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UNE ANALYSE DE LA CHAÎNE DE VALEUR POUR ACCOMPAGNER LA TRANSFORMATION

DU TISSU INDUSTRIEL FORESTIER DE L’ABITIBI-TÉMISCAMINGUE

RAPPORT FINAL

Présenté à :

CONFÉRENCE RÉGIONALE DES ÉLUS DE L’ABITIBI-TÉMISCAMINGUE

Préparé par :

8 2 5 , r u e R a o u l - J o b i n Québec (Québec) G1N 1S6

Mars 2013

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Référence à citer :

DEL DEGAN, MASSÉ, 2013. Étude de la chaîne de valeur des produits issus des ressources provenant des forêts de l’Abitibi-Témiscamingue. Rapport final présenté à Conférence régionale des élus de l’Abitibi-Témiscamingue, 115 p. + annexes. Référence interne : 12-956.

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Une analyse de la chaîne de valeur pour accompagner la transformation du tissu industriel forestier de l’Abitibi-Témiscamingue Rapport final

www.groupe-ddm.com I

SOMMAIRE EXÉCUTIF CHAÎNE DE VALEUR ET COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES/FILIÈRES

▪ La chaîne de valeur verticale représente l’ensemble des activités d’une entreprise; celles-ci se regroupent en activités principales (ventes et marketing, operations management, logistique amont et aval, service après-vente) et en activités de soutien (approvisionnement, gestion des ressources humaines, technologie de l’information et autres).

▪ Le principe fondamental qui sous-tend à la chaîne de valeur verticale repose sur le caractère

systémique d’une entreprise, la performance d’une activité particulière selon l’efficacité avec laquelle les autres activités se réalisent. Une chaîne de valeur efficace se veut génératrice de valeur pour l’entreprise et pour ses clients, et contribue à une amélioration de sa rentabilité.

▪ La chaîne de valeur horizontale peut être perçue comme une jonction des chaînes de valeur

verticales. La relation qu’une entreprise entretient avec ses fournisseurs (en amont) et ses clients (en aval) représente, dans le cas d’une chaîne de valeur horizontale efficace, plus que la somme des chaînes de valeur verticales individuelles (somme des chaînes de valeur verticales intégrées > somme individuelle des chaînes de valeur verticales). Le secteur tend alors vers une compétitivité accrue.

▪ La création de valeur à l’intérieur d’une chaîne verticale (à l’intérieur de la firme) ne peut

augmenter que par une volonté constante et permanente d’innover, d’une manière technologique ou non. Dans le premier cas, des produits ou des procédés de fabrication émergeront, alors que dans le deuxième cas, une firme adoptera de nouveaux modes de gouvernance/gestion ou une approche différente de commercialisation.

▪ La rentabilité et la compétitivité constituent des concepts fort différents, mais souvent

confondus. La rentabilité est un outil comptable mettant en opposition les revenus et les dépenses d’une entreprise. La compétitivité est un outil économique servant à mesurer la capacité des entreprises d’une industrie à maintenir ou à augmenter ses parts de marché.

▪ Les interventions de l’État visant à hausser la rentabilité des entreprises établies ont peu d’effet

à long terme et ne constituent qu’une façon de se substituer aux marchés. L’État possède toutefois un pouvoir important dans l’amélioration de la compétitivité d’une industrie en travaillant sur l’environnement financier, économique et social à l’intérieur duquel les compagnies doivent fonctionner et se développer.

▪ L’utilisation de fonds publics pour améliorer la compétitivité du secteur forestier de l’Abitibi-

Témiscamingue est non seulement possible, mais souhaitable, si elle vise à consolider et à complexifier le tissu industriel. L’accès aux ressources ne constitue plus un gage de développement industriel. À cet égard, la région doit compter sur l’intervention bien dosée et ciblée de l’État afin d’attirer sur son territoire des entreprises en phase de développement et de démarrage.

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II

NOUVEAU RÉGIME FORESTIER ET APPROVISIONNEMENT EN FIBRE

▪ Le nouveau régime forestier, entré en vigueur le 1er avril 2013, viendra modifier substantiellement la structure industrielle forestière du Québec, et l’Abitibi-Témiscamingue n’y échappera pas. La mise en marché libre d’une partie des volumes de bois publics aura un effet beaucoup plus grand que le transfert des responsabilités d’aménagement à l’État.

▪ Le dynamisme affiché par les entreprises forestières de première transformation de l’Abitibi-

Témiscamingue tout au long de la dernière crise économique et financière laisse croire que la concurrence domestique pour l’acquisition de la ressource leur sera bénéfique. La concurrence domestique demeure un élément incontournable dans l’acquisition d’un avantage concurrentiel en permettant aux bonnes entreprises de devenir meilleures, entraînant ainsi progressivement la fermeture des autres.

▪ Les entreprises forestières de première transformation de l’Abitibi-Témiscamingue se sont

traditionnellement approvisionnées à partir de forêts publiques ou privées situées à l’extérieur de la région. Les baisses récentes du calcul de la possibilité forestière rehausseront leur dépendance envers les autres régions limitrophes et feront de celles-ci des compétiteurs agressifs pour l’obtention des volumes mis aux enchères par l’entremise du Bureau de mise en marché des bois (BMMB). Les entreprises détentrice de garanties d’approvisionnement (anciennement, de contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier, ou CAAF), à l’inverse des autres bénéficiaires du Québec, ont participé massivement aux enchères portant sur les arrérages qui se sont déroulées jusqu’à l’automne 2012.

▪ La rareté relative de matière ligneuse en Abitibi-Témiscamingue (la région étant une

importatrice nette) fera en sorte que la valeur marchande des bois sur pied risque d’augmenter proportionnellement plus rapidement que celui du bois d’œuvre sur les marchés alors que le bois rond de l’Abitibi-Témiscamingue s’affiche déjà comme l’un des plus dispendieux au monde.

▪ Les résultats des premières enchères semblent appuyer cette affirmation. Dans la région du

nord-ouest, les enchères octroyées l’ont été à un prix plus de 54 % supérieur au prix de départ. La deuxième région (centre-nord) ne l’a été que par moins de 20 %. Pourtant, aucun de ces volumes ne venait diminuer l’approvisionnement des usines en places.

▪ Un rapprochement est souhaitable entre les industriels de l’Abitibi-Témiscamingue et les

propriétaires forestiers de la région. Alors qu’une proportion importante du bois privé ne trouve pas preneur, du bois des régions limitrophes sert à approvisionner les usines de la région. Les autorités et les acteurs doivent profiter de l’impulsion du moment offert par le nouveau régime pour favoriser le développement des solutions gagnant-gagnant reposant sur le principe de la résidualité. L’optimisation de la chaîne horizontale ne peut se réaliser alors qu’une partie de la richesse régionale se perd au profit de volumes ligneux extérieurs.

▪ De même, la possibilité totale (forêt privée et forêt publique) en peupliers en Abitibi-

Témiscamingue dépasse un million de mètres cubes. Il s’agit d’un lourd fardeau pour le reste du secteur forestier qui doit souvent composer avec des peuplements mixtes pour s’approvisionner en sapins, épinettes, pins gris et mélèzes (SEPM). L’optimisation de la chaîne de valeur horizontale passe par la présence d’utilisateurs pour cette essence.

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www.groupe-ddm.com III

MISE EN VALEUR DES RESSOURCES FORESTIÈRES : CHOIX DE FILIÈRES

▪ Les entreprises de la filière non ligneuse (produits forestiers non ligneux et extractibles forestiers) de l’Abitibi-Témiscamingue demeurent encore à un stade de production artisanale. Elles ne possèdent pas la notoriété d’autres régions comme le Saguenay-Lac-Saint-Jean ou Charlevoix. Pourtant, plusieurs de ces entreprises démontrent une volonté inaliénable de différenciation de leurs produits. Un label régional similaire à celui d’autres régions pourrait s’avérer bénéfique pour ce secteur sur le plan de la commercialisation et de la mise en marché.

▪ Les entreprises de première transformation intégrées et non intégrées de la filière structurelle

(sciage, déroulage, copeaux, etc.) présentent des différences importantes en matière de stratégies concurrentielles. La stricte discipline budgétaire jumelée à une décentralisation limitée « des pouvoirs décisionnels » laisse moins de place à l’innovation régionale chez les intégrées que chez les non intégrées. Ces dernières, qui démontrent une plus grande propension à maintenir leurs parts de marché, ont procédé à davantage d’innovations, parfois au détriment de leurs marges de profits à court terme.

▪ Les entreprises de cette filière doivent tenter de rattraper le retard enregistré au chapitre des

immobilisations. Un soutien régional apparaît indispensable afin de fournir aux entreprises un accès adéquat à du financement commercial sous toutes ses formes.

▪ La situation problématique des surplus de copeaux ne pourra être réglée que par une

amélioration de rendement matière, les entreprises de sciage de l’Abitibi-Témiscamingue affichant déjà un très bon dossier à cet égard. L’imminence de la fin de l’Accord sur le bois d’œuvre résineux (ABR2006) laisse poindre des menaces de droits calculés à partir des sciages de faibles dimensions et de faible valeur.

▪ Tout le secteur forestier canadien s’est doté d’une infrastructure de R et D commune en

FPInnovations. La coopération à ce chapitre s’inscrit très avantageusement dans le modèle d’analyse utilisé dans le cadre de cette étude à la condition que les entreprises puissent se concurrencer sur d’autres plans. L’ancien régime forestier limitait la compétition et contribuait ainsi au maintien « artificiel » d’entreprises non performantes. À l’inverse, des entreprises qui peuvent soutenir un niveau de compétition interne élevé s’avèrent des partenaires exigeants et avant-gardistes quant à l’adoption de nouvelles technologies.

▪ L’Abitibi-Témiscamingue présente toutes les caractéristiques nécessaires à la mise en place

d’un centre de valorisation de la fibre (CVF) afin d’augmenter le niveau de productivité des usines existantes, de réaliser des économies importantes au niveau du transport des copeaux et autres coproduits, et de favoriser l’émergence de nouvelles entreprises de tailles diverses.

▪ Un CVF pourrait éventuellement devenir le siège d’entreprises de biocarburant et d’extractibles

qui pourraient profiter notamment de l’abondance de biomasse à prix avantageux. Une étude de faisabilité technico-économique devrait rapidement être enclenchée.

▪ Le développement spectaculaire d’une industrie de la deuxième transformation (ex. : SCISA — Systèmes de construction en bois) devra rapidement déboucher vers l’exportation de l’expertise acquise en Abitibi-Témiscamingue. La région doit se positionner rapidement et

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IV

avantageusement face aux constructeurs américains qui se montrent de plus en plus avides de ce type de construction (réduction considérable du temps nécessaire à la mise en chantier).

▪ Toute usine de papier journal encore en activité doit se préparer à la fin de ses opérations sur

un horizon de ± 10 à 20 ans. L’usine d’Amos ne fait pas exception du fait de son coût d’approvisionnement élevé et du procédé de fabrication utilisé (TMP), deux éléments qui finiront par représenter un fardeau financier insurmontable. La région devrait rapidement se pencher sur cette situation alors qu’une mobilisation régionale forte enverrait un signal clair aux autorités concernées.

▪ L’Abitibi-Témiscamingue possède plusieurs atouts importants pour devenir le siège de la

première usine de biocarburants à partir de matière ligneuse. L’industrie minière, grande consommatrice de carburants fossiles, pourrait devenir un partenaire important dans le projet. La bioénergie peut consommer de grandes quantités de matière ligneuse pour lesquelles il n’existe pas de marché pour le moment. De plus, la présence d’un CVF pourrait s’avérer un élément essentiel dans la faisabilité d’une usine de biocarburants de deuxième génération.

▪ L’Abitibi-Témiscamingue prend de plus en plus des allures de chef de file québécois du monde

forestier. Elle profite d’un bon mélange d’entreprises intégrées et non intégrées ont traversé la crise financière et économique en adoptant des stratégies différentes, mais efficaces, ainsi que d’un important marché interne pour ses produits structuraux. Plusieurs éléments des chaînes de valeur étudiées présentent toutefois des lacunes qui pourraient être corrigées en partie par : 1) un meilleur arrimage entre la forêt privée et l’industrie; 2) la mise en place de CVF; 3) le développement d’une industrie des biocarburants.

▪ Finalement, la mobilisation de tous les acteurs impliqués dans le recrutement et le développement des ressources humaines se veut indispensable pour s’assurer que les entreprises de l’Abitibi-Témiscamingue compensent la rareté de la main-d’œuvre par une augmentation de sa productivité.

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TABLE DES MATIÈRES

1. INTRODUCTION ..................................................................................................................................... 4

2. OBJECTIFS .............................................................................................................................................. 6

2.1 Objectif général ........................................................................................................................... 6

2.2 Objectifs spécifiques ................................................................................................................... 7

3. MÉTHODOLOGIE .................................................................................................................................... 7

3.1 Concept de chaîne de valeur ....................................................................................................... 8

3.1.1 Chaîne verticale .............................................................................................................. 8

3.1.2 Chaîne horizontale ........................................................................................................ 11

3.2 Modèles d’analyse utilisés ........................................................................................................ 12

3.2.1 Analyse structurelle ...................................................................................................... 12

3.2.2 Avantage concurrentiel ................................................................................................ 13

3.3 Définition des filières................................................................................................................. 13

3.4 Réflexion sur les notions de rentabilité et de compétitivité ..................................................... 17

3.5 Innovation ................................................................................................................................. 22

3.6 Nouveau régime forestier du Québec ....................................................................................... 23

3.7 Rareté de la ressource forestière en Abitibi-Témiscamingue ................................................... 26

3.7.1 Situation du Québec ..................................................................................................... 26

3.7.2 Situation de l’Abitibi-Témiscamingue. .......................................................................... 30

4. CHAÎNE DE VALEUR DES PRODUITS FORESTIERS EN ABITIBI-TÉMISCAMINGUE ................................. 37

4.1 Filière des ressources non ligneuse ........................................................................................... 37

4.1.1 Chaîne verticale ............................................................................................................ 38

4.1.2 Chaîne horizontale ........................................................................................................ 40

4.1.3 Vue d’ensemble ............................................................................................................ 41

4.2 Filière des ressources ligneuses structurelles ........................................................................... 43

4.2.1 Chaîne verticale ............................................................................................................ 43

4.2.2 Chaîne horizontale ........................................................................................................ 53

4.2.3 Vue d’ensemble ............................................................................................................ 59

4.3 Filière des ressources ligneuses non structurelles .................................................................... 65

4.3.1 Chaîne verticale ............................................................................................................ 66

4.3.2 Chaîne horizontale ........................................................................................................ 67

4.3.3 Vue d’ensemble ............................................................................................................ 69

5. VUE D’ENSEMBLE DU SECTEUR FORESTIER DE L’ABITIBI-TÉMISCAMINGUE ....................................... 75

5.1 Grappe industrielle forestière de l’Abitibi-Témiscamingue ...................................................... 83

6. CONCLUSION ....................................................................................................................................... 93

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 Chaîne de valeur d’une entreprise (verticale) : .................................................................... 10

Tableau 2 Comparaison entre les concepts de rentabilité et de compétitivité ................................... 19

Tableau 3 Écart des prix de vente et des prix de départ sur les territoires régionaux du BMMB ........ 31

Tableau 4 Forces, faiblesses, opportunités et menaces du secteur forestier de l’Abitibi-Témiscamingue .................................................................................................................... 81

Tableau 5 Sommaire des recommandations avec le rôle et actions associées. ................................... 88

LISTE DES FIGURES Figure 1 Démarche de mise en œuvre du PRDIRT de l’Abitibi-Témiscamingue ..................................... 4

Figure 2 Chaîne de valeur d’une entreprise ........................................................................................... 9

Figure 3 Système de valeur et concept d’analyses verticale et horizontale ........................................ 11

Figure 4 Modèle d’analyse structurelle ................................................................................................ 12

Figure 5 Déterminants de l’avantage concurrentiel ............................................................................. 13

Figure 6 Définition des filières forestières de l’Abitibi-Témiscamingue ............................................... 14

Figure 7 Filière 1 : Ligneuse structurelle ............................................................................................... 15

Figure 8 Filière 2 : ligneuse non structurelle ........................................................................................ 16

Figure 9 Filière 3 : Non ligneuse ........................................................................................................... 17

Figure 10 Cycle de vie des produits ou des industries ............................................................................ 21

Figure 11 Description du concept d’innovation ..................................................................................... 23

Figure 12 Possibilité forestière totale en SEPM au Québec selon les différentes provenances. ........... 27

Figure 13 Possibilité (offre), capacité de transformation et demande pour le bois rond du Québec .................................................................................................................................... 28

Figure 14 Possibilité (offre) et demande pour le bois rond de forêt publique du Québec .................... 29

Figure 15 Possibilité, capacité de transformation et demande pour le bois rond de l’Abitibi-Témiscamingue. ...................................................................................................................... 30

Figure 16 Possibilité, attributions et récolte pour les peupliers sur forêt publique de l’Abitibi-Témiscamingue. ...................................................................................................................... 33

Figure 17 Prélèvements autorisés et récolte pour les essences SEPM sur forêt privée en Abitibi-Témiscamingue. ...................................................................................................................... 34

Figure 18 Prélèvements autorisés et récolte pour les peupliers sur forêt privée en Abitibi-Témiscamingue. ...................................................................................................................... 34

Figure 19 Dépenses en immobilisations et en réparations dans les scieries du Québec. ...................... 46

Figure 20 Mises en chantier résidentielles dans les principales villes d’Abitibi-Témiscamingue. .......... 56

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Figure 21 Le recours à la fabrication pour les constructeurs sur site aux États-Unis. ............................ 57

Figure 22 Le commerce des maisons préfabriquées entre le Canada et les États-Unis ......................... 58

Figure 23 Le commerce des maisons préfabriquées entre le Québec et les États-Unis. ....................... 59

Figure 24 Prix de transaction moyen ($/tma) des copeaux de scieries d’essences résineuses au Québec depuis 2001. .............................................................................................................. 68

Figure 25 Nombre de trimestres nécessaires pour revenir au niveau d’activité économique d’avant la récession. ............................................................................................................... 76

Figure 26 Nombre de trimestres nécessaires pour revenir au niveau de mises en chantier moyen aux États-Unis. ........................................................................................................................ 77

Figure 27 Produit intérieur brut (PIB) par industrie (2003 = 100) .......................................................... 78

Figure 28 Climat d’affaires provincial au Canada ................................................................................... 80

Figure 29 Grappe industrielle forestière du Québec et de l’Abitibi-Témiscamingue ............................. 84

LISTE DES ANNEXES Annexe 1 Questionnaire administré aux entreprises forestières de première et de deuxième

transformation de l’Abitibi-Témiscamingue.

Annexe 2 Revue des études antérieures.

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1. INTRODUCTION

La Conférence régionale des élus de l’Abitibi-Témiscamingue (CRÉ-AT) adoptait, au début de 2012, les objectifs du Plan régional de développement intégré des ressources et du territoire (PRDIRT). Ces objectifs se répartissent en cinq grandes orientations stratégiques composées elles-mêmes d’axes d’intervention qui se déclinent à leur tour en orientations spécifiques, chacune associée à un objectif précis. La figure 1 montre, de manière schématique, la démarche de mise en œuvre du PRDIRT de l’Abitibi-Témiscamingue telle qu’apparaissant dans l’entente de mise en œuvre approuvée par la CRÉ-AT au début de 20121.

Figure 1 Démarche de mise en œuvre du PRDIRT de l’Abitibi-Témiscamingue

L’analyse du présent rapport s’inscrit dans la foulée de la quatrième orientation stratégique qui vise à « accroître la contribution de la mise en valeur des ressources naturelles et du territoire au développement local ». Il s’agit d’une orientation stratégique majeure du PRDIRT qui se distingue immédiatement des quatre autres par son caractère essentiellement économique. Le premier axe d’intervention de cette quatrième orientation stratégique consiste à doter la région d’une expertise régionale en procédant notamment (orientation spécifique de développement) à l’« étude de la chaîne de valeur des produits forestiers de la région ». Conséquemment, l’objectif de cette orientation spécifique consiste à optimiser la valeur totale des biens et services produits par les forêts de l’Abitibi-Témiscamingue. L’Abitibi-Témiscamingue s’interroge sur le potentiel inutilisé de son secteur forestier de façon très légitime. L’immense étendue et la grande valeur de ses forêts, l’abondance des ressources énergétiques ainsi qu’une main-d’œuvre dédiée ont contribué à doter la région d’une structure de transformation impressionnante depuis les 100 dernières années. Or, comme un peu partout au Québec, il semble que le rythme d’activité associée à la forêt soit de plus en plus difficile à maintenir. Il faut donc chercher les causes de cet essoufflement ailleurs que dans les ressources.

1 Entente de mise en œuvre du Plan régional de développement des ressources et du territoire de l’Abitibi-Témiscamingue. Janvier 2012.

Objectifs du PRDIRT

Orientation stratégique

Axe d’intervention

Orientation spécifique de développement

Objectif

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Peu importe le secteur d’activité, toutes les compagnies peuvent maintenant trouver le capital, l’information et la technologie nécessaires provenant du monde entier, et le monde forestier n’y échappe pas. L’amélioration des systèmes de transport et de communication ainsi que l’ouverture des marchés devraient donc logiquement diminuer l’importance de la localisation géographique dans la compétition. Pourtant, la cartographie économique du monde se caractérise et est dominée par des masses critiques, les grappes industrielles2. Celles-ci font ressortir un paradoxe moderne : les avantages compétitifs durables dans l’économie globale reposent de plus en plus sur des éléments locaux. L’avantage compétitif surgit dès que les rivaux éloignés ne peuvent pas reproduire les éléments spécifiques à une région. Si l’accès à des ressources naturelles de qualité et à prix abordable demeure encore une condition nécessaire au développement et au maintien d’un secteur forestier florissant, force est de constater que ce n’est plus suffisant. L’avantage compétitif d’une région repose davantage sur le niveau de productivité de ses ressources, ce qui nécessite une innovation continuelle. Il sera démontré que la capacité d’innovation qu’une région offre aux entreprises se veut un avantage beaucoup plus décisif et persistant que le simple accès aux ressources dans le processus décisionnel menant au choix de la localisation d’une usine. Les entreprises québécoises reliées à la transformation de la matière ligneuse ont longtemps bénéficié à la fois d’une ressource qualifiée de meilleure au monde, de la proximité du plus vaste marché mondial ainsi que d’un taux de change favorable qui leur ont masqué trop longtemps, et de façon artificielle, la désuétude de leur stratégie de coût. La Conférence régionale des élus de l’Abitibi-Témiscamingue se montre d’ailleurs très au fait de cette nouvelle réalité au chapitre de la compétition internationale à laquelle se heurte la frange exposée de ses entreprises de transformation, c’est-à-dire celles qui doivent préserver leurs parts de marché face à des entreprises étrangères. D’amblée, la CRÉ propose, en effet, de faire reposer la présente étude sur le modèle d’analyse des avantages concurrentiels de Porter3, précisément créé dans le but de répondre à ces nouvelles interrogations en matière de compétitivité. Le modèle d’analyse sera présenté plus en détail dans les prochains chapitres.

2 Une grappe est une concentration géographique d’institutions et de compagnies inter reliées dans un domaine particulier. Une

grappe inclut un ensemble d’industries liées ainsi que d’autres entités importantes pour la compétition comme des fournisseurs d’intrants spécialisés, des composants, de la machinerie, des services et des fournisseurs d’infrastructures spécialisées. Les grappes s’étendent vers le bas par des canaux de distribution vers les consommateurs et latéralement vers des manufacturiers de produits complémentaires et vers des entreprises dans des industries reliées au chapitre des expertises, technologies ou des intrants communs. Finalement, une grappe peut inclure le gouvernement et d’autres institutions comme des universités, agences, associations de commerce qui fournissent de la formation spécialisée, de l’instruction, de l’information, de la recherche et du support technique. Le terme « cluster » est aussi souvent utilisé pour désigné une grappe industrielle.

3 Il s’agit du modèle d’analyse structurelle qui se penche sur l’ensemble des entreprises d’un secteur particulier à l’intérieur de

leur marché et du modèle des avantages concurrentiels qui étudient le contexte national à l’intérieur duquel fonctionne ledit secteur. Ces deux modèles, élaborés dans les années 1980 et 1990, proviennent des travaux de l’économiste Michael Porter et sont utilisés à grande échelle dans tous les secteurs d’activités. Porter est universellement reconnu comme le père de l’analyse de la compétitivité et de la stratégie concurrentielle moderne. En plus de la poursuite de ses travaux, Michael Porter siège aujourd’hui sur bon nombre de conseils d’administration d’entreprises de grande envergure, autant américaines qu’internationales. Il joue aussi un rôle très actif dans l’élaboration et le suivi de la politique économique américaine en conseillant autant la Maison Blanche que le Congrès. Plusieurs chefs d’État le consultent régulièrement aujourd’hui. Finalement, la récente prise de conscience environnementale, notamment au chapitre des gaz à effet de serre, a servi à consolider ses différents modèles d’analyse en démontrant qu’ils constituaient des outils de travail encore plus performants.

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La Conférence régionale des élus de l’Abitibi-Témiscamingue démontre un grand intérêt dans le développement de son secteur forestier, toutes activités confondues. Une réflexion s’impose toutefois sur les pouvoirs et la capacité de ceux-ci et ceux des institutions publiques à intervenir de façon positive sur l’évolution d’un secteur forestier. L’étude débutera en établissant une distinction entre des objectifs de compétitivité et de rentabilité. Si l’État, à quelque palier, possède un grand pouvoir d’orientation vers la compétitivité de son secteur forestier, il possède peu, sinon aucun moyen d’en assurer la rentabilité à long terme. Une analyse de la chaîne de valeur doit par ailleurs se pencher sur l’état de ressource même en termes de volumes disponibles pour les différents utilisateurs. Or, ce document se rédige au moment où l’État se prépare à modifier de façon drastique les règles du jeu en matière d’accès à ces volumes. Le secteur forestier québécois tout entier se verra perturbé par le nouveau régime forestier. Parallèlement à la mise en place de ce dernier, les calculs de possibilité forestière ont diminué de façon importante les volumes disponibles pour les industriels québécois. Malgré leur grande efficacité, les compagnies œuvrant dans le monde forestier en Abitibi-Témiscamingue seront affectées par le nouvel environnement. La résilience dont elles ont fait preuve au cours de la dernière décennie saura encore une fois se manifester pour maintenir l’activité forestière de la région dans le peloton de tête en dépit de paramètres défavorables comme la distance aux marchés, la grosseur des tiges et les coûts de récolte parmi les plus élevés au Québec. Tout au long du document, des recommandations visant à améliorer la chaîne de valeur des produits forestiers apparaissent dans les différentes sections au gré des sujets abordés. La dernière section comporte une liste complète de ces recommandations, auxquelles viennent se greffer le rôle que pourrait jouer la CRÉ de l’Abitibi-Témiscamingue dans leur mise en œuvre ainsi que les principaux effets anticipés. Une analyse approfondie de certaines études antérieures4 se rapportant à la situation socio-économique de l’Abitibi-Témiscamingue dans son contexte forestier a constitué une source d’information des plus pertinentes. Sans tenter de reproduire l’une ou l’autre de ces études, le présent document s’est largement inspiré des connaissances qu’elles fournissent pour son analyse des chaines de valeur.

2. OBJECTIFS

Les objectifs de la présente étude découlent directement de ceux l’Entente de mise en œuvre du PRDIRT de l’Abitibi-Témiscamingue.

2.1 Objectif général

▪ Fournir à la région de l’Abitibi-Témiscamingue un outil d’expertise régionale en procédant à l’étude de la chaîne de valeur des produits forestiers de la région.

4 Ces études antérieures ont été proposées et fournies par la Commission régionale des élus de l’Abitibi-Témiscamingue.

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2.2 Objectifs spécifiques

▪ Identifier les éléments des chaînes de valeur verticale et horizontale à la base de l’avantage concurrentiel de l’Abitibi-Témiscamingue et ceux qui pourraient contribuer à augmenter la valeur des biens et services produits par ses forêts.

▪ Fournir à la CRÉ de l’Abitibi-Témiscamingue des recommandations sur les actions à prendre pour optimiser la valeur des produits et des services issus des forêts de la région.

3. MÉTHODOLOGIE

Le secteur forestier de l’Abitibi-Témiscamingue est beaucoup trop vaste pour servir de cadre d’analyse. Il s’agit en effet d’un secteur diversifié dont les différentes composantes ne sauraient recevoir un diagnostic ou des recommandations communes qui s’avéreraient fonctionnelles. À l’inverse, une étude réalisée au niveau de chaque industrie5 aurait comme effet de masquer les synergies engendrées par la chaîne de valeur horizontale à la base du présent mandat. L’ensemble des activités découlant des ressources forestières sera donc scindé en filières qui regrouperont des industries différentes bien que possédant toutefois certaines caractéristiques communes en termes d’intrants (essences, qualités), de types de transformation primaire (mise en copeaux, sciage, déroulage, etc.), de mise en marché ou d’utilisation du produit final. La définition des filières mènera à l’exercice de réflexion sur les objectifs de compétitivité et de rentabilité annoncés en introduction. Cette digression fournira une direction indispensable à la réalisation du diagnostic et des recommandations propres à chaque filière. Finalement, une dernière étape « préliminaire » de mise à niveau au bénéfice du lecteur consistera à présenter les fondements théoriques associés à l’étude de la chaîne de valeur. Les concepts de chaînes verticale (c.-à-d. à l’intérieur d’une même entreprise) et horizontale (interactions entre les entreprises en amont et en aval de la filière) seront présentés avec les informations et les objectifs que cette approche tente de déceler. Parallèlement, un questionnaire comportant un peu plus de 30 items aura été fourni à un certain nombre d’entreprises œuvrant dans chacune des filières6. L’observation des résultats des questionnaires permettra de procéder à une analyse structurelle des filières, c’est-à-dire l’étude des forces sous-jacentes à la présence de profits économiques positifs et récurrents. Cette analyse situe ainsi une industrie à l’intérieur de son marché. Elle précède généralement l’analyse des avantages concurrentiels (ou des chaînes verticale et horizontale) puisqu’elle met en lumière la situation prévalant pour l’ensemble des entreprises du secteur, peu importe leur localisation

5 Dans ce document, le terme « industrie » réfère à l’ensemble des usines produisant un bien pouvant entrer en compétition. Il sera donc question de l’industrie du sciage résineux ou de l’industrie de la pâte commerciale de feuillus. L’expression « industrie forestière » ne possède pas de fondement économique puisqu’elle englobe des entités n’entrant pas en compétition l’une envers l’autre. Une entreprise impliquée dans la fabrication de plus d’un bien ou d’un service se retrouve donc présente dans plus d’une industrie. 6 Les entrevues ont été réalisées après la définition des filières afin de s’assurer qu’elles soient toutes représentées.

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géographique. Si l’analyse structurelle permet de comprendre pourquoi un secteur réalise (ou non) des profits d’ordre économique année après année, elle demeure toutefois muette quant à leur répartition au sein dudit secteur. L’étude des chaînes de valeur et, par extension, de l’avantage concurrentiel qui en découlera évalueront la capacité des entreprises de l’Abitibi-Témiscamingue à se tailler une place intéressante à l’intérieur de chacune des filières. L’analyse de la chaîne de valeur, aussi bien verticale qu’horizontale, d’un aussi vaste domaine d’activités que celui relié à la forêt de l’Abitibi-Témiscamingue doit nécessairement débuter par une analyse des ressources forestières en jeu. Le Québec tout entier est sur le point d’entrer dans un régime forestier tout à fait nouveau, aussi bien en ce qui concerne la répartition des responsabilités des acteurs que de la mise à l’enchère d’une certaine partie du bois public. Ce dernier volet constitue l’élément le plus important pour l’évolution du secteur forestier à court et, surtout, à long terme. Les entreprises québécoises de transformation de la matière ligneuse n’ont à peu près aucune expérience de compétition domestique pour ce genre de ressource. Ces nouvelles règles du jeu viendront complexifier une situation déjà problématique découlant des baisses importantes dans les calculs de la possibilité forestière. L’Abitibi-Témiscamingue, déjà déficitaire en termes de capacité forestière, sera vraisemblablement fortement frappée lorsque la demande pour les produits forestiers québécois reviendra à son niveau moyen historique. Les entreprises de la région, déjà dépendantes des sources d’approvisionnement avoisinantes (notamment du Nord-du-Québec) verront cette situation se détériorer davantage, et ce, dès les premières années du régime. À noter que si le nouveau régime et les baisses de possibilités constituent des événements indépendants, leur niveau de complexité mutuelle dépassera la somme de leurs complexités individuelles.

3.1 Concept de chaîne de valeur

3.1.1 Chaîne verticale

Le fonctionnement d’une entreprise consiste en une série d’activités visant à créer de la valeur pour ses clients. La valeur finale de ces activités se mesure par le prix que les clients sont disposés à payer pour obtenir les biens ou les services de l’entreprise. Toutes les activités d’une entreprise contribuent à créer de la valeur pour les clients. Si cette valeur totale est supérieure aux coûts encourus pour réaliser les différentes activités, l’entreprise est rentable. Pour obtenir un avantage concurrentiel sur ses concurrentes, une entreprise possède deux options. Elle peut premièrement offrir à ses clients une valeur semblable à celle de ses concurrentes tout en étant plus efficace dans la production. Il s’agit alors d’une stratégie de coût. En deuxième option, l’entreprise peut mener ses activités de façon à générer une plus grande valeur pour ses clients en contrepartie de prix de vente plus élevés. C’est la stratégie de différenciation. Notons que la différenciation consiste avant tout en une perception de la part d’un client. Elle peut prendre la forme d’un meilleur service après-vente, d’une livraison « juste à temps » ou de caractéristiques physiques supérieures du produit. Une compagnie engagée dans une stratégie de différenciation ne doit pas pour autant négliger de contrôler ses frais d’exploitation sous prétexte qu’elle génère des revenus supérieurs. Une telle attitude

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ne pourrait que mener à l’échec. La préoccupation de maintenir ces coûts à leur plus bas niveau demeure omniprésente, peu importe le type de stratégie adoptée. La différence entre les deux types de stratégie réside dans le fait qu’une entreprise désirant différencier ses produits devra nécessairement subir des coûts d’exploitation plus élevés qu’une firme centrée uniquement sur ses coûts. Il est à espérer qu’une compagnie préconisant une stratégie de différenciation puisse bénéficier de revenus supérieurs qui couvrent l’augmentation de coûts qui lui est associée. Les activités d’une entreprise peuvent être classées en deux catégories. Tout d’abord, les activités principales, se rapportant à la production et la commercialisation. En second lieu, les activités de soutien, incluant notamment la gestion des ressources humaines, les services financiers, les approvisionnements, la planification, etc. L’ensemble des activités d’une entreprise forme sa chaîne de valeur. La figure 2 présente, de façon schématique, les deux grandes catégories d’activités d’une entreprise. Le tableau 1 fournit des détails supplémentaires sur la nature des différentes activités. L’ensemble des activités d’une entreprise et, par extension, de celles des entreprises concurrentes constitue la chaîne de valeur verticale.

Figure 2 Chaîne de valeur d’une entreprise7

7 Source : Porter, 1990

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Tableau 1 Chaîne de valeur d’une entreprise (verticale) :

Activités de soutien Description

Infrastructure de l’entreprise Activités administratives : direction générale, planification, finance, comptabilité, domaine juridique, relations extérieures, gestion de la qualité, etc.

