8
Journal de Chirurgie Viscérale (2013) 150, 238—245 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com STAFF PUBLIC Une tumeur du hile L. Barbier , J. Ewald , O. Turrini, J.-R. Delpero Institut Paoli-Calmettes, 232, boulevard de Sainte-Marguerite, 13009 Marseille, France Disponible sur Internet le 19 juin 2013 Je vais vous présenter une observation d’un patient présentant une tumeur du hile ; c’est une observation de l’institut Paoli-Calmette à Marseille. Il s’agit d’un homme de 48 ans d’origine malgache, 1,78 m pour 79 kg (poids de forme : 90 kg) adressé à la consultation pour un ictère. Il a récemment perdu plus d’une dizaine de kilos, il n’a pas d’antécédent particulier en dehors d’une conjonctivite allergique et d’une adénite cervicale à micro- bactéries atypiques. Récemment est apparu un ictère avec un prurit avec une bilirubine totale dosée à 300 mol/L (17N) qui ont permis à l’imagerie de découvrir une dilatation des voies biliaires intrahépatiques gauche et droite liée à une tumeur du hile. Les sérolo- gies des hépatites virales B et C étaient négatives ainsi que les marqueurs tumoraux (AFP, ACE et CA 19-9). Le scanner avec lequel le patient est arrivé à la consultation (Fig. 1) montre une dilatation des voies biliaires de chaque côté et un syndrome de masse au niveau du hile que l’on ne voit pas bien ici car les coupes sont très épaisses ; il n’y avait pas d’atteinte vasculaire, notamment au niveau de l’artère hépatique et de la veine porte. La bili-IRM (Fig. 2) montre un syndrome de masse avec une sténose d’environ 1 cm du canal hépatique commun, s’étendant au niveau du canal hépatique gauche et du canal hépatique droit mais surtout au niveau du canal hépatique droit. Initialement, les radiologues qui avaient pris en charge le patient avaient stadifié cette tumeur hilaire selon la classification de Bismuth et Corlette stade 3A [1]. Ils ont ensuite confié le patient aux gastro-entérologues pour réalisation d’un cathétérisme biliaire : le praticien qui a fait le cathétérisme retrouvait de multiples sténoses courtes, très serrées des voies biliaires intrahépatiques à droite avec des voies biliaires à gauche dilatées et proposait de classifier cette tumeur Bismuth et Corlette stade 4. Ils avaient réalisé un brossage qui était non contributif et ils avaient mis en place une prothèse plastique à gauche. Au terme de tous ces examens, l’équipe qui a pris en charge initialement le patient concluait en un cholangiocarcinome très probable de stade 4 et proposait un traitement palliatif après obtention d’une histologie car le brossage était non contributif. Au moment vous voyez ce patient, est-ce que vous pensez que l’on puisse proposer une prise en charge qui soit non palliative en fonction des examens que je vous ai soumis ? Dr Regimbeau : Un patient pris en charge par une autre équipe et qui au terme de la prise en charge est classé Bismuth et Corlette stade 4. La prise en charge initiale était plutôt à visée palliative et le patient a une prothèse endoscopique plastique à gauche. Est-ce qu’on peut rectifier le diagnostic ? La prise en charge ? Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Barbier). 1878-786X/$ see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jchirv.2013.05.001

Une tumeur du hile

  • Upload
    j-r

  • View
    270

  • Download
    5

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Une tumeur du hile

J

S

U

1h

ournal de Chirurgie Viscérale (2013) 150, 238—245

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

TAFF PUBLIC

ne tumeur du hile

L. Barbier ∗, J. Ewald, O. Turrini, J.-R. Delpero

Institut Paoli-Calmettes, 232, boulevard de Sainte-Marguerite, 13009 Marseille, France

Disponible sur Internet le 19 juin 2013

Je vais vous présenter une observation d’un patient présentant une tumeur du hile ; c’estune observation de l’institut Paoli-Calmette à Marseille. Il s’agit d’un homme de 48 ansd’origine malgache, 1,78 m pour 79 kg (poids de forme : 90 kg) adressé à la consultationpour un ictère. Il a récemment perdu plus d’une dizaine de kilos, il n’a pas d’antécédentparticulier en dehors d’une conjonctivite allergique et d’une adénite cervicale à micro-bactéries atypiques. Récemment est apparu un ictère avec un prurit avec une bilirubinetotale dosée à 300 �mol/L (17N) qui ont permis à l’imagerie de découvrir une dilatationdes voies biliaires intrahépatiques gauche et droite liée à une tumeur du hile. Les sérolo-

gies des hépatites virales B et C étaient négatives ainsi que les marqueurs tumoraux (AFP,ACE et CA 19-9).

Le scanner avec lequel le patient est arrivé à la consultation (Fig. 1) montre unedilatation des voies biliaires de chaque côté et un syndrome de masse au niveau du hileque l’on ne voit pas bien ici car les coupes sont très épaisses ; il n’y avait pas d’atteintevasculaire, notamment au niveau de l’artère hépatique et de la veine porte. La bili-IRM(Fig. 2) montre un syndrome de masse avec une sténose d’environ 1 cm du canal hépatiquecommun, s’étendant au niveau du canal hépatique gauche et du canal hépatique droit maissurtout au niveau du canal hépatique droit. Initialement, les radiologues qui avaient prisen charge le patient avaient stadifié cette tumeur hilaire selon la classification de Bismuthet Corlette stade 3A [1]. Ils ont ensuite confié le patient aux gastro-entérologues pourréalisation d’un cathétérisme biliaire : le praticien qui a fait le cathétérisme retrouvaitde multiples sténoses courtes, très serrées des voies biliaires intrahépatiques à droiteavec des voies biliaires à gauche dilatées et proposait de classifier cette tumeur Bismuthet Corlette stade 4. Ils avaient réalisé un brossage qui était non contributif et ils avaientmis en place une prothèse plastique à gauche. Au terme de tous ces examens, l’équipe quia pris en charge initialement le patient concluait en un cholangiocarcinome très probablede stade 4 et proposait un traitement palliatif après obtention d’une histologie car lebrossage était non contributif.

Au moment où vous voyez ce patient, est-ce que vous pensez que l’on puisse proposerune prise en charge qui soit non palliative en fonction des examens que je vous ai soumis ?

Dr Regimbeau : Un patient pris en charge par une autre équipe et qui au terme de laprise en charge est classé Bismuth et Corlette stade 4. La prise en charge initiale étaitplutôt à visée palliative et le patient a une prothèse endoscopique plastique à gauche.Est-ce qu’on peut rectifier le diagnostic ? La prise en charge ?

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (L. Barbier).

878-786X/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.jchirv.2013.05.001

Page 2: Une tumeur du hile

Une tumeur du hile 239

Figure 1. Scanographie : dilatation des voies biliaires intrahépatiques (VBIH) droites et gauches, syndrome de masse au niveau du hile,artère hépatique et veine porte libres.

Figure 2. Bili-IRM : syndrome de masse avec une sténose d’environ

hépatique gauche et droit et du canal hépatique commun. Cartouche : asur 1 cm ainsi que les canaux droit et gauche. Atteinte plus importante d

Dr Fuks : Je pense qu’il ne faut pas garder en tête l’idéedu traitement palliatif et qu’il faut remettre en cause éga-lement probablement le diagnostic.

Dr Letoublon : C’est la bili-IRM qui est un peu étonnantepar rapport au scanner : ils ont été faits au même moment ?

Dr Barbier : Oui au même moment.Dr Letoublon : Moi, je suis un peu étonné parce qu’on

voit des voies biliaires intrahépatiques qui sont dilatées surle scanner (on a l’impression que les voies biliaires gauchessont quand même dilatées jusqu’à la convergence 2—3,même un peu plus bas), mais cela n’est pas retrouvé sur

1 cm du canal hépatique commun, s’étendant au niveau du canalmputation de la convergence biliaire intéressant le canal communu canal droit. Absence d’anomalie du cholédoque et du pancréas.

la bili-IRM, comme si il y avait une sorte d’incompatibilitéentre les deux examens.

Dr Regimbeau : il y a déjà deux intervenants quiremettent en cause le diagnostic étiologique et lésionnel.

Dr Lamfichek : On ne voit pas la vésicule, est-ce que lepatient a été cholécystectomisé ?

Dr Barbier : Non, il a toujours sa vésicule.Dr Lamfichek : Je pense qu’il faut aller plus loin car on ne

voit pas la vésicule. Il faudrait aussi un angioscanner pourvoir un petit peu plus d’informations sur les vaisseaux et lesartères notamment.

Page 3: Une tumeur du hile

240 L. Barbier et al.

FbBg

e

c

aeb

bbdh

igure 3. a : synthèse de l’imagerie et reconstruction du cholangiogram : synthèse de l’imagerie et reconstruction du cholangiogramme intraismuth et Corlette. Cartouche : amputation de la convergence biliaire

auche. Atteinte plus importante du canal droit. Absence d’anomalie du

Dr Barbier : Il n’y a pas d’atteinte artérielle ni portale,t il y a une distribution modale, artérielle des deux côtés.

Dr Lamfichek : Est-ce qu’on a ponctionné par voie trans-utanée en vue d’un drainage biliaire externe ?

Dr Barbier : Non. Ce patient a directement été adresséux gastro-entérologues qui ont fait un cathétérisme et misn place une prothèse plastique endoscopique dans les voiesiliaires gauches.

Dr Regimbeau : Le patient est adressé drainé au planiliaire, on aurait pu discuter la voie d’abord du drainageiliaire effectivement. Si on considère qu’il s’agit d’un syn-rome de Klatskin dû à un probable cholangiocarcinome duile, la seconde question est : est-ce que le patient doit

ds

tsedgb

l

n

me intrahépatique. Il s’agit d’un stade 3A de Bismuth et Corlette ;hépatique. Le canal du II/III est libre. Il s’agit d’un stade 3A deintéressant le canal commun sur 1 cm ainsi que les canaux droit et

cholédoque et du pancréas.

éfinitivement être pris en charge à visée palliative car il’agit d’un stade Bismuth et Corlette 4 ?

Dr Schmidt : Quand on voit le scanner et la bili-IRM sur-out, on a l’impression qu’on a des voies biliaires gauches quiont assez dilatées mais en continuité (dans le lobe gauche)t ensuite c’est plus une branche du 4. A priori, il n’y a pase contre-indication vasculaire donc on peut imaginer dearder le lobe gauche avec une seule anastomose sur la voieiliaire gauche.

Dr Regimbeau : Toi tu penses que ce qui est en haut sura voie biliaire c’est le 4 ?

Dr Schmidt : J’ai l’impression quand on regarde le scan-er qu’on a une voie biliaire commune gauche qui part

Page 4: Une tumeur du hile

Une tumeur du hile

relativement à l’horizontale et qu’on a une voie biliaire du4 qui part assez à la verticale.

Dr Regimbeau : Donc pour aller plus loin, tu penses qu’ily a peut être une ouverture pour un traitement à visée cura-tive ?

Dr Perniceni : Et que peut être la voie biliaire du 4 n’estpas modale finalement ?

Dr X : Par rapport aux discordances concernantl’anatomie biliaire, est-ce qu’on ne peut pas déjà leconsidérer comme potentiellement résécable et proposerà ce patient une radiochimiothérapie avant de refaire unenouvelle cartographie pour voir un petit peu si le canalgauche est libre ou non ?

Dr Barbier : Nous avons pensé qu’on pouvait éventuelle-ment proposer une chirurgie d’exérèse car il n’y avait pasd’atteinte vasculaire, artérielle et portale, une atteintesecondaire des voies biliaires à droite, et comme vous,on s’est beaucoup posé la question et on s’est dit qu’ily avait un canal du segment 4 qui était plus vertical etsitué plus près de la convergence que d’habitude (Fig. 3a etb). Et que donc finalement il s’agissait d’un stade Bismuthet Corlette 3A, qui peut rentrer dans le cadre d’une chi-rurgie d’exérèse à visée curative (nouvelle classification :B3T2FMassPV0HA0V25N??M??) [2]. En raison de la position ducanal biliaire du segment 4 on se disait qu’on pouvait fairenotre anastomose biliodigestive sur un segment du canalcommun 2—3 assez long.

En fait, immédiatement après son transfert le patientdevient fébrile pendant 48 heures, et donc on l’adresseaux gastro-entérologues qui proposent un changement deprothèse. Lors de la cholangiopancréatographie rétrogradeendoscopique (CPRE) ils signalent de nombreuses sténosesà gauche, et une impossibilité à cathétériser les voiesbiliaires droites. La prothèse est donc changée (Fig. 4). Lepatient a été traité par antibiotiques et l’évolution a étéfavorable.

À ce moment de l’observation, on se pose beaucoup dequestions et on ne comprend pas pourquoi y a des sténoses

Figure 4. Multiples sténoses des voies biliaires intrahépatiques(VBIH) gauches ; VBIH droites non cathétérisables.

241

multiples à gauche et on refait donc un scanner (Fig. 5) :celui-ci montre l’apparition de lésions multiples intra-hépatiques ainsi que des adénopathies au niveau du hilehépatique et au niveau de l’origine de l’artère splénique.On mesure à tout hasard le volume du lobe gauche quimesure 25 % du foie total. De plus on remarque que laprothèse biliaire à été posée à droite et non à gauche. Celaremettrait en cause la localisation des sténoses vues à laCPRE.

Maintenant que vous avez vu ce scanner de réévaluationet que vous avez la mesure des volumes. Quel est le gesteque vous proposeriez et que vous proposeriez-vous à votrepatient pour l’amener à la chirurgie ?

Dr Regimbeau : Le problème de l’infection est passé ?Dr Barbier : Il s’agissait d’abcès et sous antibiotiques

l’ensemble s’est amélioré.Dr Regimbeau : Les abcès ont disparus ?Dr Barbier : Les images persistent mais le patient n’a plus

de fièvre.Dr Perniceni : Et finalement il a eu une prothèse une fois

à gauche et une fois à droite ?Dr Barbier : Oui. Ils nous ont dit qu’ils avaient changé la

prothèse à gauche et sur le scanner elle s’est retrouvée àdroite. Donc le patient n’est plus drainé à gauche.

Dr Perniceni : Donc le drainage droit guéritl’angiocholite ?

Dr Barbier : Oui.Dr Regimbeau : Mais en dehors de la variation anato-

mique, que proposez-vous à ce patient qui a un syndrome ouune tumeur de Klatskin avec un lobe gauche de petite taillesi on reste dans une optique à visée curative comme prépa-ration en vue d’une hépatectomie majeure. La bilirubinémieest normale ?

Dr Barbier : Aux alentours de 50 �mol/L (3N).Dr Mathieu : Je voulais revenir sur l’histoire clinique

et savoir si la bactérie sur l’adénopathie est une histoireancienne ? Il n’y a pas de sida ?

Dr Barbier : Oui, c’était il y a dix ans, il avait des gan-glions cervicaux, des analyses ont été faites et il est revenuavec un diagnostic de microbactérie atypique hors VIH. Iln’est pas immunodéprimé.

Dr Perniceni : Les gastro-entérologues étaient trèsinquiets de l’aspect des voies biliaires intrahépatiques ?

Dr Barbier : Oui ils étaient inquiets et nous, nous avionsenvie de l’opérer.

Dr Elias : J’estime ne pas du tout être un spécialiste destumeurs de Klatskin : mais « en termes de tuyauterie », ceque je trouve chez ce patient c’est qu’il a vraiment un petitfoie gauche. La prothèse est à droite et il a des abcès, etil faudrait pour des raisons d’hypertrophie ne drainer quele foie qui reste c’est-à-dire le foie gauche. J’aurais ten-dance à dire qu’il faut remettre une prothèse biliaire àgauche, boucher la veine porte à droite, et attendre la dis-parition des abcès et que le foie grossisse. En attendant,j’aurais tendance à m’orienter vers une première approchenon chirurgicale par radiochimiothérapie initiale (dans unbut chirurgical) comme ils font à la Mayo Clinic.

Dr Regimbeau : Donc remarque de bon sens, c’est-à-direoptimiser le drainage et lutter contre l’infection sachantque ce patient n’a plus de foie droit quasiment car on al’impression qu’il y a une atrophie droite. Donc on optimisele drainage et ensuite ? Est-ce que vous avez l’histologie ?

Dr Barbier : Non, toujours pas.Dr Regimbeau : Est-ce normal de ne pas avoir d’histologie

dans les tumeurs de Klatskin en préopératoire ?Dr Barbier : C’est une situation fréquente.

Page 5: Une tumeur du hile

242 L. Barbier et al.

F hes rV

qsdqn

lca

lmcEd

ps

lvapeM

tpctddeasfum

alqfnmsevpnftda

igure 5. Scanographie : images suspectes intrahépatiques (flècolumétrie : lobe gauche = 25 % foie total.

Dr Regimbeau : Dans 80 % des cas, pour des tumeursui s’avèreront être un cholangiocarcinome, les patientsont opérés sans histologie. Donc le fait de ne pas avoir’histologie ce n’est pas totalement anormal. Est-ce queuelqu’un suit Monsieur Elias vers une prise en chargeéoadjuvante ?

Dr X : Est-ce qu’on ne peut pas avoir la cytoponction de’adénopathie de l’artère splénique qui pose problème. Si’est néoplasique, ca veut dire qu’on est dans une formessez avancée de néoplasie.

Dr Perniceni : On reparle de la tuberculose dans’assistance. Cette adénopathie est importante : si elle estaligne la maladie est étendue, si elle répond infection spé-

ifique peut être que le traitement n’est pas chirurgical.st-ce que vous avez réfléchi à la biopsie en préopératoire

ans votre prise en charge ?

Dr Barbier : Oui, ca va venir.Dr Elias : Oui, mais elle n’aura de valeur que si elle est

ositive, si elle est négative on ne sait pas quoi en tirerurtout s’il y a eu une prothèse et des abcès.

Dr Regimbeau : Prothèse et abcès peuvent expliquer’adénopathie, c’est une autre possibilité. Donc il faudraitoir si cette adénopathie existait sur les scanner antérieursux abcès. Pour l’instant, juste pour résumer on a commeréparation à l’hépatectomie une optimisation du drainage,t une modulation volumique très timide car il n’y a queonsieur Elias qui en a parlé.

Dr Barbier : Donc juste à propos de la classification de laumeur, si on se réfère à la nouvelle classification qui a étéubliée en 2011 dans Hepatology [2] qui est discrètementomplexe, on voit qu’il nous manque trois paramètres, lesrois derniers (B3T2FMassPV0HA0V25N??M??). On a un volumeu futur foie restant qui est petit à 25 % et on a des points’interrogation premièrement quant aux adénopathies (N)t secondement quant à ces images intrahépatiques qu’on

étiqueté abcès (M ?), mais il faudra être sur que se neont pas des métastases hépatiques. On avait envisagé deaire une hépatectomie droite élargie au segment 4 avecne résection de la convergence biliaire. Sachant que laortalité dans ce type de chirurgie est assez élevée, on

lfblpid

alde

pdBi

phdetnl

ouges) ; adénopathies suspectes à l’origine de l’artère splénique.

essayé de prendre toutes les précautions possibles pour’amener à la chirurgie, en essayant d’être R0 car on saitue c’est un facteur pronostique majeur de survie. Pouraire une parenthèse, la transplantation hépatique nouse l’avons pas discutée car la lésion semblait résécable,ais c’est une option qui pourrait être considérée et qui

era peut-être bientôt étudiée dans le cadre d’un PHRCn France. Donc avant la chirurgie il fallait augmenter leolume du futur foie restant, en faisant une embolisationortale en prenant un objectif de volume, volume qui’est pas consensuel dans la littérature, un volume deoie restant mais de 35 à 40 % car il s’agit de foies choles-atiques et potentiellement infectés. Nous avons décidée faire une embolisation de la branche porte droite etussi de la branche portale du segment 4 car cela majore

e gain volumique du lobe gauche. L’embolisation suroie cholestatique est efficace surtout après le drainageiliaire. Nous avons aussi biopsié les adénopathies de’artère splénique, qui étaient négatives, et nous avonsoursuivi le traitement antibiotique pour les lésionsntrahépatiques en espérant très fort qu’ils s’agissent’abcès.

Je vous présente le scanner de réévaluation (Fig. 6)près embolisation portale, qui nous montre, d’une part,a régression des lésions intrahépatiques, qui ont diminuée taille, et, d’autre part, un lobe gauche qui a bien grossit qui est maintenant à 37 % du foie total.

Nous avons conclu que, comme les lésions intrahé-atiques régressaient, il s’agissait très probablement’abcès. Nous avons alors complété la classification3T2FMassPV0HA0V25N0M0, et on n’avait pas de contre-ndication à la chirurgie.

Nous l’avons donc opéré : à l’exploration nous n’avonsas trouvé de carcinose, et toutes les lésions intra-épatiques avaient disparu ; nous avons fait un pickinges adénopathies spléniques et cœliaques dont l’examenxtemporané était négatif ; l’opacification par le canal cys-ique s’est soldée par un échec. On palpait une masse auiveau du hile et on n’a pas trouvé d’envahissement vascu-aire.

Page 6: Une tumeur du hile

Une tumeur du hile 243

e : les images suspectes intrahépatiquesont disparu. Lobe gauche = 37 %

Figure 6. Scanographie : réévaluation après embolisation portalB3T2FMassPV0HA0V37N0M0.

Nous avons donc réalisé le geste prévu, à savoir unehépatectomie droite élargie au segment IV avec résec-tion de la convergence biliaire : on a trouvé une bouchedu canal biliaire pour les segments 2 et 3 qui était saineà l’extemporanée ; une opacification par ce canal étaiteffectuée (Fig. 6) avant de réaliser une anastomose bilio-digestive intubée.

Donc voici la photo (Fig. 7) du foie restant en find’intervention avec la veine cave à l’arrière, le tronc porte,on a du faire un surjet sur la branche portale droite parcequ’il y avait de l’histoacryl qui était très proche de labifurcation et le canal biliaire qui est au-dessus. Ca c’estl’opacification surprise du canal du 2—3 une fois qu’on avait

enlevé la pièce et que l’intervention était quasiment finie.

Donc qu’en pensez-vous ? Et est-ce que vous suspectez unautre diagnostic que celui de tumeur maligne du hile ?

Dr Perniceni : Voilà cette opacification des voies restantesqui je vous rappelle n’est pas très différente de ce qui a étédécrit par les endoscopistes, est-ce que c’est une surprise ?Est-ce qu’il y a des regrets à avoir ?

Dr Adeo : Je voulais juste demander si en préopératoirevous aviez demandé le dosage des IgG4 ?

Dr Barbier : Non on ne l’a pas demandé.Dr Adeo : Car en fait lorsque vous recevez le patient il

a 300 �mol/L de bilirubine et des voies biliaires avec dessténoses étagées, il y a un diagnostic à faire c’est la cholan-giopathie auto-immune.

Dr Barbier : On a un peu tiqué quand même, maisl’opération était finie donc il n’y avait plus qu’à espérer queca se passe bien. On s’est dit qu’il y avait une cholangitediffuse des voies biliaires restantes et le diagnostic auquelon a pensé c’était la cholangite sclérosante primitive : quiest plus fréquente chez les hommes ; et dans un contextede maladie inflammatoire chronique de l’intestin que lepatient n’avait pas ; et qui dégénère dans 10 % en cholan-giocarcinome. Nous avons également évoqué le diagnosticde pseudotumeur inflammatoire, ou de cholangite scléro-sante secondaire (à une maladie lithiasique, à un déficit

Figure 7. a : vue opératoire en fin d’intervention ; b : opacifica-tion des VB restantes en fin d’intervention (flèche rouge).

