5
LA NATATION EN EPS UNE PRATIQUE PRIVILEIÉE ET RECOMMANDÉE POUR LA SANTÉ PAR P. PELAYO, D. MAILLARD, D. ROZIER Voici un article qui suscitera l'intérêt de tous les acteurs de notre discipline, en particulier ceux qui utilisent la natation dans le cadre de leur enseignement. C'est un travail qui vient à point pour illustrer l'articulation entre un objectif transversal et généreux - la santé - et les exigences propres aux contenus d'une activité physique : la natation. C'est aussi un encouragement à propo- ser des cycles d'enseignement ambitieux et consistants. Le défi du kilomètre doit induire des leçons où l'optimum du temps d'engagement moteur doit être recherché. C'est également une contribution qui ouvre des perspectives quant à l'évolu- tion des épreuves certificatives, en parti- culier de celles relatives à la compétence d'orienter et de développer les effets de l'activité physique en vue de l'entretien de soi. C'est enfin l'oeuvre collective et interca- tégorielle de trois collègues déjà bien connus pour leurs travaux dans le sec- teur natatoire. Nous apprécions qu'un enseignant de « terrain », D. Rozier, qu'un inspecteur pédagogique régional, D. Maillard, et qu'un enseignant-cher- cheur, P. Pelayo, unissent leurs efforts pour proposer à l'ensemble des ensei- gnants d'EPS leurs connaissances issues de trois champs d'expertise différents mais complémentaires. Un exemple à suivre... Michel Volondat, IGEN groupe de l'EPS LA NATATION : UNE PRATIQUE SOCIALE DE RÉFÉRENCE « En eau douce, en eau salée, la nata- tion peut être une activité de détente, une éducation physique, un loisir, une recherche de bien-être, un sport, une passion,... elle est accessible à tous les âges de la vie » [1]. Au cours de cette dernière décennie, les textes officiels programmant et organisant l'enseignement de l'EPS dans le premier et le second degré ont conforté voire accru la place réservée aux activités de la natation, de l'école élémentaire jusqu'aux classes prépara- toires des grandes écoles. Les récents programmes ont ainsi précisé ce que signifiait le savoir nager, dans le socle minimal garanti par l'école primaire, dans la culture physique commune du 53 Revue EP.S n°319 Mai-Juin 2006 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

UNE PRATIQUE PRIVILEIÉE - Free

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: UNE PRATIQUE PRIVILEIÉE - Free

LA NATATION EN EPS

UNE PRATIQUE PRIVILEIÉE ET RECOMMANDÉE

POUR LA SANTÉ PAR P. PELAYO, D. MAILLARD, D. ROZIER

Voici un article qui suscitera l'intérêt de tous les acteurs de notre discipline, en particulier ceux qui utilisent la natation dans le cadre de leur enseignement. C'est un travail qui vient à point pour illustrer l'articulation entre un objectif transversal et généreux - la santé - et les exigences propres aux contenus d'une activité physique : la natation. C'est aussi un encouragement à propo­ser des cycles d'enseignement ambitieux et consistants. Le défi du kilomètre doit induire des leçons où l 'opt imum du temps d'engagement moteur doit être recherché. C'est également une contribution qui ouvre des perspectives quant à l'évolu­tion des épreuves certificatives, en parti­culier de celles relatives à la compétence

d'orienter et de développer les effets de l'activité physique en vue de l'entretien de soi. C'est enfin l'œuvre collective et interca­tégorielle de trois collègues déjà bien connus pour leurs travaux dans le sec­teur natatoire. Nous apprécions qu'un enseignant de « terrain », D. Rozier, qu'un inspecteur pédagogique régional, D. Maillard, et qu'un enseignant-cher­cheur, P. Pelayo, unissent leurs efforts pour proposer à l'ensemble des ensei­gnants d'EPS leurs connaissances issues de trois champs d'expertise différents mais complémentaires. Un exemple à suivre...

