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Actualités pharmaceutiques n° 524 mars 2013 39 Mots clés • Brossage des dents • Carie • Fluorure • Hygiène bucco-dentaire • Prévention • Recommandation Keywords • Caries • Dental health • Fluoride • Prevention • Recommendation • Tooth brushing Auteur correspondant Julie BONNOT [email protected] Une bonne hygiène bucco-dentaire pour prévenir les caries La carie, résultante d’une dissolution des substances minérales dentaires, a des conséquences directes et indirectes sur l’individu. Le pharmacien d’officine joue un rôle majeur en termes de prévention et d’hygiène bucco-dentaire, à travers conseils et recommandations. Il doit également savoir orienter vers un chirurgien-dentiste lorsque cela est nécessaire. Good dental hygiene to prevent caries. Caries, the result of the dissolution of the tooth’s mineral substances, has direct and indirect consequences on the individual. Community pharmacists play a major role in terms of prevention and dental health, by giving advice and recommendations. They must also know how to direct people towards a dental surgeon when necessary. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved Julie BONNOT François PILLON bucco-dentaire pratique © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2013.01.011 U ne mauvaise hygiène bucco-dentaire a des conséquences écono- miques personnelles ou commu- nautaires, des conséquences psychologiques personnelles et, bien évidemment, des consé- quences, directes et indirectes, sur la santé de l’individu. D’où l’impor- tance de savoir où et comment agir pour prévenir les maux. Seul le chirur- gien-dentiste peut intervenir à tous les stades de la prévention, notamment au stade tertiaire qui constitue l’élé- ment essentiel de son art. Le stade secondaire de la prévention est du ressort du médecin, du pharmacien et du chirurgien-dentiste. Il concerne, entre autres, les conseils sur la prise de fluor sous forme de fluorure, mais également la prévention des effets secondaires de certains médica- ments. À ce stade, le professionnel de santé peut prodiguer un certain nombre de recommandations et diri- ger le patient vers son chirurgien-den- tiste. Quant au stade primaire, il concerne tout le monde. La carie La carie est une maladie infectieuse multifactorielle qui se caractérise par une dissolution lente et localisée des substances minérales den- taires (émail, cément, dentine), sous l’action des acides bactériens produits par la plaque dentaire. Ce processus de dissolution, appelé déminéralisation, aboutit, à terme, à la formation d’une cavité. Les bactéries de la cavité buccale La présence de bactéries dans la cavité buccale est l’un des facteurs primordiaux de formation des caries. En effet, elles utilisent les sucres de notre alimentation et les transfor- ment en acides pour produire l’éner- gie nécessaire à leur survie : ce processus, appelé glycolyse, est à l’origine des phénomènes de démi- néralisation de l’émail. Les bactéries responsables de la formation de caries sont dites cario- gènes. Plusieurs agents bactériens sont impliqués, toutefois les deux principaux sont Streptococcus mutans et Lactobacillus casei. La formation de la carie Il existe un équilibre dans la cavité buccale entre les dents, les bacté- ries, l’alimentation et le temps. Lorsqu’il n’est plus respecté, les processus de déminéralisation augmentent, la salive est alors “débordée” et ne peut plus neutra- liser l’acidité produite : la carie se développe. Les causes de ce désé- quilibre sont diverses et propres à chaque individu. F La flore bactérienne : une flore riche en bactéries cariogènes (S. mutans) augmente la produc- tion d’acides. F Le temps : la durée et la fré- quence des attaques acides aux- quelles est soumis l’émail sont Un nettoyage régulier des dents permet de se protéger du processus carieux et des maladies parodontales. © Fotolia.com/Pressmaster

Une bonne hygiène bucco-dentaire pour prévenir les caries

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Actualités pharmaceutiques

• n° 524 • mars 2013 • 39

Mots clés• Brossage des dents

• Carie

• Fluorure

• Hygiène bucco-dentaire

• Prévention

• Recommandation

Keywords• Caries

• Dental health

• Fluoride

• Prevention

• Recommendation

• Tooth brushing

Auteur correspondantJulie [email protected]

Une bonne hygiène bucco-dentaire pour prévenir les cariesLa carie, résultante d’une dissolution des substances minérales dentaires, a des

conséquences directes et indirectes sur l’individu. Le pharmacien d’officine joue un rôle

majeur en termes de prévention et d’hygiène bucco-dentaire , à travers conseils et

recommandations. Il doit également savoir orienter vers un chirurgien-dentiste lorsque

cela est nécessaire.

