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UNE BULLE INEDITE DU PAPE LEON X
concernant Voisage en la Terre de Gorze par
M. A N D R E B E L L A R D
A côté des innombrables documents historiques de tous ordres dont les guerres ont consommé la perte, il se trouve parfois que celles-ci ont procuré la mise au jour de pièces depuis longtemps ensevelies dans un complet oubli.
C'est ce qu'il est advenu pour la bulle inédite du pape Léon X que nous avons la bonne fortune de publier aujourd'hui. Circonstance qui en avive l'intérêt : alors qu'elle concerne le domaine de Voisage (1) en la Terre de Gorze, c'est presque sur place qu'elle a été découverte — à Corny — du fait de la guerre 1939-1945.
Il s'agit, rédigé en latin, d'un fort document sur parchemin, aux dimensions de 0 m 685 sur 0 m 516, daté de 1518 (2) dont une mention inscrite au revers, à l'occasion d'un classement de titres qu'on peut dater du xvm e siècle, expose la nature et l'objet dans les termes que l'on trouvera reproduits ci-contre.
(1) Dépendant actuellement de la commune d'Arry, Voisage était jadis annexe de la paroisse de Novéant-sur-Moselle. Une charte du comte Boson cite déjà Voisage en l'an 770 (Wasaticum). La prononciation traditionnelle est Ouasage (comme il en est pour Woippy) : l'on trouve dans les textes anciens les vocables Waisaige (1398) et Wasage (1436) ; l'orthographe moderne apparaît en 1756 (Voizage).
Voisage était, au XlVe siècle (1324), une marche d'estault où «e tenaient les « journées amiables » entre la cité de Metz et le comté de Bar. Elle souffrit grandement au cours de la guerre qui mit aux prises la cité de Metz et le duc René II de Lorraine de février à juin 1490 puis de janvier 1492 à mai 1493 et, entre temps, dès avril 1491, des coups de main conduits sur les terres messines par les soudards de Lorraine et de Bar.
Les parties anciennes des bâtiments actuels remontent aux travaux entrepris vingt-cinq ans plus tard par Martin Pinguet ; de nos jours, on a vu les murs vénérables se couvrir de « réclames » criardes, et l'an 1963 combler les douves à grand renfort de déchets de tuilerie.
Nous n'avons pu établir quand et en quelles conditions Voisage se dégagea de l'héritage de Martin Pinguet ; toutefois le Terrier de Novéant (1746) mentionne, pour « 130 arpents 54 perches de Roy faisant 187 jours 395 verges messines », le « chef-lieu du fief de Voysage, à Mrs de la Mission de Metz, mouvant en plain fief de l'abbaye de Gorze ».
(2) Dom Calmet a eu connaissance d'une bulle de Léon X accordée également en cette même année 1518, mais elle concernait la collégiale de la Madeleine, à Verdun.
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Bulle de Léon qui confirme la convention faite entre les religieux de Vabbaye de Gorze et le Sr Martin Pin-guet, laquelle convention porte que le lieu de Voisage, qui appartenoit à ladite abbaye de Gorze avec, toute supériorité et jurisdiction ayant été dépeuplé par le malheur des guerres, il seroit permis audit Sr Pinguet de rebâtir une maison sous la même rente que payoient les anciens habitans, c est-à-dire sous la rente annuelle de cinq muids de vin moyennant quoi ledit Sr Pinguet demeu-reroit propriétaire de Voisage et de toutes ses appartenances. — 1518.
Nulle marque d'archives administratives ou privées ne permet de connaître en quelle retraite la bulle a reposé avant d'en ressortir. Sa lisibilité est parfaite, ainsi que sa conservation générale, tant en ce qui concerne le manuscrit que la lourde bulle de plomb appendue à un cordonnet lui-même inaltéré. Selon toute apparence, le précieux document se sera transmis de génération en génération et probablement à l'insu de ses derniers détenteurs, blotti en quelque coffre ou tiroir secret d'un meuble vénérable dont les dévastations et pillages, si considérables durant la dernière guerre dans les localités en cause, allaient le faire sortir.
Par bonheur, il est venu aux mains de notre parent Georges Viller, passionné et fort averti de tout ce qui touche au passé de sa petite patrie, qui nous l'a remis à toutes fins utiles : après publication il ira tout naturellement enrichir le fonds de Gorze aux Archives de Moselle, de la part de son inventeur à qui nous exprimons dès maintenant nos meilleurs compliments.
La traduction de l'épineux texte latin a été assurée par M. l'abbé Th. Henrion, licencié ès lettres, qui fut longtemps un professeur fort estimé du renommé collège de La Malgrange avant de se dévouer de longues années durant à la paroisse de Novéant, dont il fut le curé avant d'y prendre sa retraite. M. l'abbé Henrion a bien voulu sacrifier à cette scrupuleuse tâche de nombreuses heures de ses studieux loisirs : le plaisir manifeste qu'il y prit, précisément en fonction du caractère local du document, ne saurait restreindre la gratitude dont il trouvera ici l'assurance.
La bulle pontificale met en scène le curieux et fort important personnage dont la sépulture fut, avec plusieurs autres, découverte en 1914 au cours des travaux qui se poursuivaient en la cathédrale
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de Metz pour l'installation d'un calorifère. Il s'agit de Martin Pinguet, dont la mémoire ne sortira pas grandie de la présente publication — mais déjà dom Calmet, avec son habituel franc-parler, ne nous l'avait-il pas montré « longtemps infidèle administrateur des affaires du cardinal de Lorraine, faisant sa bourse et prêtant de l'argent à son maître » ?
Nous Talions voir ici fort occupé, à la faveur du malheur des temps, à tirer pié ou aile du domaine abbatial de Gorze (3) et se constituer de Voisage un fief personnel « pour en être à jamais possesseur, lui, ses héritiers, ses successeurs et ayants cause », ayant disposé de l'astuce et de l'entregent nécessaires pour couvrir l'opération de la plus vénérable autorité.