Michel Volondat, IGEN groupe de l'EPS

LA NATATION : UNE PRATIQUE SOCIALE DE RÉFÉRENCE

« En eau douce, en eau salée, la nata­tion peut être une activité de détente, une éducation physique, un loisir, une recherche de bien-être, un sport, une passion,. . . elle est accessible à tous les âges de la vie » [1]. Au cours de cette dernière décennie, les textes officiels programmant et organisant l 'enseignement de l 'EPS dans le premier et le second degré ont conforté voire accru la place réservée aux activités de la natation, de l'école élémentaire jusqu'aux classes prépara­toires des grandes écoles. Les récents programmes ont ainsi précisé ce que signifiait le savoir nager, dans le socle minimal garanti par l'école primaire, dans la culture physique commune du

53

Revue EP.S n°319 Mai-Juin 2006 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

Page 2: UNE PRATIQUE PRIVILEIÉE - Free

collège, dans la culture singulière du lycée. Par ces textes réglemen­taires, notre nation a affirmé et explicité sa promesse de forma­tion, affiché les contenus d 'ap­prentissage correspondants , et s'est donnée les moyens de véri­

fier le degré d 'acquis i t ion des compétences visées. Ainsi, près de 15 % des candidats au b a c c a l a u r é a t ont cho is i l 'épreuve de natation de course parmi un référentiel national de 27 ép reuves . A cet te épreuve

mixte et paritaire par excellence, viendra s 'ajouter une seconde épreuve de natation, de sauvetage cette fois, dès la session 2006. Cet élan et cette dynamique sont le fruit d'une prise de conscience et d'une mobilisation de tous les

acteurs pour répondre à une com­mande sociale exprimée au début des années 1990 et parfaitement anticipée par le doyen de l ' Ins­pection générale du groupe EPS, Claude Pineau : « L 'enseigne­ment de la natation est devenu un impératif de sécurité individuelle et collective. En effet, le dévelop­pement important des déplace­ments et des voyages, les activités de pleine nature de plus en plus recherchées et dont beaucoup exigent la maîtrise d'une nage de sécurité, donnent à ce problème une dimension qui ne peut échap­per à la responsabilité de l'insti­tution scolaire. Les choix didac­t iques dev ron t d i s c e r n e r les priorités à établir, la maîtrise des pratiques utilitaires devant être dans ce type d'activité très large­ment privilégiée » [2]. Toute la réflexion menée et tra­duite dans le contenu des ensei­gnements et des épreuves d'exa­men au tour du t r ip tyque « se sauver - s'engager sans risques -sauver les autres » a incontesta­blement fait l'objet d'un profond consensus au sein de l'Education nationale et chez ses partenaires. Ce recen t rage sur les aspects sécuritaires au regard des condi­tions d'environnement et d'orga­nisation difficiles et des horaires limités de l 'EPS s'est accompa­gné ici et là de la tentation de limiter à l'école l 'enseignement de la natation à la maîtrise d'une pratique utilitaire avant tout sécu­ritaire, permettant l'accès à l'en­semble des loisirs aquat iques notamment quand les structures d ' a c c u e i l sont m i n i m a l e s (nombre de cycles et de séances

Tableau 1. Exemple de séance RPMA*

54 Revue EP.S n°319 Mai-Juin 2006 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

Page 3: UNE PRATIQUE PRIVILEIÉE - Free

limité, pauvreté des espaces d'ap­prentissage). Tentation dévasta­trice au demeurant, compte tenu d ' u n e nouve l l e c o m m a n d e sociale qui se dessine avec de plus en plus d'acuité. L'heure est venue de préciser aujourd'hui les contenus de formation au regard de visées éducatives liées à la santé. Une nouvelle commande sociale interpelle aujourd 'hui l'enseignement de l'EPS en géné­ral et de son volet natation en par t icul ier : « Apprendre aux lycéens et lycéennes à concevoir et conduire des projets d'entraî­nement, à orienter et développer les effets de l'activité physique en vue de l'entretien de soi ». Pourquoi pas en nageant ? La pratique sociale de référence est déjà là, dans les bass ins . Les adeptes du « jogging nagé » sont de plus en plus nombreux et exi­geants à jus te t i tre quant aux espaces requis qui ne leur sont pas toujours réservés.