Good dental hygiene to prevent caries. Caries, the result of the dissolution of the tooth’s mineral substances, has direct and indirect consequences on the individual. Community pharmacists play a major role in terms of prevention and dental health, by giving advice and recommendations. They must also know how to direct people towards a dental surgeon when necessary.

© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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Julie BONNOT

François PILLON

bucco-dentaire

pratique

© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2013.01.011

U ne mauvaise hygiène bucco-dentaire a des conséquences écono-

miques personnelles ou commu-nautaires, des conséquences psychologiques personnelles et, bien évidemment, des consé-quences, directes et indirectes, sur la santé de l’individu. D’où l’impor-tance de savoir où et comment agir pour prévenir les maux. Seul le chirur-gien-dentiste peut intervenir à tous les stades de la prévention, notamment au stade tertiaire qui constitue l’élé-ment essentiel de son art. Le stade secondaire de la prévention est du ressort du médecin, du pharmacien et du chirurgien-dentiste. Il concerne, entre autres, les conseils sur la prise de fluor sous forme de fluorure, mais également la prévention des effets secondaires de certains médica-ments. À ce stade, le professionnel de santé peut prodiguer un certain nombre de recommandations et diri-ger le patient vers son chirurgien-den-tiste. Quant au stade primaire, il concerne tout le monde.

La carieLa carie est une maladie infectieuse multifactorielle qui se caractérise par une dissolution lente et localisée

des substances minérales den-taires (émail, cément, dentine), sous l’action des acides bactériens produits par la plaque dentaire. Ce processus de dissolution, appelé déminéralisation, aboutit, à terme, à la formation d’une cavité.

Les bactéries de la cavité buccaleLa présence de bactéries dans la cavité buccale est l’un des facteurs primordiaux de formation des caries. En effet, elles utilisent les sucres de notre alimentation et les transfor-ment en acides pour produire l’éner-gie nécessaire à leur survie : ce processus, appelé glycolyse, est à l’origine des phénomènes de démi-néralisation de l’émail.Les bactéries responsables de la formation de caries sont dites cario-gènes. Plusieurs agents bactériens sont impliqués, toutefois les deux principaux sont Streptococcus mutans et Lactobacillus casei.

La formation de la carieIl existe un équilibre dans la cavité buccale entre les dents, les bacté-ries, l’alimentation et le temps. Lorsqu’il n’est plus respecté, les processus de déminéralisation

augmentent, la salive est alors “débordée” et ne peut plus neutra-liser l’acidité produite : la carie se développe. Les causes de ce désé-quilibre sont diverses et propres à chaque individu.

F La flore bactérienne : une flore riche en bactéries cariogènes (S. mutans) augmente la produc-tion d’acides.

F Le temps : la durée et la fré-quence des attaques acides aux-quelles est soumis l’émail sont

Un nettoyage régulier des dents permet de se protéger du processus carieux et des maladies parodontales.

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également importantes. Un émail exposé fréquemment ou pendant longtemps aux acides est suscep-tible d’être le siège de caries.

F Le régime alimentaire : un apport de sucres trop important ou fréquent (grignotage) augmente le risque carieux (encadré 1).

F La denture : l’émail est parfois plus sensible aux attaques acides, quand les dents sont temporaires par exemple, ou lorsque le port de prothèses, d’appareils orthodon-tiques, ainsi que la caractéristique des espaces interdentaires rendent la denture difficile à nettoyer.La carie débute lorsque l’équilibre entre les processus de déminérali-sation et de reminéralisation bas-cule en faveur de la déminéralisation de l’émail.Il est bien évident qu’une hygiène bucco-dentaire inadéquate ou insuffisante favorise l’accumulation de plaque dentaire, sous forme de biofilm, au niveau des surfaces den-taires, et augmente le risque carieux. Il existe également des fac-teurs de risque supplémentaires comme les déficits salivaires.

Le développement d’une carieLors du processus carieux, les bacté-ries de la plaque dentaire commen-cent à déminéraliser l’émail par la production d’acides, puis la den-tine. Elles infectent ensuite la pulpe

dentaire, jusqu’à l’apex de la dent dans les stades les plus ultimes.