Gestion des ressources humaines Recrutement, embauche, formation

Technologie Fourniture de la technologie nécessaire aux processus de production et aux autres activités de soutien

Approvisionnement Achat des moyens de production

Activités principales Description

Logistique interne Réception, stockage et affectation des moyens de production

Production Transformation des moyens de production en produits finis

Logistique externe Collecte, stockage et distribution physiques des produits aux clients

Commercialisation et vente Publicité, promotion, force de vente, circuits de distribution, relation avec les distributeurs, fixation des prix

Service après-vente Activités visant à accroître ou à maintenir la valeur du produit

Le type de stratégie (de coût ou de différenciation) adopté par l’entreprise détermine la façon dont seront menées chacune des activités. L’importance relative de chaque activité varie en fonction de l’industrie bien que des différences majeures peuvent aussi être observées entre les firmes d’une même industrie. Une entreprise se veut plus qu’une simple addition de ses activités. La chaîne de valeur demeure avant tout un système d’activités interdépendantes et coordonnées. En effet, la façon avec laquelle est conduite une des activités affecte la performance et les coûts des autres activités. Par exemple, des investissements dans de nouvelles technologies peuvent diminuer les coûts de production qui, à leur tour, entraînent une diminution des réclamations des clients et une baisse des services après-vente. Une meilleure planification peut amener à des diminutions des coûts d’inventaire, etc. Le système d’interdépendance des activités est propre à chaque entreprise. Il demeure difficile à reproduire par les concurrents qui n’ont que peu ou pas d’accès à ces informations confidentielles. L’avantage concurrentiel prend forme dès lors qu’une entreprise gère ses activités comme un système plutôt que comme une suite d’éléments séquentiels. La chaîne de valeur d’une entreprise n’est pas immuable. Au contraire, ses dirigeants doivent même continuellement revoir la configuration des activités, en modifier l’ordre, l’importance relative, voire en faire disparaître certaines ou apparaître d’autres. La flexibilité de la gestion détermine non seulement les succès d’une firme, mais aussi sa survie. La maxime voulant qu’il n’existe que deux types de compagnies, celles qui évoluent et celles qui ferment, montre toute son importance dans le paysage forestier québécois des dernières années.

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3.1.2 Chaîne horizontale

La chaîne de valeur d’une entreprise s’inscrit à l’intérieur d’un système plus large, composé de la chaîne des entreprises situées en amont (fournisseurs) et en aval (clients). L’ensemble des chaînes de valeur des entreprises d’un secteur d’activités est à la base de la formation et du développement des grappes industrielles. L’ensemble des chaînes de valeur des entreprises allant de la première transformation jusqu’à la consommation finale constitue la chaîne horizontale.

La figure 3 présente, de façon schématique, les concepts de chaînes verticale et horizontale.

Les chaînes de valeur individuelles des différentes entreprises dans la chaîne horizontale peuvent être considérées de façon similaire aux activités d’une entreprise particulière : si chaque entreprise constitue un objet indépendant et isolé des éléments (entreprises) en amont et en aval, il se créera moins de valeur à l’intérieur de la chaîne totale que dans le cas d’une coopération des entreprises qui tenteraient de faire bénéficier le client d’une partie des avantages découlant de la chaîne individuelle. Ces synergies bidirectionnelles sont à la base du développement d’un avantage concurrentiel du secteur au complet et demeurent très difficiles à reproduire par les concurrents situés ailleurs dans le monde. Des clients et des fournisseurs efficaces et en santé financière demeurent un atout indiscutable pour le développement, voire la survie, des compagnies de n’importe quelle industrie.

Les interdépendances stratégiques entre les entreprises s’avèrent beaucoup plus efficaces que la rigidité de l’intégration verticale en amont ou en aval. Il est en effet beaucoup plus facile pour une entreprise spécialisée de s’adapter à un environnement changeant que pour une entreprise intégrée de modifier un de ses départements.

Comme c’est le cas pour les activités d’une entreprise qui doivent être considérées comme un système interdépendant, la chaîne de valeur de l’ensemble des clients et des fournisseurs d’un secteur peut générer une valeur globale supérieure à celle des entreprises individuelles.

L’analyse des chaînes de valeur verticale et horizontale s’appliquera à chacune des filières (à être définies plus bas) reliées au domaine forestier de l’Abitibi-Témiscamingue.

Figure 3 Système de valeur et concept d’analyses verticale et horizontale

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3.2 Modèles d’analyse utilisés

Le concept des chaînes de valeur proposé par la Commission régionale des élus de l’Abitibi-Témiscamingue s’inscrit à l’intérieur d’une approche analytique largement reconnue par les communautés financière et économique mondiales. Les modèles d’analyse de Porter, présentés en introduction, apparaissent comme le meilleur outil pour capter l’ensemble des paramètres pouvant influer sur l’obtention d’un avantage concurrentiel pour les compagnies forestières de l’Abitibi-Témiscamingue. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une analyse portant sur l’application stricte des différents modèles de Porter, leur cadre d’analyse demeurera présent tout au long du document. Plus particulièrement, l’analyse de la structure et celle de l’avantage concurrentiel sont les deux modèles de référence qui serviront à analyser la situation et les informations.

3.2.1 Analyse structurelle

Le modèle d’analyse structurelle permet d’évaluer chacune des cinq forces auxquelles doit se soumettre toute entreprise, peu importe l’industrie concernée. La combinaison de ces forces, qui apparaissent de façon schématique à la figure 4, détermine la capacité des entreprises d’un secteur à générer et, surtout, à pouvoir maintenir des profits économiques. Il est important de noter ici que l’analyse structurelle se penche sur l’ensemble des entreprises utilisant un même marché.

Figure 4 Modèle d’analyse structurelle

Par exemple, le marché des produits forestiers de première transformation comme le sciage et les panneaux OSB peut être Nord-américain alors que celui de la pâte commerciale et du papier journal devient mondial. À l’inverse, les marchés pour les produits forestiers non ligneux de l’Abitibi-Témiscamingue se limitent principalement au territoire provincial avec une forte concentration régionale. Le modèle d’analyse doit être assez souple pour s’adapter à ces différentes situations.

Tiré de Porter, 1990

Rivalité entre les firmes existantes

Fournisseurs

Entrants potentiels

Substituts

Clients

Pouvoir de négociation des clients

Pouvoir de négociation

des fournisseurs

Menace de nouveaux arrivants

Menace de produits

substituables

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3.2.2 Avantage concurrentiel

La détection d’un avantage concurrentiel régional ou provincial ne peut se faire en utilisant le modèle d’analyse structurelle puisque ce dernier ne se penche pas sur la situation régionale, mais plutôt sur l’ensemble du marché. Pour y parvenir, ce modèle se base sur l’observation de plusieurs centaines d’industries réparties à travers le monde et relève les points communs aux industries régionales ou nationales ayant connu du succès, ainsi que les éléments se rapportant à ceux qui ont connu des échecs. L’analyse se regroupe sous quatre éléments centraux qui apparaissent à la figure 5. Le rôle de l’État demeure plutôt discret dans la vision de Porter. Une place plus importante lui sera ici accordée en raison du mode de tenure des forêts de l’Abitibi-Témiscamingue. Il convient d’ajouter ici le modèle en question inclut celui des chaînes de valeur et de l’analyse structurelle. De façon plus rigoureuse, l’avantage concurrentiel découle de l’analyse de la chaîne de valeur et puise une grande partie de ses intrants dans l’analyse structurelle avant de se pencher sur la juridiction d’intérêt. Encore une fois, sans qu’il soit nécessairement mentionné dans le texte, l’ensemble des modèles d’analyse de Porter demeurera en filigrane dans tout ce document d’analyse.

Figure 5 Déterminants de l’avantage concurrentiel

3.3 Définition des filières

La chaîne de valeur d’une entreprise s’inscrit à l’intérieur d’un flux d’activités beaucoup plus étendu, allant de celles de ses fournisseurs jusqu’à celles des circuits de distribution et, ultimement, des clients/consommateurs finaux. L’ensemble de ces éléments constituent la chaîne horizontale de valeur8.

8 La chaîne de valeur horizontale est aussi connue, dans la terminologie de Porter par le terme : système de valeur.

Stratégie, structure et rivalité des

entreprises

Demande Facteurs

Industries en amont et

apparentées

Rôle de

l’État

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Le nombre de chaînes de valeur devient relativement élevé dès qu’on les considère de manière individuelle. Il devient donc pertinent de les regrouper en « filières », d’abord par souci de concision, mais, aussi et surtout, pour permettre une mise en évidence des liens qui se présentent entre différents secteurs au chapitre des intrants, des technologies de transformation ou de mise en marché. Par ailleurs, certains secteurs comme le sciage résineux ou les panneaux d’OSB sont assujettis aux mêmes cycles économiques de la construction.

À la suite de plusieurs discussions avec les parties industrielles et certains experts9, et dans le but de s’approcher le plus près possible des objectifs du présent document, il a été convenu de définir des filières regroupant des entreprises possédant le plus de caractéristiques communes, en partant des ressources jusqu’aux marchés, en passant par les procédés de transformation.

Le premier niveau de distinction se réalise par le type de ressources nécessaires à l’approvisionnement des entreprises d’une filière. Ainsi, deux grandes familles d’activités ont été formées, à savoir celle reposant sur les ressources ligneuses (le bois) et celle dont l’approvisionnement et la transformation se réalisent à partir de ressources non ligneuses. Il a été décidé, devant la faible représentativité de compagnies impliquées dans la transformation des ressources non ligneuses en Abitibi-Témiscamingue, d’en faire une filière à part entière.

En raison du grand nombre d’industries basées sur une transformation quelconque de la matière ligneuse, celles-ci ont été regroupées en fonction des caractéristiques physiques recherchées dans la fibre tout en considérant le type de marché et les cycles économiques auxquels elles sont soumises. Ainsi, les industries dont le produit final est destiné une vocation de support physique, notamment à des fins de construction, formeront la filière ligneuse structurelle.

À l’inverse, les industries impliquées dans la fabrication de produits dont les propriétés mécaniques ne sont pas recherchées formeront la filière ligneuse non structurelle.

La figure 6 décrit les trois filières retenues pour la suite de l’analyse. À noter qu’il s’agit d’une classification dont la pertinence se rapporte avant tout à la présente étude, mais dont pourraient se servir d’autres intervenants régionaux, autant en Abitibi-Témiscamingue qu’ailleurs.

Figure 6 Définition des filières forestières de l’Abitibi-Témiscamingue

9 Madame Tajana Stefanovic, chercheure émérite dans le domaine de la transformation des produits forestiers, a largement contribué à la définition fine des filières.

Ressources forestières

Ligneuses Non-ligneuses

Structurelles Non-structurellesProduits forestiers

non-ligneuxExtractibles forestiers

Filière 1 Filière 2 Filière 3

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Les trois figures suivantes (7, 8 et 9) décrivent de façon plus détaillée chacune des trois filières retenues. À noter que l’Abitibi-Témiscamingue ne possède pas nécessairement toutes les industries composant une filière. La figure 7 montre les industries associées à la filière ligneuse structurelle. Elles sont regroupées en fonction du type de transformation subie par la matière ligneuse à l’entrée des usines. Par exemple, les industries du bois d’apparence, du sciage, du CLT10, du lamellé collé sont regroupées sous la rubrique « sciage ». Les autres industries sont celles qui utilisent le bois sous forme de copeaux pour la production de panneaux structuraux (comme l’OSB) ou la confection de poutres surdimensionnées (PSL et LSL). Finalement, une classe entière est consacrée aux usines fabricant des produits à partir du déroulage de la matière ligneuse. Ce regroupement possède l’avantage de mettre en relation des industries requérant le même type d’approvisionnement, même si leur produit final respectif diffère. Elles sont associées de très près aux activités de construction résidentielle, commerciale et institutionnelle et partagent, par le fait même, les mêmes cycles économiques. La figure 8 décrit les industries de la filière ligneuse non structurelle. On y retrouve l’important secteur du bioraffinage11 qui regroupe la mise en pâte kraft ainsi que le secteur de la bioénergie. Bien que l’activité de cette filière demeure très importante sur le territoire de l’Abitibi-Témiscamingue, elle gravite autour d’un faible nombre d’entreprises. Par exemple, la mise en pâte kraft ne se réalise qu’au complexe de Témiscamingue. L’usine de Fortress, située à Lebel-sur-Quévillon (pour le moment fermée), aura vraisemblablement des effets positifs sur le secteur forestier au moment de sa réouverture. Elle est toutefois située dans la région du Nord-du-Québec.

Figure 7 Filière 1 : Ligneuse structurelle

10 Cross laminated timber. Il n’existe pas d’usine de CLT en Abitibi-Témiscamingue. La seule usine québécoise est située à Chibougamau. dans la région Nord-du-Québec. 11 Le bioraffinage forestier regroupe l’ensemble des activités de fractionnement de la matière ligneuse, la fabrication de produits à valeur ajoutée tels que des combustibles, des produits chimiques spéciaux, des matières premières de base pour d’autres industries et des précurseurs de matières plastiques ainsi que d’autres polymères. Ces produits s’ajoutent à la fabrication de la pâte destinée aux différents types de papier et à d’autres usages commerciaux.

Filière ligneuse/Structurelle

SciageMise en copeaux

DéroulageAutres

Systèmes de construction

SEPMFeuillu OSB PSL LVLContre-plaqué

ScrimtekLSL

Poutrelles en I

MSR

Bois d’oeuvre

CLTPoutres linteaux

Lamellé collé

Bois d’apparence

PanneauxProduits

de spécialité

Panneaux

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Figure 8 Filière 2 : ligneuse non structurelle

Bien que le graphique fasse état de la production de produits à valeur ajoutée à partir de la liqueur noire, notons qu’aucune usine ne manufacture ces produits sur une base commerciale au Québec. Le secteur de la bioénergie demeure aussi faiblement représenté. Seules des initiatives ponctuelles de production de granules énergétiques se déroulent actuellement sur le territoire de l’Abitibi-Témiscamingue.

La production de papier journal (ou de produits connexes) ne se réalise pas par bioraffinage, mais par des procédés thermomécaniques. L’usine d’Amos est le seul exemple de ce type sur le territoire. Les panneaux non structuraux de type MDF12 utilisés dans la fabrication de meubles ou de panneaux isolants composent une autre rubrique de la filière ligneuse non structurelle. Ces panneaux ne sont pas destinés à supporter des charges. Une seule usine, celle de Uniboard à Val-d’Or, est présente dans ce créneau. Finalement, une place est faite pour les nouveaux produits, même si cette rubrique demeure vide pour le moment. Il s’agit de produits non issus des procédés de mise en pâte Kraft comme la nanocellulose cristalline (NCC) ou ceux provenant de la liqueur noire. La figure 9 décrit la filière des produits forestiers non ligneux. Cette filière regroupe le secteur des extractibles ainsi que les produits forestiers non ligneux traditionnels. Si aucune usine impliquée dans la fabrication d’extractibles ne fonctionne à l’échelle commerciale sur le territoire de l’Abitibi-Témiscamingue, on retrouve un certain nombre d’entreprise reliées à la production de champignons, de petits fruits ainsi que de sirop d’érable.

12 Medium density fiberboard.

Liqueur noire

Nouveaux produits

Filière ligneuse/Non-Structurelle

Mise en pâte Kraft

Noir de carbone

Résine phénol formaldéhyde

Lignine agent liant

Lignine Kraft purifiée

Papier/carton

NCC

Bois d’apparencePanneaux

Bio-Énergie

Isolants

MDF

Granules

Granules torréfiées

Huiles pyrolytiques

Charbon de bois naturel

Biorafinage

Éthanol cellulosique

Usines thermo-mécanique

Papier journal

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Figure 9 Filière 3 : Non ligneuse

3.4 Réflexion sur les notions de rentabilité et de compétitivité

Les nombreux débats des dernières années, observés aussi bien à l’échelle régionale que provinciale en matière de développement du secteur forestier, ont maintes fois (sinon toujours) fait ressurgir une mauvaise conception de concepts fondamentaux comme la compétitivité et la rentabilité entre les interlocuteurs.

Ces deux concepts se doivent d’être bien compris pour éviter une mauvaise interprétation de plusieurs observations et orientations par les lecteurs ou les parties intéressées. La compétitivité d’un secteur et sa rentabilité véhiculent des idées et des informations tout à fait différentes, voire diamétralement opposées dans certains cas. Elles sont souvent utilisées à tort comme synonymes, ce qui crée des obstacles à l’avancement d’un domaine qui a pourtant grand besoin d’une vision commune de la part de ses intervenants. Une attention particulière doit être accordée à cette situation.

D’entrée de jeu, il convient de noter que la rentabilité et la compétitivité constituent des « attributs » d’intérêt pour tout secteur d’activité qui, de manière légitime, tentera de les atteindre. Toutefois, des outils, des unités décisionnelles, des horizons temporels et des stratégies différents devront entrer en jeu et être mis à contribution pour y parvenir.

Rentabilité Tout d’abord, la rentabilité, provenant des sciences comptables, sert à établir le rapport entre les revenus et les dépenses. Elle est généralement calculée pour une entreprise individuelle et se concentre sur des périodes d’un an ou moins, souvent un trimestre.

Dans les secteurs d’activité comme ceux du monde forestier ou dans toute industrie impliquée dans la fabrication de produits de base (commodity) ou dont la structure s’apparente à celle de la compétition parfaite13, la rentabilité des entreprises demeure étroitement liée aux cycles économiques. Ces

13 Une industrie de type « compétition parfaite » est caractérisée par un grand nombre d’entreprises productrices et de clients

de sorte qu’aucune ne peut influencer, à lui seul, le prix des transactions. La concentration industrielle est donc très faible. À

Filière non-ligneuse

Terpènes

polyphénols

PFNLExtractibles

Petits fruits

Champignons

Sirop d’érable

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entreprises n’ont généralement que peu ou pas de pouvoir de fixation des prix. En effet, elles engrangent des profits en périodes de hauts de cycles et subissent des pertes en période de ralentissement économique, selon la demande et l’offre globales pour les produits en question. C’est le lot du secteur forestier depuis ses tout débuts.

De même que la structure de coûts diffère d’une entreprise à l’autre, la rentabilité varie à l’intérieur des secteurs. Les paramètres conjoncturels influencent donc de façon importante la rentabilité d’une entreprise alors que celle-ci ne possède aucun pouvoir sur eux. Par exemple, aucune compagnie exportatrice ne peut, à elle seule, faire diminuer le taux de change de son pays d’origine pour faire augmenter sa marge de profit. À court terme, une entreprise forestière ne possède qu’une faible capacité à gérer ses coûts. À long terme, la seule avenue disponible pour améliorer le niveau de revenu repose sur l’innovation, dont il sera question plus loin.

La rentabilité des compagnies se veut donc essentiellement une histoire de marchés, notamment pour celles impliquées dans le secteur forestier. Aucune intervention judicieuse de la part de l’État ne saurait se substituer aux forces des marchés dans le but d’améliorer la rentabilité des entreprises sur une base permanente.

Compétitivité De son côté, la compétitivité se présente plutôt comme un concept qui situe une industrie (régionale, provinciale ou nationale) tout entière à l’intérieur de son marché. Issue des sciences économiques, cette notion demeure avant tout un élément de comparaison entre les industries semblables opérant à l’intérieur de juridictions différentes. On utilise aussi la compétitivité dans le but d’étudier l’évolution d’une industrie sur une période de quelques années. Ce concept se prête assez mal à l’étude d’une entreprise en particulier, surtout dans les domaines où la concentration industrielle se veut très faible, comme l’industrie du sciage résineux.14

Bien qu’aucune unité de mesure de la compétitivité ne soit universellement reconnue, on la définit souvent comme la capacité d’une industrie à maintenir ses parts de marché par rapport à ses concurrentes. C’est précisément cette définition qui sera utilisée dans cette analyse. Une industrie régionale, comme celle mentionnée précédemment, peut ainsi se voir qualifiée de « compétitive » si elle parvient à maintenir ou mieux, à augmenter ses parts de marché du bois d’œuvre. Si une étude de rentabilité fournit généralement une valeur précise, une analyse de compétitivité ne peut se soustraire à des considérations subjectives puisqu’il existe peu ou pas de normes pour la qualifier.

Contrairement à la rentabilité, la compétitivité n’est pas cyclique. Une industrie peut tout à fait réussir à maintenir ses parts de marché malgré une conjoncture économique difficile neutralisant la rentabilité de ses entreprises. Évidemment, les entreprises d’une industrie compétitive mais non rentable ne pourront maintenir leur production indéfiniment si les marges bénéficiaires demeurent constamment négatives. À long terme, une industrie ou une entreprise compétitive doit aussi être rentable, ce qui rend les deux concepts convergents.

l’autre extrémité du spectre, une industrie de type « monopole » est constituée d’une seule entreprise (par exemple Hydro-Québec). Entre les deux, un oligopole se compose d’un nombre restreint d’entreprises (automobile, informatique, etc.).

14 Une mesure largement utilisée de la concentration industrielle consiste à mesurer la part de marché des quatre, huit ou dix plus grosses entreprises d’une industrie par rapport au marché total.

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Le concept de compétitivité est souvent utilisé, à tort, dans un contexte de rentabilité. Une entreprise désirant demeurer compétitive orientera davantage ses stratégies concurrentielles vers la différenciation de ses produits afin de s’assurer de la fidélité et de la confiance de ses clients. La différenciation des produits entraîne généralement une entreprise (ou une industrie) à investir des sommes importantes afin de distinguer avantageusement ses produits de ceux de ses concurrents. Cette distinction doit pouvoir être rétribuée adéquatement au moment de la transaction afin de justifier les investissements sous-jacents. Ceci ne signifie pas qu’une entreprise visant le maintien de ses parts de marché ne doive pas se préoccuper de ses coûts de production de façon constante. D’ailleurs, une entreprise préconisant une stratégie de coût peut aussi demeurer compétitive.

La compétitivité d’une industrie, c’est-à-dire sa capacité à maintenir ses parts de marché, surtout en période où la demande et les prix pour ses produits (ainsi que ceux de ses concurrentes) sont à la baisse, va au-delà d’une simple stratégie concurrentielle de la part de ses entreprises. L’agressivité et le pouvoir dont elles font preuve sur les marchés internationaux sont définis par le pays ou la région d’où elles proviennent. L’environnement social, économique et financier à l’intérieur duquel elles évoluent déterminera une partie de leur capacité à se maintenir en affaires ou à disparaître.

Les efforts de différenciation des produits amènent avec eux des circonstances où la rentabilité et la compétitivité se présentent comme des concepts divergents. Une entreprise ou une industrie peut très bien investir dans l’innovation pour découvrir de nouveaux produits, de nouveaux procédés de fabrication, de nouvelles méthodes de gestion ou de nouvelles approches de commercialisation afin de présenter avantageusement ses produits de manière avantageuse et distincte à ses clients. Ces investissements vont toutefois à l’encontre de sa rentabilité à court terme vu l’importance et le temps requis avant de se matérialiser en profits supplémentaires. Rappelons que les sommes investies en innovation représentent des coûts irrécupérables (sunk costs), donc potentiellement inutiles.

Le tableau suivant (tableau 2) met en relief les différences entre les deux concepts que sont la rentabilité et la compétitivité.

Tableau 2 Comparaison entre les concepts de rentabilité et de compétitivité

Rentabilité Compétitivité

Définition Écart entre les revenus et les dépenses. Capacité de maintien des parts de marché.

Source Comptabilité. Sciences économiques.

Utilisation Analyse des états financiers, comparaison entre entreprises. Peut aussi s’appliquer aux industries.

Élément de comparaison entre industries de différentes régions/pays. Peut aussi s’appliquer aux entreprises de grande taille.

Horizon Court terme (moins d’une année). Long terme (plusieurs années).

Unité de mesure

Plusieurs unités de mesure : BAIIA, bénéfice net, bénéfice d’exploitation, etc.

Aucune unité de mesure généralement reconnue. Ne se mesure pas directement. Nécessite des données provenant des autres régions/pays et les données globales de marché.

Lien avec conjoncture

Très liée aux marchés. La rentabilité est cyclique dans les entreprises impliquées dans les produits de base.

Peu ou pas corrélée aux marchés. Non cyclique, même dans les produits de base.

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Si l’État ne peut s’immiscer efficacement dans les finances d’une entreprise ou d’une industrie de façon à augmenter leur rentabilité, il peut certes jouer un rôle important dans la création d’un environnement propice à l’amélioration de leur compétitivité.

Cette distinction dans le rôle de l’État quant aux deux objectifs que sont la rentabilité et la compétitivité s’avère nécessaire dans le cadre de la présente étude, puisqu’elle oriente les interventions des groupes socioéconomiques de l’Abitibi-Témiscamingue. Ces derniers possèdent une capacité non négligeable d’amélioration de la compétitivité du secteur forestier. Leurs réflexions et leurs interventions devraient donc se diriger en ce sens, laissant les objectifs de rentabilité entre les mains des principaux responsables, soit : les entreprises. Dans un secteur comme celui des produits forestiers de l’Abitibi-Témiscamingue, la compétitivité peut s’améliorer en modifiant l’environnement économique, social, financier et politique des entreprises. Ces modifications sont à la portée des intervenants socioéconomiques d’une région. Cette dernière affirmation ne signifie aucunement que les fonds publics ne peuvent servir à soutenir ponctuellement la rentabilité d’une entreprise particulière. Une région comme l’Abitibi-Témiscamingue doit pouvoir compter sur les programmes gouvernementaux en place pour attirer de nouvelles entreprises situées au début de leur cycle de vie, c’est-à-dire en phase de développement ou de démarrage, comme le démontre la figure 10. Les décideurs de l’Abitibi-Témiscamingue pourraient, par exemple, tenter d’attirer une entreprise présentant un caractère structurant unique pour le reste du secteur. Cette singularité pourrait prendre la forme d’une utilisation en amont d’une partie de la ressource forestière négligée par les industriels actuels, de nouveaux débouchés pour les produits actuellement fabriqués dans la région ou même d’un nouveau secteur apparenté en amont, comme un fournisseur d’équipement spécialisé. Pour venir s’installer dans la région, une telle entreprise devrait bénéficier d’un support financier de la part des décideurs publics sous la forme de capital de risque, de capital d’amorçage, de partage des risques, etc. Ainsi, lorsque l’entreprise se retrouvera en phase de croissance, elle permettra à l’ensemble de la région de profiter d’une structure industrielle plus forte et d’un nouveau citoyen corporatif productif et générateur de richesse pour la région. L’utilisation de fonds publics dans le but d’attirer ce genre d’entreprises dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue devient donc non seulement souhaitable, mais nécessaire si elle s’inscrit dans une optique d’amélioration de la compétitivité globale du secteur forestier et, conséquemment, de toute la région. C’est dans cette optique que le dernier budget provincial15 (déposé exceptionnellement à l’automne 2012) envisage d’offrir un congé fiscal pour tout projet d’investissement d’au moins 300 millions de dollars, réalisé dans certains domaines, dont le secteur manufacturier16. Bien qu’il s’agisse d’un exemple d’une utilisation judicieuse de fonds publics pour rehausser l’attrait d’une entité territoriale, ce programme vise toutes les régions du Québec et plusieurs secteurs. Rien ne garantit à l’Abitibi-Témiscamingue qu’elle saura en bénéficier. De plus, le seuil de 300 millions de dollars élimine plusieurs projets de moindre envergure qui pourraient tout de porter et consolider la grappe industrielle de la forêt. Seuls les secteurs papetiers et des panneaux pourraient tirer profit de cette mesure budgétaire.

15 Budget 2013-2014. Investir pour assurer notre prospérité. La vision économique du gouvernement. 20 novembre 2012. 16 Les secteurs visés sont le secteur manufacturier (incluant la transformation des ressources naturelles), le commerce de gros et l’entreposage, ainsi que le traitement et l’hébergement de données. Le congé fiscal s’applique à l’impôt sur le revenu des sociétés et à la cotisation au Fonds des services de santé. Les projets doivent préalablement obtenir un certificat pour se conformer au programme.

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Figure 10 Cycle de vie des produits ou des industries

En d’autres mots, cette dernière est à la fois intéressante quoique insuffisante pour insuffler au secteur forestier de l’Abitibi-Témiscamingue les investissements nécessaires à son développement. Les programmes qui auront un impact réel devront provenir de la région qui déterminera les particularités et les besoins spécifiques de leur installation. Les entreprises situées dans les phases de croissance, de maturité et même de déclin demandent des interventions très différentes de la part des pouvoirs publics. L’amélioration de l’environnement financier, économique et social en constitue un très bon exemple. Il serait illogique, pour une région ou une province, d’injecter des sommes importantes à l’intérieur d’une entreprise ou d’une industrie en déclin dans le seul but de lui accorder un sursis. En effet, une telle entreprise requiert avant tout un accompagnement vers un changement de vocation.

Recommandation 1 - Compétitivité vs rentabilité

Les intervenants socioéconomiques de la région de l’Abitibi-Témiscamingue devraient orienter leurs actions de façon à viser une amélioration de la compétitivité de ses activités forestières plutôt que la rentabilité de ses entreprises.

La compétitivité d’un secteur d’activité découle d’un ensemble d’avantages concurrentiels propres à la région qui l’abrite. Ces avantages proviennent autant des secteurs de biens et services en amont que d’industries apparentées qui utilisent des technologies, des intrants ou des stratégies de vente semblables. La demande régionale ou provinciale pour les produits fabriqués en région, surtout lorsqu’elle est exigeante, devient aussi une source davantage concurrentielle pour les entreprises du secteur.

Un secteur industriel compétitif passera à travers les périodes de plus faible rentabilité tout en demeurant en exploitation, contrairement aux secteurs non compétitifs. Il faut y voir ici une première façon d’augmenter la valeur des produits issus des forêts de l’Abitibi-Témiscamingue : éviter la

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fermeture des usines en période de conjoncture difficile. Une simple compréhension des concepts de compétitivité et de rentabilité au sein d’une région peut donner des résultats importants quant à l’avenir des activités reliées à l’utilisation des ressources naturelles.

Un des avantages principaux de l’approche des chaînes de valeur (verticale et horizontale) vient du fait que les concepts de compétitivité et de rentabilité, si importants dans le développement économique régional, tiennent chacun le rôle qui leur revient. La rentabilité s’inscrit en filigrane de la chaîne de valeur verticale alors que la compétitivité se veut plutôt l’affaire de l’ensemble des entreprises situées à l’intérieur du réseau et qui contribuent à solidifier et à complexifier le tissu industriel d’un secteur, prémisse incontournable de la compétitivité.

3.5 Innovation

L’innovation demeure à la base de l’obtention d’un avantage concurrentiel puisqu’elle est source d’amélioration de la compétitivité. La nouvelle économie montre que le simple accès aux ressources ne constitue plus une source d’avantages pour une industrie. C’est la façon avec laquelle ses compagnies l’utilisent qui rend un secteur compétitif ou non. Les besoins constants en innovation ne sauraient recevoir trop d’importance dans le contexte forestier québécois. Des retards importants ont été pris au cours des dernières années et l’innovation constituera le fer de lance de la relance des secteurs de la transformation ligneuse et non ligneuse. Bien que le concept d’innovation demeure assez bien compris en général, son champ d’application reste essentiellement confiné à la découverte de nouveaux produits ou de nouvelles manières de faire. Le présent document emprunte plutôt la vision du ministère des Finances et de l’Économie (MFE) qui se reflète dans les travaux de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). La figure 11 illustre les deux types possibles d’innovation : de nature technologique ou non technologique. Le premier type, le plus répandu, consiste à découvrir ou à mettre en place de nouveaux procédés et/ou de nouveaux produits. L’innovation peut aussi participer à des avancées non technologiques. Elle vise alors à améliorer le fonctionnement même des entreprises ou les méthodes de commercialisation. C’est principalement dans ce domaine que le secteur forestier a concentré ses efforts d’innovation au cours des dernières années. En effet, même si peu de nouveauté dans la production a été mise de l’avant dernièrement, certaines compagnies des industries forestières ont procédé à plusieurs modifications d’organisation et de mise en marché de leurs produits. Celles qui ne l’ont pas réalisé ne sont souvent plus là pour en témoigner et sont allées rejoindre les rangs des entreprises fermées. Il est à noter que l’approche des chaînes de valeur constitue un outil de premier plan pour capter les innovations non technologiques à l’intérieur d’un secteur. La seule observation de l’innovation en matière de nouveaux procédés ou produits par une autre méthode d’analyse aurait rapidement amené à la conclusion que les industries forestières ne se sont pas investies dans des changements profonds depuis la dernière décennie, ce qui est faux. Ceci ne veut toutefois pas dire qu’elles ont investi suffisamment en innovation, mais qu’elles l’ont fait surtout au niveau non technologique.

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Figure 11 Description du concept d’innovation

3.6 Nouveau régime forestier du Québec

Au moment de la rédaction de ce rapport, le Québec en entier se prépare à passer à un tout nouveau régime qui modifiera en profondeur les règles du jeu de l’ensemble des activités forestières. L’Abitibi-Témiscamingue sera particulièrement touchée par ce nouvel environnement politique en raison des faibles volumes disponibles pour les industriels. C’est le sujet de la section suivante (2.5). Parmi les nombreux changements qu’entraînera la mise en place du nouveau régime, la vente d’une partie du bois à l’enchère constitue assurément l’élément le plus contributif pour modeler durablement la structure industrielle en place. Jusqu’à tout récemment, les industriels québécois s’alimentant à partir des forêts publiques de la province par le biais de Contrats d’aménagement et d’approvisionnement forestier (CAAF) n’entraient en compétition qu’à partir du moment où ils se frottaient à la concurrence étrangère, c’est-à-dire principalement lors des ventes sur le territoire américain. Parmi les activités de la chaîne verticale, seules la commercialisation et les ventes, éléments importants des activités principales, devaient transiger avec une forme de compétition17. Pour s’attaquer adéquatement à cette compétition internationale, les compagnies ne disposent que de peu d’éléments qu’elles peuvent relativement contrôler. En effet, la compétition entre des firmes de différents pays se réalise surtout par des paramètres macroéconomiques comme le taux de change, les

17 Les entreprises de l’Abitibi-Témiscamingue doivent maintenant compétitionner avec le secteur minier pour la main-d’œuvre qualifiée.