DE L'AUTONOMIE À LA PRISE EN MAIN DE SA SANTÉ

Les pratiques de la natation peu­vent répondre de façon privilé­giée aux enjeux liés à l'entretien

et au développement de la santé à tous les âges de la vie ; et ce non seulement aux âges les plus avan­cés ou quand la mobilité de la personne se trouve momentané­ment ou définitivement réduite. La notion de plaisir ne peut être é t r angè re à cet te v isée : au contraire, elle doit être centrale pour ga ran t i r l ' e n g a g e m e n t pérenne de la personne sur ce reg is t re d 'e f for t l i b remen t consenti, parfois inconfortable. L'institution scolaire ne peut plus se contenter de limiter les conte­nus d'enseignement à l 'acquisi­tion du savoir nager sécuritaire comme condit ion d ' accès aux bassins ludiques et autres attrac­tions aquatiques. Suite au cycle central , où les compé tences à nager ou long ou vite en crawl ont été développées, il devient néces­saire de proposer aux élèves de 3 e , 2nde ou l r e un rendez-vous incon­tournable et significatif de trans­format ions profondes de leur motricité aquatique. Sa réussite doit attester d'une élévation suffi­sante du niveau d'habileté pour être en mesure d 'en t re teni r sa santé et si les conditions de pra­tique le permettent de la dévelop­per et de l'enrichir. Ce nouveau rendez-vous pourrait m a r q u e r un tournan t pou r la contribution de la natation sco­laire à l 'éducation physique et sportive de tous.

LE DÉFI DU KILOMÈTRE

La difficulté est réelle puisqu'il faut pouvoir s'adresser en même temps à des élèves nageurs de niveaux de pratique divers et de profils différents. Il s'agit d'in­venter une nouvelle forme de pra­tique scolaire de la natation qui pe rme t t e aux lycéens et lycéennes de vivre une expé ­

rience authentique d 'ent ra îne­ment. La visée première n'est pas de réaliser la meilleure perfor­mance poss ib le à un momen t donné mais d'obtenir des effets d'entretien ou de développement de leur capital « santé », par une meilleure connaissance physique d'eux-mêmes. Nager un kilomètre peut repré­senter le « défi » accessible à tous à condition de développer chez les élèves des compétences tech­niques suffisantes pour y trouver du plais ir , de leur donner les moyens de choisir les vitesses de nage les plus adaptées à leurs pro­jets mais aussi d'apprécier et éva­luer leur engagement grâce à des outils réutilisables tout au long de leur vie.

La séance RPMA* (tableau 1) :

L'élève se programme une séance d'entraînement d'environ 30 à 40 min dont la distance totale est supérieure ou égale au kilomètre

(1250 m dans notre exemple).

1er phase : explications, formu­lation du projet L'élève construit sa séance, fait un choix pour chaque séquence et prépare son matériel.

2" phase : réalisation de la séance Les 4 séquences imposées de 10 min sont séparées d'1 min de récupération au minimum et de 3 min au maximum. • Échauffement. • Séquence en bras seuls avec pu l l -buoy (de p ré fé rence en crawl, plaquettes au choix). • Séquence en j a m b e s se lon diverses modalités (avec palmes éventuellement, rétropédalage, transport d'objet). • Séquence de nage complète en variant éventuellement les moda­

lités de déplacement (ventrale, dorsa le , s imul tanée , a l ternée , avec éventuellement du matériel comme palmes, masque et tuba). Ces trois dernières séquences, d 'une durée au moins égale à 8 min, peuvent être réalisées en continu ou sous forme intermit­ten te avec des r é c u p é r a t i o n s égales ou inférieures à 15 s pour valoriser la mise en jeu du sys­tème de product ion d ' énerg ie aérobie (voir encadré p. 56).