Page 7: Une tumeur du hile

2

icc

nCsct

rrst

suqpa(n

s

r(vpidd

l

cspaeo

c

lhblpps

i

djdcàuadcmd

F

cfdeas

sppcnàmliblr

44

mmunitaire) mais on n’avait aucun argument pour évoqueres diagnostics chez ce patient et enfin effectivement à laholangite à IgG4.

À l’examen anatomopathologique, premier résultat, ile s’agit pas d’un cholangiocarcinome développé sur uneSP et effectivement c’était bien une cholangite à IgG4 : il’agissait d’une lésion inflammatoire associée à des plasmo-ytes à IgG4. A posteriori, le dosage des IgG4 sériques étaitrès augmenté donc vous aviez raison.

Dr Regimbeau : Dès le début certains intervenants ontemis en cause le diagnostic, moi je n’aurais pas tiqué. Enevanche, ce patient se situe dans les 5 % de patients quiont opérés pour cholangiocarcinome du hile et qui ont auotal une lésion bénigne.

Dr Letoublon : Moi, j’ai la notion que quand le tauxérique des IgG4 est limite en dessous du seuil, ca peut êtrene cholangite à IgG4 et le problème malheureusement c’estue le diagnostic ne peut être fait que par une biopsie assezrofonde. Autrement dit quand on y pense, il faut demanderux gastro-entérologues une biopsie par voie endobiliaireau mieux en utilisant le Spyglass Spyscope system) et ce’est pas facile.

Dr Barbier : Effectivement, le taux sérique est augmentéeulement dans 60 à 75 % des cas.

Dr B. Pol : Quand on va à l’Association francaise de chi-urgie (AFC) et à la Société francaise de chirurgie digestiveSFCD) régulièrement chaque année, on présente une obser-ation de cholangiocarcinome qui n’en est pas un, et deseudocholangite sclérosante qui en est un, donc c’est trèsntéressant et est-ce qu’on ne pourrait pas justement avoires guidelines des sociétés savantes sur le bilan à faire avant’opérer un Klatskin ?

Dr Perniceni : Une sorte de check-list, on va demander à’ACHBT.

Dr Barbier : Maintenant que vous savez que c’était uneholangite à IgG4, dans l’histoire de ce malade et la pré-entation de sa lésion, quels étaient les indices qui auraientu vous orienter vers ce diagnostic ? On sait déjà qu’il yvait l’aspect des voies biliaires c’est un premier point maisst-ce que vous voyez d’autres indices qui auraient pu vousrienter vers ce diagnostic ?

Dr Perniceni : On va demander au jeune homme quionnaît très très bien la cholangite à IgG4.

Dr Adeo : Dans le dossier ce qui était étonnant c’est quee patient a une lésion Bismuth-Corlette stade 4, sans enva-issement vasculaire et sans masse visible, et une 300 deilirubine sanguine très élevée et évidemment en premierieu des dilatations biliaires étagées. Il s’agit souvent deatients déjà suivis par des gastro-entérologues. Donc leiège de ce dossier, c’était une lésion Bismuth-Corlettetade 4, sans envahissement vasculaire.

Dr Barbier : Vous n’avez pas d’autres idées pour lesndices ?

Dr Perniceni : Dans les antécédents du patient ?Dr Barbier : L’ictère était d’apparition brutale, avec plus

e 300 micromol/L, de bilirubine, et les voies biliaires quee vous ai montrées. Donc en fait cela rentre dans le cadre’une pancréatite auto-immune de type 1, c’est fréquenthez les patients asiatiques. Il y a trois caractéristiques

l’anatomopathologie : un infiltrat lymphoplasmocytaire,ne sclérose et une phlébite oblitérante. En fait, ce sont destteintes qui sont systémiques et multiples liées au dépôtes IgG4 donc c’est une maladie systémique sclérosante ete n’est pas simplement qu’une pancréatite [3,4]. Dans laajorité des séries, il y a d’autres organes atteints qui sontécrits, et en fait, l’atteinte du pancréas qui est celle qu’on

a

q(ptsln(

cRtdso

plVÀqle

L. Barbier et al.

igure 8. Atteinte d’autres organes : fibrose rétropéritonéale.

onnaît probablement la mieux, à laquelle on pense le plusréquemment dans le diagnostic différentiel des tumeursu pancréas est seulement une atteinte parmi d’autres ;t il arrive qu’il y ait des atteintes d’autres organes sanstteinte pancréatique comme c’était le cas ici, ca repré-ente environ 7 % des patents.

