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UNE TERRE JOURNAL D’INFORMATION DE PAIN POUR LE PROCHAIN N° 6 - JUILLET 2012 DOSSIER PORTRAIT Franklin Canelos, pionnier du désendettement Le parlement demande des comptes sur Glencore éVéNEMENT LES DETTES ILLEGITIMES ETRANGLENT LES PAYS DU SUD SEULE TERRE © Patricio Frei, Action de Carême

Une seule terre N° 6 - Juillet 2012

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Les dettes illégitimes étranglent les pays du sud. Journal d'information de Pain pour le prochain.

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Une terreJournal d’information de Pain Pour le Prochain n° 6 - Juillet 2012

Dossier

Portrait

Franklin Canelos, pionnier du désendettement

Le parlement demande des comptes sur Glencore

événement

leS detteS illeGitimeS etranGlent leS PaYS du Sud

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Gare aux cadeaux empoisonnés…Cohérence et constance caractérisent l’enga-gement de Pain pour le prochain. En 1989, nous avons lancé, avec d’autres organisations suisses, la pétition « le développement a besoin du désendettement ». Une année après, 250’000 personnes avaient signé l’appel adressé au Conseil fédéral pour exprimer leur désaccord face au service de la dette, qui maintient bon nombre de pays du Sud dans une spirale de dépendance : à force de rem-bourser les intérêts à leurs créanciers du Nord, ils ont déjà payé plusieurs fois le montant de l’argent prêté au départ. Paradoxe encore plus flagrant : l’Occident accorde actuellement, en moyenne, à peine 0,5% du PIB pour l’aide publique au développement à l’Afrique sub-saharienne. Pour chaque dollar destiné à « l’aide », l’Afrique se voit obligée de lui payer cinq dollars pour le service de la dette. Prendre d’une main ce que l’on donne de l’autre ?…Découvrez dans ces pages comment la Suisse a fait œuvre de pionnière pour rompre cette spirale de la dépendance. Vous y découvrirez également un exemple à suivre plus récent : celui de l’Equateur qui a réussi, grâce à une manœuvre intelligente, à se libérer du rem-boursement de la dette sans fin. Ne cherchez pas les origines de la « dette illégitime » dans le comportement particuliè-rement dépensier des populations des pays du Sud. Loin de là ! Elles subissent encore les conséquences d’une politique d’investissement menée dans les années 1970 et 1980 pour relancer l’économie. Je ne peux m’empêcher de penser à un proverbe de Jésus de Nazareth : Quel père d’entre vous, si son fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent au lieu du poisson ? (Luc 11,11)Autrement dit, les crédits octroyés par des banques et gouvernements du Nord aux gouvernements du Sud, sous prétexte d’aide au développement, se sont avérés des cadeaux empoisonnés. Ou, pour le dire avec les célèbres paroles de Brecht dans L’Opéra de quat‘sous : « La bouffe vient d’abord, ensuite la morale… ».

« Au bout de sept ans, tu feras la remise des dettes. Et voici ce qu’est cette remise : tout homme qui a fait un prêt à son prochain fera remise de ses droits : il n’exercera pas de contrainte contre son prochain ou son frère… » (Deutéronome 15,1+2)

Martina Schmidt, secrétaire romande de Pain pour le prochain

Vous avez tranché : c’est Salamatou Gazéré Dotia de Synergie Paysanne, un syndicat béninois appuyé par Pain pour le prochain, qui a représenté les femmes du Sud à Rio + 20, le sommet sur le développement durable qui s’est tenu en juin. Par vos 10’000 votes pour « A Voice in Rio », vous avez prouvé votre engagement en faveur d’un développement respectueux des droits humains, de l’égalité de genre et de l’environnement. Vous avez aussi adhéré massivement à la campagne œcuménique en ache-tant 160’000 roses Max Havelaar – dont plus de 32’000 en Suisse romande – et 100’000 « pains du partage », vendus dans 590 boulangeries. La mobilisation des boulangeries romandes a été particulièrement significative cette année, puisqu’elles ont été 213 à participer à l’action. Tout cela n’aurait pas été possible sans les 4’000 bénévoles qui ont donné de leur temps sans compter. Que dire de plus que MERCI du fond du cœur ? IA

moBiLisation

Merci à celles et ceux qui ont soutenu la Campagne œcuménique !

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135’285 personnes ont signé la pétition Droit sans frontières, qui exige que les multinationales suisses respectent les droits humains et l’environnement partout dans le monde.

en chiffres

Photo de couverture :Dans les pays endettés, les ménages doivent dépenser davantage pour leurs besoins fondamentaux.

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C’est la représentante de Synergie Paysanne qui a gagné le concours « A Voice in Rio »

La pétition Droit sans frontières a dépassé nos espoirs. Vous avez été 135’285 à exiger du Parlement et du Conseil fédéral qu’ils adoptent des normes contraignantes en matière de droits humains et de standards environnementaux pour les multinationales ayant leur siège en Suisse. Lancée en novembre dernier, la pétition a été remise par les 50 organi-sations membres de la campagne, dont Pain pour le prochain, le 13 juin au Parlement. Elle fait suite aux lignes directrices élaborées l’année passée par John Ruggie, chargé des questions d’économie et droits humains pour le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Alors que l’UE a exhorté les Etats membres à élaborer des concepts de mise en œuvre à l’automne passé déjà, en Suisse rien n’a bougé à ce jour. Mais sur la lancée de notre campagne, six parlementaires de différents partis ont déposé, pendant la session en cours, des interventions sur la question des droits humains et entreprises. IA

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La pétition Droit sans frontières a été un succès

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Les pays en développement continuent à rembourser

des dettes contractées par des régimes corrompus

et octroyées par des banques et des Etats peu

scrupuleux. Pourtant ces dettes sont illégitimes et

leur responsabilité incombe autant aux débiteurs

qu’aux créditeurs.

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Dossier

leS detteS illéGitimeS étranGlent leS PaYS du Sud

En 2009, les dettes extérieures de l’Afrique sub-saharienne sont passées de 243 à 256 milliards de dollars US. En 2010, elles étaient de 278 milliards.

Les Etats endettés manquent d’argent pour les infrastructures, comme les routes.

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rembourser toutes ses dettes – même celles considérées par les ONG et certains gouvernements comme « illégitimes » parce qu’ayant servi à financer de grands projets d’infrastructure peu adaptés aux

besoins locaux, ou ayant été contractées par des élites corrom-pues, plus désireuses de renf louer leurs comptes à l’étranger que de développer le pays.

Les responsabilités sont à rechercher aussi bien du côté des pays

en développement que des pays industria-lisés, qui ont parfois octroyé des crédits surtout pour aider leurs banques et leurs industries d’exportation. « Mais rares sont ceux qui le reconnaissent, à l’exception notable de la Norvège, nous explique Yvan Maillard Ardenti, responsable du dossier

chez Pain pour le prochain. Dans les années 1970, lorsque son industrie navale commençait à prendre l’eau, elle s’est mise à prêter à tour de bras aux pays du Sud, sous prétexte d’aide au développement. C’est ainsi qu’elle a réussi à vendre à l’Equateur des bateaux pour la coquette somme de USD 14 millions. » Des embar-cations qui ne correspondaient pas aux conditions locales et s’étaient même avérées dangereuses. Au début des années 1980, lorsque les taux d’intérêt ont brusquement pris l’ascenseur, les crédits sont devenus astronomiques pour l’Equateur, comme pour les autres pays en développement. En 1982, le Mexique a été le premier à déclarer qu’il ne pouvait plus honorer ses créances, déclenchant ainsi la crise de la dette. En 2006, le gouvernement nor-végien s’est décidé à reconnaître sa res-ponsabilité et a remis à cinq pays, dont l’Equateur, les dettes issues de l’industrie navale.

La Suisse pionnière du désendettementPour faire face à cette crise de la dette sans précédent, le Fonds monétaire interna-tionale (FMI) et la Banque mondiale ont volé au secours des pays du Sud. Comme condition à l’octroi de nouveaux crédits, ils leur ont imposé des programmes d’ajustement structurel qui prévoyaient la réduction drastique des dépenses

Au tournant du millénaire, les Philip-pines ont décidé de se débarrasser une

fois pour toutes de leur dette extérieure et d’allouer 30% à 40% du budget de l’Etat à son remboursement. Une diligence qui n’a pas empêché le pays de sombrer dans une spirale in-fernale : entre 2001 et 2010, la dette a doublé, passant de 55,79 milliards à 110,6 milliards de dollars. Sans sur-prise, c’est la popu-lation qui subit les conséquences de cette politique d’austérité. Les médecins manquent, les enseignants délaissent les salles de classe et les dispensaires sont à court de médicaments. Les ménages doivent dépenser davantage pour se nourrir, se soigner et envoyer les enfants à l’école. Mais Manille s’entête. Elle continue à

En soi, avoir des dettes n’est pas un problème,

mais cela peut le devenir lorsque leur montant devient démesuré par rapport à la capacité

économique d’un pays.

Les dettes menacent le droit à l’alimentation de la population.

Aux Philippines, pays très endetté, les enseignants délaissent les salles de classe.

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publiques, via notamment des privatisa-tions et libéralisations massives. Un remède de cheval qui a fait plus de mal que de bien : entre 1982 et 1999, les dettes des pays en développement ont triplé. Au tournant du millénaire, il y avait davantage de flux financiers du Sud vers le Nord que l’inverse. Face à cette situation dramatique, la Suisse a été l’un des premiers pays à agir. En 1992, poussée par une campagne d’organisations non gouver-nementales dont Pain pour le prochain, elle a effacé toutes les dettes bilatérales des pays très endettés, à condition qu’une partie des montants remis soit dévolue à des programmes de lutte contre la pauvreté.

En 1994 la Confédération a lancé, avec quatre pays nordiques, une initiative globale de désendettement qui a ouvert la voie à beaucoup d’autres. C’est ainsi que le G8 a ramené les dettes vis-à-vis du FMI et de la Banque mondiale de 100 à 10 milliards de dollars. Des mesures de désendettement qui, en réalité, sont financées par les pays bénéficiaires puisque les montants sont puisés sur ceux de l’aide au développement. Mais en 2009, malgré tous ces efforts, 49 pays en développement étaient toujours dans une situation critique.

Pain pour le prochain est très actif dans les questions de désendettement, aussi bien en Suisse que dans les pays du Sud, la plupart du temps via la participation à des réseaux d’ONG et d’Eglises.

L’une de nos principales revendications concerne l’instauration d’un processus d’insolvabilité des Etats qui permettrait de décider quelles sont les dettes à rembourser et à effacer lorsqu’un

pays ne peut plus les honorer. Pour que ce processus soit transparent et équitable, un tribunal arbitral indépendant doit être créé au niveau international, par exemple au sein d’une institution de l’ONU. Ce tribunal devrait tenir compte de la responsabilité des débiteurs, mais aussi des créditeurs. Il devrait également prendre en considération les intérêts des deux parties, notamment ceux du pays débiteur, en incluant la société civile et le parlement.

Pour juger de la soutenabilité de la dette, il se baserait sur des critères non seulement éco-nomiques, mais aussi sociaux, en définissant un « minimum existentiel » des Etats qui ne pour-rait pas être affecté au service de la dette. Celui-ci serait calculé, par exemple, en fonc-tion des moyens nécessaires à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement, ou à garantir la capacité du gouvernement à réaliser les droits humains, comme le droit à l’alimentation, à la santé et à l’éducation. Fina-lement, tous les créanciers du pays débiteurs devraient être inclus dans les négociations, y compris le FMI et la Banque mondiale.

En décembre 2011, suite à notre travail de lobbying, le Conseil fédéral s’est déclaré

ouvert à un processus d’insolvabilité des Etats, mais seulement vis-à-vis des créditeurs éta-tiques et à condition que le FMI y joue le rôle moteur. « Il s’agit là d’un premier pas à saluer. Mais le rôle du FMI pose problème car il serait juge et partie, ce qui créerait un conflit d’intérêts inacceptable », souligne Yvan Maillard Ardenti.

Par ailleurs, le réseau d’ONG européennes EURODAD, dont Pain pour le prochain est membre, a élaboré une charte pour l’octroi responsable de crédits. Elle prévoit plus de transparence et d’équité de la part des crédi-teurs, notamment par l’inclusion de la société civile et la prise en compte des droits humains et des normes environnementales dans le pays récepteur, ce qui permettra d’éviter des dettes illégitimes.

Au Sud, nous soutenons le travail d’organisations comme le Conseil Latino-Américain des Eglises (CLAI), ou le Réseau Africain pour les Dettes et le Développement (AFRODAD). Ces orga-nisations font un remarquable travail d’infor-mation et de plaidoyer sur la problématique de la dette tant au niveau des gouvernements, des parlements que du grand public en Amérique latine et en Afrique. IA

Pour un processus d’insolvabilité des Etats moBiLisation

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Pour chaque dollar reçu de l’Occident au titre de l’aide au développement, l’Afrique lui renvoie 5 USD pour le service de la dette.

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Car ces initiatives, aussi louables soient-elles, ne suffisent pas. En soi, avoir des dettes n’est pas un problème, mais cela peut le devenir lorsque leur montant devient démesuré par rapport à la capa-cité économique d’un pays. Ce n’est qu’en 1996 que les pays créditeurs ont reconnu, avec l’Heavily Indebted Poor Countries Initiative (HIPC), qu’il pouvait y avoir un seuil maximal de tolérance. Depuis lors, le FMI et la Banque mondiale essaient de distinguer entre dettes sup-portables et non supportables, mais leur calcul est biaisé. Le problème est que ces deux institutions sont en même temps juge et partie : étant aussi bien l’arbitre que le créditeur, leur appréciation de la soutenabilité de la dette dépend du montant que les pays créditeurs sont dis-posés à effacer.

Les organisations de développement, dont Pain pour le prochain, appellent à la création d’un tribunal international indépendant pour garantir aux Etats insolvables un procès équitable et trans-parent. C’est la seule façon de mettre fin à une spirale de la dette qui empêche tout développement social, économique et écologique. IA

Les Etats endettés manquent d’argent pour les infrastructures.

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La soutenabilité de la dette doit tenir compte d’un minimum existentiel des Etats.

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Malgré différentes initiatives de désendettement, les dettes extéri-

eures de l’Afrique sub-saharienne sont passées de 243 à 256 milliards de dollars en 2009 et elles étaient de 278 milliards en 2010. Conséquence : pour chaque dollar reçu de l’Occident au titre de l’aide au développement, l’Afrique lui renvoie 5 USD pour le service de la dette. Ce qui rend ces dettes particulièrement odieuses et illégitimes, c’est que la plupart n’ont jamais bénéficié aux populations. Corruption, achat d’armes, projets pharaoniques tels que stades ou palais somptueux, ces em-prunts ont servi trop souvent à chanter les louanges des despotes en place. La plupart du temps, les créditeurs savaient à quoi ces prêts servaient, ou alors ils se gardaient bien de poser des questions embarrassantes.

Pour que les pays africains ne soient plus pris au piège des prêts illégitimes, le réseau demande aux gouvernements de rendre des comptes aux populations et de les consulter pour toute décision, en leur donnant assez d’informations et de temps pour émettre des avis éclairés. Pour cela, les parlements nationaux et les asso-ciations de citoyennes et de citoyens sont appelés à jouer un rôle majeur. Pour éviter l’abus de pouvoir et garantir la sécurité juridique, la charte prévoit que toutes les négociations des contrats de prêts et les règles de gestion de la dette se basent sur des dispositions constitutionnelles et législatives. Les investissements contraires aux droits humains et à l’environnement doivent être bannis. Pour garantir une politique de crédit cohérente, les Etats doivent mettre sur pied des bureaux de gestion de la dette et créer un tribunal arbitral indépendant en cas de contentieux.

L’un des principaux objectifs d’AFRODAD est l’adoption et la mise en œuvre de la charte dans tous les pays africains. Des officiels du Zimbabwe, du Kenya, du Malawi et du Swaziland se sont intéressés à l’initiative et certains pays ont commencé à mettre sur pied des bureaux de gestion de la dette. Les parlementaires des pays ACP (Afrique – Caraïbes – Pacifique) s’y sont particulièrement intéressés lors d’une récente réunion au Togo avec des repré-sentants de l’Union européenne. Le par-lement du Zimbabwe, notamment, a demandé des copies de la charte pour les distribuer aux parlementaires. AFRODAD va continuer à organiser des rencontres de lobbying avec les gouvernements et les parlements nationaux et les institutions africaines pour pousser les Etats à adopter la charte. IA

Il y a tout juste un an, AFRODAD, le réseau africain sur les dettes et le développement, dont Pain pour le prochain est partenaire, a publié une charte pour les emprunts souverains en Afrique sub-saharienne. Celle-ci fait écho à la charte d’EURODAD, qui s’adresse aux créditeurs.

l’afrique Se dote d’une charte contre leS detteS illéGitimeS

Dossier

Les gouvernements devraient consulter les communautés avant toute décision d’emprunt.

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Franklin Canelos, pionnier du désendettement

J’ai faim, je saisis la justiceChristophe Golay montre que le droit à l’alimentation peut être justiciable, à condition que les Etats introduisent ce levier de droit. En clair, que si j’ai faim je peux porter plainte devant un tribunal, ou une instance nationale ou internationale. Certes, cela reste une exception, mais toujours plus nombreux sont les pays où des millions de victimes ont pu accéder à la justice et obtenir réparation. En Afrique du Sud et en Inde, des communautés qui ne mangeaient pas à leur faim ont pu intenter des recours collectifs. En Colombie et en Argentine, les constitu-tions prévoient la possibilité de recours indi-viduels et collectifs. Même en Suisse on peut porter plainte devant le Tribunal fédéral. IA Christophe Golay, Droit à l’alimentation et accès à la justice, Editions Bruylant, Bruxelles 2011

Le commerce des denrées alimentaires n’est pas un jeuMais hélas, il l’est devenu ! La spéculation sur les matières premières, les subventions agricoles des pays industria-lisés, des règles commerciales inéquitables, les dumpings sur les prix et la surexploita-tion des ressources naturelles menacent l’agriculture des pays du Sud. Pain pour le prochain et Action de Carême ont inventé le « World Fair Trade Poker », un poker original pour faire l’expérience du commerce interna-tional inéquitable de manière ludique. Un joli cadeau qui se joue en famille, en paroisse et entre ami-e-s. IA

World Fair Trade Poker, CHF 29.–, disponible chez Pain pour le prochain ([email protected])

Le développement, clé du bonheur ?Yohan Ariffin livre une analyse historique du concept de progrès. Le développement implique la maîtrise progressive de la destinée des peuples, mesurée à l’aune de « l’homme civilisé ». Une idée qui provient d’une réappropriation des textes des Anciens par les penseurs des Lumières. Prégnante, parce qu’elle répond au manque socio-affectif causé par la perte du paradis. Apaisante, parce qu’elle méta-morphose la douleur individuelle et sociale en la promesse d’un bonheur plus grand pour l’humanité. CP

Yohan Ariffin, Généalogie de l’idée de pro-grès. Histoire d’une philosophie cruelle sous un nom consolant, Paris, Editions du Félin, coll. « Les marches du temps », 2012.

L’Equateur a été le premier pays au monde à effectuer un audit complet de sa dette qui lui a permis d’économiser 300 millions de dollars par an. Rencontre avec le vice-président de la commission d’audit, un économiste chrétien scandalisé par les dettes illégitimes.

a DécoUvrir

« Je m’intéresse à la dette depuis la crise de 1982. Mais c’est en 1994,

lorsque j’étais à la Fédération luthérienne mondiale à Genève, que j’ai constaté l’impact terrible qu’elle a sur la pauvreté, notamment en Afrique, et que j’ai com-mencé à développer l’idée d’un audit », nous confie Franklin Canelos, du Conseil latino-américain des Eglises (CLAI), l’organisation partenaire de Pain pour le prochain de longue date en Equateur.

De retour dans son pays, cet économiste à la voix douce et posée frappe un grand coup. En 2007 le Mouvement équatorien Jubilée 2000 et le Groupe contre la dette, auquel il participe, arrivent à convaincre le président Rafael Correa de créer une « Commission équatorienne d’audit de la dette publique » dont il sera nommé vice-président. Cette instance unique au monde, composée de représentants du gouvernement et de la société civile, s’at-telle à une tâche herculéenne : examiner la légitimité des dettes contractées pen-dant trente ans selon des critères non seulement économiques, mais aussi sociaux et environnementaux.

La commission travaille d’arrache-pied pendant quatorze mois, épluche des montagnes de contrats et rend un verdict implacable : une bonne partie de la dette a servi à financer des projets inaboutis, à acheter de l’armement, ou elle a été arrosée par de copieux pots de vin. Bref, elle est illégitime. La commission recommande au gouvernement de la contester devant les tribunaux. Mais celui-ci choisit une option moins radicale : la racheter auprès des principaux créanciers privés – essen-tiellement des banques commerciales américaines – à 35% de sa valeur nominale, c’est à dire 900 millions de dollars au lieu de 3 milliards.

Un rachat qui permet à l’Equateur d’économiser 300 millions de dollars d’intérêts par an – l’équivalent de la moitié de l’aide au développement qu’il reçoit.

Aujourd’hui, le CLAI essaie d’étendre cette expérience à d’autres pays. « En Bolivie, le parlement pourrait décider d’effectuer un audit. Au Pérou, c’est pratiquement impossible car le gouvernement pense que le pays peut continuer à payer. Au Brésil, un audit partiel a été effectué, mais seule une minorité de parlementaires veut porter plainte contre les responsables des dettes illégitimes, alors que la majo-rité s’y oppose. L’affaire sera tranchée par un tribunal. » Par peur ? Que risque un pays qui refuse de rembourser ses dettes, aussi illégitimes soient-elles ? Pas grand-chose selon Canelos, puisque la plupart ont été octroyées par des banques com-merciales qui préfèrent les revendre à bas prix que tout perdre. Quant aux crédits étatiques, ils sont peu nombreux et certains pays acceptent de les convertir en finan-cements du Yasuni – ITT, une initiative par laquelle le gouvernement s’est engagé à ne pas exploiter 850 millions de barils de pétrole dans la forêt équatorienne, à condition que la communauté interna-tionale lui verse 3,6 milliards de dollars sur quinze ans.

« Au sein du mouvement œcuménique, j’ai été l’un des premiers chrétiens à sou-tenir la justice et la paix dans les pays du Sud, se souvient Canelos. Et Pain pour le prochain est une des organisations les plus engagées. Elle est plus petite que d’autres, mais sa fiabilité et son soutien, non seu-lement financier, mais surtout politique, sont absolument stratégiques. »

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Portrait

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notre saLLe De réUnion est à LoUer !

Dans un cadre unique, Pain pour le prochain met en location une salle d’environ 16 places, avec WC, accès à un joli jardin, beamer, flip-chart, installation vidéo, frigo, machine à café. A une minute du métro (arrêt Délices), entre la gare et le bord du lac. De nombreux petits et grands commerces pour se sustenter sont aussi à proximité ([email protected]).

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La collecte du Jeûne fédéral aura lieu le 16 septembre 2012.

Les projets sont à découvrir dès fin juillet sur le site www.ppp.ch

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Activités de Glencore en RDC : le parlement demande des comptes

Avenue du Grammont 9 – 1007 Lausanne

Tél. 021 614 77 17 – Fax 021 617 51 75

[email protected] – www.ppp.ch

CCP 10-26487-1

Editeur : Pain pour le prochain

Rédaction : Martina Schmidt, Isolda Agazzi, Christelle Paoly

Corrections : Françoise Caroff

Graphisme : Corrado Luvisotto, Grafix, Fribourg

Impression : Imprimerie St-Paul, Fribourg

Prix de l’abonnement : 10 francs suisses

Tirage : 15 500 exemplaires

ISSN 2235-0780

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Lors de la session de juin des Chambres fédérales, Maja Ingold a déposé une interpellation sur les activités de Glencore en RDC. Faisant référence à « l’étude très fouillée de Pain pour le prochain et Action de Carême », l’élue du Parti évangélique – et membre de notre Conseil de fondation – dénonce les conditions de travail dans les mines du géant suisse des matières premières. Elle demande au Conseil fédéral s’il reconnaît que les entreprises ayant leur siège en Suisse sont responsables de la mise en œuvre des droits humains et des standards environnementaux de leurs filiales à l’étranger. Et comment il compte amener des multinationales comme Glencore à adopter des mesures de précaution pour leurs activités et celles de leurs filiales. IA

commerce eQUitaBLe

Le soleil de l’Afrique à des prix rémunérateursMangues, avocats, papayes, bananes, noix de coco… Terres-poir, une fondation créée par Pain pour le prochain et le DM-échange et mission, permet aux petits cultivateurs africains de commercialiser leurs produits en Suisse à des prix justes. Une façon de leur assurer des revenus garantis, une filière directe qui les libère des intermédiaires et le développement des capacités de transformation. Des fruits cultivés sans pesticide et dont l’exportation ne porte pas préjudice à l’autosuffisance alimentaire, ni aux cultures traditionnelles des familles pro-ductrices. Cueillis à maturité, quatre jours après la récolte ils sont déjà sur le marché suisse ! Disponibles dans les Magasins du monde et autres points de vente que vous trouverez sur www.terrespoir.com. A noter que le secrétariat de PPP au Grammont 9 est aussi un point de vente. Sur commande une fois par mois ([email protected]). IA

Dans les années 1980 – 1990, Terre Nouvelle était surtout per-çue comme une dynamique de rapprochement entre les œuvres de mission et de développement Pain pour le prochain, EPER, le DM – échange et mission – et KEM. Mais depuis les années 2000, ces dernières ont dû s’adapter à un monde en mutation, où la relation entre les paroissiens et les populations défavorisées du Sud se fait de plus en plus de façon directe, sans passer par la plate-forme. Dès lors, quel est le mandat et l’avenir de Terre Nouvelle ? Pour Martina Schmidt, secré-taire romande de Pain pour le prochain, elle sert à interpeller les gens et les paroisses sur leur façon de vivre et de consommer en Suisse : quelle est leur attitude par rapport aux changements climatiques, est-ce qu’ils achètent des produits du commerce équitable ? Mais Terre Nouvelle doit aussi garder une vision théologique, car elle a un rôle incontournable à jouer au niveau de la prédication et du message de l’Evangile. Une façon de faire le lien entre foi et engagement. IA

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Nouveau souffle pour Terre Nouvelle

Terre Nouvelle fait le lien entre l’Eglise évangélique réformée et les œuvres d’entraide.