3e phase : évaluation et appré­ciation de l'engagement Après la séance, chaque élève en reporte sur une fiche le contenu dans sa phase de projet mais aussi de réa l i sa t ion . Il po in te pour chaque séquence sa perception de l 'effort et son « s en t imen t éprouvé » (tableaux 2 et 3, p. 56). Ce type de séance est généra­lement bien perçu par les élèves et renouvelé avec enthousiasme. Il semble que la part d'autonomie qui leur est accordée constitue une rupture appréciée au regard des séances d'entraînement habi­tuelles plus contraignantes.

La séance RPMA +

Pour ce deuxième niveau de solli­citation, l'élève est capable d'in­tégrer en plus une série en inter-val-training d 'une durée de 8 à 15 min sollicitant sa puissance maximale aérobie.

Critères de validation de la série • La série est réal isée sur une s équence en bras ou en nage complète. • La récupération est inférieure au temps de nage du parcours qui la précède. • L'élève maintient une fréquence de nage supérieure à 35 cycles/min.

Le rattrapé

Cette coordination est souvent c o n f o n d u e avec l 'exerc ice c o n s i s t a n t à n a g e r un b ras après l'autre, les deux mains se re jo ignan t devant la tê te du nageur. Un crawl est dit en rattrapé lorsqu'un bras entame son retour alors que l'autre est encore en phase de glisse (et n'a pas commencé sa propul­sion). On peut donc nager avec un temps de rattrapé plus ou moins long, jusqu'au rattrapé complet.

55

Revue EP.S n°319 Mai-Juin 2006 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

Page 4: UNE PRATIQUE PRIVILEIÉE - Free

• L'élève maintient une vitesse de nage égale ou supérieure à 70 % de la vitesse maximale mesurée sur un 50 m ou supérieure à 90 % de la V M A (éva luée sur une épreuve maximale chronométrée de 6 min où la fréquence car­diaque était maximale à la fin de l'exercice ; 220 - âge - 10 +/-10) ;

Exemples pour 2 niveaux de pratique • Série pour un nageur réalisant 40 s au 50 m crawl et 6 min 30 au 400 m crawl chrono, 8 fois 50 m crawl nagé en 55 s avec une récu­pération de 25 s, soit un départ toutes les 1 min 20.

• Série pour un nageur réalisant 50 s au 50 m crawl et 6 min 30 au 300 m crawl chrono, 20 fois 25 m crawl nagé en 30 s avec une récu­pération de 15 s, soit un départ toutes les 45 s.

LES COMPÉTENCES NÉCESSAIRES

L'enjeu est bien de faire rentrer l 'élève dans des zones d'effort inconfortables afin de solliciter suf f i samment son o rgan i sme mais aussi pour qu' i l découvre qu'entretenir et même dévelop­

per sa santé peut p rocure r du plaisir et un bien-être et que cela n'est pas seulement réservé aux sportifs. Trois compétences nous semblent devoir être développées pour y parvenir.

Des prérecquis et de nouvelles compétences techniques

Il convient d'avoir préalablement résolu les objectifs liés à : - la néce s sa i r e maî t r i se des échanges respiratoires ; - la stabilisation de coordinations où la glisse est valorisée dans les nages alternées et les remises à plat dans les nages simultanées (diminution de la résistance de vague) ; - la valorisation de l'amplitude de nage en améliorant l'efficacité des actions propulsives. Ces objectifs sont régulièrement réintroduits dans les séances.

Nager efficacement sur des dis­tances supérieures à 200 m Cela impl ique de résoudre un double problème. L'un est lié aux apports énergétiques qui doivent être d 'or ig ine essent ie l lement aé rob ie , l ' au t r e renvoie à la notion d'économie de nage.