*
Originaire de l'Anjou, apparemment venu en Lorraine « dans les fourgons » des ducs angevins et tout dévoué à René II, Martin Pinguet avait gagné, on ne sait quand ni comme, la confiance du 54 e abbé de Gorze (1473-1486), Julien de la Rovère, cardinal du titre de Saint-Pierre-aux-Liens, neveu du pape Sixte IV et qui, devenu lui-même l'illustre Jules II, occupera de 1503 à 1513 le siège de saint Pierre. Pinguet joua un rôle certain dans le désistement de Julien de la Rovère en faveur de Vary de Dommartin (4), prieur de Varangéville et déjà son propre vicaire général pour Gorze avec promesse de succession.
Nous retrouverons Martin Pinguet, à compter de juin 1504, à la tête du prieuré cistercien d'Aube — qu'il fera, moyennant pension viagère et devenu chanoine , réunir au chapitre de la cathédrale de Metz — puis, à dater du 14 août 1504, archidiacre de Vie.
L'abbé Vary de Dommartin, pareillement dévoué à la maison de Lorraine, jouit de l'entière confiance du duc René II et, quant à lui, investit Martin Pinguet, son bras droit, de sa confiance entière. On voudrait être sûr qu'il y eut seulement pas de clerc en ceci : qu'un beau jour Martin Pinguet attira cauteleusement à Gorze
(3) Nous croyons pouvoir renvoyer à notre étude Sur le rattachement a la France cfa la Terre de Gorge qui désirerait se pénétrer du climat dans lequel s'est perpétrée la décadence de l'antique abbaye.
(4) Vary de Dommartin, de noble famille barroise, bénédictin de Saint-Evre près Toul, futur abbé de G-orze (1487-1508), avait été « envoyé aux Ecoles à Paris» , mais, rapporte dom Calmet d'un ton désabusé, « y fit de grands progrès dans les lettres humaines » et « se mit peu en peine de la théologie et des études qui concernent la religion ».
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son propre débiteur, le changeur Richard Voiltre, de Saint-Nicolas-de-Port, pour l'enfermer dans les geôles abbatiales. Or ce Voiltre était un homme « que le Duc affectionnait à cause des services qu'il rendait au pays par son grand crédit ». D'où colère du duc, disgrâce de Vary tenu pour responsable — et qui en meurt désespéré le 7 juillet 1508.
Les voies alors se trouvent libres pour l'accession au trône abbatial de Gorze, tout juste huit jours plus tard, de Jean de Lorraine, le propre fils de René II, déjà évêque de Metz. C'est un mineur de dix printemps : Martin Pinguet en sera le lieutenant indispensable pour l'administration du temporel de l'abbaye (Voi-sage inclus...) ; en date du 19 janvier 1516 il sera constitué par l'abbé Jean, officiellement, vicaire administrateur et gouverneur de Gorze...
Notre personnage est maintenant en scène ; les décors sont plantés ; l'on va trouver ci-dessous, dans son texte original puis dans la traduction qu'en a établi M. l'abbé Henrion, la bulle de 1518 :
L e o e p i s c o p u s s e r v u s s e r v o r u m D e i d i l e c t i s f i l i i s C l a u d i o
M e r g e r e t , c a n o n i c o E c c l e s i a e M e t e n s i s , et O f f i c i a l i M e t e n s i s a l u -
t e m et a p o s t o l i c a m b e n e d i c t i o n e m . l i s quae p r o m o n a s t e r i o r u m
et a l i o r u m R e g u l i a r i u m l o c o r u m u t i l i t a t e , f a c t a f u i s s e d i c u n t u r ,
u t f i r m a et i l l i b a t a p e r s i s t a n t , c u m a n o b i s p e t i t u r , m a n d a m u s
a d j i c i a p o s t o l i c i m u n i m i n i s f i r m i t a t e m . D u d u m s i q u i d e m a
f e l i c i s r e c o r d a t i o n i s P a u l o p a p a II p r a e d e c e s s o r e n o s t r o e m a -
n a r u n t l i t t e r a e t e n o r i s s u b s e q u e n t i s . P a u l u s e p i s c o p u s s e r v u s
s e r v o r u m D e i , ad p e r p e t u a e r e i m e m o r i a m . C u m i n o m n i b u s
j u d i c i i s s i t r e c t i t u d o j u s t i c i a e et c o n s c i e n t i a e p u r i t a s o b s e r v a n d a ,
i d m u l t o m a g i s i n c o m m i s s i o n i b u s a l i e n a t i o n u m r e r u m eccle-
s i a s t i c a r u m c o n v e n i t o b s e r v a r i i n q u i b u s de C h r i s t o p i p a t r i m o
n i o et d i s p e n s a t i o n e p a u p e r u m , n o n de p r o p r i o c u j u s q u e p e c u l i o