Innovation

TechnologiqueNon

technologique

Techniques de production

Nouveaux produits Commercialisation

organisationnelle

Source: Institut de la statistique du Québec, 2012

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distances de transport, le coût et la qualité de la main-d’œuvre, le coût et la qualité de la fibre, les avantages fiscaux, la protection des marchés ou le fardeau réglementaire. Les entreprises basant leur stratégie concurrentielle uniquement sur ces éléments risquent, à un moment de leur évolution, de se heurter à des conditions désavantageuses hors de contrôle. La mise à l’enchère d’une partie du bois de la forêt publique interpellera directement une activité de soutien de la chaîne de valeur verticale, l’approvisionnement, d’une manière tout à fait nouvelle pour les compagnies forestières du Québec. La compétition domestique se réalise à partir d’éléments qui différent des paramètres macroéconomiques énumérés plus haut. En effet, ces paramètres sont, par définition, identiques pour toutes les compagnies d’un même territoire ou d’une même province. Si l’activité de soutien « approvisionnement » s’avère celle dont les actions seront le plus modifiées par la mise aux enchères, les entreprises qui réussiront à gagner leur juste part (assurant ainsi un taux d’utilisation des équipements près de 100 %) sont celles dont toute la chaîne de valeur verticale aura été préalablement optimisée. La chaîne de valeur verticale deviendra, dans le prochain régime, le fer de lance des entreprises désirant s’impliquer dans le processus d’appel d’offres pour la ressource ligneuse et ce, peu importe le type de stratégie concurrentielle préconisé, les coûts ou la différenciation. Dans les deux cas, les entreprises efficientes sauront dégager les marges de manœuvre financières et se présenter de façon agressive pour remporter le nombre d’enchères suffisant à la bonne marche de leurs opérations. Cette observation confère encore plus de poids et de justification quant au choix de la méthode d’analyse (les chaînes de valeur) puisque les entreprises avec la chaîne de valeur verticale la plus optimisée sont celles qui réussiront le mieux à se démarquer dans le contexte du nouveau régime. La nouvelle compétition domestique devrait laisser des marques au sein des différents secteurs forestiers de première transformation, ceux dont les entreprises détiennent des CAAF à l’heure actuelle. Les baisses de possibilité forestière jumelée à la ponction de 25 % du volume restant des CAAF combleront au plus 60 à 70 % des besoins des usines par les garanties d’approvisionnement (GA). Il ne s’agira donc pas seulement de participer aux enchères, mais aussi et surtout d’en remporter un nombre suffisant. Une baisse de 25 % des approvisionnements fait immédiatement augmenter les coûts fixes de 33 %18. Ainsi, une entreprise ayant remporté ses premières enchères se trouvera en position privilégiée pour les suivantes. À l’inverse, une entreprise détentrice de GA subissant des revers répétés verra sa position doublement affectée, puisque les prix de vente des bois aux enchères serviront également à déterminer la valeur marchande des bois sur pied (VMBSP) en provenance de la GA19. La rivalité pour la ressource ne s’exercera pas seulement entre les bénéficiaires de CAAF actuels, futurs bénéficiaires de GA. En effet, toute personne ou entité légale se voit accorder le droit de soumettre des propositions au Bureau de mise en marché des bois (BMMB). De plus, le soumissionnaire gagnant pourra disposer de la ressource à sa façon20. Il y a ainsi fort à parier que certaines entreprises situées à l’extérieur de l’Abitibi-Témiscamingue viendront « tenter leur chance » pour s’approprier une partie de la ressource, d’autant plus lorsque les marchés pour les produits forestiers se situeront en haut de cycle.

18 Par exemple, 1/0.75 = 1.33 19 Dans le nouveau régime forestier, le terme « redevance » sera appliqué au paiement de la garantie. Le prix de vente des bois (appelé « redevances » dans l’ancien régime) deviendra la « valeur marchande des bois sur pied ». L’expression « droit de coupe » disparaît du vocabulaire forestier québécois. 20 Le bois ne pourra cependant pas se faire transformer à l’extérieur du Québec.

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Cette ouverture à l’ensemble de la population des bois de la forêt publique québécoise vise précisément la création de nouvelles entreprises de transformation qui ne disposent, pour l’instant, d’aucune source d’approvisionnement en forêt publique. Si la création de nouvelles entreprises vient solidifier le tissu industriel de la région, elle perturbera grandement les activités traditionnelles des entreprises existantes. Les entreprises forestières du Québec ont maintes fois démontré leur caractère résilient et rien ne laisse présager qu’elles ne s’adapteront pas à la nouvelle donne du nouveau régime. D’autant plus que la plupart de leurs concurrents étrangers sont aussi assujettis à une forme ou une autre de compétition domestique pour l’obtention de la ressource. Les entreprises qui relèveront le défi de cette concurrence domestique profiteront d’économies d’échelle en s’appropriant une partie des approvisionnements des compagnies qui, malheureusement, disparaîtront. Conséquemment, seules nos meilleures entreprises réussiront à se rendre sur les marchés internationaux, après avoir gagné la bataille domestique. Le modèle de Porter fait une place importante à la concurrence domestique pour l’obtention d’un avantage concurrentiel. Parmi les effets positifs d’une saine et forte compétition pour la ressource, notons :

▪ Les incitations réciproques à innover

▪ La lutte contre l’apparition de nouveaux concurrents par l’amélioration continue plutôt que par des avantages factuels ou le « gel » des volumes disponibles

▪ L’arrivée de nouvelles entreprises avec de nouvelles idées

▪ La perception immédiate des succès des concurrents domestiques

▪ La comparaison entre entreprises plutôt qu’entre industries

▪ La concurrence à armes égales

▪ L’importance de la qualité de l’administration, des travailleurs, des équipements plutôt que les paramètres macroéconomiques

Il y a donc lieu de s’attendre à ce que la compétitivité (et non la rentabilité) du secteur forestier du Québec s’améliore au cours des prochaines années avec l’introduction d’une compétition domestique jusqu’à présent inexistante. Les compagnies désireuses de s’impliquer dans le processus d’appel d’offres pour les bois de la forêt publique devront toutefois progresser le long de leur courbe d’apprentissage. Une soumission pour l’obtention de la matière ligneuse ne consiste pas seulement à gérer ses coûts d’opération, mais aussi, et surtout, à profiter de la situation des marchés pour réaliser des profits nets. La valeur marchande des bois sur pied ne représente, souvent, que moins de 10 % des coûts totaux d’exploitation d’une usine de transformation. Ceci revient à dire qu’une entreprise contrôle environ 90 % de ses coûts d’opération, mais n’a aucun pouvoir sur le prix de vente de ses produits comme il a été démontré précédemment. La connaissance des marchés ou, du moins, de la situation des marchés lors de la récolte du bois prend ainsi une importance primordiale dans le positionnement d’une entreprise lors des enchères. Par ailleurs, les enchères se dérouleront sur des territoires plutôt que sur des essences. Ainsi, toutes les essences et toutes les qualités d’un territoire donné devront être récoltées par le soumissionnaire

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gagnant. Or, aucune entreprise ne peut transformer l’ensemble des essences et des qualités de la matière ligneuse d’un peuplement forestier. Des alliances entre utilisateurs de différentes essences et/ou qualité devront nécessairement s’établir afin que la région de l’Abitibi-Témiscamingue tire le meilleur profit du nouvel environnement forestier apporté par la mise aux enchères. Les intervenants socioéconomiques régionaux pourraient jouer un rôle de premier plan afin d’assurer à leurs entreprises un passage le plus en douceur possible vers le nouveau régime, et de raccourcir la courbe d’apprentissage à sa plus simple expression.

Recommandation 2 - Le nouveau régime forestier

Des séances d’information portant sur le processus d’appel d’offres, la nécessité de participer aux enchères, les connaissances requise pour bien performer, la création d’alliances stratégiques régionales, etc. pourraient voir le jour sous l’autorité de la Commission régionale sur les ressources naturelles et le territoire (CRRNT) afin d’assurer un passage en douceur vers le nouveau régime.

Cette dernière recommandation ne vise nullement à réduire le niveau de concurrence à l’intérieur de la région de l’Abitibi-Témiscamingue. Au contraire, elle tente plutôt de faire de ses entreprises des compétiteurs agressifs qui sauront tirer leur épingle du jeu et améliorer leur position sur les marchés de leurs produits respectifs.

3.7 Rareté de la ressource forestière en Abitibi-Témiscamingue

Le nouveau régime modifiera grandement l’activité et la structure des industriels forestiers du Québec. Il ne touchera pas, par contre, au volume de matière ligneuse global disponible pour la transformation. La ponction d’environ 25 % à laquelle tous les détenteurs de CAAF actuels devront se soumettre afin d’assurer la transition vers les GA ne représente pas une diminution, mais plutôt une redistribution des volumes.

3.7.1 Situation du Québec

Le volume total de matière ligneuse pour l’ensemble du Québec affiche cependant une diminution importante depuis les cinq dernières années en raison des calculs du bureau du Forestier en chef du Québec à qui incombe la responsabilité de procéder à la détermination de la possibilité forestière. Le graphique suivant (figure 12) montre, pour l’ensemble du Québec, la possibilité forestière exprimée en mètres cubes. La possibilité sur forêt publique passait, à partir de 2007, d’un peu moins de 30 millions de mètres cubes à environ 21,5 millions de mètres cubes. Les nouveaux calculs de possibilité ramèneront cette valeur à moins de 20 millions de mètres cubes21. Le graphique indique aussi le degré de prélèvement autorisé sur forêt privée (ligne rouge) et les importations de bois en provenance

21 Source : Bureau du forestier en chef du Québec. 2012

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majoritairement de l’Ontario et des états américains limitrophes (ligne verte). La ligne orange additionne toutes les provenances et exprime le volume de bois total disponible pour les scieries22. Le volume total disponible affiche ainsi une baisse de près de 27 % de son sommet en 2007. La forêt publique, prise isolément, a vu sa possibilité forestière diminuer de plus de 33 % pendant la même période.

Figure 12 Possibilité forestière totale en SEPM au Québec selon les différentes provenances.

La rareté relative de la matière ligneuse ne semble pas constituer un enjeu pour l’instant. En effet, même si le secteur de la construction aux États-Unis montre des signes encourageants de reprise, il se situe encore loin des niveaux records atteints au milieu de la dernière décennie. Par contre, une baisse aussi importante de la disponibilité en matière ligneuse que celle que le Québec a connue se traduira tôt ou tard par des ruptures de stock importantes, et ce, à l’échelle du Québec tout entier. La figure 13 illustre cette problématique en devenir et convertit le volume total disponible (ligne orange de la figure 12) en milliards de pmp23. La capacité de transformation des scieries de SEPM24 du Québec (ligne rouge) ainsi que la récolte (c’est-à-dire la demande) pour le bois de sciage en provenance du Québec (ligne verte) y sont également exposées. La partie pointillée des courbes provient de modèles économétriques de prévision développés par DDM. Il est facile d’observer que la baisse de disponibilité en matière ligneuse au Québec a été accompagnée par une diminution beaucoup plus importante de la récolte. C’est pourquoi les effets de la nouvelle

22 Cette approche pose l’hypothèse que tout le bois rond du Québec passe par les scieries, ce qui est demeure très près de la réalité. 23 La conversion de mètres cubes en Mpmp implique l’utilisation de facteur de rendement matière. 24 SEPM : Sapin, épinettes, pins et mélèze.

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possibilité (diminuée) de la forêt publique québécoise ne se sont pas fait sentir jusqu’à présent. Par ailleurs, si au début de la dernière décennie, la capacité de transformation et la possibilité forestière affichaient des valeurs semblables, la possibilité passait nettement sous la capacité en 2008 et y demeure jusqu’à la fin de la période prévision.

Figure 13 Possibilité (offre), capacité de transformation et demande pour le bois rond du Québec

Le graphique 13 montre aussi que, dès 2013, une rareté relative de matière ligneuse s’installera au Québec. En effet, les courbes de récolte (demande) et les courbes de possibilité (offre) se rapprochent étroitement. Outre la ponction que subiront les entreprises actuelles, des comportements erratiques de la part des soumissionnaires s’observeront sans doute dans le processus d’appel d’offres et de mise aux enchères du bois de forêt publique. Il est à craindre que certains soumissionnaires, dans leur désir ou leur urgence d’assurer leur approvisionnement, agissent de façon plus ou moins rationnelle et remportent des appels d’offres qui, d’une part, leur seront financièrement difficiles à supporter et, d’autre part, feront grimper arbitrairement le prix de la matière ligneuse au Québec. La figure 14 reprend essentiellement le même exercice que la figure 13, sauf qu’il se concentre uniquement sur l’offre (possibilité) et la demande (récolte) en forêt publique, toujours exprimées en milliards de pmp. La situation devient encore plus précaire pour les entreprises de transformation étant donnée la rupture de stock qui se dessine nettement en 2013. Le simple fait que la forêt publique ne pourra plus supporter la même demande pour ses produits que par le passé modifiera considérablement le comportement des transformateurs, d’autant plus qu’une partie importante de cette dernière se verra offerte sur le libre marché par l’entremise du processus d’appel d’offres du nouveau régime.

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Possibilité (offre) Capacité Récolte (Demande)

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Figure 14 Possibilité (offre) et demande pour le bois rond de forêt publique du Québec

La forêt privée se verra vraisemblablement davantage sollicitée par les industriels forestiers pour combler leur approvisionnement. Ceci apparaît d’autant plus plausible que le nouveau régime désengage la VMBSP de la forêt privée dans le calcul de la tarification des bois sur pied en forêt publique25. Les transformateurs hésiteront probablement moins à s’approvisionner en forêt privée puisqu’en ce faisant, la VMBSP de la forêt publique ne devrait pas s’ajuster à la hausse. Il faut toutefois comprendre que les prélèvements autorisés en forêt privée ne sont jamais atteints puisqu’une proportion importante des propriétaires décident, année après année, de ne pas récolter de bois sur leurs lots boisés. Par contre, une augmentation substantielle de la VMBSP privée pourrait modifier cette situation et inciter plus de propriétaires privés à mettre du bois en marché. Les propriétaires privés de bois n’ont pas seulement de la matière ligneuse, mais aussi une sécurité à long terme à vendre aux industriels. Il y a donc lieu de s’attendre à de profondes modifications dans les relations entre les industriels forestiers et les propriétaires de lots privés, et ce, dans un avenir très rapproché. Le nouveau régime forestier démontre clairement que le propriétaire de la ressource ligneuse, qu’il soit public ou privé, verra son pouvoir augmenter sensiblement dans la négociation des volumes et des prix de vente du bois.

25 Dans le régime actuel (celui des CAAF), le taux de base de la redevance (ancienne appellation) se calcule à partir de la valeur moyenne des bois sur pied en forêt privée. Ce taux est appliqué de telle façon que, théoriquement, le coût d’achat d’un mètre cube de bois en forêt publique est le même partout au Québec. C’est la raison pour laquelle les redevances (ancienne appellation) du nord du Québec sont plus basses que celles du sud pour une même essence. Le nouveau régime envisage plutôt d’utiliser les informations provenant des processus d’appel d’offres pour fixer le prix sur l’ensemble de la forêt publique (enchères et GA), brisant ainsi, en quelque sorte, le lien avec la forêt privée.

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Récolte (demande) Possibilité (offre)

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3.7.2 Situation de l’Abitibi-Témiscamingue.

Le même exercice appliqué à la situation de l’Abitibi-Témiscamingue montre clairement que la demande globale des industriels de la région a depuis longtemps dépassé la capacité de la forêt à leur fournir la matière ligneuse nécessaire. Le graphique de la figure 15 montre que si la baisse généralisée dans le niveau de récolte observé à l’échelle du Québec (ligne verte de la figure 13) n’a pas affecté les industriels, la situation est toute autre en Abitibi-Témiscamingue. La baisse de la possibilité forestière a en effet exacerbé une situation déjà problématique pour le secteur forestier de la région. Avant même la révision à la baisse de la possibilité forestière de 2007, l’Abitibi-Témiscamingue s’affichait comme importateur net de fibre brute, notamment pour les essences SEPM.

Figure 15 Possibilité, capacité de transformation et demande pour le bois rond de l’Abitibi-Témiscamingue.

L’analyse des premières enchères confirme les craintes des industriels de l’Abitibi-Témiscamingue qui se sentent déjà à l’étroit sur leur territoire. Le tableau suivant (tableau 3) indique que les enchères s’étant soldées par une transaction ont été conclues à un prix de 54,5 % supérieur au prix de départ dans la région du Nord-Ouest26. Il s’agit d’un écart beaucoup plus important qu’ailleurs au Québec où certaines régions ont même vu le prix moyen des transactions passer sous le prix de départ moyen.

26Les territoires du Bureau de mise en marché des bois sont au nombre de six. Ils ne correspondent donc pas aux régions administratives. La carte de l’annexe 2 montre que le territoire du Nord-Ouest englobe toute la partie nord de l’Abitibi-Témiscamingue et la plus grande partie du Nord-du-Québec. Le bureau régional du Nord-Ouest se situe à Lebel-sur-Quévillon. La portion sud du Témiscamingue se situe dans le territoire Sud-Ouest.

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Demande Capacité Offre (public et privé)

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L’Abitibi-Témiscamingue ne se distingue pas uniquement par les prix de vente. Premièrement, sur les sept enchères combinatoires27 octroyées par le BMMB dans tout le Québec, cinq ont été réalisées dans la région du Nord-Ouest. Les enchères combinatoires de l’Abitibi-Témiscamingue ont été adjugées pour un montant moyen de 1,1 million de dollars alors que les deux autres (situées dans la région Sud-Est) l’ont été pour 265 000 dollars, plus de quatre fois moins. Finalement, contrairement aux autres régions du Québec où plusieurs enchères ont été remportées par des entreprises ne possédant pas de CAAF, toutes les enchères de l’Abitibi-Témiscamingue ont été octroyées à des bénéficiaires de CAAF, même celles réalisées avant la ponction28. Ceci témoigne de la grande préoccupation des entreprises de l’Abitibi-Témiscamingue quant à la précarité de leurs approvisionnements. L’empressement et l’agressivité démontrés pour la participation aux enchères (ne portant pas sur la ponction) par les bénéficiaires de CAAF démontrent clairement leur intention de ne pas baisser les bras et de devenir des compétiteurs combattifs dans les prochaines années.

Tableau 3 Écart des prix de vente et des prix de départ sur les territoires régionaux du

BMMB

Territoire Moyenne pondérée Écart-type

Centre -Nord 19,68 % 13,5 %

Centre-Sud 3,92 % 18,4 %

Nord-Est -4,43 % 36,2 %

Sud-Est 8,50 % 22,7 %

Sud-Ouest -20,90 % 34,5 %

Nord-Ouest 54,50 % 48,8 %

Source : Bureau de mise en marché des bois. Compilation par DDM.

Cas des peupliers

Le statut d’importateur net de fibres est surtout attribuable à la grande consommation de SEPM sur forêt publique. En ce qui concerne les peupliers (figure 16), une bonne partie de la possibilité n’est pas attribuée et une proportion non négligeable des attributions n’est pas récoltée. L’annonce de la fermeture récente de l’usine de Norbord à Val-d’Or aura pour effet d’amplifier cette situation29. Le peuplier faux-tremble demeure encore perçu, à tort, comme un produit de deuxième qualité. Pourtant, les 30 dernières années ont vu apparaître plusieurs utilisations pour cette essence. Sa popularité dans les panneaux d’OSB (et les poutrelles en I) notamment, ainsi que sa grande capacité à se

27 Une enchère combinatoire consiste à lancer un appel d’offres sur plus d’un territoire présentant des caractères distinctifs,

notamment une proximité géographique. Les enchérisseurs ont alors le choix de soumissionner sur un ou l’autre des deux territoires ou sur les deux en même temps, bénéficiant ainsi d’économies d’échelles qui se traduiront par une mise plus élevée.

28 Avant le mois d’octobre 2012, les enchères ont été réalisées sur des volumes hors CAAF, provenant majoritairement des arrérages. Ces enchères ont servi à « roder » le système et ne venait pas diminuer le volume des détenteurs de CAAF, qu’ils y participent ou non. Depuis l’automne 2012, les enchères se déroulent sur les volumes de CAAF, c’est-à-dire sur la ponction théorique de 25 % dans les zones compétitives.

29 L’usine de Norbord de Val-d’Or possède des attributions totales de 287 200 m3 de peupliers en plus d’attributions de 90 000 m3 de bouleau à papier, toutes situées dans la région 08.

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prêter au travail mécanique en font un produit polyvalent et très intéressant. Les applications traditionnelles du tremble se résument essentiellement à des produits à faible valeur ajoutée comme les composantes de palettes, les clôtures à neige ou les panneaux. La nette méconnaissance de ce produit a engendré une très faible production d’items de 2e et 3e transformation. L’exception se retrouve en Abitibi-Témiscamingue qui se distingue par la présence, sur son territoire, de la compagnie LVL Global. Cette dernière fabrique des poutres LVL à partir d’essences feuillues comme le bouleau à papier et le peuplier. La possibilité combinée de la forêt privée (530 000 mètres cubes) et de la forêt publique (494 000 mètres cubes) dépasse le million de mètres. Plus de la moitié de ce volume, inutilisée, pourrait alimenter une structure industrielle qui, en plus de fournir des options intéressantes aux aménagistes forestiers, complexifierait la grappe industrielle en apportant des expertises innovantes à la région. De plus, tous les produits issus de l’utilisation du tremble se trouvent, par la nature même du matériau, exclus des quotas et des taxes à l’exportation, tout en étant moins dépendants des cycles de la construction. Une structure industrielle basée sur le peuplier stabiliserait ainsi les fluctuations financières du domaine forestier. La région pourrait même unir ses efforts avec l’autre grande région productrice de tremble au Québec : le Bas-Saint-Laurent. Cette région, avec environ 20 % des peuplements de tremble du Québec, est responsable d’environ 50 de la production québécoise30. De plus, l’utilisation du plein potentiel de la possibilité forestière en peuplier permettrait d’atténuer la problématique de rareté chez les essences SEPM. En effet, une proportion d’environ 80 % des volumes de tremble se retrouve à l’intérieur des strates résineuses31. Ceci constituera un problème important dans le cadre du nouveau régime forestier, lorsque des blocs forestiers de l’Abitibi-Témiscamingue seront mis aux enchères. Les soumissions visent la vente de blocs forestiers et non d’essences particulières32. L’impossibilité de trouver des débouchés pour les peupliers présents à l’intérieur d’un territoire aux enchères diminuera sensiblement le prix de vente globale du lot, ce qui, éventuellement, pourrait conduire le MRN à ne pas procéder son adjudication.

30 Source : Conférence régionale des élus du Bas-Saint-Laurent. Plan régional de développement intégré des ressources et du territoire (PRDIRT) 31 Groupe CAF. Communication personnelle. 32 Le Bureau de mise en marché des bois (BMMB) pourrait, selon la loi, procéder à des appels d’offres pour des essences ou des qualités particulières. Cette option ne sera toutefois utilisée que de manière ponctuelle.

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Figure 16 Possibilité, attributions et récolte pour les peupliers sur forêt publique de l’Abitibi-Témiscamingue.

Recommandation 3 - Le Peuplier

L’optimisation de la chaîne de valeur des produits issus de la forêt en Abitibi-Témiscaminque ne peut se réaliser pleinement sans le développement d’une structure industrielle basée sur le peuplier. L’Abitibi-Témiscamingue doit déployer tous les efforts nécessaires afin d’attirer les investissements nécessaires. Ces efforts pourront prendre la forme de démarchage auprès d’entreprises ciblées, de facilité d’accès au capital de risque, au capital d’amorçage ou au partage des risques.

Forêt privée

Comme ailleurs au Québec, la forêt privée pourrait représenter une partie de la solution à la rareté relative de la matière ligneuse. Les graphiques 17 (SEPM) et 18 (Peupliers) montrent que les prélèvements en forêt privée demeurent loin de leurs niveaux autorisés. La possibilité forestière en peupliers est plus élevée en forêt privée qu’en forêt publique33. En effet, la première représente plus du double de celle du SEPM. Le développement d’une structure industrielle basée sur le tremble ne pourra donc se réaliser qu’en y incluant les Syndicats des producteurs de bois de l’Abitibi-Témiscamingue.

33 L’Abitibi-Témiscamingue possède deux agences de mise en valeur des forêts privées, soit une pour l’Abitibi et une pour le Témiscamingue. La possibilité des deux territoires a été regroupée ici.

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Possibilité (offre) Attributions Récolte (demande)

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Source : La forêt privée chiffrée. Fédération des producteurs forestiers du Québec.

Figure 17 Prélèvements autorisés et récolte pour les essences SEPM sur forêt privée en Abitibi-Témiscamingue.

Source : La forêt privée chiffrée. Fédération des producteurs forestiers du Québec.

Figure 18 Prélèvements autorisés et récolte pour les peupliers sur forêt privée en Abitibi-Témiscamingue.

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Possibilité (offre) Récolte (demande)

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La forêt privée de l’Abitibi-Témiscamingue regroupe plus de 8 200 propriétaires possédant un boisé d’au moins 4 hectares. La superficie moyenne de leur forêt est d’environ 49 hectares. Les graphiques 17 et 18 démontrent que la chaîne de valeur horizontale dans cette région continuera à présenter une lacune importante quant à son optimisation, tant qu’une proportion aussi importante de la possibilité forestière en forêt privée demeurera négligée. Cela représente une aberration pour une région qui déjà dépend de ses voisins pour assurer l’approvisionnement de ses usines. Selon la mise à jour du calcul de la possibilité sur forêt privée effectuée actuellement par la Fédération des producteurs de bois du Québec, rien ne semble indiquer que cette dernière diminuera, contrairement à la situation sur forêt publique. Ceci signifie que la possibilité globale du Québec enregistre un transfert de la forêt publique vers la forêt privée. En outre, le nouveau calcul de possibilité de la forêt privée ne relève pas du concept du rendement soutenu comme sur le domaine public, mais plutôt du niveau de croissance de chaque strate forestière34. L’inadéquation entre les volumes disponibles sur forêt privée et les besoins des industriels en Abitibi-Témiscamingue n’est pas unique à la région. En effet, un peu partout au Québec, les industriels déplorent le manque de fiabilité des volumes négociés de même que leur prix trop élevé. Les Syndicats des producteurs forestiers blâment généralement le milieu industriel pour les prix trop bas et leur manque de volonté à entreprendre des négociations de bonne foi. L’Abitibi-Témiscamingue n’y échappe pas, mais pourrait certainement démontrer son leadership en proposant des initiatives nouvelles, originales et rassembleuses pour les deux parties qui ont, tout compte fait, grandement besoin l’une de l’autre. Le nouveau régime forestier pourrait faciliter ce rapprochement grâce, en partie, à deux éléments fondamentaux. Premièrement, le calcul de la VMBSP sur forêt publique se trouve maintenant désengagé de la VMBSP sur forêt privée. Ainsi, les industriels réaliseront qu’ils peuvent utiliser davantage le bois privé sans impact sur les redevances sur forêt publique. Deuxièmement, les propriétaires forestiers, par leur Syndicat de producteurs forestiers, pourront s’engager plus profondément dans une relation d’affaires avec les transformateurs, en offrant non seulement des volumes de matière ligneuse, mais aussi des garanties dont les usines ont grandement besoin dans le contexte de rareté anticipé de la matière ligneuse et d’insécurité liée aux enchères. L’Abitibi-Témiscamingue doit se donner les moyens de relever le défi d’un arrimage gagnant/gagnant entre propriétaires de forêt privée et la structure industrielle en place. Aucune région, surtout pas une région en rupture de stock qui tend de plus en plus à s’afficher comme leader provincial du monde forestier, ne peut vraiment se permettre de gaspiller un volume important de matière ligneuse de grande qualité située à proximité des usines. Ce leadership s’établit manifestement en aval des usines, alors que la situation en amont devra se voir traitée tout aussi intensivement pour aspirer à l’optimisation des chaînes de valeur.

Recommandation 4 - Forêt privée/industrie

L’Abitibi-Témiscamingue doit s’assurer d’un rapprochement rapide entre les industriels forestiers et les propriétaires de forêts privées. Pour ce faire, le Syndicat des producteurs de bois de l’Abitibi-Témiscamingue et des associations d’industriels forestiers doit entreprendre des discussions le plus rapidement possible afin de développer de nouvelles relations de type « gagnants-gagnants » que l’environnement économique et politique du nouveau régime forestier facilitera.

34 Source : Fédération des producteurs de bois du Québec. Communication personnelle.

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Les deux principales parties concernées sont loin de se rapprocher. Il semble exister un fossé « culturel » entre elles. Toutefois, l’Abitibi-Témiscamingue se distingue encore une fois des autres régions du Québec dans le domaine de la relation Syndicat/industrie. En effet, pratiquement aucun volume de bois en provenance de la forêt privée ne se dirige vers des papetières, à l’exception de l’usine de Témiscamingue qui n’achète que des volumes marginaux. Le Syndicat des producteurs de bois de l’Abitibi-Témiscamingue ne possède donc que peu d’usines clientes, et celles-ci sont toutes impliquées dans la filière structurelle (l’usine de Lasarre fabrique des panneaux OSB, les autres sont des scieries de résineux)35. Aucun conflit ne peut donc surgir entre les acheteurs de copeaux comme l’usine de papier journal d’Amos et le Syndicat des producteurs de bois de l’Abitibi-Témiscamingue. S’il est tentant de croire que l’amélioration anticipée des marchés provoquera inévitablement un rapprochement entre les deux parties, il demeure illusoire de penser que celui-ci entraînera un véritablement réchauffement des relations. Les industriels tenteront évidemment de combler une partie de leurs approvisionnements à partir des propriétaires privés, et ces derniers tenteront de profiter des meilleurs prix sur les marchés jusqu’à la prochaine baisse du cycle économique. Il ne s’agit pas ici de la relation gagnant/gagnant décrite dans la recommandation. Le nouveau régime forestier constitue une opportunité unique de définir (ou redéfinir) le concept de résidualité de la forêt publique dans le contexte des usines et des propriétés privées de l’Abitibi-Témiscamingue. Une telle entente, qui constituerait une première au Québec, permettrait d’amoindrir l’amplitude cyclique des fluctuations des volumes d’approvisionnement en créant des partenaires d’affaires à long terme. Le bois privé aura toujours tendance à se vendre à un prix supérieur à celui du public. Les négociations entre les deux parties devront emblée assumer qu’en plus du volume ligneux dans le contexte du nouveau régime forestier, la propriété privée peut offrir aussi une garantie dont pourra bénéficier l’industrie sans égard au cycle économique. Le transport de la matière première aux usines constitue probablement le défi numéro un, autant pour la forêt privée que pour les opérations sur forêt publique. La capacité de transport en Abitibi-Témiscamingue présente des signes inquiétants de carence et la rationalisation du transport du bois rond pourrait inciter les deux partis à unir leurs efforts en ce sens. En effet, une diminution du nombre de kilomètres sans charge utile permettrait de compenser, du moins en partie, la pénurie de camions disponibles. Il ne s’agit ici que d’un élément qui pourrait justifier un meilleur dialogue et l’établissement d’un partenariat durable entre l’industrie des produits forestiers et les propriétaires de boisés privés de l’Abitibi-Témiscamingue. Il faudra toutefois aller au-delà d’un rapprochement « conjoncturel » qui maintiendra les deux parties sur leurs positions historiques. Pour ce faire, les autorités de l’Abitibi-Témiscamingue devront user de doigté et se présenter en conciliateurs. Ils devront nécessairement faire partie des discussions, du moins dans les phases initiales des négociations.

35 Source : Syndicat des producteurs de bois de l’Abitibi-Témiscamingue. Communication personnelle.

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4. CHAÎNE DE VALEUR DES PRODUITS FORESTIERS EN ABITIBI-TÉMISCAMINGUE

L’étude de la chaîne de valeur verticale et horizontale des produits issus des forêts de l’Abitibi-Témiscamingue ne pourrait se réaliser de manière adéquate sans la visite d’un certain nombre d’entreprises de l’une et l’autre des trois filières. Les dirigeants de chaque compagnie visitée36 ont participé à l’étude en répondant à un questionnaire visant à connaître les activités internes de leur entreprise ainsi que leur vision des entreprises situées en amont et en aval. L’administration du questionnaire a été réalisée par la firme « Horizon-SF » de Val-d’Or. Les rencontres se sont échelonnées de la mi-décembre 2012 à la mi-janvier 2013. La liste des questions soumises aux dirigeants d’entreprises apparaît à l’annexe 2. Des conversations téléphoniques ont par ailleurs été réalisées avec certaines entreprises ayant répondu au questionnaire pour obtenir des informations additionnelles ou des clarifications ainsi qu’avec d’autres entreprises non soumises au questionnaire.

4.1 Filière des ressources non ligneuse

La filière des ressources non ligneuse ne présente, à proprement parler, aucune structure industrielle reconnue généralement par les modèles d’analyse structurelle. Comme prévu, la filière des ressources non ligneuses regroupe plusieurs petites entités artisanales dont les activités de cueillette (petits fruits ou champignons) ou de récolte de sirop d’érable constituent généralement un revenu d’appoint pour quelques individus. Toutefois, de manière surprenante, la filière des ressources non ligneuses comprend aussi certaines entreprises possédant une vision de développement axée sur la différenciation de leurs produits qu’on ne retrouve pratiquement dans aucune des autres filières forestières. La grande disparité des entreprises et, surtout, de leur degré de développement empêche l’observation d’une tendance claire au sein des chaînes verticales et horizontales. Les domaines plus spécialisés de la filière des produits non ligneux, comme celui des extractibles, ne sont pas encore présents dans la région et leur implantation demeure difficile à prévoir. Les extractibles forestiers demeurent donc, pour l’instant, un domaine « en devenir » avec un potentiel encore inconnu. Des biomolécules, possibles à extraire des résidus forestiers et pouvant entrer dans la composition de produits à très haute valeur ajoutée, constituent ces extractibles. Ils entrent notamment dans la fabrication de lubrifiants, peintures, vernis, etc. et visent principalement les marchés des industries pharmaceutiques, alimentaires et chimiques. Les avantages du développement d’une industrie des extractibles sont multiples. Premièrement, le secteur forestier pourrait de se distancer des cycles de la construction domiciliaire. Tout comme dans le cas de la bioénergie (discutée à la section « filière ligneuse non structurelle »), il s’agit d’un avantage important qui pourrait réduire l’amplitude des creux économiques qui heurtent le secteur forestier de plein fouet à intervalles plus ou moins réguliers. Par ailleurs, ils peuvent être produits à partir des parties

36 L’identification des entreprises ainsi que des personnes ayant participé au questionnaire est maintenue confidentielle en raison du caractère des informations fournies.

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non désirées de la matière ligneuse. Ainsi, tout en profitant de la récolte traditionnelle, une industrie des extractibles ne diminuerait pas le volume disponible pour les secteurs industriels de première transformation. Au contraire, un tel secteur pourrait justifier la récolte de volumes dans des peuplements jugés inintéressants en raison de la présence trop importante d’essences compagnes. Finalement, une expertise nouvelle, davantage reliée au secteur de la chimie, pourrait se greffer au domaine forestier, entraînant avec elle d’énormes possibilités d’innovation. Beaucoup de travail reste toutefois à accomplir afin de déterminer la possibilité des forêts et da structure industrielle de l’Abitibi-Témiscamingue à supporter un secteur des extractibles rentable et compétitif. Le nombre d’essences forestières est assez restreint par rapport aux régions du sud du Québec. C’est pourquoi des analyses plus approfondies devraient être réalisées avant d’engager d’importants efforts humains et financiers dans cette optique. Le nouveau régime forestier pourrait toutefois accélérer la mise en place d’une première usine pilote au Québec par la mise sur le marché libre d’une partie de la matière ligneuse. Cette nouvelle avenue d’utilisation irait contrer l’opposition menée par une industrie traditionnelle conservatrice. Le dynamisme du secteur forestier de l’Abitibi-Témiscamingue pourrait jouer en faveur de la région pour y accueillir le premier projet. Parallèlement au nouveau régime, la mise sur pied d’un centre de valorisation de la fibre (dont il sera question à la section 3.2.1) pourrait s’avérer importante, voire indispensable à la création d’un projet d’usine. Cette dernière pourrait être adjacente à un tel complexe industriel et se situer en amont de la création de bioproduits. Les promoteurs d’un secteur en développement comme celui des extractibles pourraient grandement profiter d’un apport de matière ligneuse à bas prix pour laquelle les coûts d’opération de récolte et de transport auront été absorbées par les produits traditionnels comme le sciage et le bois de trituration. En parallèle, une industrie des extractibles pourrait faciliter le montage financier d’un projet de CVF en diversifiant le nombre de partenaires. Ce domaine correspondant tout à fait à un secteur en développement, l’Abitibi-Témiscaminque serait en mesure de s’impliquer financièrement, avec la contribution des programmes économiques des différents ministères, pour attirer chez elle un tel projet. La suite de cette section portera uniquement sur les produits forestiers non ligneux

4.1.1 Chaîne verticale

Le concept même de chaîne de valeur verticale demeure flou chez la plupart des entreprises de la filière non-ligneuse. Dans plusieurs cas, un seul individu s’occupe à la fois des approvisionnements, de la logistique interne, de la gestion des ressources humaines, de la production, des ventes, etc. Ce type d’entreprise a probablement toujours existé en Abitibi-Témiscamingue. Chaque année est témoin d’arrivées et de départs de petites entités artisanales et tout porte à croire que cette situation prévaudra pendant encore de nombreuses années. Même les entreprises possédant une vision de développement axée vers la différenciation gèrent leurs activités internes de façon assez rudimentaire. Le souci constant du contrôle de la qualité et la volonté d’innover se manifeste uniquement au niveau de la production. Ces entreprises comprennent que, malgré leur petite taille, l’amélioration continue de leurs produits est gage de développement et surtout de survie.