Ces deux facteurs sont étroite­ment liés. Un crawl dont la fré­quence de nage est supérieure à 45 cyc l e s /min en t r a îne une demande énergétique telle que la production des lactates limitera le temps ou la distance de nage, et ceci même si le nageur a intégré correctement les échanges respi­ratoires à sa propulsion. Or cette fréquence trop élevée est le résul­tat d'une coordination de nage en opposition, spontanément utilisée par le nageur scolaire. Dans ce type de coordination entre bras gauche et bras droit, les mouve­ments sont constitués d'une suc­cession de retours et de phases propulsives de façon ininterrom­pue, bien adaptée au sprint mais incompatible avec des durées de nage supérieures à 2 min.

Intégrer la respiration dans la nage Elle a pour fonction d'assurer en permanence un apport suffisant d 'O 2 afin de favoriser la produc­tion d'énergie de type aérobie. Si cet apport est insuffisant lors d'un effort même peu intense, l'orga­nisme s'adapte en augmentant les fréquences cardiaque et ventila-to i re . Le nageur est a lors contraint de s'arrêter, non pas par l 'acidose p r o v o q u é e par une accumulation de lactates qui ne s'est pas encore produite, mais tout simplement par l'impossibi­lité de poursuivre un déplacement aquatique en hyperventilation. Ce prérequis est donc incontour­nable. Si cette adaptation respira­toire est techniquement bien maî­trisée, elle permet de maintenir l'alignement, c'est-à-dire d'assu­rer la correspondance entre l'axe du corps et celui du déplacement, réduisant ainsi les résistances à l'avancement.

Adopter un battement de jambes « minimum » Il permet aux pieds de rester près de la surface de manière écono­mique (les membres inférieurs c o n s o m m e n t qua t re fois plus d'énergie que les bras). L'action des jambes est un point technique éga lemen t pr imordia l pour le maintien d'une position du corps parfaitement horizontale. Un bat­tement de crawl inefficace se caractérise par un enfoncement

du train inférieur auquel peut éventuellement s'ajouter un désé­quilibre du type lacet (déplace­ments latéraux du bassin dû au manque de gainage). L'ensemble provoquant d'importantes résis­tances à l'avancement.

Adopter un type de nage écono­mique pour nager longtemps en crawl La fréquence de nage étant liée à la dépense énergét ique il faut donc d iminue r le nombre de cycles par unité de temps. Pour réaliser cette opération sans trop diminuer la vitesse, il faut que la distance par cycle soit maintenue voire augmentée et ceci ne peut pas être réalisé en ralentissant simplement le rythme des gestes (en effet, si la vitesse des mouve­ments propulsifs d iminue , les forces propulsives sont moins importantes et la dis tance par cycle diminuera également). La solution est donc d'allonger la durée du cycle en ajoutant une phase supplémentaire aux mou-

La séance RPMA* : c o m m e n ­taires spéci f iques

Après vérification (mesures réali­sées chez des scolaires et des pratiquants non experts d 'âges différents en situation de pratique de loisir et d'entretien), ce type de séance de référence repré­sente une durée de pratique de 35 +/-10 min. Constituée de plusieurs séquen­ces de travail 6 à 8 min, elle est conforme aux recommandations et de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). L'intensité d'exercice se situe à 55 +/- 5 % de la fréquence car­diaque de réserve (égale à la fré­quence maximale moins la fré­quence de repos) et correspond donc bien à une pratique d'entre­tien de la santé sans toutefois présenter de risques (problèmes cardio-vasculaires par exemple). De plus, Baron et al [3] ont mon­tré que la vitesse spontanément choisie par des sujets ayant un minimum de pratique se situait autour de la vitesse maximale d 'état s table de la lactatémie (VMESL), définie comme la plus haute vitesse de nage pouvant

être maintenue avec le plus haut niveau de stabilité de la lactaté­mie. Les valeurs sont comprises entre 2 et 6 mmol. L-1 et résultent d'un équilibre entre le débit d'ap­parition et de disparition du lac-tate sanguin. Cette vitesse est inférieure et p roche du t r è s controversé « seuil anaérobie » ou deuxième « seuil ventilatoire ». Le maintien de cette intensité sur des exercices de longue durée (supérieurs à 30 min) se traduit par une homéostasie partielle au niveau de l'ensemble des para­mètres cardio-respiratoires et représente une intensité (« gold intensity ») particulièrement indi­quée dans le cadre du réentraî­nement et de la réhabilitation par l'exercice pour les personnes à mobilité réduites (obèses, 3 e et 4 e

âge, etc.) [4].