La prévention des cariesUn nettoyage régulier des dents permet d’éliminer la plaque den-taire contenant les bactéries responsables des pathologies bucco dentaires, d’éviter la mau-vaise haleine et de conserver des dents saines le plus longtemps possible en se protégeant du pro-cessus carieux et des maladies parodontales. Un germe se multi-plie toutes les 20 minutes. Les bac-téries disposant, dans la bouche, des nutriments nécessaires pour se développer, la plaque dentaire se reforme seulement quelques minutes après que l’on a mangé. Pour cette raison, il est primordial de se brosser les dents après chaque repas.Pour conserver une bonne hygiène dentaire, il faut :• des apports en fluorure adéquats ;• une alimentation de qualité ;• un nettoyage régulier avec un

matériel adapté.

Des apports adéquats en fl uorureLe fluorure constitue un élément nutritif essentiel à la formation des dents et des os, au même titre que le calcium, le phosphore et les autres éléments ingérés par le biais des aliments et de l’eau.Les fluorures contribuent au main-tien de la santé bucco-dentaire et à la prévention des affections.

F En réduisant la solubilité de

l’émail : l’apport de fluor se traduit par l’incorporation d’ions fluorures. Se forme alors des cristaux de fluoro apatite, nettement moins solubles par les acides produits que les hydroxyapatites. Le fluor pro-cure à l’émail une plus grande résis-tance.

F En augmentant la résistance

de l’émail à l’action déminérali-

sante des acides : le fluor, mis en contact avec la surface des dents,

pénètre facilement dans les zones déminéralisées, où il s’accumule en quantité importante.

F En reminéralisant les lésions

carieuses initiales : il s’agit de l’un des principaux mécanismes cariostatiques du fluor. L’apport fréquent de faible concentration de fluorure est le plus bénéfique car l’on remarque un échange constant de minéraux à la surface de la dent.

F En diminuant le développe-

ment de la plaque bactérienne : les fluorures constituent un agent antibactérien et antiplaque efficace. En effet, dans la plaque dentaire, le fluor inhibe l’énolase (enzyme de la glycolyse) et empêche les bacté-ries de produire des polysaccha-rides, puis de se fixer sur la surface dentaire. Ainsi, lorsque le taux de fluor augmente, une diminution de la quantité de plaque formée pré-sente sur la surface dentaire peut être observée. Il est aussi possible de noter une diminution du nombre de bactéries S. mutans à l’occa-sion de l’utilisation d’un dentifrice fluoré. Les fluorures ralentissent la formation de la plaque dentaire, diminuent la formation d’acide lac-tique et contribuent à prévenir la carie. Les fluorures seuls ne suffi-sent pas à rendre la plaque dentaire non pathogène, ils ralentissent uni-quement le métabolisme des bac-téries. Cette action antibactérienne du fluor nécessite cependant des doses importantes in vivo ou une molécule associée possédant elle-même ces propriétés (fluorure d’amines par exemple).

Le fl uor dans l’eau de boissonÀ petites doses (1 mg/L dans l’eau de boisson), le fluor favorise la santé dentaire. La concentration optimale du fluorure dans l’eau de boisson se situe entre 0,2 et 1,2 ppm.Certaines eaux embouteillées sont riches en fluorure, quelques-unes étant même trop fluorées pour être consommées par les enfants. L’eau

Encadré 1. Les facteurs de risque carieuxCollectifs : niveau socio-économique/éducatif ; état dentaire des parents/fratrie ; maladie/handicap ; facteur favorisant la rétention de plaque ; préma turité/petit poids de naissance.Individuels : < 1 brossage/jour ; pas d’exposition au fluor ; sucres hors des repas ; flux salivaire altéré ; plaque ou gingivite ; anomalies de structure ; antécédents de caries...

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bucco-dentaire

pratique

en bouteille utilisée dans les bibe-rons doit ainsi contenir un taux de fluorure inférieur à 0,7 mg/L. Il convient de déconseiller toutes les eaux minérales en contenant plus de 1 mg/L chez les enfants de moins de 12 ans. Enfin, il faut pros-crire les eaux de Vichy Célestin® (5,8 mg/L) et Saint-Yorre® (8 mg/L) jusqu’à l’âge de 12 ans.

