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UNIVERSITÉ DE PAU ET DES PAYS DE L’ADOUR
Mémoire préparé par Aurélie SALIN En vue de l’obtention de la Licence Professionnelle Intervention Sociale MÉTIERS DE LA FORMATION DES JEUNES ET DES ADULTES
Sous la direction de Frédérique LERBET-SERENI
PAU, le 29 juin 2010
L’accompagnement entre formel et informel
Le cas de trois animateurs de cyber-base en milieu rural
UNIVERSITÉ DE PAU ET DES PAYS DE L’ADOUR
Mémoire préparé par Aurélie SALIN En vue de l’obtention de la Licence Professionnelle Intervention Sociale MÉTIERS DE LA FORMATION DES JEUNES ET DES ADULTES
Sous la direction de Frédérique LERBET-SERENI
PAU, le 29 juin 2010
L’accompagnement entre formel et informel
Le cas de trois animateurs de cyber-base en milieu rural
Remerciements
Je tiens à remercier toutes les personnes dont la présence, le soutien et l’accompagnement m’ont été précieux au cours de cette année riche en bouleversements.
Pour apprendre quelque chose aux gens, il faut mélanger ce qu’ils connaissent avec ce qu’ils ignorent.
Pablo Picasso
4
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS............................................................................................................................ 3
SOMMAIRE ......................................................................................................................................... 4
INTRODUCTION GENERALE......................................................................................................... 5
PREMIERE PARTIE........................................................................................................................... 7
INTRODUCTION PREMIERE PARTIE.......................................................................................... 8
CHAPITRE 1. FORMEL, INFORMEL : VARIATIONS SUR LA FO RME................................. 9
INTRODUCTION................................................................................................................................... 9 I. SOUS L’ANGLE DES SAVOIRS......................................................................................................... 10 II. L’ EXPERIENCE : DE L’EXPERIMENTATION A LA PHILOSOPHIE DE LA VIE....................................... 18 III. LE LIEN COMPLEXE DU FORMEL ET DE L’ INFORMEL .................................................................... 27 CONCLUSION.................................................................................................................................... 32
CHAPITRE 2. L’ACCOMPAGNEMENT : UN ART DE LA LIBERTE ?.................................. 34
INTRODUCTION................................................................................................................................. 34 I. ENTRE INSPIRATION ET INTERVENTION : LE CHEMINEMENT COMPLEXE DE L’ACCOMPAGNEMENT35 II. L’ ACCOMPAGNEMENT COMME MOUVEMENT A LA CREATION....................................................... 43 III. ACCOMPAGNER : (SE) LIBERER PAR L’EXPERIENCE OU EXPERIMENTER LA LIBERTE ?................. 50 CONCLUSION.................................................................................................................................... 56
CONCLUSION PREMIERE PARTIE............................................................................................. 58
DEUXIEME PARTIE ........................................................................................................................ 59
INTRODUCTION DEUXIEME PARTIE ....................... ................................................................ 60
CHAPITRE 3. CONTEXTE DE L’ETUDE, RECUEIL DES DONNEE S ET ANALYSE PAR ENTRETIEN....................................................................................................................................... 61
INTRODUCTION................................................................................................................................. 61 I. CONTEXTE DE L’ETUDE ................................................................................................................. 62 II. RECUEIL DE DONNEES.................................................................................................................. 64 III. CONSTRUCTION DE LA GRILLE D’ANALYSE ................................................................................. 70 IV. PRESENTATION DES RESULTATS ET PREMIERE ANALYSE VERTICALE .......................................... 76 CONCLUSION.................................................................................................................................... 90
CHAPITRE 4. ANALYSE COMPARATIVE, INTERPRETATION ET PERSPECTIVES D’ACTION.......................................................................................................................................... 92
INTRODUCTION................................................................................................................................. 92 I. ANALYSE COMPARATIVE, ANALYSE GLOBALE............................................................................... 92 II. INTERPRETATION ET PERSPECTIVES D’ACTION ........................................................................... 103 CONCLUSION.................................................................................................................................. 112
CONCLUSION DEUXIEME PARTIE .......................................................................................... 114
CONCLUSION GENERALE.......................................................................................................... 115
ANNEXES......................................................................................................................................... 117
BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................................... 119
OUVRAGES..................................................................................................................................... 119 ARTICLES ....................................................................................................................................... 120 INTERNET....................................................................................................................................... 121
TABLE DES MATIERES................................................................................................................ 123
5
Introduction générale Les espaces publics numériques (EPN), dont les premiers datent de la
fin des années 1990, sont des lieux ouverts à tous dont la mission principale est de
permettre à chacun d’accéder et de s’initier aux Technologies de l’Information et de
la Communication (TIC). Ces espaces sont des lieux d’apprentissage tournés - voire
centrés - sur l’informatique et les TIC mais peut être pas seulement… Ainsi, en 2006,
lors d’un sondage, des professionnels travaillant au sein de ces espaces (responsables
et animateurs d’EPN notamment) devaient « (…) citer des mots-clés pour définir un
EPN. Les termes le plus souvent cités ont été : “formation”, “information”, “lien
social”, “fracture”, “développement”, “citoyenneté”. (…) Il est (…) intéressant de
constater que les termes cités sont plutôt utilisés dans le domaine social que dans
celui de l’informatique et des NTIC. Les EPN produiraient-ils donc, dix ans après
leur création, davantage de culture “humaniste” que technologique ? »1.
Cette question que posait Michel Lisowski en 2006, résonne en nous
en 2010 alors que nous sommes animatrice d’un de ces EPN en milieu rural. Parce
que nous avons le sentiment que dans ces lieux, les apprentissages ne concernent pas
que les TIC mais sont aussi "autre chose". Parce que dans ces espaces identifiés
comme des lieux de formation, il y a aussi des rencontres, des échanges, de la
convivialité, il y a ce "quelque chose" qu’on ne parvient pas à identifier et avec
lequel, en tant qu’animateur il nous faut composer. Dans ce contexte, que signifie
accompagner les personnes dans la découverte et l’usage des TIC, dans leur(s)
apprentissage(s) ?
Pour pouvoir avancer dans ce questionnement, il nous a été nécessaire
de pousser un peu plus avant notre réflexion, de réfléchir différemment. Il s’est donc
agi de préciser davantage ce qui nous semblait en présence, de modifier notre regard
et finalement de le théoriser. Se détacher du "terrain" et explorer une matière à
penser pour nous aider à cheminer, c’est un peu la démarche que nous avons suivi et
1 LISOWSKI Michel. « Les espaces publics numériques ont dix ans ». Actualité de la Formation Permanente, 2006, n° 204 consulté en ligne le 9 juin 2010. URL : http://www.centre-inffo.fr/Les-espaces-publics-numeriques-ont.html
6
qui nous a amené alors à concevoir notre préoccupation comme étant celle de
l’accompagnement entre formel et informel.
Mais qu’est ce qui se trouve derrière ces notions de formel et
d’informel ? Dans quelle mesure pouvons-nous parler d’accompagnement entre
formel et informel ? Et, en quoi cela pourra se "raccrocher" à notre pratique
quotidienne ?
Pour tenter de progresser sur ces questions, il s’agira dans une
première partie de mener une exploration théorique. Exploration théorique qui
consistera tout d’abord en une observation à différents niveaux des notions de formel
et d’informel. Poursuivant notre réflexion sur la notion d’accompagnement, nous
l’envisagerons notamment sous l’angle de la relation à autrui et de la création. Qu’en
sera-t-il alors de l’accompagnement entre formel et informel ?
Ce sont les données recueillies sur le terrain sous la forme de trois
entretiens d’animateurs de cyber-base en milieu rural qui seront le point de départ de
notre seconde partie. Celle-ci débutera donc par l’explicitation de notre démarche de
recherche. Elle se prolongera par une mise en relation de l’exploration théorique avec
les données de terrain analysées et nous ouvrira alors des perspectives déclinables
professionnellement que nous n’aurions peut être pas envisagées sans ce travail.
7
Première partie
Exploration théorique
8
Introduction première partie
Des situations de formation singulières au sein de contextes
caractérisés par la ruralité et la proximité sont marquées par la prégnance de ce que
l’on nomme l’expérience, le quotidien, l’informel. Cet espace impalpable, non
structuré, non institutionnalisé, espace de rencontres et de découvertes,
d’apprentissage et de transmission, ne se dévoile qu’à ceux qui veulent bien y prêter
attention. L’informel côtoie ainsi de manière particulière et presque clandestine le
formel inhérent à tout lieu de formation. Qu’est ce qui se joue alors entre ces deux
notions ? Comment "cohabitent"-elles ? Comment l’animateur, l’accompagnant, y
trouve sa place, s’il a vraiment une place à trouver…
Il s’agira donc tout d’abord de comprendre un peu mieux ce qui se
cache derrière ces notions de formel et d’informel - notamment par un passage par la
forme - pour essayer de saisir ce que nous y projetons et l’image que nous nous en
faisons. Cheminant ensuite dans l’expérience et ses différentes conceptions, nous
serons amené à complexifier notre regard et à repousser nos limites.
Entre formel et informel se posera ensuite la question de
l’accompagnement et de la façon dont l’accompagnant, le formateur, l’animateur, se
"débrouille" de "tout ça". Comment parvenir à exercer son métier de la "meilleure"
manière ? Celle qui convient en somme, mais qui convient à qui ? Et qui convient
pour quoi ? Nous entrerons dans la notion d’accompagnement par le biais des
postures pour cheminer ensuite entre intervention et inspiration. De l’inspiration à la
création, il n’y a qu’un pas que nous essaierons de franchir en envisageant
l’accompagnement comme un art. Un art qui serait alors étroitement lié à ce que
l’expérience pourrait nous amener à effleurer : la liberté.
9
Chapitre 1. Formel, informel : variations sur la forme
Introduction
S’intéresser aux notions de formel et d’informel, c’est déjà, par le
simple fait de les associer, envisager ce qui les relie et les sépare, ce qui les
rapproche et les différencie. C’est ainsi (et surtout) cheminer dans leur rapport à la
forme, rapport source de variations autant de nos représentations que de la valeur
qu’on leur donne. Le formel apparaît d’emblée comme quelque chose de déterminé,
de certain2 alors que l’informel - terme qui n’apparaît en France qu’au XXe siècle3 -
est d’abord utilisé dans le domaine de l’art pour désigner la peinture « (…) qui tend à
exprimer des états de sensibilité produits par le spectacle du réel sans recours à la
représentation formelle de celui-ci »4. Il est issu de l’anglais informal utilisé en
sociologie américaine pour désigner « ce qui est dégagé de tout formalisme, de toute
structuration ou institution »5. On notera également qu’il est directement lié à
l’informe, du latin informis qui signifie : « non façonné, brut », « mal formé,
difforme, hideux, horrible »6. Peut-on alors conjuguer l’informel au même titre que le
formel, au temps des savoirs comme à celui des apprentissages ?
S’intéresser aux notions de formel et d’informel, c’est ensuite
envisager leur union en un lien complexe considérée dans une vision globale.
Et finalement, s’intéresser au formel et à l’informel, n’est ce pas
simplement se positionner en tant que sujet apprenant, sujet en tension entre ce qu’il
maîtrise ou croit maîtriser et ce qui le dépasse ou semble le dépasser ?
