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| actualités 5 OptionBio | Lundi 22 juin 2009 | n° 421 A oût 2006, un homme fié- vreux âgé de 75 ans non diabétique, non alcoolique avec hypertension et fibrillation auriculaire, est admis à l’hôpital pour otalgie, otorrhée, hyperphagie et enrouement. Douze ans aupara- vant, il avait subi une perforation bilatérale de la membrane tympa- nique pour une otalgie intermittente et une otorrhée. En mai 2006, son ORL avait prescrit de l’ofloxacine en gouttes auriculaires et de la cipro- floxacine pour, de nouveau, otalgie et otorrhée. Mastoïdite traitée par antibiothérapie En juin 2006, il avait été admis à l’hô- pital pour une paralysie du nerf facial droit périphérique et une asthénie. Il était fébrile avec une concentration sérique en CRP à 72 mg/L. Le reste du bilan sanguin était normal. Le scanner et l’IRM cérébrale montrent une opacification de la mastoïde droite sans pathologie intracrânienne ou méningée. La radiographie thora- cique est normale. Le diagnostic de mastoïdite est donc posé et un trai- tement antibiotique par ceftazidime et flucloxacilline institué. L’explora- tion chirurgicale montre une granu- lation tissulaire dans le canal auditif externe. À l’examen microscopique, il existe une nécrose inflammatoire chronique active. Les cultures sont négatives et l’évolution du patient est favorable en deux semaines. Une infection du SNC à Pseudallescheria boydii Au mois d’août, une dysfonction du nerf crânien est diagnostiquée ainsi qu’une anomalie des nerfs vagaux et glossopharygien droit. La CRP est à 57 mg/L avec un nombre de globu- les blancs normal. Les cultures bac- tériologiques au niveau de l’oreille retrouvent Pseudomonas aeruginosa et l’amoxicilline est donc remplacée par le méropénem. Deux semaines plus tard, le patient développe une céphalée, une douleur de la nuque et une paralysie du nerf abduc- teur. L’analyse du liquide céphalo- rachidien montre une pléiocytose avec des leucocytes à 17x10 6 /L. Le tableau clinique suggère une ménin- gite chronique mais les cultures restent négatives. Le patient décé- dera trois semaines plus tard d’une pneumonie. L’autopsie montre un exsudat leptomeningé purulent. Il existe une inflammation nécrosante active chronique des nerfs crâniens. La culture de l’exsudat est positive à Pseudallescheria boydii, bactérie retrouvée habituellement dans l’eau polluée et le sol. Les infections du système nerveux central (SNC) res- tent très rares. | O.M. Source Stalpers X, Smink-Bol M et al. Fatal consequence of an ear infection. Lancet 2009 ; 373 :1658. bactériologie Une infection auriculaire fatale épidémiologie La maladie de Chagas, cent ans après I l y a tout juste cent ans, le 15 avril 1909, Carlos Chagas écrit du Bré- sil une note préliminaire annon- çant l’existence d’une nouvelle trypanosomiase humaine transmise par une punaise ayant atteint un enfant. Chagas est intrigué par cette pathologie dont les symptômes ne rentrent pas dans les critères déjà connus et la définit comme une entité autonome morbide. Plusieurs éléments ont changé depuis la découverte de Chagas. Une évolution des modes de transmission En 2006, le Brésil a interrompu avec succès la transmission de Trypano- soma cruzi par Triatoma infestans, le principal vecteur. Des progrès ont été réalisés dans la prévention des autres moyens de transmission par le dépistage, en particulier chez les donneurs de sang. En termes de transmission congénitale, la ten- dance semble être à la diminution progressive du nombre de femmes fertiles infectées dans les zones où le contrôle du vecteur est encore effectif et continu. Mais de nouveaux modes de transmission ont été décrits. Des micro-épidémies d’infections aiguës transmises oralement par l’intermédiaire de nourriture conta- minée comme du sucre de canne ou du jus de fruit ont été rapportées. Ont également été évoqués d’autres mécanismes sporadiques de trans- mission incluant une contamination accidentelle professionnelle dans un laboratoire ou au cours d’une transplantation d’organe. Le partage d’une même aiguille intraveineuse représente aussi un nouveau mode de transmission urbaine de l’infection à T. cruzi. Une réactivation chez les sidaïques La maladie de Chagas affecte 12 millions de personnes et près de 28 millions sont à risque dans le monde. Les estimations suggè- rent qu’environ 14 millions de per- sonnes provenant de pays endé- miques habitent dans des zones non endémiques. L’exode vers des pays plus développés concerne des milliers de personnes affec- tées : ainsi, 100 000 individus (voire plus) infectés de manière chronique habitent désormais aux États-Unis. On a recensé plus d’une douzaine de cas lors de transfusions sanguines, de transplantations aux États-Unis, au Canada et dans différents pays d’Europe où il n’y a pas de recher- che sérologique de la maladie chez les donneurs. Plusieurs descriptifs ont montré une réactivation de la maladie de Chagas chez des patients atteints de Sida. | O.M. Source Igreja RP, Chagas disease 100 years after its dis- covery. Lancet 2009; 373: 1340. kaulitzki/Fotolia.com Ericos/Fotolia.com Schéma de l’oreille Punaise.

Une infection auriculaire fatale

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5OptionBio | Lundi 22 juin 2009 | n° 421

Août 2006, un homme fié-vreux âgé de 75 ans non diabétique, non alcoolique

avec hypertension et fibrillation auriculaire, est admis à l’hôpital pour otalgie, otorrhée, hyperphagie et enrouement. Douze ans aupara-vant, il avait subi une perforation bilatérale de la membrane tympa-nique pour une otalgie intermittente et une otorrhée. En mai 2006, son ORL avait prescrit de l’ofloxacine en gouttes auriculaires et de la cipro-floxacine pour, de nouveau, otalgie et otorrhée.

Mastoïdite traitée par antibiothérapieEn juin 2006, il avait été admis à l’hô-pital pour une paralysie du nerf facial droit périphérique et une asthénie. Il était fébrile avec une concentration sérique en CRP à 72 mg/L. Le reste

du bilan sanguin était normal. Le scanner et l’IRM cérébrale montrent une opacification de la mastoïde droite sans pathologie intracrânienne ou méningée. La radiographie thora-cique est normale. Le diagnostic de mastoïdite est donc posé et un trai-tement antibiotique par ceftazidime et flucloxacilline institué. L’explora-tion chirurgicale montre une granu-

lation tissulaire dans le canal auditif externe. À l’examen microscopique, il existe une nécrose inflammatoire chronique active. Les cultures sont négatives et l’évolution du patient est favorable en deux semaines.

Une infection du SNC à Pseudallescheria boydiiAu mois d’août, une dysfonction du nerf crânien est diagnostiquée ainsi qu’une anomalie des nerfs vagaux et glossopharygien droit. La CRP est à 57 mg/L avec un nombre de globu-les blancs normal. Les cultures bac-tériologiques au niveau de l’oreille retrouvent Pseudomonas aeruginosa et l’amoxicilline est donc remplacée par le méropénem. Deux semaines plus tard, le patient développe une céphalée, une douleur de la nuque et une paralysie du nerf abduc-teur. L’analyse du liquide céphalo-

rachidien montre une pléiocytose avec des leucocytes à 17x106/L. Le tableau clinique suggère une ménin-gite chronique mais les cultures restent négatives. Le patient décé-dera trois semaines plus tard d’une pneumonie. L’autopsie montre un exsudat leptomeningé purulent. Il existe une inflammation nécrosante active chronique des nerfs crâniens. La culture de l’exsudat est positive à Pseudallescheria boydii, bactérie retrouvée habituellement dans l’eau polluée et le sol. Les infections du système nerveux central (SNC) res-tent très rares. |

O.M.

SourceStalpers X, Smink-Bol M et al. Fatal consequence

of an ear infection. Lancet 2009 ; 373 :1658.

bactériologie

Une infection auriculaire fatale

épidémiologie

La maladie de Chagas, cent ans après

I l y a tout juste cent ans, le 15 avril 1909, Carlos Chagas écrit du Bré-sil une note préliminaire annon-

çant l’existence d’une nouvelle trypanosomiase humaine transmise par une punaise ayant atteint un enfant. Chagas est intrigué par cette pathologie dont les symptômes ne rentrent pas dans les critères déjà connus et la définit comme une entité autonome morbide. Plusieurs éléments ont changé depuis la découverte de Chagas.

Une évolution des modes de transmissionEn 2006, le Brésil a interrompu avec succès la transmission de Trypano-soma cruzi par Triatoma infestans, le principal vecteur. Des progrès ont été réalisés dans la prévention des autres moyens de transmission par le dépistage, en particulier chez les

donneurs de sang. En termes de transmission congénitale, la ten-dance semble être à la diminution progressive du nombre de femmes fertiles infectées dans les zones où le contrôle du vecteur est encore effectif et continu. Mais de nouveaux modes de transmission ont été décrits. Des micro-épidémies d’infections aiguës transmises oralement par l’intermédiaire de nourriture conta-minée comme du sucre de canne ou du jus de fruit ont été rapportées. Ont également été évoqués d’autres mécanismes sporadiques de trans-mission incluant une contamination accidentelle professionnelle dans un laboratoire ou au cours d’une transplantation d’organe. Le partage d’une même aiguille intraveineuse représente aussi un nouveau mode de transmission urbaine de l’infection à T. cruzi.

Une réactivation chez les sidaïquesLa maladie de Chagas affecte 12 millions de personnes et près de 28 millions sont à risque dans le monde. Les estimations suggè-rent qu’environ 14 millions de per-sonnes provenant de pays endé-miques habitent dans des zones non endémiques. L’exode vers des pays plus développés concerne des milliers de personnes affec-tées : ainsi, 100 000 individus (voire plus) infectés de manière chronique habitent désormais aux États-Unis. On a recensé plus d’une douzaine de cas lors de transfusions sanguines, de transplantations aux États-Unis, au Canada et dans différents pays d’Europe où il n’y a pas de recher-che sérologique de la maladie chez les donneurs. Plusieurs descriptifs

ont montré une réactivation de la maladie de Chagas chez des patients atteints de Sida. |

O.M.

SourceIgreja RP, Chagas disease 100 years after its dis-

covery. Lancet 2009; 373: 1340.

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Schéma de l’oreille

Punaise.