Le sel de cuisine fl uoréLe sel de table est disponible fluoré à 250 mg/kg. Bien que représentant une voie d’apport pratique, il ne doit pas être consommé si l’eau de bois-son contient plus de 0,3 mg/L de fluorure.

Le dentifrice fl uoréParmi les dentifrices disponibles sur le marché, 99 % sont fluorés. La législation française attribue un statut différent aux dentifrices selon leur dosage en fluorure :• supérieur à 1 500 ppm (1,5 mg de

fluorure/gramme de pâte), le den-tifrice doit alors avoir une autori-sation de mise sur le marché (AMM) et n’est vendu qu’en phar-macie ;

• inférieur à 1 500 ppm, le denti-frice a un statut de produit cosmé tique et peut donc être vendu hors pharmacie.

La plupart des dentifrices pour adultes contiennent des concen-trations en fluorure allant de 1 000 à 1 500 ppm, ceux destiné aux enfants ayant des concentrations inférieures ou égales à 500 ppm. Considérant qu’un enfant de 2-3 ans avale en moyenne 59 % du dentifrice, qu’à 4 ans, il en ingère 48 % et 39 % à 5 ans, il est néces-saire d’établir quelques règles simples :• avant l’âge de 3 ans, le dentifrice

doit être faiblement dosé (250 à 500 ppm de fluorure) ;

• de 3 à 6 ans, le dentifrice doit contenir 500 ppm de fluorure (jusqu’à 6 ans, une petite quantité de dentifrice, de la taille d’un petit

pois, est apposée sur la brosse de l’enfant) ;

• à partir de 6 ans, un dentifrice contenant 1 000 à 1 500 ppm de fluorure peut être utilisé (Elgy-dium® protection caries, Elmex® protection carie, Sensodyne® soin complet, Sanogyl® blanc).

Les bains de bouche fl uorésAvec le dentifrice fluoré, les bains de bouche fluorés constituent la méthode la plus courante pour lutter contre les caries. Ils peuvent être utilisés en prévention chez les enfants à partir de 6 ans (pour limiter le risque d’ingestion) et les adultes. Un à trois bains de bouche par jour peuvent être réalisés après le bros-sage des dents (Fluocaril® bifluoré, Elmex® protection carie, réservés à l’adulte et à l’enfant de plus de 6 ans).

Les gels fl uorés ou les dentifrices hautement fl uorurésLa teneur en fluor des gels fluorés est au-dessus de 1 500 ppm de fluorure. Une mince couche de gel fluoré (Fluocaril® 20 000 ppm fluo-rure, par exemple) doit être déposée dans des gouttières individuelles préparées par le praticien. Cette méthode est réservée aux patients à haut risque ou sous radiothérapie.Par ailleurs, certains dentifrices, indiqués chez les patients à risque carieux, sont à haute teneur en fluo-rure :• Fluocaril Bi-fluoré®, qui ne peut

être utilisé qu’à partir de 10 ans car il contient 2 500 ppm de fluo-rure ;

• Duraphat® dentifrice 5 000 ppm fluorure, qui ne peut être utilisé qu’à partir de 16 ans.

Les gommes à mâcherFluogum® sans sucre, fluorure de sodium, utilisable à partir de 6 ans, à raison de 1 à 6 tablettes par jour, contient 0,25 mg de fluorure de sodium par tablette.

Les comprimés ou gouttes fl uorésLe mécanisme d’action du fluorure étant essentiellement post-éruptif, il n’est pas justifié de recommander la prise de suppléments fluorés avant l’éruption des dents (± 6 mois). A fortiori, une prescription préna-tale est inutile.Ces compléments fluorés ne doi-vent pas être prescrits lorsque :• l’eau de boisson comporte

0,3 mg/L de fluorure ;• l’enfant consomme du sel fluoré ;• l’enfant bénéficie d’un brossage

régulier avec un dentifrice fluoré.Les comprimés ou les gouttes sont indiqués chez les patients présen-tant un risque carieux élevé et doi-vent être sucés afin qu’un effet topique soit obtenu sur les dents. Ces prescriptions sont établies à partir d’un bilan fluoré qui prend en compte le contenu en fluorure de l’eau de boisson, le sel consommé par la famille, les produits d’hygiène bucco-dentaire utilisés et les habi-tudes alimentaires. La prescription s’évalue comme suit :• de 6 mois à 3 ans, 0,25 mg de

fluorure/jour (rien si l’eau de bois-son a une concentration en fluo-rure > 0,3 ppm ou mg/L) ;

