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Un étrange carnet
16h30, cet après-midi de juin, j’étais assis avec mes
copains face à l’école primaire de mon quartier. On
observait les parents qui attendaient la sortie de classe de
leurs enfants. Nicolas se levait de temps en temps de son
muret pour faire flipper les pigeons et, il faut bien le
reconnaître, on était aussi là pour regarder les jolies jambes
des mères.
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Tout à coup, Nicolas a remarqué qu’un objet était tombé du
sac d’une femme et qu’elle ne s’était encore aperçue de rien.
Dis-moi, Tom… m’a chuchoté Nicolas. À ton avis, c’est
quoi ce truc brillant juste à côté de la dame, celle qui est à
gauche là avec son gilet noir ?
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Pas le temps de répondre à Nicolas, j’étais déjà aux pieds de
la femme. Trop occupée avec son bébé dans la poussette,
elle n’a pas vu que je lui prenais son portable. Et pas
n’importe quel portable ! Un IPhone… C’est là que Ludovic
m’a hurlé :
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Vite ! Sauve-toi, Tom ! Les keufs arrivent !
Forcément que la police arrivait ! Un monsieur m’avait vu et
s’était mis à hurler : « Sale petit voyou ! Reviens ici tout de
suite! »
Depuis quelques semaines, des incidents étaient survenus
devant l’école et suite aux plaintes des parents, le maire
avait demandé à la police municipale d’effectuer des rondes
régulières. Dommage.
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J’ai couru comme un malade, poursuivi par deux hommes
en bleu. Je leur ai crié sans me retourner : « Attrapez-moi si
vous pouvez, les Schtroumpfs ! ». Ils étaient rapides. Au
loin, la femme criait toujours. J’étais de plus en plus
essoufflé, en sueur et presque écarlate. J’entendais au loin,
la femme qui hurlait. Les Schtroumpfs aussi.
J’ai tracé tout droit puis j’ai tourné à gauche juste après la
bibliothèque. J’ai été obligé de faire une petite pause
derrière une camionnette. Plus tard, après les derniers
bâtiments, j’ai escaladé un mur et je me suis retrouvé dans
un quartier plus résidentiel. Je pensais être à l’abri mais,
assez vite, j’ai entendu des voix qui approchaient.
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L’une des voix : Vous l’avez aperçue, cette petite
racaille ?
L'autre voix : Non, mais s’il le faut, on fouillera tous les
jardins ! Un par un !
J’ai reconnu celle du plus gros des deux policiers qui me
poursuivait quelques instants auparavant : « Même si je dois
y passer tout mon après-midi, je vais retrouver ce petit
voyou », a-t-il ajouté.
Un peu inquiet, j’ai décidé d’aller me réfugier dans le petit
cabanon situé au fond du jardin où j’avais atterri. Il était
vieux et semblait à l’abandon, il était parfait.
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Au bout d’un certain temps, assis dans le noir, je n’étais
quand même pas rassuré. Et puis c’était long, je m’ennuyais.
J’ai sorti le portable pour m’occuper. Je l’ai regardé.
Combien j’allais pouvoir en tirer ? Je l’ai allumé. Ça a
apporté un peu de lumière dans ce cabanon tout sombre. J’ai
fouillé dans le menu, y’avait des photos. Moches. Des
musiques. Nulles, ringardes. Des jeux. Pas trop mal. Tétris,
Bubble Game. J’ai commencé une petite partie, j’ai failli en
oublier la police. J’allais perdre, je me suis alors redressé
pour mieux jouer et c’est là que j’ai senti un truc dans mon
dos.
Quelque chose de pointu, de plat, de dur.
J'ai passé la main. Et je l’ai attrapé.
À la lumière du portable, j'ai vu que c'était un carnet, un
carnet bizarre.
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Je l'ai feuilleté et ouvert au hasard.
Comment tuer la cousine Germaine ?
Comment tuer la tante Laure et l'Oncle Louis ?
Mais c'était quoi ces titres ? Une blague ?
À chaque page ou presque, il y avait un prénom et un lien de
parenté. Et un projet pour l’éliminer ! C’était peut-être la
poursuite avec les Schtroumpfs qui me faisait halluciner ?
J'ai lu plus en détails.
Comment tuer ma sœur ?
N'oublions pas qu’Isabelle est malade, la pauvre, et
qu'elle doit prendre à heure fixe ses médicaments.
Pourquoi ne pas profiter de sa prochaine invitation à
dîner pour les échanger ?