a g i t u r a u t t r a c t a t u r . Q u a p r o p t e r o p o r t e t u t i n e x a m i n a n d i s h u j u s -
m o d i a l i e n a t i o n u m c a u s i s , quae a sede a p o s t o l i c a i n f o r m a s i
i n e v i d e n t e m u t i l i t a t e m cédant , o n e r a t i s e c c l e s i a s t i c o r u m j u d i -
c u m c o n s c i e n t i i s d e l e g a n t u r n i c h i l f a v o r u s u r p e t , n i c h i l t i m o r
e x t o r q u e a t n u l l a e x s p e c t a t i o p r a e m i i j u s t i c i a m s u b v e r t a t . M o n e -
m u s i g i t u r et s u b i n t e r m i n a t i o n e d i v i n i j u d i c i i o m n i b u s c o m
m i s s a r i i s et d e l e g a t i s h u j u s m o d i d i s t r i c t e p r œ c e p i m u s u t caute
et d i l i g e n t e r a t t e n d a n t c a u s a s i n l i t t e r i s a p o s t o l i c i s p e r s u p p l i -
c a t i o n e s e x p r e s s a s i l l a s q u e s o l i c i t e e x a m i n e n t a t q u e d i s c u t i a n t ,
t es tes et p r o b a t i o n e s s u p e r n a r r a t o r u m v e n t a t e r e c i p i a n t , et
s o l u m D e u m p r a e o c u l i s h a b e n t e s , o m n i t i m o r e a u t f a v o r e
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d e p o s i t o , e c c l e s i a r u m i n d e m n i t a t i b u s c o n s u l a n t n e c i n l a e s i o n e m a u t d e t r i m e n t u m e o r u m , d e c r e t u m q u o m o d o l i b e t i n t e r p o n a n t . S i q u i s a u t e m c o m m i s s a r i u s a u t d e l e g a t u s c o n s c i e n t i a e s u a e p r o -d i g u s , g r a v a m e n a u t d e t r i m e n t u m ecclesiae p e r g r a t i a m , t i m o -r e m v e l s o r d e s a l i e n a t i o n i c o n s e n s e r i t , a u t d e c r e t u m v e l aucto-r i t a t e m i n t e r p o s u e r i t , i n f e r i o r q u i d a m ep iscopo s e n t e n t i a m e x c o m m u n i c a t i o n i s i n c u r r a t . E p i s c o p u s v e r o a u t s u p e r i o r ab e x e c u t i o n e o f f i c i i p e r a n n u m n o v e r i t se s u s p e n s u m , ad e x t i m a -t i o n e m d e t r i m e n t i ecclesiae i l l a t i n i c h i l o m i n u s c o n d e m n a n d u s . S c i t u r u s q u o d s i s u s p e n s i o n e d u r a n t e d a m n a b i l i t e r se i m m i s -c u e r i t i n d i v i n i s , i r r e g u l a r i t a t i s l a q u e o se i n v o l v e t a q u a n o n -n i s i p e r s u m m u m P o n t i f i c e m p o t e r i t l i b e r a r i . I s v e r o q u i do lo v e l f r a u d e , a u t s c i e n t e r i n d e t r i m e n t u m E c c l e s i a e a l i e n a t i o n e m f i e r i p r o c u r a v e r i t , a u t p e r s o r d e s v e l i m p r e s s i o n e s a l i e n a t i o n i s d e c r e t u m e x t o r s e r i t , s i m i l e m e x c o m m u n i c a t i o n i s s e n t e n t i a m i n c u r r a t , a q u a n o n n i s i p e r R o m a n u m P o n t i f i c e m p o s s i t a b s o l v i , ad r e s t i t u t i o n e m n i c h i l o m i n u s r e r u m a l i e n a t a r u m c u m f r u c t i b u s q u a n d o c u m q u e de p r o e m i s s i s c o n s t i t e r i t c o n d e m n a n d u s . V o l u -m u s a u t e m q u o d de legat i a u t c o m m i s s a r i i p r a e d i c t i de p o e n i s c o n s t i t u t i o n i s meae s p e c i f i c e m o n e a n t u r et i n q u i b u s c u m q u e l i t -t e r i s c o m m i s s i o n u m h u j u s m o d i hoc s t a t u t u m m e u m i n s e r a t u r . N u l l i e r g o o m n i n o h o m i n u m l i cea t h a n c p a g i n a m n o s t r a e m o n i t i o n i s , p r a e c e p t i et v o l u n t a t i s , i n f r i n g e r e v e l ei a u s u t e m e r a r i o c o n t r a i r e . S i q u i s a u t e m h o c a t t e m p t a r e p r a e s u m p s e r i t , i n d i g n a t i o n e m o m n i p o t e n t i s D e i ac b e a t o r u m P e t r i et P a u l i a p o s t o l o r u m e j u s se n o v e r i t i n c u r s u r u m . D a t u m R o m a e a p u d s a n c t u m P e t r u m , a n n o I n c a r n a t i o n i s D o m i n i c a e m i l l e s i m o q u a d r i n g e n t e s i m o s e x a g é s i m o q u i n t o , 18 M a i i , P o n t i f i c a t u s n o s t r i a n n o p r i m o .