• de 3 à 6 ans, 0,50 mg de fluorure/jour (0,25 mg si l’eau de boisson a une concentration en fluorure > 0,3 ppm, et rien si elle est > 0,6 mg) ;

• au-delà de 6 ans et jusqu’à 12 ans, 1 mg de fluorure/jour si le sel fluoré n’est pas utilisé (0,50 mg si l’eau de boisson a une concen-tration en fluorure > 0,3 ppm, et rien si elle est > 0,6 mg).

Zymaduo® 150 et 300 (0,25 mg pour 4 gouttes) et Zymafluor® (comprimés de 0,25 et 1 mg) sont, entre autres, disponibles.

Les vernis fl uorésLes vernis fluorés peuvent être utili-sés chez les jeunes enfants qui ne sont pas capables de cracher car il n’y a pas de risque d’ingestion, à

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raison de 2 à 4 fois/an lorsque le risque carieux est élevé.

La fl uoroseÀ des concentrations de fluorure ingéré > 1,5 mg/jour, la fluorose dentaire est favorisée. Cette patho-logie apparaît souvent sous la forme d’une modification de l’émail den-taire, provoquant des tâches jaunes ou marron, ou sous une apparence opaque crayeuse avec des stries ou des piqûres.Une concentration ingérée supé-rieure à 5 mg/L peut provoquer la perte des dents et entraîner la fluo-rose osseuse, caractérisée par une hypercalcification des os (encadré 2).L’ingestion prolongée ou acciden-telle d’une concentration en ions fluorure supérieure à dix fois la norme admise représente un dan-ger important d’intoxication.La dose toxique est de 5 mg de fluorure/kg et les signes de toxi-cité sont : l’apparition de taches sur les dents en voie de formation ; des altérations des tissus osseux (ostéoporose) ; des vomissements ; des diarrhées ; des douleurs abdo-minales.En pratique, il faut rester vigilant face au cumul des apports en fluorure

(dentifrices, sels, eaux, supplémen-tation médicamenteuse) et privilé-gier une seule source d’apport de fluorure par voie systémique (sel ou eau, ou médicamenteuse). La voie topique est, quant à elle, prio-ritaire afin d’obtenir l’effet dentaire.

Une alimentation de qualitéIl existe une corrélation directe entre l’alimentation et les problèmes den-taires. L’impact des aliments cario-gènes dépend davantage de la fréquence de leur consommation que de leur quantité totale pendant le repas. Les aliments riches en hydrates de carbone (“sucres”) accentuent la production d’acides par les bactéries. La salive favorise la recristallisation des minéraux grâce aux ions qu’elle contient et elle possède, de plus, une action antibactérienne grâce aux enzymes et aux immunoglobulines salivaires. Son débit assure un autonettoyage. Ainsi, si de nombreux petits repas se succèdent, l’action de la salive est limitée dans le temps ; le “gri-gnotage” doit donc être évité. Il est également utile de boire un litre d’eau par jour afin de stimuler les glandes salivaires.

Le potentiel cariogénique des ali-ments est lié à leur contenu en hydrates de carbone. Les sucres le plus fréquemment rencontrés dans l’alimentation sont le glucose et le fructose, le saccharose, le maltose, le lactose et l’amidon.Le saccharose est la forme sucrée la plus courante ; il s’agit du sucre le plus cariogénique. Il est facilement fermentescible par les bactéries de la plaque et favorise la colonisation par S. mutans. Le lactose est le sucre le moins cariogénique.En cas d’apport trop important et/ou prolongé en glucides fermentes-cibles, un abaissement du pH au sein de la plaque dentaire est observé ; cet abaissement au pH critique de dissolution de l’émail dentaire est vecteur de caries.Les substituts non caloriques du sac-charose sont non cario géniques. La saccharine, le cyclamate, la thau-matine, l’acésulfam K et l’aspar tame sont utilisés comme édulcorants dans les boissons.Les alcools de sucre comme le sorbi-tol ont un potentiel cariogénique faible et celui du xylitol est nul. Il diminue le nombre, la transmission et l’adhé-rence de S. mutans, et la quantité de plaque. Il permet d’améliorer la quantité et qualité de la salive et per-met de déminéraliser l’émail.Les aliments sucrés qui restent col-lés aux dents, tels le chocolat, les caramels, les biscuits, les pâtisse-ries et les chips sont hautement cariogènes car, sans brossage, l’hydrate de carbone séjourne plus longtemps dans la cavité buccale, de l’ordre de 20 à 40 minutes.En revanche, les aliments de consis-tance fibreuse comme les fruits et les légumes sont plus rapidement élimi-nés de la cavité buccale (en 5 minutes) et sont, par conséquent, peu cario-gènes. À l’occasion des collations, il est important de privilégier une alimen-tation peu collante et pauvre en sucre comme le pain ou les céréales (sans sucre ajouté), surtout lorsqu’un bros-sage des dents n’est pas possible.

F Chez l’enfant de moins de 6 mois :

prescription inutile de fluor. F Chez l’enfant de plus de 6 mois :

• l’usage des fluorures par voie orale doit être modulé en fonction du risque de carie chez l’enfant (grigno-tage, consommation de boissons sucrées…) ;

• si l’enfant est à haut risque carieux, la supplémentation en fluorures se réa-lise, par voie orale (comprimés ou gouttes), à la posologie de 0,05 mg de fluor/jour/kg, sans jamais dépasser 1 mg par jour en raison du risque de fluorose. Cette supplémentation

complète l’action topique par le bros-sage biquotidien avec un dentifrice fluoré ;

• si l’enfant est à bas risque carieux, le brossage des dents avec un dentifrice fluoré est recommandé au minimum 2 fois/jour. Le dentifrice doit avoir une teneur en fluor adaptée à l’âge de l’enfant.

1 Afssaps. Mise au point. Utilisation du fluor dans

la prévention de la carie dentaire avant l’âge de

18 ans. Octobre 2008. http://ansm.sante.fr/var/

ansm_site/storage/original/application/7db1d82

db7f5636b56170f59e844dd3a.pdf

Encadré 2. Apports de fluorure recommandés par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé1

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bucco-dentaire

pratique

Chez l’enfantAlimenter l’enfant au sein prévient l’apparition des caries : cela lui per-met de constituer son capital osseux et dentaire. De plus, les muscles faciaux de la mâchoire sont ainsi plus développés et les dents mieux alignées. Par ailleurs, mastiquer soigneusement plutôt qu’avaler rapidement favorise le bon déve-loppement de l’appareil masticateur et osseux, et évite les malpositions ultérieures des dents qui nécessitent des traitements orthodontiques. La carie étant une maladie infectieuse due à S. mutans, il est conseillé d’évi-ter de lécher les doigts de l’enfant ou de goûter sa purée avec la même cuillère.

Chez l’adulte jeuneLa nature du produit comme sa composition chimique préviennent ou accentuent les caries :• le chocolat fond dans la bouche,

s’élimine rapidement et apporte des tanins, du fluor et des phos-phates protecteurs ;

• le fromage augmente la sécrétion de salive et apporte du calcium ainsi que du phosphore, utiles à la minéralisation de l’émail ;

• le citrate de zinc et la vitamine E, antioxydante, renforcent la gen-cive et préviennent les attaques de la plaque dentaire ;

• le riz a, en revanche, un effet acidi-fiant et les aliments trop cuits provo-quent une baisse de la mastication ;

• les aliments complets doivent être préférés aux aliments raffi-nés, pauvres en vitamines et sels minéraux ;

• une consommation trop fré-quente de sucre et un temps de contact long avec les dents favo-risent les caries ;

• des vomissements ou un reflux gastro-œsophagien, riches en acide gastrique qui attaque l’émail, nécessitent de se rincer la bouche avec du bicarbonate et de l’eau, et de se brosser ses dents avec un dentifrice fluoruré ou,

mieux, à base d’étain pour proté-ger l’émail des attaques acides ;

• après la consommation d’un ali-ment ou d’une boisson sucrée, il est conseillé, lorsque le brossage n’est pas possible, de boire ou de se rincer avec de l’eau ou un bain de bouche fluoré afin d’éliminer rapidement les sucres de la cavité buccale. Il est également possible d’utiliser une gomme à mâcher sans sucre (Fluogum®, Homeo-gum®, Arko fresh®), d’autant plus que l’action mécanique favorise la production de salive ;

• manger des sucreries en une fois est moins nocif pour les dents que de consommer la même quantité par petites portions. Plus la fré-quence de consommation des sucres est élevée, plus il y a risque de caries dentaires ;

• la consommation des aliments et des boissons sucrées doit se faire au plus près d’un repas principal ou pendant celui-ci ;

• les aliments non cariogènes sont les fruits frais, les légumes, le poisson et la viande ;

• les aliments cariogènes sont les caramels, les bonbons, les chewing-gums avec sucre, le chocolat au lait, les fruits secs, les chips, le miel, les pâtisseries, les sirops, les limonades sucrées et les sodas.

Un nettoyage régulier avec un matériel adaptéQuelques règles sont essentielles pour prévenir les caries :• utiliser des brossettes inter-

dentaires (éviter les cure-dents, responsables d’irritations) afin de déloger les résidus restés coincés dans les espaces interdentaires. Les brossettes en cônes doivent être utilisées au niveau des molaires et les cylindriques au niveau des incisives. Les bros-settes à section triangulaire exis-tent également et s’adaptent parfaitement à l’espace interden-taire, sans difficulté de maniement pour les débutants ;

• utiliser du fil dentaire brut ou ciré mentholé pour nettoyer les surfaces interproximales des dents, en complément du brossage ;

• recourir aux jets dentaires ou hydro-propulseurs pour éliminer les déchets ;

• utiliser un dentifrice spécifique pour les gencives sensibles ou irritées, antiseptique, anti-inflam-matoire et fluoré ;

• utiliser un dentifrice pour dents sensibles (douleur au chaud ou au froid) qui favorise l’obturation des canalicules dentinaires ouverts exposés à la cavité buccale pour une action durable, ou à base de sels de potassium pour réduire la sensibilité aux stimuli douloureux ;

• utiliser une brosse à dents élec-trique (vers l’âge de 6 ans), sans oublier qu’une telle brosse hâtive-ment employée est moins efficace qu’un brossage minutieux effec-tué manuellement ;

• uti l iser une brosse à dents manuelle de qualité, sélectionnée en fonction du degré d’inflamma-tion gingivale, de la sensibilité dentinaire, des espaces interden-taires et de la dextérité de l’utilisa-teur. Elle doit être adaptée à la main de la personne et la tête, petite de préférence, doit possé-der des brins souples ou médium en nylon, ainsi que des extrémités arrondies ou microfines. Les brins durs créent des micro-abrasions lors des frottements, abîment la gencive et, de plus, nettoient moins bien.

Il faut bien comprendre que le bros-sage permet d’éliminer la plaque dentaire qui apparaît quelques heures seulement après la fixation de la bactérie sur son support. Elle se présente, dans un premier temps, sous forme de slims, ou pel-licule (mucus bactérien gélatineux et adhésif), pour ensuite s’organiser en biofilm si elle n’est pas éliminée. Cette plaque dentaire, constituée de bactéries, de phospho-carbo-nates et de substances organiques,

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peut se minéraliser en fonction de la composition salivaire minérale et, dans un deuxième temps, se trans-former en tartre : elle devient dure, très résistante, comme “soudée” à la dent. En conséquence, il est inutile de frotter et d’appuyer sur sa brosse, car cela pourrait entraîner une récession de la gencive et une exposition des collets dentaires car seul le chirurgien-dentiste peut en venir parfaitement à bout grâce à un nettoyage professionnel. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on recommande deux visites par an (sinon plus) chez le spécialiste en vue d’un contrôle général et d’un détar-trage qui fait partie de la prévention.

Les techniques de brossageLe brossage doit s’effectuer en dou-ceur, en respectant les techniques suivantes :• la technique du “rouleau” pour

brosser les dents et les gencives consiste à placer la brosse contre le sillon gingival à 45 degrés et à effectuer, grâce à la torsion du poignet, un mouvement de balayage de la gencive vers la dent, du “rouge vers le blanc” ;

• la technique de “bass” consiste à positionner la tête de la brosse à 45 degrés au niveau du sillon gin-givo-dentaire, inclinée du haut vers le bas (gencive), et à prati-quer des petits mouvements en secousses le long de la même dent pendant 10 secondes, avant de déplacer la tête de la brosse vers une dent contiguë ;

• la technique de “charter”, quasi-ment identique à la précédente, consiste à placer la tête de la brosse à 45 degrés, les brins étant toutefois dirigés vers le haut (vers les dents). Il est également possible d’effectuer de petits mouvements circulaires ;

• le nettoyage des incisives s’effec-tue en plaçant la brosse à dents perpendiculairement derrière les dents, de façon à sentir les brins sur le bord de la gencive, ce qui évite le réflexe nauséeux déclen-ché si la brosse est trop enfoncée.

Le brossage en pratiqueLe brossage est un geste de pré-vention essentiel, nécessaire pour préserver la santé des dents dès le plus jeune âge.

Il faut d’abord se laver les mains avant le brossage et utiliser “sa” brosse à dents (pas d’échange). Il est déconseillé de la mouiller : cela évite que le dentifrice déposé sur les brins ne se dilue et perde de son efficacité. La prise en main de la brosse à dents doit se faire selon la méthode “du stylo”, entre le pouce et l’in-dex, particulièrement conseillée à ceux qui appuient fortement sur le manche en écrasant les brins de la brosse et, de ce fait, anéantissent l’effet recherché dans le bros-sage. La prise dite “à la paume”, typique chez les enfants, permet de tenir fermement le manche. Elle est conseillée aux personnes qui appuient doucement sur le manche afin d’avoir une meilleure maîtrise des mouvements. Pour acquérir un automatisme, il est nécessaire de suivre toujours le même ordre : par exemple, brosser d’abord le maxillaire inférieur, puis le supérieur. La partie intérieure des dents doit être nettoyée en partant des molaires de gauche pour aller vers la droite, là où le nettoyage est le plus difficile. En effet, le sillon gin-gival, difficile d’accès, entre la dent et la gencive, peut se creuser et former des poches parodontales, véritables nids bactériens. Il y a alors déplétion d’oxygène, multi-plication des germes anaérobies et accumulation de plaque dentaire. Les mouvements doivent ensuite être dirigés sur la partie externe des dents, de droite à gauche. Les faces occlusales (les surfaces qui mastiquent) doivent être net-toyées en effectuant trois ou quatre mouvements de va-et-vient, de droite à gauche, par groupe de deux dents. Enfin, le brossage se termine par celui des faces proxi-males (côtés des dents) externes ou internes, soit la face mésiale et la face distale. w

F Se brosser les dents minutieu-sement 3 fois par jour (après chaque repas), avec une brosse à dents souple et un dentifrice fluoré contenant un antiseptique en cas de problèmes de gencives. Ne pas oublier les espaces inter-dentaires. Terminer par un rinçage soigneux.

F Respecter le temps de brossage de 3 minutes, nécessaire à l’efficacité du nettoyage ainsi qu’à celle des actifs contenus dans le dentifrice.

F Renouveler sa brosse à dents tous les 3 mois ou plus souvent si elle est abîmée.

F Si les gencives saignent, utiliser une brosse à dents souple et des dentifrices antiseptiques, mais ne pas stopper les brossages.

F Prévoir une visite chez le chirur-gien-dentiste une fois par an afin de contrôler la denture et d’effectuer un détartrage.

F Ne pas effectuer quotidiennement des bains de bouche antiseptiques sur une longue période. En revanche, les solutions dentaires fluorées peuvent être utilisées au long cours.

F Se brosser les dents après la prise de granules, de pastilles et de sirops, notamment le soir avant le coucher (en cas de prise de granules homéo-pathiques, espacer le brossage de 30 minutes).

Prévention des caries, les conseils à l’officine

Déclaration d’intérêts :

les auteurs déclarent ne pas

avoir de confl its d’intérêts

en relation avec cet article.

Les auteursJulie BONNOTDocteur en pharmacie,

6 rue Joseph-Chapelle,

69008 Lyon, France

[email protected]

François PILLONService de pharmacologie

clinique, Faculté de médecine

Laennec, 8 rue Guillaume-

Paradin, 69008 Lyon, France

[email protected]