationde luge des Etats-Unis est créée en 1978.Avec l'aide de sponsors, le budget est passé

    de $48 000 en 1982 à $1,8 millions en 1994,permettant ainsi de financer une équipe de 50athlètes de quatre niveaux différents.

    La luge naturelle : un sport régionalUne autre discipline existe mais elle n'est pasolympique, la luge sur piste naturelle. Elleprésente la singularité d'être totalement acca-parée par deux pays, l'Autriche et l'Italie, quiobtiennent plus de 95 % des finalistes auxgrandes compétitions ! Ces deux nations pos-sèdent également la plupart des pistesnaturelles. Que penser d'un sport à ce pointconfisqué ? L'absence de l'Allemagne au pal-marès peut paraître troublante, étant donnéson poids dans ce sport. Et que dire de la RDA,si dominatrice dans l'autre luge (sur piste arti-ficielle), et qui n'a jamais envoyé le moindreathlète participer aux Championnats dumonde ? Il semble que son absence du pro-gramme olympique ait été rédhibitoire pour cepays.

    Le renouveau du skeletonAprès avoir quasiment cessé d'être pratiqué,le skeleton fait sa réapparition en Bavière en1967. Le "Bavarois Skeleton Club" (BSC) estfondé à Munich en 1969. La même année, lapremière piste artificielle réfrigérée voit le jourà Königssee en Allemagne, à l'origine pour laluge, et plus tard pour le bobsleigh et le skele-ton. Le BSC organise des compétitionsnationales et internationales pour populariserce sport. La construction en 1974 de la pisteartificielle d'Igls en Autriche pour les JeuxOlympiques d'hiver d'Innsbruck (1976) ren-force ce développement. Une course de skele-ton pour l'ouverture de la piste regroupe 55athlètes allemands et autrichiens. La Suisse

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    taux de participation

    120

    278

    nombre de finalistes

    La participation et les résultats aux Championnatsd’Europe et du monde de luge naturelle de 1970 à2002

    0 50 100 150 200 250 300UKRJPNFRAFINESTITA

    UKRSVKLIE

    CANSUI

    ROMLAT

    SWERUSNORUSA

    URS*TCH*

    POLRFA*GERITA

    RDA*AUTCNO

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    *CNO disparus

    MédaillésFinalistes (places 4 à 6)

    Les finalistes et médaillés aux Championnatsd’Europe et du monde de luge sur piste artificiellede 1914 à 2001

  • s'ouvre également à ce sport avec la créationd'un club à Zurich en 1976. Des épreuves deskeleton se déroulent dès 1977 sur la piste debobsleigh de Saint-Moritz. Les Championnatsd'Europe (les derniers dataient de 1914) ontlieu à Igls en 1981, et les Championnats dumonde un an plus tard à Saint-Moritz. LaCoupe du monde commence pendant la saison1986/87, et ne concerne plus seulementl'Europe en termes de lieux d'organisation(Calgary en 1988 et Nagano en 1999). Lavolonté est manifeste de rentrer dans le pro-gramme olympique, et pour cela, il est néces-saire que la pratique existe dans 25 pays surtrois continents. Les Européens sont toutefoisles plus nombreux à participer aux épreuvesde Coupe du monde, notamment les trois paysd'origine de la pratique du skeleton(Allemagne, Autriche et Suisse), ainsi que laGrande-Bretagne et l'Italie. Les Nord-Américains se sont très vite intéressés à cesport, de même que le Japon, en particulierchez les femmes. La relative jeunesse duskeleton (tout du moins pour la pratique

    récente) laisse sans doute entrevoir quelquesperspectives de succès. Il semble en effet plusaisé de se hisser à un haut niveau dans cesport que dans des sports où la concurrenceest très dure et installée depuis longtemps.Les mêmes pays se retrouvent dans le partagedes premières places, mais la coupure avecles autres est cette fois beaucoup plus radi-cale, l'Autriche (uniquement chez leshommes), l'Allemagne, le Canada et la Suisseétant les plus performants. La surprise vientde l'Italie qui malgré une forte participationn'obtient aucune médaille. Peut-être est-ce uninvestissement pour l'avenir, notamment enprévision des Jeux Olympiques d'hiver deTurin en 2006 ?

    Des infrastructures rares et coûteuses

    Avant les Jeux Olympiques d'hiver d'Innsbrucken 1976, les pistes de sports d'engins étaientcertes artificielles mais sans réfrigération.Cette situation posait de nombreux problèmesd'organisation, certaines courses devant êtrereportées voir même annulées (commel'épreuve de bob à 4 aux Championnats dumonde de 1967 à l'Alpe d'Huez pour cause dedégel). La réfrigération artificielle permet des'affranchir en partie des conditions clima-tiques. Toutefois, l'un des principaux freins audéveloppement des sports d'engins est le coûtprohibitif de telles infrastructures. Une pisteartificielle est excessivement chère non seule-ment à construire mais aussi à entretenir, etpose le problème de son utilisation. Ainsi, lapiste construite pour Nagano s'est élevée à9,3 milliards de Yen (81 millions d'euros) etson coût d'entretien est estimé à 290 millionsde Yen (2,5 millions d'euros). Or le Japon, necompte que 150 athlètes en sports d'engins etleur usage de la piste ne rapporte quequelques millions de Yen par an. Ce pays s'estdonc lancé dans l'organisation de grandescompétitions pour utiliser au maximum sapiste. Il est toutefois difficile d'amortir un teléquipement et d'en assurer la pérennité,notamment en dehors de l'Europe qui concen-tre la grande majorité des pratiquants. Lenombre de pistes artificielles dans le mondeest ainsi très réduit, la plupart se trouvent enEurope et beaucoup ont été construites àl'occasion des Jeux Olympiques d'hiver.

    Les sports d'engins sont très particuliers parmiles sports d'hiver. Ils sont spécialisés et néces-sitent des infrastructures onéreuses, et pour-

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    2002

    source : FIBT

    CNO recensant au moins un participant

    participation masculine

    participation féminine

    TCH

    a participé

    1 126 313

    participants

    Participation aux épreuves de Coupe du monde deskeleton de 1988 à 2002

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    2002

    source : FIBTCNO participant

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    médailles

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    ont recensé des finalistes

    TCHRFA

    Finalistes et médaillés aux épreuves de Coupe dumonde de skeleton de 1988 à 2002

  • tant, ils se distinguent par une participationnombreuse de petits pays, notamment insu-laires. La spécificité de ces sports les rendsans doute plus accessibles pour acquérir unbon niveau tout en restant loin de l'élite : unéquipage de bob, par exemple, peut se formeravec des athlètes venant d’autres disciplinescomme l’athlétisme ce qui ne peut être faitdans les sports de glace ou de neige. Les Championnats du monde de pousséeorganisés à Monaco depuis 1994 sont depuisquelque temps marqués par la réussite depetits pays, tout particulièrement de laJamaïque qui a remporté 4 titres (deux chezles hommes et deux chez les femmes). Celadémontre qu'ils possèdent déjà de nombreuxatouts, et qu'une fréquentation plus assiduede la glace les rendrait sans doute beaucoupplus compétitifs. Le temps de glace semble eneffet primordial, comme le démontrent lesbons résultats des Français en bobsleigh aprèsla construction de la piste de La Plagne. Làencore, des problèmes de moyens apparais-sent, non plus cette fois pour les infrastruc-tures, mais pour le matériel et les heuresd'entraînement. En prenant en compte les finalistes desépreuves de Coupe du monde de sports d'en-gins depuis les derniers Jeux de Nagano en1998, l'écart entre les différents pays prati-quants apparaît saisissant. La performance estconfisquée par des pays souvent fortement

    spécialisés. L'Allemagne et les Etats-Unis sontles seuls à être polyvalents. L’Allemagne tirebénéfice des effets de la réunification et de sapratique séculaire. Les Américains, en prévi-sion des Jeux de Salt Lake City, semblents’être investis de façon considérable. Lesautres pays de l'élite ont deux disciplinesfortes, exceptée l'Italie qui se distingueuniquement en luge. Et mis à part quelquespays d’un niveau moyen, spécialisés dans une(France et Japon) ou dans deux disciplines(Lettonie, Grande-Bretagne et Russie), lereste des nations participant à ces compéti-tions est presque totalement absent de la per-formance.Le développement des sports d'engins passepar deux axes : l'aide à des pays aux moyensfinanciers limités pour leur permettre de s'en-traîner correctement sur des infrastructuresdont le nombre n'est pas appelé à évoluer defaçon considérable, et la multiplication desépreuves aux Jeux Olympiques d'hiversynonyme d'intérêt croissant pour bon nom-bre de nations. C'est dans ce sens que la FILsouhaite faire entrer dans le programme desJeux de Turin en 2006 des compétitions deluge sur piste naturelle ainsi qu'une épreuvepar équipe sur piste artificielle (comprenantun homme, une femme et un double). Uneépreuve de bobsleigh à 4 féminin pourraitégalement rentrer dans ce cadre.

    Les sports d’engins : d’une tradition alpine aux stratégies de spécialisation

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    Lake PlacidPark City

    Calgary

    La Plagne

    Lillehammer

    Nagano

    Sigulda (LAT)

    KönigseeAltenberg

    Oberhof

    Saint-Moritz

    Imst

    Hammarstrand

    Winterberg

    Cortina d'Ampezzo

    Igls

    12

    12

    pistes naturelles de luge

    piste artificielle

    piste artificielle réfrigérée

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    2002

    source : FIBT, FIL

    Les principales pistes de sports d’engins dans le monde en 2002

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    2002

    affiliation à la FIBTaffiliation à la FILaffiliation à la FIBT et à la FIL

    source : FIBT et FIL © C

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    2002

    CNO recensant des participants

    1 60 132

    nombre de participants

    source : FIBT, FIL ; Résultats aux épreuves de sports d'engins de 1998 à 2002

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    2002

    CNO recensant des participantsCNO recensant des finalistes

    source : FIBT, FIL ; Résultats aux épreuves de Coupe du monde de 1998 à 2002

    bobsleighskeletonluge

    par spécialité

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    142

    522

    nombre de finalistes

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    2002

    développement fortfaible développementaucun développement

    développement très fort

    Les CNO affiliés aux FI de sports d'engins : une diffusion plus complète pour la FIBT, mais encore quelque peu confinée

    Les CNO participants aux compétitions internationales de sports d'engins : un spectre assez large

    Les finalistes par CNO : peu d'élus et de fortes spécialisations

    Une très forte amplitude dans le niveau de développement

    La pratique des sports d’engins en 2002