E t d e i n d e e x h i b i t a n o b i s n u p e r p r o p a r t e d i l e c t i f i l i i M a r t i n i P i n g u e t , a r c h i d i a c o n i de V i c o ac c a n o n i c i E c c l e s i a e M e t e n -s i s p e t i t i o c o n t i n e b a t q u o d a l i a s b o n a e m e m o r i a e W a r i c u s de D o m p n o m a r t i n o t u n c a b b a s et d i l e c t i f i l i i c o n v e n t u s m o n a s t e r i i G o r z i e n s i s o r d i n i s s a n c t i B e n e d i c t i M e t e n s i s d ioceseos ad R o m a n a m ecc les iam n u l l o m e d i o p e r t i n e n t i s c u p i e n t e s e o r u m ac d i c t i m o n a s t e r i i c o n d i c i o n e m e f f i c e r e m e l i o r e m ac c o n s i d e r a n t e s q u o d c u m i n t e r cetera d o m i n i a ac b o n a i m m o b i l i a s u b d i t i o n e e j u s d e m m o n a s t e r i i e x i s t e n t i a et ad i l l u d l e g i t i m e s p e c t a n t i a esset q u i d a m l o c u s j a m p l u r i b u s a n n i s e l a p s i s a l i q u i -b u s l i c e t a d m o d u m p a u n i s i n c o l i s h a b i t a t u s v o c a t u s c o m m u n i t e r et a p p e l a t u s S a n c t i J o a n n i s de W a s a i g e s p r o p e l o c u m de N o u -v y a n d ic tae d ioceseos e t i a m ad i p s u m m o n a s t e r i u m c u m o m n i s u p e r i o r i t a t e et j u r i s d i c t i o n e l e g i t i m e s p e c t a n s et p e r t i n e n s c u j u s i n c o l a e et h a b i t a t o r e s r a t i o n e t e r r a r u m i n t r a f i n e s et l i m i t e s d i s t r i c t u s d i c t i l oc i de W a s a i g e s s i t a r u m , a n n i s s i n g u l i s cano-n e m s i v e c e n s u m a n n u u m q u i n q u é m o d i o r u m v i n i m e n s u r a e i l l a r u m p a r t i m e i d e m m o n a s t e r i o s e u v i l l i c o et j u s t i c i a e e j u s -
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d e m l o c i de W a s a i g e s t u n c e x i s t e n t i b u s et p r o d i c t o m o n a s t e r i o
r e c i p i e n t i b u s s o l v e r e t e n e b a n t u r . S i n i s t r i s e v e n t i b u s et g u e r r a -
r u m t u r b i n i b u s c a u s a n t i b u s l o c u s de W a s a i g e s p r a e d i c t u s adeo
d e s o l a t u s r e m e n s e r a t u t n o n s o l u m v i l l i c o et j u s t i c i a , v e r u m
e t i a m q u o c u m q u e i n c o l a et h a b i t a r e f o r e t d e s t i t u t u s , ob q u o d
i l l i u s ac e j u ¿ d i s t r i c t u s r e g i m e n p e r h u n c i p s i u s m o n a s t e r i i
a b b a t e m j u s t i c i a e d i c t i l oc i de N o u v y a n c o m m i s s u m f u e r i t c u j u s
q u i d e m j u s t i c i a e de N o u v y a n v i l l i c u s et o f f i c i a r l i t e r r a s i p s i u s
l o c i de W a s a i g e s d i v e r s i s a g r i c u l t o r i b u s p a g o r u m a d j a c e n t i u m
t a m e i d e m m o n a s t e r i o s u b d i t o r u m q u i a n o n s u b d i t o r e s ad
a n n u u m c e n s u m d i m i s e r a n t , a q u i b u s m o n a s t e r i u m p r a e d i c t u m
p a r u m v e l n i c h i l u t i l i t a t i s p e r c i p i e b a t et i p s o canone p r i v a t u m
e r a t , c a n o n e m s i v e c e n s u m a b o l i t u m ac m o n a s t e r i u m h u j u s m o d i
f o r e eo i n s u i s r e d d i t i b u s i n t r o i ' t i b u s ac p r o v e n t i b u s a t t e n u a t u m
p a r u m q u e a u t n i c h i l u t i l i t a t i s ex d i c t i d i s t r i c t u s de W a s a i g e s
t e r r i s s i c u t p r a e f e c t u r p e r d i c t a m j u s t i c i a m de N o u v y a n d i m i s s i s
p e r c i p e r e ac v o l e n t e s M o n a s t e r i u m p r a e d i c t u m ad d i c t u m cano
n e m s i v e c e n s u m r e i n t e g r a r e , l o c u m de W a s a i g e s p r a e d i c t u m
c u m i l l i i s t e r r i s a t t i n e n t i i s ac o m n i b u s j u r i b u s et p e r t i n e n t i i s
s u i s , d i c t o M a r t i n o p r o se s u i s q u e h e r e d i b u s et s u c c e s s o r i b u s ac
a se c a u s a m h a b e n t i b u s p e r p e t u o p o s s i d e n d u m et t e n e n d u m ad
a n n u m p r i s t i n u m c a n o n e m s i v e c e n s u m q u i n q u é m o d i o r u m v i n i
h u j u s m o d i t e m p o r e v e n d e m i a r u m j u s t i c i a e d i c t i m o n a s t e r i i i n
e o d e m loco de N o u v y a n a n n u a t i m s o l v e n d o r u m hac t a r n e n con
d i c i o n e , q u o d p r o m o n a s t e r i i et c a n o n i s s i v e c e n s u s h u j u s m o d i
s o l u t i o n i s s e c u r i t a t e , q u o d c o n t i a v a d i u m i n i l l i s p a r t i b u s appe l
l a t o r , d i c t u s M a r t i n u s i n f r a q u i n q u é a n n o s t u n c i m m e d i a t e
s e q u e n t e s i n a e d i f i c a t i o n e u n i u s d o n u s i n d i c t o loco de W a s a i g e s
t r e c e n t o s f r a n c o s m o n e t a e m e t e n s i s e x p o n e r e ac c a n o n e m s i v e
c e n s u m p r a e d i c t u m , u t p r a e f e r t u r s o l v e r e debere t . E t casu q u o
q u i n q u é m o d i a v i n i h u j u s m o d i d i c t o t e m p o r e n o n c o n s i g n e t ,
i p s e et e j u s h e r e d e s ac s u c c e s s o r e s et c a u s a m h a b e n t e s tene-
r e n t u r e i d e m m o n a s t e r i o s e u i l l i u s a b b a t i p r o t e m p o r e e x i s t e n t i
a n n i s s i n g u l i s p r i m a D o m i n i c a Q u a d r a g e s i m a e q u a m B r a n d o n e s
a p p e l l a n t , c e n t u m s o l i d o s d ic tae m o n e t a e p e r s o l v e r e , et i n d e f e c t u
s o l u t i o n i s h u j u s m o d i j u s t i c i a d i c t i l o c i de N o u v y a n p o s s e t m a n u m
e i d e m loco de W a s a i g e s a p p o n e r e et i l i u m s u b a s t a r e ac e i d e m