Ce premier chapitre débutera donc sur le questionnement de la forme
des savoirs - basé sur la distinction effectuée par Jacques Legroux entre 2 Le "formel" étant, selon la définition du Trésor de la Langue Française interactif : « ce qui existe de façon déterminée et, p. ext, qui est énoncé de façon déterminée, claire, sans équivoque » 3 Selon le Dictionnaire de l’Académie Française 9e édition. 4 Définition du terme "informel" dans le Trésor de la langue Française interactif. 5 Ibid. 6 Définition du terme "informe" dans le Trésor de la langue Française interactif.
10
l’information, le savoir et la connaissance7 - permettant ainsi le déploiement des
notions de savoirs formels, non formels et informels. Il se prolongera par un
cheminement à travers l’expérience en tant qu’espace d’apprentissage pour s’achever
sur la mise en complexité du formel et de l’informel dans une perspective de
construction des connaissances sur lesquelles il s’agira alors de s’interroger.
I. Sous l’angle des savoirs
Avant d’évoquer la question de la forme des savoirs, nous retiendrons
tout d’abord une conception du savoir en nous appuyant sur les travaux de Jacques
Legroux. Ce dernier fait en effet la distinction entre l’information, le savoir et la
connaissance. Définie comme « (…) une donnée extérieure au sujet »8, l’information
constitue le premier état de ce qui pourra devenir, sous condition d’une
transformation par l’ancrage dans l’expérience et d’une appropriation par le sujet, la
connaissance, « (…) tellement incorporée à l’être qu’elle ne s’en distingue plus »9.
Ainsi, si la connaissance est du domaine de l’être, le savoir, quant à lui, « (…) reste
un avoir ».10 De cette différence entre être et avoir découle alors la distinction « (…)
du savoir intégré intellectuellement et de la connaissance intégrée plus complètement
et plus profondément. »11 . Le savoir n’est donc ni information, ni connaissance mais
se situe plutôt à l’interface de ces deux concepts et joue ainsi un rôle primordial dans
la construction des connaissances et par là même dans celle de l’être.
Ayant positionné le savoir en regard de l’information et de la
connaissance, nous pouvons à présent étudier la distinction entre formel, non formel
et informel sous l’angle des savoirs, sur la base de définitions issues de travaux de
chercheurs ayant spécifiquement travaillé sur ces notions12 et d’institution oeuvrant
dans le domaine de l’éducation comme l’UNESCO.
7 LEGROUX Jacques. De l’information à la connaissance. Paris : L’Harmattan, 2008. 8 Ibid. p. 105. 9 Ibid. p. 112. 10 Ibid. 11 Ibid. p. 114. 12 Il s’agit entre autres de Gilles Brougère, Pierre Dasen…
11
1. De la limite des définitions
Si le consensus semble se faire autour des définitions relatives aux
savoirs formels et non formels, il paraît beaucoup plus difficile à établir pour les
savoirs informels.
1.1 Savoirs formels
On considérera, en se basant sur la conception de l’apprentissage
formel de Gilles Brougère, que les savoirs de type formel s’acquièrent dans des
« (…) situations qui sont conçues, reconnues ou vécues comme éducatives. »13. Il
s’agira ainsi de savoirs issus d’un enseignement formel au sens où l’entend
l’UNESCO14. De ce fait, comme le note Gilles Brougère, lorsque l’on se situe dans
ce type d’enseignement, il y a « (…) présence d’une intention d’apprendre, voire (…)
conscience d’apprendre. »15 ; les savoirs acquis y sont évalués, certifiés et validés par
l’obtention d’un titre ou d’un diplôme.
1.2 Savoirs non formels
Nous pourrions ensuite être tenté de définir les savoirs non formels –
du fait de la présence du préfixe " non" - par opposition aux savoirs formels. En effet,
en considérant ce "non" comme préfixe indiquant la négation, le non formel se
positionnerait en négatif par rapport au formel. Cependant, en reprenant la
Classification Internationale Type de l’Education de l’UNESCO, on s’aperçoit que le
non formel est une notion moins distincte que ne pourrait le laisser supposer un
simple point de vue sémantique. Ainsi, l’enseignement formel y est défini comme
« toute activité éducative et durable qui ne correspond pas exactement à la définition
de l’enseignement formel donnée ci-dessus. L’enseignement non formel peut être
13 BROUGERE Gilles. « Les jeux du formel et de l’informel ». Revue française de pédagogie, 2007, n°160, p. 5-11, p.5. 14 Cf. définition issue de la Classification Internationale Type de l’Education (1997) de l’UNESCO qui délimite l’enseignement formel à : « (un) Enseignement dispensé dans le système des écoles, des collèges, des universités et des autres établissements éducatifs formels. Il constitue normalement une "échelle" continue d'enseignement à plein temps destiné aux enfants et aux jeunes, commençant, en général, entre cinq et sept ans et se poursuivant jusqu'à 20 ou 25 ans. Dans certains pays, ses échelons supérieurs sont constitués de programmes organisés alternant emploi et enseignement scolaire ou universitaire à temps partiel : ces programmes sont désignés dans ces pays par l'expression de "système dual" ou par des formulations équivalentes. » 15 Op. Cit.
12
dispensé autant à l’intérieur qu’à l’extérieur d’établissements éducatifs et s’adresser à
des personnes de tous âges. Selon les spécificités du pays concerné, cet enseignement
peut concerner des programmes d’alphabétisation des adultes, d’éducation de base
d’enfants non scolarisés, d’acquisition de compétences utiles à la vie ordinaire et
professionnelle et de culture générale. Les programmes d’enseignement non formel
(…) peuvent être de durée variable. »16. Ainsi, même si le non formel est bien défini
en référence au formel, il ne lui est pas totalement opposé puisqu’il n’exclut pas la
possibilité que les savoirs le caractérisant soient acquis au sein de lieux éducatifs
identifiés comme tels tout en ouvrant le champ spatial de façon assez large. De
même, l’aspect temporel est élargi, les savoirs non formels pouvant s’élaborer tout au
long de la vie. Pour Daniel Schugurensky, « l’éducation non formelle renvoie à toute
activité éducative se déroulant en dehors du système scolaire officiel »17. Ainsi,
savoirs formels et non formels se rejoignent sur plusieurs plans, notamment dans
l’idée qu’ils découlent l’un comme l’autre d’activités éducatives, selon un mode
d’acquisition très proche. On retiendra tout de même qu’en général ils se distinguent
par la présence (pour le formel) ou non (pour le non formel) d’une validation sous
forme de titre.
1.3 Savoirs informels
Parler ensuite de savoirs informels, c’est s’inscrire dans une
perspective beaucoup plus équivoque et admettre que l’informel a une « (…)
signification (qui) varie fortement d’un auteur à l’autre, lors même qu’il existe un
réseau de références communes à ceux-ci. »18 . Ainsi, Pierre Dasen définit de tels
savoirs comme des savoirs qui « (…) consistent en tout ce qui n’est pas appris à
l’école »19, et dont la dimension sociale et culturelle est très marquée. Il inclut
toutefois la possibilité pour les savoirs informels de s’élaborer au sein de l’institution
scolaire, de façon inconsciente : « mais même dans cette institution, il y a de la
transmission informelle, dans ce qu’on appelle le "curriculum caché", par exemple
16 Cf. CITE 1997 de l’UNESCO 17 SCHUGURENSKY Daniel. « Vingt mille lieues sous les mers : les quatre défis de l’apprentissage informel ». Revue française de pédagogie, 2007, n°160, p. 13-27, p. 14. 18 BROUGERE Gilles, BEZILLE Hélène. « De l’usage de la notion d’informel dans le champ de l’éducation ». Revue française de pédagogie, 2007, n°158, p. 117-160, p.118-119. 19 NGENG Lysette. « Niche de développement et approche interculturelle. » In G. Brougère, H. Bézille. Apprendre de la vie quotidienne. Paris : PUF, 2009. p. 255-265, p. 262.
13
dans une valeur transmise inconsciemment comme celle de travailler rapidement.»20.
Cet aspect relatif à la non conscience d’apprendre est également pour Abraham Pain
l’élément permettant de caractériser l’informel puisque pour lui, « (…) il s’agit d’une
situation marquée par l’absence d’intentionnalité éducative et d’institutionnalisation
sociale. »21. Daniel Schugurensky, qui pense l’informel en terme d’apprentissages,
distingue quant à lui trois formes d’apprentissages informels catégorisés selon
l’intention et la conscience d’apprendre. Ainsi, il parle tout d’abord d’apprentissages
auto-dirigés, processus intentionnels et conscients dans la mesure où ils « (…)
renvoient "aux projets éducatifs" entrepris par des personnes (seules ou au sein d’un
groupe) sans l’aide d’un professeur, bien qu’il puisse y avoir la présence de
"personnes ressources" qui ne se considèrent pas comme des éducateurs
professionnels »22. Il parle ensuite d’apprentissages fortuits (non intentionnels et
conscients) pour lesquels l’apprenant prend conscience a posteriori d’avoir appris
quelque chose. Enfin, il propose de parler d’apprentissage tacite ou de socialisation
pour les apprentissages se déroulant dans la vie quotidienne, processus alors non
intentionnels et non conscients, même si une « (…) prise de conscience collective »23
peut tout de même avoir lieu par la suite.
On constate donc bien que, même si ces auteurs se réfèrent à des
principes communs, il subsiste une part d’incertitude quant à la définition même de
l’informel. Ce qu’il paraît important de souligner et qui constitue un point commun
entre ces auteurs, c’est que « d’une manière générale, un grand nombre
d’apprentissages informels produisent des connaissances tacites (…) »24 et qu’ils « se
font souvent de manière plus diffuse et plus désorganisée. »25. On notera également
que ces visions de l’informel recouvrent bien l’idée de savoirs qui pourront se
construire dans une temporalité non délimitée, tout au long de la vie.
20 Ibid. 21 Op. Cit. p. 122. 22 SCHUGURENSKY Daniel. « Vingt mille lieues sous les mers : les quatre défis de l’apprentissage informel ». Revue française de pédagogie, 2007, n°160, p. 13-27, p. 16. 23 Ibid. 24 Ibid. p. 18. 25 Ibid.
14
Les savoirs informels qui nous intéressent ici sont davantage ceux marqués par la
non conscience d’apprendre, ceux résultant, comme le dit Daniel Schugurensky, de
la socialisation et qui restent « invisibles aux apprenants eux-mêmes. »26.
Alors que le non formel existe en référence au formel, l’informel
semble dépasser toute tentative de définition et échapper à toute catégorisation
évidente. En effet, comment poser des limites - ce qui est le propre d’une définition -
à une notion qui semble nous dépasser ?
En explorant le concept de forme nous tenterons donc d’aller plus loin dans
notre étude des savoirs qui y sont associés.
2. Le rapport à la forme
Le mot forme, apparut pour la première fois au XIe siècle, signifie tout
d’abord l’ « aspect extérieur, (une) configuration caractéristique ou particulière »27,
d’où l’idée que la forme se définit par ses contours, elle est d’ailleurs elle-même
contour ou plutôt « ensemble de contours (d’un objet, d’un être), en fonction de ses
parties. »28. De cette notion de contour découle la représentation de quelque chose de
délimité mais dont le contenu n’est pas forcément précis(é), la forme c’est ainsi un
« ensemble de traits caractéristiques qui permettent à une réalité concrète ou abstraite
d’être reconnue. »29. Issue du mot latin forma, la forme c’est donc autant l’idée que
l’on se fait de quelque chose que le moule par lequel cette chose existe, est perçue et
éprouvée.