Donc il s’agissait dans cette observation d’une cholangiteclérosante à IgG4 mais la particularité était qu’il n’y avaitas d’atteinte pancréatique (Fig. 5). Donc chez ce patient aosteriori ce n’était pas une conjonctivite allergique mais’était une atteinte des glandes lacrymales, une dacryoadé-ite sclérosante. De plus son antécédent d’adénite cervicale

mycobactéries atypiques correspondait vraisemblable-ent à une adénite à IgG4. Biologiquement, comme vous

’avez dit, il y avait un contraste entre une bilirubinémienitiale qui était très élevée et une dilatation des voiesiliaires qui était somme toute assez modérée. De plus, sure scanner (Fig. 8), il fallait voir qu’il y avait une fibroseétropéritonéale à laquelle on ne s’était pas spécialement

ttachée car on s’était focalisé sur la tumeur du hile.

Les autres atteintes que l’on doit rechercher systémati-uement quand on suspecte une maladie IgG4 sont le foiecholécystite, des hépatites en plus de la cholangite, et desseudotumeurs inflammatoires), le médiastin (adénopa-hies), le système nerveux, les glandes salivaires (syndromeec), la thyroïde (hypothyroïdie), le poumon, le mésentère,’aorte (anévrisme), le rétropéritoine (fibrose rétropérito-éale), le rein (pseudo-tumeurs inflammatoires) la prostateprostatite).

Les critères diagnostic qui ont été établis [5,6] sont lesritères Histologie, Imagerie, Sérologie, autres Organes,éponse aux corticoïdes (HISOR) basés sur l’histologie (infil-rat à IgG4 à la biopsie endobiliaire ou hépatique et absencee cellules malignes), sur des caractéristiques à l’imagerie,ur le dosage des IgG4 dans le sang, sur l’atteinte d’autresrganes et sur la réponse aux corticoïdes.

Il faut retenir que l’obtention d’une histologie n’estas facile et que la biospise peut se faire à l’endroit dea sténose inflammatoire mais au niveau de l’ampoule deater ou par biopsies hépatique ou à d’autres endroits.

l’imagerie vous connaissez les atteintes pancréatiques,ui correspondent à pancréas délobulé avec des sténosesongues et régulières du canal de Wirsung sans dilatationt au niveau des voies biliaires ce sont des atteintes

Page 8: Une tumeur du hile

Une tumeur du hile

multifocales étagées avec des dilatations qui sont assezmodérées par rapport au chiffre de bilirubine.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

Références

[1] Bismuth H, Corlette MB. Intrahepatic cholangioenteric anasto-mosis in carcinoma of the hilus of the liver. Surg Gynecol Obstet1975;140:170—8.

245

[2] DeOliveira ML, Schulick RD, Nimura Y, et al. New staging sys-tem and a registry for perihilar cholangiocarcinoma. Hepatology2011;53:1363—71.

[3] Divatia M, Kim SA, Ro JY. IgG4-related sclerosing disease, anemerging entity: a review of a multi-system disease. Yonsei MedJ 2012;53:15—34.

[4] Kamisawa T, Okazaki K, Kawa S. Diagnostic criteria forautoimmune pancreatitis in Japan. World J Gastroenterol2008;14:4992—4.

[5] Chari ST, Smyrk TC, Levy MJ, et al. Diagnosis of autoimmunepancreatitis: the Mayo Clinic experience. Clin GastroenterolHepatol 2006;4:1010—6.

[6] Otsuki M, Chung JB, Okazaki K, et al. Asian diagnosticcriteria for autoimmune pancreatitis: consensus of the Japan-Korea Symposium on Autoimmune Pancreatitis. J Gastroenterol2008;43:403—8.