m o n a s t e r i o c u m i l l i u s m e l i o r a m e n t i s r e p r o p r i a r e et f o r s a n c u m
a l i i s p a c t i s et c o n d i c i o n i b u s l i c i t i s et h o n e s t i s t u n c e x p r e s s i s i n
e m p h i t e o s i m p e r p e t u a m s a l v o S e d i s A p o s t o l i c a e b e n e p l a c i t o
l o c a r u n t , a l i e n a r u n t et c o n c e s s e r u n t , p r o u t i n W a r r i c i a b b a t i s
et c o n v e n t u s p r a e d i c t o r u m l i t t e r i s a u c t e n t i c i s s e u i n s t r u m e n t s
d e s u p e r c o n f e c t i s , d i c i t u r p l e n i u s c o n t i n e r i . Q u a r e p r o p a r t e
d i c t i M a r t i n i a f f e r e n t i s l o c a t i o n e m , a l i e n a t i o n e m et concess io -
n e m p r a e d i c t a s i n e v i d e n t e m u t i l i t a t e m d i c t i m o n a s t e r i i cess isse
et cedere s e q u e m u l t i s a n n i s i p s i u s m o n a s t e r i i g u b e r n a t o r e m
f u i s s e et esse de p r a e s e n t i ac a m o r i s i n i p s u m m o n a s t e r i u m
202 U N E BULLE D U P A P E LEON X
a c c e n s u m a r d o r e n o n s o l u m d i c t o s t r e c e n t o s f r a n c o s , q u o s , u t p r a e f e r t u r , e x p o n e r e debebat , sed m i l l e et q u i n g e n t o s et u l t r a i n a e d i f i c a t i o n e d ic tae d o m u s e x p o s u i s s e ac t e r r a s a l i e n a t a s one-r i b u s et c e n s i b u s o n u s t a s ad j u s et p r o p r i e t a t e m loc i de W a s a i g e s et d o m u s a e d i f i c a t a e h u j u s m o d i r e c u p e r a s s e et r e p r o -p r i a s s e . V e p r e s q u e et d u m o s e x t i r p a s s e ac t e r r a s i n c u l t u m ad c u l t u r a m r e d i g i f e c i s s e s e q u e adeo et t o t a l i t e r h a b u i s s e u t c a n o n s i v e c e n s u s h u j u s m o d i e j u s occas ione t u t o s i t c o n s t i t u t u s loco , et a n o n n u l l i s q u i d i c t u m l o c u m de W a s a i g e s n o n v i d e r u n t , nec de p r a e m i s s i s n o t i c i a m h a b u e r u n t , d i c i p o s s e t i n f u t u r u m l o c u m i p s u m g r a v i i p s i u s M a r t i n i i m p e n s a u t p r a e f e r t u r , r e p a r a t u m f u i s s e , i n s i g n e m e m b r u m a d i c t o m o n a s t e r i o c o n t r a j u r i s d i s p o -s i t i o n e m et c a n o n i c a s s a n c t i o n e s t e n u i canone et l e n i c e n s u a l ie -n a t u m f u i s s e ac a l i e n a t o r e s et r e c i p i e n t e s i n p a e n a m d ic tae P a u l i n a e i n c i d i s s e , s i t q u e b o n a r u m m e n t i u m t i m e r e c u l p a m u b i c u l p a m i n i m e r e p e r i t u r , n o b i s f u e r i t h u m i l i t e r s u p p l i c a t u m u t e i s d e m l o c a t i o n i , a l i e n a t i o n i et c o n c e s s i o n i p r o i l l a r u m s u b s i s -t a n t i a f i r m i o r i r o b u r aposto l icae c o n f i r m a t i o n i s a d j i c e r e a l i o s -que i n p r a e m i s s i s o p o r t u n e p r o v i d e r e de b e n i g n i t a t e a p o s t o l i c a d i g n a r e m u r . N o s i g i t u r , de p r a e m i s s i s c e r t a m n o t i c i a m n o n h a b e n t e s , ac d i c t i l o c i de W a s a i g e s q u a l i t a t e s v e r i o r e s , s i t u a -t i o n e s c o n f i n i a et v o c a b u l a et v a l o r e s p r a e s e n t i b u s p r o e x p r e s s i s h a b e n t e s i p s u m q u e M a r t i n u m a q u i b u s v e e x c o m m u n i c a t i o n i s , s u s p e n s i o n i s et i n t e r d i c t i a l i i s q u e ecc les ias t i c i s s e n t e n t i i s cen-s u r i s et p a e n i s a j u r e v e l ab h o m i n e , q u a v i s occas ione v e l caus a l a t i s — s i q u i b u s q u o m o d o l i b e t i n n o d a t u s e x i s t i t , ad ef fec-t u m p r a e s e n t i u m d u m t a x a t c o n s e q u e n d u m h a r u m s e r i e a b s o l -v e n t e s et a b s o l u t u m f o r e censentes , h u j u s m o d i s u p p l i c a t i o n i b u s i n c l i n a t i d i s c r e t i o n i v e s t r a e p e r a p o s t o l i c a s c r i p t a m a n d a m u s , q u a t u m u s s i et p o s t q u a m v o c a t i s d i c t i s c o n v e n t u et a l i i s q u i f u e r u n t e v o c a n d i ac s e r v a t a f o r m a p r a e i n s e r t a r u m l i t t e r a r u m P a u l i p r a e d e c e s s o r i s h u j u s m o d i ac d i c t o loco de W a s a i g e s p r i u s c o r a m v o b i s s p e c i f i c a t o , de l o c a t i o n e et a l i e n a t i o n e ac concess i o n e p r a e d i c t i s , ac q u o d i l l a e i n e v i d e n t e m u t i l i t a t e m d i c t i m o n a s t e r i i c e s s e r i n t et cedant , v o b i s c o n j u n c t i m p r o c e d e n t i b u s l e g i t i m e c o n s t i t e r i t l o c a t i o n e m , a l i e n a t i o n e m et c o n c e s s i o n e m p r a e d i c t a s ac p r o u t i l l a s c o n c e r n u n t o m n i a et s i n g u l a i n d i c t i s l i t t e r i s s e u i n s t r u m e n t i s c o n t e n t a a u c t o r i t a t e n o s t r a a p p r o b e t i s et c o n f i r m e t i s s u p p l e a t i s q u e o m n e s et s i n g u l o s t a r n j u r i s q u a m f a c t i d e f e c t u s s i q u i f o r s a n i n t e r v e n e r i n t i n e i s d e m , n o n o b s t a n -t i b u s c o n s t i t u t i o n i b u s et o r d i n a t i o n i b u s a p o s t o l i c i s ac m o n a s t e r i i et o r d i n i s p r a e d i c t o r u m e t i a m j u r a m e n t o c o n f i r m a t i o n e apos to l i c a v e l q u a v i s f i r m i t a t e a l i a r o b o r a t i s s t a t u t i s et c o n s u e t u d i n i -b u s c o n t r a r i i s q u i b u s c u m q u e .