2.1 La théorie de l’hylémorphisme d’Aristote
Pour Aristote, « toute entité sensible est un composé de matière et de
forme »30. C’est à partir de cette conception qu’il fonde et développe sa théorie du
changement. Le changement étant ce qui permet à toute entité de passer d’un état dit
initial à un état dit final, états qui constituent « (…) des contraires d’un même genre :
26 SCHUGURENSKY Daniel. « Vingt mille lieues sous les mers : les quatre défis de l’apprentissage informel ». Revue française de pédagogie, 2007, n°160, p. 13-27, p. 23. 27 Définition issue du dictionnaire de l’Académie Française 8ème édition. 28 Définition du dictionnaire Le Petit Robert illustré d’aujourd’hui, 1996, édition mise à jour en novembre 2000. 29 Définition tirée du Trésor de la Langue Française interactif. 30 WEBER Edouard-Henri. « Hylémorphisme ». Encyclopedia Universalis en ligne. 2008.
15
le noir et le blanc, le petit et le grand, le haut et le bas (…), l’être et le néant (…) »31.
La forme, chez Aristote, c’est cet état final vers lequel toute entité tend dans le
changement, c’est par là même ce qui se transforme, ce qui passe d’un état à un
autre. La notion de matière désigne quant à elle, selon Pierre Rodrigo, un principe
interne à la chose physique. Il cite ainsi Aristote qui « appelle matière le substrat
premier de chaque chose, à partir duquel elle provient et qui lui reste immanent»32.
Selon Michel Fabre, chez Aristote, « (…) tout changement est information,
imposition d’une forme à une matière qui en est privée ou qui possède la forme
contraire. »33. Si on considère alors l’apprentissage comme un changement, penser
les savoirs formels dans cette conception de la forme c’est donc les appréhender dans
une certaine mesure en tant qu’imposition, conduisant à la mise en forme de
l’apprenant : d’ignorant l’homme devient savant. La forme de l’homme savant est
identifiée, connue, en puissance et planifiée dans l’homme ignorant. L’invariant, le
substrat, l’homme, peut alors être considéré comme « une matière vraiment première,
(…) un réceptacle informe, pure faculté de réceptivité. La forme est alors pensée
comme ce qui vient remplir le vide ou ce qui s’inscrit sur la table rase. »34. Nous
sommes ainsi interpellé par la différence de valeur qui semble être induite entre la
forme et l’informe et par extension entre ce que peuvent représenter les savoirs
formels par rapport aux savoirs informels.
2.2 L’esthétique de Kant
Pour Emmanuel Kant, la différence entre la forme et l’informe peut
s’observer au niveau du jugement esthétique35. En effet, au sens kantien, la forme
relève du beau, de ce qui est en harmonie avec le monde alors que l’informe relève
du sublime. « Le beau naturel concerne la forme de l’objet, laquelle consiste dans la
limitation ; en revanche, le sublime se peut trouver aussi dans un objet informe, pour
autant qu’une dimension d’illimité est représentée en lui ou grâce à lui et que
31 FABRE Michel. Penser la formation. Paris : PUF, 1994. p.121-122. 32 RODRIGO Pierre citant Aristote (Physique., I, 9, 192 a 31-32). Aristote. Paris : Ellipses, 1997, p. 61. 33 Op. Cit. p.122. 34 Op. Cit. p. 125. 35 KANT Emmanuel. Critique de la faculté de juger. Paris : GF Flammarion, 1995.
16
cependant vient s’y ajouter par la pensée la dimension de sa totalité (…)»36. Le beau
c’est ainsi la forme, harmonieuse, définie, alors que le sublime c’est l’informe au
sens où il est tellement immense qu’il nous est impossible de l’appréhender
totalement par les sens et que seul l’esprit est en mesure de le penser. Le sublime,
l’informe peut tout à la fois être attirant et repoussant, plaisant et effrayant alors que
le beau porte davantage l’esprit à « un état de calme contemplation. »37. L’informe
c’est donc ce qui suscite une émotion, du fait de son infinitude (Kant prend pour
image un ciel étoilé) ou de son côté effrayant ; il s’agira là alors du sublime
dynamique. Comment dès lors ne pas effectuer une association du beau donc ici de la
forme à une idée de maîtrise, et celle du sublime, de l’informe à une sorte de
dépassement ? La forme est contenue, l’informe est démesuré. En outre, le beau étant
pour Kant la finalité sans fin, il existerait dans la forme une prédétermination, une
intention assignée par une volonté supérieure.
Il y a donc dans l’idée de forme, chez Kant comme chez Aristote la
pensée d’une intention, d’une planification et d’une limitation. Et, si l’informe est,
pour Aristote surtout considéré comme absence de forme, il est pour Kant davantage
associé à la supériorité de l’esprit sur les sens, à la dimension d’illimité et donc dans
une certaine mesure à celle de dépassement.
En explorant ainsi le concept de forme, nous avons tenté de nous
approcher au plus près de ce que pouvait représenter l’informel. Cependant, si nous
avons l’impression de parvenir à concevoir le formel, l’informel nous paraît encore
très inaccessible et impalpable. Comment dès lors dépasser cet écueil ?
Peut être pourrions-nous adopter un autre angle de vision pour l’envisager d’une
façon différente.
3. De la connaissance du sujet au sujet connaissant
Ainsi, ne pourrait-on pas penser l’informel comme in-formel ? Il
s’agirait alors de ne plus envisager l’informe en tant qu’absence de forme mais
comme ce qu’il y a en, dans la forme. Considérer ainsi l’in -formel nous inviterait
36 Ibid. p. 225-226. 37 Ibid. p. 240.
17
donc à nous interroger sur la connaissance et sur la place du sujet dans sa
construction. L’in-forme n’étant plus uniquement ce à quoi il convient de donner une
forme mais ce par quoi cette forme se constituera. On pourra de fait s’inscrire dans
une perspective piagétienne qui considère la connaissance non pas comme un état
mais comme un processus, une construction issue d’interactions entre le sujet et
l’objet. En effet, Jean Piaget base sa théorie du développement sur la notion
d’équilibre entre les facteurs internes et externes et considère que « (…) toute
conduite est une assimilation du donné à des schèmes antérieurs (avec, à des degrés
divers de profondeur, assimilation à des schèmes héréditaires) et toute conduite est
en même temps accommodation de ces schèmes à la situation actuelle. »38. Le
processus d’assimilation pose ainsi pleinement le sujet au cœur du développement
des connaissances puisque qu’il concerne l’évolution des schèmes intrinsèques au
sujet en fonction même de ce sujet. La constitution des connaissances n’est donc pas
uniquement le résultat d’une imposition, d’une répétition ou d’une imitation mais
bien d’une construction où le sujet apprenant - l’in-forme - est acteur de sa propre
évolution cognitive.
Dans cette optique, nous pourrions ici envisager le formel comme ce
« qui donne plus d’importance à l’apparence qu’à l’essentiel, au fond, à la réalité »39
et voir ce fond comme le fonds, c'est-à-dire comme l’ensemble des ressources
intellectuelles, physiques et morales propres à l’individu. Le formel privilégiant ainsi
ce qui est extérieur au sujet que ce qui le constitue, s’inscrivant alors davantage dans
une vision positiviste du rapport au savoir.
En déployant le concept de forme de différentes manières, nous avons
tenté, non seulement de nous faire une représentation des notions de formel et
d’informel (nous n’étudierons pas en détail le non formel qui nous semble sous bien
des aspects pouvoir se rapprocher du formel), mais également d’apporter un
éclairage sur les pensées qui pouvaient les imprégner. Associées aux savoirs, ces
notions traduisent bien ici une idée de variation(s) sur la forme. Les formes du savoir
sont ainsi variées, variables, manifestant sensiblement le sentiment de « changement
38 PIAGET Jean. Six études de psychologie. Genève : Editions Gonthier, 1964, p. 117. 39 Définition issue du Trésor de la Langue Française interactif.
18
d’aspect, de degré ou de valeur »40. Cependant, parler de savoirs quand on parle de
formel et d’informel nous place dans une position ambiguë, en effet, à partir du
moment où un savoir est intégré intellectuellement, ne devient-il pas, par la force des
définitions, "formel" ? Peut-on dès lors vraiment penser l’informel en terme de
savoirs ? N’est ce pas davantage une question d’apprentissage ou d’expérience ?
II. L’expérience : de l’expérimentation à la philosophie de la vie
Penser l’expérience comme source d’apprentissages nécessite de bien
appréhender ses deux grands aspects identifiés traditionnellement41. C’est pourquoi
nous évoquerons tout d’abord l’expérience conçue comme formation expérientielle
pour ensuite l’envisager sous son aspect d’expérience de vie, aspect qui découle
notamment de la Lebensphilosophie ou philosophie de la vie incarnée par le roman
de formation allemand ou Bildung. Celui-ci représente ainsi la formation de
l’individu au contact de la vie, aux prises avec son existence. On retiendra, avec
Mathias Finger qu’entre ces deux conceptions, « la véritable différence réside dans la
nature de l’expérience : dans la première conception, l’expérience est en réalité une
expérimentation, tandis que dans la deuxième, l’expérience constitue au contraire le
lien entre la personne et la culture, fondement de l’identité de la personne. »42. La
première conception se rattache ainsi à celle de l’Erfahrung allemande construite sur
le verbe fahren qui signifie conduire. Dans la conception de l’expérience qui
s’apparente ainsi à l’Erfahrung on retrouve une intention, l’idée d’amener dans une
direction (l’expérimentation pour Mathias Finger). La seconde conception définie
par Mathias Finger comme « le lien entre la personne et la culture » se rapproche
davantage de l’expérience en tant qu’Erlebnis, issu du verbe leben, qui signifie vivre.
Dans ces deux termes allemands qui se traduisent l’un comme l’autre par expérience
en français, les deux conceptions sont bien visibles et différenciées par la nature des
verbes desquels elles sont issues.
40 Définition du terme "variation" issue du Trésor de la Langue Française interactif. 41 FABRE Michel. Penser la formation. Paris : PUF, 1994, p. 158. 42 FINGER Mathias. « Apprentissage expérientiel ou formation par les expériences de vie ? ». Education Permanente, 2009, n°180, p. 161-168, p. 161.
19
Poursuivant notre réflexion sur l’expérience, ne pourrait-on pas envisager que le fait
de raconter son histoire puisse en faire partie ?
Se posera ensuite la question de trouver une voie de reconnaissance à tous les savoirs
issus de l’expérience. Est-il possible alors de les valoriser sans les dénaturer ?