Enfin, on peut considérer que ce type de séance représente une sollicitation d'environ 300 +/-100 kcal selon le niveau de pra­tique car il a été montré que la locomotion aquatique était 4 fois plus é l evée que sur ter re en raison des résistances à l'avan­cement.

Tableau 2. Échelle de catégorie de Borg (CR-10) [7]

Tableau 3. Échelle « feel ing Scale » [8]

56 Revue EP.S n°319 Mai-Juin 2006 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

Page 5: UNE PRATIQUE PRIVILEIÉE - Free

vements des bras : la phase de glisse. Le bras en fin de retour se tend et reste fixé quelques ins­tants juste sous la surface avant de s'enfoncer pour la prise d'ap­pui et la traction. Les avantages de cette coordina­tion en rattrapé (encadré, p. 55) ne se limitent pas à la diminution du coût énergét ique. La glisse ( r éduc t ion des r é s i s t ances à l 'avancement) est favorisée par l'amélioration du coefficient de forme du nageur, l'augmentation de son étrave (taille) et la diminu­tion des résis tances de vague. D'autre part, l 'al longement du trajet propulsif ainsi créé consti­tue un gain important pour la pro­pulsion du nageur. Ces deux principes de l'allonge­ment de la durée du cycle et de l'amélioration de la glisse, dans le cadre de la gestion de ses res­sources s'appliqueront également en brasse, lorsque l'on intercalera entre chaque cycle bras/jambes une phase de glisse corps tendu et aligné (tête immergée) dont la durée co r r e spond ra au t emps nécessaire pour une expiration aquatique complète.

Savoir gérer son effort et choisir a priori les vitesses de nage les plus adaptées à son projet

Même si l 'apprentissage d 'une allure spécifique est un objectif fondé, la compétence à gérer son effort doit être réinvestissable quel que soit son niveau de pra­tique et de condition physique du moment. La perception de l'effort est en relation avec la sollicitation de l ' ensemble des systèmes et processus sensoriels (sensation de tension et de douleur dans les muscles et articulations, essouf­flement, rythme cardiaque, suda­

tion, etc). Elle peut être modulée par les facteurs émotionnels et motivationnels. La notion d'ef­fort ne se limite donc pas à la seule composante physiologique mais intègre la dimension psy­chologique pour mieux corres­pondre au caractère de pénibilité de l'effort [5].

Des outils simples validés et peu onéreux sont aujourd'hui à la dis­position du professeur d 'EPS . L'échelle RPE (Rate of Perceived Exhertion) mesure la perception de l 'e f for t et r épond à la question : « Comment percevez-vous l'effort effectué ? ». Elle peut être échelonnée de 6 à 20 [6] et de forme linéaire et se trouve alors corrélée à l 'augmentation de la fréquence cardiaque (x 10) avec l'intensité de l'exercice [5]. N o u s lui p référons la C R - 1 0 ( tab leau 2 ) , é c h e l o n n é e de 0 à 10 [7]. Elle est de forme expo­nentielle et de ce fait se trouve corrélée à l'évolution de la lacta-témie en fonction de l 'intensité de l'exercice. Son avantage est de bien repérer la zone d'intensité au niveau de la VMESL et se situant sur l'échelle entre 3 et 5. L'élève au cours de ses différentes tenta­tives sera sollicité pour apprécier et objectiver ses efforts en rela­tion avec un contrôle éventuel de sa vitesse de nage (présence d'un chronomètre mural). Ce type de ressenti nous semble la clé d'une compétence à gérer son effort dans la durée.