(Penser à prendre des gants pour éviter les empreintes.)
Pendant qu'elle sera à la cuisine, je pourrai me rendre
dans sa salle de bains. J'échangerai ses gélules de
Celebrex contre des gélules de Ceribrox. Elles sont
identiques, elle n'y verra rien.
Quelle ironie pour une pharmacienne !
Je prétexterai un rendez-vous pour partir tôt et ne pas
éveiller les soupçons.
Avec le Ceribrox, elle devrait s'évanouir en peu de
temps.
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Comment pourrait-on se méfier ?
Tout le monde sait qu'elle est d'une santé si fragile.
C’est un cauchemar ou quoi ? Si c’est vrai, je suis tombé sur
le carnet d’un psychopathe, d’un malade, d’un fou. Mais
c’est horrible, ce truc !
Comment tuer la tante Laure et l’oncle Louis ?
Ces deux-là s’adorent depuis l’âge de 15 ans. Ils sont
IN-SÉ-PA-RA-BL-ES. Ils s'aiment toujours autant qu'à
l'époque de cette photo.
« Mon amour » par ci, « Mon amour des îles » par là. Il
me suffira d’en tuer un pour que l’autre meure de
chagrin. L’amour TUE !
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Et si Louis ne meurt pas par amour, je lui trouverai bien
une autre idée.
Laure, coiffeuse expérimentée, n’est pourtant pas à
l’abri d’une erreur de débutante. Elle a la mauvaise
habitude de laisser branché le sèche-cheveux sur
l’étagère au-dessus de ses lavabos. Je l'ai remarqué, je
remarque toujours ces choses. Toujours. Je vais prendre
soin de dévisser un « tout » petit peu quelques vis de ces
étagères. Laure, voulant prendre le shampooing pour
laver les cheveux d'une cliente, s’appuiera sur l’étagère
qui finira par céder un jour ou l'autre... et fera tomber
le sèche-cheveux dans le lavabo rempli d’eau.
Évidemment, il est possible que la cliente, elle aussi, soit
électrocutée…
Mais qu’y puis-je ?
On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs.
À toute guerre, ses dommages collatéraux.
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Mais ce malade veut éliminer tous les membres de sa
famille ! J'ai essayé de me rassurer en me disant : « Allez,
Tom, panique pas, c'est juste un délire. »
Mais je n'ai pas réussi.
Si ce n'était qu'une farce... pourquoi ce dingue aurait pris
tant de soin à fignoler autant ses plans ? Et si ce n'était
qu'une farce... il sortait d'où ce brin de paille coincé là entre
ces deux pages…
Comment supprimer le grand-père Philippe ?
Ça devrait être facile. Ils sont seuls depuis sa retraite,
lui et son fichu chien.
Une nuit (sans lune), j’irai jusqu’à sa ferme. Je me
garerai discrètement au bord du grand champ. Après, il
suffira d’attirer le grand-père dans la cour.
C’est tellement dangereux, une cour de ferme… avec
tout ce qui traîne… les outils, les machines agricoles…
Bon, j’attire le chien dans la grange. Je le fais aboyer.
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Le vieux devrait sortir. Juste avant, j’aurai planté des
fourches (avec plusieurs, j’optimise mes chances),
cachées dans le tas de paille. J’aurais posé quelques
obstacles pour que le vieux trébuche et s’empale. Des
seaux, des pierres, tout ce que je trouverai fera bien
l’affaire !
Et puis… s’il ne tombe pas assez vite, je pourrais
toujours l’y aider.
Comment tuer le cousin François ?
Quand j’entends parler de François, je pense toujours à
son chat.
Ça me donne une idée.
Le cousin pourrait bien tomber, s'écraser, finir comme
une crêpe au bas de ses quatre étages en ayant voulu
rattraper son cher petit chat.
Est-ce que je descelle la rambarde de son balcon en
attendant qu’un jour il tombe ?
Ou est-ce que je le balance en bas ? J'hésite...
Je le balance !
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Et j’enverrai son chat sur le petit toit d’en face.
En le voyant, lui sur le toit, et son maître en bas dans la
cour, la police conclura automatiquement à un
accident !
Sans me vanter, je suis génial.
J'ai brusquement lâché tout ce que j'avais en main. J'ai pris
le temps de me calmer. J'ai attendu quelques minutes avant
de le rouvrir. Il avait même dessiné son arbre généalogique !