1. La formation expérientielle
Selon Michel Fabre, une formation dite « expérientielle » est une
« formation par contact direct, sans zone tampon (auto ou écoformation), avec
possibilité d’agir, où le vécu est élaboré réflexivement. »43. Cette formation à travers
l’expérience est ici une formation basée sur l’expérimentation, la pratique active des
choses pour en retirer un savoir. La connaissance se construit par un retour sur
l’expérience mais également d’un retour par l’expérience. C’est l’idée du « learning
by doing » de John Dewey pour qui l’expérience « est d’abord interaction entre un
organisme et son milieu »44. Dans cette optique, l’expérience n’est donc pas quelque
chose qui peut être transmis ou imposé, mais au sein de laquelle, c’est
l’expérimentation, le "faire" qui conduira à l’acquisition des savoirs. Du fait même
de la reconnaissance de l’individu en tant qu’acteur dans l’expérience – de son
expérience - ce "faire" est propre à chacun, élaborant ainsi à travers l’action une
connaissance particulière45, pourtant basée sur des informations données similaires.
Les données de l’expérimentation peuvent être identiques, les savoirs
intellectuellement assimilés divers. Le soi s’immisçant dans les savoirs, une
combinaison unique conduira à la création d’un autre soi connaissant, en mesure
alors de mettre en pratique ses connaissances, de les utiliser, de les réinvestir. Noël
Denoyel parle ainsi d’ « art du faire »46 pour des artisans, « à la fois héritiers et
créateurs de toute une évolution de l’art du fer »47. Cet art du faire s’acquiert, se
travaille, s’atteint grâce à l’expérience, à l’expérimentation. C’est ainsi
consciemment que l’on apprend mais inconsciemment, transversalement que l’on
43 Op. Cit. p. 152. 44 Ibid. p. 154. 45 Le terme « particulière » étant entendu ici comme ce « qui appartient en propre à quelqu’un ». In Le Robert illustré d’aujourd’hui, 1996, édition mise à jour en novembre 2000. 46 DENOYEL Noël. « Alternance tripolaire et raison expérientielle à la lumière de la sémiotique de Peirce ». Revue Française de Pédagogie, 1999, n°128, p. 35- 42, p.36. 47 Ibid.
20
devient « habile »48. Il situe alors cette habileté dans le domaine de la « "raison
expérientielle", en dialogique indissociable avec deux autres raisons : la raison
sensible (Maffesoli, 1996) et la raison formelle. »49. Dans la pensée de Tchouang-
Tseu, on retrouve cette idée d’« art de faire » dans l’expression : « un tour que je ne
puis exprimer par des mots »50, paroles exprimées par un charron s’exprimant au
sujet de son art de tailler les roues et témoignant ainsi de son impossibilité de le
transmettre. Comme l’indique Jean-François Billeter, « il n’est certes pas l’inventeur
de ses outils, ni de sa technique, mais il a lui-même mis au point son geste. »51.
Héritier et créateur donc. S’appuyant sur un fond commun, il élabore son propre
fonds, qui fait tellement parti de lui, qui fait totalement corps, qu’il n’en est pas
transmissible.
On pourra remarquer que cette habileté n’est pas un talent figé mais
que, étant à la fois héritage et création, elle évolue constamment, s’adaptant aux
situations et conditions extérieures et par là même aux transformations des individus.
Ainsi, Patricia Marks Greenfield qui s’est intéressée au mode de tissage des femmes
Mayas dans le Chiapas au Mexique entre 1969 et 199152 a remarqué des
changements perceptibles en terme de transmission de savoir-faire.53 Même si
l’apprentissage par le "faire" est toujours au cœur de ce savoir, des différences
notables de transmission ont été remarquées. Ainsi, en 1970, la transmission était
essentiellement réalisée par « "échafaudage" : les tisserandes guidaient alors
soigneusement leur fille en prenant en charge elles-mêmes les aspects difficiles »54,
cet échafaudage disparaissait au fur et à mesure que l’apprenante possédait de
l’expérience. En 1991, en raison de l’évolution de la société, « c’est l’apprenante qui
initie désormais son propre apprentissage »55. Il en résulte une transformation
importante des œuvres tissées, le fait d’apprendre de façon beaucoup plus autonome
48 Ibid. 49 Ibid. 50 BILLETER Jean-François. Leçons sur Tchouang-Tseu. Paris : Allia, 2009, p. 21. 51 Ibid. p. 23. 52 Cf. Annexe 1. Dans cet article issu de la revue Cultural Survival Quarterly paru en 2005, l’auteur retrace les étapes de sa recherche. 53 LEVI STRAUSS Monique, « Patricia Marks Greenfield, Weaving Generations Together: Evolving Creativity in the Maya of Chiapas », L’Homme, n°180, 2006, mis en ligne le 25 octobre 2006. URL http://lhomme.revues.org/index2580.html., consulté le 25 mars 2010. 54 NGENG Lysette. « Niche de développement et approche interculturelle. » In G. Brougère, H. Bézille. Apprendre de la vie quotidienne. Paris : PUF, 2009. p. 255-265, p. 259. 55 Ibid.
21
laissant « (…) une plus grande latitude à l’innovation, alors que la transmission
traditionnelle du savoir était beaucoup plus pointilleuse. » 56.
L’apprentissage par l’expérience, ici entendue comme
expérimentation, conduit donc à l’élaboration de savoirs particuliers, inconscients,
évolutifs et bien souvent intransmissibles. Non formels ou informels tout en étant
parfois un peu des deux.
En abordant ces images pour parler de formation expérientielle, nous
nous trouvons confronté à une véritable difficulté pour distinguer finalement de
façon aussi tranchée que ne le fait Mathias Finger, la formation expérientielle de
l’expérience de vie57. En effet, n’y a-t-il pas dans toute formation expérientielle une
part d’expérience de vie, dans la mesure où nous sommes dans l’expérimentation ce
que nous sommes par notre origine, notre existence, notre culture ?
2. L’expérience de vie ou la vie comme expérience
2.1 La Bildung
Le mot allemand Bildung se traduit selon le dictionnaire
allemand/français Larousse par le mot « formation », mais il peut également avoir
une signification plus large observable dans la traduction du dictionnaire Collins qui
lui fait correspondre également les termes « éducation », « culture », « constitution ».
On remarquera par ailleurs que le mot Bildung est directement lié à das Bild,
« l’image ». Michel Fabre définit la Bildung comme « une synthèse et un
dépassement de Form (forme), de Kultur (culture) et d’Aufklärung (Les
Lumières). »58. Il s’agit donc là d’une vision de la formation – du fait même de cette
idée de dépassement - directement en lien avec l’expérience d’un individu envisagée
dans sa totalité, où l’expérience est alors définie comme le « fait d’acquérir
volontairement ou non ou de développer la connaissance des êtres et des choses par
leur pratique et par une confrontation plus ou moins longue de soi avec le
monde ».59. C’est ainsi cette idée de confrontation de soi avec le monde qui est au
56 Op. Cit. 57 Supra Chap.1/ II. 58 DENOYEL Noël. « Alternance tripolaire et raison expérientielle à la lumière de la sémiotique de Peirce ». Revue Française de Pédagogie, 1999, n°128, p. 35- 42, p. 134 59 Définition issue du Trésor de la Langue Française interactif.
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cœur de la Bildung, l’idée que c’est par cette confrontation que chaque individu fera
son apprentissage. La Bildung est directement ancrée dans la Lebensphilosophie de
laquelle se dégage « une conception de la personne qui ne privilégie pas
unilatéralement la raison et la réflexion en tant que seuls moteurs de formation, mais
qui attribue également un rôle à ce qui relève de la "vie", à savoir aux émotions, aux
sentiments, aux intuitions et, plus généralement, aux vécus (Erlebnisse) et aux
expériences de vie (Lebenserfahrungen).»60 Le roman de Johann W. Goethe,
Wilhelm Meister61, est ainsi enraciné dans ce courant philosophique et en est
représentatif dans sa conception de la formation comme évolution de l’être62. Dans
ce roman du XVIIIe siècle, le personnage central forme sa personnalité, son
individualité au contact de la vie, des autres63, en suivant ses intuitions. Il construit
lui-même sa propre voie sans suivre d’emblée celle qui lui était tracée par sa
naissance et sa famille64. C’est toute la quête de soi qui est en jeu le long de cet
ouvrage, apprendre c’est ainsi s’approprier des savoirs qui se font jour au gré des
rencontres et des évènements de la vie, ainsi, « (…) tout ce qui nous advient laisse
des traces, tout concourt, sans que l’on s’en doute, à notre formation (…)65. Il y a
bien ici une référence à la non conscience d’apprendre, caractéristique de ce que
nous avons identifié comme inhérent à l’informel. C’est en s’immergeant dans la vie
que Wilhelm devient et finit par être, en mesure alors d’accueillir des savoirs dits
formels pour pouvoir transmettre à son tour66.
60 FINGER Mathias. « Apprentissage expérientiel ou formation par les expériences de vie ? ». Education Permanente, 2009, n°180, p. 161-168, p. 164. 61 GOETHE Johann W. Les années d’apprentissage de Wilhelm Meister. Paris : Gallimard, 1999. 62 « Quel agrément, quelle satisfaction même de se rappeler tant d’obstacles que nous tenions pour insurmontables, et de comparer ce que nous sommes aujourd’hui, ayant évolué avec ce que nous n’étions pas encore. » Ibid. p. 44-45. 63 « Je fréquentai leurs assemblées chaque fois que je le pouvais et, sociable comme je l’étais, je trouvais infiniment agréable d’apprendre par les autres et de leur communiquer à mon tour ce que j’avais jusqu’ici élaboré en moi-même et pour moi-même ». Ibid. p. 495. 64 « Ô singulière prétention de la société bourgeoise, qui commence par nous troubler et nous égarer, et ensuite exige de nous plus que ne fait la nature elle-même. Malheur à toute espèce de formation qui détruit les moyens les plus efficaces de la vraie formation et nous indique le but au lieu de nous rendre heureux sur le chemin qui y conduit ! » Ibid. p. 615. 65 Ibid. p. 521. 66 « C’est en ce jour, le plus heureux de sa vie, que commençait seulement, lui semblait-il, sa propre formation ; il sentait la nécessité de s’instruire puisqu’il allait être obligé d’enseigner. » Ibid. p. 610.
23
2.2 Apprendre de (et par) son histoire : les histoires de vie
Les histoires de vie sont des productions de soi sur soi ; Gaston Pineau
parle ainsi de pratiques autopoïetiques67 qui semblent exister au moins depuis le Ve
siècle avant J.-C et dont la forme et la dénomination évoluent, des « bios » dans la
culture grecque à l’autobiographie à partir du XVIIIe siècle. On pourra considérer
que les histoires de vie sont des espaces d’apprentissage, dans la mesure où,
« vouloir faire une histoire de sa vie, c’est vouloir accéder à l’historicité, c'est-à-dire
à la construction personnelle de sens à partir de sens reçus, des non-sens et
contresens qui égrènent et jalonnent l’expérience vécue des entre-deux, naissance et
mort, organisme et environnement. »68. La construction personnelle de sens pourrait
alors être envisagée comme une façon de s’approprier les savoirs inhérents à son
vécu, à son initiation par l’existence pour produire de la connaissance, advenir un
être connaissant. Dire son histoire, c’est, dans une certaine mesure, permettre au vécu
de devenir expérience, si l’on considère avec Mylène Anquetil-Callac que vécu et
expérience ne s’assimilent pas69 et que la production de savoir est tributaire de « (…)
la construction de l’expérience à partir de ce qui a été vécu (…) »70. Dire son
histoire, c’est aussi en prendre conscience, c’est avoir la possibilité de penser son
évolution, de se penser en évolution. Passant progressivement d’un état vécu à un
état expérimenté, le retour sur le vécu se fait en posture réflexive s’approchant alors
d’une démarche d’auto-formation dans un rapport fondateur au savoir.