Savoir apprécier et évaluer son engagement

U n e échel le de « Feel ing Scale » [8] ou de « sent iment éprouvé » allant de + 5 (très bien) à - 5 (très mal) peut parallèlement être proposée à l 'élève. Elle lui

permet d'objectiver le caractère agréable ou désagréable ressenti pendant et après la séance qu'il s'est programmée (tableau 3). Il peut ainsi construire et repérer la s t ructure de la séance qui lui convient le mieux en fonction de son niveau de pratique. A l'ensei­gnant de discuter avec les élèves pour faire évoluer progressive­ment le contenu de la séance en fonction des besoins et possibili­tés de chacun.

* **

Cette nouvelle forme de pratique scolaire de la natation doit per­mettre aux lycéens et lycéennes de vivre une expérience authen­t ique d ' en t r a î n emen t , dont la visée première n'est pas de réali­ser la meilleure performance pos­sible à un moment donné mais d'obtenir des effets d'entretien ou de développement de leur capital « santé », par une me i l l eu re connaissance physique d ' eux-mêmes. La natation scolaire et la natation sportive se rejoignent alors sur cette question car les

espaces requis sont les mêmes et les formes de pratique compa­rab les . Sans pour au tan t se confondre , e l les ne peuven t s'ignorer. Aux acteurs de la nata­tion sportive et de l 'éducat ion physique de présenter et soutenir ce savoir « nager-s 'entraîner » auprès des collectivités territo­r ia les . L 'accès aux bass ins et l 'avenir pour les nageurs est à ce prix.

Une épreuve natatoire pour le baccalauréat pourrait compléter l'offre existante à ce jour (muscu­lation et course de durée). L'en­jeu est donc de taille.

Patrick Pelayo Professeur des universités,

Faculté des sciences du sport et de l'éducation phvsique.

Lille 2 (59).

Dominique Maillard IA-IPR EPS.

Académie de Lille (59).

Denis Rozier PRAG EPS,

Collège-lycée Léonard Limosin, Limoges (87).

* Le sigle RPMA a été choisi en relation avec : - la notion d'intensité de l'exercice liée au concept de « Rate of Maximal Aérobic Power » ou pourcentage de la Puissance Maximale Aérobie : - la notion de Révolution Par Minute, la na ta t ion étant une act iv i té cyc l ique en milieu Aquatique : - ses au t eu r s Roz ie r . P e l a y o . Mai l la rd (RPM).

Références bibliographiques

[1] Legouge F.. La natation, sport univer­sel, Eds. Vigot Frères. 1946.

[2] Pineau C . Introduction à une didac­tique de l'éducation phvsique. Dossier EPS n° 8, 1991.

[3] B a r o n B . . D e k e r l e J. , D e p r e t z S. . Lefevre T., Pelayo P.. « Self selected speed and maximal lactate steady state speed in

swimming ». J Sports Med Phvs Fitness. M a r ; 45 (1), 2005.

[4] Pelayo P., Baron P.. « Blood lactate. heart rate and systolic blood pressure mea­surements provide a reliable estimate of the aerobic c a p a c i t y in r u n n i n g and swimming ». Journal of Human Mouve­ment Studies. n° 4 1 . 2001.

[5] Garcin M.. « Effort et EPS : course de durée ». Revue EP.S n° 297. septembre-octobre 2002.

[6] Borg G. V.. « Perceived exertion as an ind ica to r of soma t i c s t r e s s ». Stand J RehabilMed, n° 2. 1970.

[7] Borg G. V.. « Psychophysical bases of perceived exertion », Med Sci Spans Exert n° 14. 1982.

[8] Acevebo E. O.. « A frame work for i m p l e m e n t i n g psycho log ica l ski l l s for athletes », J Reality Therapy, 14. 1990.

57

Revue EP.S n°319 Mai-Juin 2006 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé