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Un seul monde N o 3 / SEPTEMBRE 2017 LE MAGAZINE DE LA DDC SUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA COOPÉRATION www.ddc.admin.ch La guerre de l’eau L’or bleu, une source de conflits à travers le monde Un pays figé En Bosnie et Herzégovine, les jeunes souffrent d’un manque de perspectives Révolution 4.0 Une chance pour les pays défavorisés ?

Un seul monde 3/2017 - eda.admin.ch · 23 La papaye sauvée par une petite guêpe ... Au Cambodge, un projet culturel aide les victimes du régime des Khmers rouges ... cours d’eau

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Eine WeltUn solo mondoUn seul monde

No3 / SEPTEMBRE 2017LE MAGAZINE DE LA DDCSUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA COOPÉRATIONwww.ddc.admin.ch

La guerre de l’eauL’or bleu, une source deconflits à travers le monde

Un pays figé En Bosnie et Herzégovine, les jeunes souffrent d’un manque de perspectives

Révolution 4.0Une chance pour les paysdéfavorisés?

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Un seul monde est édité par la Direction du développement etde la coopération (DDC), agence de coopération internationaledu Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Cetterevue n’est cependant pas une publication officielle au sensstrict. D’autres opinions y sont également exprimées. C’estpourquoi les articles ne reflètent pas obligatoirement le point devue de la DDC et des autorités fédérales.

Un seul monde No3 / Septembre 2017

Sommaire

D D C

F O R U M

3 Éditorial4 Périscope26 DDC interne34 Service35 Coup de cœur avec Reto Albertalli35 Impressum

H O R I Z O N S

C U L T U R E

D O S S I E R EAU ET CONFLITS6 L’or bleu, plus précieux que jamais

La pénurie d’eau constitue l’un des plus grands défis à venir et suscite des tensions. La Suisse joue un rôle important dans la prévention des conflits.

11 «Sans dialogue, tous les acteurs ressortent perdants»Entretien avec Sundeep Waslekar, expert en gestion de l’eau et président de l’organe de réflexion indien Strategic Foresight Group

13 Reprendre confiance après l’effondrementEn Asie centrale, les États recherchent de nouvelles solutions pour redresser le secteur de l’eau

15 La crise de l’eau au Moyen-Orient L’initiative « Blue Peace Middle East », lancée par la Suisse, entend prévenir les conflits potentiels dus à la raréfaction de l’eau

17 Faits et chiffres

18 Les divisions plombent l'avenir de la Bosnie et HerzégovineLe pays souffre d’un taux de chômage astronomique, de tensions ethniques et d’un manque de réformes

21 Sur le terrain avec... Barbara Dätwyler Scheuer, cheffe de mission suppléante et responsable de la coopération suisse en Bosnie et Herzégovine

22 Carte postale alternative de SarajevoSandra Zlotrg évoque sa ville natale et explique pourquoi elle vit en dehors des quartiers touristiques

23 La papaye sauvée par une petite guêpeLa DDC aide les producteurs en Afrique de l’Ouest à lutter contre la cochenille du papayer

24 L’efficacité hydrique pour combattre la pauvreté Grâce à une meilleure utilisation de l’eau dans les cultures du coton et du riz, les familles de petits paysans en Asie centrale et du Sud perçoivent un revenu stable

27 L’industrie 4.0, une chance pour les pays défavorisés?Les plates-formes numériques, les capteurs et les robots de la 4e révolutionindustrielle façonnent un monde nouveau, dont les contours restent abstraits

30 Que faire pour les jeunes au Maroc? Carte blanche : Driss Ksikes appelle à transmettre le savoir et à partager les expériences dans son pays natal

31 Danser pour exorciser l’horreur des mariages forcés Au Cambodge, un projet culturel aide les victimes du régime des Khmers rouges à surmonter leurs traumatismes

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Éditorial

Un seul monde No3 / Septembre 2017

Il y a bientôt 40 ans, l’un des professeurs dont je sui-vais alors les cours déclarait craindre que la pro-chaine guerre mondiale ne vise pas à conquérir desterritoires ou des richesses, mais le dernier litre d’eaupropre. Jugeant ces propos par trop alarmistes, mescamarades et moi étions parvenus à la conclusionqu’il devait être dans un de ses mauvais jours. Nousallions vers une bonne décennie de Guerre froide,avec le risque que l’arme nucléaire soit déclenchéedélibérément ou accidentellement et anéantisse l’hu-manité entière. La pénurie d’eau ne figurait pas parmiles préoccupations premières des étudiants suisses.J’ai donc oublié pendant plusieurs décennies l’in-quiétude de notre professeur.

Je sais à présent de quoi il parlait et ne puis qu’espé-rer qu’il avait tort malgré tout.

S’il est en général difficile de prévoir l’avenir, l’exer-cice s’avère plus ardu encore aujourd’hui. L’humaniténe s’est jamais aussi bien portée qu’en mai 2017(lorsque ces lignes furent écrites) et la tendance sepoursuit. Jamais les êtres humains n’ont été si nom-breux – en chiffres absolus et relatifs – à vivre pluslongtemps, en meilleure santé et dans des conditionsconfortables, même si les habitants de Mossoul ou duYémen ne peuvent évidemment pas partager cet avis.Pourtant, un faisceau d’indices laisse à penser quedes vents contraires pourraient, à terme, anéantir lesprogrès réalisés jusqu’ici. En maints endroits, la raré-faction de l’eau représente une menace.

D’ici à 2025, 1,8 milliard de personnes risquent desouffrir d’une grave pénurie d’eau. Ce manque pour-rait provoquer des catastrophes humanitaires sem-blables à celles qui frappent aujourd’hui plusieurs ré-gions d’Afrique. Acheminer l’eau en camions-citernesest certes vital à court terme, mais ne constitue pasune solution durable. Sans eau en suffisance, il estimpossible de produire des biens et des denrées ali-mentaires. L’économie locale s’arrête. Il n’est pas né-cessaire d'adhérer au pessimisme de mon professeurpour mesurer le potentiel conflictuel d’un déficit eneau. À travers le monde, 286 lacs et rivières sont par-tagés par plus de deux pays. Plusieurs fleuves –

Congo, Niger, Rhin, Danube, Nil et Zambèze – comptentmême neuf à onze États riverains.

Le risque de conflit lié à l’eau est particulièrementélevé au Moyen-Orient. De nombreux fleuves ont vuleur débit décliner de 50 à 90% en moins de 50 ans,alors que la population s’est accrue.

Pour relever ce défi régional, la DDC et la DivisionSécurité humaine du DFAE ont lancé, en 2009, l’ini-tiative «Blue Peace». Celle-ci associe politique inter-nationale et coopération technique, montrant qu’unaccord à l’amiable sur la gestion des ressources eneau peut favoriser la paix. Au Moyen-Orient et en Asie centrale, elle a déjà largement contribué à déve-lopper des solutions avec les décideurs.

En novembre 2015, le conseiller fédéral DidierBurkhalter a inauguré le Panel mondial de haut niveau sur l’eau et la paix, afin d’attirer l’attention surla corrélation entre ces deux éléments. Cette plate-forme a remporté un premier succès : en novembredernier, le Conseil de sécurité de l’ONU a convoquéune session extraordinaire consacrée à l’eau, à la paixet à la sécurité.

De par sa topographie, la Suisse bénéficie d’avan-tages indéniables en matière d’eau. Elle n’en de-meure pas moins confrontée aux mêmes défis qued’autres pays : droit de voisinage, exploitation écono-mique, préservation notamment. Les solutions qu’ellea su apporter à ces problèmes font d’elle une parte-naire compétente et fiable, en particulier pour lespays dont l’existence pourrait être menacée, un jourou l’autre, par une pénurie d’eau. La DDC est heu-reuse de pouvoir, via ses programmes, leur fournirune aide efficace.

Manuel SagerDirecteur de la DDC

(De l’allemand)

Le dernier litre d’eau propre

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Périscope

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Une petite plante prometteuse(bf ) Dans des pays d’Asie tels que la Thaïlande, leCambodge ou le Laos, la lentille d’eau a toujours fait par-tie de l’alimentation, que ce soit dans les soupes, en tantqu’accompagnement ou sous forme de crêpes. Lors detravaux menés avec des collègues indiens, une équipede chercheurs de l’Université de Iéna, en Allemagne, adécouvert que la lentille d’eau sans racines wolffia glo-bosa offrait un potentiel inestimable pour l’alimentationhumaine. Sa teneur élevée en protéines la rapproche ducolza ou des pois. Ce végétal constitue une précieusesource d’oméga-3. Autre atout : il prolifère très rapide-ment, sans occuper de terres arables, puisque c’est uneplante aquatique. Il absorbe, de plus, facilement les oligoéléments dissous dans l’eau et permettrait donc de compenser certaines carences alimentaires. Selon les chercheurs, d’autres secteurs pourraient tirer profit de cette lentille : la pisciculture, l’assainissement descours d’eau et la production de bioéthanol.

Assurer le bétail par satellite(cz) Le gouvernement kényanvient d’introduire une assuranceinnovante pour soutenir les ber-gers menacés par la sécheresse.Le programme Klip (Kenya

Livestock Insurance Programme)répertorie et surveille les trou-peaux grâce à des images satelli-taires. Si les bêtes sont tropnombreuses à périr lors d’unepériode de sécheresse, des aides

sont versées aux bergers. Ceux-ci peuvent alors acheter dufourrage pour le reste du chep-tel et ainsi le préserver. « Face àla sécheresse, nous devons anti-ciper et être plus efficaces », explique l’économiste kényanAndrew Mude, qui a développéce programme. « Il est vain de secontenter de réagir et d’attendrel’aide internationale. » Lancée en 2016, l’assurance est financéepar le gouvernement kényan etla Banque mondiale. Jusqu’enoctobre 2017, quelque 25000familles d’agriculteurs devraienten bénéficier. L’objectif estd’étendre le programme à plusde 100000 foyers d’ici à 2020.

Le Rwanda innove avec unecentrale à tourbe (cz) Le manque de sourcesd’énergie, disponibles en touttemps, constitue l’un des princi-paux problèmes de nombreuxpays africains. Pour y remédier,le Rwanda innove. Il a inau-guré la première centrale àtourbe du continent en avrildernier. Basée à Gishoma, ausud-ouest du pays, celle-ci acoûté presque 40 millions dedollars, selon les médias. Lapuissance escomptée de 15 mé-gawatts (MW) devrait être cou-plée par la suite à celle d’uneseconde centrale, de 90 MW. Àtitre de comparaison, la centralede Mühleberg, près de Berne,est dotée d’une capacité d’en-viron 370 MW. D’ici à 2018,Kigali compte raccorder 70% de la population (douze millionsd’habitants) au réseau électriquenational. Cette nouvelle tech-nologie devra y contribuer : lescentrales à tourbe sont appeléesà couvrir environ 20% des be-soins en énergie. En Europe, de nombreux pays les ont aban-données. La tourbe ne se re-nouvelant que très lentement,l’Union européenne ne lacompte pas parmi les sourcesd’énergies renouvelables.

Des drones pour améliorer la culture du maïs( jlh) Selon des études menéespar le Centre internationald’amélioration du maïs et dublé, les drones peuvent soutenirla culture du maïs. Ces petitsavions télécommandés équipésde senseurs pourraient réduirede quelque 10% la charge detravail et les coûts liés à ce sec-teur dans le sud de l’Afrique.Collectées dans les airs puis trai-tées, les données relatives à lacroissance et à la structure desplantes (entre autres caractéris-tiques) permettent notammentde cultiver des espèces mieuxadaptées au climat et à l’envi-ronnement. Dans le domaine de l’agriculture, les drones nesont d’ailleurs plus seulementutilisés dans le sud et l’est de l’Afrique, mais aussi enAmérique latine et en Asie. Les experts soulignent, néan-moins, que les technologiesmodernes ne suffisent pas. Pour que celles-ci portent

leurs fruits, une formation des agriculteurs sur la culture des semences et les techniques agricoles est indispensable.

Alphabétisation réussie( jlh) Au nord-est du Brésil,dans l’État de Maranhão, envi-ron un cinquième des habitants,soit plus de treize millions, nesait ni lire ni écrire. Dans leszones rurales, cette proportionpeut même atteindre 40% de lapopulation. Une organisationlocale de paysans sans-terre s’est

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attaquée au problème avec suc-cès : grâce à la méthode cubaineYo si puedo («Oui, je le peux »),elle a proposé des cours surplace et alphabétisé ainsi plus de 7000 jeunes et adultes l’anpassé, avec des résultats nette-ment plus rapides que les mé-thodes classiques. Ce succèss’expliquerait notamment par le lien à la réalité locale : lescontenus sont adaptés à la situa-tion sur place et l’enseignementest accompagné par une per-sonne de la commune, formée àcet effet. Outre l’alphabétisationproprement dite, le programmeprévoit la transmission de sa-voirs ayant trait, par exemple, àla santé ou aux violences subiespar les femmes. Cette année,l’organisation espère déjà doubler le nombre de ses béné-ficiaires.

Premières vaccinations à large échelle contre la malaria (lb) Un enfant meurt toutes lesdeux minutes du paludisme.Chaque année, on recense plusde 400 000 décès causés parcette maladie dans le monde, enparticulier en Afrique subsaha-rienne. Les plus touchés sont lesenfants de moins de cinq ans.Dès 2018, l’Organisation mon-diale de la santé (OMS) entendtester à large échelle le premiervaccin contre cette infection –le RTS,S – au Ghana, au Kenyaet au Malawi. «En associationavec les principaux instrumentsde lutte anti-malaria, la vaccina-tion a le potentiel de sauverchaque année des dizaines demilliers de vie en Afrique », affirme Matshidiso Moeti, del’OMS. Pour être efficace, le

vaccin doit être administré àquatre reprises: soit à l’âge decinq mois, de six mois, de septmois et de deux ans. Le projetpilote concernera 750000 en-fants : la moitié recevra leRTS,S, l’autre constituera legroupe témoin. La thérapie esten mesure de prévenir environ

quatre cas sur dix et de dimi-nuer d’un tiers les infections lesplus graves, réduisant ainsi lesadmissions à l’hôpital.

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L’or bleu, plus précieux que jamais Le partage de l’eau dans le monde représente un enjeu ma-jeur du 21e siècle. Pour prévenir les conflits, le dialogue et la coopération constituent des outils privilégiés. De manière générale, les pays qui collaborent dans le domaine hydrique ne fomentent pas de guerre entre eux. De Christian Zeier.

La situation était explosive en ce mois de juin 2013.L’Éthiopie venait d’entamer le détournement duNil Bleu pour construire le gigantesque barrage dela Renaissance, à proximité de la frontière souda-naise. L’Égypte, étroitement dépendante des eauxdu Nil, s’estimait bafouée. À tel point que, lorsd’une réunion de crise convoquée au Caire, un res-ponsable politique proposa d’envoyer des unitésspéciales pour détruire le barrage. Un deuxièmesuggéra l’envoi d’avions de chasse et un troisièmel’octroi d’un soutien aux forces rebelles souda-naises. Ils ignoraient que leurs propos étaient re-transmis en direct à la télévision. Le président del’époque, Mohamed Morsi, a été contraint de présenter des excuses publiques. La situation ne se détendit pas pour autant, au contraire. Le chef del’État alla jusqu’à déclarer que l’Égypte engagerait« tous les moyens nécessaires » pour défendre sa sécurité en matière d’approvisionnement en eau.

Le pays ne voulait certes pas la guerre, mais n’ex-cluait aucune option. Si cet incident illustre toutel’importance que revêt l’eau au 21e siècle, il montreégalement ce que la coopération interétatique peutapporter. En 2015, les trois présidents éthiopien,égyptien et soudanais ont signé un accord entéri-nant la construction du barrage, à condition qu’au-cun de leurs pays ne subisse de «dommages sub-stantiels ». Une étude a en outre été commanditée,afin d’évaluer les répercussions du projet. Quelquescontroverses subsistent, mais les tensions se sontapaisées. Aujourd’hui, quatre ans après l’incident,l’ouvrage est quasi achevé.

Rôle plus important que le pétroleCe différend ne constitue pas un cas isolé. Loin s’enfaut. Les cours d’eau transfrontaliers représententune source majeure de conflits internationaux. Ausein d’un même pays, des affrontements entre

Édifié sur le Nil Bleu, le barrage de la Renaissance au nord-ouest de l’Éthiopie a longtemps été au cœur d’enjeux politiques majeurs.

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Eau et conflits

groupes d’intérêts divergents peuvent égalementéclater. Les paysans veulent irriguer leurs champset les éleveurs abreuver leurs troupeaux, alorsqu’industriels et fournisseurs d’électricité ont be-soin d’eau pour produire de l’énergie. Plus d’un milliard de personnes, vivant pour la plu-part en Afrique, en Asie du Sud et en Amériquelatine, n’ont toujours pas accès à l’eau potable. Lacroissance démographique, le changement clima-tique et la pollution environnementale exacerbentla lutte pour l’or bleu. Selon des projections del’ONU, près de deux milliards de personnes pour-raient vivre dans des régions souffrant de pénuried’eau d’ici à 2025. En raison de la raréfaction decette ressource, des régions comme le Moyen-Orient et le Sahel pourraient voir leur produit in-térieur brut reculer de 6% au cours des 30 pro-chaines années. L’eau est appelée à jouer un rôleplus important encore que le pétrole sur le plangéopolitique, soulignent les experts.

Bien plus que la construction de puits«La crise mondiale de l’eau est l’un des problèmespolitiques, écologiques et sociaux les plus brûlantsdu 21e siècle », relevait le chef du Département fédéral des affaires étrangères, Didier Burkhalter,dans son discours devant l’Assemblée générale desNations Unies à New York, en 2012. Le conseillerfédéral a évoqué la répartition inégale à l’échelleplanétaire, ainsi que les risques liés à cette situa-tion. Il a appelé à une réaction forte de la com-munauté internationale. « Il est primordial de trai-ter l’eau comme un élément clé de l’agenda de la sécurité humaine et non pas uniquement sousl’angle de sa valeur économique et sanitaire. » À ce titre, la Suisse soutient de nouveaux vecteurs d’influence pour les négociations et la coordina-tion politiques.L’allocution de Didier Burkhalter est révélatrice del’évolution qu’a suivie l’engagement internationalde la Suisse. Depuis longtemps déjà, les projets d’aide au développement dans le domaine hy-drique vont au-delà de la construction de puits et de la distribution d’eau potable. Si l’eau et l’hygiène restent des thématiques importantes, ladiplomatie, la recherche et la communication fontaujourd’hui partie intégrante de toute gestion mo-derne de l’or bleu.Au Moyen-Orient par exemple, l’Aide humani-taire de la Suisse, en collaboration avec le Pro-gramme global Eau et la Division Sécurité humaine(DSH) du DFAE, a fourni à plus de 1,5 million de personnes de l’eau potable et des équipements sanitaires ces dernières années. Sur un plan plustechnique, la DDC a commandité une étude surl’approvisionnement en eau et la situation des po-

En mars 2015, les gouvernements d’Égypte, d’Éthiopie et du Soudan sont parvenus à un accord pour gérer ensemble le barrage de la Renaissance.

pulations déplacées dans la partie syrienne du bas-sin de l’Oronte. De son côté, la DSH a mis en place un projet destiné à améliorer l’accès à l’eaudans le nord de la Syrie. Au niveau politique, laSuisse a lancé l’initiative «Blue Peace», qui vise àtransformer la crise que connaît la région dans lesecteur hydrique en une chance pour les paysconcernés (voir page 15).Au niveau mondial, elle a lancé le projet «Bridge »(Building River Dialogue and Governance), encollaboration avec l’Union internationale pour la

conservation de la nature. L’objectif est de renfor-cer les capacités locales en gestion de l’eau. Actuel-lement, les efforts se concentrent davantage sur lapaix bleue. Régionale comme au Moyen-Orient,l’initiative «Blue Peace » aborde la problématiquede l'eau et de la sécurité au niveau internationalégalement. Elle compte deux volets : le GenevaWater Hub, centre de compétences pour l’eau et la paix chapeauté par la DDC pour une duréede deux ans, ainsi que le Panel mondial de haut niveau sur l’eau et la paix. Créé en 2015, ce co-mité réunit quinze experts indépendants en pro-venance de quatre continents, chargés d’élaborerdes propositions pour prévenir et résoudre lesconflits hydriques.

Coopération transfrontalière«La coopération liée aux cours d’eau transfronta-liers constitue notre unique chance (pour préve-nir les conflits armés) », écrivait récemment dansune tribune Danilo Türk, président du Panel et ancien président de la Slovénie. Selon lui, il est fauxde qualifier l’eau de pétrole du 21e siècle : «Le pé-trole peut être remplacé. Alors que rien ne peut

L’eau, une arme de guerreL’or bleu peut être unesource de conflits, maiségalement une arme deguerre. Il n’est pas rare devoir des belligérants atta-quer, occuper ou détruiredes infrastructures d’ap-provisionnement en eaupour des raisons straté-giques. Un exemple ré-cent: les attaques cibléessur une station dans l’estde l’Ukraine, qui ont placédes millions de personnesen situation d’urgence. Ce démantèlement consti-tue une violation desProtocoles additionnelsaux Conventions deGenève, relatifs à la pro-tection des victimes desconflits armés internatio-naux et non internationaux.Les deux textes stipulentl’interdiction de s’attaqueraux biens indispensables à la survie de la populationcivile. Parmi ceux-ci figurentles installations d’approvi-sionnement en eau potableet d’irrigation.

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Source: Transboundary Freshwater Dispute Database, Department of Geosciences (www.transboundarywaters.orst.edu/database), Oregon S Map produced by ZOÏ Environment Network, March 20178 Un seul monde No3 / Septembre 2017

remplacer l’eau. » Le monde compte 286 bassinsfluviaux internationaux, traversant près de 150pays. «Tant que ces États n’auront pas mis en placede coopération durable en matière de gestion del’eau, des risques de conflit subsisteront. S’ils s’y attellent en revanche, les chances de paix sontbonnes. »

Coopérer plutôt que guerroyer«Bien que la gestion de l’eau pose des défis (…),elle est surtout une formidable chance de promou-voir la coopération et de construire la confiance »,lit-on dans les lignes d’action du DFAE sur le thème de l’eau et de la sécurité. «Beaucoup deconflits potentiels peuvent être évités grâce à desaccords de gestion durable de l’eau. »Cette thèse est étayée scientifiquement par le Stra-tegic Foresight Group (SFG). Cet organe de réflex-ion indien, basé à Mumbai, a analysé 84 organisa-tions de gestion de l’eau transfrontalière et 205 bassins fluviaux que se partagent 148 pays. Princi-pale conclusion : les pays qui collaborent active-ment dans le domaine de l’eau ne se font pas laguerre. Qui plus est, la coopération peut contri-buer à diminuer les dépenses en armement et àaméliorer les conditions de vie des populations défavorisées. Le SFG a aussi participé au lancement du Panelmondial de haut niveau sur l’eau et la paix. «L’ini-tiative “Blue Peace” a changé la pensée politique»,estime son président, Sundeep Waslekar (voir soninterview en page 11). La thématique de l’eau etde la sécurité suscite enfin l’intérêt qu’elle mérite

Cours supérieur et inférieur des fleuvesLa coopération active por-tant sur les fleuves trans-frontaliers peut résoudrede nombreux problèmes.L’un subsiste néanmoins,dû à la nature : les inéga-lités entre les riverains enamont et en aval d’unfleuve. Les pays situés àl’embouchure d’un coursd’eau subissent la pollutionde leurs voisins en amont,ainsi que les risques relatifsaux barrages. Un État quise trouve dans le bassinsupérieur d’un fleuve pos-sède lui, de fait, le contrôledes eaux. Il renoncera diffi-cilement aux avantagesque lui confère sa situationprivilégiée, d’où l’impor-tance des accords réglantl’utilisation des cours d’eauà l’échelle internationale.

au plan international, note-t-il. Cet expert place de grands espoirs dans le Panel.«Un résultat fructueux pourrait améliorer la vie dequelque deux milliards de personnes. » Si, en re-vanche, l’on ne parvient pas à mettre sur pied uneinfrastructure mondiale pour améliorer la gestionde l’eau, il faut s’attendre au chaos, prévient-il.L’épuisement de cette ressource entraînerait unediminution de la production alimentaire. La de-mande, en constante augmentation, ne pourraitêtre satisfaite et les prix exploseraient. Avec, pourconséquences, le terrorisme, les dictatures et desflux migratoires encore plus importants, avertitSundeep Waslekar. «Les enjeux sont énormes. »

Des propositions pour l’avenirEn mai dernier, s’est tenue en Jordanie la qua-trième réunion du Panel mondial de haut niveausur l’eau et la paix. Pour clore leurs travaux effec-tués ces deux dernières années, les experts ontadopté une série de recommandations concrètes àl’échelle planétaire. Ces dernières doivent portersur les points suivants : mesures visant à protégerles infrastructures d’approvisionnement dans leszones en conflit ; nouveaux instruments destinés àfinancer les coopérations dans le domaine de l’eau ;

Un Syrien distribue de l’eau dans le camp de réfugiés deZaatari, au nord de la Jordanie.

Conflits et coopération dans les bassins fluviaux transfrontaliers

Nombres d’événements de 1990 à 2008 Les échanges internationaux – autant les conflits que les alliances – liés au partage de l’eau

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Eau et conflits

Des réfugiés cherchent désespérément de l’eau dans lecamp de Jamam, au Soudan du Sud.

mécanismes d’hydro-diplomatie pour résoudre lesconflits; moyens de lutte contre la pollution descours d’eau transfrontaliers ; travaux de clarificationdu droit international afin de faciliter les relationsentre pays situés en amont et en aval d’un mêmebassin hydrique.Elles seront présentées à l’Assemblée générale del’ONU en septembre. «C’est un tournant dans les efforts accomplis par la Suisse en la matière »,explique Noura Kayal, responsable de l’initiative«Blue Peace » au sein du Programme global Eaude la DDC. Pour l’heure, les structures onusiennesne comptent aucun organe chargé de désamorcerou de résoudre les conflits liés à l’eau. «L’hydro-diplomatie n’est qu’un aspect de notre travail dansle Programme global », poursuit Noura Kayal. «Elledispose, cependant, d’un rayonnement importantsur le plan international. »

L’Afrique de l’Ouest, une source d’inspirationSurtout, elle est efficace, notamment en Afriquede l’Ouest. Les membres du Panel se sont retrou-vés en 2016 à Dakar, où ils se sont intéressés à l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS). Celle-ci est considérée comme

un exemple en matière de gestion de l’eau. Prenant sa source en Guinée, le fleuve Sénégal traverse le Mali, puis longe la frontière entre le

Par souci de simplification, les noms des fleuves ont été laissés en anglais.

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Sénégal et la Mauritanie avant de rejoindre l’océanAtlantique. Quelque 3,5 millions de personnes, soitpresque 20% de la population des quatre pays ré-unis, vivent dans son bassin versant. Les premiersefforts de coopération autour du fleuve remontentà l’époque coloniale, mais c’est à la fin des années60 que le partenariat entre dans une phase décisive.Souffrant de longues sécheresses, la région voyait

La coopération transfrontalière autour du fleuve Sénégal a valeur d’exemple. La gestion commune de ce cours d’eau apermis à la Guinée, au Mali, au Sénégal et à la Mauritanie d’améliorer leurs relations.

son agriculture décliner. La population fuyait lescampagnes pour venir gonfler les villes. À la suited’une sécheresse particulièrement catastrophique,les quatre pays ont dû prendre des décisions im-portantes. Comment réagir : s’unir ou s’affronter ?Ils choisirent la première option. Plutôt que de diviser les quatre États, les difficultés les ont rap-prochés.En 1963 déjà, ils signaient l’accord de Bamako, quiconsacrait le statut international du fleuve Séné-gal. Un comité de développement a été créé. Mal-gré le retrait de la Guinée après des désaccords avecle Sénégal, les trois pays restants ont poursuivi leurcollaboration. En 1972, ils ont fondé l’OMVS, enménageant un statut d’observateur à la Guinée quirefusait de coopérer.

Unis pour avancerLes années qui ont suivi ont été marquées par plu-sieurs conflits et revers mineurs, mais, dans l’en-semble, la collaboration s’est avérée fructueuse. Ellea permis aux trois pays de profiter de l’électricitéproduite par le barrage de Manantali, au Mali, de

Projets suissesOutre l’initiative « BluePeace », le Programme global Eau de la DDC chapeaute ou parraine demultiples projets et instru-ments dans le secteur hy-drique. À l’échelle interna-tionale, le Global Hydro-metry Support Facility andInnovation Hub recueilledes données hydrologiquesfiables à l’aide d’outils novateurs, alors que laplate-forme Earth SecurityIndex fournit aux décideursdes informations indépen-dantes concernant la gestion des ressources. Àl’échelon régional, le projet« Bridge » (Building RiverDialogue and Governance)renforce les capacités engestion de l’eau par la for-mation continue et diversservices de soutien. Quantaux Water and LandResource Centres, ils ontpour but d’améliorer lacollecte et l’utilisation dedonnées hydrologiques etmétéorologiques au Kenyaet en Éthiopie.

développer leurs infrastructures et de renforcerleur approvisionnement en eau. Leurs relations sesont même améliorées grâce à l'OMVS et à leursprojets communs. La Guinée n’est pas en reste : ellea pleinement réintégré le partenariat en 2006. Aujourd’hui, les quatre États gèrent ensemble leurscanaux, leurs barrages, leurs infrastructures hydro-électriques et leur navigation fluviale. Selon la

Banque mondiale, l’OMVS est une «organisationrégionale robuste, dont la stabilité financière per-met le développement de projets bénéficiant d’unelarge assise ». Malgré quelques turbulences géopo-litiques, elle a toujours fait en sorte que l’ensemblede ses membres bénéficie de cette ressource essen-tielle qu’est l’eau. «Les chefs d’État ouest-africainsont su reconnaître le lien étroit entre l’eau, la paixet la sécurité », se réjouit Sundeep Waslekar. Outrele Sénégal, les fleuves Gambie et Congo voientégalement se développer autour d’eux une coopé-ration entre pays riverains. «Les choses bougent,mais malheureusement pas aussi vite que je le sou-haiterais », conclut le président du SFG. ■

(De l’allemand)

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Eau et conflits

tière de gestion hydrique, des conflits peuvent éclater. Par contre, lorsque la coopération devientactive, qu’elle s’instaure au niveau politique, lesconditions sont réunies pour une paix durable.

De nombreux conflits ont lieu au sein d’unmême pays. La coopération relative à l’eaupeut-elle là aussi jouer un rôle?Nous avons étudié les mécanismes diplomatiquesrégissant les relations entre États. Les conflits internesfont, pour leur part, intervenir d’autres processus,qui restent à analyser.

Votre organisation a notamment lancé l’ini-tiative «Blue Peace», avec le concours de laSuisse. Quels en sont les résultats concrets ?La communauté «Blue Peace Middle East » enconstitue un. Avec quelque 200 décideurs poli-tiques des pays concernés, nous avons engagé undialogue pour une collaboration autour de l’eau.Dans cette région instable, cette communauté re-présente la seule plate-forme d’échange active entrel’Irak, la Jordanie, le Liban et la Turquie. Nous

Sundeep Waslekar estun spécialiste internationa-lement reconnu de la réso-lution des conflits et de lagouvernance publique.Sous sa direction, l’organede réflexion StrategicForesight Group, basé àMumbai en Inde, a co-opéré dans ou avec 50pays, sur quatre conti-nents. Ses idées et propo-sitions ont été débattuesau sein des Parlementseuropéen et indien, dansdiverses réunions del’ONU ainsi qu’au Foruméconomique mondial, àDavos. Depuis 2014, il estégalement collaborateurscientifique au Centre forthe Resolution of Intrac-table Conflicts du HarrisManchester College del’Université d’Oxford.

Cette centrale électrique israélienne a été contrainte de mettre fin à ses activités, en raison du volume toujours plus faible du Jourdain.

Un seul monde : Monsieur Waslekar, le mondemesure-t-il l’importance de l’eau potable?Sundeep Waslekar : La nécessité de l’eau, en tantque ressource, est connue depuis longtemps. En re-vanche, on a longtemps sous-estimé son intérêtpour la sécurité internationale.

Est-ce sur le point de changer?Oui, la problématique de l’eau et des conflits estdésormais à l’ordre du jour de nombreuses ren-contres mondiales. En novembre 2016 s’est tenu lepremier débat sur l’eau, la paix et la sécurité auConseil de sécurité de l’ONU. Cette reconnais-sance représente une étape historique.

Les États  qui  coopèrent pour mieux gérer les ressources en eau ne se déclarent pas laguerre. Fort de ce constat, le Strategic Fore-sight Group s’est fait un nom…Permettez-moi d’apporter une précision. Il faut dis-tinguer entre coopération de principe et coopéra-tion active. Quand deux pays collaborent unique-ment sur un plan technique, par exemple en ma-

«Sans dialogue, tous les acteurs ressortent perdants»Sundeep Waslekar est le président du Strategic ForesightGroup, un organe de réflexion indien basé à Mumbai. Cet experten gestion de l’eau évoque l’importance de son domaine despécialisation et le rôle de la Suisse dans l’hydro-diplomatiemondiale. Entretien réalisé par Christian Zeier.

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avons également contribué aux négociations bila-térales entre Israël et la Palestine, ainsi qu’entrel’Irak et la Turquie. Ces deux derniers États sou-haitent aujourd’hui construire des barrages com-muns et renforcer le partage d’information. Riende tout cela n’existait avant le lancement de l’ini-tiative.

Dans les régions telles que le Moyen-Orient,l’eau  est  souvent  un  moyen  de  pression.Comment  convainc-t-on  les  politiques  decoopérer?Il faut leur donner des occasions d’échanger. S’agis-sant de la Turquie et de l’Irak, les résistances étaientfortes au départ. Au fil des rencontres, une discus-sion s’est instaurée et les participants ont commen-cé à se comprendre. Des limites subsistent toute-fois. Avec des dirigeants tels que Bachar el-Assad,en Syrie, l’on ne peut rien entreprendre. Avantmême le début de la guerre civile, Damas ne vou-lait pas entendre parler de dialogue.

Le Panel mondial de haut niveau sur l’eau et la paix doit favoriser la coopération dansle secteur hydrique. Son but est d’améliorerla  vie  de  2,3  milliards  d’êtres  humains. Comment exactement ?Cette plate-forme profitera aux populations d’A-mérique du Sud, d’Asie et d’Afrique. Sur les 286bassins fluviaux internationaux que compte le monde, 200 se trouvent dans des pays en dévelop-pement où vivent quelque deux milliards d’êtres

humains. Plus de coopération et de stabilité facili-teront leurs conditions de vie.

La coopération liée à l’eau fonctionne prin-cipalement au niveau régional. Celle instau-rée autour du fleuve Sénégal constitue un belexemple de réussite. Quelle est donc l’utili-té d’une structure mondiale?Son rôle principal est de soutenir les coopérationsrégionales. Une volonté politique de collaborer auniveau local est nécessaire dans un premier temps.Puis, il faut le soutien diplomatique et financier de la communauté internationale. L’exemple du fleuve Sénégal est éloquent : la coopération a démarré à l’échelon régional, avant de bénéficierde l’appui d’organismes financiers mondiaux.

Que se passe-t-il lorsque l’idée de coopéra-tion internationale échoue?La situation au Moyen-Orient en est l’exemple leplus extrême. Des années durant, les pays de la ré-gion ont eu la possibilité de renforcer leur coopé-ration dans le domaine de l’eau. Ils n’ont rien en-trepris, estimant que celle-ci était trop précieuse ettrop importante pour leur propre sécurité. Au-jourd’hui, des groupements non étatiques ou ter-roristes contrôlent les infrastructures hydrauliques.Ces États ont tout perdu.

Le Panel mondial de haut niveau sur l’eau etla paix présentera son rapport aux NationsUnies en septembre. Deviendra-t-il un nou-vel organe de l’ONU? Les quinze pays participants ont à dessein lancé l’ini-tiative hors des structures onusiennes pour limiterau maximum son caractère bureaucratique et sedonner les moyens d’être plus audacieux et créa-tifs. Reste que celles-ci offrent de meilleures possibilités de mise en œuvre. Les recommandationsseront ainsi présentées aux Nations Unies. L’on déterminera, par la suite, dans quelle mesure lecadre existant peut les concrétiser.

Quel  rôle  un  petit  pays  comme  la  Suissepeut-il jouer dans l’hydro-diplomatie mon-diale? La Suisse est appréciée pour sa neutralité et son extraordinaire force d’innovation, que ce soit dansle domaine technique ou social. Son système poli-tique est exemplaire et les principes fondamentauxqui la régissent – dialogue et inclusion – peuvents’appliquer partout dans le monde. Si ses dirigeantsprennent conscience des atouts précités, elle pour-ra jouer un rôle de premier ordre. ■

(De l’anglais)

Sur les 286 bassins fluviaux transfrontaliers que compte lemonde, 200 se trouvent dans les pays en développement.Le Mékong en fait partie.

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Le Tadjikistan et le Kirghizistan sont des pays riches en eau grâce au fleuve Syr-Daria, mais pauvres en ressources énergétiques.

Des exportations, maispas de démocratieL’économie des paysd’Asie centrale repose engrande partie sur l’exporta-tion de matières premières.Le Kazakhstan, par exem-ple, dépend pour deuxtiers de ses exportationsde pétrole, de gaz naturel,de charbon et de métaux.Les États voisins vendent,pour leur part, d’impor-tants volumes d’or, de coton et d’aluminium primaire. La pauvretéprévaut, cependant, dansl’ensemble de la région.Faute de perspectives fa-vorables et d’investisse-ments suffisants dans lesinfrastructures, une grandepartie de la main-d’œuvreémigre en Russie. Lespays issus de l’effondre-ment de l’Union soviétique,en 1991, sont culturelle-ment hétérogènes, maisleurs régimes politiques seressemblent. Si le systèmemultipartite du Kirghizistanpermet des élections par-tiellement libres, les autresÉtats n’ont connu aucunrenouvellement démocra-tique depuis un quart desiècle.

Reprendre confiance après l’effondrementL’Union soviétique a entraîné dans sa chute le secteur del’eau. Alors que les anciens États membres explorent de nouvelles solutions, la Suisse investit dans la recherche et ledialogue.

(cz) L’Asie centrale représente un cas particulierde la coopération dans le domaine hydrique. Cen’est pas le manque d’infrastructures transfronta-lières qui pose problème, mais bel et bien les ou-vrages existants. Regroupés autrefois au sein del’Union soviétique, le Kazakhstan, le Kirghizistan,l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Turkménistanpartageaient une installation d’approvisionnementintégrée. Avec la chute de l’URSS, le secteur public de l’eau s’est lui aussi écroulé. Pendant desannées, très peu d’argent a été investi et le per-sonnel qualifié a émigré, ouvrant la voie à la dé-gradation des équipements. Aujourd’hui, deuxpays riches en eau mais pauvres en hydrocarbures,le Kirghizistan et le Tadjikistan, font face à troispays pauvres en ressources hydriques mais richesen pétrole et en gaz, l’Ouzbékistan, le Kazakhs-tan et le Turkménistan. «La croissance démographique et l’augmentationde la demande transforment graduellement la région en foyer de crise », écrit le Center for Se-curity Studies de l’EPFZ. Ce type de tensions peutentraîner des répercussions sur des pays lointains,via les mouvements migratoires. Un risque quin’avait pas échappé, en 2008 déjà, à la ministre des

Affaires étrangères de l’époque, Micheline Calmy-Rey. La conseillère fédérale l’avait évoqué lors dela Conférence annuelle de la Coopération avecl’Europe de l’Est. Elle avait alors souligné la né-cessité d’aider les États d’Asie centrale à gérer leursconflits liés à l’eau.

Privilégier le dialogueÀ travers son programme régional, la Suisse sou-tient des réformes dans la gestion transfrontalièredes ressources en eau. Elle œuvre en faveur d’unecoordination plus efficace et favorise le dialogueentre les parties. Après les visites du conseiller fé-déral Didier Burkhalter aux cinq États d’Asie cen-trale, des représentants de ces pays se sont retrou-vés en 2014, à Bâle. Ils se sont engagés à mettresur pied une plate-forme de dialogue régionale dehaut niveau dans le domaine hydrique, l’initia-tive «Blue Peace Central Asia », inspirée par le projet suisse au Moyen-Orient (voir page 15). LaDDC souhaite, en outre, améliorer la gestion del’eau dans les bassins versants transfrontaliers et for-mer de jeunes experts. En 2016, le Kazakhstan a organisé avec le soutiende la Suisse une conférence scientifique consacrée

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à l’utilisation des ressources en eau en Asie cen-trale. L’événement a réuni des délégués de hautrang d’Ouzbékistan, du Turkménistan et du Tad-jikistan. Une autre conférence sur le même thème s’est tenue en mai dernier, dans le cadre del’exposition internationale d’Astana. Une étudemandatée par la Suisse y a notamment été pré-sentée. Elle met en évidence les raisons pour les-quelles la coopération relative à l’eau ne fonc-tionne pas comme escompté en Asie centrale etles coûts engendrés pour les pays de la région. Ellese veut une contribution décisive à la collabora-tion transfrontalière dans le secteur hydrique.

Capacités manquantes«Le principal problème en Asie centrale n’est pasque les pays concernés ignorent les avantagesqu’une coopération pourrait leur procurer », expli-que Benjamin Pohl, responsable d’une étude me-née par l’Institut de recherche allemand Adelphi.Après l’effondrement de l’URSS, chaque payss’est concentré sur le renforcement de sa souve-raineté nationale. D’où l’impossibilité d’exploiterefficacement les infrastructures existantes, cons-truites dans la perspective d’une gestion intégrée.L’exploitation des eaux du fleuve Syr-Daria, parexemple, était planifiée de manière centralisée àl’époque soviétique. Les besoins des riverains enaval du fleuve, qui dépendent des activités de leursvoisins en amont, étaient ainsi pris en compte.Après l’effondrement, on s’est efforcé de régler lesproblèmes d’interdépendance entre les différentespopulations par le biais d’accords. En hiver, il étaitprévu que l’Ouzbékistan et le Kazakhstan vendentdu courant électrique aux pays situés en amont.En échange, ces derniers devaient leur fournir del’eau en suffisance. «L’idée était bonne au départ,mais l’accord n’a pas pu être respecté », relève Benjamin Pohl. Les parties n’ont pas été en me-sure de tenir leurs engagements, en raison de ca-pacités limitées notamment. «La confiance des unset des autres s’est érodée. On n’a pas réglé l’affaireet les problèmes transfrontaliers ont commencé. »

Des signes encourageantsUne exploitation peu efficace, des besoins parfoiscontradictoires, de fortes interdépendances ainsiqu’une volonté de privilégier les projets natio-naux, telle est la situation actuelle dépeinte parBenjamin Pohl. « Si cette évolution se poursuit,les coûts comme les risques s’accroîtront pour tousles États concernés », avertit le chercheur. Selonle scénario le plus pessimiste, un manque de co-opération, associé à d’autres facteurs, pourrait entraîner des conflits, voire l’effondrement decertains pays.

Le Kazakhstan et l’Ouzbékistan connaissent la situation inverse. Riverains de la mer d’Aral qui se déssèche, ils sontpauvres en eau, mais riches en pétrole et en gaz.

Des lueurs d’espoir existent néanmoins. La régiona été capable d’éviter tout conflit majeur jusqu’ici.Certaines tendances positives se dessinent. «On as-siste régulièrement à des tentatives de coopérationprometteuses, même au plus haut niveau poli-tique, comme l’an passé », se félicite BenjaminPohl. La coopération ne doit pas s’instaurer né-cessairement à un échelon régional élevé, conclutnotamment l’étude. «Une collaboration techniqueet administrative au niveau local et bilatéral peutconstituer un début », souligne le chercheur. «Laconfiance ainsi rétablie permet d’améliorer égale-ment les institutions régionales. » ■

(De l’allemand)

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(cz) La mer Morte n’en finit pas de mourir. An-née après année, son littoral recule d’un mètre etdemi, alors que l’apport du Jourdain a diminué de 90% au cours des 60 dernières années. Unechute due aux prélèvements effectués par Israël,qui tire du fleuve l’essentiel de son eau potable,mais également à ceux des autres États riverains(Liban, Syrie et Jordanie). Elle se traduit, dans cette région aride, par une situation de pénurie aiguë. Le Moyen-Orient est englué dans une véritable crise de l’eau.

Des pertes de 12 milliards de dollarsUn classement établi par l’Institut des ressourcesmondiales, laboratoire d’idées indépendant basé àWashington, place la Palestine, Israël, l’Iran, le Li-ban et la Jordanie parmi les quinze pays les plusdurement touchés par le déficit d’eau à l’horizon2040. Cette insuffisance peut constituer une nou-velle source de conflit dans cette région déjà in-stable.

En 2008 déjà, le Strategic Foresight Group (SFG)avait, à l’initiative de la Suisse, publié une étudedétaillant le coût des conflits au Moyen-Orient entermes économiques, militaires et politiques. Si lapaix avait été rétablie après 1991, la région auraitbénéficié de quelque 12 milliards de dollars sup-plémentaires près de 20 ans plus tard. Autre point:la sécheresse pourrait rendre les futurs conflitsplus dévastateurs encore. Sur la base de ce constat, la DDC, en associationavec la Division Sécurité humaine du DFAE, alancé l’initiative «Blue Peace Middle East ». LaSuisse a également financé une deuxième étudedu SFG. Celle-ci formule dix recommandationsà court, moyen ou long terme pour gérer la crisede l’eau dans cette région. « Il existait déjà des coopérations dans ce domaine », indique MarioCarera, qui a accompagné le projet en tant quecollaborateur, puis comme consultant externe.«La nouveauté est que nous souhaitions une co-opération pas seulement technique, mais aussi

Conflit en Syrie : uneguerre de l’eau?On ne peut pas affirmeravec certitude l’existencede guerres de l’eau. Uneévidence : l’eau joue unrôle toujours plus impor-tant dans les conflits, quece soit au sein d’un mêmeÉtat ou entre deux ou plusieurs pays. La guerrecivile en Syrie en est unexemple probant. Entre2005 et 2010, une gravesécheresse a conduit plusd’un million de famillespaysannes à la ruine. Descentaines de milliers depersonnes ont perdu leursmoyens de subsistance etont dû se réfugier dans lescentres urbains pour pou-voir survivre. Cette cata-strophe a participé audéclenchement des mani-festations antigouverne-mentales, qui ont débou-ché sur la guerre civile. Leprésident Bachar el-Assadavait réduit les subventionsaux aliments et aux combustibles, aggravantencore la situation despersonnes déplacées.

La crise de l’eau au Moyen-OrientPeu de régions du monde ont été autant déchirées par les conflits ces dernières années que le Moyen-Orient. L’eau yconstitue un défi majeur, mais également une chance de renforcer la coopération. Autant de raisons pour lesquelles laSuisse a lancé l’initiative «Blue Peace Middle East ».

La mer Morte se meurt. Chaque année, son niveau diminue en raison de la surexploitation de son principal affluent, le Jourdain.

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politique.» L’objectif était donc double. Il s’agis-sait de mettre sur pied un Conseil de coopérationrégional de haut niveau pour l’eau, chargé de dé-velopper une vision commune et des instrumentsconcrets pour sa mise en œuvre. Il fallait aussi sen-sibiliser les acteurs sur le terrain et leur apporterun soutien concret. À l’origine, sept pays ont prispart au projet: la Turquie, le Liban, la Syrie, la Jor-danie, Israël et la Palestine. Ces deux derniers enont rapidement été exclus, en raison du conflit quiles oppose. En Syrie, les activités ont été réduitesau minimum à cause de la guerre civile.

Succès et échecsSept ans après le lancement de l’initiative, il esttemps de tirer un bilan intermédiaire. La publica-tion de plus de 500 articles à travers les journauxa permis de toucher une large part de la popula-tion dans la région et de sensibiliser le public à lanécessité de collaborer autour de l’eau. La co-opération dans le bassin de l’Oronte s’est égale-ment améliorée. Les réunions entre experts, po-litiques et représentants des médias des paysconcernés ont permis de jeter les bases d’une com-munauté «Blue Peace ». Le principal objectif, quiconsiste à établir un Conseil de coopération auplus haut niveau politique, n’a toutefois pas en-core été atteint. « Les conflits qui sévissent dans larégion ont freiné notre progression », déplore Mario Carera. «Nous ne relâchons pas nos effortspour autant. Sans infrastructure suprarégionalechapeautant la coopération, le risque est grandd’en rester au stade des belles paroles. » Les ren-contres ont permis l’émergence d’une culturecommune, porteuse d’espoir, souligne le consul-tant. Au niveau bilatéral également, une embelliese dessine: des experts de l’eau israéliens et pales-

Une lueur d’espoir : la Turquie et l’Irak ont renforcé leur coopération bilatérale pour gérer les eaux du Tigre. Il en va deleur avenir hydraulique.

tiniens ont repris le dialogue, tandis que la Tur-quie et l’Irak ont renforcé leur coopération pourgérer les eaux du Tigre.

Un moyen de pressionLa troisième phase du projet de la DDC et de laDSH court jusqu’à fin 2018. Outre la mise surpied d’un Conseil de coopération suprarégional,divers projets concrets dans les bassins versants duTigre et du Yarmouk doivent être mis en œuvre.Si les objectifs sont ambitieux, les difficultés de-meurent identiques. «Nous faisons face à des pays qui insistent sur le respect de leur souveraineté », relève Mario Carera. L’eau, dans la région, constitue bien souvent un moyen de pression politique. «Celacomplique la mise en place d’une coopération interétatique. » Trouver une solution lors d’unerencontre reste facile: le vrai défi consiste à l’in-tégrer dans la politique de chaque pays, expliqueMario Carera.Les collaborations réussies, comme celle menéeautour du fleuve Sénégal, peuvent servir d’exempleà cet égard. «Les intéressés voient ainsi combienla coopération régionale profite à toutes les partiesen présence. » Il leur arrive de se poser la questionsuivante : «S’ils y arrivent en Afrique occidentale,pourquoi pas nous ? » ■

(De l’allemand)

Engagement au Moyen-OrientL’engagement de la DDCau Moyen-Orient se concentre sur la Syrie, le Liban, la Jordanie etl’Irak. En Syrie, plus de 13 millions de personnes dé-pendent de l’aide humani-taire. Les pays voisins, quiaccueillent de nombreuxréfugiés syriens, sup-portent une charge tou-jours plus lourde. Le prin-cipal objectif de la Suisseest d’assurer des condi-tions de vie sûres aux populations vulnérables,touchées par les conflits,de résoudre et de prévenirceux-ci. La DDC apporteun soutien financier et ennature aux organisationsd’aide au développement.Elle mène également sespropres projets, dépêchedes experts du Corpssuisse d’aide humanitaireet promeut la coordinationinternationale et la diplo-matie humanitaire.

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Faits et chiffres

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Autres chiffres clés• D’ici à 2050, 4 milliards d’êtres humains pourraient vivre

dans des régions touchées par les pénuries d’eau. • À l’échelle mondiale, les ménages ne consomment que 8%

de l’eau potable. 22% sont destinés à la production industrielle et 70% à l’agriculture. Plus le revenu par habitantd’un pays est élevé, plus la quantité d’eau potable acca-parée par l’industrie se révèle importante. Alors que les pays défavorisés n’utilisent que 10% de leur eau pour la production industrielle, cette part peut grimper à 60% dans les États les plus riches.

• Le Programme global Eau de la DDC coordonne près de 40 projets et initiatives à un niveau bilatéral ou multilatéral.

• Entre 2013 et 2016, la DDC a investi 327,7 millions de francsdans le secteur de l’eau.

Conflits liés à l’eauLe Global Risks Report du Forum économique mondial (WEF)présente, chaque année, le classement établi par plusieurscentaines d’experts des principaux risques pesant sur la planète.Depuis 2012, les crises liées à l’eau y figurent en tête. «Lestensions entre zones rurales et urbaines, ainsi qu’entre régionsriches et pauvres vont s’aggraver», estiment les auteurs du

rapport. Les moyens pour y faire face sont limités. Quelque 60% des cours d’eau transfrontaliers ne possèdentpas d’infrastructure favorisant la coopération.

Sources et liens • ONU-Eau : Faits sur l’eau, www.unwater.org �• Unesco : L’eau pour les hommes, l’eau pour la vie : Rapport

mondial sur la mise en valeur des ressources en eau, http ://unesdoc.unesco.org

• WEF: «Global Risks Report 2017», http ://reports.weforum.org• Pacific Institute : The World’s Water, www.worldwater.org

Citation«Le risque d’un conflit lié à l’eau augmente:

en raison d’une concurrence accrue,

d’une mauvaise gestion et des conséquences

du changement climatique. »

Peter Gleick, expert en sciences de l’environne-

ment et président du Pacific Institute, un centre

de recherche basé en Californie

2,7 milliardsde personnes manquent d’eau au minimum un mois par an.

97%de l’eau sur terre se présente sous forme d’eau salée et n’est donc pas potable. Sur les 3% restants, 2,5% sont emprisonnés dans les glaciers, ainsique dans les glaces de l’Arctique et de l’Antarctique. L’eau douce disponiblereprésente, par conséquent, à peine 0,5% du total.

10 millions de km3

La part la plus importante de l’eau potable disponible dans le monde setrouve dans les nappes souterraines (10 millions de km3). Viennent ensuiteles précipitations tombant sur la terre ferme (119000 km3), les lacs naturels(91000 km3), les réservoirs (5000 km3) et les cours d’eau (2120 km3).

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En Bosnie et Herzégovine, la frontière peut cou-per un bâtiment en deux. C’est le cas du lycée deTravnik, au centre de la Bosnie. Son aile droite estrénovée et peinte en bleu ciel. L’aile gauche estjaune, le crépi s’effrite et le rez-de-chaussée est en-tièrement couvert de graffitis. «Le pire, c’est toutde même cela », s’exclame Jasmin Alibegovic, endésignant la barrière qui sépare les deux parties dela cour de l'établissement.«Deux écoles sous un même toit », telle était l’idéeinitiale. Le concept ne fait, pourtant, que diviserdavantage : l’aile gauche, toute décrépie, est réser-vée aux Bosniaques, qui sont musulmans ; l’ailedroite aux Croates, catholiques. L’institution a nonseulement deux entrées, mais aussi deux pro-grammes d’études qui interprètent différementl'identité et l’histoire nationales selon le groupeethnique auquel ils s’adressent. Les cours ne com-mencent pas à la même heure et les récréations sontégalement décalées.

Un pays, trois peuplesJasmin Alibegovic se fiche de tout cela. Il n’est pas

Des jeunes Bosniens bavardent sur les hauteurs de Sarajevo. Dans leur catégorie d’âge, le taux de chômage culmine à 70%.

possible, d’après lui, de distinguer Bosniaques etCroates. Même leurs langues sont quasi identiques.Pourtant, les citoyens de Bosnie et Herzégovines’identifient d’emblée par leur appartenance à l’undes trois groupes ethniques (Bosniaques, Serbes etCroates). Ce principe dérange le jeune homme de18 ans. Assis devant un verre de limonade au café,il passe son bras autour des épaules de son ami Vedran Škobic : « Je ne comprends pas pourquoitu te dis Croate seulement parce que tu es catho-lique. Nous sommes tous des Bosniens ! » «Ce n’estpas si simple », rétorque Vedran en riant. Il est vrai que les choses sont loin d'être simples enBosnie et Herzégovine. Les divisions sont le ré-sultat d’une guerre qui a coûté la vie à quelque 100000 personnes et déplacé plus de la moitié dela population. Même si ces événements remontentà plus de vingt ans, les clivages ethniques dé-chirent toujours le pays. Selon sa Constitution, laBosnie et Herzégovine est formée de trois peupleset compte trois langues : le bosniaque, le croate etle serbe. Tout un chacun a droit à l’enseignementdans sa langue. La majorité bosniaque et les Croates

Les divisions plombent l’avenir de la Bosnie et Herzégovine

Un taux de chômage astronomique, des tensions ethniques et des réformes qui se font attendre privent de perspectivesles jeunes du pays. Beaucoup tournent le dos à leur patrie etrares sont ceux qui reviennent après un séjour à l'étranger. De Dirk Auer, à Sarajevo*.

Un système politiquecomplexeLes accords de Dayton,qui ont mis fin à la guerreen Bosnie et Herzégovineen 1995, n’étaient pas unsimple traité de paix. Lesmédiateurs internationauxy ont aussi défini les struc-tures du futur État. Alorsque le projet paraissaitprometteur sur le papier(décentralisation et réparti-tion du pouvoir entre lesgroupes ethniques), il a, enréalité, donné naissanceau système politique leplus complexe du monde :trois présidents, deux ent-ités, quatorze cantons,seize gouvernements etplus de 160 ministres. Desstructures non seulementabsurdes, mais égalementonéreuses. Garantissantdes quotas stricts à tousles niveaux et accordantun droit de veto à chaquegroupe ethnique, laConstitution bosnienne a,en fait, institutionnalisé lesclivages ethniques. Ce régime fait le lit des partisnationalistes qui façonnentaujourd’hui encore le pay-sage politique.

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vivent au sein de la Fédération de Bosnie et Her-zégovine. Les Serbes constituent la RepublikaSrpska.Jasmin n’a aucune envie de s’immiscer dans cesquerelles identitaires. Comme s’il n’y a avait pasassez d’autres problèmes, lance-t-il. Le taux dechômage bat des records, frisant les 50% d’après leschiffres officiels. Il tutoie même les 70% chez lesjeunes. Même avec un emploi, les fins de mois sont

La Bosnie etHerzégovine en bref

CapitaleSarajevo

Superficie51 197 km2

Population3,5 millions d’habitants

Espérance de vie76 ans

Ethnies et religionsBosniaques (musulmans) :50,1% Serbes (orthodoxes serbes) : 30,8% Croates (catholiques) : 15,4%

ExportationsMétaux et produits métall-urgiques, textiles, minerais,bois et meubles.

ÉconomieLes secteurs clés sontceux de l’énergie et de lamétallurgie. L’agriculturecontinue de jouer un rôleimportant, contribuant àhauteur de 9% au produitintérieur brut (PIB).L’argent envoyé par lesémigrés constitue égale-ment une part substantielledu PIB (plus de 15% en2015).

difficiles. Le salaire moyen atteint 400 euros. Lacorruption est quotidienne et omniprésente. Demême que le clientélisme et le copinage.

Très peu de retoursRien d'étonnant, dans ce contexte, que les jeunesaspirent à quitter le pays. Ils sont des dizaines demilliers à partir chaque année (sur une populationavoisinant les 3,5 millions d'habitants). Ceux quibénéficient d’une bonne formation sont les pre-miers à rêver d’un avenir meilleur à l’étranger. Jasmin et Verdan s’en iront bientôt eux aussi. Tousdeux fréquentent une école supérieure de soins desanté à Travnik, car ils savent que le personnel mé-dical spécialisé est très demandé en Europe occi-dentale. L’espoir que les émigrants rentreront un jour enBosnie et Herzégovine et feront profiter le pays deleur expérience ne s’est jusqu'ici jamais concrétisé.Ines Tanovic compte parmi les rares exceptions.Attablée dans un café de Sarajevo, la jeune femmetoute menue commande un expresso. Originairede Mostar, elle a étudié l’histoire de l’art à Bu-

Trois peuples, trois langues, trois dirigeants à la tête du pays : la Bosnie et Herzégovine possède l’un des systèmes politiques les plus complexes du monde.

nouveau les touristes. Les boutiques d’artisanat etles cafés se succèdent à nouveau le long des rues.La cité possède une scène culturelle dynamique etles trois années de siège durant le conflit paraissentbien loin. Lorsqu'elle parle de destruction généra-lisée, Ines ne fait pas allusion aux traces que les gre-nades ont laissées sur les murs des maisons et quisubsistent encore par endroits, comme dans lesquartiers périphériques. Les séquelles de la guerrerestent ancrées, dans les esprits surtout. Une pro-fonde apathie règne partout, relève Ines.

De vaines protestationsLe pays a néanmoins connu une agitation que nuln’aurait prédit. Voici trois ans, la population a sou-dain déferlé dans la rue, laissant éclater une colèredepuis longtemps contenue. Tout a commencé àTuzla, ville industrielle naguère prospère. Au-jourd’hui, plus de la moitié de ses habitants sontsans emploi. Des semaines durant, les ouvriers del’usine de détergents Dita ont fait le pied de gruedevant le siège du gouvernement cantonal afind’obtenir un entretien avec les dirigeants. Leur de-

dapest et à Zagreb. Elle est ensuite revenue en Bosnie pour travailler au service de presse du Festival du film de Sarajevo. «Au début, je vivaiscomme dans une bulle, dans mon petit monde àmoi. Je niais tout bonnement la réalité qui m’en-tourait », raconte-t-elle.Mener une telle existence est somme toute assezfacile, du moins dans la capitale. Il y a longtempsque la vieille ville ottomane de Sarajevo attire à

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Monténégro

Slovénie

Albanie

Serbie

Italie

Mer Adriatique

Croatie

Sarajevo

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Le siège du gouvernement cantonal, à Sarajevo, a été incendié en février 2014. Par milliers, les Bosniens ont fait éclaterleur colère dans la rue contre la politique du gouvernement.

mande est demeurée vaine jusqu’à ce que d’autrestravailleurs et chômeurs, des retraités, des étudiantsainsi que des invalides de guerre leur apportent unsoutien inattendu. Descendus par milliers dans larue, les manifestants ont investi les bâtiments gou-vernementaux avant d’y bouter le feu. Ce fut ledébut d’une vague de protestation qui a gagnépresque toutes les grandes villes de Bosnie.Ines se souvient à quel point elle était galvanisée :des gens se révoltaient enfin. «Nous avons ressen-ti l’impatience de la foule assoiffée de changementet ivre de colère. » C’était aussi la première fois quedes protestations ne se réclamaient pas d’un quel-conque nationalisme. «Dès le départ, les revendi-cations étaient de nature sociale », se rappelle Ines.Bosniaques, Serbes et Croates sont égaux face à la pauvreté et au chômage. «Quelle que soit notrelangue, nous avons faim», affirmait l’un des slogans.L’on a alors évoqué un réveil démocratique, voireun «printemps bosnien ».Le mouvement a, cependant, fini par s’essouffler.Six mois plus tard, les élections ont porté les mêmespartis et les mêmes ténors au pouvoir. La popula-tion retrouvait, elle, son humeur d’alors : apathieet pessimisme. «La stabilité est à nouveau de re-tour », souligne cyniquement Ines. Elle est, certes,très chère aux yeux des politiciens européens, maisne change pas les choses, déplore la jeune femme.

Des réformes urgentes et nécessairesMême les analystes et les organisations internatio-nales se creusent la tête de longue date pour ten-ter de sortir de l’impasse politique. Chaque année,ils produisent des dizaines de rapports et leurs discussions internes deviennent toujours plus cy-niques. L’origine des problèmes est connue: un ap-

pareil étatique surdimensionné et dysfonctionnel,qui a institutionnalisé les clivages ethniques à tousles niveaux. Aucun acteur ne peut ou ne veut entreprendre d’urgentes réformes. «Celles-ci nepeuvent pas venir de l’intérieur», observe Kurt Bassuener du Democratization Policy Council : lespoliticiens locaux profitent trop du système en place. L’analyste demande, depuis des années déjà,une intervention décisive de l’Union européenne(UE). En vain jusqu’ici. Face aux multiples crisesà travers le monde, Bruxelles se réjouit du calmequi règne en Bosnie. L’UE «confond calme et vraiestabilité », critique Kurt Bassuener.En attendant, la Bosnie et Herzégovine se vide deses habitants. Jasmin Alibegovic a dû réfléchir unbon moment avant de trouver une seule raison derester au pays. Il aime sa patrie, mais n’y entrevoittout simplement aucune perspective d’avenir.«Même si nous nous comprenons dans l’ensembleassez bien au quotidien, le nationalisme politiquene cesse de se renforcer. » Son ami croate, VedranŠkobic, opine du chef. Jasmin et lui ont pris leurdécision : ils commenceront bientôt une nouvellevie en Allemagne. ■

(De l’allemand)

* Dirk Auer est journaliste indépendant. Basé à Belgrade, il couvre les pays du sud-est de l’Europe.

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Voilà bientôt une année que mon mari et moi vi-vons à Sarajevo, avec les deux chiens « loués » enmême temps que la maison et son grand verger.Sarajevo est une ville fascinante, chargée d’his-toire et marquée par diverses cultures. En Bosnieet Herzégovine, les traces de la dernière guerre sontomniprésentes et la société reste déchirée. Le sys-tème politique est l’un des plus compliqués dumonde. Le pays est partagé en deux entités : la Fé-dération de Bosnie et Herzégovine et la Republi-ka Srpska. S’y ajoute le district de Brcko. Les troisprincipaux groupes ethniques – les Bosniaquesmusulmans, les Serbes orthodoxes et les Croatescatholiques – possèdent chacun un représentant ausein du collège présidentiel. Les minorités, tellesque les Roms et les Juifs, en sont exclues. LaConstitution mériterait depuis longtemps d’être révisée, mais la volonté politique fait défaut.

La complexité du régime affecte notre travail quotidien. Nous faisons beaucoup de choses deux, voire trois fois. Je dois, par exemple, entretenir descontacts avec le ministre de la Santé de la Fédéra-

Ouvrir des perspectivespolitiques, écono-miques et socialesEn 1995, les accords deDayton ont mis fin à laguerre de Bosnie. Sur lesplans politique et ethnique,la Bosnie et Herzégovinereste néanmoins fragile.La Suisse entend ouvrirdes perspectives poli-tiques, économiques etsociales à ses habitants etsoutenir le pays dans sesefforts d’intégration eu-ropéenne. Les projetssont principalement finan-cés par la DDC et le Seco,mais le Secrétariat d’Étataux migrations est égale-ment actif dans le pays.Après l’UE, les États-Uniset l’Allemagne, la Suisse figure aujourd’hui au qua-trième rang mondial desdonateurs. Son pro-gramme, axé essentielle-ment sur la gouvernancedémocratique, la santé,l’économie, l’emploi et la migration, lui vaut uneexcellente réputation.

tion à Sarajevo, aussi bien qu’avec celui de la Re-publika Srpska à Banja Luka. Nous menons tou-jours nos projets dans l’ensemble des régions, es-pérant rassembler les membres de tous les groupesethniques.

Nous collaborons avec la moitié des communes enBosnie et Herzégovine. Grâce à une planificationefficace et proche des citoyens, celles-ci sont par-venues à réunir quelque 50 millions de francs sup-plémentaires ces dernières années et à les investirdans des projets d’infrastructures majeurs.

Le chômage est très élevé parmi les jeunes. Si beau-coup souhaitent rester dans leur pays, ils n’y en-

«En raison de leuridentité, beaucoup degens n’ont pas accès

à certaines prestations,à des débouchés pro-

fessionnels ou auxprocessus politiques. »

trevoient aucune perspective d’avenir. Nous les ai-dons à améliorer leurs qualifications et leurs com-pétences, afin d’accroître leurs chances sur le mar-ché de l’emploi. Les échanges qui m’ont le plus ins-pirée jusqu’ici, je les ai eus avec des jeunes hommesqui s’efforcent de briser les stéréotypes sexistes ets’opposent à la violence envers les femmes. Ceshommes, dont beaucoup étaient concernés par laviolence et la drogue, ont évolué. Ils se sont remisen question et ont fait preuve d’initiative. Nousvoulons dénicher ces « acteurs du changement» quis’engagent en faveur de progrès concrets, afin deles soutenir et de les encourager.

J’accorde personnellement une grande importanceà la lutte contre la pauvreté et les inégalités. En raison de leur identité, beaucoup de gens n’ont pasaccès à certaines prestations, à des débouchés pro-fessionnels ou aux processus politiques. Il s’agit desminorités comme les Roms, les femmes des cam-pagnes, les personnes âgées, les personnes en si-tuation de handicap ou les jeunes demandeursd’emploi, tous dépourvus d’un réseau de relations.En collaboration avec le Programme des NationsUnies pour le développement, nous préparons,pour le rapport national 2018 sur le développementhumain, des recommandations pratiques destinéesaux décideurs. Je suis persuadée que la Bosnie et Herzégovine recèle un grand potentiel, mais qu’elle ne pourra progresser que si tous tirent à lamême corde. C’est à cela que je travaille au quo-tidien. ■

(Propos recueillis par Jens Lundsgaard-Hansen ; de l’allemand)

Sur le terrain avec…Barbara Dätwyler Scheuer, cheffe de mission suppléante et responsable de la coopération suisse en Bosnie et Herzégovine

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Depuis la fenêtre de mon appartement à Sarajevo,je vois le bâtiment du Tribunal de la Bosnie et Her-zégovine, où travaille ma sœur. Quoique traduc-trice et professeur d’anglais de formation, elle estactuellement cheffe du personnel d’une institutionqui statue encore, 20 ans après le conflit, sur le sortdes criminels de guerre. Adolescente, je comptais,pour ma part, ne jamais travailler dans une école.Aujourd’hui, je dirige une association qui gère uneécole de langues et avoue avoir plus de plaisir à enseigner qu’à accomplir des tâches telles que la gestion, la comptabilité, la relecture oules travaux de recherche.

Il y a dix jours, notre association, quipromeut l’apprentissage des langues, aemménagé dans de nouveaux locaux :un bel appartement plus spacieux etplus clair. En tant qu’organisation à butnon lucratif, elle est autorisée à s’ins-taller dans un appartement au loyer plus abordable. L’on ne cesse de me demander pourquoi nous n’avons pasemménagé dans le centre, puisque c’estlà que tout se passe. Et je réponds inva-riablement : justement pour cette raison.

Dans le cadre de nos cours de bos-niaque, croate et serbe comme languesétrangères, quand nous lisons un textepublicitaire sur la Bosnie et Herzégo-vine tiré d’une brochure touristique,nous le comparons toujours à un texteantipublicitaire. Si quelqu’un se décideà apprendre «notre » langue, il doit ces-ser de raisonner comme un touriste :c’est un premier point. Par ces lignes,je ne vous emmène d’ailleurs pas dansle centre historique de Bašcaršija, maisdans le quartier d’Otoka. Celui-ci setrouve à mi-chemin entre le centre et les confinsde la ville. D’un point de vue géographique, lecentre-ville de Sarajevo se trouve à sa périphérie et

Carte postale alternative de Sarajevomon quartier résidentiel est, en réalité, situé au cœurde la cité. Otoka est connu pour son centre com-mercial au marché couvert. Au prix d’une poignéede framboises en Suisse, on peut en acheter deuxkilos ici pendant la saison. Il en va de même pourles mûres, les myrtilles et les fraises. Cela dit, la sai-son s’étire de plus en plus et les prix ne cessentd’augmenter, alors que le parfum et la saveur desfruits s’estompent. C’est ainsi que l’on se rapprochedes réalités européennes.

Au marché, j’achète mes produits tou-jours chez la même commerçante.Aussi, je suis sûre, une fois arrivée à lamaison, de ne pas découvrir de fruitsgâtés dans le sachet en papier. Ce der-nier est lui-même emballé dans un sacplastique. J’ai tout essayé pour qu’ellen’ajoute plus ce sac-là : « Merci, ce n’estpas la peine... », « J’ai un sac en tissu,merci... », « Vous pouvez tout mettreensemble... ». Rien à faire. Impertur-bable, elle me répond : « C’est bon. »

De quoi un non-touriste peut-il avoirbesoin à Sarajevo ? D’une bonne bou-langerie ? Il y en a une entre le marchéet les grandes tours. Je leur ai appris àne pas couper ma baguette en deux :ce n’est pas un poireau ! Une poisson-nerie ? Juste en face du marché. Pen-dant qu’on y vide mon poisson, j’a-chète des pommes de terre et desbettes. Un peu plus loin, on trouve unbistro, une pizzeria, un restaurant quisert des cevapcici (rouleaux de viandehachés et grillés) et une pâtisserie. Àune centaine de mètres de l’école, uncasino et un pont.

De l’autre côté du pont, s’arrête le tram qui vousemmène au centre-ville en un quart d’heure, pour80 cents. Moi, je n’y vais que rarement : là où jevis, je trouve tout ce dont j’ai besoin.

Il y a un mois, lors d’un entretien de candidaturepour une bourse que le German Marshall Fund oc-troie à des dirigeants innovants, j’ai affirmé ceci : « Je n’aurais pas d’emploi si je ne me l’étais pas créé. » C’est vrai. Je fais ce pour quoi j’ai été for-mée, ce que j’aime. Et je vis pleinement les valeursque je défends : la vie est bien plus que ce que l’onvoit dans les publicités et les brochures touri-stiques. ■

(Du bosniaque)

Sandra Zlotrg vit et tra-

vaille à Sarajevo. Elle dirige

Lingvisti, une association

qui promeut l’apprentis-

sage des langues. Elle en-

seigne le bosniaque, le

croate et le serbe comme

langues étrangères. La

jeune femme a achevé ses

études de philosophie par

un travail sur le thème du

genre et du jargon, avant

de rédiger un manuel pour

un langage épicène au

Parlement. Elle apprécie le

vélo, le chocolat et aime

démontrer que les règles

grammaticales ont un sens.

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Une autre menaceAujourd’hui, la chenille lé-gionnaire d’automne, origi-naire des Amériques, ra-vage les champs de maïsen Afrique. Elle constitueune «menace majeure pourle commerce agricole mon-dial», selon une étude duCentre international pourl'agriculture et les bioscien-ces, organisation à but nonlucratif soutenue par laDDC. Cette larve dévoreprincipalement le maïs,mais peut manger « plus de100 espèces de plantes dif-férentes » comme le riz, lesorgho, la canne à sucre, la betterave, l'arachide, lesoja, le coton, le millet ouencore la pomme de terre,précise l'étude. « Il est évi-dent qu’elle se propagerasur l’ensemble du continentet mettra en danger l’agri-culture du pourtour médi-terranéen, voire à termecelle de l’Asie », indiqueGeorg Goergen, entomolo-giste à l’Institut internationald’agriculture tropicale. Lalutte biologique et l’emploide virus spécifiques sontdes pistes explorées pourcombattre le fléau.

(zs) La cochenille Paracoccus marginatus, insecte pa-rasite, apprécie les papayers au point de les dévo-rer. Elle se niche sous les feuilles jusqu’à épuiser nonseulement les arbres, mais aussi les producteurs. «Sirien n’est fait, votre champ est décimé en deux semaines : il devient blanchâtre et tous les fruitstombent les uns après les autres», témoigne ArmandAdeppo, de Zinvié, au sud du Bénin. Dans ce pays,ainsi qu’au Togo et au Ghana, la culture de la pa-paye représente un secteur important, employantquelque 45000 personnes. Hors de leur habitat d’origine, le Mexique, les co-chenilles du papayer se retrouvent sans ennemis na-turels et s’avèrent de grands destructeurs. Elles en-dommagent gravement la qualité des récoltes. Ducoup, tout dégringole : rendement, production etrevenus. Pour combattre l’invasion du ravageur,Armand Adeppo, comme bien d’autres produc-teurs, a arrosé ses plantations de pesticides. « J’uti-lisais de l’huile de neem et une substance chi-mique. Mais le résultat n’était pas satisfaisant. Enplus, j’ai dépensé toute ma recette pour acheter cesproduits. » Pire, ceux-ci ont nui à l’écosystème età la santé des travailleurs.

Mécanisme naturel plus efficaceLa DDC, en collaboration avec l’Institut interna-tional d’agriculture tropicale basé au Nigéria, a ré-paré les dégâts. Ses équipes ont introduit un enne-

mi naturel de la cochenille dans six pays (Ghana,Togo, Bénin, Nigéria, Cameroun et Gabon) :l’Acerophagus papayae, une micro-guêpe jaune auxyeux bleuâtres. «Elles sont venues voir et faire deslâchers de petites bêtes. Puis, tout devait se termi-ner. Comment croire à cela lorsqu’on a dépensédéjà toute sa fortune pour lutter contre cette co-chenille ? », se demandait Codjo Vodonou. Déses-péré, cet agriculteur de Zinvié était prêt à aban-donner ses terres pour « rejoindre le contingent dezémidjans (motos-taxis) à Cotonou». Six mois aprèsle lâcher de la micro-guêpe, les papayers étaient ànouveau verts et le Béninois a repris « la route dumarché». Dans son pays, la production s’est accrue de 76%entre 2012 (avant le démarrage du projet en 2013)et 2015 (une année après l’intervention du parasi-toïde). Au Togo et au Ghana, elle a grimpé res-pectivement de 43% et de 157%.Tous les acteurs de la chaîne ont ainsi retrouvé lesourire et vu leurs revenus s’étoffer. La populationse régale. Et l’environnement peut à nouveau respirer. Pour le préserver, la coopération suisse sensibilise les producteurs aux dangers liés à l’utili-sation de pesticides sur les ondes des radios ruraleset à travers des ateliers. Au niveau universitaire, dix-neuf formations contribuent à la pérennité duprojet. ■

La papaye sauvée par une petite guêpe

De nombreuses familles africaines productrices de papaye ontretrouvé une précieuse source de vitamines et de revenus grâce à la DDC. Une opération de lutte biologique a permisd’éradiquer les cochenilles qui envahissaient ce fruit.

Le producteur Codjo Vodonou a retrouvé le sourire : après une opération de lutte biologique contre les cochenilles, sespapayers sont à nouveau verts.

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(lb) Les enfants rentrent affamés de l’école. À lamaison, dans le Seeland bernois, ils sont accueillispar un agréable parfum oriental. Leur papa a pré-paré des légumes au curry accompagnés de riz bas-mati : un met qu’ils apprécient tout particulière-ment et qui fait également le bonheur de milliersd’agriculteurs indiens à plus de 7000 kilomètres de là. Le riz est arrivé sur leur table grâce à un projetd’Helvetas, soutenu par la DDC et Coop. Le granddistributeur achète et revend en Suisse le riz bio etécosolidaire cultivé par 4500 familles de petits paysans indiens. «C’est uniquement en collaborantavec le secteur privé qu’il est possible d’assurer auxpaysans l’accès au marché et de leur garantir un revenu stable », explique Felix Fellmann, de la Division Programme global Sécurité alimentaire de la DDC. C’est ce qui s’appelle un partenariatpublic-privé.

Réduire le gaspillage d’eauHelvetas a lancé, en 2015, des initiatives similairesau Kirghizstan, au Tadjikistan et au Pakistan. Lebut est d’améliorer l’utilisation et la productivitéde l’eau dans les cultures de riz et de coton, sur labase des principes des trois plates-formes pour ledéveloppement durable : le Water and Producti-vity Project (WAPRO). En Asie du Sud, près de70% de l’eau est utilisée pour irriguer les champs.Au centre du continent, cette proportion varie

même entre 85 et 97%. «C’est l’agriculture qui déterminera si, en 2050, l’humanité disposera desuffisamment d’eau pour assurer la sécurité ali-mentaire », affirme Stefanie Kägi, coresponsable deWAPRO. Les projets sont financés par la DDC et le secteurprivé. Ils reposent sur trois piliers : la formation despaysans pour soutenir une agriculture écologiqueet réduire l’utilisation d’eau grâce à une irrigationplus efficace; la sensibilisation des grandes entre-prises internationales afin qu’elles favorisent, au tra-vers d’incitations économiques, la production du-rable des petits paysans ; la collaboration avec lesautorités, le secteur privé et la société civile pourla promotion d’une politique de l’eau plus efficace.

Nouvelles méthodes d’irrigation Dans les rizières de la province pakistanaise duPunjab, Tehmina, 35 ans, et ses deux filles sontpenchées douze heures par jour sous le soleil brû-lant du mois de juillet pour planter des pousses deriz. « Il existe des méthodes plus efficientes pourcultiver cette céréale, réduisant l’impact environ-nemental et humain», indique Jens Soth, corespon-sable du projet d’Helvetas. En 2016, près de 45000 agriculteurs – dont 10%étaient des femmes – ont suivi une formation surles méthodes de culture modernes qui améliorentla productivité de l’eau, soit la production de rizet de coton par mètre cube d’eau utilisée. «Avant

L’efficacité hydrique pourcombattre la pauvreté L’eau est un bien toujours plus précieux, en particulier dansl’agriculture. En Asie centrale et du Sud, la DDC soutient desprojets qui visent une utilisation plus efficace de l’eau dans lesrizières et les cultures de coton. Les familles de petits paysanspeuvent ainsi compter sur un revenu stable.

De nouvelles techniques de production dans la province pakistanaise du Punjab : alors qu’un tracteur sème le riz sur lesol encore sec, un agriculteur compte le nombre de plants par mètre carré.

Trois plates-formespour le développementdurableLa Sustainable RicePlatform est une alliancemondiale qui a pour objectif de promouvoir l’utilisation efficace desressources et la durabilitédans la chaîne d’approvi-sionnement mondiale duriz. Elle regroupe des ONG,ainsi que des partenairesdu secteur public et privé. On y trouve, par exemple,Nestlé, Mars, Syngenta, le WWF ou FairtradeInternational. La BetterCotton Initiative est un organisme à but non lucratif qui entend réduirel’utilisation d’eau, de pesti-cides ou d’engrais chi-miques. Fondée en 2005,elle compte plus de 1000membres en provenancede 48 pays différents. LeWWF, Oxfam, IKEA etH&M notamment en fontpartie. L’Alliance for WaterStewardship est une ONGcréée en 2008. Elle a fixéun standard internationalet des indicateurs visant àaméliorer la durabilité so-ciale, environnementale etfinancière de l’utilisation del’eau douce.

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Cet agriculteur kirghize ajuste le volume d’eau pour son champ de coton. Une irrigation plus efficace lui garantit un revenu stable.

de niveler le sol avec un outil laser, j’avais besoinde quatre heures pour irriguer mes champs. Main-tenant, il m’en faut deux et demie seulement », ra-conte Saeed, un agriculteur du Punjab. «Nous nerepiquons plus le riz. Nous le semons directementdans le champ», explique Abdul Shakoor, un autrepaysan indien. «En plus de réduire les coûts etd’augmenter la productivité, cette méthode nem’oblige pas à travailler durant des heures avec lespieds dans l’eau. » La transmission des connaissances ne suffit, toute-fois, pas à impliquer un nombre élevé d’agricul-teurs. «Une incitation est nécessaire afin que lesnouvelles pratiques de culture soient appliquées àune large échelle », affirme Felix Fellmann. C’estici qu’intervient le secteur privé. Les cultivateursde coton ou de riz sont encouragés à adopter lesnouvelles méthodes de production biologique etd’irrigation grâce à une subvention directe. Uneplus faible utilisation d’eau ou de pesticides réduit,en outre, les coûts et accroît les recettes des pay-sans. Dans les champs expérimentaux du Kir-ghizstan, par exemple, les revenus des familles ontcrû de 30% par rapport à la culture du cotonconventionnel.

L’eau, un instrument de coopération En Inde et au Kirghizstan, l’accès au marché s’ef-fectue via les coopératives agricoles. Ce sont ellesqui reçoivent les primes pour la production éco-

solidaire. Ces dernières sont utilisées pour restau-rer les canaux d’irrigation ou acheter de nouvellesmachines. Les paysans connaissent désormais leursrevenus annuels, ce qui leur confère une certainesécurité. «Les familles en tirent de nombreux avan-tages », souligne Felix Fellmann. «En soutenant ceprojet, la DDC combat la pauvreté, facilite l’accèsà l’éducation ainsi qu’aux soins et favorise la pro-tection de l’environnement. » Mais pas seulement.La coopération helvétique lutte également contreles conflits. Elle encourage la paix et la stabilité politique, comme le prévoit l’Objectif 16 del’Agenda 2030 pour le développement durable. Le dernier pilier du projet WAPRO concerne lagouvernance de l’eau. À l’avenir, l’or bleu se sub-stituera au pétrole en tant que principal enjeu géopolitique mondial. Par le passé, les litiges rela-tifs à la gestion des ressources hydriques ont, parexemple, généré de graves tensions entre le Kir-ghizstan et le Tadjikistan. Forte de sa culture dudialogue et du compromis, la Suisse contribue àréduire les conflits. Elle promeut l’eau comme instrument de coopération et non de confronta-tion. ■

(De l’italien)

Collaboration avec lesecteur privéLa DDC ne parviendra àatteindre les Objectifs dedéveloppement durable del’Agenda 2030 qu’avec la participation active del’ensemble des acteurs –qu’ils soient privés ou pu-blics. Pour cette raison,elle développe de manièreciblée les partenariats public-privé et cherche descollaborations stratégiquesavec les entreprises, lesentrepreneurs sociaux, lesinvestisseurs à vocationsociale et les donateurs.La coopération suisse en-courage le dialogue avec lesecteur privé sur les que-stions liées au développe-ment durable. Elle travailleégalement avec des ac-teurs privés pour améliorerl’efficacité de ses projets.Ces alliances lui per-mettent d’accéder à denouvelles connaissances,de favoriser l’innovation et de mobiliser de nouvellesressources financières.

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Durée du projet : 2010-2017Volume: 12 millions de CHF

Doper l’agriculture palestinienne(bm) Le secteur agricoleconstitue l’un des piliers clésde l’économie palestinienne.Son potentiel de croissanceest important, mais reste insuf-fisamment exploité. En colla-boration avec le ministère del’agriculture, la DDC développele domaine agroalimentairedans la perspective d’unecroissance économique du-rable, profitant au bien-être dela population. La coopérationsuisse entend accroître les re-venus et la productivité agri-coles, en améliorant l’accèsaux marchés ainsi que la com-pétitivité des entreprises. Elleaidera également les coopéra-tives de femmes à identifier lesmarchés de niche et les atoutsqu’ils présentent.Durée du projet : 2017-2021Volume: 3 millions CHF

Honduras: l’eau, un élémentfédérateur(bm) En plus d’être aride, trèspauvre et vulnérable, la régiondu golfe de Fonseca, au suddu Honduras, est dotée destructures étatiques encorefaibles. Destinée à la consom-mation quotidienne et néces-saire à la production agricolelocale ou agro-industrielle,

Famine en Afrique et auYémen: aide accrue(ung) Depuis le début de l’an-née, la famine menace quelque20 millions de personnes auNigéria, en Somalie, auSoudan du Sud et au Yémen.Déjà active dans ces quatrepays, la DDC a débloqué 15millions de francs supplémen-taires pour y renforcer son en-gagement humanitaire. Depuisdes années, elle soutient desprojets sur place pour luttercontre l’insécurité alimentaire,améliorer les moyens de sub-sistance ainsi que l’accès àl’eau et protéger les civils. Lebudget total de l’assistancesuisse dans ces quatre Étatsse monte désormais à 63 mil-lions de francs cette année.Durée du projet : 2017Volume: 15 millions de CHF

Plus de 50 nouvelles écolesau Myanmar(ung) Le sud-est du Myanmarest, depuis plusieurs décen-nies, affecté par les violencesentre forces gouvernementaleset groupes armés ethniques.Depuis 2010, l’Aide humani-taire de la DDC y a construitplus de 50 écoles ainsi que 17 unités de santé. Elle a également réhabilité 80 autresinfrastructures, notamment des puits et des ponts, avec la participation des commu-nautés rurales.

l’eau y constitue un élémentfédérateur. Sur ce thème, laDDC compte rassembler au-tour d’une même table les acteurs étatiques et privés, lespetits agriculteurs, les repré-sentants des communes ainsique les grands entrepreneurs.L’objectif est d’améliorer laqualité et la pérennité de l’ap-provisionnement en eau, touten renforçant les structurescommunales. Parallèlement, lacoopération suisse mène unprocessus de négociation etde dialogue sur le terrain afinde prévenir les conflits.Durée du projet : 2017-2021Volume: 8 millions CHF

Croatie : encouragement à l’innovation(gur) La Croatie fait face à un taux de chômage élevé(12,8%), nettement supérieur à la moyenne de l’Union euro-péenne (8,2%). Pour endiguerle phénomène, la DDC, en col-laboration avec le Secrétariatd’État à la formation, à la re-cherche et à l’innovation, four-nit un appui aux PME du pays,importantes créatrices d’em-ploi. Elle participe au pro-gramme «Eurostars», qui viseà encourager l’innovation et àconsolider la compétitivité dusecteur privé. Cette initiativesoutient les PME européennesqui réalisent de forts investis-sements en recherche et déve-

loppement. De par sa partici-pation financière et son exper-tise, la Suisse contribue à laconcrétisation de projets dehaute volée. Ce coup de poucedevrait rendre la Croatie plusattrayante pour les investis-seurs.Durée du projet : 2017-2022Volume: 8 millions CHF

Kirghizistan: démocratiemieux soutenue(cek) Après une longue périodede turbulences politiques, leKirghizistan a approuvé, en2010, une nouvelle Constitu-tion, établissant la premièredémocratie parlementaired’Asie centrale. La mise enplace d’un nouveau systèmepolitique comporte des défisde taille. La DDC et le Pro-gramme des Nations Uniespour le développement sou-tiennent le pays dans cettevoie. Tous deux s’attachent àrenforcer les institutions démo-cratiques et à associer les citoyens aux processus poli-tiques pour leur donner lesmoyens de mieux défendreleurs intérêts. Une améliorationdu contrôle des activités gouvernementales par leParlement devra permettre degarantir des services publicsefficaces pour tous.Durée du projet : 2017-2021Volume: 3,8 millions CHF

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L’industrie 4.0, une chancepour les pays défavorisés? Les plates-formes numériques, les capteurs et les robots de la4e révolution industrielle façonnent un monde nouveau, dont lescontours restent abstraits. Que deviendront les pays en déve-loppement face à cette transition? Suivront-ils le mouvementou perdront-ils du terrain? De Jens Lundsgaard-Hansen.

«L’évolution technologique la plus rapide de l’his-toire de l’humanité » : tels sont les termes employéspar une étude conjointe de l’Université Colum-bia et d’Ericsson pour qualifier le boom d’Inter-net, de l’informatique, des smartphones, des ré-seaux sociaux et des imprimantes 3D. Le numé-rique ne cesse, en effet, de progresser : la 4e révo-lution industrielle (ou « industrie 4.0 ») est enmarche et annonce un monde nouveau.Peu s’attendent à un avenir meilleur. CamilleZimmermann, directeur et futurologue chez Tren-done, évoque une peur du changement face auxprogrès technologiques en Suisse, bien que celle-ci occupe une place de choix dans le domaine.« Innovante, la Suisse est une société du savoir. Latendance à la délocalisation diminuera, car l’in-dustrie 4.0 ne repose pas sur une main-d’œuvrebon marché, mais sur des connaissances existantesici. » La 4e révolution industrielle offrira-t-elle unnouveau souffle à l’économie helvétique ? Nul nesaurait l’affirmer.

L’accès à Internet: une priorité Qu’en est-il des pays en développement ? Sauront-ils prendre le train en marche et rattraper leur re-tard ? Ou perdront-ils encore du terrain ? SelonAndrina Beuggert, jeune experte suisse du déve-loppement et de l’innovation, « les systèmes depaiement électronique et les conseils en matièrede santé et d’agriculture prodigués via les télé-phones portables offrent de nouvelles chances auxhabitants des zones rurales en Afrique ».Dans les pays en développement, les gens ont da-vantage accès aux téléphones mobiles qu’à l’élec-tricité et à l’eau potable. La fracture numériquedemeure néanmoins profonde, d’après les experts.Selon le rapport 2016 de la Banque mondiale surle développement, les «dividendes du numérique»sont inégalement répartis. Les technologies del’information et de la communication (TIC)constituent l’un des principaux instruments pourréaliser les objectifs de l’Agenda 2030 de l’ONU.Tout être humain devrait donc bénéficier d’un

À Nairobi, capitale du Kenya, des dizaines de milliers de passagers consultent, chaque jour, les horaires des transportspublics et achètent leur billet sur leur smartphone.

Les révolutions industriellesLe développement de l’industrie compte quatrephases, qui ont fortementaccéléré l’essor écono-mique. 1re révolution (vers 1800) :mécanisation du travailgrâce à la force hydrau-lique et à la vapeur, mé-tiers à tisser mécaniques.2e révolution (vers 1900) :automatisation et avène-ment de l’électricité, pre-mières chaînes de produc-tion.3e révolution (vers 1970) :large utilisation de l’élec-tronique, de l’informatiqueet des ordinateurs.4e révolution (aujourd’hui) :le numérique. Individus et machines sont inter-connectés. Des capteurs communiquent par Internet.De nouveaux services etprocessus de production(robots, imprimantes 3D)émergent. Le réseau àhaut débit est fiable (3G et 4G, 5G en préparation)et conditionne l’accès à Internet via les smart-phones – un élément crucial pour les pays endéveloppement.

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accès à Internet à haut débit. Quelque 4 milliardsde personnes l’attendent.

Saut technologique De nombreux pays en développement qui n’ontpas connu les révolutions industrielles précédentessouhaitent entrer directement dans la quatrième.Via son programme «Vision 2020 », le Rwandas’est fixé pour objectif de « transformer une sociétéagraire en une société de l’information et de laconnaissance ». Le petit État africain mise, avec uncertain succès, sur Internet, les ordinateurs à l’é-cole et les dossiers médicaux électroniques. ElvisMelia, expert à l’Institut allemand de politique du développement, confirme: «Sautant souvent l’étape de technologies plus anciennes, les pays en développement adoptent directement les plusrécentes.»L’Inde progresse aussi à marche forcée vers la digitalisation. « Elle jouera un rôle de leader mondial dans la révolution numérique », relèveThomas Schneider, ambassadeur et vice-directeurde l’Office fédéral de la communication, qui re-présente la Suisse au sein d’organisations telles quel’Union internationale des télécommunications.Et de poursuivre : «La stratégie “Digital India” viseen particulier les plus démunis. Internet doit per-mettre à tous les citoyens de régler leurs affairesadministratives en ligne, mais aussi promouvoirl’égalité et démanteler les barrières physiques. »Pour faciliter l’accès à tous, le réseau doit propo-

ser des services en langue locale. Les conclusionsdu Forum économique mondial (WEF) surl’Afrique 2016 sont claires également : si ce conti-nent ne peut certes pas se lancer dans les nouvellestechnologies avec autant de moyens que d’autres,il doit néanmoins se résoudre à investir rapidementdans son avenir numérique.

D’innombrables obstaclesLes pays en développement sont-ils donc sur labonne voie pour améliorer leur position face auxpays émergents et industrialisés ? Malgré des signesencourageants, de nombreux spécialistes restentsceptiques. Ils évoquent notamment la fragilité desbases « analogiques » pour un passage au numériqueà large échelle : l’accès à l’électricité et aux infra-structures, la stabilité politique et la participationsociale sont souvent insuffisants. Comme beau-coup l’ont souligné lors du WEF consacré àl’Afrique, il faudra des décennies pour rattraper ceretard.Camille Zimmermann, de Trendone, replace lesfacteurs « connaissance » et « travail » au premierplan : «En matière d’industrie 4.0, la question estde savoir qui saura le mieux cumuler les avantagescomparatifs, qui vont de la mise en réseau à la sta-bilité politique en passant par le savoir. Là aussi,les États industrialisés sont privilégiés. Les pays endéveloppement risquent de perdre l’atout dont ilsbénéficiaient jusqu’ici : le travail bon marché. » End’autres termes, l’évolution technologique doit

Rencontre à GenèveDepuis sa création par leSommet mondial sur la so-ciété de l’information, quis’est tenu en 2003 et en2005, le Forum sur la gou-vernance de l’Internet (IGF)est devenu l’une des prin-cipales plates-formes dedialogue international. Ilréunit, chaque année, jus-qu’à 3000 spécialistes issus des services publics,de l’économie, des milieuxscientifiques et de la com-munauté technologique.Les experts évaluent not-amment les chances et lesrisques des nouvelles applications numériques,la protection des droits humains dans un mondedigitalisé, ainsi que lesmoyens de mettre les TICau service du développe-ment durable. Cette année,c’est la Suisse qui accueil-lera l’IGF. L’événementaura lieu du 18 au 21 dé-cembre, au siège de l’ONUà Genève. La participationest ouverte à tous.

L’Inde sera l’un des leaders mondiaux de la révolution numérique. Sa stratégie «Digital India » vise en particulier les populations défavorisées.

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Dans sa « Vision 2020 », le Rwanda s’est fixé pour objectif de transformer une société agraire en une société de l’information et de la connaissance.

s’accompagner d’un renforcement des connais-sances.

Quels emplois à l’avenir?Savoir, travail et numérisation : cette triade suscitemoult débats dans le monde entier. Le numériqueet l’automatisation créeront de nouveaux emploishautement qualifiés, en maintiendront quelques-uns peu qualifiés, mais en détruiront beaucoupdans le segment intermédiaire. Commentl’Afrique peut-elle faire le lien entre le numériquequi supprime des postes dans le segment médianet un monde qui a urgemment besoin d’emploispour des personnes sans diplôme ? Selon les experts, de nouvelles chances s’offrent àl’Afrique : les formations s’étendant sur plusieursannées pourront à l’avenir être remplacées parl’apprentissage des outils informatiques. Les jeunesaccèderont ainsi en quelques mois au monde dutravail, qui sera d’ailleurs en constante évolution.Elvis Melia abonde dans le même sens : « Le nu-mérique rendra inutiles bon nombre des compé-tences acquises au cours des formations profes-sionnelles actuelles. » Il accroîtra la prospérité,créera des emplois en ligne (travail rédactionnelou activités dans la recherche, la culture et le di-vertissement), ainsi que dans des domaines quin’existent pas à l’heure actuelle, indique le spécia-liste. Dans son rapport 2016 sur l’économie, la Banquemondiale va jusqu'à avancer que plus de la moi-

tié des élèves actuels exerceront un métier quenous ne connaissons pas encore.

Renforcer les connaissances et le savoir-faireQuelles conclusions tirer face à tant d’incerti-tudes ? Deux évidences s’imposent. D’une part, lestechnologies de l’information et de la communi-cation jouent un rôle crucial, même pour les paysen développement. Avec l’appui d’entreprises privées et des pays riches, leurs gouvernements doivent déployer le réseau à haut débit et propo-ser des services en langue locale. D’autre part, lenumérique ne portera que peu de fruits sans struc-tures « analogiques ». La coopération au développement traditionnellea de tout temps tenté de renforcer ces capacités.L’amélioration des connaissances et du savoir-faire demeure fondamentale, que ce soit dans laformation de base, les disciplines «MINT» (ma-thématiques, informatique, sciences naturelles ettechnique), les sciences humaines ou le secteurcréatif. Une certitude : les grandes inconnues et lesénormes défis de l’industrie 4.0 n’épargnerontpersonne - ni les États industrialisés ni les pays endéveloppement. ■

(De l’allemand)

Étroite collaborationentre l’OFCOM et laDDC À la Confédération, la responsabilité techniqued’Internet et de la gouver-nance numérique relèvede l’Office fédéral de lacommunication (OFCOM).Celui-ci participe à diversorganisations et méca-nismes internationaux (UIT,ICANN, Unesco, etc.) quitraitent de différents as-pects de la société et del’économie numériques :infrastructure, contenus,réglementation, législationet droits humains. À laDDC, c’est Steve Tharakanqui est responsable de lathématique « numérique et développement ». Lacoopération suisse etl’OFCOM ont renforcé leur collaboration, alorsqu’Internet et les nouvellestechnologies jouent un rôletoujours plus importantdans de nombreux projetsd’aide au développement.Les satellites et les basesde données électroniquespermettent, par exemple,d’améliorer la productionde riz dans plusieurs paysd’Asie du Sud.

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L’un de mes meilleurs amis ma-rocains, par ailleurs universitairechevronné, m’a dit un jourceci : «Des gens comme nous,supposés faire partie de l’élite,n’ont pas d’intérêt immédiat àdéfendre une meilleure écolepublique, parce que leurs en-fants sont scolarisés dans desétablissements privés ou de mis-sions étrangères. » Mon ami par-tait d’une conception libéralede la justice, à savoir que, si lesentiment d’injustice n’est paspersonnel, l’altruisme d’une action publique ne servira qu’à se donner bonne conscience et non pas à changer la donne.

Un autre ami, indien, ayant unestature intellectuelle similaire et vivant aux États-Unis, m’aconfié plus tard que notre grandproblème, dans notre volontéde réformer nos sociétés et deles rendre plus vivables pour lesjeunes, provenait de notre inca-pacité à penser la solidarité au-trement que dans un cadre libé-ral, centré sur soi. Selon lui, ilconvient de penser à partir del’autre, non pas pour rétablir uncommunisme suranné, mais

pour partager les espaces de socialisation. Je viens d’achever, avec deséquipes universitaires du sud dela Méditerranée, un travail derecherche mené sur les atti-tudes, les aptitudes, les attenteset les actions des jeunes. Lesdonnées sur le Maroc sont à lafois alarmantes et rassurantes.Quelque 70% des jeunes quitravaillent n’ont pas de contrat.Ils savent donc se débrouiller.Tous ne s’en sortent, néan-moins, pas. Les structures deformation, de régulation etd’accompagnement, censéesleur faciliter l’ascension sociale,sont en grande partie inopé-rantes ou inadaptées. Je me suisalors demandé, à la lecture dece qui ressort de trois annéesd’enquêtes, d’entretiens et degroupes de réflexion, ce quetout cela signifiait pour moi quisuis professeur. Étais-je scanda-lisé, légèrement rassuré, indiffé-rent ?

Quelque temps plus tard, estparu, après moult atermoie-ments, le rapport du Conseilsupérieur de l’enseignement qui

ne faisait que confirmer unemultitude de dysfonctionne-ments au sein de l’école maro-caine : décrochage précoce, hy-pertrophie des programmes nonformels sans résultats tangibles,manque de vision et centralisa-tion excessive de la gouver-nance. Ce constat accablantn’est ni nouveau ni surprenant.Pire, il ne suscite pas de pland’action dans l’immédiat.

C’est à ce moment là que m’estrevenue l’image des lauréats del’Institut des hautes études demanagement, à Rabat, où j’en-seigne. Les nouveaux diplômésétaient ravis, heureux de rentrerde plain-pied dans le monde dutravail. Pourtant, rares étaientles profils attirés par l’entrepre-neuriat. Je me suis renducompte que j’observais le désar-roi autour de moi, mais vivaisau jour le jour, dans un îlotd’exception qui permet à l’élitede perdurer. J’ai réalisé à quelpoint la voie des études menantvers l’accomplissement de soiétait encore marginale, peu valorisée et faiblement partagéedans l’espace public. À quel

point l’informalité était grande.Et à quel point nous étions en-core loin de la société du savoir.

Que faire alors ? Entre les deuxattitudes de mes amis, j’ai compris qu’il fallait inventerune troisième voie : celle de chercheurs-citoyens qui en-clenchent des dynamiques sociétales dans plusieurs foyersdormants. Il ne s’agit pas seule-ment de connaître, mais detransmettre. Non seulement appréhender les difficultés, maisles affronter en favorisant leséchanges, les partages d’expé-riences et les transformationspar l’exemple. Sans cela, nousresterons ballotés entre leconfort libéral du savoir et lagêne éthique de l’injustice. ■

Que faire pour les jeunes au Maroc?

Driss Ksikes, né en 1968 àCasablanca, est écrivain etjournaliste. Ancien rédacteur enchef du magazine TelQuel(2001-2006), il est actuellementprofesseur à l'Institut deshautes études de management,à Rabat. Il dirige le centre derecherche pluridisciplinaire decet établissement et sa revueEconomia. Driss Ksikes réalisedes projets dans le domainedes médias et de la culture, en partenariat avec plusieurs laboratoires du Maghreb et dela Méditerranée. Il anime, enoutre, des ateliers d’écriture etcollabore avec plusieurs publi-cations culturelles. Dramaturge,il est également auteur dequelques récits et essais.

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Danser pour exorciser l’horreur des mariages forcés

Au travers de subtiles mouvements, un ballet dépeint la cruauté des unionsforcées sous le régime des Khmers rouges au Cambodge. Ce projet artistique,soutenu par la DDC, participe à la mémoire collective. Il entend aider les victimes, longtemps ostracisées, à panser leurs plaies. De Zélie Schaller.

Phka sla signifie fleurs d’aréquieren khmer. Dans les mariagescambodgiens, elles symbolisentla vie après la chute des pétales.Elles ont donné leur nom à unballet, qui s’est tenu en débutd’année à Phnom Penh, la capi-tale du Cambodge, avec l’appuide la DDC. L’œuvre rendhommage aux couples unis deforce sous la dictature desKhmers rouges. Elle vise à par-tager l’histoire des victimes, auplus près de la vérité, mais éga-lement à leur fournir réparation.La musique, qui mêle mélodiestraditionnelles et chants patrio-tiques, plonge les spectateursdans un contexte historique et émotionnel douloureux. La couleur noire que portent les danseurs renforce, de plus, laviolence et la peur qui ont mar-

qué cette période. Elle fait réfé-rence aux costumes tradition-nels des cadres khmers rouges.

Arrachées et mariées«Pourquoi un homme ne vou-drait-il pas une femme? », demande l’un des narrateurs.Avant de pouvoir méditer sur laquestion, le public est aussitôttransporté quarante ans en ar-rière. Les danseuses travaillentsous la surveillance de gardienshostiles. L’une après l’autre,elles sont arrachées à leurstâches et mariées, dans desmouvements à la fois tempé-tueux et gracieux. Certaines semeuvent en harmonie, d’autresse débattent. La scène repré-sente les différentes expériencesvécues à l’époque.Le regard hagard, une

Cambodgienne témoigne : « J’aiété forcée à marier un hommeque je n’avais jamais vu. J’avaisquinze ans. J’étais contre lesrègles du Parti. Celui-ci voulait

donc me tuer. » Et un survivantd’ajouter tristement : «Lesfemmes ont exprimé leur colèreface au mariage forcé. Mais, enfait, c’est arrivé à beaucoupd’hommes également. »

Des vies détruitesPour mémoire, de 1975 à 1979,entre 200000 et 300000 ma-riages forcés ont été organisésau nom d’une politique quiavait pour but de détruire les« sentiments individuels » etd’accroître la population.Hommes et femmes ne se sontpas choisis. La plupart du temps,ils ne se connaissaient pas. Leurunion s’effectuait de manièrecollective, sans présence des familles. Les « époux » étaientcontraints de promettre allégeance à leur partenaire désigné, mais aussi au régime.Ils devaient également jurerd’avoir des enfants. Quelque500000 personnes ont ainsi vuleur vie brisée. Le ballet raconte l’histoire detrois couples : deux d’entre eux

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ont traversé des unions tragiques,le troisième a connu un destinheureux. Les témoignages devictimes recueillis par Theresade Langis, spécialiste de la vio-lence liée au genre, ont inspiréle drame mis en scène parSophiline Cheam Shapiro. La chorégraphe cambodgienne,elle-même survivante desKhmers rouges, travaille delongue date sur les thèmes de la justice sociale et de l’égalité.Pour cette œuvre-ci, l’une desdifficultés résidait dans la forme,explique-t-elle : «Très élégante,la dance cambodgienne clas-sique raconte la légende desdieux et des rois, alors que PhkaSla expose de vraies histoires.Trouver un équilibre entre uneinterprétation artistique et devéritables témoignages s’est ré-vélé complexe. » Une ambitionréussie pour aider à soulager lessouffrances et à réconcilier lesgénérations. « L’art a cette capa-cité unique de susciter une dis-cussion sans confrontation. Lasociété peut parfois se révélercruelle envers les personnesfaibles et lésées. Nous pouvons

la rendre bienveillante et plusjuste en développant l’empa-thie », relève Sophiline CheamShapiro. «Nous avons écrit unballet classique contemporainpour que le public reconnaissele mariage forcé comme uncrime des Khmers rouges. Cette

production est très importantepour transmettre la tristesse desaînés aux plus jeunes. » La mère d’une collègue a, enfin, pu exprimer sa peine grâce aux récits mis en scène, dans les-quels elle s’est reconnue, illus-tre la chorégraphe.

Aide psychologiqueLes « noces rouges » ont provo-qué de profonds traumatismes.Le sujet est demeuré tabou jus-qu’il y a peu. Un sentiment dehonte inhibait les femmes, car la pratique s’accompagnait sou-vent de viols, commis soit parles conjoints, soit par les cadreskhmers rouges lorsqu’elles refu-saient de consommer le ma-riage. Pour exorciser ces atrocités, le projet Pka Sla s’estpoursuivi au-delà de la scène.L’ONG Transcultural Psycho-social Organization a apportéun soutien psychologique auxsurvivants pour les « aider à selibérer des mauvais souvenirs et à vaincre les traumatismes », indique son directeur SothearaChhim. Elle a animé des discus-sions après les représentations,ainsi que des ateliers.Afin de prolonger le dialoguecommunautaire, l’associationKdei Karuna a, pour sa part,élaboré avec des survivants etdes adolescents une expositionmultimédia itinérante, qui traitede la violence basée sur legenre. «Aborder celle-ci et pro-

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mouvoir le dialogue intergéné-rationnel s’avère crucial poursurmonter le passé. Il est impor-tant de travailler avec les jeunespour créer une culture de lajustice et de la démocratie »,souligne Viviane Hasselmann,chargée des programmes Santéet Gouvernance de la DDC auCambodge. Dans un souci de mémoire collective toujours, le centreBophana, dédié à la mise en valeur du patrimoine audio-visuel cambodgien, a recueillide nombreux témoignages etréalisé un film documentairequi sera diffusé cette année surla chaîne de télévision nationale.Sur la scène du Chaktomuk

Hall à Phnom Penh, plus de150 survivants, parmi les nom-breux spectateurs, ont déjà as-sisté à la pièce. «Pour certains,ce fut une expérience tellementbouleversante qu’ils ont dû sortir afin de retrouver leurs esprits. Mais la grande majoritéd’entre eux étaient extrême-ment enthousiastes : ils étaienttrès satisfaits et reconnaissants devoir leur histoire présentée decette manière », relate SophilineCheam Shapiro. Après la capi-tale, l’aventure se poursuit dansles provinces de Battambang etde Kampot. ■

Un procès 40 ans aprèsEntre 1975 et 1979, les Khmers rouges ont tué 1,7 million deCambodgiens, soit un quart de la population. Pour juger lesprincipaux leaders de cette dictature, un tribunal a été missur pied avec l’ONU en 2006. Lors du premier procès, KangKek Ieu, ancien directeur d'un centre de torture plus connusous le nom de «Douch», a été condamné à la prison à perpétuité en février 2012. Le deuxième procès a été diviséen deux parties. La première a été consacrée à Nuon Cheaet à Khieu Samphan, les numéros deux et trois du régime, jugés coupables de crimes contre l’humanité en 2014 etcondamnés à la réclusion à perpétuité. La seconde ajoutedes charges, parmi lesquelles les crimes liés aux mariagesforcés. Elle compte 3867 parties civiles. Le verdict doit tomber en fin d’année.

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Vers un tourisme durable?(df ) Quel est l’avenir du tou-risme hivernal face au réchauffe-ment climatique ? Le tourismedes bidonvilles est-il éthique ?Qu’en est-il des droits humainsdans les parcs nationaux afri-cains ? Qui bénéficie des mis-sions volontaires à court termedans les pays du Sud?L’écotourisme est-il une alterna-

tive au tourisme de masse ?Comment fonctionne la promo-tion touristique ? Voici quel-ques-unes des questions soule-vées par les différents films duDVD Tourisme et soutenabilité –Aspects sociaux, économiques et environnementaux du voyage. À l’occasion de l’Année interna-tionale du tourisme durable,cette compilation invite à explorer les divers aspects decette branche, dans les pays du Sud et du Nord.«Tourisme et soutenabilité –Aspects sociaux, économiques et environnementaux du voyage ».Disponible sur DVD ou en locationVidéo à la Demande (VOD) ; www.éducation21.ch, www.filmeeinewelt.ch

Un engagement hors ducommun(er) L’idée de créer un groupeun peu spécial est née en 2015,à Marseille. Dix musiciennesd’Afrique de l’Ouest, jeunes etreconnues, ont enregistré en-semble un CD politiquementengagé. Parmi ces femmes,mentionnons Mariam Doumbia,Angélique Kidjo, Rokia Konéet Nneka. Chantés en man-dingue, en français et en anglais,leurs douze morceaux clouentau pilori la culture machiste, dé-noncent la violence sexuelle etcondamnent les mutilations gé-nitales. S’écartant des sons et desrythmes africains habituels, lesartistes ont conjugué diversstyles (blues mandingue, pop,funk, reggae et dub-groove africain) pour tisser une toileélectro moderne et homogène. Ce mélange exquis souligne lestimbres caractéristiques deschanteuses. Relevons qu’unepartie du produit de la vente est destiné à l’hôpital de Panzi.Situé en République démocra-tique du Congo, cet établisse-ment soigne et prend en chargedes milliers de femmes ayant

subi des violences sexuelles.Divers artistes : «Les AmazonesD’Afrique - République Amazone»(Real World/Indigo)

Un nouveau genre éclectique (er) Le style musical créé par lechanteur-compositeur JamesYorkston, le bassiste Jon Thorneet le joueur de sarangi UstadSabri Khan est aussi insolitequ’unique. Le folklore écossais,teinté de blues country améri-

cain, les accents du jazz anglaiset la tradition indienne, avec sesinstruments à cordes méditatifs,se mêlent pour former un jeusubtil et intense. D’autrestouches musicales viennent sou-ligner la singularité des mélo-dies : notes de piano, harmo-nieux accords de guitare, airsdiscrets à l’accordéon et mêmela sonorité grecque des cordes

d’un bouzouki. Les voix destrois musiciens, tantôt pleines,tantôt sombres, puis chaudes etclaires, parfois cristallines ou lé-gèrement fêlées, contribuent àl’esthétique sublime et sereined’un album à écouter sans mo-dération. Une excellente mu-sique du monde, affranchie detoute tendance. Yorkston/Thorne/Khan : «NeukWight Delhi All Stars »(Domino/Irascible)

De l’art du timbre vocal (er) Singulier pour l’oreille occidentale, le chant diphoniquemongol, appelé khöömii, est inscrit depuis 2010 au patri-moine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco.Utilisant différents styles ettechniques, le chanteur module,sur un bourdon allant parfoisjusqu’au râle, une mélodie ai-guë, voire flûtée. Réunissant 43 enregistrements réalisés sur le terrain et en studio, dont 28 inédits, ce double album enpropose une sélection rare.Illustrant la pratique de cet artsur trois générations (de 1954 à 2016), les compositions sontchantées par des professionnelsou des amateurs, a capella ou

Coup de foudre sur les rives de la mer Rouge(mr) Y a-t-il pays plus improbable que l’Arabie saouditepour y situer une comédie romantique? Le regard que le film Barakah Meets Barakah porte sur un monde quenous ne connaissons guère est d’autant plus rafraîchis-sant. Employé à la municipalité de Djeddah, Barakah est issu d’une famille modeste et joue Hamlet avec unetroupe d’amateurs. Belle et à l’esprit rebelle, Bibi est lafille adoptive d’un couple riche dont le mariage bat del’aile. Avec un raffinement inouï, ces deux héros trans-gressent les codes de la tradition, tout en se jouant de lapolice religieuse. Un film pour tous ceux qui ont toujourssouhaité découvrir l’Arabie saoudite et qui aiment se laisser surprendre par un ton léger, laconique et drôle. Le premier long métrage du réalisateur MahmoudSabbagh, distingué à la Berlinale, a déjà séduit plus de12000 spectateurs dans les cinémas suisses. Il est désormais disponible en DVD auprès de trigon-film.Mahmoud Sabbagh : «Barakah Meets Barakah», longmétrage, Arabie saoudite, 2016 ; www.trigon-film.org

Musique

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35Un seul monde No3 / Septembre 2017

Impressum :Un seul monde paraît quatre fois par année,en français, en allemand et en italien.

Éditeur :Direction du développement et de la coopération (DDC) du Département fédéraldes affaires étrangères (DFAE)

Comité de rédaction :Manuel Sager (responsable)George Farago (coordination globale) Sylvie Dervey, Beat Felber, Barbara Hell,Marie-Noëlle Paccolat, Özgür Ünal

Rédaction :Beat Felber (bf – production)Luca Beti (lb), Jens Lundsgaard-Hansen (jlh),Zélie Schaller (zs), Christian Zeier (cz),

Ernst Rieben (er)

Graphisme : Laurent Cocchi, Lausanne

Photolitho et impression :Stämpfli SA, Berne

Reproduction :Les articles peuvent être reproduits, avecmention de la source, à condition que la rédaction ait donné son accord. L’envoi d’un exemplaire à l’éditeur est souhaité.

Abonnements et changements d’adresse :Le magazine peut être obtenu gratuitement(en Suisse seulement) auprès de : Information DFAE, Palais fédéral Ouest, 3003 Berne.Courriel : [email protected]

Tél. 058 462 44 12Fax 058 464 90 47www.ddc.admin.ch

860215346

Imprimé sur papier blanchi sans chlore pourprotéger l’environnement

Tirage total : 47 400

Couverture : Le barrage du roi Talal, enJordanie, alimente en eau l’agriculture dans lavallée du Jourdain; Ed Kashi / Redux / laif.

ISSN 1661-1675

Coup de cœur

Au-delà des stéréotypes

Le photographe tessinois RetoAlbertalli livre des images intimessortant de l’évidence.

Lors de mon premier voyage enPalestine, j’ai accumulé tous lesclichés : les chars blindés, les filsde fer barbelé, le mur. Je suis rentré avec un énorme sentimentde frustration. Mes images racon-taient des histoires déjà connues.J’ai, par la suite, passé trois moisdans le camp de réfugiés deJénine, en tant que professeur dephotographie. Je me suis laisséimprégner par la vie du lieu. Cetteexpérience m’a ouvert les yeux surune réalité intime, éloignée desstéréotypes. Mes photographiesfurent le résultat d’une expériencepartagée, faite de regards, de pe-tits gestes, de difficultés et depeurs. L’année suivante, enAfghanistan, j’ai risqué de com-mettre la même erreur. Au début,mes clichés immortalisaient dessujets attendus. C’est dans uneécole de cirque à Kaboul que j’airéussi à percer la surface de laréalité. Comme par miracle, plu-sieurs jeunes femmes afghanessont apparues, un sujet presquetabou et non photographiable.Elles ont accepté que je tire leurportrait, brisant ainsi les barrièresculturelles et sociales de leurpays. Je suis retourné à Genèveavec des images d’une extraordi-naire force expressive.

(Propos recueillis par Luca Beti ; de l’italien)

zVg

Livres

accompagnés de différentes for-mations. Parmi les instrumentstraditionnels, on reconnaît leviolon à tête de cheval, le luth àlong manche, le yatga (cithare)ou la guimbarde. Le khöömiifascine, arborant des sonoritésrurales, urbaines et mêmeethno-rock. Véritable chef-d’œuvre, le disque comprend un livret de 47 pages, agréable à lire et fort bien documenté (en français, anglais et mongol). Divers artistes : «Une Anthologiedu Khöömii mongol » (BudaMusique)

D’Alep à la Bretagne(zs) Joude Jassouma est Syrien.Comme des milliers de ses com-patriotes, il décide de fuir Alepau printemps 2015, alors que saville sombre dans le chaos. Dansun livre, le jeune professeur defrançais raconte son histoire,« l’itinéraire d’un réfugié ordi-naire ». Des mots simples pourdécrire son enfance pauvre, maisheureuse. Ce sont les études quile passionnent, en particulier lalittérature française. Mais laguerre rattrapera cet amoureuxde Flaubert et d’Éluard. Sa mai-son est bombardée quatre foisde suite. Même s’il aime sa villeet souhaite y rester, il se résout à l’exil vers l’Europe avec safemme Aya et leur petite filleZaine. Des rives du Levant auxcôtes bretonnes, en passant parIstanbul et les camps de refugiésde l’île grecque de Leros, le

voyage sera long et périlleux.Au péril de sa vie, la famille tra-verse la mer Égée à bord d’uncanot en plastique. Une odysséebouleversante dans l’espoir d’unavenir meilleur.Joude Jassouma (avec Laurence deCambronne) : « Je viens d’Alep »,Allary Éditions, Paris, 2017

Comptines sans frontières(bf ) Chaque culture a ses comp-tines. C’est la première formede littérature à la portée des enfants. Chez les migrants, cesrimes amusantes se perdent sou-vent dans l’oubli, car les famillesdoivent relever nombre de nouveaux défis. Spécialiste de la pédagogie interculturelle, laZurichoise Silvia Hüsler publie,depuis de nombreuses années,des comptines et des chansonsdans les langues les plus variées.Son recueil Kinderverse in über 50 Sprachen offre donc aussi unmoyen de lutter contre le déra-cinement linguistique. Le CDau format MP3 permet d’écou-

ter toutes les comptines et leschansons dans leur langue d’origine. Illustré par l’auteure,l’ouvrage réunit la plupart desidiomes parlés par les réfugiésvenus en Europe : arabe, kurde,pachtou, farsi, tigrina (Érythrée).S’il s’adresse aux enfants, il estaussi destiné aux parents et auxenseignants. Silvia Hüsler: «Kinderverse in über50 Sprache », Lambertus Verlag,Fribourg, 2017

Des spécialistes du DFAEviennent à vousSouhaitez-vous obtenir des in-formations de première main surla politique étrangère ? Des spé-cialistes du Département fédéraldes affaires étrangères (DFAE)sont à la disposition des écoles,des associations et des institu-tions pour présenter des exposéset animer des débats sur diverssujets de la politique étrangère.Le service de conférences estgratuit. Il n’est toutefois dispo-nible qu’en Suisse et trente personnes au moins doiventprendre part à la manifestation. Informations : Service de conférencesdu DFAE, Information DFAE,Palais fédéral Ouest, 3003 Berne ;tél. 058 462 31 53 ; courriel : [email protected]

Divers

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«La nécessité de l’eau, en tant que ressource, est connue depuis longtemps.En revanche, on a longtemps sous-estimé son intérêt pour la sécurité inter-nationale. »Sundeep Waslekar, page 11

« Si quelqu’un se décide à apprendre“notre” langue, il doit cesser de raison-ner comme un touriste. » Sandra Zlotrg, page 22

«Le numérique rendra inutiles bonnombre des compétences acquises aucours des formations professionnellesactuelles. » Elvis Melia, page 29

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