Ce cheminement à travers l’expérience nous a permis de l’envisager
comme une source d’apprentissages s’alimentant de savoirs divers, épars, parfois
confus et souvent insus, dont la vitalité relève elle-même du rôle que l’on accorde à
cette expérience. Rôle qui dépendrait alors de ce que l’on entend par « expérience »,
qui pourrait être, comme la définit Jean-François Billeter : « le substrat familier de
nos activités conscientes, auquel nous nous ne prêtons normalement pas attention et
que nous percevons mal parce qu’il est trop proche et trop commun, mais que nous
67 PINEAU Gaston, LE GRAND Jean-Louis. Les histoires de vie. PUF : Paris, 1993, p. 20. 68 Ibid. p. 77. 69 ANQUETIL-CALLAC Mylène. L’accueil de l’expérience. Paris : L’Harmattan, 2006, p. 17. 70 Ibid. p. 38.
24
pouvons apprendre à mieux appréhender. »71. Mais, comment appréhender sans
modifier ? Et par là même risquer de perdre de vue ce qui en est l’essence…
3. Entre reconnaissance et formalisation : le paradoxe de
l’informel
3.1 Echapper à la formalisation ?
Les apprentissages informels existent, ils sont présents tout au long de
l’existence et contribuent à la construction de chacun, dans son individualité.
Cependant, du fait même de leur(s) particularité(s), de leur évanescence, ils sont
souvent impalpables et, bien que leur réalité formatrice soit envisageable voire
envisagée, elle est bien souvent négligée. Elle peut toutefois être reconnue et
valorisée notamment par le biais de la Validation des Acquis de l’Expérience mise en
place en France depuis 2002. Celle-ci consiste en effet « (…) à certifier, au nom
d’une autorité compétente, qu’un individu a fait la preuve, par des moyens
déterminés à l’avance, qu’il maîtrise les savoirs, les savoir-faire et les habiletés
correspondant à un diplôme, à un titre homologué ou à certificat de qualification
professionnelle. »72. Cette définition de la VAE nous pose d’emblée devant la
difficulté de la reconnaissance de l’informel. En effet, on voit bien ici que les termes
choisis pour la définir font passer directement l’informel dans le formel, ne serait-ce
que par la validation, caractéristique de ce que nous avons envisagé comme propre
au formel. On remarquera en outre que la référence à « l’habilité » nous place dans
une position paradoxale, du fait même de l’idée que nous nous en faisons : n’est ce
pas - comme nous l’avons vu73 - justement quelque chose d’intransmissible et
d’indicible ? Comment dès lors parvenir à l’identifier, à la cerner, à la délimiter, à la
formaliser ? Pour reconnaître l’informel, doit-on forcément passer par sa
formalisation, c'est-à-dire finalement par la perte de sa spécificité ? C’est toute la
question de savoir « comment faire émerger ce qui est immergé »74 sans en faire
71 BILLETER Jean-François. Leçons sur Tchouang-Tseu. Paris : Allia : 2009, p. 20. 72 MORISSE Martine. « Traces d’apprentissage dans l’écriture du dossier VAE ». In G. Brougère, H. Bézille. Apprendre de la vie quotidienne. Paris : PUF, 2009, p. 195- 204, p. 195. 73 Supra. Chap.1/II/1 74 BROUGERE Gilles. « Les jeux du formel et de l’informel ». Revue française de pédagogie, 2007, n°160, p. 5-11, p. 7.
25
disparaître la nature. Quoi qu’il en soit, on pourra estimer que le seul fait de parler
d’informel s’inscrit déjà dans une entreprise de formalisation. En effet, comme le
souligne Gilles Brougère, « il est difficile de mettre en évidence des apprentissages
informels, quelque soit le nom qu’on leur donne, sans être tenté par un début de
formalisation »75. Pour lui, « (…), ce jeu de l’informel et du formel est lié à la force
de la forme éducative, sa prégnance culturelle dans nos sociétés (…). Il est alors
difficile de ne pas aller vers la mise en forme éducative, même si elle est
minimaliste. »76. Minimaliste certes mais n’en est elle pas également
"minimalisante" ?
On en viendrait même à s’interroger sur la pertinence de cette
reconnaissance. Pourquoi finalement, devrions-nous nommer l’innommable, dire
l’indicible, bref, poser - arbitrairement (?), "au nom d’une autorité compétente" - des
limites à ce qui n’en a pas, au risque d’en échapper la substance, la puissance ? Cette
référence à la puissance, nous ramène à l’idée que Kant se fait du sublime. Le
sublime n’est plus s’il perd sa dimension infinie ou dynamique, il est simplement
beau.
3.2 Oui, mais…
Oui, mais… Ce serait oublier toute l’importance de l’informel dans la
construction des connaissances de l’individu. Ne pas en parler pourrait alors
s’apparenter à un déni et par là même réduire l’être à ses savoirs formels, ce qui
reviendrait finalement à le considérer seulement partiellement. Considération
partielle qui pourrait alors être préjudiciable à cet être dans son évolution. Ce serait
oublier également l’importance de la reconnaissance en tant que re-connaissance.
Connaître à nouveau ou recommencer à connaître, dans la mesure où la démarche de
reconnaissance est aussi une façon nouvelle de s’approprier des savoirs, voire
simplement un moyen d’en prendre conscience, d’en produire du sens, d’en façonner
une connaissance. Une démarche qui peut prendre l’aspect d’un discours au cours
duquel et grâce auquel on apprend autant que l’on « s’apprend »77. Cet effet -
75 Ibid. p. 10. 76 Ibid. 77 Cf. Frédérique Lerbet-Sereni dans la préface de l’ouvrage de ANQUETIL-CALLAC Mylène. L’accueil de l’expérience. Paris : L’Harmattan, 2006, p. 6.
26
révélateur parfois et formateur toujours - de la reconnaissance traverse également la
démarche de Validation des Acquis de l’Expérience. Ainsi, « c’est en se saisissant de
l’ordre contraignant de la langue, par la mise en mots de son expérience, que le
candidat va créer ses "propres marques", opérer des choix, y instaurer de la créativité,
y développer des stratégies. »78. La reconnaissance nécessite ainsi l’adoption d’une
attitude réflexive, aboutissement d’un processus de « (…) passage qui consiste à
partir de l’ "en soi" pour aller vers le "pour soi", pour l’adresser enfin "pour
l’autre". »79. En s’extrayant de son expérience, on extrait de l’expérience.
En outre, ouvrir le champ de la reconnaissance à ces savoirs quasi
clandestins, permet bien souvent, et notamment dans le domaine professionnel, de
valoriser « une activité jusqu’alors fortement dépréciée. »80. Où l’on reparle alors de
la valeur des savoirs et de la nécessité de les légitimer par le passage à la forme,
contenue et maîtrisable dont on peut se faire une idée. N’est ce pas tout simplement
parce qu’ « une chose est dans la mesure où elle est délimitée. L’acte délimitant
représent(ant) l’acte ontologique par excellence »81 ?
Nous avons vu ainsi que tenter de reconnaître l’informel était une
entreprise difficile, sur le fil tendu entre transformation et omission voire ingratitude.
Comment, dès lors, dépasser cette difficulté empreinte de paradoxe ? Comment
parvenir à cet « équilibre instable qui consiste à donner à voir l’apprentissage
informel sans tenter de le formaliser ? »82. Peut-être est-il nécessaire alors de
modifier son regard, de dépasser toute tendance de catégorisation, de comparaison et
d’opposition pour accéder à une vision plus globale, plus complexe du formel et de
l’informel.
78 MORISSE Martine. « Traces d’apprentissage dans l’écriture du dossier VAE ». In G. Brougère, H. Bézille. Apprendre de la vie quotidienne. Paris : PUF, 2009, p. 195- 204, p. 196. 79 Ibid. p. 201. 80 Ibid. p. 197. 81 LIICEANU Gabriel. De la limite. Petit traité à l’usage des orgueilleux. Paris : Editions Michalon, 1994, p. 35. 82 BROUGERE Gilles. « Les jeux du formel et de l’informel ». Revue française de pédagogie, 2007, n°160, p. 5-11, p.10.
27
III. Le lien complexe du formel et de l’informel
Penser le lien entre formel et informel, c’est s’inscrire de fait dans une
perspective complexe, c’est donc une tentative d’aller au-delà d’une simple
démarche analytique qui consisterait à penser et à les isoler pour les étudier un à un.
C’est s’inspirer de l’approche systémique qui « englobe la totalité du système étudié,
ainsi que leurs interactions et leurs interdépendances »83 et s’intéresser non
seulement aux savoirs, aux apprentissages ou à l’expérience en tant que tels mais
aussi à leur rapport, à ce qui les relie et les sépare.
C’est pourquoi nous commencerons par nous interroger sur notre
vision du formel et de l’informel pour parvenir à les envisager dans un rapport
dialogique, nous permettant alors de concevoir la connaissance en tant que tissage de
savoirs. Cette conception nous conduira ensuite à nous interroger sur la connaissance
et ses limites.
1. Formel et informel : des notions indissociables
Jusqu’à présent, nous avons étudié le formel et l’informel de façon
relativement dissociée, démarche que nous justifions par la nécessité de bien saisir de
quoi on parle quand on parle de formel et d’informel. Les séparant, les opposant
même parfois, nous sommes parvenu à nous faire une représentation - plus ou moins
précise et en aucun cas exhaustive - de l’objet de notre étude. A cette étape de notre
travail, nous nous trouvons alors devant ce que nous pourrions qualifier d’impasse.
Le formel d’un côté, l’informel de l’autre ou encore – dans le meilleur des cas - le
formel dans l’informel et vice versa. Comme si nous nous trouvions en présence de
deux entités complètement séparables et indépendantes l’une de l’autre. Face à ce
constat, devons-nous avancer en gardant à l’esprit cette vision segmentée ou pouvons
nous envisager une autre voie de pensée ?
C’est en faisant de nouveau appel à la philosophie d’Emmanuel Kant
que nous espérons cheminer vers cette autre voie. En effet, en réunissant dans une
même phrase le beau et le sublime, Kant fait plus que les juxtaposer ou les opposer.
83 DE ROSNAY Joël. Le macroscope. Paris : Editions du Seuil, 1975, p. 92.
28
Quand il écrit que « la nuit est sublime, le jour est beau »84, il nous donne à voir une
relation de complémentarité et d’existence mutuelle conditionnée par l’opposé. L’un
n’existe pas sans l’autre, c’est l’existence de l’un qui justifie l’existence de l’autre et
réciproquement. C’est également la caractéristique de l’un qui détermine celle de
l’autre : c’est parce que le jour est beau que la nuit est sublime (et inversement). Ils
sont certes opposés, contradictoires – la transparence du jour s’opposant à l’obscurité
de la nuit - mais, en même temps, paradoxalement, dépendants l’un de l’autre. Beau
et sublime, forme et informe, sont comme les deux faces d’une même pièce : ils
composent un tout sans lequel ils ne sont rien. Contradictoires et indissociables, le
formel et l’informel sont donc, selon Gilles Brougère en « tension complexe »85,
complexité qui aspire, d’après Edgar Morin, à « la connaissance
multidimensionnelle (…) mais (…) (qui) porte aussi en son principe la
reconnaissance des liens entre les entités que notre pensée doit nécessairement
distinguer mais non isoler les unes des autres.»86. Il s’agirait donc de distinguer sans
isoler, c'est-à-dire de penser ici le formel et l’informel dans un rapport dialogique au
sein duquel ils existeraient chacun en tant qu’entité tout en reconnaissant la dualité
qu’il constituent. En envisageant les savoirs formels et informels de façon complexe,
nous pouvons alors les examiner en tant qu’appartenant au processus d’apprentissage
et par conséquent élargir notre vision de ces notions.
En effet, il serait sans doute réducteur « (…) de considérer qu’aux
apprentissages informels ne peuvent correspondre que les savoirs dits informels.
Processus et résultats ont, sans doute, une dynamique propre. (…) Il n’est pas certain
que la notion d’informel puisse s’appliquer aux savoirs et aux connaissances comme
elle s’applique au processus. »87. C’est ouvrir alors sa pensée à des associations
autres, à la façon dont Pascal posait que toutes choses sont « causées et causantes,
aidées et aidantes, médiates et immédiates et que toutes (s’entretiennent) par un lien
naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes ». Cette citation,
84 KANT Emmanuel. Essai sur les maladies de la tête. Observations sur le sentiment du beau et du sublime. Paris : GF Flammarion, 1990, p. 82. 85 BROUGERE Gilles. « Les jeux du formel et de l’informel ». Revue française de pédagogie, 2007, n°160, p. 5-11, p.10. 86 MORIN Edgar. Introduction à la pensée complexe. Paris : Editions du Seuil, 2005, p. 11. 87 Op. Cit. BROUGERE Gilles (2007). p. 130.
29
reprise par Edgar Morin88, pourrait nous incliner alors à imaginer que tout savoir
pourrait être également formel et informel, du fait du lien qui lie ces deux notions et
en vertu de l’idée que rien n’est définitivement figé. Si on envisage l’apprentissage
comme un processus aboutissant à l’appropriation des savoirs, il paraît en effet
possible que d’une situation d’apprentissage qualifiée de formelle puisse émerger des
savoirs dits informels. C’est d’ailleurs l’aboutissement de cette situation que
différents auteurs qualifient de « curriculum caché »89 et que Daniel Schugurensky
définit comme ce qui « (…) inclut toutes les leçons que les étudiants apprennent au
travers de l’expérience d’aller à l’école plutôt que les objectifs éducatifs annoncés
(…) »90. On constate donc bien ici qu’il serait vain et parcellaire de vouloir séparer
de façon étanche le formel et l’informel, d’autant plus quand nous parlons de savoirs.
Formel et informel nous semblent en effet constamment en lien, se nourrissant l’un
de l’autre et même parfois se transformant l’un l’autre.
2. Le tissage des savoirs
Nous avons envisagé précédemment d’adopter une vision complexe
pour parler des savoirs formels et informels et donc pour examiner la connaissance
qui en découle. Or, étymologiquement, le mot complexe vient du latin complexus qui
signifie « ce qui est tissé ensemble ». Il nous paraît intéressant ici de reprendre
l’image des tisseuses Mayas du Mexique.
En effet, ne pourrions nous pas faire une analogie entre la production
d’un vêtement et celle de la connaissance ? Considérant alors que cette production
résulterait dans un cas comme dans l’autre d’un entremêlement d’entités distinctes,
qu’il s’agisse des fils de laine, de coton ou d’acrylique ou des savoirs.
Le tissage - ici entendu en tant qu’ouvrage - est une œuvre personnelle
qui découle directement d’un rapport à l’objet et d’une pratique de cet objet. Par
objet, nous entendons autant les fils à tisser que les savoirs à s’approprier, à
incorporer. Ce que l’on peut remarquer également c’est que tisser s’apprend, ce n’est
88 Op. Cit. MORIN Edgar. p. 11. 89 Nous avons en effet déjà parlé de Pierre Dasen mais Daniel Schugurensky y fait également référence dans son article « Vingt mille lieues sous les mers : les quatre défis de l’apprentissage informel ». Revue française de pédagogie, 2007, n°160, p. 13-27, p. 15. 90 SCHUGURENSKY Daniel. « Vingt mille lieues sous les mers : les quatre défis de l’apprentissage informel ». Revue française de pédagogie, 2007, n°160, p. 13-27, p. 15.
30
pas une faculté donnée au départ mais qui s’acquiert au sein d’un environnement
particulier qui interagit sur cet apprentissage. C’est le principe selon lequel « une
grande sœur, leur mère ou une tante (…) leur montraient le bon geste »91 mais aussi
que, en fonction des situations, « l’élève (…) se débrouille seule, tâtonne (…) »92 et
s’inspire d’informations glanées dans son environnement (notamment, dans le cas
des fillettes Mayas des années 1990, des technologies découvertes à l’école),
informations qu’elle va utiliser et adapter à son besoin propre. Ce que l’on peut
rapprocher de l’idée que se fait Jacques Legroux du savoir93 comme étant « constitué
d’informations mises en relation, organisées par l’activité intellectuelle du sujet »94.
Ce savoir doit ensuite être « vécu et intégré par la totalité du sujet »95 pour devenir
connaissance qui est ainsi « un savoir intégré parce que vécu dans la globalité d’un
contexte »96. Ne retrouvons-nous pas dans ce cheminement du savoir à la
connaissance celui qui mène à la réalisation d’un ouvrage, d’un tissage ? Imbrication
de savoirs formels, informels, en interaction avec l’environnement et plus
globalement avec l’autre, la connaissance pourrait ainsi résulter d’un tissage
personnel, particulier des savoirs. Tout comme la production des vêtements mayas
procède d’un ensemble d’éléments, de matériau, de gestes, d’influence et de création.
Le tissage, considéré à présent en tant qu’activité - le suffixe "age"
étant formateur de substantif d’action97 - est un acte en mouvement, de mouvement,
au sein duquel, sous l’action de la tisseuse, s’entrelacent autant les fils, que
l’inspiration personnelle et les influences de l’environnement. Il s’agit alors d’une
construction active au sein de laquelle le sujet occupe une place centrale. C’est l’idée
que « (…) le réel connaissable est un réel en activité qu’expérimente le sujet (…)98.
Ne pourrait-on pas alors envisager l’appropriation des savoirs - menant à la
construction de la connaissance - comme le fruit d’un « appren-tissage » complexe,
dynamique et ancré dans l’environnement ? A la fois processus et résultat, c’est -
91 LEVI STRAUSS Monique, « Patricia Marks Greenfield, Weaving Generations Together: Evolving Creativity in the Maya of Chiapas », L’Homme, n°180, 2006, mis en ligne le 25 octobre 2006. URL http://lhomme.revues.org/index2580.html., consulté le 25 mars 2010. 92 Ibid. 93 Supra Chap 1/I. 94 LEGROUX Jacques. De l’information à la connaissance. Paris : L’Harmattan, 2008, p. 119. 95 Ibid. p.121 96 Ibid. 97 Trésor de la Langue Française interactif. 98 LEMOIGNE Jean-Louis. Les épistémologies constructivistes. Paris, PUF, 1995, p. 77.
31
dans une certaine mesure – penser que « le sujet émerge en même temps que le
monde (et) (…) porte en lui son individualité irréductible, sa suffisance (en tant
qu’être récursif qui se boucle toujours sur lui-même) et son insuffisance (en tant
qu’être "ouvert" indécidable en lui-même) »99. Le sujet se tisse tout en tissant en
constante interaction avec l’environnement, environnement qui contribue à lui faire
prendre conscience de son insuffisance.
3. De la limite de la connaissance
Accepter l’insuffisance du sujet, c’est s’inscrire dans l’idée que « la
pensée complexe est animée par une tension permanente entre l’aspiration à un
savoir non parcellaire, non cloisonné, non réducteur, et la reconnaissance de
l’inachèvement et de l’incomplétude de toute connaissance. »100. C’est donc admettre
qu’il existe de l’inconnaissable, de l’indécidable, de l’incomplétude. Incomplétude
d’ailleurs mise en évidence par le mathématicien autrichien Kurt Gödel qui prouva
ainsi dans deux théorèmes connus sous le nom de théorèmes de l’incomplétude que
« tout système formel assez puissant pour inclure un minimum d'arithmétique, de
théorie des ensembles ou de théorie des types comprend des propositions
indécidables (…) (et que) dans tout système S vérifiant certaines conditions
minimales, la consistance de S ne peut être formellement établie. » 101. Ces travaux
ont ainsi apporté une nouvelle perspective épistémologique puisqu’ils « marquaient
les limites internes du formalisme (…) »102 et donc - d’après la définition même du
formalisme103 - les limites d’un raisonnement mathématique se déroulant de manière
automatique suivant des règles constantes préétablies. Tout ne paraît donc pas
explicable par des règles formelles, il y a donc – en mathématiques – quelque chose
d’autre que le connaissable. Cet inconnaissable admis dans une science "exacte"
comme les mathématiques serait-il également une caractéristique en sciences
humaines ?
99 MORIN Edgar. Introduction à la pensée complexe. Paris : Editions du Seuil, 2005, p. 53. 100 Ibid. p. 11-12. 101 ANDLER Daniel. « Gödel Kurt ». Encyclopédie Universalis en ligne, 2008, consulté le 2 avril 2010. 102 Ibid. 103 Trésor de la Langue Française interactif.
32
Selon Michaël Foessel104, dans la Critique de la raison pure, Kant fait
la différence entre penser et connaître. Ainsi, pour Kant, il existe des choses que nous
ne sommes pas capables de connaître mais que nous sommes seulement en mesure de
penser. La connaissance ayant nécessairement un objet contrairement à la pensée qui
se contente d’intuitions. Il en est ainsi pour Dieu ou l’âme : nous pouvons en avoir
une intuition, nous pouvons les penser, mais à cette intuition, à cette sensation, ne
correspond pas forcément un objet ou – tout du moins – nous ne savons pas si à
celle-ci correspond un objet. Pour Raphaël Enthoven, Kant est ainsi « le philosophe
des limites de notre connaissance »105. Ce qui signifie, selon Kant - qui n’assimile
pas bornes et limites - qu’il existe un au-delà de la connaissance.
Admettre l’existence des limites de la connaissance n’est ce pas
simplement un moyen de lui donner une identité ? Comme le dit Gabriel Liiceanu,
« une chose est par l’identité que lui confère sa limite propre : elle devient alors cette
chose-là, inconfondable et distincte des autres. Elle possède désormais une forme qui
lui appartient à elle seule, et si elle est, c’est en vertu même de cette forme. »106.
D’où cette nécessité pour l’homme d’établir des limites. N’est ce pas d’ailleurs ce
que nous avons fait au cours de ce premier chapitre ?
Conclusion
Nous avons ainsi commencé par délimiter les savoirs, mais nous
avons rapidement été mis en difficulté lorsqu’il s’est agi de le faire pour l’informel.
Comment lui donner une consistance, une existence s’il nous était impossible de le
délimiter ? Contournant cette difficulté, nous avons alors décidé de lier formel et
informel en nous inscrivant dans une vision complexe des savoirs, de l’apprentissage
et de la connaissance. Par cette décision, n’avons-nous pas d’ailleurs contribué à sa
délimitation ? En effet, comme l’écrit Gabriel Liiceanu, « sur le plan de la
conscience, le problème de la limite rejoint ainsi celui de la décision, qui consiste 104 Nous nous référons ici sur aux propos de Michaël Foessel, philosophe et maître de conférences à l’Université de Bourgogne, dans l’émission de Raphaël Enthoven. « Kant/ Critique de la raison pure » Les nouveaux chemins de la connaissance (France Culture). Rediffusion du 10 novembre 2009. 105 Ibid. 106 LIICEANU Gabriel. De la limite. Petit traité à l’usage des orgueilleux. Paris : Editions Michalon, 1994, p. 36.
33
justement dans l’acte de cerner ou de poser des limites. »107. Pour lui, toute décision
est une façon de poser des limites, limites que nous créons par l’exercice de notre
liberté. C’est notre liberté qu’il qualifie de « gravitationnelle » - car conditionnée par
des limites préexistantes - qui nous permet ainsi de redéfinir nos contours autant que
ceux des choses qui nous entourent.
Et si s’intéresser aux notions de formel et d’informel, c’était
simplement dépasser cette tendance à vouloir poser des limites, à vouloir se
positionner, et davantage prendre conscience de la liberté que nous avons d’être par
rapport aux apprentissages qui leur sont associés ? Il ne s’agirait donc pas là de se
situer, de trouver une place, mais simplement d’être en capacité de les accueillir. A
partir de là, comment pouvons-nous être par rapport à l’autre - lui-même aux prises
avec sa liberté - et qu’est ce que cet autre peut alors nous apporter dans ce difficile et
transcendantal exercice de notre liberté ? C’est ainsi sous l’angle de la relation à
l’autre que nous nous efforcerons de traiter la question de l’accompagnement dans le
chapitre suivant.
107 Ibid. p. 39.
34
Chapitre 2. L’accompagnement : un art de la liberté ?
Introduction
Nous avons vu dans le chapitre précédent toute la difficulté que nous
pouvions rencontrer quand il s’agissait de (se) situer (dans) le formel et l’informel,
de leur donner ou de leur reconnaître une valeur pour finalement esquisser l’idée que
la liberté pouvait se situer davantage dans le simple fait d’être par rapport à eux et
tenter alors de dépasser toute tendance à la délimitation. D’autant plus quand il s’agit
de l’informel, ce quelque chose qui nous dépasse et pour lequel nous est apparu
l’impossibilité de le définir.
Il est intéressant de constater alors que la notion d’accompagnement
est, « (…) dans un premier temps, associée à l’informel de la pratique professionnelle
(…) »108. Ainsi, même si aujourd’hui, le terme est utilisé à l’envi, ne persiste t-il pas
encore dans l’idée d’accompagnement des traces de cette origine ? Dans cette
perspective, penser l’accompagnement comme relation à autrui pose de fait la
question des libertés – de soi et de l’autre – et celle de la complexité et du
mouvement, voire du dépassement, perpétuel.
C’est pourquoi nous commencerons par aborder l’accompagnement
sous l’angle des postures pour cheminer entre différents types de relation à l’autre
pour ensuite interroger ses finalités, ce qui nous amènera finalement à étudier les
liens entre l’accompagnement, l’expérience et la liberté.
108 PAUL Maëla. L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique. Paris : L’Harmattan, 2004, p. 16. (L’auteur fait référence ici aux travaux de Paul Fustier).
35
I. Entre inspiration et intervention : le cheminement complexe de l’accompagnement
Accompagnement. Cette notion, comme l’explique notamment Maëla
Paul109, fleurit dans la majorité des pratiques professionnelles de la relation depuis
les années 1990. A tel point qu’il est parfois délicat de savoir de quoi on parle quand
on parle d’accompagnement. Est-il comme l’ont écrit différents auteurs seulement "à
la mode" ou l’utilisation de ce terme est-elle finalement représentative d’une
évolution de la société ? Nous ne trancherons pas sur cette question dans ce travail
mais nous tenterons, en étudiant tout d’abord les différentes idées attachées à la
notion d’accompagnement - et donc à travers les postures diverses que pourra
incarner l’accompagnant - de cheminer dans son champ de développement. Cette
approche par les postures nous permettra ensuite de l’envisager sous - ou entre - deux
angles de vision : l’intervention et l’inspiration.
1. Un cheminement à travers des postures
1.1 Du mot à la fonction
Il paraît intéressant tout d’abord de questionner ce qui se trouve
derrière le terme d’accompagnement. Maëla Paul voit dans l’accompagnement trois
grandes idées que sont celles de l’ajout, du support et du déplacement en commun110.
Ainsi, l’accompagnement est réellement quelque chose qui se joue dans la relation –
au départ entre deux personnes – avec cette idée que la personne qui accompagne va
venir en seconder une autre dans un rapport de nature variable et que c’est ensemble,
dans et par le mouvement, qu’elles chemineront. Etudiant l’histoire de l’usage du
terme, Frédérique Lerbet-Sereni rappelle que « (…) le premier emploi qui en est
repéré est juridique (1239), et traduit le fait de "s’associer (quelqu’un) dans la
possession de biens, de droits : passer un traité de pariage (avec quelqu’un)" »111,
association particulière dans la mesure ou l’union de ces deux personnes se
109 Ibid. p. 7. 110 Ibid. p. 57 111 LERBET-SERENI Frédérique. « L’accompagnement entre paradoxe et quiproquo : théorie, éthique et épistémologie d’un métier impossible ». Les Cahiers d’Etudes du CUEEP, 2003, n°50, p. 203- 220, p. 205.
36
caractérise souvent par une différence de statut. Ainsi, « (…) l’accompagnement rend
commun quelque chose qui était séparé, qui n’appartenait qu’à un seul. »112. Cette
acception du terme accompagnement est à différencier de la fonction
d’accompagnement. En effet, plusieurs auteurs113 conçoivent l’accompagnement, en
tant que fonction, comme englobant plusieurs types de relation à l’autre. Nous
retiendrons ainsi que la fonction d’accompagnement paraît caractérisée par trois
orientations majeures dont les désignations varient selon les auteurs114 même s’ils
semblent se rejoindre sur le sens attribué à chacune d’elles.
1.2 Un jeu de postures
Nous retiendrons donc avec Frédérique Lerbet-Sereni que la fonction
d’accompagnement est un composite de trois grandes figures que sont celles
attachées à la guidance, au compagnonnage et à l’accompagnement. Ces trois aspects
de la fonction d’accompagnement se différencient l’un de l’autre par la nature de la
relation à l’autre en jeu dans chacun d’eux. Celui qui accompagne, ici appelé
l’accompagnant, "joue" des trois postures associées à ces aspects, à savoir celle du
guide, du compagnon et de l’accompagnateur. Il est donc en mouvement entre ces
figures, tantôt précédant celui qu’il accompagne, se plaçant alors dans la posture de
guide, tantôt cheminant à ses côtés dans une posture de compagnon ou tantôt se
laissant précéder, adoptant ainsi la posture de l’accompagnateur. Chacune de ces
figures pose et induit un lien à l’autre complètement différent, chacune « (…) traduit
une représentation nettement différenciée de la formation, de l’apprentissage, de
l’enseignement, de la professionnalisation, de la place faite au sujet, de celle faite à la
technique, de celle faite à leurs articulations tâtonnantes et contradictoires, dans ces
processus. »115. Et, dans ce jeu de postures n’existe aucune règle préétablie, aucune
recette qu’il suffirait d’appliquer pour "bien" accompagner. Comment, dès lors
parvenir à se jouer de ces postures tout en considérant l’autre et sa propre capacité ou
112 Ibid. 113 Ces auteurs et leurs conceptions sont repris par Maëla PAUL dans L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique. Paris : L’Harmattan, 2004, p. 74-75. 114 Il s’agit ici notamment de Boutinet, Le Bouëdec, Lerbet-Sereni, repris dans l’ouvrage susmentionné de Maëla Paul. 115 LERBET-SERENI Frédérique. « L’accompagnement entre paradoxe et quiproquo : théorie, éthique et épistémologie d’un métier impossible ». Les Cahiers d’Etudes du CUEEP, 2003, n°50, p. 203- 220, p. 207.
37
simplement sa possibilité de se situer lui-même ? Il s’agirait, selon Maëla Paul, de
pouvoir s’ajuster et s’adapter à la « singularité de chacun accueilli en tant que
personne »116. Mais, comment s’ajuste t-on, comment s’adapte t-on ?
S’ajuster signifiant « se conformer à (quelqu’un) »117 et le terme conformer étant
issu du latin conformare qui signifie littéralement « donner une forme »118, le travail
de posture serait-il donc directement en rapport avec l’aptitude de l’accompagnant à
donner une forme à la personne qu’il accompagne, personne prise alors dans sa
totalité et de façon circonstancielle ? Serait-ce ainsi selon cette forme que se
dessinerait, se déciderait telle ou telle posture, du guide à l’accompagnateur en
passant par le compagnon ? Selon Frédérique Lerbet-Sereni, qui définit la posture
comme « une disposition intérieure en mouvement »119, savoir jouer des postures, se
situe davantage dans « cette intime conviction qui nous sert de boussole pour
accompagner l’autre, celle qui fait que parfois nous disons, parfois nous taisons, qui
pourrait nous amener à entendre l’impossible du deuil de l’ajustement et de la
maîtrise comme un in-possible, un possible au-dedans de soi (…) »120. Il ne
s’agirait donc pas de donner une forme à l’autre, de s’ajuster à lui, mais plutôt de
s’ajuster à soi-même au sein de la relation, d’être soi-même dans la relation. Ainsi,
pour Robert Stahl, le fait de pouvoir incarner ce qu’il nomme des positions possibles
de l’accompagnant, « (…) implique d’être soi-même dans la relation, pleinement
présent, tout en laissant le maximum de place à l’autre : savoir "être-avec", savoir
aussi se relier à ce que l’on ressent, pouvoir se "mettre en conseil », ne pas
influencer, du moins sans intégrité, "être" tout simplement (…)121. Pour lui, savoir
"jouer" des postures c’est aussi savoir « (…) choisir avec discernement la place la
plus judicieuse à chaque instant ! »122.
116 PAUL Maëla. L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique. Paris : L’Harmattan, 2004, p. 153. 117 Trésor de la Langue Française interactif 118 Trésor de la Langue Française interactif. 119 LERBET-SERENI Frédérique. « L’accompagnement entre paradoxe et quiproquo : théorie, éthique et épistémologie d’un métier impossible ». Les Cahiers d’Etudes du CUEEP, 2003, n°50, p. 203- 220, p. 206. 120 Ibid. p. 213. 121 STAHL Robert. « Un exemple de formation à l’accompagnement en formation ». In G. Le Bouëdec, A. du Crest, L. Pasquier, R. Stahl. L’accompagnement en éducation et formation : un projet impossible ? », Paris : L’Harmattan, 2001, p.97-125, p. 105. 122 Ibid.
38
Il nous semble alors que ce jeu de postures, pensé dans une certaine mesure comme
cheminement, pourrait s’envisager entre deux aspects : l’intervention et l’inspiration.