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Ces entités reçoivent souvent du support de l’extérieur pour la tenue de livre et la logistique interne. La clé de leur succès, et souvent l’élément déclencheur de la création de l’entreprise, réside dans la capacité de trouver, dans les forêts de la région, des sources d’approvisionnement de qualité pour leurs intrants. Bien que ces entreprises favorisent une stratégie concurrentielle basée sur la différenciation, elles ne considèrent pas que cette approche leur permette d’engranger de meilleurs profits mais leur permet plutôt de rester en affaires. Selon elles, il n’y a simplement pas de place, sur les marchés, pour les produits forestiers non-ligneux de faible qualité et à bas coût. En résumé, le concept même de chaîne de valeur verticale apparaît trop sophistiqué pour s’appliquer adéquatement aux entreprises de la filière non-ligneuse. Leurs dirigeants les mènent « à bout de bras » sans même posséder les compétences minimales requises pour administrer leur firme. Ils considèrent que leur travail acharné et la qualité de leurs produits leur assureront une place et leur permettront de gagner leur vie. L’absence de chaîne de valeur verticale chez ces entreprises contribue à les maintenir à un stade artisanal. Aucun individu ne peut exceller dans l’ensemble des activités d’une compagnie, aussi petite soit-elle. De plus, un individu ne peut s’occuper de plus d’une activité à la fois. Le fait de réserver un certain nombre d’heures à l’accomplissement d’une tâche entraîne nécessairement la négligence des autres tâches. Ces entreprises s’enlisent dans une ornière de laquelle elles peuvent difficilement s’extraire : le volet « artisanal » de leur activité ne les incite pas à se doter d’une structure administrative pouvant gérer adéquatement une chaîne verticale. À l’inverse, ce manque de structure perpétue la nature « artisanale » de l’entreprise. C’est la raison pour laquelle un certain nombre de ces entreprises naissent alors que d’autres disparaissent chaque année et ce, peu importe la région. Ce type d’entreprises se voit ainsi condamné à satisfaire un marché restreint pouvant disparaître à tout moment. De plus, elles constituent des vitrines pour d’autres promoteurs qui, en s’organisant de manière plus structurée, réussiront à s’intégrer dans le même marché en copiant ou en modifiant légèrement l’idée originale de départ. L’absence d’une chaîne verticale empêche ces entreprises de se développer en ne profitant pas d’occasions d’affaires qui surgissent inévitablement et auxquelles elles demeurent insensibles. Le développement de la filière non ligneuse ne pourra se réaliser de manière artisanale. Par exemple, les entreprises dites « du terroir » de la région de Charlevoix ont su préserver leur image artisanale auprès des consommateurs tout en se dotant d’une structure administrative des plus efficaces. Ces compagnies (notamment celles impliquées dans l’élevage de l’agneau ou la fabrication de fromage) se mesurent aujourd’hui à des compétiteurs internationaux en leur opposant une qualité supérieure basée sur une image de marque régionale acquise à coup de campagnes publicitaires bien orchestrées. L’idée, ici, ne consiste pas à délaisser la qualité et l’approche artisanale, mais bien de s’en servir comme tremplin vers de nouveaux marchés. Cette transition ne peut se réaliser sans l’obtention d’un plan d’affaires élaboré par une structure compétente, c’est-à-dire la chaîne verticale.

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4.1.2 Chaîne horizontale

4.1.2.1 Concurrence Les entreprises sont généralement conscientes de la présence ou de l’absence de concurrents régionaux pour leurs produits. Chez les petites unités artisanales, la connaissance de leur environnement concurrentiel s’arrête là. Chez les entreprises manifestant une volonté de différenciation présentée plus haut, cette connaissance de l’environnement concurrentiel apparaît manifestement beaucoup plus large. Elles connaissent l’ensemble des entreprises semblables au Québec, qu’elles rencontrent lors de foires commerciales ou qu’elles connaissent par l’entremise d’internet. Elles considèrent que leur entreprise ne ressemble pas exactement à celle de leurs concurrents et peuvent facilement donner des exemples de différences. En adoptant une stratégie de différenciation, elles sont conscientes d’augmenter la valeur monétaire de leurs produits et d’avoir à maintenir des niveaux de qualité exceptionnellement élevée pour pouvoir rester sur le marché.

4.1.2.2 Clients La qualité de relation entretenue entre ces entreprises et leur clientèle constitue une préoccupation constante. Certains clients, comme les restaurateurs, ont droit à des traitements privilégiés comme la garantie d’un volume minimal pour certains produits à quantité limitée. Les entreprises avancées dans la filière non ligneuse basent leur développement sur une évolution positive des goûts des consommateurs pour les produits alimentaires du terroir haut de gamme. Elles ne possèdent cependant ni les connaissances ni moyens de stimuler ce développement. Cependant, elles ont l’opportunité de participer à des foires commerciales pendant lesquelles certains acheteurs viennent déguster leurs produits. Ces événements leur permet d’orienter leur production en conséquence des préférences des gens Les dirigeants des entreprises mieux structurées montrent un grand souci de satisfaction envers leur clientèle. Les entreprises avancées dans la filière non ligneuse croient que leurs produits de provenance régionale sont attrayants aux yeux des résidents de la région et des visiteurs qui, par leur simple présence, démontrent un certain attachement pour la région ainsi que pour les produits qu’elle génère.

4.1.2.3 Fournisseurs Certaines entreprises avancées s’associent à des entreprises artisanales afin de négocier de meilleurs prix avec leurs fournisseurs communs. Mais, en général, le pouvoir de négociation avec les fournisseurs demeure assez faible, de part et d’autre. Elles ne connaissent pas les contraintes de leurs fournisseurs ni leur santé financière. Elles n’ont, de plus, aucun intérêt à s’intégrer vers l’amont en achetant un de leurs fournisseurs ou carrément en décidant de faire la même chose qu’eux. Si des visites des installations des fournisseurs ont parfois été faites par le passé, elles n’ont amené aucune modification dans les façons de faire ou dans la création de liens particuliers. Des relations privilégiées peuvent être entretenues avec certains fournisseurs, mais il s’agit surtout de liens personnels qui existaient avant la création de l’entreprise. En résumé, la chaîne de valeur horizontale ne crée pratiquement aucune synergie génératrice d’avantage concurrentiel. La valeur totale de la chaîne horizontale demeure la somme de celles des

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entreprises individuelles. Chaque firme de la filière non ligneuse démontre une connaissance de ses fournisseurs et de ses clients, mais ne possède pas d’outils et encore moins de moyens pour se regrouper et mettre leurs atouts en commun. L’absence d’une véritable chaîne de valeur horizontale au sein de la filière non ligneuse, associée au caractère artisanal de la chaîne de valeur verticale, discuté plus haut, maintient les entreprises dans un état de stagnation chronique. La chaîne de valeur verticale de toute entreprise doit pouvoir créer de la valeur pour les clients, ce qui se répercutera en revenus et, éventuellement en profits pour la compagnie fournisseuse. Or, les entreprises de la filière non ligneuse n’ont pas encore démontré de préoccupation pour la création de valeur au sein de leur firme. Leur souci de production de biens et de services de grande qualité provient davantage d’un réflexe de survie que d’une volonté de générer de la valeur au profit de leur clientèle et d’elles-mêmes. Les entités œuvrant au sein de la filière non ligneuse devraient-elles d’abord se doter d’une structure verticale adéquate avant de persuader les clients qu’elles constituent des partenaires solides qui pourraient influencer leur propre performance financière? À l’inverse, est-ce que des liens d’affaires plus solides avec les clients (et les fournisseurs) pourraient amener ces firmes à s’extirper de leur statut d’artisans? Ces deux questions demeureront sans réponse tant qu’elles ne seront pas posées simultanément. Pour le moment, les entreprises de la filière non ligneuse ne profitent pas de la grappe forestière de l’Abitibi-Témiscamingue, et ne contribuent ainsi pas à sa complexification et à sa stabilité. En d’autres mots, la situation actuelle en fait des joueurs indépendants et isolés, dont les forces ne se transmettent pas aux autres membres de la grappe. De la même façon, leur faiblesse ne se fait pas sentir. L’appartenance à une grappe solide et dynamique se traduit toujours par une meilleure compétitivité, c’est-à-dire par la capacité de maintenir, voire d’augmenter ses parts de marché, ce qui n’est pas encore le cas pour les entreprises de la filière non ligneuse.

4.1.3 Vue d’ensemble

La filière des produits forestiers non ligneux demeure encore synonyme d’artisanat en Abitibi-Témiscamingue, comme dans la plupart des autres régions du Québec. Par contre, certaines entreprises manifestent une volonté de se distinguer en basant leur développement sur la qualité des produits du terroir. Leur existence même dépend de la présence de ressources rares et difficiles à récolter de manière peu coûteuse. Le climat de la région les oblige à concentrer leurs activités de récolte sur une courte période. La main-d’œuvre ne semble pas constituer un enjeu d’importance pour le moment, car, très souvent, c’est le talent ou l’expertise d'un seul travailleur permanent de l’entreprise qui constitue l’élément déclencheur à la formation de la firme. Le niveau de technologie associé à ces entreprises ne présente aucune particularité et les fournisseurs locaux impliqués dans d’autres secteurs d’activités leur procurent tous les composants dont ils ont besoin pour le moment. Par ailleurs, les besoins de financement des entreprises, à court et à long terme semblent, de l’aveu même des dirigeants, assurés par les différents programmes d’aide présents dans la région. Aucun besoin supplémentaire d’accès au crédit commercial n’apparaît nécessaire pour le moment ni dans un futur rapproché compte tenu de la structure actuelle présente sur l’ensemble du territoire.

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Les entreprises plus avancées et mieux structurées de la filière, sans le montrer clairement, bénéficieraient grandement d’un label « Abitibi-Témiscamingue » pour leur développement37. Bien que l’Abitibi-Témiscamingue ne jouit pas d’une étiquette semblable à celle de Charlevoix pour ses paysages et ses sports d’hiver ou à celle du Lac-Saint-Jean pour ses bleuets, ses petits fruits pourraient vraisemblablement se mesurer avantageusement à ceux des régions plus connues; mais il apparaît tout à fait évident qu’un bleuet du Lac-Saint-Jean possède une bien meilleure cote que celui de l’Abitibi-Témiscamingue. Une étiquette régionale n’a de chance de succès que si elle se base sur une qualité supérieure et distincte des produits dont elle fait la promotion. Les compagnies de la filière des produits non ligneux de l’Abitibi-Témiscamingue ont établi cette preuve, mais ne possèdent ni les moyens ni les connaissances pour déployer une telle campagne de sensibilisation auprès de la clientèle québécoise et, éventuellement, de celle provenant des autres provinces canadiennes et du nord-ouest des États-Unis. Un tel exercice de « branding » assurerait une stabilité et une croissance de l’industrie tout en se répercutant sur d’autres secteurs économiques comme le tourisme.

Recommandation 5 - Label régional

L’Abitibi-Témiscamingue pourrait améliorer substantiellement la valeur de la chaîne des produits forestiers non ligneux en permettant à ses entreprises de bénéficier d’un label régional pour ses produits du terroir. Les détails d’un tel déploiement (clientèle visée, produits mis en valeur, média utilisés, etc.) devront nécessairement découler d’un exercice de concertation régionale et être assurés par une agence spécialisée dans le domaine.

La création d’une marque de commerce régionale demeure un exercice à haut risque puisque les sommes investies sont irrécupérables (sunk cost). Un vaste exercice de consultation devra au préalable avoir été réalisé afin de connaître l’appétit des intervenants socioéconomiques pour un tel effort. Également, une mesure des retombées prévues et le choix d’une firme de publicité expérimentée dans le domaine devront être établis. Finalement, les effets doivent pouvoir être mesurés et les participants doivent faire preuve de patience. Dans une région comme l’Abitibi-Témiscamingue, la filière des produits non ligneux ne deviendra jamais un moteur de développement économique régional aussi important que les filières industrielles plus traditionnelles. Cependant, l’exercice d’optimisation de la chaîne de valeur des produits issus de la forêt ne peut négliger un secteur générateur de richesse, d’emplois et de reconnaissance provinciale, nationale et internationale. Tout comme les PFNL, les extractibles forestiers pourraient venir s’intégrer avantageusement à la grappe forestière en créant des liens qui contribueront à la complexifier. Le rôle attendu par la filière des ressources non ligneuses provient surtout de sa capacité à réduire la dépendance des autres filières à leurs cycles économiques traditionnels. À cet égard, bien que la filière non ligneuse améliore la compétitivité des industries de base, son rôle sur leur rentabilité demeure assez flou.

37 À l’exception des producteurs de sirop d’érable du Témiscamingue dont la mise en marché est assurée par une fédération québécoise. Pour ceux-ci, le label est plutôt pan-québécois.

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4.2 Filière des ressources ligneuses structurelles

Les compagnies forestières de l’Abitibi-Témiscamingue composant la filière des ressources ligneuses structurelles s’affichent comme un des fleurons de l’activité économique de la région. De plus, cette filière regroupe certaines des meilleures entreprises québécoises du secteur. Pour plusieurs de ces entreprises, les gestionnaires en sont aussi les actionnaires principaux et cette situation influence beaucoup le type de gestion préconisé. Les preneurs de décision de la majorité des entreprises de cette filière demeurent dans la région et côtoient, d’une façon ou d’une autre, leurs travailleurs au quotidien. Une grande proportion des employés connaissent de façon personnelle les propriétaires des usines. Cette promiscuité permet aux directions de se doter d’une vision large et profonde des problèmes qui, inévitablement, surgissent dans les opérations quotidiennes.

4.2.1 Chaîne verticale

De façon générale, les entreprises de la filière ligneuse structurelle de l’Abitibi-Témiscamingue constituent des exemples de bonne gestion. On observe une très bonne interaction entre les activités de soutien et les activités principales. La direction des entreprises fait des efforts afin de bien coordonner les fonctions de chacune d’entre elles sans toutefois donner une importance supérieure à l’une ou à l’autre. Malgré cette situation à première vue enviable, l’étude a fait ressortir certaines lacunes des chaînes de valeur verticale et horizontale; leur amélioration pourrait augmenter substantiellement la création de valeur au sein de la filière.

4.2.1.1 Activités de soutien Infrastructure des entreprises et gestion des ressources humaines. Les activités associées à l’infrastructure des entreprises (direction générale, planification, finance, comptabilité, domaine juridique, relations extérieures, gestion de la qualité, etc.) n’ont pas explicitement fait partie de la présente étude en raison du caractère confidentiel et, surtout, subjectif relié à l’évaluation des compétences professionnelles du personnel en place. Il est toutefois permis d’affirmer que le simple fait d’être demeuré en activité pendant la dernière crise financière et économique alors qu’un vent de fermetures a soufflé sur l’ensemble des entreprises reliées à la construction résidentielle en Amérique du Nord constitue une preuve circonstancielle de la haute performance et du niveau de compétence offerts par les directions des entreprises. La gestion des ressources humaines présente un niveau de qualité tout aussi élevé que celle des infrastructures des entreprises. D’ailleurs, elles font généralement partie de la même équipe de gestionnaires. Toutefois, le recrutement de nouveaux travailleurs constitue la principale embûche du secteur. Si les compagnies de la filière se montrent généralement satisfaites de leurs travailleurs, elles déplorent leur impossibilité de profiter de la reprise du secteur de la construction à cause des difficultés majeures de recrutement. Le secteur des mines est presque toujours pointé par les compagnies pour expliquer les pénuries de travailleurs qualifiés. Cette pénurie entraîne évidemment une hausse des salaires que les compagnies forestières peuvent difficilement suivre, compte tenu de leurs marchés respectifs.

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Également, les investissements en immobilisations des dernières années ne leur permettent pas de justifier des hausses de salaire qui pourraient attirer de nouveaux travailleurs chez elles. Ces investissements auraient été nécessaires pour augmenter la productivité des travailleurs et supporter les augmentations de salaire requises pour éviter des exodes de main-d’œuvre au profit du secteur minier. À l'heure actuelle, les postes présentant le plus de difficultés dans la filière sont38 :

▪ Postes non comblés

- Mécaniciens de machines fixes et opérateurs de machines auxiliaires

- Personnel de supervision (usine)

▪ Postes difficiles à combler

- Personnel de direction

- Ingénieurs d'industrie et de fabrication

- Journaliers, manutentionnaires, expéditeurs et réceptionnaires dans la transformation du bois

- Techniciens en génie de fabrication Tous les corps d’emplois se trouvent touchés par la présence du secteur minier. En contrepartie, les compagnies tentent de procéder à la formation de leurs travailleurs à l’interne. Parmi les nombreux besoins exprimés par les compagnies dans la formation de la main-d’œuvre, les plus importants sont :

▪ Opérations de sciage

▪ Optimisation des procédés

▪ Classification des bois à l’usine

▪ Contrôle de la qualité

▪ Électronique/Électricité

▪ Opération de chargement

▪ Secourisme/santé et sécurité du travail Les travailleurs demeurent tout à fait conscients de leurs lacunes et de leurs besoins en formation. Parmi les éléments soulevés, les plus importants sont :

▪ Anglais

▪ Secourisme/santé et sécurité du travail

▪ Mesurage de bois

▪ Affûtage

▪ Hydraulique

▪ Électricité/Électronique

▪ Entretien et réparations des équipements

38 Source : Comité sectoriel de main-d’œuvre des industries de la transformation du bois. Diagnostic concernant la main-d’œuvre du secteur de la transformation du bois. Abitibi-Témiscamingue.

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Recommandation 6 - La formation de la main-d’œuvre

L’optimisation de la valeur des produits forestiers passe inévitablement par une amélioration de la compétence des travailleurs impliqués. Une approche globale touchant à l’ensemble des industries de la filière est souhaitée. Cette approche doit pouvoir compter sur une mobilisation régionale des différents acteurs et du soutien du gouvernement québécois par l’entremise d’Emploi-Québec.

Développement technologique Les entreprises de la filière ligneuse structurelle de l’Abitibi-Témiscamingue, comme celles du reste du Québec, constituent le grand groupe industriel s’étant le moins impliqué dans l’un ou l’autre des types d’innovation présentés à la figure 1039. Parmi les raisons invoquées par les firmes du secteur n’ayant pas procédé à des investissements en innovation, près de 80 % identifient le manque de personnel qualifié ainsi que le manque de ressources financières adéquates. En utilisant les dépenses en immobilisations et en réparations comme indicateurs d’effort financier associés à l’innovation technologique, la figure 19 corrobore les résultats rapportés plus haut et indique clairement qu’à l’échelle du Québec, l’industrie forestière présente assurément des signes inquiétants de ralentissement. Même si les données se rapportent aux entreprises du Québec en entier, rien ne laisse présager que la situation particulière de celles de l’Abitibi-Témiscamingue présente un portrait beaucoup plus positif, compte tenu de leur part importante dans la compilation statistique Le graphique de la figure 19 montre que les dépenses en réparation (ligne bleue) ont ralenti depuis 2004 et se sont même effondrées depuis 2009-2010. Elles se situent maintenant au plus bas de la période 1994-2011. Les dépenses en réparations constituent généralement un bon indicateur des améliorations réalisées au chapitre des procédés de fabrication. Ce poste de dépense présentait pourtant une nette tendance à la hausse de 1994 à 2004. La tendance récente de la courbe rouge ne provient pas d’une industrie agressive en termes d’investissement technologique dans les procédés de fabrication. Les immobilisations, de leur côté, affichent une tendance générale négative sur toute la période du graphique de la figure 19. Si l’année 2006 présentait un rebond intéressant dans les immobilisations québécoises, on le doit surtout au Programme de soutien à l’industrie forestière (PSIF) doté d’une enveloppe de 425 millions de dollars sous forme de prêts et de garanties de prêts pour le financement des entreprises du secteur40. Le PSIF a certainement contribué à augmenter le niveau d’immobilisation de 2006 à 2008. La tendance générale à la baisse des dépenses en immobilisation a cependant repris son rythme depuis ce temps. Ces dernières se situent présentement à environ le tiers de leur niveau du début des années 2000 et continuent à chuter. Encore une fois, même si les dépenses en immobilisation se rapportent à l’ensemble du Québec, tout porte à croire que les entreprises de l’Abitibi-Témiscamingue montrent une tendance similaire.

39 L’innovation dans le secteur de la fabrication au Québec entre 2008 et 2010. Rapport d’enquête. Institut de la statistique du Québec. 2012. 40 Le PSIF a d’ailleurs fait l’objet, avec le programme d’aide à la voirie forestière, d’un arbitrage de la part du gouvernement américain. Les entreprises québécoises de sciage résineux non exclues de l’ABR-2006 paient, depuis 2009, une taxe supplémentaire de 2,6 % sur la valeur à l’usine de leurs exportations.

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Les dépenses en immobilisations fournissent une certaine indication de l’adoption de nouvelles technologies par les scieries. La figure 19 se veut donc éloquente quant à la désuétude grandissante du parc d’équipement québécois. Ces retards devront être comblés rapidement, à défaut de quoi la compétitivité et la rentabilité du secteur québécois s’en trouveront rapidement affectées. La reprise des prix dans les produits du sciage résineux qui prévaut pendant la rédaction de ce document pourrait toutefois masquer les retards enregistrés dans les immobilisations et indiquer à l’industrie que la situation se redresse par elle-même. Le prochain ralentissement économique pourrait s’avérer très préjudiciable pour les entreprises ayant négligé de moderniser leurs équipements.

Figure 19 Dépenses en immobilisations et en réparations dans les scieries du Québec41.

L’innovation demeure pourtant à la base de la compétitivité d’un secteur industriel. La faiblesse des investissements à cet égard se veut annonciatrice d’un futur difficile, qui obligera les entreprises à maintenir une stratégie concurrentielle de coûts plutôt que de s’orienter vers la différenciation de leurs produits. Or, la valeur du dollar canadien, les distances de transport et la grosseur moyenne des arbres font d’une stratégie de coûts une voie parsemée de problèmes structuraux récurrents empêchant même les plus efficaces de se tailler une place intéressante sur les marchés internationaux. Dans la nouvelle économie mondiale, la productivité devient plus importante que l’accès aux ressources ou la taille des unités de production. La faiblesse de l’innovation oblige les compagnies à se concentrer exclusivement sur l’accès à la ressource plutôt que sur la façon dont elles la transforment. Elles n’ont alors d’autres choix que de s’opposer avec force à toute mesure qui peut avoir comme effet d’entraîner à la hausse le prix de la matière ligneuse. Or, l’arrivée du nouveau régime forestier entraînera inévitablement une augmentation

41 Source : Statistique Canada.

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Immobilisations Réparations

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de la valeur marchande des bois sur pied (VMBSP), et ce, en provenance autant de la forêt publique que privée. Les retards enregistrés dans le domaine de l’innovation pourront partiellement se combler par des prix supérieurs sur les marchés pendant les prochaines années. Par contre, les fluctuations des cycles économiques sont telles que les compagnies accusant un retard dans le déploiement d’initiatives innovatrices resteront celles qui fermeront leurs portes en premier et les dernières à les rouvrir. Les concepts de rentabilité et de compétitivité expliqués plus haut continueront de s’affronter au profit des compagnies innovatrices. Bien qu’une industrie à faible technologie n’existe pas, il existe des compagnies qui ne réussissent pas ou qui ne désirent pas utiliser une technologie de classe mondiale pour améliorer leur productivité. Ces compagnies font partie de la liste des entreprises non compétitives mais pouvant profiter de période de rentabilité lorsque le prix de leurs produits s’améliore. Les compagnies de la filière impliquées dans le sciage de résineux n’auront d’autre choix que de procéder rapidement à des investissements majeurs afin de s’adapter à la nouvelle réalité du marché des copeaux. La reprise dans la construction domiciliaire aux États-Unis entraîne avec elle une augmentation du rythme de production des scieries, ce qui génère forcément un volume de copeaux de plus en plus difficile à écouler, une augmentation des inventaires et une baisse importante de prix pour ce coproduit. En utilisant un facteur d’une tonne métrique anhydre (tma) de copeaux par 1000 pmp de sciage produits, chaque dollar de baisse dans le prix des copeaux se répercute par une diminution équivalente dans les revenus tirés du sciage. La solution à court terme consiste à produire plus de sciage et moins de copeaux pour chaque mètre cube de bois rond entrant à l’usine. Cette solution, bien qu’en apparence logique, présente toutefois des limites. Premièrement, la performance industrielle des scieries de l’Abitibi-Témiscamingue se veut déjà l’une des meilleures du Québec42. Située sous la barre de 4 m3/Mpmp43, les scieries de résineux (surtout les usines non intégrées) pourront difficilement améliorer leur performance à cet égard sans procéder à des investissements importants dans de nouveaux équipements. La possibilité de livrer aux usines uniquement la partie « sciable » de la tige dans un projet de centre de valorisation de la fibre (CVF) pourrait représenter une avenue prometteuse. Ce sujet sera abordé dans la section suivante et fera l’objet d’une recommandation. Par ailleurs, l’amélioration de la performance industrielle implique nécessairement la production de sciage de plus faible qualité. Une tige ligneuse n’est pas cylindrique, mais bien conique. En produisant plus de sciages et moins de copeaux, les industriels doivent nécessairement fabriquer des produits qualifiés de « minces et courts » comme les 2x3-7’, 2x3-6’, voire des 2x2. Or, ces produits pourraient facilement représenter un fardeau important en cas de nouveau litige avec les industriels américains. Dossier américain L’Accord sur le bois d’œuvre résineux de 2006 (ABR-2006) se terminera en octobre 2015. Si les deux pays doivent de nouveau entrer en conflit commercial sur le bois d’œuvre (lumber V), les mesures de correction des autorités américaines se concentreront certainement davantage sur les droits

42 Source : MRN, 2013 et discussions privées avec plusieurs scieries de résineux au Québec, y compris en Abitibi-Témiscamingue. Ces données demeurent confidentielles pour chaque usine. 43 Ces performances n’ont pas nécessairement été atteintes entre 2007 et 2012, période pendant laquelle le prix et la demande pour le bois de sciage étaient à leur plus bas niveau historique. Les scieries produisaient alors proportionnellement plus de copeaux, augmentant ainsi le ratio « m3/Mpmp ».

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antidumping (ADD) que par le passé44. Or, dans le cadre du litige commercial, le concept de « dumping » s’écarte substantiellement de la définition théorique45. En effet, tout produit vendu sous son coût de production devient sujet à générer des marges de dumping. De plus, en vertu du « zeroing », seuls les produits vendus sous le coût de production sont considérés. Par exemple, si une usine exporte 10 produits de sciage différents dont trois sont vendus sous le coût de production et sept à profit, seuls les trois sont considérés. L’écart entre le prix de vente et les coûts de production se mesure alors en pourcentage du prix de vente et constitue le niveau de taxes antidumping. Cependant, tous les produits (10) deviennent assujettis à cette nouvelle taxe. Le débat entourant la mécanique de calcul du dumping dépasse largement le cadre de ce mandat, mais ajoutons qu’une simple hausse de la devise canadienne peut entraîner une augmentation des taux de dumping en faisant passer son revenu sous son coût de production. Cette digression vers le dossier américain démontre clairement que la simple amélioration de la performance industrielle ne consistera pas la solution aux marchés des copeaux. La mise en marché de produits du sciage de moindre valeur pourrait s’avérer très coûteuse dans un éventuel conflit commercial avec les Américains à l’échéance de l’ABR-2006. Ces derniers peuvent analyser les transactions transfrontalières sur une période de plus d’une année. Ainsi, tout produit exporté sous son coût de fabrication à partir de l’été 2014 pourrait générer des marges de dumping importantes. Le dossier américain et le marché des copeaux résineux au Québec entraînent les scieries de résineux dans des directions diamétralement opposées pour lesquelles l’innovation technologique, surtout la recherche de nouveaux produits, s’avère la seule voie prometteuse à long terme. Paradoxalement, cette recherche de nouveaux produits devrait idéalement s’orienter vers des secteurs peu ou pas soumis aux cycles de la construction domiciliaire afin de stabiliser, à long terme, les entreprises de la filière en leur permettant de s’arrimer à des rythmes de fluctuation différents. Les investissements passés, qui ont vraisemblablement permis à plusieurs entreprises de la région de traverser la dernière crise, peuvent servir à orienter les besoins futurs en développement technologique. Toutefois, l’optimisation du rendement-matière a probablement atteint les limites que la ressource ligneuse de l’Abitibi-Témiscamingue peut supporter. Une amélioration supplémentaire de ce paramètre pourrait se traduire par une diminution du panier de produits. Si les produits de très faibles dimensions ne peuvent plus se transformer en copeaux, ils ne doivent en aucun cas faire décroître la valeur des livraisons. Leur utilisation dans des produits à haute valeur ajoutée comme le bois lamellé-collé ou le CLT constitue une solution plus efficace pour contrer à la fois le marché déclinant des copeaux et les dangers potentiellement élevés d’un nouveau litige commercial axé sur le dumping.

44 Source : Zoltan van Heyningen, excutive director. Coalition for fair lumber imports. Communication personnelle. 45 Théoriquement, une industrie ou une compagnie fait du « dumping » lorsqu’elle vend, sur un marché étranger, une proportion importante de sa production qu’elle destinait à son marché domestique, mais dont la demande a chuté. Cette action a pour but de préserver le niveau de prix domestique au détriment des producteurs étrangers. Ce sont ces derniers qui portent plainte.

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Recommandation 7 - L’innovation

La région de l’Abitibi-Témiscamingue doit soutenir les investissements dans l’une ou l’autre des formes d’innovation pour tout son secteur forestier. L’innovation technologique et, plus particulièrement le développement de nouveaux produits constituent des avenues prometteuses pour tenir compte de la réalité du marché des copeaux sans se rendre vulnérable face au conflit canado-américain latent. Les autorités socioéconomiques régionales peuvent contribuer à assurer aux entreprises un accès au capital nécessaire pour y parvenir, sans éliminer la possibilité de s’impliquer dans le partage du risque.

Cette dernière recommandation ne tend aucunement à négliger l’importance de soutenir l’innovation non technologique au sein de la filière. D’ailleurs, le développement de nouveaux produits peut s’avérer impuissant à soutenir un secteur si des efforts majeurs de commercialisation et des méthodes organisationnelles ne font pas partie du scénario global. Les promoteurs des produits du bois, sous quelque forme que ce soit, ont encore beaucoup de travail à réaliser afin d’atteindre le plein potentiel d’utilisation de ce matériau. Finalement, il convient d’ajouter que l’innovation ne se manifeste pas toujours, ni nécessairement, par la découverte d’un nouveau produit révolutionnaire qui modifie la structure d’un secteur. L’innovation se veut, le plus souvent, le résultat cumulé d’améliorations soutenues. La recherche de solutions radicales pouvant mener à des percées révolutionnaires constitue une erreur qui peut mener à abandonner les efforts devant l’ampleur des attentes non réalistes. Les grandes percées proviennent, le plus souvent, d’un ensemble de petites innovations dirigées dans une même direction. Le nouveau régime forestier séparera les entreprises en deux classes : celles qui s’améliorent et s’accaparent des parts de marché des autres, celles de la deuxième classe, qui finiront par disparaître. Les raisons du succès d’une compagnie seront alors scrutées à la loupe par les autres qui tenteront de les imiter. Cette émulation constitue une constante au sein des industries soumises à la concurrence domestique et ce, peu importe le pays ou le secteur d’activité. Approvisionnement Les équipes de forestiers professionnels chargées de l’approvisionnement des usines de la filière structurelle peuvent se mesurer aux meilleures à l’échelle du Québec. De la planification aux opérations, aucune étape reliée à la récolte de la matière ligneuse ne constitue un obstacle insurmontable. Comme les opérations de récolte se réalisent exclusivement par sous-traitance, et malgré l’importance de cette activité pour l’entreprise, le personnel chargé de l’approvisionnement en bois demeure relativement faible. Bien que les opérations traditionnelles de récolte soient suffisamment rodées et se réalisent au moindre coût (plutôt élevé par rapport aux concurrents étrangers), une difficulté importante pourrait surgir dans les prochaines années, notamment en marge de l’arrivée de nouveaux joueurs dans l’industrie (dans une ou l’autre des trois filières). Ceux-ci requerront des ressources spécifiques, précises, vraisemblablement différentes et en volumes relativement restreints par rapport aux entreprises plus traditionnelles. Le nouveau régime forestier stimulera certainement la création de nouvelles entreprises sur le territoire de l’Abitibi-Témiscamingue et perturbera considérablement les méthodes de travail actuelles.

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Le mode de récolte actuel, utilisant les scieries comme « point de chute » de la ressource ligneuse en provenance de la forêt, devra subir une cure de rajeunissement pour s’adapter aux nouvelles réalités46. Ce besoin de remise en question découle de plusieurs éléments, notamment :

▪ Plus de la moitié du bois entrant dans une scierie ne sera pas transformé en sciage;

▪ Les copeaux de scierie deviendront de plus en plus difficiles à écouler;

▪ Les copeaux doivent être transportés sur des distances considérables compte tenu de leur valeur (prix) de plus en plus faible;

▪ Le dossier américain fait en sorte que la production de sciages de petites dimensions pourrait entraîner des taux de dumping insupportables (ce point a été expliqué en détail plus haut);

▪ De nouveaux utilisateurs de fibre nécessiteront des produits dont les spécifications pourraient ne pas pouvoir être produites en scierie.

Pour ces raisons, il est proposé de procéder à une étude de faisabilité technique et économique de l’implantation d’un centre de valorisation de la fibre (CVF) sur le territoire de l’Abitibi-Témiscamingue.

Un Centre de valorisation de la fibre est « … un complexe industriel moderne qui évolue comme une entreprise agile exploitant la forêt d’une manière durable et en en tirant le maximum de profits. Il a la mission de produire des intrants qualifiés et adaptés aux différentes filières de l’industrie de la transformation du bois (pâtes et papiers, bois d’œuvre et panneaux) ainsi qu’aux producteurs de produits à haute valeur ajoutée (PHVA) et d’énergie… »47

Un CVF constitue l’élément central d’une politique de « bon bois, bonne usine, bon usage » et permet de réaliser des gains de productivité de l’ordre de 25 à 30 %48. La présence d’un ou de quelques CVF constituerait un atout de différenciation majeur pour la région et inciterait de nouvelles entreprises à venir s’y installer pour profiter à la fois de la qualité de la fibre ligneuse de l’Abitibi-Témiscamingue et d’une assurance d’approvisionnement stable. Celle-ci se traduira alors par des facilités de financement intéressantes de la part des bailleurs de fonds pour qui l’alimentation des nouvelles usines demeure la principale préoccupation.

Les principaux obstacles à l’implantation d’un CVF proviennent souvent des entreprises actuelles de transformation qui y voient une modification très (trop) importante de leurs façons de faire traditionnelles. Il faut comprendre qu’une scierie participant à un projet de CVF n’aurait, en principe, plus besoin d’écorceur ni de scie d’entrée pour équarrir la matière ligneuse. Le bois leur serait livré sous forme de pièces carrées que les moulins n’auraient qu’à transformer en différents produits.

Un CVF doit idéalement être localisé de façon à bénéficier du transport hors norme. Les camions hors routes peuvent en effet transporter des charges près de trois fois plus importantes que les camions ordinaires, tant qu’ils n’empruntent pas les routes et chemins publics. Les forêts de l’Abitibi-Témiscamingue se prêtent particulièrement bien à cette condition en raison de leur superficie. Quelques CVF répartis de façon stratégique sur le territoire pourraient alimenter une importante proportion des entreprises des filières ligneuses structurelle et non structurelle. De plus, une telle répartition

46 À noter que les scieries de résineux et de feuillus sont les principales représentantes de la filière ligneuse structurelle à pouvoir être qualifiées de « point de chute » du système d’approvisionnement. Plusieurs usines de cette filière reçoivent aussi leur matière première à partir des scieries. 47 CRIQ. Le Centre de valorisation de la fibre. Une arme contre la compétition. Sommaire exécutif. Avril 2009. 48 Yves Dessureault, CRIF, communication personnelle.

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deviendrait naturellement l’élément déclencheur de projets d’extractibles en contribuant de manière importante à leur faisabilité technique et financière. L’utilisation optimale de transport hors routes imposera une pression à la baisse sur les coûts d’approvisionnement tout en permettant l’alimentation du CVF en produits généralement laissés sur le parterre de coupe. Le succès d’un CVF réside d’abord dans le nombre d’usines participantes situées en aval. Plus ce nombre est élevé, plus le CVF peut diversifier ses produits et abaisser ses coûts fixes unitaires. La mobilisation des industriels de la région s’avère donc indispensable à la poursuite d’un tel projet. Bien que seule une étude de faisabilité technique et économique puisse le déterminer précisément, un CVF constituera vraisemblablement une entité financière à but lucratif dont l’actionnariat se répartirait entre des industriels de toutes les filières forestières de l’Abitibi-Témiscamingue. Il devrait idéalement inclure des entrepreneurs forestiers, des équipementiers, bref, tous les secteurs en amont, en aval et apparentés pour qui cette nouvelle méthode de faire et de penser aura des répercussions sur les activités quotidiennes.

Aucun CVF n’est actuellement en fonction au Québec bien que des discussions aient lieu dans la plupart des régions forestières. Les précurseurs bénéficieront d’une longueur d’avance sur les autres en offrant à leurs industriels des possibilités d’amélioration de la productivité et le développement de nouvelles expertises. La pertinence d’un CVF sur le territoire de l’Abitibi-Témiscamingue sera aussi reprise dans la « vue d’ensemble » de la filière ligneuse non structurelle dont le développement pourrait grandement dépendre de ce type d’infrastructure. Finalement, il convient d’ajouter qu’un CVF pourrait se développer avantageusement à l’intérieur du contexte du nouveau régime forestier. Son statut corporatif pourrait tout à fait en faire un soumissionnaire efficace pour le bois de la forêt publique. Ses liens d’affaires avec les divers utilisateurs de produits forestiers lui permettraient de soumissionner sur l’ensemble des essences et des qualités présentes sur les lots mis en marché. Un CVF constitue avant tout un centre de tri. Cependant, contrairement à une simple gare de triage à partir de laquelle la matière ligneuse prend des directions différentes selon la localisation géographique des acheteurs, un CVF se distingue avant tout par son agilité à répondre aux nombreux besoins particuliers en aval à partir d’un bassin d’approvisionnement propre à chaque site d’implantation. Ainsi, un CVF sert plutôt de catalyseur pour les usines déjà implantées sur le territoire en transformant la matière brute de façon à répondre parfaitement aux besoins spécifiques de chacune d’entre elles. Le CVF doit aussi pouvoir s’ajuster à toute nouvelle demande émanant d’idées novatrices et stimuler la création d’entreprises œuvrant à l’intérieur de créneaux en développement. Ainsi, un projet d’usine d’extractibles ou de produits énergétiques devrait voir ses chances de démarrage améliorées en raison de la présence d’un CVF. Ce dernier devrait même demeurer assez flexible pour permettre à de nouvelles unités de transformation de venir se greffer sur son propre site d’opération, surtout si celles-ci fonctionnent à partir de matière première résiduelle qui ne saurait supporter des coûts de manutention et de transport additionnels. L’implantation d’un projet de CVF flexible doit se concevoir dans une optique « modulaire », c’est-à-dire que son design doit prévoir un développement en superficie pour répondre à des besoins encore inconnus au moment de sa conception. Un CVF ne pourrait jouer adéquatement son rôle d’incubateur de nouvelles idées s’il devait les refuser faute d’espace ou de capacité de réception. Les besoins particuliers

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comme le pré conditionnement, une transformation primaire spécialisée, des volumes très petits ou très importants, ou toute autre spécification actuelle ou en devenir doivent pouvoir être comblés par un CVF. À cet égard, la présence d’un CVF sur un territoire doit se concevoir comme un outil de développement économique et de création de richesse. Par la grandeur de son territoire, l’Abitibi-Témiscamingue possède des sites permettant de répondre adéquatement aux conditions exigeantes en termes de superficie, d’accès forestier, de routes, etc. Également, quelques CVF dynamiques et spécifiques sauront créer de la richesse pour la région en intervenant dans toutes les étapes des différentes chaînes de valeur du secteur forestier.

Recommandation 8 - Centre de valorisation de la fibre

La région de l’Abitibi-Témiscamingue devrait procéder à l’analyse de faisabilité technique et économique de l’implantation d’un centre de valorisation de la fibre sur son territoire. Cette étude devra entre autres déterminer la ou les locations propices à un tel projet de même que le nombre d’entreprises nécessaires à son bon fonctionnement.

4.2.1.2 Activités principales49 Parmi les activités principales, les ventes sont définies comme les plus importantes, selon une majorité d’entreprises sondées. Pour ces dernières, les ventes constituent le moteur de l’entreprise et le personnel affecté à cette activité peut prendre le pouls du marché ainsi que des besoins particuliers des clients. Ces informations sont par la suite transmises à la production. Il s’agit d’une vision relativement moderne et nouvelle dans le secteur forestier qui a, depuis toujours, adopté l’approche : « vendre ce que l’on a produit » plutôt que de « produire ce que l’on a vendu ». Cette dernière vision dénote une préoccupation importante pour la satisfaction de la clientèle et se veut une première manifestation d’une stratégie concurrentielle de différenciation qui sera abordée plus en détail dans la section suivante (chaîne horizontale). Dans tous les cas, même chez les répondeurs qui identifient la production comme moteur de l’entreprise, il existe une très grande coordination entre les ventes et la production. Les rencontres de travail entre les divers secteurs se réalisent sur une base quotidienne et de façon informelle chez les petites entreprises, et de manière plus systématique, à chaque semaine, dans les plus grosses entreprises. Ces réunions de coordination sont présentées comme une façon de tirer le maximum et de régler les différents problèmes de manière collégiale. D’entrée de jeu, les dirigeants reconnaissent que les problèmes d’un département peuvent souvent être réglés par des changements dans un autre département. Les réunions de travail mettent souvent en opposition les contraintes des ventes et de la production. C’est à ce niveau que la philosophie d’entreprise entre en jeu et que les solutions diffèrent quelque peu d’une compagnie à l’autre. L’optimisation de la chaîne de valeur a plus de chance de se concrétiser lorsque les ventes, c’est-à-dire les besoins des clients, l’emportent sur les contraintes de production. Aucune recommandation ne viendra toutefois tenter d’orienter le débat « ventes vs production » dans cette analyse de la filière ligneuse structurelle. Pour ce faire, une analyse plus approfondie des clients particuliers à chaque compagnie ainsi que de leur niveau de satisfaction devrait être réalisée, ce qui ne

49 Les activités principales seront analysées dans leur ensemble vu leur caractère imbriqué.

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fournirait pas beaucoup de valeur ajoutée au présent document. L’important consiste plutôt à observer un changement important au sein de la filière au chapitre de l’importance de l’activité des ventes par rapport à celle de la production. Ce changement, s’il parvient à améliorer la situation des compagnies qui l’adoptent de manière évidente, saura bien se propager à l’ensemble du secteur. Aucune entreprise forestière à l’extérieur de l’Abitibi-Témiscamingue n’a participé au sondage, ce qui limite le pouvoir de comparaison avec les autres régions. Néanmoins, cette propension à percevoir les ventes comme le principal moteur chez la majorité des entreprises de la région dénote avec certitude un changement radical dans l’attitude des dirigeants devant l’importance de satisfaire la clientèle plutôt que d’écouler des inventaires vers les marchés. Les entreprises de l’Abitibi-Témiscamingue semblent délaisser le mode « push » en vigueur depuis les débuts de l’industrie au profit d’une stratégie de type « pull ». Ceci pourrait constituer un avantage concurrentiel majeur pour la filière ligneuse structurelle de l’Abitibi-Témiscamingue. La présence du Créneau d’excellence Scisa et la présence imposante de l’industrie minière dans la région pourraient être à la base de cette réorientation. Toutes les parties prenantes de la filière structurelle y compris les intervenants socioéconomiques et le Créneau Scisa doivent comprendre que cette stratégie « pull », relativement nouvelle dans le domaine forestier, doit pouvoir se perpétrer sans se soucier des cycles économiques du secteur minier ou de celui de la construction au Canada et aux États-Unis.

4.2.2 Chaîne horizontale

Les compagnies de l’Abitibi-Témiscamingue de la filière ligneuse structurelle présentent une très grande connaissance de leurs marchés. Elles savent toutes que la concurrence provient autant des producteurs américains, canadiens que québécois, bref de tous ceux qui mettent un produit similaire sur leur marché. Elles connaissent aussi leur grosseur relative par rapport à la moyenne de leurs compétiteurs. Fournisseurs Les compagnies de cette filière entretiennent généralement de très bons liens avec leurs fournisseurs d’équipement et de fibre. Celles qui s’approvisionnent directement en forêt font toutes affaires avec des entrepreneurs indépendants. La sous-traitance leur convient parfaitement et aucune entreprise ne semble intéressée par l’intégration en amont en achetant un de ses fournisseurs. Elles considèrent, avec raison, que l’intégration verticale présente plus de rigidité à l’intérieur d’une compagnie que la coopération avec des entreprises locales spécialisées, et favorisent ainsi l’approvisionnement local (local sourcing). Ceci s’avère généralement moins dispendieux, de plus que pour celles-ci, les fournisseurs locaux diminuent les frais de transaction et réduisent les besoins d’inventaires et les délais de livraison. Les compagnies de la région ne semblent pas se préoccuper du pouvoir de négociation qu’elles possèdent face à leurs fournisseurs. Bien qu’elles disent entretenir des relations privilégiées avec certains d’entre eux, ces liens ne se manifestent pas en actions concrètes et identifiables. La fidélité constitue la manifestation la plus souvent invoquée quant au lien avec leurs meilleurs fournisseurs. En région, leur nombre restreint les incite plutôt à négocier sur une base « gagnant-gagnant ». La portion de la chaîne de valeur horizontale située en amont des usines de première transformation présente un degré d’optimisation difficile à améliorer. Les différentes compagnies apprécient et bénéficient du haut niveau d’expertise de certains de leurs fournisseurs sans nécessairement vouloir transposer cette relation en réduction de coûts d’acquisition des intrants. Les fournisseurs et les clients visitent leurs installations respectives et sont tout à fait conscients de leurs contraintes mutuelles. Ces

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visites de courtoisies, en plus d’entretenir des liens étroits, permettent aux fournisseurs d’orienter la production de leurs intrants de façon à améliorer la performance de leurs clients. Les coûts d’inventaires des fournisseurs, notamment ceux des entrepreneurs forestiers, demeurent systématiquement très élevés. Les entreprises de première transformation tentent généralement de les payer le plus rapidement possible, voire de supporter une partie de l’inventaire de bois rond, surtout durant la période de dégel qui rend le transport de bois rond à partir de la forêt impossible. Clients Le type de relation observée entre les entreprises de la filière et leurs fournisseurs ne ressemblent pas à celui qui s’exerce entre les clients. Les compagnies de la filière affirment toutes que leurs produits se distinguent de ceux de leurs concurrents en termes de qualité et, qu’en plus, ils répondent mieux à leurs besoins (sur mesure) et sont livrés à temps. Par contre, si certaines firmes avancent qu’une légère prime peut s’obtenir par la vente de produits plus spécialisés, force est de constater que les compagnies de la filière structurelle ne réalisent pas de profits supplémentaires malgré la qualité de leurs livraisons. Elles expliquent cette situation par le fait qu’elles vendent des produits de base (commodity) et que seul le marché fixe les prix. La plupart d’entre elles croient que leurs clients affichent une meilleure performance financière qu’elles. En d’autres mots, elles reconnaissent que leurs clients possèdent un meilleur pouvoir de négociation dans la fixation des prix et considèrent cette situation comme immuable. L’optimisation de la chaîne de valeur horizontale des produits forestiers de l’Abitibi-Témiscamingue ne pourra en aucun cas être considérée optimale tant que les producteurs n’engrangeront pas de revenus supplémentaires justifiés par la qualité intrinsèque de leurs produits. La fibre nordique d’épinette noire et de pin gris devrait, en toute logique, permettre à ses producteurs de profiter de marges supérieures par rapport aux producteurs du sud des États-Unis ou de ceux qui doivent transformer une proportion élevée de sapin baumier. Seuls quelques cas marginaux sont à noter. La fibre de l’Abitibi-Témiscamingue n’est pas unique à la région. On la retrouve aussi dans le Nord-du-Québec et, dans une moindre mesure, sur la Côte-Nord et au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Depuis toujours, ces régions laissent des sommes importantes au profit de leurs acheteurs qui mettent en marché un produit aux caractéristiques physiques non différenciées. Tout comme dans le cas de la filière, un exercice de reconnaissance et de « branding » de la fibre améliorerait l’image et la valeur de la fibre des entreprises de l’Abitibi-Témiscamingue50. Une étiquette « Québec Black spruce » ou « Québec Boreal fiber » reconnue internationalement pourrait changer la perception des clients. Les compagnies de la filière structurelle réalisent que la différenciation débute avant tout par une impression de leurs clients à l’égard de leurs produits. Ils ne ménagent donc aucun effort pour livrer à leur clientèle un produit présentant une grande stabilité en termes de dimensions et de teneur en humidité tout en assurant des livraisons « juste-à-temps ». Certaines compagnies de la région sont par ailleurs considérées parmi les plus fiables en Amérique, assurant une présence sur les marchés avec des produits de haute qualité, même en périodes difficiles.

50 Pour ce faire, la certification des territoires forestiers devient une nécessité absolue.

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Le type de différenciation pratiqué par les firmes de l’Abitibi-Témiscamingue pourrait toutefois passer à un stade avancé à l’aide d’une marque de fabrique identifiant la provenance des produits. Ceci obligerait les clients à reconnaître de facto des produits qui se distinguent non seulement en termes de services après-vente, mais aussi, et surtout, par l’aspect mécanique. Toutefois, il est à noter que ces efforts ne devraient pas conduire à une scission avec les autres régions du Québec chez qui l’épinette noire et le pin gris sont moins importants. À cet égard, le Conseil de l’industrie forestière du Québec pourrait s’impliquer directement en traçant, de concert avec les entreprises de l’Abitibi-Témiscamingue, les limites de l’identification régionale sans provoquer de litige interne au sein de ses membres.

Recommandation 9 - Reconnaissance de la fibre nordique

La région de l’Abitibi-Témiscamingue, conjointement avec la région du Nord-du-Québec devrait entreprendre un exercice de « branding » pour que la qualité supérieure de leur fibre soit reconnue et procure à leurs producteurs des marges supérieures. Il s’agit d’un exercice long et coûteux qui doit être mené par les autorités économiques régionales, de concert avec l’industrie et le gouvernement provincial.

L’intégration verticale vers l’aval51 ne semble pas constituer une avenue pour les entreprises de la filière. Certaines se montrent toutefois intéressées par une plus grande implication dans la deuxième et troisième transformation ou dans les activités de grossistes. Par contre, le faible intérêt généralement manifesté par l’intégration verticale vers l’amont demeure présent pour les firmes situées en aval. Plusieurs d’entre elles sont d’ailleurs inaccessibles financièrement52. Contrairement aux autres régions-ressources du Québec, une proportion importante de la production de première transformation demeure dans la région pour y subir une transformation supplémentaire. L’essor du domaine minier n’est pas étranger à cette situation. Alors que d’autres régions perçoivent le ce secteur uniquement comme une menace, les entreprises de la filière structurelle ont plutôt réagi de façon opportuniste. Le secteur minier exige un nombre élevé de constructions préfabriquées de première qualité et les industriels de la région ont décidé de relever ce défi. Le monde minier se manifeste également par une hausse soudaine de la construction domiciliaire en Abitibi-Témiscamingue. Le graphique suivant (figure 20) est éloquent à cet égard. Après un creux de seulement 40 nouvelles constructions en 2001, les principales villes de l’Abitibi-Témiscamingue enregistraient, en 2011, 633 mises en chantier résidentielles. La ville de Val-d’Or s’affiche comme la grande gagnante de cette situation avec près de ¾ des nouvelles unités. Sa position géographique favorable explique en partie cette performance enviable. L’activité économique apparaît toujours très intense à l’intersection de deux grappes industrielles, tout comme on peut l’observer en Abitibi-Témiscamingue avec les secteurs forestiers et miniers.

51 Par exemple par l’achat des actifs d’un client ou par le démarrage d’une nouvelle entreprise utilisant la production comme intrant. 52 Par exemple Home Depot ou Rona.

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Figure 20 Mises en chantier résidentielles dans les principales villes d’Abitibi-Témiscamingue53.

La présence du Créneau d’excellence SCISA, malgré des débuts difficiles dus à la conjoncture prévalant au moment de sa mise sur pied, apparaît maintenant comme un creuset d’innovation qui profite à la fois de l’essor de la construction résidentielle, commerciale et institutionnelle, ainsi que du développement de l’industrie minière. Il s’agit, pour l’Abitibi-Témiscamingue, d’une opportunité unique pour le développement de systèmes de construction de première qualité. Les besoins immenses de la région pour les constructions de qualité supérieure font de celle-ci un vaste laboratoire pour les entreprises du Créneau ACCORD. Elles sont en voie de prendre une avance déterminante par rapport aux autres régions du Québec et de l’Amérique du Nord tout entière. En effet, un système de construction produisant une habitation de qualité qui sait résister aux climats extrêmes de l’Abitibi-Témiscamingue peut se tailler une place enviable à l’échelle mondiale. La clé demeure l’innovation. C’est ce que les entreprises membres du Créneau ont bien compris : l’innovation, par définition, se veut davantage une « direction » qu’une « destination ». Baisser la garde dans ce domaine amène inévitablement la concurrence à rattraper le terrain perdu. SCISA prouve actuellement que les habiletés et le savoir-faire nécessaires au bon fonctionnement d’une usine de première transformation sont différents de ceux requis pour fabriquer des produits de deuxième et de troisième transformation. Les exigences de la clientèle augmentent en effet à mesure que l’on se rapproche du consommateur final. La capacité de perception et l’anticipation de ces exigences demeurent à la base de la réussite des firmes impliquées dans la deuxième et troisième transformation.

53 Source : Observatoire de l’Abitibi-Témiscamingue et SCHL. 2012

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L’expertise développée en Abitibi-Témiscamingue dans les systèmes de construction se changera en avantage concurrentiel durable si elle anticipe une demande croissante pour ses produits de deuxième transformation. Un sondage mené par FPInnovation auprès de plusieurs centaines de constructeurs américains montre que le recours à la préfabrication prend de plus en plus d’essor dans le nord et le nord-est des États-Unis. Le graphique suivant (figure 21) rapporte que dans ces deux grandes zones, environ une mise en chantier sur 10 se réalise maintenant avec des murs préfabriqués, voire avec des unités préfabriquées complètes. Les conditions climatiques du nord des États-Unis sont telles qu’il est peu surprenant d’y observer un engouement pour la préfabrication plus important qu’ailleurs. Le même sondage rapporte en effet que les constructeurs, de manière majoritaire, expriment des besoins urgents de diminuer les délais de construction et d’améliorer la facilité d’installation. Les délais de construction constituent pour eux un facteur plus important que le prix des matériaux quant à la profitabilité des opérations.

Source : F. Robichaud, FPInnovation, 2012

Figure 21 Le recours à la fabrication pour les constructeurs sur site aux États-Unis.

Le développement de l’expertise dans le domaine des systèmes de construction apparaît d’autant plus pertinent pour l’Abitibi-Témiscamingue qu’il se manifeste dans une période d’intensification des échanges entre le Canada et les États-Unis pour les maisons préfabriquées. Le graphique de la figure suivante (figure 22) montre que le Canada est passé d’exportateur à importateur net de maisons préfabriquées, notamment en raison de l’augmentation de la valeur de la devise canadienne. En effet, depuis 2007, lorsque le taux de change passait sous la barre de 1,10 $CDN/$US, la valeur des importations en provenance des Américains a dépassé celles des exportations canadiennes vers les États-Unis.

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Portland-Vancouver

Dallas

Atlanta

Los Angeles

Charlotte

Tampa St-Pete

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Seattle

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Chicago

Minneapolis

New-York

Détroit

Washington D.C.

Murs préfabriqué Maisons complète livrée sur le site

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Figure 22 Le commerce des maisons préfabriquées entre le Canada et les États-Unis54

Si, à première vue, ces données apparaissent menaçantes pour le secteur des systèmes de construction de l’Abitibi-Témiscamingue, elles doivent davantage être perçues comme une opportunité. En effet, en analysant de plus près le commerce entre les deux pays, on s’aperçoit qu’il s’agit d’un phénomène essentiellement frontalier entre les États américains limitrophes de l’Ontario et de l’Alberta55. L’Abitibi-Témiscamingue et, dans une moindre mesure le Québec dans son ensemble, demeurent pour l’instant hors de portée du comportement « agressif » des producteurs américains désirant profiter de la force relative du marché de la construction au Canada pendant la dernière récession. Le graphique de la figure 23 montre que si les exportations québécoises de maisons préusinées ont souffert de la montée du dollar canadien, les fabricants américains n’ont pas autant profité du marché québécois. De plus, on observe que l’année 2012 a été témoin d’un regain important dans le niveau d’exportations alors que les importations semblent s’essouffler. Cette effervescence pour les maisons préfabriquées, observée autour de la frontière canado-américaine, devrait inciter l’Abitibi-Témiscamingue à se préparer à entrer rapidement dans la mêlée. Les fabricants américains sont bel et bien à nos portes et prendront toute la place disponible en profitant du marché québécois de la construction pour s’imposer. La dernière récession n’a pas affecté les mises en chantier au Québec comme dans le reste du Canada et aux États-Unis56. Les constructeurs américains en sont pleinement conscients et tant que le niveau de mises en chantier dans leur pays n’aura pas atteint les niveaux historiques, ils seront fortement tentés de se développer via le marché québécois.

54 Source : Statistique Canada, 2013 55 Source : François Robichaud, FPInnovation. Communication personnelle. 56 Source : Société Canadienne d’hypothèque et de logement. SCHL. 2013

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Il convient de noter ici que le niveau de transaction entre le Québec et ses partenaires américains ne représente encore que quelques centaines d’unités traversant les frontières dans une direction ou l’autre. Les échanges ont toutefois été plusieurs fois supérieurs au début des années 2000 (environ 80 millions de dollars par rapport à moins de 20 millions en 2012) et tout porte à croire que la reprise économique en cours favorisera ce type de construction dans la partie nord des États-Unis et au Canada.

Figure 23 Le commerce des maisons préfabriquées entre le Québec et les États-Unis57.

Par contre, ces firmes requièrent un approvisionnement présentant une excellente stabilité quant à la qualité et aux volumes. Elles doivent pouvoir compter sur un secteur de première transformation en santé et, idéalement local. Le local sourcing présenté plus haut constitue un élément essentiel du développement des entreprises du Créneau d’excellence. La région de l’Abitibi-Témiscamingue possède à l’heure actuelle l’ensemble de ces éléments. Peu ou pas d’autres régions québécoises ou canadiennes disposent à la fois d’une infrastructure de première transformation performante, d’une expertise de deuxième transformation ainsi que d’un marché local. L’Abitibi-Témiscamingue doit à tout prix mettre à profit cette opportunité en s’investissant pleinement dans les systèmes de construction, ce qu’elle fait très bien pour le moment.

4.2.3 Vue d’ensemble

Toutes les entreprises sélectionnées pour le questionnaire affirment que le système de fonctionnement de leurs activités de soutien et principales est bien rodé. Les qualificatifs généralement utilisés sont : « très fonctionnel, efficace, transparent, bien synchronisé et planifié stratégiquement ». Les liens entre les activités de soutien et les activités principales jouissent d’une aussi bonne évaluation de leur part. Il ne s’agit pas d’une grande surprise puisque les compagnies sondées sont celles qui ont réussi à traverser la dernière crise en demeurant en activité. Pour y parvenir, ces entreprises n’auraient pu négliger aucun

57 Source : Statistique Canada, 2013

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aspect de la chaîne de valeur verticale. Elles sont vraisemblablement entrées dans la crise de 2007 en meilleure situation financière et avec une meilleure équipe d’administrateurs que celles qui ont dû fermer leurs portes. Les entreprises sondées présentent toutefois des différences fondamentales dans leurs modes de gestion. D’un côté, les entreprises non intégrées58 sont généralement familiales et mises sur pied il y a plusieurs décennies. Le capital-actions est réparti entre un nombre très restreint d’individus, généralement les membres d’une ou de quelques familles. D’ailleurs, il n’est pas rare d’observer plusieurs membres de la même famille occupant des postes clés au sein d’une même entreprise. Les entreprises non intégrées ont traversé la dernière crise en profitant de décisions judicieuses du passé et en se montrant patientes face aux faibles rendements générés. Cette patience provenait notamment du nombre restreint d’actionnaires, généralement impliqués dans l’administration de la compagnie. Leur excellente réputation auprès des bailleurs de fonds a réussi à « calmer leu jeu » et a amené ces derniers à les accompagner à travers la période difficile dont elles commencent à se relever. Le caractère familial de ces entreprises n’affecte en rien la rigueur de leur gestion financière et administrative. Quelques dirigeants s’impliquent à tous les niveaux de la chaîne verticale alors que d’autres s’activent surtout à l’intérieur de la chaîne horizontale. De manière générale, les membres des directions des entreprises non intégrées proviennent de la région de l’Abitibi-Témiscamingue et s’attendent non seulement à y terminer leur carrière, mais aussi à y passer leur retraite. À l’autre extrémité, les usines intégrées ont, à leur tête, des dirigeants provenant de la compagnie mère. Ces derniers proviennent souvent de l’extérieur de la région et sont nommés en raison de leurs excellentes capacités de gestionnaires. Leur passage dans la région se veut temporaire, car ils aspirent à gravir les échelons au sein de la compagnie mère. Pour ce faire, ils s’investissent pleinement dans leur travail et offrent généralement de solides performances de gestion à leur employeur. Comme ils travaillent au sein de compagnies ouvertes (inscrites en bourse), dont les actions sont possédées par des millions d’individus, leur gestion est scrutée au quotidien et la reddition de comptes à laquelle ils sont soumis apparaît particulièrement rigoureuse. La présente analyse ne peut conclure qu’un type d’entreprise plutôt qu’un autre se veut un meilleur gage de succès pour la région de l’Abitibi-Témiscamingue. En effet, le simple fait d’avoir traversé la pire période de leur histoire tout en demeurant actives (ce qui ne veut pas dire qu’elles n’ont pas souffert de la conjoncture) constitue une preuve de l’efficacité des deux modes de propriété. En vertu du principe d’unité de la firme voulant qu’une compagnie tente de maximiser ses profits au niveau de l’ensemble de ses unités de production plutôt qu’individuellement, les deux types d’entreprises forestières en Abitibi-Témiscamingue ont réagi de manière différente. Les compagnies à usine unique59 ont manifesté une grande résilience et une grande patience puisque leur seule unité de production a dû essuyer des pertes importantes. En période de très bas marchés comme celle qui a prévalu de 2008 à 2010, les décisions de fermetures d’unités de production varient quelque peu entre les deux types d’entreprises. Théoriquement, la fermeture devrait se concrétiser lorsque les revenus d’une usine ne réussissent pas à couvrir les coûts variables unitaires (CVu). Il devient ainsi plus logique de fermer et de payer ses coûts fixes que de

58 Le terme « non-intégré » réfère à une compagnie dont les actionnaires ne possèdent pas d’unités de transformation situées en aval. Par exemple, les propriétaires (actionnaires) d’une scierie non-intégrée ne possèdent pas une majorité d’actions dans une usine de pâte et papier. 59 Il serait plus précis de parler de compagnies impliquées dans une seule industrie.

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demeurer en exploitation et de supporter à la fois les coûts fixes et la partie des CVu non couverte. On observe toutefois, du côté des compagnies intégrées, que la fermeture touche les usines ne possédant pas de caractère stratégique au sein du groupe industriel, même si les revenus de ces dernières couvrent une partie des CVu, mais pas tous les coûts. L’entreprise intégrée ne maintient en opération que les usines nécessaires aux activités principales. Ceci peut amener une papetière à garder une scierie en activité afin d’assurer un approvisionnement en copeaux. Les compagnies non-intégrées répondent à une logique différente. Bien qu’elles demeurent tout-à-fait conscientes que les revenus peuvent se situer sous la barre des CVu, leurs dirigeants ont généralement tendance à persévérer plus longtemps, même si cette attitude peut mettre en péril la survie-même de toute l’entreprise. Ils se sentent souvent investis d’une responsabilité à l’égard des fondateurs, de la famille, des employés qu’ils connaissent personnellement et du bien-être de toute la communauté relié en grande partie au fonctionnement de l’usine. Ils en font aussi, bien souvent, une question de fierté personnelle. Par contre, la froide réalité économique rattrape généralement ce type de comportement et oblige les entreprises à mettre fin aux opérations pour juguler l’hémorragie financière. Les entreprises non-intégrées de l’Abitibi-Témiscamingue ayant traversé la crise démontrent ainsi à toute la région, aux bailleurs de fonds et à leurs clients, la pertinence de leur gestion serrée des coûts d’exploitation et de toutes les activités de soutien et principales de l’usine. L’analyse des questionnaires montre que les usines intégrées ont davantage axé leurs décisions en fonction du maintien de la rentabilité que les usines non-intégrées. Ces dernières ont surtout orienté les leurs vers la préservation de leur part de marché, adhérant davantage aux préceptes de la compétitivité. Les compagnies intégrées ont donc montré une tendance à reporter certains investissements afin de maintenir leurs coûts d’exploitation au plus bas niveau possible, ce qu’elles ont assez bien réussi à réaliser. Les non-intégrées ont investi beaucoup d’énergie pour garder contact avec des acheteurs traditionnels traversant une période tout aussi difficile. La propension à s’investir en innovation se manifeste tout d’abord au niveau de la haute direction d’une compagnie qui prend alors les mesures nécessaires pour créer le climat organisationnel propice à l’amélioration continue et à l’expression d’idées nouvelles pouvant s’avérer bénéfiques pour la productivité de l’entreprise. À cet égard, les entreprises non intégrées de la filière structurelle de l’Abitibi-Témiscamingue présentent un meilleur ensemble de conditions nécessaires à l’innovation que les entreprises intégrées pour les raisons suivantes : Premièrement, les dirigeants d’entreprises non-intégrées ont rapidement compris qu’en raison de l’unicité de leur unité de transformation, ils devaient réaliser tous les gains de productivité possibles afin de demeurer en affaires dans un environnement adverse comme celui qui a prévalu au cours des dernières années. Jumelé à la patience du capital décrite plus haut et au très fort sentiment d’appartenance des employés de la direction, les entreprises non-intégrées ont été le lieu de plusieurs améliorations technologiques de faible importance lorsque prises isolément mais dont la somme s’est avérée déterminante pour l’avenir de l’usine. Quant aux entreprises intégrées, la stricte discipline budgétaire à laquelle sont soumis les responsables régionaux s’est avérée plus incompatible à des efforts d’innovation qui, inévitablement, entraînent des coûts supplémentaires pour la compagnie sans pour autant garantir de revenus à court terme. Ainsi, la propension à procéder à des efforts particuliers dans un souci d’innovations demeure plutôt en périphérie des préoccupations des gestionnaires d’entreprises intégrées. Ils concentrent surtout leurs efforts à l’amélioration des profits de la compagnie, ce qui s’inscrit davantage dans les directives du bureau chef et augmente leurs perspectives de promotions. Les compagnies intégrées, sans négliger les

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efforts de R-D, les canalisent plutôt à l’échelle corporative et investissent souvent dans des centres de recherche en vue d’accroître leur productivité. L’innovation technologique réalisée à l’intérieur des entreprises non intégrées gravite ainsi davantage autour des procédés que des nouveaux produits. À l’échelle régionale, ces améliorations de procédés s’adaptent avantageusement aux conditions particulières prévalant au chapitre de la matière ligneuse, des distances de transport, des équipements en place ainsi que de la main-d’œuvre disponible, surtout des travailleurs qualifiés. De plus, en raison des distances de transport séparant les scieries d’Abitibi-Témiscamingue des marchés du sud, une expertise reliée à la logistique de transport (surtout ferroviaire) a été développée et continue de s’améliorer dans la région. Les améliorations de procédés apparaissent donc de manière très importante dans l’optimisation des chaînes de valeur, surtout de manière verticale. Elles se transmettent par la suite aux clients sous forme de produits de meilleure qualité ou demeurent à l’intérieur de l’entreprise en termes de profits supplémentaires pour le même niveau de production. Les entreprises non intégrées sont aussi au cœur de l’innovation non technologique associée à la commercialisation. La relation qu’elles entretiennent avec leurs clients se veut d’un tout autre ordre que celle prévalant entre les compagnies intégrées et leurs acheteurs. La mise en marché se réalise usine par usine plutôt que globalement. Ceci oblige les usines non intégrées qui ne font pas affaire avec des grossistes à développer des relations particulières avec leurs clients en étant plus attentives à leurs exigences. Les compagnies intégrées se distinguent, quant à elles, par leur capacité financière à faire réaliser des travaux de recherche de grande envergure par impartition. Ces commandes proviennent du bureau chef plutôt que des usines régionales. On peut aussi observer des améliorations importantes au chapitre des systèmes de gouvernance à l’intérieur des entités régionales, le plus souvent dans le but de réaliser des économies supplémentaires et de générer des profits supérieurs aux prévisions. La recherche et le développement dans le secteur forestier québécois et canadien gravitent principalement autour de FPInnovations et des quelques universités abritant une faculté des sciences forestières60. Il s’agit d’une structure unique au monde, autant par sa formule que sa grosseur. Le milieu forestier canadien a migré vers une concentration de ses efforts en R-D. Cette coopération entre des entreprises compétitrices s’inscrit favorablement aux modèles d’analyse utilisés dans la présente étude dans la mesure où ces mêmes entreprises peuvent entrer en compétition sur d’autres aspects de leurs activités61. Ce manque de rivalité entre les entreprises a fait grandement défaut à la structure industrielle du secteur forestier québécois. En effet, ceci a permis à des compagnies de demeurer en activité sous la protection d’une garantie d’approvisionnement les mettant à l’abri de l’arrivée de nouveaux joueurs, tout en leur évitant de se mesurer à d’autres compagnies plus performantes. L’approvisionnement d’une usine de l’une ou de l’autre des différentes industries forestières constitue en effet un élément de première importance, difficile à évaluer pour un bailleur de fonds. Or, la possession d’un CAAF ne se veut pas un incitatif à innover. La mise en commun des efforts pour y

60 À cet égard, l’Abitibi-Témiscamingue possède une chaire de recherche très reconnue au sein du monde forestier, notamment par la présence de monsieur Yves Bergeron qui en est le titulaire. La Chaire industrielle CRSNG/UQAT/UQAM en aménagement forestier durable demeure un atout important pour la région. D’ailleurs, plusieurs entreprises importantes de l’Abitibi-Témiscamingue, intégrées et non-intégrées, contribuent à son soutien et son développement. 61 Le néologisme « coopétition » commence à faire son entrée dans le monde financier et économique pour décrire ce phénomène industriel de compétition et de coopération.

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parvenir provenait donc partiellement d’un groupe d’entreprises peu motivées à investir dans une ou l’autre des formes d’innovation. Une infrastructure de R-D et d’innovation aussi imposante que FPInnovations ne peut s’obtenir que par une coopération d’entreprises compétitives. Elle se présente de la même façon, dans la grappe industrielle de la figure 28 qu’une industrie de produits et services (p. ex. équipementiers) située en amont du secteur forestier62. La taille de FPInnovations, autant en termes de budget d’exploitation qu’en résultats de recherche, dépasse largement la somme des entités indépendantes que chaque entreprise forestière canadienne pourrait soutenir individuellement. Chaque aspect de l’activité d’une compagnie forestière, du semis au consommateur final, fait l’objet d’études à l’intérieur d’un des nombreux champs de recherche de FPInnovations. Sans autre forme de compétition entre les compagnies forestières québécoises (et avec d’autres industries comme les minières), la présence de FPInnovations peut toutefois contribuer à soutenir une frange non compétitive de l’industrie par la qualité de ses travaux. Le nouveau régime forestier modifiera sensiblement la structure des différents secteurs forestiers québécois et, en ce sens, rehaussera le niveau de compétitivité des membres de FPInnovations. Des membres plus solides s’impliqueront et participeront davantage, à leur tour, au développement des infrastructures de R-D et d’innovation au Québec. Les entreprises forestières de l’Abitibi-Témiscamingue sauront en tirer le meilleur parti, tout comme celles des autres régions qui passeront le test de la concurrence domestique instaurée par le nouveau régime forestier. En d’autres mots, le niveau de compétition pour la ressource, déjà largement supérieur en Abitibi-Témiscamingue par rapport aux autres régions québécoises, associé à une institution de haut calibre comme celle de FPInnovations, saura contribuer à maximiser en premier lieu la chaîne de valeur verticale et, par extension, toutes les chaînes des filières ligneuses de l’Abitibi-Témiscamingue. Il convient de rappeler que les efforts d’innovation consentis par les entreprises non intégrées de la filière structurelle63 s’inscrivent avantageusement dans cette formule de « coopétition ». Malgré les différences observées entre les deux groupes de compagnies, ces dernières demeurent tout à fait lucides quant à leur niveau trop faible d’investissements en immobilisations destinées à l’innovation. Elles croient, pour la plupart, que les investissements et les bonnes décisions d’avant la récession leur ont permis de demeurer en activité, donc de garder leurs employés (ou une grosse partie de ceux-ci), leurs entrepreneurs en forêt ainsi que leurs clients. La situation actuelle leur donne nettement raison. En effet, les entreprises qui ont dû fermer leurs portes (à l’échelle du Québec) ne semblent pas en mesure, malgré la nette embellie des marchés, de reprendre leurs opérations. Lorsque contactés pour expliquer leur absence prolongée de l’activité, les dirigeants de ces entreprises évoquent les raisons suivantes (par ordre décroissant d’importance) :

▪ Impossibilité de réembaucher la main-d’œuvre nécessaire (principalement production et vente) ou incapacité à rencontrer les salaires actuels;

▪ Fonds de roulement inexistant et aucune possibilité de financement adéquat;

62 Les centres de R-D n’apparaissent pas dans la figure 28 pour l’unique raison qu’ils possèdent des ramifications en amont et en aval avec pratiquement toutes les autres composantes de la grappe industrielle. La place de FPInnovations au sein de la grappe peut s’imaginer comme étant en filigrane de l’ensemble du réseau de la figure 28. 63 On ne pourrait passer sous silence le rôle essentiel, mais souvent effacé en raison de la confidentialité de ses travaux, du Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ) dans le secteur forestier. Les travaux du CRIQ sont notamment à l’origine du concept de Centre de valorisation de la fibre présenté dans cette étude.

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▪ Prix des copeaux trop bas et/ou impossibilité de les écouler;

▪ Disparition des acheteurs et des marchés traditionnels;

▪ Incertitude trop élevée quant à la mise en place du nouveau régime forestier. Bien que les compagnies de la filière ligneuse structurelle ainsi que l’Abitibi-Témiscamingue toute entière semblent avoir le vent dans les voiles, notamment par la présence d’un secteur de deuxième et de troisième transformation performant, du Créneau d’excellence dans les systèmes de construction ainsi que d’un marché effervescent, certains nuages plus sombres pourraient tempérer cette situation à plus ou moins long terme. Parmi ceux-ci, notons :

▪ Manque de débouchés pour les peupliers;

▪ Niveau d’innovation et d’investissements trop bas en première transformation;

▪ Rareté relative des essences SEPM;

▪ Grande dépendance actuelle au domaine minier;

▪ Manque de reconnaissance pour la qualité de la fibre de la région. Ces éléments peuvent et doivent être réglés par la région de l’Abitibi-Témiscamingue, c’est-à-dire par une prise de conscience de leur existence, un vaste exercice de concertation et une importante disponibilité de sommes. Les intervenants socio-économiques de la région devront faire preuve d’un grand leadership qui ne peut être assuré uniquement par les industriels. L’étude de la chaîne de valeur détermine, ultimement, la présence ou l’absence d’avantages concurrentiels au sein de la filière. La présente analyse détecte effectivement un avantage concurrentiel pour les entreprises de la filière ligneuse structurelle par rapport aux autres compagnies situées à l’extérieur de l’Abitibi-Témiscamingue utilisant les mêmes marchés (c.-à-d. les autres usines nord-américaines). La présence d’un nombre important d’entreprises de deuxième transformation spécialisée dans les systèmes de construction constitue à la fois la manifestation et la cause de cet avantage concurrentiel. Par contre, cet avantage pourrait n’être que de courte durée à cause des faiblesses structurelles présentées ci-haut. Ceci ne signifie pas que les entreprises de la région se retrouveront en queue de peloton. Elles pourraient toutefois observer certaines de leurs concurrentes les rattraper d’ici quelques années. La filière ligneuse structurelle demeurera à la base de tout l’appareil productif forestier de l’Abitibi-Témiscamingue, et ce, pour de nombreuses années. Le potentiel de croissance supplémentaire à l’intérieur de celle-ci apparaît toutefois restreint. En effet, ses industries ont franchi des niveaux auxquels les autres régions forestières du Québec peuvent difficilement aspirer à court ou à long terme, notamment en ce qui concerne la présence d’une industrie de deuxième et troisième transformation et de marché régional. Le développement forestier de l’Abitibi-Témiscamingue devra à la fois se baser sur cette filière, mais aussi chercher à s’en distancer. L’avantage concurrentiel deviendra plus solide lorsque la filière structurelle pourra compter sur d’autres et réussira à exporter son expertise développée dans les systèmes de construction. L’innovation demeure à la base de toute amélioration de la compétitivité des industries et de chaque entreprise de la filière. La présence d’entreprises intégrées et non intégrées offre à la région un bon mélange de potentiel d’innovation technologique et non technologique. Elles devront toutefois y mettre plus d’effort, notamment en termes financiers, pour espérer maintenir ses avantages concurrentiels. Les compagnies forestières de la filière structurelle de l’Abitibi-Témiscamingue devront à la fois améliorer leurs procédés

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et rechercher de nouveaux produits (innovation technologique). Pour y parvenir, des efforts parallèles devront se canaliser vers les modes de gestion et la commercialisation (innovation non technologique). Aucun type d’entreprise n’excelle dans les quatre formes d’innovation. Les compagnies non intégrées se distinguent surtout par l’innovation dans le domaine des procédés et de la commercialisation, alors que les autres se positionnent davantage en faveur de la recherche de nouveaux produits et des systèmes de gestion.

4.3 Filière des ressources ligneuses non structurelles

La filière des ressources ligneuses non structurelles, telle qu'illustrée à la figure 8, est celle qui comprend le plus vaste éventail de produits, de procédés, et d’industries. Même le secteur papetier, représenté en Abitibi-Témiscamingue par le papier journal, la pâte de feuillu à haut rendement, le carton et la NBHK64 utilisent des procédés de mise en pâte totalement différents, dont l’évolution prendra également des directions sensiblement divergentes. Les usines de pâte ou de papier comme celles que l’on rencontre en Abitibi-Témiscamingue constituent des unités de transformation valant plusieurs centaines de millions de dollars chacune. Elles ne peuvent donc être possédées que par des compagnies qui ont (ou ont eu) la capacité de rassembler des sommes semblables. Les montages financiers ayant mené à la construction d’usines de cette valeur apparaissent très complexes et les sommes empruntées65 proviennent des marchés financiers internationaux. Toutes les usines impliquées dans la fabrication de la pâte ou du papier en Abitibi-Témiscamingue voient leurs actions transigées sur les places boursières canadienne ou américaine. Leurs moindres faits et gestes sont scrutés par la presse financière. Elles sont de plus soumises, de par leur statut de compagnies ouvertes66, à des règles supplémentaires provenant des autorités des marchés financiers dans le but de protéger les actionnaires. La filière possède aussi une industrie de panneaux non structurels (à ne pas confondre avec les panneaux OSB) de type MDF, destinés surtout au marché du meuble. La seule usine de ce type, située à Val-d’Or, constitue un actif très important pour l’Abitibi-Témiscamingue, puisque sa production d’environ 400 000 m3 (26 Mpi2 sur une base de ¾ po) provient de sources multiples d’approvisionnement qui permettent à des usines de transformation locales d’écouler de grandes quantités de sous-produits. La flexibilité en amont des usines de MDF demeure un de leurs principaux atouts, car elles doivent se conformer à des normes très sévères en aval (sur les marchés), notamment n ce qui concerne les émissions de formaldéhydes et de propagation de la flamme67. Si le bioraffinage demeure la composante la plus importante de la filière ligneuse non structurelle, l’embranchement « bioénergie » peine à s’établir de façon permanente. Aucune rencontre avec une entreprise impliquée dans la fabrication de produits énergétiques n’a pu se concrétiser, puisqu’aucune n’était en activité au moment des entrevues.

64 NBHK : Pâte blanchie de feuillus nordiques. 65 La seule émission d’actions ne peut remplir tous les besoins financiers nécessaire à la construction d’une usine de pâte et papier. La compagnie doit emprunter une proportion importante des sommes via des syndicats bancaires. 66 C’est-à-dire inscrite en bourse. 67 Source : site internet de la compagnie : http://uniboard.com/index.php

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4.3.1 Chaîne verticale

Les dirigeants régionaux des deux compagnies papetières de l’Abitibi-Témiscamingue ont la responsabilité de gérer les activités de la chaîne verticale à l’intérieur des budgets d’exploitation qu’ils ont soumis et fait approuver par leurs bureaux-chef respectifs, situés à Montréal dans les deux cas. La structure administrative de ces usines est très hiérarchisée en raison des nombreuses activités et des compétences nécessaires au fonctionnement de l’établissement. Sans une coordination efficace et continue, ces usines ne pourraient pas fonctionner adéquatement ou auraient mis un terme à leurs opérations depuis longtemps. La relation entre les différentes activités provient de comités de gestion de haut niveau auxquels participent régulièrement les autorités centrales. La reddition de compte de toutes les directions de l’usine à l’intérieur de ces comités et auprès de la direction générale demeure quotidienne. Les modifications et les changements d’orientation rapides à l’intérieur de l’une ou l’autre des activités sont réguliers et apparaissent indispensables pour s’adapter aux réalités changeantes des marchés en amont ou en aval. Ces modifications proviennent souvent de directives provenant des sièges sociaux qui possèdent une vision plus large de l’entreprise ou qui dénotent une modification de la philosophie d’entreprise. La flexibilité des dirigeants régionaux constitue non seulement un atout, mais aussi une condition indispensable pour le maintien en poste. L’optimisation de la chaîne verticale constitue une préoccupation constance chez les entreprises de la filière non structurelle. Elles souscrivent toutes à des méthodes de gestion rigoureuses (quoique différentes) avec lesquelles elles parviennent à soutirer le maximum de valeur de leurs activités principales, supportées par des activités de soutien très compétentes. Elles ne tolèrent aucun éventuel « maillon faible » dans l’une ou l’autre des activités de leurs usines. Le coût d’exploitation demeure, dans toutes ces usines, la préoccupation prioritaire. Elles doivent opérer à l’intérieur de budgets très serrés qui les forcent à exercer un contrôle rigoureux. On n’observe aucune velléité de différenciation qui pourrait influencer à la hausse, même marginalement, le coût d'exploitation. Les dirigeants régionaux de ces unités de transformation répondent à des commandes strictes de la maison-mère et ne possèdent que peu ou pas de marge de manœuvre pour faire ressortir des caractéristiques intéressantes de leurs installations. Les usines de la filière ligneuse non structurelle pourraient vraisemblablement profiter de l’implantation d’un centre de valorisation de la fibre (CVF) tel que décrit à la section 3.2.1 (approvisionnement). La diminution prévue des distances de transport pourrait amener des économies importantes dans l’approvisionnement en copeaux feuillus et résineux. En effet, le positionnement stratégique du CVF éliminerait la composante de transport forêt/scierie ainsi qu’une étape de chargement/déchargement supplémentaire et permettrait une meilleure répartition des inventaires. Un CVF constituerait donc un atout autant pour les entreprises de la filière non structurelle que structurelle.

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4.3.2 Chaîne horizontale

Les entreprises de la chaîne ligneuse non structurelle dépendent directement des scieries de la région immédiate (ou d’ailleurs) pour assurer leur approvisionnement. Deux entreprises majeures (Tembec à Témiscamingue et gv à Val-d’Or) possèdent aussi des CAAF pour une partie de leurs besoins en fibres bien qu’elles ne procèdent pas elles-mêmes aux opérations de récolte68. La portion de la chaîne horizontale située en amont des usines demeure sous la responsabilité des dirigeants régionaux. Ce sont eux qui s’assurent que la matière ligneuse dont l’usine a besoin sera livrée à temps, selon des calendriers, des volumes, des qualités et des prix négociés. À cet égard, les compagnies de cette filière possèdent toute la latitude voulue au niveau régional. Les autorités de la maison-mère s’intéressent toutefois au coût de cette fibre afin de respecter les budgets que les usines de la région ont préalablement proposés et fait approuver. Les entreprises de la filière ligneuse non structurelle possèdent un meilleur pouvoir de négociation sur la fibre que leurs fournisseurs, tous situés dans la filière ligneuse structurelle. Les cas des feuillus et des résineux seront étudiés séparément. Le cas des feuillus Les scieries résineuses, qui procèdent généralement elles-mêmes à leurs opérations de récolte sur terres publiques (par l’entremise d’entrepreneurs), doivent récolter une grande quantité de feuillus69 pour obtenir leurs propres volumes de résineux. Les volumes de feuillus constituent donc des obligations de récolte pour les scieries résineuses. La reprise des activités de construction aux États-Unis, qui se manifestera par une plus grande utilisation des attributions sur terres publiques, augmentera encore ce pouvoir au bénéfice des usines de trituration du feuillu. En raison de la grandeur du territoire, les propriétaires privés, de leur côté, demeurent captifs d’une seule usine pouvant écouler leur bois rond de feuillus en quantités intéressantes. Le complexe industriel de Témiscamingue, quant à lui, assure aussi une partie de ses besoins en fibre à partir des forêts de l’Ontario (privées et publiques), réduisant d’autant sa dépendance face aux fournisseurs de fibre québécois. Ce pouvoir de négociation accru dans les usines de bois de trituration de feuillu restera en force pour longtemps. Elles profiteront en effet de l’offre importante et stable en fibres feuillues provenant des forêts mélangées et feuillues des régions immédiates et avoisinantes, incluant l’Ontario. La mise en place du nouveau régime forestier du Québec devrait continuer à favoriser un approvisionnement soutenu avec une faible VMBSP. Si la fermeture de nombreuses unités de sciages feuillus prive, depuis quelques années, les utilisateurs de bois de trituration d’une portion intéressante de leurs approvisionnements, ils sauront compenser ces baisses de livraisons par un accès accru aux ressources ligneuses des forêts de la région. Bien qu’ils jugent cette situation relativement lourde, les fournisseurs de fibre de trituration de feuillu (les BGA résineux et leurs entrepreneurs) semblent s’accommoder de la présence de clients (les firmes

68 MRN. 2012. Répertoire des bénéficiaires de droits forestiers sur les terres du domaine de l’État. Version du 31 décembre 2012. 69 Particulièrement le peuplier, l’érable et le bouleau blanc.

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de la filière) possédant un plus grand pouvoir de négociation qu’eux. Toutefois, ces fournisseurs admettent volontiers que les fermetures de gros utilisateurs de bois de trituration de feuillus connus par d’autres régions du Québec constituent un scénario à éviter à tout prix. Une telle éventualité ébranlerait considérablement les relations d’affaires en Abitibi-Témiscamingue et entraînerait vraisemblablement la fermeture d’autres usines dans son sillage. Les clients des usines de Témiscamingue sont situés à l’extérieur de la région 08 et se retrouvent le plus souvent à l’extérieur du Canada, voire de l’Amérique du Nord. Une partie de la production de pâte de feuillus à haut rendement continue sa transformation dans l’usine de carton blanchi couché située sur le même complexe industriel. La plus grande partie de ce produit prend aussi le chemin de l’exportation. La pâte à haut rendement est fabriquée, en grande partie, à partir du peuplier. Tembec demeure cependant le seul producteur mondial à utiliser également de l’érable pour ce produit70. Les pâtes commerciales de feuillus traversent une période très difficile financièrement, notamment en raison de la compétition que leur livrent les pâtes d’eucalyptus en provenance d’Amérique du Sud.

Cas des résineux

Les usines de la filière non structurelle s’alimentant à base d’essences résineuses possèdent aussi un pouvoir de négociation supérieur à celui de leurs clients grâce au nombre élevé de scieries de résineux de grande taille dans la région, de leur dynamisme et de l’activité grandissante dont elles font preuve. Le déséquilibre croissant entre l’offre et la demande pour les copeaux résineux devrait continuer à permettre au secteur du papier journal à s’alimenter à des prix plus bas que par le passé. Le graphique suivant (figure 24) montre que le prix actuel des copeaux de résineux n’a jamais été si bas depuis les 10 dernières années. La tendance lourde (ligne rouge) demeure encore à la baisse

Source : Compilation DDM, 2013

Figure 24 Prix de transaction moyen ($/tma) des copeaux de scieries d’essences résineuses au Québec depuis 2001.

70 La pâte à haut rendement de Tembec est produite à ses usines de Témiscamingue et Matane. Dans les deux cas, les usines peuvent utiliser une proportion d’érable.

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Les transactions de copeaux entre les scieries de résineux et les usines de trituration (l’usine d’Amos dans ce cas) constituent des ententes complexes qui demeurent toujours strictement confidentielles. Si la relation entre l’offre et la demande pour ce produit varie d’une région à l’autre, il est toutefois possible d’observer que son prix affiche les mêmes tendances à la grandeur du territoire québécois, mises à part quelques fluctuations sporadiques. En d’autres mots, les prix parcourent de plus grandes distances que le produit même. Les usines de sciage qui présentent un problème d’écoulement de leurs copeaux résineux deviennent de plus en plus nombreuses à mesure que les prix pour le sciage résineux prennent de la vigueur. Cette situation joue évidemment en faveur des utilisateurs. La matière ligneuse constituant une proportion importante du coût des intrants d’une usine de papier journal (mais pas autant que celui d’une scierie), la négociation des prix intéresse grandement les autorités du bureau-chef. Si les volumes demeurent généralement l’affaire de la direction régionale, cette dernière partage les responsabilités de la négociation des prix avec les dirigeants du siège social. En effet, ceux-ci possèdent une meilleure vision de l’ensemble de leurs installations et peuvent ainsi négocier plus stratégiquement pour l’ensemble des usines de la compagnie. Il se peut alors que les usines d’une région servent de « compromis » dans le processus et doivent débourser un montant ne représentant pas la valeur réelle des intrants ligneux. Il s’agit de décisions corporatives dans lesquelles aucune ingérence ne saurait être tolérée.

4.3.3 Vue d’ensemble

La filière des produits ligneux non structurels comprend des industries dont l’évolution anticipée emprunte déjà des avenues fort différentes. Avant de procéder à un survol de toute la filière, il convient de dégager les principales tendances des grands groupes industriels.

Papier journal

Si l’espérance de vie de ce médium ne fait toujours pas l’unanimité, une chose demeure toutefois certaine : c’est un secteur en déclin qui se dirige inéluctablement vers un seuil qui ne permettra plus à cette industrie de rester en activité. Cette échéance pourrait survenir dans un horizon de 10 à 20 ans, selon la majorité des observateurs. La demande pour le papier journal a commencé à décliner au début des années 199071 et affiche, depuis ce temps, une tendance à la baisse. Certaines régions du monde, où le taux d’alphabétisation s’améliore, voyaient leur consommation de papier journal augmenter et les producteurs comptaient sur celles-ci pour supporter la consommation mondiale. Il semble cependant que l’arrivée des appareils électroniques et d’internet modifie déjà considérablement les habitudes de lecture de ces pays et que la croissance du papier journal montre des signes d’essoufflement.

Les entreprises impliquées dans la fabrication du papier journal doivent donc gérer une décroissance pour leur produit. La seule façon efficace d’y arriver tout en demeurant compétitif et rentable consiste à harmoniser l’offre avec la demande. Évidemment, seuls les plus gros joueurs parviennent à s’imposer dans ce marché. Ainsi, d’un point de vue économique, la fusion entre les compagnies Abitibi-Consolidated et Bowater, en 2009, constitue une décision fort rationnelle puisqu’il en résulte une nouvelle entité (AbitibiBowater devenue depuis Produits forestiers Résolu) dont la capacité globale combinée de production permet de gérer plus adéquatement cette décroissance.

71 Source : Newspaper association of America. http://www.naa.org/Trends-and-Numbers/Circulation/Newspaper-Circulation-Volume.aspx

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En contrepartie, la gestion de la décroissance entraîne nécessairement des fermetures d’usines dans son sillage. Toutes les usines doivent donc s’attaquer à leurs coûts de production. L’usine d’Amos ne fait pas exception, même ses travailleurs ont consenti à des efforts importants au printemps de 2012. Pendant la première moitié de la décennie 2000-2010, les usines de papier journal alimentées à partir de fibre vierge présentaient un désavantage de coûts par rapport à celles s’approvisionnant en papiers recyclés. Or, la source de vieux papiers journaux se situe au sud de la frontière, c’est-à-dire là où se consomme la plus grande quantité de papier journal au monde.

La demande mondiale pour les vieux journaux suscite toutefois un engouement inattendu depuis les quatre ou cinq dernières années, notamment de la part des compagnies chinoises. Par conséquent, les prix pour ce produit ont considérablement augmenté, alors que sa qualité s’est détériorée. Pendant ce temps, les usines alimentées à la fibre vierge comme celles du Québec voyaient leurs coûts d’approvisionnement diminuer sensiblement en raison de la reprise de l’activité de l’industrie du sciage, génératrice de copeaux.

Les usines du nord-est de l’Amérique du Nord qui se trouvaient sur la liste des prochaines fermetures obtiennent un délai qui explique les investissements consentis à l’usine d’Amos à l’été 2012. Il ne s’agit toutefois que d’un sursis à l’échéance inéluctable. En effet, ce nouvel équilibre entre les utilisateurs de fibre recyclée et de fibre vierge ne modifie en rien la diminution de l’intérêt pour le produit final à l’échelle mondiale. L’usine de papier journal d’Amos pourrait donc vraisemblablement demeurer en production pendant plusieurs années, pourvu qu’elle continue de contrôler efficacement ses coûts d’opération. Il faut noter que l’industrie mondiale du papier journal ne pourrait fonctionner uniquement à partir d’usines s’alimentant avec de la fibre recyclée. Les fibres de vieux journaux ne peuvent être recyclées indéfiniment et un certain apport de fibre vierge de qualité (c.-à-d. en provenance du nord) doit toujours être assuré pour le maintien des opérations de recyclage.

L’usine d’Amos utilise un procédé de mise en pâte de type thermomécanique (TMP). Très populaires dans les années 1970-1980, ces usines sont toutefois très énergivores, ce qui alourdit leurs efforts de réduction des coûts pourtant absolument nécessaires. De plus, il devient très difficile de les convertir à la production d’autres produits puisqu’elles ne séparent pas les différents composés ligneux72 comme le font les bioraffineries (par exemple les usines de pâte kraft). Or, l’avenir se situe vers la séparation du bois en molécules de plus en fines et pures, ce qu’une usine de TMP ne peut réaliser.

L’usine d’Amos, à l’instar de toutes les installations productrices de papier journal, est condamnée à cesser sa production de papier journal un jour ou l’autre, mais rien ne l’oblige à arrêter définitivement ses activités. Résolu doit pouvoir compter sur un appui solide de la part des travailleurs, des intervenants socio-économiques régionaux et de la communauté toute entière afin de rediriger la vocation de l’usine. Des initiatives en ce sens doivent provenir en premier lieu des intervenants locaux. L’importance du marché régional pour les copeaux résineux, déjà précaire un peu partout au Québec, saura mobiliser les industriels du sciage situés en amont pour qui la fermeture de l’usine d’Amos constituerait un dur coup.

72 cellulose, lignine, hemicelluloses

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Recommandation 10 -Avenir de l’usine d’Amos

Les groupes socioéconomiques de l’Abitibi-Témiscamingue doivent rapidement unir leurs efforts et entreprendre des démarches afin d’envoyer des messages clairs à la compagnie Résolu et au gouvernement du Québec pour qu’elle reconnaisse que l’industrie du papier journal vit vraisemblablement ses dernières années (ou sa dernière décennie) et que la région doit rapidement s’affairer à réorienter la vocation de l’usine d’Amos.

Une compagnie comme Résolu a souvent démontré qu’elle n’était pas insensible à la mobilisation régionale. L’implication communautaire associée à une gamme de supports financiers et fiscaux peuvent faire la différence entre une fermeture définitive et un changement de vocation.

La compagnie Produits Forestiers Résolu travaille d’ailleurs à la réouverture prochaine de son usine de papier journal de Gatineau, en partenariat avec les intervenants du milieu. Le projet prévoit la reprise de la production de papier journal pour une période de quelques années, mais s’attaque déjà à la recherche de nouvelle vocation pour l’usine. Les travailleurs (licenciés) de l’usine se préparent à accepter des aménagements de leurs conditions de travail, ce à quoi les travailleurs d’Amos ont déjà consenti. Les autorités socioéconomiques de l’Abitibi-Témiscamingue devront s’assurer de suivre de très près toutes les étapes du projet de Gatineau et démarrer le projet d’Amos avec des informations pertinentes quant aux enjeux locaux et aux préoccupations de la compagnie mère.

Pâtes à base de feuillus Les pâtes dissolvantes produites au Témiscamingue constituent un produit très sophistiqué qui rehausse davantage la valeur de la chaîne horizontale que la simple pâte commerciale de feuillue. Il s’agit d’un produit de haute technicité conçu sur mesure pour chaque client. L’usine du Témiscamingue produit essentiellement de la viscose pour la production de rayonne. L’usine de pâte dissolvante pourrait également orienter sa production vers des produits de plus haute valeur ajoutée destinés aux industries pharmaceutiques, alimentaires et chimiques. La présence d’une usine de pâte kraft comme celle de Témiscamingue se veut porteuse d’un vaste potentiel de développement vers de nouveaux produits qui pourraient donner un second souffle au secteur papetier québécois. La liqueur noire produite par le procédé kraft est à la source de plusieurs produits biochimiques, dont quelques-uns sont actuellement issus du secteur pétrochimique. Leur production à partir de la matière ligneuse renouvelable cadrerait avantageusement dans les efforts visant à diminuer la dépendance aux combustibles fossiles. Bioénergie Le secteur de la bioénergie reste, à ce jour, pratiquement absent de la filière ligneuse non structurelle. Comme dans plusieurs autres régions du Québec, les tentatives de mettre sur pied des entreprises de fabrication de produits énergétiques de base comme les granules se sont avérées infructueuses. Les produits bioénergétiques plus avancés comme ceux apparaissant à la figure 8 (biodiésel, éthanol, etc.) demeurent encore absent et semblent, pour le moment, hors de portée pour la région.

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L’Abitibi-Témiscamingue demeure très dépendante des autres régions du monde quant à son approvisionnement en énergie73. Ne disposant pas de réserves de pétrole ou de gaz et peu pourvue en potentiel hydroélectrique non déjà exploité, la région présente un potentiel éolien parmi les plus bas du Québec. En d’autres termes, l’Abitibi-Témiscamingue affiche un niveau d’autosuffisance énergétique très faible. Elle possède toutefois un fort potentiel énergétique provenant de ses réserves de biomasse forestière qu’elle ne pourra négliger encore longtemps. Le secteur industriel utilise déjà les écorces générées par les opérations de transformation. De plus, deux centrales de cogénération fonctionnant à la biomasse sont présentes sur le territoire74. Quelques institutions, notamment des hôpitaux, comblent aussi une partie de leurs besoins en chauffage avec de la biomasse forestière. Le secteur de la bioénergie demeure pourtant à la base de l’optimisation de la chaîne de valeur non seulement de la filière ligneuse non structurelle, mais de tout le secteur forestier de l’Abitibi-Témiscamingue. L’utilisation de la biomasse à des fins de chauffage doit toutefois demeurer la dernière option, après que toutes les opportunités de création de richesse à partir de la matière ligneuse ont été épuisées. La production de biocarburants occupe une place importante et à fort potentiel de valeur pour l’avenir du secteur forestier de la région, mais aussi de toute son économie. Au Canada, les investissements en énergie renouvelable se dirigent très majoritairement vers l’énergie éolienne (plus des deux tiers), alors que les produits énergétiques demeurent en queue de peloton (6 %)75. Plusieurs pays ont cependant clairement orienté leurs efforts vers la mise sur pied de projets de biocarburant dit de deuxième génération, c’est-à-dire produit à partir de cellulose ligneuse, notamment les États-Unis et le Brésil, qui représentent environ les deux tiers des investissements mondiaux76. En ce qui concerne l’orientation des investissements en immobilisations et en R et D, la tendance actuelle demeure difficile à cerner. Plusieurs facteurs, comme le prix des carburants fossiles (surtout le gaz naturel dont le réseau de distribution dessert l’Abitibi-Témiscamingue), le coût de la ressource, la technologie existante et les politiques publiques, balisent et orientent une industrie en développement à la recherche d’une direction. La production de biocarburant constitue cependant une avenue incontournable devant la disponibilité limitée des gisements accessibles, les coûts d’exploitation à la hausse et la lutte aux changements climatiques. Même les pétrolières de grande envergure comme BP et Shell, et plus de 30 entreprises dans la liste de Fortune 100 s’impliquent activement dans la production de biocarburants ou de produits énergétiques à base de biomasse77. Toute utilisation de produit bioénergétique entraînant la substitution d’un seul litre de carburant fossile permet non seulement de s’attaquer de façon adéquate à l’émission de carbone atmosphérique (et d’autres polluants), mais également, maintient en région la presque totalité des déboursés plutôt que de les faire parvenir aux entreprises de l’Ouest canadien ou du Moyen-Orient. La présence d’un secteur

73 GREB recherches énergétiques et Conseil régional de l’environnement de l’Abitibi-Témiscamingue. Portrait énergétique préliminaire de l’Abitibi-Témiscamingue. 2011 74 Ce sont les centrales de Senneterre et Témiscamingue. 75 Roberts, Don. Thoughts on Transforming the Forest Sector. Présentation Halifax, décembre 2012. 76 Notons cependant que les investissements aux États-Unis se concentrent surtout sur la production de carburant à partir de maïs. 77 Roberts, D., 2012. Op. Cite.

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bioénergétique constituerait ainsi un élément des plus structurants pour l’économie de l’Abitibi-Témiscamingue. La région a su profiter de la présence imposante de l’industrie minière en développant sa grappe industrielle forestière en aval vers les systèmes de construction. Cette même industrie minière consomme des quantités énormes de carburants (principalement du diesel) qui pourraient en partie provenir, techniquement, de la matière ligneuse ne trouvant pas preneur dans la région. Pourtant, la technologie permettant de produire des biocarburants à partir de biomasse forestière existe. L’Abitibi-Témiscamingue doit saisir cette opportunité et profiter de la présence des compagnies minières sur son territoire pour développer des partenariats entre deux industries dont la performance environnementale serait perçue d’une façon bénéfique par le public. La grappe industrielle doit continuer son développement en aval et le développement d’une industrie de la bioénergie constitue vraisemblablement la voie la plus prometteuse. Seule une analyse technique, financière et économique pourrait définir la faisabilité d’un tel projet. Le secteur minier pourrait certainement profiter d’une production régionale de carburants « verts » même si celle-ci s’avère plus dispendieuse que l’utilisation des carburants fossiles, surtout au début. Cette industrie dépense déjà de fortes sommes pour redorer son image auprès du public en matière de bilan environnemental. Un détournement de ces sommes vers l’utilisation de biodiesel pourrait s’avérer plus efficace qu’une campagne publicitaire. Le développement d’une industrie des biocarburants ne peut encore se réaliser sans le support financier de l’État. La participation de celui-ci diminue les risques financiers et démontre une volonté d’orientation de sa part qui stimule la recherche et les investissements dans le secteur. Pour parvenir à se positionner dans cette nouvelle industrie, les autorités socioéconomiques de l’Abitibi-Témiscamingue doivent sauter dans l’arène de manière non équivoque. Sans un leadership régional fort, aucune étude ni projet ne lèveront. En matière de production et d’utilisation des biocarburants, l’Abitibi-Témiscamingue se présente comme un vaste laboratoire, c’est-à-dire un banc d’essai à grande échelle. L’initiative générée par les industries forestière et minière ouvre une fenêtre d’opportunité qui ne demeurera pas ouverte indéfiniment. Un tel projet entraînerait de plus un apport important de capitaux privés et publics dans plusieurs secteurs de l’économie de la région et ferait de celle-ci un précurseur incontournable dans le développement de la filière bioénergétique, ailleurs au Québec.

Recommandation 11 - Les biocarburants

Les autorités socioéconomiques de l’Abitibi-Témiscamingue doivent profiter de la situation respective des secteurs forestier et minier pour positionner la région comme le centre de développement québécois d’une véritable industrie des biocarburants. Pour ce faire, la mobilisation des acteurs industriels et publics s’avère une condition sine qua non. Ces efforts doivent déboucher sur la réalisation d’analyses de faisabilité technique, financière et économique et à la mise sur pied d’usines-pilotes.

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Aucune usine de fabrication à grande échelle de biocarburant à partir de la biomasse forestière ne verra le jour avant un horizon de cinq à dix ans. En effet, les projets pilotes disséminés à l’échelle du globe en sont encore à déterminer la meilleure technologie pour la transformation de la matière ligneuse. Même si un nombre de plus en plus restreint des technologies disponibles demeure encore dans la course, les investisseurs sont toujours prudents. Il faut toutefois comprendre que les régions qui auront « osé » se positionner seront aussi celles qui accueilleront les premières unités de production commerciales. L’Abitibi-Témiscamingue présente des atouts indéniables pour attirer des capitaux destinés à cette nouvelle industrie. L’état ne possède probablement pas la vision et la volonté de s’impliquer dans cette avenue, en entraînant dans son sillage une nouvelle dynamique pour le monde forestier en créant des alliances stratégiques solides avec d’autres secteurs de l’économie québécoise. Encore une fois, la présence d’un CVF sur le territoire pourrait s’avérer essentielle au développement de la branche « bioénergie » de la filière ligneuse non structurelle. La production rentable de bioproduits énergétiques doit reposer sur un apport de matière première abondante, au plus bas prix possible. Les produits bioénergétiques se présentent en fait comme un exemple où l’acquisition d’un avantage concurrentiel passe d’abord par une stratégie de coût. Dans ce secteur, la différenciation ne constitue pas une option valable. Tous les efforts doivent se combiner pour assurer à une usine de biocarburant (ou d’autres produits énergétiques à valeur ajoutée) un niveau de rentabilité acceptable. Or, les coûts d’approvisionnement en matière première constituent vraisemblablement le poste le plus important en ce qui concerne les intrants. Un centre de valorisation de la fibre permettrait à un tel projet de profiter d’un coût minimal pour la matière principale, le bois. De plus, la fabrication de produits énergétiques aiderait à leur tour le CVF à atteindre sa propre rentabilité. La combustion de la matière ligneuse sous forme de granules ou de biomasse conditionnée doit demeurer l’ultime utilisation du bois. Par ailleurs, cette utilisation doit se voir constamment repoussée au profit d’autres utilisations entraînant davantage de richesse pour la région. Il demeure toutefois utopique de croire que toute la matière ligneuse de la région subira une transformation primaire dans un avenir quelconque. La fabrication de produits à des fins de chauffage industriel, résidentiel et institutionnel devrait pouvoir se réaliser à partir des volumes non réclamés. Tout comme dans le cas de la production de biocarburant, le chauffage des bâtiments de l’Abitibi-Témiscamingue permet à la fois de s’attaquer aux gaz à effet de serre tout en maintenant en région des sommes importantes qui profitent, pour le moment, à des intérêts éloignés. Une usine de granules ou un centre de conditionnement de la biomasse pourraient avantageusement se greffer à un CVF en profitant d’un coût minimal d’acquisition de la matière première. Même dans ce cas, la démonstration d’une volonté de l’État de se diriger vers la production de produits énergétiques, peu importe les paramètres externes ou d’éventuels chocs exogènes, demeure essentielle. Autres produits de la filière ligneuse non structurelle Dans l’optique de l’optimisation de la chaîne de valeur des produits issus de la forêt, il ne fait aucun doute que tout produit, nouveau ou existant, apporte avec lui un élément de complexification de la grappe industrielle forestière. Les produits émergents comme ceux utilisant la liqueur noire, ou encore la nanocellulose cristalline fabriquée à partir de la cellulose font partie d’une nouvelle génération de produits à haute valeur ajoutée, que l’Abitibi-Témiscamingue ne peut se permettre de laisser passer.

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Avant de pouvoir compter sur ces produits pour assurer le développement de la région, beaucoup d’efforts restent à réaliser. Bien que les perspectives d’avenir de ces produits laissent entrevoir le développement de nouveaux créneaux situés en aval du secteur forestier traditionnel, il importe de comprendre que les volumes de production en jeu ne peuvent suffire à réorienter les destinées du secteur à eux seuls. Par exemple, la plus grosse usine de nanocellulose cristalline se situe à Windsor en Estrie. Bien qu’il s’agisse seulement d’une usine pilote, il convient de préciser que sa production se situe à environ une tonne par jour. Parmi les produits issus de l’utilisation de la liqueur noire, la plupart sont déjà fabriqués à partir du pétrole à des coûts difficilement atteignable pour une nouvelle technologie. Ces quelques réflexions ne doivent pas s’interpréter uniquement comme une mise en perspective du potentiel d’impact de ces produits émergents sur le secteur forestier du futur. Il ne s’agit donc pas de contester leur intérêt ni leur place au sein de la grappe forestière. Ces produits permettent de tisser des liens avec d’autres industries (pharmaceutiques, alimentaires, chimiques) conduisant au développement de grappes à dimensions multiples qui consolident tous les secteurs impliqués. Le secteur forestier ne doit toutefois pas compter sur les autres industries pour assurer son développement, mais doit plutôt contribuer à des alliances mutuellement intéressantes en concentrant ses efforts sur sa propre compétitivité. L’intérêt pour les produits émergents, connus et à venir, doit donc être placé dans le contexte de leur capacité à soutenir et à orienter l’industrie actuelle. Dans la filière ligneuse non structurelle, la voie du bioraffinage constitue une avenue des plus prometteuses dans le domaine de la fabrication de la pâte kraft et de la bioénergie (biomasse et biocarburant). Ces derniers doivent recevoir une importance équivalant à leur potentiel d’impact pour les filières actuelles.

5. VUE D’ENSEMBLE DU SECTEUR FORESTIER DE L’ABITIBI-TÉMISCAMINGUE

Une étude réalisée en 2002 par la firme Performax78 identifiait un certain nombre de produits émergents en proposant une matrice de décision qui permet de classifier les projets en fonction de leur capacité structurante pour l’économie de l’Abitibi-Témiscamingue. Plus récemment, le Groupe INFOR publiait une autre étude79 portant sur le potentiel de développement de nouveaux produits forestiers fabriqués à partir de bois de trituration, toujours dans le cadre d’une implantation potentielle sur le territoire de l’Abitibi-Témiscamingue. La dernière crise économique a incontestablement contribué à anéantir toute velléité de développement dans le secteur forestier, non seulement en Abitibi-Témiscamingue, mais partout au Québec, voire au Canada et dans le monde entier. Le graphique de la figure 25 montre que la dernière crise a été sans précédent autant en termes d’amplitude que de durée. Il aura en effet fallu plus de 16 trimestres avant que l’économie des États-Unis ne revienne à un niveau d’avant-crise. La récession de 1973 découlant de la crise du pétrole, n’avait duré que moitié moins de temps. Le retour à un niveau d’activités d’avant la

78 Performax Conseillers-stratégiques. Proposition de développement en 2e et 3e transformation de bois résineux et feuillus en Abitibi-Témiscamingue. 2002. 79 Groupe Infor inc. Étude d’opportunités industrielles à partir des bois de trituration : identification et description des projets potentiels. 2007.

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récession constitue une bonne nouvelle pour l’économie canadienne en raison de sa forte dépendance envers son principal partenaire commercial. Si l’activité économique exprimée en termes de produit intérieur brut80 (PIB) aux États-Unis (et au Canada) affiche maintenant un niveau d’avant récession, il en va autrement quant aux mises en chantier résidentielles. En effet, la figure 26 démontre qu’après plus de 80 mois, les mises en chantier aux États-Unis représentent toujours aussi peu que 60 % de leur niveau moyen historique de 1,5 million d’unités81. La récession du début des années 1990 détenait le précédent record de 48 mois à cet effet. Avec encore moins de 60 % du niveau moyen des mises en chantier après presque sept ans, le secteur forestier demeure loin d’un retour complet à la normale.

Source : US Census Bureau 2012

Figure 25 Nombre de trimestres nécessaires pour revenir au niveau d’activité économique d’avant la récession.

80 Le PIB est une mesure de la production globale dans un pays ou une province. 81 Cette reprise de l’activité économique sans reprise dans l’industrie de la construction demeure encore une grande interrogation pour les analystes.

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1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17

Ind

ice

du

PIB

Nombre de trimestres

2007-IV

1973-IV1981-III

1990-III

1969-IV

1980-I

2001-I

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Source : US Census Bureau, 2012

Figure 26 Nombre de trimestres nécessaires pour revenir au niveau de mises en chantier moyen aux États-Unis.

Plusieurs facteurs concourent cependant à modifier l’équilibre traditionnel entre l’offre et la demande pour le bois d’œuvre en Amérique du Nord. Premièrement, du côté de la demande, le marché asiatique, principalement chinois, soutire maintenant plus de cinq milliards de pmp des producteurs canadiens. À raison de 15 000 pmp par maison, ce volume représente à lui seul plus de 300 000 maisons. De plus, du côté de l’offre, on estime à plus de 10 milliards de pmp la diminution de capacité de transformation en Amérique du Nord82. Il est question ici d’usines qui ne rouvriront plus, peu importe l’état des marchés. La plupart de celles-ci sont d’ailleurs déjà démolies. La capacité de transformation totale annuelle est ainsi passée d’environ 80 milliards à 70 milliards de pmp.

Par ailleurs, toujours du côté de l’offre, l’épidémie de dendroctone du pin (pine beetle) en Colombie-Britannique tire maintenant à sa fin. Cet élément pourrait contribuer au plus haut point au déséquilibre anticipé en raison de l’importance des volumes en jeu. Bien que l’on ne connaisse pas encore l’ampleur de la baisse de la possibilité annuelle découlant de la fin de cette épidémie, plusieurs analystes anticipent des baisses de plus de 30 millions de mètres cubes, soit plus de 9 milliards de pmp ou plus de 600 000 résidences unifamiliales83. Certaines régions de la Colombie-Britannique ont déjà commencé à voir diminuer leur récolte à cause de la détérioration des tiges mortes encore sur pied. L’ensemble des diminutions devrait se faire sentir dans un horizon de 5 à 10 années. Finalement, comme décrit à la section 2.7, la baisse de la possibilité forestière du Québec retire à elle seule plus de 10 millions de mètres cubes de bois, soit l’équivalent de plus de 2 milliards de pmp ou 150 000 maisons.

Les entreprises ayant traversé la dernière crise financière bénéficieront donc d’un environnement d’affaires très différent de ce qu’elles ont connu avant la crise. Les volumes de bois d’œuvre provenant d’un plus faible niveau de construction réussiront tout de même à maintenir un échelon de prix

82 Forest Economic Advisor et USDA Forest Service. Profile 2011. 83 Pour la Colombie-Britannique, un rendement matière de 3,2 m3/Mpmp a été utilisé.

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0 6 12 18 24 30 36 42 48 54 60 66 72 78

Nombre de mois

janv-73 janv-81 janv-90 janv-06

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intéressant sur les marchés. La relation entre le niveau de prix actuel et le nombre de mises en chantier semble confirmer cette observation.

Les prochaines années pourraient aussi être le théâtre d’un engouement nouveau pour le matériau écologique qu’est le bois. Les produits structurels en bois comme les poutres lamellé-collées ou les nouveaux produits comme le CLT pourraient faire des percées importantes dans le secteur de la construction multifamiliale et non résidentielle. Plusieurs législations, comme le Québec, se sont dotées (ou envisagent de le faire) de politique d’utilisation du bois. Ceci pourrait contribuer à faire augmenter le volume par unité construite et à soutenir l’industrie nord-américaine du bois d’œuvre, malgré des mises en chantier sous la barre de la moyenne historique inférieurs aux sommets de plus de 2 millions du milieu des années 2000.

Les usines de sciage résineux de l’Abitibi-Témiscamingue apparaissent ainsi très bien positionnées pour profiter pleinement du prochain cycle économique haussier qui se dessine. La faiblesse des mises en chantier aux États-Unis ne cause pas les mêmes problèmes qu’ailleurs, en raison de la forte demande du secteur minier situé aux portes de la région. Alors que la plupart des autres régions productrices de bois d’œuvre accueillent la hausse de la demande de manière plutôt statique, l’Abitibi-Témiscamingue développe sa grappe forestière en aval avec les systèmes de construction en bois dont le SCISA se fait le principal promoteur. D’ailleurs, la figure 27 montre que parmi les différents grands secteurs industriels reliés à la forêt, celui des produits dits de « charpente », englobant les activités principales des entreprises impliquées dans le Centre d’excellence SCISA, a déjà repris l’ensemble du terrain perdu dans la dernière récession. Il s’agit du seul secteur pouvant afficher un taux d’activité égal ou supérieur à celui de 2003.

Source : Statistique Canada, 2013

Figure 27 Produit intérieur brut (PIB) par industrie (2003 = 100)

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100

120

140

160

PIB Scierie

PIB Charpentes

PIB Pâtes

PIB Papier journal

PIB Panneaux de particules

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La filière ligneuse structurelle demeure la base et le moteur du secteur forestier de l’Abitibi-Témiscamingue. Elle présente toutefois des points faibles qui devront être résolus. Parmi ceux-ci, notons la grande dépendance de la région pour les volumes ligneux des autres régions (incluant l’Ontario) qui alourdit tout projet de développement forestier sur le territoire. À long terme, un programme d’intensification de la production ligneuse à des fins industrielles pourrait compenser, du moins partiellement, cette rareté relative en bois. De plus, une alliance des filières structurelles et non structurelles avec la propriété privée s’avère essentielle à la santé des entreprises forestières de l’Abitibi-Témiscamingue. À plus court terme, les compagnies de sciage devront se résoudre à ne pas acheter plus de 50 % de matière première qui ne peut se transformer en sciage. Le marché des copeaux présentant de moins en moins d’intérêt pour les usines de sciages, cette évolution vers l’achat de pièces équarries devrait se manifester et s’accélérer à mesure que le nombre de participants augmentera. Les centres de valorisation de la fibre (CVF) semblent constituer un actif incontournable dans le paysage forestier de la région. Si le sciage résineux constitue le pilier de l’activité forestière de l’Abitibi-Témiscamingue, l’évolution de la grappe forestière passera par la filière non structurelle. Sans un déploiement important des activités reliées au bioraffinage des produits ligneux, la filière structurelle est condamnée à faire du « sur place » et à observer ses compétiteurs la rejoindre. Ce développement de la filière non structurelle inclut aussi, vraisemblablement, l’utilisation des volumes de feuillus jadis destinés à la filière structurelle comme les panneaux d’OSB. Si les différentes filières forestières de l’Abitibi-Témiscamingue présentent des avantages par rapport à d’autres régions compétitrices, leur chaîne de valeur demeure loin de leur plein potentiel d’optimisation. La dernière grande crise financière et économique porte incontestablement une partie du blâme pour l’absence de développement de nouveaux produits tels que décrits par les études réalisées depuis les 10 dernières années. Le régime des CAAF a aussi contribué à annihiler toute velléité de développement en réservant les volumes de bois public à un certain nombre de compagnies. Parmi les nombreuses mesures du nouveau régime forestier (devant entrer en fonction dans quelques semaines) la mise sur pied d’un marché libre devrait permettre à de nouvelles entreprises de se manifester. Loin de constituer une menace pour la structure industrielle existante, les idées et manières de faire novatrices de ces nouveaux arrivant enrichiront l’expertise actuelle de la région, consolideront la grappe industrielle et rapprocheront le secteur forestier tout entier vers la compétitivité. La concurrence domestique demeure à la base des modèles économiques utilisés pour cette étude. Si l’amélioration des chaînes de valeur des activités forestières passe notamment par l’arrivée de nouvelles entreprises impliquées dans de nouveaux créneaux, leur approvisionnement peut causer des problèmes importants en raison de la variabilité des volumes en jeu (très faibles à très importants) ainsi que des spécifications propres à chaque usine. Encore une fois, la possibilité de traiter ces demandes particulières dans un centre de tri stratégiquement localisé constitue la seule véritable option de faisabilité technique et économique. Un centre de valorisation de la fibre deviendra aussi le siège d’une industrie de la bioénergie en Abitibi-Témiscamingue, principalement axée sur les biocarburants. Les volumes de bois brut qui peuvent y transiter permettent un approvisionnement au plus bas prix possible pour la biomasse forestière.

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Une analyse de la chaîne de valeur pour accompagner la transformation du tissu industriel forestier de l’Abitibi-Témiscamingue Rapport final

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Au-delà de l’accès aux ressources et du nouveau régime forestier qui devrait modifier positivement l’environnement d’affaires pour les nouveaux joueurs, le climat général prévalant au Québec aurait avantage à s’améliorer pour augmenter l’attrait de la province aux yeux des investisseurs. La décision d’investir dans le secteur forestier dénote déjà, de la part de ses promoteurs, une aversion moins élevée pour le risque que pour la grande majorité des autres domaines de l’économie. Par contre, des investissements dans de nouvelles immobilisations forestières se réaliseront d’abord dans les régions où il apparaît plus facile et sain de réaliser des affaires. À cet égard, une étude de l’Institut Fraser, mise à jour tous les ans, place le Québec en septième position canadienne, loin derrière les provinces de l’Ouest. En fait, toutes les provinces possédant une quelconque importance en termes de ressources forestières se situent en avant du Québec. L’indice du climat d’affaires présenté à la figure 28 se compose des six indicateurs suivants :

1. Impôt sur le revenu des entreprises (composante provinciale seulement);

2. Prudence fiscale (qualité de la gestion du budget provincial; propension à créer des déficits récurrents);

3. Impôt sur le revenu des particuliers (composante provinciale seulement);

4. Infrastructures de transport (inclut routes, transport urbain, services aériens, ferroviaires et maritimes);

5. Réglementation du marché du travail (évaluation des relations de travail);

6. Fardeau réglementaire (coût de la réglementation provincial84).

Source : Fraser Institute, 2012

Figure 28 Climat d’affaires provincial au Canada85

84 Ce composant est mesuré par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante. Il s’agit du ratio entre le coût de la réglementation imposée aux entreprises par rapport au PIB provincial duquel sont soustraites les dépenses gouvernementales. 85 Source : Fraser Institute. Canadian Provincial Investment Climate. 2010 Report.

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Parmi les six indicateurs, ces ont les taxes sur le revenu des particuliers (7e place), la réglementation associée au marché du travail (10e place) et le fardeau réglementaire (8e place) qui placent le Québec en mauvaise figure à l’échelle canadienne. Par contre, il occupe le 4e rang, derrière l’Alberta, la Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick (sa meilleure position) sur l’« impôt sur le revenu des entreprises ». Il faut noter que le Québec a amélioré substantiellement sa position concurrentielle depuis les dernières années. La province se classait en effet bonne dernière au début des années 2000. Comme les composants du climat d’affaires ne constituent pas des éléments régionaux sur lesquels l’Abitibi-Témiscamingue peut s’impliquer directement, ils ne feront l’objet d’aucune recommandation. Les intervenants socioéconomiques doivent toutefois être pleinement conscients que leurs entreprises actuelles et futures ne jouissent pas d’un environnement de travail aussi intéressant que celui prévalant dans les autres provinces compétitrices sur la scène forestière. Cette vue d’ensemble de la chaîne de valeur des filières forestières de l’Abitibi-Témiscamingue montre que les efforts de développement ne seront en aucun cas faciles. Les interventions devront se réaliser dans un contexte d’amélioration de la compétitivité plutôt que de se concentrer sur des paramètres à court terme comme la rentabilité de certaines entreprises ciblées. Les résultats se mesureront plus difficilement et prendront plus de temps à se manifester, mais s’avéreront à la fois plus durables pour l’ensemble du secteur forestier de l’Abitibi-Témiscamingue et de meilleurs générateurs de richesse pour la population entière. Le tableau suivant (tableau 4) présente un sommaire des forces, des faiblesses, des opportunités et des menaces caractérisant le secteur forestier général de l’Abitibi-Témiscamingue.

Tableau 4 Forces, faiblesses, opportunités et menaces du secteur forestier de l’Abitibi-Témiscamingue

FORCES FAIBLESSES OPPORTUNITÉS MENACES

Qualité supérieure de la fibre résineuse.

Grand marché régional.

Grand nombre d’entreprises ayant traversé la dernière crise économique et qui pourront profiter de la reprise.

Réseau routier forestier très bien développé.

Expertise régionale dans les composantes de maisons préfabriquées.

Développement en

Coût très élevé de la fibre.

Éloignement du marché américain.

Grande proportion des produits de première transformation sortant encore de la région/de la province.

Dépendance des autres régions limitrophes pour l’approvisionnement des usines.

Niveau d’investissement en innovation trop faible par rapport à la

Intensification de l’aménagement forestier.

Marchés régionaux provenant du boom minier.

Exportation de l’expertise en système de construction vers l’extérieur de la région et aux États-Unis.

Meilleur arrimage entre la forêt privée et l’industrie de première transformation.

Mise en place de centres de valorisation de la fibre (CVF).

Compensation de la

Exode des travailleurs qualifiés vers le secteur minier.

Fin prématurée du boom minier.

Perte de la compétitivité des entreprises en raison du trop faible effort en innovation.

Ralentissement de la construction domiciliaire en Abitibi-Témiscamingue.

Fermeture de

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82

FORCES FAIBLESSES OPPORTUNITÉS MENACES

aval de la grappe industrielle vers la 2e et 3e transformation dans la filière ligneuse structurelle.

La filière structurelle possède des éléments allant de la forêt jusqu’au consommateur final; ceci est unique dans le monde forestier québécois.

Présence d’une usine de pâte Kraft (et bientôt d’une deuxième).

Diversité des pratiques de gestion (entreprises indépendantes et intégrées).

Présence de la Chaire de recherche en aménagement forestier durable de l’UQAT.

Participation active au Groupe-Régions du Q-WEB.

moyenne du secteur manufacturier et des compétiteurs étrangers.

Grandes difficultés de recrutement et de formation des ressources humaines.

Difficultés d’accéder au crédit commercial pour les entreprises établies.

Obstacles importants au changement.

Précarité de l’usine de papier journal d’Amos.

Difficultés financières reliées à la production de pâte de feuillu à haut rendement à Témiscamingue.

Déséquilibre du marché des copeaux.

Pas ou peu de stratégie de différenciation des produits.

Absence de reconnaissance pour les produits du terroir.

Absence de débouchés régionaux pour le peuplier.

Caractère strictement artisanal des entreprises œuvrant dans les produits forestiers non ligneux.

Industries Amont peu ou pas présente dans la filière non structurelle.

rareté en bois par des gains importants de productivité.

Reconnaissance de la qualité de la fibre nordique.

Nouveau régime forestier permettra aux meilleures entreprises de se développer davantage.

Profiter du congé fiscal de 10 ans pour les grands projets.

Modifier les stratégies de commercialisation de type « push » par des stratégies de type « pull ».

Développement d’une industrie de la bioénergie de deuxième génération (à partir de la biomasse forestière)

Obtention d’un label régional identifiant les produits du territoire.

Utilisation de la biomasse pour le chauffage d’institutions.

Réouverture de l’usine de Lebel-sur-Quévillon.

Développement d’une grappe à plusieurs dimensions par les liens avec d’autres industries.

l’usine d’Amos sans nouvelle vocation pour les installations.

Reprise du litige sur le bois d’œuvre avec les Américains.

Arrêt ou ralentissement de la reprise dans la construction aux États-Unis.

Augmentation très importante du prix de la matière première en raison de l’activité économique et de la rareté relative de la matière.

Diminution de la capacité de transport qui pourrait s’accentuer et durer encore quelques années.

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5.1 Grappe industrielle forestière de l’Abitibi-Témiscamingue

La grappe forestière de l’Abitibi-Témiscamingue dont il a été question tout au long de l’étude peut se représenter schématiquement, comme à la figure 29. Les industries dans les rectangles rouges sont celles qui présentent un dynamisme supérieur et qui fournissent à l’Abitibi-Témiscamingue ses avantages concurrentiels dans le secteur forestier. L’ensemble de la figure 29 constitue une vision optimale de la grappe industrielle forestière du Québec. Il s’agit d’un ensemble complexe d’interactions verticales (coopération) et horizontales (compétition) entre des industries et des filières entières. La compétition demeure un paramètre indispensable au succès d’une grappe industrielle. Il convient de noter que la grappe d’une région comme l’Abitibi-Témiscamingue s’inscrit à l’intérieur de celle du Québec. À proprement parler, le concept de grappe industrielle s’applique surtout à un pays ou à ses provinces, si celles-ci possèdent une importance suffisante en termes de ressources, d’industries et de pouvoir législatif, ce qui est le cas des provinces canadiennes. Ainsi, le développement de la grappe de l’Abitibi-Témiscamingue ne pourra se réaliser dans toutes les directions au même titre que le Québec. Certaines industries ou fournisseurs n’ont pas nécessairement besoin d’être physiquement présents en Abitibi-Témiscamingue pour faire profiter les entreprises de la région de leur expertise. C’est le cas, par exemple, des fournisseurs d’équipements pour l’industrie des pâtes et papiers qui pourraient se retrouver dans les grands centres urbains. Les intervenants socioéconomiques de la région doivent donc reconnaître que la complexification de la grappe ne passe pas par toutes les industries présentes dans celle-ci. De plus, la région du Nord-du-Québec possède plusieurs installations de transformation qui contribuent à l’essor de la structure industrielle de l’Abitibi-Témiscamingue et à la solidification de sa grappe forestière. L’avantage principal d’une grappe industrielle réside dans la proximité des entreprises qui en font partie, rejoignant ici un des principes fondamentaux de la présente étude. Les entreprises situées au sein des carrés rouges dans la grappe peuvent être considérées comme celles dont la chaîne de valeur verticale s’approche de leur plein potentiel. Les liens verticaux représentent la chaîne horizontale décrite dans ce document86. Cette proximité permet aux entreprises un accès direct avec leurs fournisseurs ou leur client plutôt qu’une relation d’affaires avec des compagnies situées dans un autre pays, voire un autre continent. De plus, elle favorise la coordination, la confiance et la rapidité de réaction, autant en termes de services après-vente qu’au chapitre de la livraison des différents biens et services qui les unissent. Il a été démontré que la compétitivité provient avant tout de la productivité plutôt que d’un simple accès aux ressources. Cette productivité, pour une entreprise particulière, peut plus facilement se réaliser à l’intérieur d’une grappe qu’en étant isolée. Une grappe permet à tous les membres de fonctionner comme s’ils possédaient une plus grande taille ou comme s’ils étaient joints de façon formelle avec les autres sans pour autant sacrifier sa flexibilité. Une grappe constitue une meilleure alternative à l’intégration verticale. En comparaison aux unités internes, les spécialistes externes sont souvent moins chers et plus compétents. Un environnement qui change rapidement peut rendre l’intégration verticale inefficace, ineffective et inflexible. La grappe devient une accumulation de connaissances des marchés, d’information technologique auxquelles les membres ont un accès privilégié.

86 Le lecteur notera l’élément de confusion entre les termes liens verticaux et chaîne horizontale.

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84

Dans l’industrie forestière, les grappes permettent l’amélioration collective de la productivité en utilisant toutes les qualités de la matière première. Elles offrent donc des avantages de complémentarité rendant la productivité globale supérieure à celle des parties prise individuellement. Le projet d’implantation d’un centre de valorisation de la fibre (présent dans la figure 24, mais non entourée d’un rectangle rouge) s’inscrit très bien dans ce contexte de coopération et de compétition entre les entreprises. Le marketing constitue un autre élément non négligeable d’une grappe industrielle : la réputation des produits d’une grappe attire les acheteurs qui y voient une diminution des risques d’achat. De plus, lorsque des acheteurs sophistiqués et exigeants font partie de la grappe, les entreprises bénéficient rapidement d’un avantage sur leurs compétiteurs devant satisfaire une clientèle moins exigeante. C’est précisément la situation sous-jacente au développement d’une industrie de deuxième transformation dans les systèmes de construction en Abitibi-Témiscamingue.

Figure 29 Grappe industrielle forestière du Québec et de l’Abitibi-Témiscamingue

Les relations continuelles entre les compagnies de la grappe les aident à connaître rapidement les nouvelles technologies, la disponibilité des équipements, les nouvelles avenues de marketing, etc. Il n’est donc pas surprenant que plusieurs nouvelles compagnies se développent à l’intérieur d’une grappe existante plutôt que dans une région isolée. Les nouveaux fournisseurs de biens et services prolifèrent dans une grappe à cause de la concentration d’acheteurs qui diminuent leurs risques et facilitent l’identification d’opportunités. Une grappe forestière permettra ainsi à des fournisseurs de prendre de l’expansion puisqu’il y a des entreprises qui s’approvisionnent à partir d’intrants similaires.

Produits

chimiques

Prévention et

lutte

(feux de forêt)

Équipements de

récolte

Équipements de

sylviculture

Consultation

foresterie

Ressources forestières

sylviculture

Équipementiers

P&P et panneaux

Équipements

scieries

Scieries de

feuillus et de

résineux

Impression

Poutrelles en I

Pâte

commerciale

Papier

journal

Carton

Autres

papiers

Emballage

Poutres

lamellées-

collées

Transport de

la mat.

ligneuse

Produits

hygiéniques

CLT

Sciages MSR

Recyclage

Génie industriel

Textile

Protection

insecte et

maladies

Centre de

valorisation de

la f ibre (CVF)

Panneaux

Biomasse

Systèmes de

construction

Équipements

transport

Biocarburants

Bioproduits de

chauf fage

ExtractiblesProduits non-

ligneux

Industries

•Acier

•Ciment

•Plastique

Industries

•Minière

•Métallurgique

Industries

•Agroalimentaire

•pharmaceutique

Produits bio

chimiquesBiomatériaux

Industrie

chimiqueAvantage

concurrentiel de

l’Abitibi-

Témiscamingue

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La grappe forestière de l’Abitibi-Témiscamingue présente plusieurs forces à partir desquelles la région doit reposer ses interventions. Parmi ces forces, la filière ligneuse structurelle représente un pilier qu’il faut maintenir et à partir duquel les autres filières pourront prendre l’expansion nécessaire à la région. On semble parfois oublier que le secteur de la première transformation demeure à la base d’un secteur de deuxième et troisième transformation efficace. Négliger la première transformation au profit de la deuxième représente une mauvaise vision de la réalité de la structure industrielle de la forêt. De la même façon, le développement de la filière non structurelle, notamment dans la direction de l’établissement d’une industrie des biocarburants, ne se veut pas un substitut, mais un complément à la filière structurelle. L’Abitibi-Témiscamingue doit développer ses filières présentant encore un fort potentiel en basant sa stratégie sur celles qui l’ont déjà atteint.

Le secteur forestier de l’Abitibi-Témiscamingue émerge de la dernière crise économique et financière avec des entreprises affaiblies financièrement, qui voient leurs sources traditionnelles d’approvisionnement substantiellement diminuées et qui doivent se familiariser très rapidement avec les rudiments d’une mise en marché d’une partie des volumes qu’on leur garantissait depuis plusieurs décennies. Elles ne constituent donc plus le même attrait auprès des institutions financières; en effet, le niveau de risques qu’elles véhiculent a, à tort ou à raison, augmenté de façon considérable à leurs yeux.

Bien que la grappe présentée à la figure 29 présente une complexité supérieure à ce que l’on peut observer ailleurs au Québec, elle demeure très peu développée comparativement à celles d’autres secteurs industriels ou à celles des pays scandinaves. Parmi les quatre éléments présentant un avantage concurrentiel dans la filière non structurelle (et apparaissant dans les carrés rouges du groupe des pâtes et papier de la figure 28), on observe qu’un seul d’entre eux, la pâte commerciale, possède les atouts pour demeurer compétitif pendant de nombreuses années, du moins si celle-ci persiste à utiliser sa production vers de nouveaux produits. Les activités reliées à la fabrication du papier journal et du carton devront être recentrées vers des vocations plus porteuses, et ce, à plus ou moins brève échéance, à défaut de quoi la région perdra des unités de production importantes et indispensables au tissu industriel forestier. Le secteur des panneaux structuraux demeure une grande inconnue à long terme. La région ne s’est pas encore remise de la fermeture de l’usine de Val-d’Or et l’attention se porte maintenant sur la résilience de celle de Lasarre. Les panneaux OSB constituent un produit relativement jeune quoiqu’ayant atteint sa phase de maturité de façon prématurée. La région de l’Abitibi-Témiscamingue doit s’assurer que la production d’OSB se poursuive sur son territoire tant que d’autres utilisateurs de tremble ne se seront pas manifestés et que les volumes qu’ils convoitent suffiront à prendre la relève en cas de déclin de l’industrie des panneaux OSB. Cette assurance pourrait provenir d’un recours à une aide directe même si cette avenue diverge des prémisses énoncées dans ce document à l’égard de l’utilisation de fonds publics pour assurer la rentabilité d’une entreprise ou d’un secteur en particulier. L’Abitibi-Témiscamingue en entier (pas seulement le secteur forestier) pourrait difficilement encaisser un deuxième revers à court terme dans les panneaux OSB. Le problème d’écoulement des copeaux vers les papetières demeurera un problème pour les entreprises qui comptaient sur un revenu de plus de 140 $/tma pour rester en activité. Les compagnies devront revoir leur modèle d’affaires dès qu’elles constateront que les pâtes et papiers ne constituent plus une option viable. L’utilisation des copeaux de SEPM à d’autres fins que les pâtes et papiers doit obligatoirement être attaquée de plein front même si cela dérange grandement les manières de faire séculaires des industries concernées.

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La fibre de l’Abitibi-Témiscamingue ne sera jamais bon marché. Elle demeure l’une des plus dispendieuses du Québec (sinon dans le monde) et cette situation ne s’améliorera pas. De plus, le dollar canadien ne contribuera plus, du moins dans le prochain cycle économique, à maquiller les entreprises forestières en producteurs à bas coûts. La poursuite d’une stratégie de coût dans ce contexte constitue donc non seulement une erreur mais entraînera certaines entreprises vers la fermeture définitive dans le cas d’un refus de recentrage des opérations au sein d’une stratégie de différenciation. L’adoption d’une stratégie de différenciation peut se faire de manière globale à l’intérieur de la grappe en profitant de la présence d’un secteur de deuxième et troisième transformation. Cependant, pour y parvenir, la chaîne horizontale devra se renforcer davantage pour permettre aux usines de première transformation de profiter de l’écoute des besoins des marchés réalisée par les entreprises en aval. L’arrimage horizontal n’est, pour l’instant, vraisemblablement pas assez solide pour que les scieries et autres bénéficiaires de GA continuent à privilégier une approche de coûts. Toute la chaîne de valeur apparaît fragilisée par la stratégie actuelle. En plus de ne pas être bon marché, la fibre de l’Abitibi-Témiscamingue restera relativement rare (ce qui d’ailleurs explique une partie de son coût) tant que des efforts d’intensification de l’aménagement forestier ne généreront pas des volumes supplémentaires destinés à la récolte et à la transformation industrielle. L’Abitibi-Témiscamingue est en retard dans ce domaine, car les signaux de rareté se manifestent depuis longtemps dans la région. Le Nord-du-Québec peut compenser le volume manquant, mais ne représente pas une alternative aux prix élevés. Les coûts de récolte n’y sont pas moins hauts, les tiges sont souvent plus petites et les distances de transport viennent ajouter des frais supplémentaires à des coûts d’acquisition déjà trop élevés. La région du Nord-du-Québec demeure une alliée incontournable pour l’Abitibi-Témiscamingue. La reprise des activités de l’usine de Lebel-sur-Quévillon profitera à l’ensemble des industriels des deux régions. La localisation géographique de Lebel-sur-Quévillon place l’usine de pâte kraft à mi-chemin entre les blocs industriels d’Amos, Senneterre et Val-d’Or et ceux de Chibougamau, Chapais et Matagami. Cet événement heureux pour le secteur forestier n’aura toutefois pas d’incidence sur le prix de la fibre, mais pourrait consolider avantageusement les liens entre les deux régions et permettre le développement de la grappe forestière d’une façon avantageuse pour elles. Celles-ci doivent d’ailleurs éviter d’entrer en compétition pour l’accès aux matières premières, aux ressources humaines et aux capitaux privés et publics, et travailler conjointement au développement d’un secteur forestier présentant des avantages incomparables tant au niveau de la qualité des intrants et des produits que des désavantages de même envergure en termes de coûts. Les deux régions doivent aussi unir leurs efforts pour réaliser la promotion de la qualité de leur fibre que tous décrivent comme la meilleure au monde. Les autres régions québécoises ne supporteront pas cette initiative qui pourrait potentiellement nuire à leurs propres intérêts. Les intervenants des deux régions devront donc faire cavalier seul et trouver des solutions afin d’obtenir, au bénéfice de leurs entreprises et la richesse des communautés, une forme de reconnaissance pour leur patrimoine forestier unique, mais très dispendieux. Il apparaît tout à fait inacceptable que des produits d’épinette noire ou de pins gris soient désirés sur les marchés sans obtenir une juste rétribution. Seules une mobilisation générale et une manifestation de la volonté d’obtenir cette reconnaissance finiront par porter fruit. Le prix élevé de la matière première doit être supporté par l’ensemble des intervenants, et ce, jusqu’au consommateur final. Il est anormal que seul le producteur primaire en subisse les conséquences. Les enchères feront même en sorte que le propriétaire de la ressource profitera lui aussi de la qualité de la matière ligneuse.

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Une analyse de la chaîne de valeur pour accompagner la transformation du tissu industriel forestier de l’Abitibi-Témiscamingue Rapport final

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La grappe forestière de l’Abitibi-Témiscamingue présente aussi des lacunes en termes d’industries amont, c’est-à-dire des fournisseurs de biens et services pour les diverses composantes de première, deuxième et troisième transformations. Des efforts en ce sens devront provenir des intervenants socioéconomiques locaux, en marge de la première recommandation visant à agir davantage en visant la compétitivité que la rentabilité. La présence de fournisseurs locaux représente des avantages décrits plus haut et les entreprises de l’Abitibi-Témiscamingue ont clairement manifesté préférer l’impartition plutôt que l’intégration verticale à outrance. Cette tendance doit se poursuivre afin de consolider et complexifier la grappe forestière. La plus grosse lacune de la grappe réside toutefois dans le développement de la filière énergétique. La fabrication de biocarburants de deuxième génération (à partir de matière ligneuse) possède maintenant plusieurs technologies prometteuses et se cherche une terre d’accueil à l’intérieur de laquelle les autorités auront manifesté leur intention inaliénable de développement de cette industrie en dépit des fluctuations des prix des autres sources compétitives d’énergie comme le pétrole ou le gaz naturel. L’Abitibi-Témiscamingue pourrait offrir les conditions nécessaires à l’établissement des premières usines et profiter du coût élevé des produits pétroliers et de la demande importante pour ceux-ci en provenance du secteur minier. Sans négliger le développement des autres produits émergents, la bioénergie possède l’avantage de pouvoir utiliser des quantités importantes de matière ligneuse et répondre avantageusement aux problèmes de marchés de certaines essences et de certaines qualités. Par ailleurs, les autorités de Produits Forestiers Résolu ont clairement manifesté leur désir de voir l’État s’impliquer dans ce domaine de haute technologie afin de palier la faiblesse de la demande pour les copeaux. Il y a fort à parier que la plus grosse compagnies forestière du Canada appuierait les démarches de l’Abitibi-Témiscamingue et se présenterait comme un partenaire crédible et solide dans le développement de cette industrie. Pour terminer, le tableau suivant (tableau 5) reprend chacune des recommandations présentées dans ce rapport et décrit les rôles et actions associées à chacune d’elle de la part de la Commission des Élus de l’Abitibi-Témiscamingue.

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Tableau 5 Sommaire des recommandations avec le rôle et actions associées.

Recomman

dation Chaîne(s) de valeur

affectée(s) Filière(s)

affectée(s)

Rôle de la CRÉ de l’Abitibi-

Témiscamingue

Actions à prendre Effets anticipés

Importance de la

contribution potentielle aux chaînes

de valeur

1 Compétitivité vs rentabilité

Verticale : orientera davantage les stratégies concurrentielles vers la différenciation. Toutes les activités seront influencées.

Horizontale : une stratégie de maintien des parts de marché devra nécessairement passer par un renforcement des liens fournisseurs/clients à leur bénéfice mutuel.

Toutes

Orientation des discussions et des décisions vers la complexification et le développement de la grappe forestière.

Stimulation du développement d’un secteur de biens et services (industries amont) régional en favorisant l’impartition régionale.

Familiarisation avec les deux concepts.

Favorisation de projets présentant le meilleur potentiel d’amélioration de la compétitivité des trois filières.

Favorisation de projets qui présentent les plus hauts potentiels de différenciation des produits.

Maintien (augmentation) des parts de marché des différentes industries composant les trois filières.

Élevée

2 Nouveau régime forestier

Verticale : principalement au niveau des activités d’approvisionnement et de logistique.

Horizontale : l’apparition de nouvelles entreprises modifiera le flot de la matière ligneuse à l’intérieur des filières et entre celles-ci.

Les deux filières ligneuses.

Agent d’information sur le fonctionnement du nouveau régime forestier.

Convocation de réunions de d’information.

Passage « en douceur » vers le nouveau régime forestier.

Formation de consortiums d’entreprises.

Élevée

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3 Le peuplier

Horizontale : une transformation première novatrice du peuplier créera de nouvelles entreprises en aval (clients) et en amont (fournisseurs de biens et services)

Verticales : une nouvelle entreprise devra se doter d’activités de soutien et principales propres à son développement.

Vraisemblablement la filière ligneuse non-structurelle (bioénergie). La filière structurelle n’est toutefois pas encore éliminée.

Agent d’information

Établissement d’une liste complète des possibilités d’utilisation du peuplier dans l’une ou l’autre des trois filières.

Choix des produits les plus prometteurs en termes de compétitivité et de complexification de la grappe industrielle.

Mise en place des démarches nécessaires pour attirer un projet en Abitibi-Témiscamingue

Établissement d’un projet pilote (si produit émergent) ou d’un utilisateur de tremble dans une ou l’autre des trois filières.

Modérée

4 Forêt privée/ industrie

Horizontale : Augmentation du flot de matière ligneuse en amont des deux filières ligneuses.

Verticale : l’approvisionnement en provenance de la forêt privée se réalise sur des bases d’affaires différentes. Les activités de soutien devront s’adapter à une nouvelle réalité.

Les deux filières ligneuses

Médiateur

Identification des représentants légitimes des deux parties.

Élaboration d’une rencontre exploratoire entre les parties.

Exposition des faits décrits dans le présent rapport et évaluation de l’appétit des deux parties pour établir une relation d’affaires à long terme.

Démarrage d’une relation gagnant/gagnant à long terme basée sur une vision commune du principe de résidualité de la forêt publique.

Réduction de la dépendance à la forêt publique.

Rationalisation du transport vers les usines de première transformation en provenance de tout le territoire forestier (privé et public) de l’Abitibi-Témiscamingue.

Modérée

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5 Label régional

Horizontale : le label régional se passera de fournisseurs à clients dans un exercice de traçabilité jusqu’au consommateur ultime

Verticale : le droit d’utilisation d’un label régional obligera les compagnies à adhérer à des normes de qualité strictes et difficiles à maintenir. Toutes les activités de soutien et principales devront contribuer à l’obtention et au maintien de ce privilège.

Non-ligneuse Promoteur

Embauche d’une firme spécialisée en marketing, idéalement dans la région.

Détermination d’un projet de label.

Établissement des conditions d’utilisation

Reconnaissance des produits du terroir de l’Abitibi-Témiscamingue du type « agneau de Charlevoix » ou « bleuet du Lac-St-Jean »

Modérée

6 La formation de la main-d’œuvre

Verticale : une meilleure productivité de la main-d’œuvre facilitera le passage à une stratégie de différenciation en atténuant l’effet des coûts supplémentaires. Dans une stratégie de coût, elle permet d’augmenter les marges de profits.

Horizontale : Permet aux clients de bénéficier d’intrants à moindre coûts ou de profiter de fournisseurs en meilleure santé financière. Permet aussi de supporter des augmentations de coûts dans les autres intrants comme la matière première.

Toutes les filières

Partenaire d’Emploi-Québec et des Comités sectoriels de main-d’œuvre pertinents.

Augmentation de la productivité horaire des travailleurs forestiers et en usines afin de justifier des niveaux de salaires comparables aux travailleurs miniers.

Élevée

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7 L’innovation

Verticale : modifie les relations entre les activités principales et de soutien. Permet de produire plus avec moins d’intrants. Diminue les coûts de fabrication

Horizontale : les clients bénéficient de produits répondant mieux à leurs besoins et/ou à plus bas coût. Envoie un signal à l’ensemble du marché à l’effet que la grappe industrielle est dynamique et innovante. Attire de nouvelles entreprises et facilite l’obtention d’une étiquette régionale solide (recommandation # 9)

Toutes les filières Agent d’information

Identification des sources de financement public pouvant aider/encourager les entreprises à procéder à une ou l’autre des formes d’innovation.

Atténuation des effets de rareté relative des ressources humaines.

Diminution des coûts d’opération des entreprises.

Passage à une stratégie de différenciation de certaines firmes.

Retour à des niveaux d’investissement dans le secteur forestier vers les moyennes manufacturières provinciales

Élevée

8

Centre de valorisation de la fibre (CVF)

Horizontale : optimise le flot de matière ligneuse dans les filières existantes. Permet l’arrivée de nouvelles entreprises possédant des besoins spécifiques. Facilite le développement d’une industrie de la bioénergie. Diminue les coûts de transport. Oblige une meilleure concertation régionale.

Verticale : modifie les activités d’approvisionnement et de production de la firme. Améliore la productivité des usines.

Toutes les filières Promoteur

Développement d’une analyse de faisabilité technico-économique.

Identification des partenaires susceptibles de profiter de la mise en place d’un CVF.

Identification des sources de financement.

Mise en opération du premier CVF québécois sur le territoire de l’Abitibi-Témiscamingue.

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Reconnais-sance de la fibre nordique (branding)

Horizontale Les deux filières

ligneuses Promoteur

Établissement d’un partenariat avec la région du Nord-du-Québec.

Implication de FPInnovation pour l’élaboration de l’étiquette.

Implication dans la promotion de l’étiquette avec le Conseil de l’Industrie forestière du Québec ou une nouvelle association régionale ad hoc.

Reconnaissance nord-américaine des propriétés physiques supérieures de la fibre nordique. Ceci pourrait aussi déboucher, à terme, sur les propriétés chimiques.

Modérée

10 Usine de papier journal d’Amos

Horizontale : modifiera potentiellement le flot de matière première dans la région. Une nouvelle vocation entraînera la création de nouvelles entreprises amont (fournisseurs de biens et services) et d’une nouvelle expertise régionale

Non structurelle

Médiateur

Partenaire/facilitateur avec le MFE, le MRN, les bailleurs de fonds privés.

Évaluation de la volonté de la région de s’attaquer immédiatement à l’avenir de l’usine d’Amos.

Observation du projet de Gatineau.

Établissement de contacts avec les autorités de Produits Forestiers Résolu.

Poursuite des opérations de fabrication de papier journal aussi longtemps que la compagnie en tirera bénéfice et préparation de la prochaine vocation du site industriel.

Analyses de faisabilité économique et technique et au montage financier du projet.

Modérée

11 Les biocarburants

Horizontale : Développement d’une industrie en amont.

Verticale : Modification des patrons d’approvisionnement en bois de toutes les industries primaires

Non structurelle surtout; structurelle de façon indirecte.

Promoteur

Coordonnateur des projets de CVF et de biocarburant.

Manifestation de l’intérêt de l’Abitibi-Témiscamingue à accueillir la première usine de fabrication de biocarburant de deuxième génération.

Leadership de l’Abitibi-Témiscamingue en matière de fabrication de biocarburants.

Élevée

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Une analyse de la chaîne de valeur pour accompagner la transformation du tissu industriel forestier de l’Abitibi-Témiscamingue Rapport final

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6. CONCLUSION

L’étude de la chaîne de valeur verticale et horizontale des entreprises impliquées dans le secteur forestier de l’Abitibi-Témiscamingue a fait ressortir beaucoup de disparités entre les différentes filières. Celles-ci possèdent des niveaux d’optimisation différents, mais également un grand potentiel d’amélioration. La région possède certainement une longueur d’avance sur les autres régions québécoises en ayant su profiter de l’arrivée d’un nouveau joueur plutôt encombrant : l’industrie minière. Cette dernière n’explique cependant pas à elle seule le dynamisme observé dans la filière structurelle. Les entreprises impliquées dans la confection de produits destinés au marché de la construction ont réussi à traverser la dernière crise et représentent la pierre d’assise du secteur forestier de l’Abitibi-Témiscamingue. Les possibilités de développement de cette filière sont toutefois assez limitées et les efforts devront se diriger vers la filière non structurelle, notamment la bioénergie. Les entreprises de toutes les filières devront revoir leur modèle d’affaire pour l’approvisionnement. La présence de centres de valorisation de la fibre deviendra de plus en plus pertinente au cours des prochaines années. Elle permettra de limiter les mouvements inutiles de bois, d’augmenter la productivité des usines et permettre à la région de se positionner avantageusement dans le cadre du nouveau régime forestier. La mise en place d’une industrie bioénergétique (biomasse et biocarburant) doit reposer sur un apport de matière première au plus bas prix possible. La construction d’un CVF pourrait contribuer à maintenir la longueur d’avance détenue par l’Abitibi-Témiscamingue tout en stimulant l’arrivée d’entreprises structurantes sur son territoire. Le nouveau régime forestier, par la vente des bois aux enchères, modifiera la structure industrielle québécoise au profit des entreprises les plus performantes. Les scieries de l’Abitibi-Témiscamingue sauront en profiter, mais devront continuer à s’approvisionner à l’extérieur de la région pour assurer une partie de leurs besoins en fibre. Elles bénéficieront toutefois de l’apparition de nouveaux joueurs à l’expertise et aux procédés différents qui viendront complexifier et consolider la grappe industrielle actuelle et hausser le niveau de compétitivité de toutes les entreprises. Michel Vincent, ing.f., économiste Directeur des services économiques

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ANNEXE 1

QUESTIONNAIRE ADMINISTRÉ AUX ENTREPRISES FORESTIÈRES DE PREMIÈRE ET DE DEUXIÈME TRANSFORMATION DE L’ABITIBI-TÉMISCAMINGUE

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Une analyse de la chaîne de valeur pour accompagner la transformation du tissu industriel forestier de l’Abitibi-Témiscamingue Questionnaire

www.groupe-ddm.com Annexe 1-1

Le questionnaire qui suit a été élaboré uniquement pour le mandat actuel. Il consiste en 32 questions. Avant de procéder à son administration, les participants ont reçu des instructions sur les concepts de chaînes de valeur horizontale et verticale. Les questions s’adressent principalement aux dirigeants des entreprises sondées. Dans la majorité des cas, ce sont les propriétaires des entreprises qui ont pris le temps de répondre. Toutes les entreprises pressenties ont accepté de participer. Il a été convenu de limiter l’entrevue à une heure. Dans certains cas, les discussions ont largement dépassé ce temps. Afin de gagner du temps, les entrevues ont été enregistrées et les réponses recopiées par Horizon SF. Aucune question ne touche à la situation financière des entreprises ni à leurs prévisions d’investissement. Quelques séances de travail ont aussi été nécessaires afin de s’assurer que le sondeur (Horizon SF) possédait la même interprétation que DDM pour chacune des questions. Les questionnaires ont été administrés par un ingénieur forestier possédant une longue expérience dans le monde industriel de l’Abitibi-Témiscamingue. Des explications ont dû être fournies au cours des entrevues.

Relation de la firme avec son environnement externe (chaîne horizontale)

1. Quelles sont les entreprises, à votre connaissance, qui produisent les mêmes biens/services que vous et qui tentent de les vendre à vos propres clients?

▪ Ces entreprises sont-elles surtout situées dans votre région ou à l’extérieur? Connaissez-vous leur nom ainsi que leurs dirigeants?

2. De quelle façon vos clients distinguent-ils vos produits par rapport à ceux de vos concurrents?

▪ Ils répondent mieux à leurs besoins

▪ Ils sont moins chers

▪ Ils sont de meilleure qualité

▪ Ils sont livrés à temps

▪ Ils ne font aucune distinction

3. Votre entreprise est-elle plus grande ou plus petite que celle de vos concurrents?

▪ … en général

▪ … dans la région

4. Est-ce que vos clients œuvrent dans un secteur en croissance?

5. Est-ce que vos clients, ou certains d’entre eux, affichent une meilleure performance financière que celle de votre entreprise? Si oui, pourquoi selon vous?

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Une analyse de la chaîne de valeur pour accompagner la transformation du tissu industriel forestier de l’Abitibi-Témiscamingue Questionnaire

Annexe 1-2

6. Vos coûts fixes unitaires ($/Mpmp ou $/m3) ainsi que vos frais d’inventaires constituent-ils des postes de dépenses élevés qui peuvent affecter votre performance financière?

▪ Si oui, vos clients ou certains de ceux-ci sont-ils conscients de cette situation? Prennent-ils des moyens pour partager ces coûts avec vous ou en diminuer les impacts?

7. Vos clients sont-ils nombreux?

8. Entretenez-vous des relations privilégiées avec certains d’entre eux?

▪ Si oui, en quoi consistent-elles? 9. Au moment de la négociation des prix et des volumes, vos clients possèdent-ils un plus fort

pouvoir de négociation que vous? 10. Vos clients sont-ils prêts à payer un montant supplémentaire (par rapport à vos concurrents)

pour acheter vos produits? 11. Les produits que vos clients achètent de vous ou de vos concurrents représentent-ils un

intrant important, en termes financiers, pour leur propre production? 12. Pourriez-vous envisager d’investir dans l’entreprise d’un de vos clients (en tout ou en partie)

afin d’assurer un meilleur écoulement (volume et prix) de vos produits?

▪ Croyez-vous qu’un de vos concurrents pourrait le faire?

13. Croyez-vous que vos produits répondent parfaitement aux besoins de vos clients?

▪ Vos clients vous ont-ils déjà fait part de certaines exigences particulières au sujet de vos produits qui pourraient améliorer leurs propres procédés de production?

14. Si le prix de vos produits ainsi que celui de vos concurrents devenaient trop élevés pour votre clientèle, cette dernière pourrait-elle se tourner vers un produit substitut qui remplirait les mêmes fonctions?

▪ Si oui, quels sont ces produits? Représentent-ils une menace pour le futur?

15. Vos fournisseurs de biens et services (autre que la main-d’œuvre) sont-ils nombreux?

▪ Équipement

▪ Consultation

▪ Informatique

▪ Etc.

16. Au moment de la négociation des prix et des quantités en provenance de vos fournisseurs, qui possèdent le plus gros pouvoir de négociation?

17. Entretenez-vous des relations particulières et privilégiées avec certains de vos fournisseurs de biens et services?

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Une analyse de la chaîne de valeur pour accompagner la transformation du tissu industriel forestier de l’Abitibi-Témiscamingue Questionnaire

www.groupe-ddm.com Annexe 1-3

18. Vos travailleurs possèdent-ils le niveau de formation et de compétence nécessaire et satisfaisant pour le développement de votre entreprise?

19. La sous-traitance constitue-t-elle une obligation ou un choix pour la réalisation de certaines tâches?

20. Pourriez-vous envisager d’investir dans l’entreprise d’un de vos fournisseurs de biens et services…

▪ … pour éviter de payer trop cher le bien ou le service en question?

▪ … pour pouvoir améliorer la qualité du bien ou du service offert?

▪ … pour diminuer votre niveau de dépendance face au fournisseur en question?

21. Certains de vos concurrents sont-ils intégrés en amont comme il est décrit à la question précédente?

▪ Si oui, cette intégration constitue-t-elle un avantage pour eux?

22. Avez-vous déjà visité les installations de vos fournisseurs de biens et services?

▪ Ces visites vous ont-elles permis de mieux comprendre les contraintes auxquelles sont assujettis vos fournisseurs?

23. Vous fournisseurs de biens et service ont-ils déjà visité vos installations?

▪ Ces visites leur ont-elles permis de mieux adapter leur produit ou leur service à vos besoins?

24. Vos fournisseurs de biens et services possèdent-ils plusieurs clients?

▪ Vendent-ils leurs biens et services à vos propres concurrents?

▪ Leur croissance peut-elle se réaliser à l’intérieur même de l’Abitibi-Témiscamingue?

25. Vos fournisseurs de biens et services, ou certains d’entre eux, affichent-ils une meilleure performance financière que celle de votre entreprise? Si oui, pourquoi selon vous?

26. Les coûts fixes unitaires ($/Mpmp ou $/m3) ainsi que les frais d’inventaires de vos fournisseurs

constituent-ils des postes de dépenses élevés qui peuvent affecter leur performance financière?

▪ Si oui, avez-vous déjà pris ou prévoyez-vous prendre des mesures afin de partager ces coûts ou d’en diminuer les impacts négatifs pour vos fournisseurs?

Environnement interne de la firme (chaîne verticale)

1. Comment décririez-vous la relation entre les activités de soutien et les activités principales au sein de votre entreprise ?

2. Comment décrieriez-vous la relation entre les différentes activités de soutien entre elles? (infrastructure, GRH, développement technologique, approvisionnement)

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Une analyse de la chaîne de valeur pour accompagner la transformation du tissu industriel forestier de l’Abitibi-Témiscamingue Questionnaire

Annexe 1-4

3. Comment décrieriez-vous la relation entre les différentes activités principales entre elles? (logistique interne, production, commercialisation, service après-vente)

4. Parmi toutes les activités (de soutien et principales), laquelle considérez-vous comme le moteur de l’entreprise, celle d’où proviennent les orientations et qui dicte la marche à suivre aux autres?

5. Selon vous, la production oriente-t-elle les ventes ou est-ce le contraire?

6. Est-ce que des représentants des différentes activités ont la chance de se rencontrer, de discuter, de faire valoir leurs contraintes et leurs besoins pendant des réunions de travail régulières?

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ANNEXE 2

REVUE DES ÉTUDES ANTÉRIEURES

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Chaîne de valeur des produits issus des ressources forestières de l’Abitibi-Témiscamingue Revue des études antérieures

www.groupe-ddm.com Annexe 2-1

Depuis les dix dernières années, l’Abitibi-Témiscamingue a fait l’objet de plusieurs études décrivant la situation forestière, industrielle et socioéconomique liée à l’activité forestière. La lecture de ces documents entraîne immédiatement le lecteur vers la réalisation que le contexte industriel et politique a considérablement été modifié depuis leur publication.

Toutes ces études ont toutefois en commun l’identification du très fort potentiel de développement du secteur forestier de l’Abitibi-Témiscamingue. La présente étude (DDM) n’a pas tenté de reproduire l’une ou l’autre de ces études, mais a plutôt orienté ses propres recherches en se basant sur le volume impressionnant d’informations qu’elles contiennent. Certaines des études antérieures sont désuètes alors que d’autres méritent une mise à jour. Par contre, elles cernent toutes, de façon précise et approfondie, la situation de l’Abitibi-Témiscamingue qui prévalait au moment de leur rédaction. Le personnel de DDM s’est largement inspiré de ces études pour procéder à son évaluation de la chaîne de valeur des produits issus de la forêt de l’Abitibi-Témiscamingue.

Les études/analyses antérieures ayant été consultées pour la réalisation du présent document sont au nombre de cinq :

1. Ministère des Ressources naturelles et de la Faune. Stratégie de développement de l’industrie des produits forestiers en Abitibi-Témiscamingue : profil et opportunités de développement. Décembre 2000.

L’étude du MRNF, élaborée dans le cadre de la Stratégie de développement de l’industrie des produits forestiers de l’Abitibi-Témiscamingue, brosse un tableau de la situation de l’offre (possibilité) et de la demande (attribution/récolte) pour la ressource ligneuse de l’Abitibi-Témiscamingue. Dès 2000, donc longtemps avant les diminutions importantes dans le calcul de la possibilité forestière, les auteurs observaient qu’il existait peu de possibilités de développement supplémentaire basées sur les essences résineuses.

Les grands changements survenus dans les dix dernières années font que l’étude du MRN ne peut plus servir d’outil de référence aujourd’hui. Elle permet toutefois de réaliser l’ampleur des bouleversements que l’Abitibi-Témiscamingue a vécus en termes de fermeture d’usines. Le chapitre 2 présente en effet un portrait exhaustif de l’industrie forestière de la région.

Si la présente étude (DDM) fait état d’une rareté relative dans les volumes SEPM et d’un manque de débouchés pour les essences feuillues, notamment le peuplier, la Stratégie de développement du MRN avait déjà bien cerné cette problématique qui s’est simplement amplifiée depuis le début des années 2000.

L’étude se termine par une liste d’opportunités de développement pour le secteur forestier, autant en première qu’en deuxième transformation. La réalisation totale de ces projets entraînerait la création d’environ 25 usines qui fourniraient environ 600 emplois pour des investissements de 75 à 100 millions de dollars.

Les projets décrits par la Stratégie de développement proviennent de produits déjà existants, possédant déjà des marchés. Elle ne propose pas la fabrication de produits émergents comme le font d’autres études plus récentes. Les auteurs admettent que le régime forestier actuel (CAAF) offre peu de flexibilité pour le départ de l’un ou l’autre de ces projets, en soulignant que ces derniers nécessiteraient une grande collaboration de la part des bénéficiaires de CAAF.

La stratégie de développement pour l’Abitibi-Témiscamingue a été rédigée alors que rien ne laissait entrevoir l’arrivée d’un nouveau régime forestier au Québec, encore moins la mise en place d’un

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Annexe 2-2

système de mise en marché libre d’une partie des attributions. À cet égard, le document présente aujourd’hui beaucoup moins d’intérêt que lors de sa publication initiale.

2. Performax inc. Proposition de développement en 2e et 3e transformation de bois résineux et feuillus en Abitibi-Témiscamingue. 2002.

Cette étude fait suite au projet du MRNF en identifiant, parmi les opportunités proposées dans le rapport 1, celles qui ont le meilleur potentiel d’amélioration de la structure industrielle de la région. La proposition de développement brosse un tableau complet de l’approvisionnement des usines de l’Abitibi-Témiscamingue pour chaque essence retrouvée sur le territoire. Elle procède ensuite à une localisation géographique de toutes les usines de transformation de la région.

L’analyse décrit chacun des projets potentiels du MRNF de façon beaucoup plus détaillée, sans pour autant se substituer à une véritable étude de faisabilité. Les auteurs proposent une liste de 11 critères d’évaluation pour les projets ainsi que pour 8 nouvelles opportunités qui viennent s’inscrire dans la foulée d’une industrie forestière moderne. Ces critères permettent de très bien circonscrire les différents projets.

1. Caractéristique des produits

2. Volume de matière première

3. Coût de la matière première

4. Coût à l’usine

5. Nombre d’emplois

6. Localisation des marchés mondiaux

7. Tendance des marchés

8. Volume de produits finis

9. Prix de vente

10. Marge bénéficiaire nette

11. Technologies requises

En outre, Performax propose une matrice de décision permettant de classifier les différents projets en fonction de leur capacité structurante pour l’économie de l’Abitibi-Témiscamingue. La matrice de décision évalue chaque projet sur la base de :

▪ Ratio de valeur ajoutée (30 %)

▪ Croissance, pénétration et proximité du marché (25 %)

▪ Disponibilité et contrôle de la matière première (20 %)

▪ Ratio de création d’emplois sur le capital investi (15 %)

▪ Faible niveau d’investissement (10 %)

Parmi les projets évalués, ceux qui obtiennent les meilleurs résultats sont :

▪ Les meubles de jardin en kit (85 %)

▪ Les revêtements de plancher en OSB (69 %)

▪ Les composantes (cabinets, meubles, escaliers, etc.) en résineux et en tremble (68 %)

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www.groupe-ddm.com Annexe 2-3

▪ Le bois d’œuvre court de feuillus durs, de mélèze et de peuplier (69 %)

▪ Les composantes semi-finies de feuillus durs (pièces de meubles, moulures, escaliers, etc.)

▪ Les activités de séchage spécialisé (63 %)

L’étude de Performax puise son expertise dans la théorie des avantages concurrentiels. Ses auteurs maîtrisent très bien la dynamique menant à la création et au déclin des grappes industrielles, plus particulièrement celle du tissu industriel et des véritables facteurs expliquant le succès ou l’échec d’une industrie particulière sur la scène nationale et internationale. À cet égard, ils font figure de pionniers en appliquant le modèle de Porter au secteur forestier. Le concept de compétitivité est aussi véhiculé adéquatement.

La présente étude (DDM) s’inscrit dans la foulée de l’étude de Performax et y a puisé plusieurs informations de première importance pour la réalisation de ce document, notamment au chapitre de la dynamique du tissu industriel forestier de l’Abitibi-Témiscamingue.

3. Performax inc. Projet ACCORD-volet industrie forestière. 2002.

Cette seconde étude de Performax s’inscrit dans la démarche ACCORD visant, dans ses phases préliminaires, à décrire une industrie selon ses différentes composantes et à quantifier, parmi celles-ci, les filières pour lesquelles une région possède un niveau élevé d’expertise. Le rapport brosse d’abord le portrait général de l’industrie forestière régionale en fonction du tissu industriel et de l’environnement socioéconomique de l’Abitibi-Témiscamingue. L’industrie forestière comprend l’aménagement, la sylviculture, la transformation et les pâtes et papiers.

La main-d’œuvre et le développement des ressources humaines occupent une place centrale de l’étude et font de ce rapport un précurseur dans le domaine. L’étude poursuit en décrivant l’état des ressources ligneuses de la région et en proposant une classification des régions forestières selon la possibilité, la récolte et la consommation. Finalement, Performax identifie et classifie les différentes filières de la région en fonction de leur niveau de direction provincial, national et international.

L’étude de Performax se veut un complément à l’étude précédente, en s’intéressant à l’ensemble des filières industrielles, incluant les activités réalisées en forêt ainsi qu’en première transformation. L’analyse est davantage centrée sur les systèmes productifs régionaux que sur la grappe industrielle. Cette approche constitue un outil très valable dans le cas d’une analyse du tissu industriel régional sans chercher nécessairement à établir des relations avec d’autres régions ou provinces, comme le fait l’approche des grappes industrielles utilisées dans le présent document (DDM).

Cette deuxième étude de Performax, même si elle date déjà d’environ dix ans, a encore une fois amené les auteurs de cette étude (DDM) à un niveau de connaissance plus fine de l’Abitibi-Témiscamingue. À cet effet, le tableau des forces, faiblesses, opportunités et menaces se veut très révélateur de la situation prévalant au début des années 2000. Il a orienté la réflexion de l’analyse des chaînes de valeur.

4. Groupe Infor inc. Étude d’opportunités industrielles à partir des bois de trituration : identification et description des projets potentiels. 2007

Le Groupe Infor propose une liste d’environ dix produits émergents pouvant utiliser avantageusement les volumes disponibles de bois de trituration de la région. Pour chacun de ces produits, l’entreprise propose une analyse sommaire, ventilée selon :

▪ La nature du projet;

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Annexe 2-4

▪ Les applications du produit;

▪ La gamme de produits;

▪ Les marchés visés;

▪ La taille et l’évolution des marchés;

▪ Les principaux joueurs dans le secteur d’activité;

▪ L’accès au marché et les barrières à l’entrée;

▪ La matière première requise;

▪ La technologie et les procédés;

▪ L’expertise requise;

▪ Le volume de production;

▪ La main-d’œuvre requise;

▪ Le positionnement du projet par rapport à la région;

▪ La taille de l’investissement;

▪ Le prix des marchés;

▪ Les coûts de production;

▪ La profitabilité et le rendement;

▪ Le volume de production et la part de marché escomptée;

▪ La réceptivité des ministères et organismes de financement;

▪ Le varia.

L’étude se concentre essentiellement sur les produits issus du bois de trituration. Elle couvre ainsi un moins large éventail que l’étude de Performax. En revanche, elle inclut des produits plus récents (comme le Scrimtec ou le bois-plastique) qui ne faisaient pas encore l’objet de discussion en 2002. L’étude d’Infor se veut donc un complément à celle de Performax. Elle a été écrite à la lumière des nouvelles informations techniques relatives à l’utilisation de la matière ligneuse dans une optique industrielle.

Les études de Performax (no 2) et du Groupe Infor (no 4) fournissent un aperçu très complet des possibilités de développement industriel forestier de l’Abitibi-Témiscamingue. Les projets proposés par Infor peuvent rapidement trouver leur place dans l’approche par grappes industrielles utilisée par Performax.

5. 48e Nord international. Analyse préliminaire de marché : Systèmes de construction en bois fabriqués en Abitibi-Témiscamingue. 2008.

Si l’étude no 3 de Performax a contribué à l’obtention d’un projet ACCORD pour la région de l’Abitibi-Témiscamingue, ce dernier document représente une analyse du marché d’une filière identifiée préalablement, celle des systèmes de construction préfabriqués. L’étude se concentre principalement sur les marchés traditionnels de l’Abitibi-Témiscamingue, à savoir le nord-est de l’Amérique du Nord, et ne porte que sur la construction résidentielle. L’évolution des systèmes de construction, des solives de plancher aux fermes de toit en passant par les murs préfabriqués, est décrite de façon exhaustive, tout comme le potentiel pour les principaux marchés.

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www.groupe-ddm.com Annexe 2-5

La structure industrielle des fabricants de systèmes de constructions du Québec est décrite avec précision, comme leurs pratiques d’affaires. Finalement, l’étude se termine par une description de la position concurrentielle de la filière de l’Abitibi-Témiscamingue, en comparant la situation de la région à celle de l’Ontario et des États-Unis. Cette dernière étude constitue une source d’informations de première importance pour la mise en place d’un créneau d’excellence ACCORD.

L’étude décrit les potentiels de marché pour les fabricants de systèmes de construction, actuels et à venir. À cet égard, elle constitue un document de base pour la mise en place du créneau ACCORD. Les auteurs décrivent l’environnement d’affaires auquel les exportateurs de la région peuvent s’attendre sur le marché nord-américain. Ils présentent, en quelque sorte, le « mode d’emploi » destiné aux promoteurs de systèmes de construction de l’Abitibi-Témiscamingue.