J'ai recommencé à frissonner. Si ce carnet bizarre était
planqué dans ce cabanon alors le psychopathe était ou avait
été dans les environs. Il pouvait très bien revenir, il fallait
que je reparte. Je préférais encore avoir affaire aux
Schtroumpfs.
J'ai couru aussi vite que je pouvais.
La voiture m'a évité de justesse. Je n’ai pas fait exprès,
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j'étais ailleurs.
— Jamais tu regardes avant de traverser ? m'a hurlé le
conducteur.
— Oh ! Euh, pardon, je ne vous avais pas vu !
— C’est bien de dire pardon mais ça ne sert à rien si tu finis
en crêpe.
J'étais tellement essoufflé. Je tenais, plaqué contre moi, le
carnet et tous les papiers qui s'en étaient échappés, la photo
de mariage, les notices de médicaments et même un schéma
de pyramide et un ticket de caisse.
Mince ! Le portable ! Je l'avais oublié dans le cabanon.
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Arrivé à la maison, j’étais allé directement dans ma
chambre. J’avais dégagé d’un revers de main tout le
bazar qui encombrait mon bureau et posé le carnet au
centre.
Mes yeux ne pouvaient plus s’en détacher.
Je voulais continuer de lire.
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Comment tuer Victor ?
Le soir de son anniversaire, le 15 juillet, je dois me faire
inviter avec nos quatre autres cousins. Ils le fêtent
toujours ensemble, c’est la tradition.
J’ADORE les traditions !
Et tout particulièrement quand elles me permettent d’en
supprimer cinq d’un coup.
J’apporterai une grosse quantité d’alcools forts et
variés (Mais attention, je dois garder le contrôle de la
situation. Je veillerai à rester moi-même très
raisonnable.)
En effet, quoi de mieux que les mélanges pour réussir à
vite, vite les saouler ? Une fois qu’ils seront ivres, je
suggèrerai à mes chers cousins de tous dormir sur
place.
Eh, oui ! Il est si dangereux de conduire quand on a
bu…
J’en profiterai pour m’éclipser et provoquer une petite
fuite de gaz.
Ce sont de gros fumeurs.
Il y en aura toujours un pour avoir au bon moment
envie d’une cigarette…
… ET BOUM !!!
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Comment éliminer la cousine Marine ?
Résumons :
- Cousine Marine, 45 ans.
- Archéologue-Égyptologue
- Je la déteste alors tant pis si ça me coûte une fortune.
Plan :
1. Renouer avec ma cousine.
2. Lui offrir un voyage en Egypte (Départ : Aéroport
CDG 06:00 ; Arrivée : au ciel)
3. L’accompagner au Caire.
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Stratagème :
1. RDV dans un endroit calme. Rien de plus calme
qu’une pyramide.
2. Penser à prendre trois cordes (n la surprenant par
derrière, elle ne se doutera de rien).
3. Encorder le corps et penser à le lester de grosses
pierres. Quelle mort fatale !
4. La jeter dans le Nil.
Variante : Enfermer Marine dans la Pyramide de
Kheops, elle mourra de faim (et de soif !)
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Schéma de Kheops :
1. Chambre voûtée 2. Aération 3. Chambre funéraire 4. Grande Galerie 5. Chambre funéraire de la Reine 6. Passage 7. Couloir ascendant 8. Couloir descendant 9. Chambre funéraire
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Ma mère me criait des trucs derrière la porte mais je m'en
moquais complètement.
J'aurais pu prévenir Ludo et Nico mais... ils ne m'auraient
jamais cru. Ce type était un monstre.
Pourquoi tuait-il les gens de sa famille ? Était-il fou ?
Voulait-il se venger ? Avait-il un but précis ?
Non, les copains ne me croiraient jamais.
Je n'allais quand même pas montrer le carnet à la police.
Je me voyais bien arriver au commissariat :
— Salut ! J'étais coursé par vos collègues parce que j’avais
volé un portable. Si, si ! Je vous jure ! Deux collègues à
vous, un gros et un maigre incapables de me rattraper. Bref,
je me suis réfugié dans un cabanon et c’est là que j’ai trouvé
le carnet que je vous apporte.
Non, je ne pouvais pas dire ça mais je ne pouvais pas non
plus rester les bras croisés sans rien faire.
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J'ai pris une feuille et retrouvé la page de l'arbre
généalogique.
J'ai écrit tous les noms, toutes les dates. Est-ce que ces gens
étaient déjà morts ou allaient-ils mourir ?
« Je vais retourner dans ce jardin et je vais découvrir qui
habite dans cette maison. »
Je chuchotais pour moi tout seul.
« Dès demain, je commence les recherches. »
La famille de ce fou n'était pas si grande, il restait de
nombreuses pages blanches.
Sur la première libre, j'ai résumé ce que j'avais à faire.
Le carnet du tueur était devenu le mien.
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- Retourner (discrètement) dans le quartier.
- Trouver le nom des occupants de cette maison,
récents et moins récents.
Maman criait toujours, derrière la porte.
— Si c'est pour revenir à des heures pareilles, je te préviens,
tu ne sors plus !
- Chercher sur Google s'il y a eu des faits-divers qui
ressemblent à ceux du carnet.
- Chercher sur le site des pages jaunes le salon de
coiffure Coiff&Co.
J’ai commencé par noter tous les numéros de tous les
Coiff&Co de France. Il y en avait une quinzaine, c’était
beaucoup. J’ai commencé par en appeler deux, les plus
proches de chez moi.
Bip… Bip…
« Allô, bonjour, Coiff&Co à l’appareil.
Oui, bonjour… J’aurais voulu avoir quelques
renseignements.
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Je vous écoute !
J’aurais voulu savoir si des prénommés Laure et Louis
auraient travaillé dans votre salon ?
Euh… Excusez moi mais nous venons d’ouvrir, il y a à
peine une semaine.
Ah ! D’accord. Excusez-moi alors. Au revoir et merci
quand même.
Au revoir ! »
Ce n’est pas celui d’Elancourt. Essayons celui de Plaisir…
« Allô, Coiff&Co, je vous écoute.
Bonjour, j’aurais voulu quelques informations.
Je vous écoute.
J’aurais aimé savoir si des certains Laure et Louis
auraient travaillé chez vous.
Excusez-moi mais je ne peux pas vous répondre, je ne
suis qu’une stagiaire.
Ah, je vois. Pourrais-je alors parler au patron, s’il vous
plaît ?
Oui, bien sûr… Patientez deux petites secondes, je vous
le passe.
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D’accord, merci… Allô ? Allô ?…
Bonjour, Monsieur, que puis-je pour vous ?
J’aurais voulu savoir si vous n’auriez pas eu par le passé
des employés se prénommant Laure et Louis ?
Pourquoi voulez-vous savoir cela ? Ce sont des
informations confidentielles et je n’ai normalement pas le
droit de vous les révéler. À moins que vous me donniez une
bonne raison.
J’aurais voulu les contacter car ils étaient amis avec mes
parents qui viennent malheureusement de décéder dans un
accident de voiture.
Oh, toutes mes condoléances pour vos parents mais je ne
peux toujours pas vous aider. Je n’ai aucun souvenir d’un
Louis ou d’une Laure.
Merci beaucoup. Au revoir.
Je vous en prie… et toutes mes condoléances. »
Bon ! Encore un échec.
Là, j’ai abandonné, passons au plan B.
Je me suis dit que j’avais peut-être un merveilleux indice
sous les yeux. Mais oui, voyons, comment n’y avais-je pas
pensé plus tôt !
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Le ticket de caisse !
Celui qui était joint à l’explosion de gaz. J’allais sans doute
pouvoir en tirer quelque chose.
Je le connaissais ce magasin, c’était tout près.
Il suffisait de trouver une idée pour re-sortir sans énerver
davantage ma mère…
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Dès que je suis arrivé chez Top Pas Cher, je me suis dirigé
vers l’accueil. On allait me prendre pour un fou si j’allais
d’emblée voir une caissière et que je lui brandissais sous le
nez mon vieux ticket. J’ai préféré ne pas trop me faire
remarquer.
« Bonjour madame, j’aurais besoin d’un petit
renseignement.
Bonjour, que veux-tu, jeune homme ?
J’aurais voulu savoir si parmi vos caissières, certaines
travaillaient déjà ici il y a environ deux ans. J’ai besoin
d’une information.
Attends que je réfléchisse... Ah ! Eh bien, oui, tu as de la
chance. Les caissières 3 et 7.
Merci beaucoup, madame. Bonne journée.
Au revoir, petit. »
Caisse numéro 3, heureusement, il n’y avait pas trop de
monde. J’ai attendu que le dernier client passe pour
m’adresser à la caissière.
« Excusez-moi, madame, bonjour. Puis-je vous poser une
question ?
- 30 -
Euh, oui…
Ma question va sans doute vous paraître étrange mais ce
ticket de caisse vous rappelle-t-il quelque chose ou
quelqu’un ?
Vous savez, si je devais me rappeler de tous les clients
qui passent ici ! Mais faites voir, on ne sait jamais… Ah,
mais oui, étrangement, je me souviens du bonhomme qui est
passé à ma caisse ! Avec des provisions pareilles… Mais
désolée, je n’ai pas trop le temps de discuter, vous pouvez
revenir dans quinze minutes, je serai en pause.
Merci, merci beaucoup ! Je reviens dans un quart
d’heure ! »
J’ai repris espoir !
J’étais peut-être enfin sur une piste ! Quelle chance de
tomber sur cette caissière. Les minutes m’ont paru des
heures ; j’avais hâte de discuter avec cette caissière.
Un quart d’heure est enfin passé.
« Vous vous souvenez de moi ?
Oui, oui. Je vais fumer une cigarette, ça ne te dérange
pas d’aller dehors ?
Non, bien sûr.
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Alors, que veux-tu savoir sur ce ticket de caisse ? Je me
souviens très bien de ce gars, il a sorti une liasse de billets
impressionnante. Il avait aussi une tête bien étrange.
C’est justement cela que j’aimerais savoir. À quoi
ressemblait-il ?
Sans dire de bêtises, il était plutôt grand, très barbu, brun
et portait un costume très chic. La quarantaine. Il cachait
son visage et on ne voyait pas ses yeux car il portait des
lunettes noires.
Géniales, toutes ces infos !
Mais pourquoi as-tu besoin de savoir tout cela ?
Oh… je mène une petite enquête sur des vieux papiers
que j’ai retrouvés. En tout cas, merci beaucoup.
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Si cela te suffit, c’est parfait.
Merci, vraiment merci. Bonne journée Madame.
Toi aussi, petit. »
C’était super, j’avais enfin quelques informations. Même si
ça ne m’amenait pas encore bien loin.
De retour chez moi, j’ai ruminé. Je devais continuer mon
enquête. Je ne pouvais pas m’arrêter en si bon chemin.
J’avais un premier indice, c’est ce qu’il me fallait pour me
lancer.
En tout cas, j’avais bien le carnet d’un psychopathe entre les
mains !
Ça me faisait frissonner mais c’était super excitant.
Si Ludo et Nico savaient ça… Non, je ne pouvais rien leur
dire pour le moment.
- 33 -
Et si je retournais plutôt sur internet ? Oui, ça me semblait
plus raisonnable.
Et si je tapais « Explosion de gaz » ?
Voyons… des dizaines de pages en parlaient bien-sûr…
c’était trop large comme recherche…
Hum... « Homme mort tombé d'un bâtiment », pas mieux.
« Homme voulant sauver son chat » Ah ? Peut-être ! Non…
pas ça non plus.
Bon, « Vieux enfourché », non, hors sujet.
« Couple coiffeurs morts », pff… j’allais bientôt craquer.
Et si je retentais « Explosion gaz cinq victimes ». C’était
déjà plus précis.
Ah !!! Enfin ! Trouvé ! Allons voir…
- 34 -
EXPLOSION DE GAZ : CINQ VICTIMES
Une explosion dans une maison fait cinq victimes Dans la nuit du 28 février 2008 à Vannes dans Les Côtes d’Armor, une explosion au gaz a fait cinq victimes. Prévenue par les voisins, la gendarmerie est arrivée sur les lieux peu de temps après et a constaté la mort de cinq personnes. Elle a retrouvé sur les lieux des mégots de cigarettes, vraisemblablement responsables de l’explosion. Elle a aussi trouvé des débris de bouteilles. Après plusieurs analyses et des tests ADN, la police a déjà pu révéler que les cinq personnes faisaient partie de la même famille. Deux d’entre elles habitaient à Élancourt. L’enquête suit son cours.
Ouest France, 1er mars 2008
Il ne peut s’agir que de la même histoire !
Oh, mon dieu, mais c’est effrayant…
Entre le témoignage de la caissière et cet article, je peux
vraiment dire maintenant que j’ai entre les mains le carnet
d’un psychopathe.
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Si j’appelais la gendarmerie ? Elle pourrait peut-être me
donner des informations supplémentaires et éventuellement
le nom des victimes ? Qui sait ? J’essaie, je n’ai plus rien à
perdre.
« Bonjour, gendarmerie de Vannes.
Bonjour, Monsieur ( j’ai pris une voix grave). Excusez-
moi de vous déranger, j’appelais pour un petit
renseignement.
Je vous écoute.
Je suis écrivain et je travaille en ce moment sur une
enquête policière. En fouillant dans de vieux faits divers, je
viens de lire une brève sur une explosion au gaz ayant fait
cinq victimes et datant de février 2008. Je ne sais pas si vous
voyez de quoi je veux parler.
Vous savez, il se passe beaucoup de choses ici et nous
avons beaucoup d’affaires. Mais, attendez, je crois me
souvenir de cette histoire. Oui, oui, je me souviens. Les
victimes étaient toutes de la même famille. Ils habitaient
dans les Yvelines.
- 36 -
Vous souvenez-vous de leur nom ?
La famille Lambert si ma mémoire est bonne. Un nom de
famille banal mais pas l’histoire. On a retrouvé un sacré
chantier sur place… Assez impressionnant et pourtant on en
voit !
Merci pour le nom de famille. Je vais pouvoir continuer
mes investigations.
De rien. Au revoir. »
J’avais sacrément avancé ! Il fallait que j’aille sur place.
J’ai tapé Lambert dans les pages jaunes.
Évidemment, avec un nom si ordinaire, j’ai trouvé plusieurs
adresses.
Six. Dès demain, il faudrait que j’aille sonner à ces portes.
- 37 -
Dès mon réveil, je me suis habillé comme pour partir au
collège. J’ai sauté le petit déjeuner, enfilé en vitesse mon
blouson et glissé dans mes baskets, le carnet dans ma poche.
Une bise à ma mère et je suis sorti, j’avais la première
adresse en tête.
Dans le bus, à mesure que l’on approchait, mon cœur battait
de plus en plus fort. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre
ni quoi faire…
Je suis descendu du bus, les mains en sueur.
Une petite pause au Mc Donald s’imposait !
- 38 -
J’ai commandé un muffin et un milk shake à la fraise : « Le
repas du condamné » ! Une fois assis, j’ai feuilleté une
dernière fois le carnet de ce fou devenu plus que jamais réel.
« Si j’y vais, je n’en reviendrai peut-être pas… mais après
tout ce que j’ai fait, je ne peux pas renoncer maintenant. J’y
vais ? Je n’y vais pas… Bon, je peux toujours m’en remettre
au hasard. Je vais tirer à pile ou face. Il me reste 10 centimes
de monnaie. Pile, j’y vais et je tente l’adresse. Face, je
renonce, tant pis, et je vais chez les Schtroumpfs, et je me
fous des histoires qu’ils me feront pour le portable
volé… Pile ! C’est bon… je ne reviens plus dessus. Mais si
ça tourne mal pour moi ? Qui l’arrêtera ? »
Je suis allé aux toilettes et j’ai soigneusement caché le
carnet derrière un radiateur. J’ai envoyé un texto à Ludo
pour le prévenir. Quand même… Je lui ai dit le minimum.
J’ai préféré lui envoyer un texto plutôt que de lui expliquer
pendant des heures cette histoire de fou.
- 39 -
Ouech Nico. La chui o mcdo de
quentin j’ai trouvé 1 karné. Jcroi
ke c à un psiko. Jdois allé ché lui
mais pas ltem 2 texpliké. Jvais
planké le carné derière un
radiateur. Toilet kan tu rentres
sur ta droite. Si dans 1h jtapel
pas ou jtenvoi pas d sms tu vien
lprendre et tu lramènes ché l
keuf stp.
- 40 -
Bon, c’est là que j’arrête d’écrire. C’est maintenant que je
fais ce que m’a répondu par texto aussitôt Ludo :
TKT J GO !
…
- 41 -
Les auteurs :
ALEXANDRE Bénédicte
BA Aïta
CARNEIRO Miguel
EL FAZZARI Mohammed
FADOUL Nabil
GADEAU Alexandre
HUYNH Jimmy
KHERCHOUCH Rachid
LA VIOLETTE Laura
MAFTOUH Zakaria
MANICAM Kavitha
OMANOVIC Jasmin
PASSOUBADY Marina
QUILLET Grégory
SELLIER Chloé
SEMEDO Iderlindo
SINNIAMOURD Rebecca
VU Jonathan
WEINUM Brittny
YOLCU Jiyan
ZERMAT Dounia