D a t u m R o m a e a p u d s a n c t u m P e t r u m , a n n o I n c a r n a t i o n i s D o m i n i c a e m i l l e s i m o q u i n g e n t e s i m o d e c i m o oc tavo , t e r t i a M a i i , P o n t i f i c a t u s n o s t r i a n n o s e x t o .
U N E BULLE D U P A P E LÉON X 203
T R A D U C T I O N
Léon, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à ses chers fils, Claude Mergeret, chanoine de l'Eglise de Metz et à l'Offi-cial de Metz, salut et bénédiction apostolique. Pour que demeurent stables et sans changement les conventions déclarées établies au profit des monastères et autres propriétés des Réguliers, comme on nous Va demandé, nous prescrivons d'y ajouter l'appui de la garantie apostolique. Le pape Paul II, notre prédécesseur, d'heureuse mémoire,, na-t-il pas en effet laissé, il y a quelque temps déjà, une lettre dont voici la teneur : « Paul, Evêque, serviteur des serviteurs de Dieu, pour mémoire perpétuelle du fait. Comme dans tout jugement, il faut garder la droiture de la justice et la pureté de conscience, il convient de le faire davantage encore dans les commissions d'aliénation des biens ecclésiastiques. Là, il s'agit et l'on traite du patrimoine, des richesses du Christ et de leur distribution aux pauvres, non de la propriété personnelle de chacun.
« C'est pourquoi, dans l'examen des causes de telles aliénations qui, s'il doit en résulter un avantage évident^ sont confiées par le Siège Apostolique dans les formes prescrites, aux consciences de juges ecclésiastiques responsables, il faut que rien ne soit usurpé par faveur, ou arraché par crainte ; il ne faut pas que l'attente d'une récompense étouffe la voix de la justice et de la conscience. Nous avertissons donc tous les commissaires et délégués en pareil cas et nous leur prescrivons rigoureusement, sous menace du jugement divin, de s'appliquer avec prudence et attention aux causes exposées sous forme de supplique dans une lettre apostolique, de les examiner et d'en discuter avec le plus grand soin, de recevoir les témoignages et les preuves de la vérité des faits rapportés et, avec Dieu seul devant les yeux, toute crainte ou faveur écartées, de veiller sur les dédommagements dus aux Eglises et de ne pas faire intervenir de quelque façon que ce soit, un décret à leur dommage ou détriment. Que si quelque commissaire ou délégué peu scrupuleux consentait par complaisance» par crainte ou autres motifs peu avouables à une aliénation qui serait une charge et un préjudice pour l'Eglise, ou bien s'il faisait intervenir un décret ou sa propre autorité, inférieur en dignité à l'Evêque, il tomberait sous le coup d'une sentence d'excommunication. Quant à VEvéque ou à un supérieur, il serait, qu'il le sache, suspens de l'accomplissement des devoirs de sa charge pendant un an, et en outre condamné à la réparation des dommages causés à l'Eglise. Il saura que si, durant sa suspense, il exerce d'une façon condamnable les fonctions, sacrées, il s'empêtrera dans le filet de l'irrégularité dont seul pourra le libérer le Souverain Pontife. D'autre part, celui qui par ruse, par fraude ou simplement avec habi-
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leté aurait mené à bien une aliénation au détriment de l'Eglise ou qui, par de basses manœuvres ou par pression, aurait extorqué un décret d'aliénation, il encourrait une semblable sentence d'excommunication dont il ne pourrait être absous que par le Souverain Pontife. Il serait condamné à la restitution des biens aliénés avec les intérêts, chaque fois que l'enquête l'imposerait. Nous voulons d'autre part que les délégués ou commissaires précités soient avertis tout spécialement des peines portées par ma constitution, et que dans toute lettre de commission, quelle qu'elle soit, on insère cette prescription qui est la mienne. En conséquence, qu'il ne soit donc permis à personne de supprimer cette page de notre avertissement, règlement et ordre ; ou par une téméraire audace d'aller à Vencontre. Si quelqu'un prend sur lui de le tenter, il encourt, qu'il le sache bien, l'indignation du Dieu tout-puissant et de ses bienheureux avôtres Pierre et Paul.
« Donné à Rome, près Saint Pierre, année de l'Incarnation de N.S. mil quatre cent soixante-cinq, le 1 8 mai, de notre Pontificat la première. »
Par la suite, récemment, nous a été communiquée en faveur de notre cher fils Martin Pinguet, archidiacre de Vie et chanoine de l'Eglise de Metz, une requête dont le contenu était que déjà Wary de Dommartin, dont le souvenir demeure vivant, abbé, et ses chers fils du monastère de Gorze, de l'ordre de saint Benoît, du diocèse de Metz,, indépendant de l'Eglise romaine, désirant améliorer leur condition et celle dudit monastère et considérant que — entre autres domaines et biens immeubles se trouvant sous l'autorité du même monastère et lui appartenant légitimement — il y avait un lieu habité depuis plusieurs années par quelques fermiers, d'ailleurs très peu nombreux, lieu-dit communément appelé Saint-]ean-de-Voisage, près du lieu de Novéant, dudit diocèse lui aussi, étant du ressort du monastère lui-même, et lui appartenant en toute supériorité et juridiction. Les fermiers et habitants, en raison de leurs terres situées dans les confins et limites dudit lieu de Voisage, étaient tenus de payer chaque année un canon ou cens de cinq muids de vin, à régler, suivant l'importance de la propriété» soit au même monastère, soit à l'administrateur ou à la justice du même lieu de Voisage existant alors et percevant pour ledit monastère. Mais, par suite d'événements malheureux et des troubles dus aux guerres, la contrée de Voisage précitée en était arrivée à ce point de désolation que non seulement l'administrateur et la justice, mais même les simples fermiers et habitants l'avaient quittée. Pour cette raison, l'administration de ce lieu et de son district avait été confiée par Vabbê du monastère lui-même à la justice dudit lieu de Novéant. Mais l'intendant et les officiers de cette justice avaient abandonné à leur tour les terres du lieu
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de Voisage à divers fermiers des cantons voisins qui, cependant sujets du même monastère, n'étaient pas soumis au cens annuel. De ces terres donc, te monastère ne retirait que peu ou pas d'avantages et ne touchait plus de canon.
L'abbé et les religieux, considérant alors que le canon ou cens étant supprimé, le monastère de ce fait étant appauvri dans ses revenus» ses rentrées, ses récoltes, les terres du district de Voisage abandonnées comme on l'a dit par la justice de Novêant, ne lui rapportaient plus rien, ou si peu, d'autre part voulant que le monastère perçoive à nouveau ledit canon ou cens, ils louèrent, aliénèrent, concédèrent, sous couvert de l'assentiment du Saint-Siège, le lieu de Voisage avec les terres y attenant et tous ses droits et appartenances audit Martin, pour en être à jamais possesseur, lui, ses héritiers» ses successeurs et ayants cause, et serait maintenu à l'année l'ancien canon ou cens de cinq muids de vin au temps des vendanges à régler annuellement à la justice dudit monastère en ce même lieu de Novêant, à cette condition cependant qu'en garantie de paiement du canon ou cens au monastère, ledit Martin, dans les cinq années qui suivent immédiatement, devrait — ce qu'en pareil cas on appelle un contre-gage — investir trois cents francs monnaie de Metz dans la construction d'une maison au lieudit de Voisage et payer le canon ou cens comme il est dit plus haut. Et au cas où il ne livrerait pas au temps fixé les cinq muids de vin, lui-même, et ses héritiers, ses successeurs et ayants cause seraient tenus de payer tous les ans au même, monastère ou à l'abbé alors en fonction, le premier Dimanche de Carême qu'on appelle les Brandons, cent sous d'or de ladite monnaie, et, à défaut d'un tel paiement, la justice de Novêant pourrait mettre la main sur ledit lieu de Voisage, le vendre aux enchères, et le rattacher au monastère avec ses améliorations, et peut-être d'autres traités ou conventions licites et honnêtes rédigés alors sous forme de bail emphytéotique à perpétuité selon qu'il est indiqué avec plus de détails dans la lettre authentique de Wary, abbée
et des religieux précités, ou dans les pièces y annexées. C'est pourquoi, en faveur dudit Martin, témoignant que les location, aliénation et concession précitées ont eu et ont encore comme effet un évident avantage pour ledit monastère, que lui-même, pendant de nombreuses années, a gouverné et gouverne encore présentement ce monastère pour lequel son profond attachement l'a porté non seulement à investir les trois cents francs — ce qu'il devait faire comme il a été dit — mais encore quinze cents et plus dans la construction de ladite maison, et que les terres aliénées, chargées d'obligations et d'impôts, il les avait recouvrées et rattachées en tout droit et propriété au lieu de Voisage et à la maison par lui construite, qu'il avait arraché broussailles et buissons, et rendu à la culture les terrains fri-
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ches : que lui-même s était donné totalement et à un tel point que le canon ou cens, grâce à lui, avait été rétabli définitivement. A un tel point aussi que, parmi ceux qui n'ont pas vu le lieu de Voisage et qui nont pas eu connaissance des conventions précédentes, quelques-uns pourraient dire — alors que la contrée elle-même a été remise en état, comme il est rapporté plus haut, grâce à de fortes dépenses de Martin — qu'une partie importante du domaine, d'un faible canon et d'un cens minime a été détachée du monastère à l'encontre des dispositions du droit et des sanctions canoniques et que ceux qui l'ont aliénée comme ceux qui l'ont reçue ont encouru la peine de la loi dite paulinienne, et qu'il se trouverait des consciences délicates pour redouter une faute alors qu'en fait il n'en existe pas la moindre. On a donc humblement prié notre bienveillance apostolique de vouloir bien, pour maintenir plus fermes ces mêmes location, aliénation et concession, y ajouter l'appui de la ratification du Saint-Siège et examiner favorablement les conventions antérieures.
C'est pourquoi, Nous, sans avoir une connaissance approfondie de ces conventions — mais considérant comme amplement conformes à la vérité les qualités, situations, confins, vocables et valeurs dudit lieu de Voisage tels qu'ils sont exposés dans la présente lettre — et pour en atteindre le but absolvant en conséquence et estimant le devoir faire, Martin lui-même de toute excommunication, suspense, interdit et autres sentences, censures et peines ecclésiastiques prévues par le droit ou portées contre l'individu à quelque occasion ou pour quelque cause que ce soit si de quelque façon il se trouve entravé par elles ; bien disposé par ailleurs à l'égard de telles suppliques ; voici ce que,, par cet écrit apostolique, nous attendons de votre bon vouloir :
Après avoir convoqué le couvent et ceux qu'on a cru bon d'inviter en son temps et suivant le règlement indiqué dans la lettre de notre prédécesseur Paul, reproduite plus haut, étant bien spécifié d'abord devant tous qu'il s'agit des location, aliénation et concession précitées du lieudit de Voisage ; après que tous deux, en face de l'assemblée, vous aurez constaté, conformément à la loi, que celles-ci ont eu et ont encore pour résultat un évident avantage pour ledit monastère — nous vous demandons alors d'approuver et de ratifier les location, aliénation et concession précitées, et, dans la mesure où elles les concernent^ toutes et chacune des affirmations couvertes de notre autorité dans ladite lettre où ses annexes, — de corriger aussi toutes et chacune des erreurs tant de droit que de fait s'il s'en est glissé dans cette même lettre, et cela nonobstant les constitutions et ordonnances apostoliques et les statuts ou coutumes contraires, quels qu'ils soient, du monastère ou de l'ordre précités, même
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confirmés sous la foi du serment par la ratification apostolique ou par quelque autre autorité que ce soit.
Donné à Rome, près Saint Pierre,, année de l'Incarnation de N.S. mil quinze cent dix huit, le 3 mai,, de notre pontificat la sixième.
Par la force des choses, la présente étude de la Bulle de Léon X s'étant trouvé emprunter quelque peu l'allure d'une biographie, il reste à apporter quelques touches encore au portrait de Martin Pinguet. En tâchant à le bien révéler par ces temps gros d'un souci d'œcuménisme, il ne nous aura nullement déplu d'avoir tiré de sous le boisseau tels témoignages d'abus et de faiblesses propres à mettre en lumière les causes profondes de la Réforme.
Manieur d'argent et créancier impitoyable, Martin Pinguet s'est montré à ses heures capable de gestes généreux ; chanoine de Metz, il avait dès 1504 contribué à la construction des stalles du chœur, et ce fut lui, par la suite, qui fit les frais de la construction du jubé dont la première pierre fut posée le 20 mars 1522, mais qui sera détruit en 1791. L'ascension de celui que dom Calmet attache tout d'abord en « domestique » à la personne de Vary de Dommartin se poursuit sans à-coup : nous le retrouverons abbé commendataire de Saint-Martin devant Metz le 11 décembre 1524, sans cesser pour autant d'être gouverneur de Gorze. C'est même en cette qualité qu'il assumera, l'année suivante, l'arrestation dans les bois de Chambley du prédicant Jean Châtelain, qu'il emprisonne à Gorze et fait conduire à Vie où le malheureux, « livré entre les mains de la justice séculière » suivant le processus adopté pour la Bonne Lorraine quatre-vingt-quatorze ans auparavant, périra comme elle, sur le bûcher, le 12 janvier 1525, à la grande indignation des Messins : ceux-ci, le surlendemain, saccagent et pillent de fond en comble la luxueuse demeure que Martin Pinguet s'était aménagée rue des Clercs.
La vie haute en couleurs, si représentative de son temps, de Martin Pinguet prit fin le 21 janvier 1541, où il mourut en son abbaye de Saint-Martin, aux portes de la ville. Il reçut sa sépulture en la cathédrale de Metz, où elle fut redécouverte, comme on l'a vu, en 1914, dans l'axe de la nef, en contrebas des degrés d'accès au transept, en un point d'où l'on accédait à l'escalier du jubé qu'il avait fait construire. On l'y a réinhumé le 11 janvier 1915, à hauteur de la huitième travée, à gauche du grand axe de la cathédrale, en lui donnant la compagnie, dans son sépulcre conservé, des cha-
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moines Jean Figuli, Jean de Gournay et Gérard de Mirabel, associés aux restes de plusieurs prélats non identifiés.
P R I N C I P A U X D O C U M E N T S E T O U V R A G E S C O N S U L T É S
A r c h i v e s de l a M o s e l l e , H 7 4 8 : Terrier et remembrement général [ ] de la Terre, Seigneurie et Abbaye royalle de Gorze. Tome second, contenant Novean, Dornot et Ancy-sur-Mozelle, 1 7 4 6 .
Histoire ecclésiastique et civile de Lorraine, p a r d o m C a l m e t , N a n c y , L e s e u r e , 1745 , ,
Dictionnaire topographique de l'ancien département de la Moselle,, p a r DE B o u t e i l l e r , P a r i s , I m p r i m e r i e n a t i o n a l e , 1 8 7 4 ( r é d i g é en 1 8 6 8 ) .
L'Abbaye de Gorze, p a r l 'abbé C h a u s s i e r , M e t z , H o u p e r t , 1 8 9 4 . Cartulaire de l'Abbaye de Gorze, p u b l i é p a r d ' H e r b o m e z , P a r i s , K l i n c k s i e c k ,
1 8 9 8 .
Histoire de Lorraine, p a r R . P a r i s o t , P a r i s , P i c a r d , 1 9 2 2 - 1 9 2 5 . La cathédrale de Metz — les Epitaphes, p a r G . T h i r i o t , L a n g r e s , I m p r i m e
r i e c h a m p e n o i s e , 1 9 2 8 .
Sur le rattachement à la France de la Terre de Gorze, p a r A . B e l l a r d , M e t z , Annuaire S.H.A.L., 1 9 6 1 , et t i r é s à p a r t .