2. Entre intervention…
Parler d’intervention dans un chapitre dédié à l’accompagnement
signifie d’emblée que nous l’envisageons comme étant liée à la pratique
d’accompagnement. Il s’agirait alors de « (…) penser les rapports paradoxaux
susceptibles de se tisser entre intervention et accompagnement. »123. Considérant la
relation d’accompagnement comme une relation à l’autre au sein de laquelle sont
posés, entendus - du fait d’une situation, d’un contexte – un accompagnant et un ou
(des) accompagné(s), a priori nous aurions tendance à imaginer l’intervention
comme dévolue au seul accompagnant. Comme le constate Eric Golhen, le verbe
intervenir semble de plus en plus couramment utilisé par les formateurs, qui le
préfèrent au « trop classique et déclassé enseigner. »124.
Comment parvenir à penser les liens entre accompagnement et
intervention ? On ne pourra tout d’abord pas occulter le fait que le mot intervention
est tout de même largement connoté dans la mesure où dans l’idée d’intervention se
glisse celle d’insertion voire d’intrusion. On parle ainsi d’intervention de police ou
d’intervention chirurgicale qui, comme le rappelle Eric Golhen est fondée sur la
« (…) passivité totale du patient, virtuel et endormi destinataire d’une intention »125.
Il situe ainsi l’intervention entre tutelle et médiation comme étant un acte de
spécialiste, d’expert.
Frédérique Lerbet-Sereni, s’interrogeant sur leur relation, en identifiait
de trois natures : la première impliquant une distinction radicale entre
accompagnement et intervention, qui s’excluaient de fait l’un l’autre ; la seconde –
issue d’une vision davantage inspirée du constructivisme – les envisageant de façon
complémentaire ; et la troisième « (…) qui ne voyait pas en quoi accompagnement et
intervention étaient susceptibles de se questionner mutuellement, l’un et l’autre
123 LERBET-SERENI Frédérique. « Jalons pour une approche paradoxale de l’accompagnement comme intervention : une expérience de formalisation-symbolisation-modélisation avec un groupe d’agriculteurs ». TransFormations, 2009, n°2, p. 239-256, p. 239. 124 GOLHEN Eric. « De l’usage en formation du verbe intervenir… ». Les Cahiers Pédagogiques, 2000, n°380, p.19-19, p.19. 125 Ibid.
39
pouvant en quelque sorte traduire les mêmes préoccupations tant théoriques que
pratiques (…) » 126. Etudiant ensuite plus avant ces liens suite à une situation de
formation particulière mêlant accompagnement et intervention, elle avance l’idée que
« sous certaines conditions, l’accompagnement est intervention qui est
accompagnement qui… »127. Ces conditions semblent directement en lien avec le
sens même du mot intervenir. En effet, intervenir, c’est littéralement venir-entre ou
entre-venir128, c’est ainsi le tiers de la relation qui donne toute sa dimension
d’accompagnement à l’intervention et vice versa. Ce tiers qui est autant l’objet à
produire que les savoirs à partager, se tisse dans l’intervention, par
l’accompagnement, à condition d’être ouvert, à l’interface. Il se nourrit constamment
de la présence/absence de chaque personne impliquée dans la relation.
Ainsi, accompagnement et intervention semblent liés de façon
complexe et paradoxale. Et, si nous envisagions initialement que l’intervention était
exclusivement du domaine du formateur ou de l’accompagnant, à présent, cette
exclusivité nous semble remise en question. L’intervention, en tant que "venant
entre" peut également se concevoir du côté du ou des accompagné(s), du fait même
de sa relation à l’accompagnement. Lorsque l’intervention se fait accompagnement,
en tant que jeu des postures, elle n’est plus uniquement l’apanage de
l’accompagnant. L’intervention ne saurait alors se réduire à une simple action
émanant d’un accompagnateur actif à destination d’accompagné(s) passif(s) mais
pourrait s’envisager comme une façon autre de mener une création conjointe. Cette
création est, comme le souligne Frédérique Lerbet-Sereni, tributaire d’un tiers
ouvrant mais également de l’authenticité des personnes en présence.
Il est intéressant également de s’arrêter avec Eric Golhen sur le sens
des prépositions utilisées avec le verbe intervenir. En effet, selon lui, intervenir en ne
recouvre pas le même champ de signification qu’intervenir auprès de. Ainsi « celui
qui "intervient en" semble à la fois faire œuvre de passage, sorte d’intermittent du
spectacle, figurant occasionnel d’une scène à mystères – et cependant faire corps
avec la matière (masse de sujets ou discipline), se fondre en elle, s’y lover, dans une
indétermination commune de la posture et du rôle. En revanche, celui qui "intervient
126 Op. Cit. p. 250. 127 Ibid. p. 252. 128 Cf. GOLHEN Eric (2000).
40
auprès de " semble investi d’une fonction strictement accompagnatrice, s’offrant
dans une attitude toute de réserve, sans autre prétention que la présence,
indirectement constructive et discrète, comme désengagée d’une parole de
spécialiste. »129. On retrouve ce lien entre accompagnement et intervention, lien
paradoxal et conditionné ici par l’attitude de l’intervenant.
Ainsi, considérer l’intervention comme faisant partie du champ de
l’accompagnement, c’est l’envisager sous un angle ouvert et complexe et dépasser
les inclinaisons premières qui nous conduisaient à la penser comme une chose
brutale et assignatrice s’opposant à la douceur et à la fluidité de l’accompagnement.
Dépasser ces représentations c’est aussi rester attentif à ce qui se passe entre nous et
les autres et à ce qu’il y a en nous, à notre intuition ou à ce que Frédérique Lerbet-
Sereni nomme notre « intime conviction ». Il ne va pas de soi qu’intervenir soit
accompagner, il s’agit vraiment du fruit d’une vigilance perpétuelle et authentique à
soi, à l’autre et à ce qui se joue entre soi et l’autre.
S’il nous semblait initialement que l’accompagnement était bordé
d’un côté par l’intervention, nous pensions alors que qu’à l’opposé se situait quelque
chose de l’ordre de l’inspiration.
3. … et inspiration
Si le terme "inspiration" est utilisé dans des domaines variés - du
religieux au physiologique en passant par l’artistique ou le psychologique – il ne
paraît pas, à première vue, directement associé à l’accompagnement. Pourquoi dès
lors envisager l’accompagnement comme inspiration ? Tout d’abord parce qu’il nous
semble, comme l’écrit Guy Le Bouëdec, que l’accompagnement est un art130, et que
dans cette optique, l’inspiration y tient toute sa place. Ensuite parce que dans les
différentes significations du terme se profile comme en filigrane cette question de la
relation à l’autre. Qu’il s’agisse d’une incitation d’origine divine ou du souffle
créateur qui anime l’artiste, il y a bien ici l’idée d’un autre : Dieu, la matière, le
129 Ibid. 130 LE BOUËDEC Guy. « Il n’y a d’accompagnement que spirituel ». Communication au colloque international de Fontevraud. L’accompagnement et ses paradoxes. Questions aux usagers, praticiens, scientifiques et politiques. Abbaye Royale de Fontevraud, 2003.
41
modèle… Et, même si de l’idée d’inspiration se dégage celle de spontanéité, de
naturel (caractéristique d’ailleurs de l’inspiration entendue au sens physiologique du
terme), de quelque chose qui émane du plus profond de nous, on y retrouve aussi
celle d’insufflation. Dans le domaine artistique et plus particulièrement en poésie,
« (…) l’inspiration vient des Muses qui, d’une part, (…) donnent une compétence
poétique permanente et qui, d’autre part, (…) accordent une aide temporaire pour
composer. »131. L’inspiration est donc bien entendue ici comme insufflation,
insufflation qui fait le lien entre l’artiste et ce "quelque chose" qui le dépasse.
L’inspiration serait alors issue de, déclenchée par l’intervention d’un tiers.
Si on considère ensuite qu’être inspiré c’est être animé par « un
mouvement intérieur qui pousse à agir »132, on se rapproche de l’idée de Guy Le
Bouëdec selon laquelle l’enjeu et l’objet de tout accompagnement sont l’inclination à
une intériorité. Ainsi accompagner quelqu’un c’est « (…) lui reconnaître une
dimension, une profondeur, une intimité, qui ne peuvent se saisir par aucun savoir,
aucune technique, aucune ingénierie. L’accompagner c’est l’assister dans la
recherche de cette vie mystérieuse qui est à l’œuvre au plus intime de moi-même et
au plus intime de l’autre. »133. Ainsi, pour lui, il n’y a d’accompagnement que
spirituel au sein duquel l’accompagnant indique une voie, voie qui pourra être
révélée par la parole, « cette parole qui surgit du plus profond de moi-même,
m’étonnant moi-même, car je ne l’avais encore jamais prononcée. Elle vient
s’interposer entre l’autre et moi comme un tiers (…). Sa pertinence tient à ma
disponibilité à la laisser advenir, à laisser parler cette intériorité qui est bien plus et
autre chose que ce que je peux maîtriser moi-même, qui est en l’homme ce qui
dépasse l’homme (Pascal) et dont l’autre a besoin pour vivre et survivre comme j’en
au besoin moi-même. »134. La parole nous semble ici inspirée, inspirée par l’autre et
pour l’autre qui lui-même la fera résonner en lui et s’en trouvera inspiré à son tour. Il
y a ici quelque chose de l’ordre de l’identification à quelqu’un d’extérieur à soi mais
qui revient, qui résonne en dedans de soi. L’inspiration est conditionnée ici par la
131 BRISSON Luc. « Inspiration (Grèce Antique) ». Encyclopédie Universalis en ligne. 2008. 132 Définition du terme "inspiration" tirée du Trésor de la Langue Française interactif. 133 LE BOUËDEC Guy. « Il n’y a d’accompagnement que spirituel ». Communication au colloque international de Fontevraud. L’accompagnement et ses paradoxes. Questions aux usagers, praticiens, scientifiques et politiques. Abbaye Royale de Fontevraud, 2003. 134 Ibid.
42
relation, par ce qui se passe entre soi et l’autre et qui induit ce mouvement intérieur,
imprévisible, étonnant et non reproductible. Elle est réellement une chose sur
laquelle nous n’avons pas de prise et que nous ne pouvons pas maîtriser. En
envisageant que l’inspiration – au sens artistique du terme – puisse être une
particularité de l’accompagnement, nous nous approchons de l’idée de Guy Le
Bouëdec selon laquelle il constituerait un art. Cependant, l’accompagnement n’en
est-il pas pour autant un métier ? En étudiant l’étymologie du mot "métier" issu de
"mestier", on s’aperçoit qu’il repose sur « (…) le latin misterium qui, plutôt qu'à une
contraction de ministerium, est dû à un croisement avec le latin mysterium dont les
sens, dans la langue chrétienne, sont très voisins : "rites, célébration; les saints
mystères, la messe" »135. Mysterium a aussi donné "mystère", or, le mystère, c’est
justement ce qui nous échappe, ce qui, outre le sens religieux, signifie, au sens
figuré : « ce qui reste caché à la raison humaine, ce qu'elle ne peut comprendre,
expliquer »136. On se rapproche ici de cette idée de l’inspiration dans sa dimension
d’inexplicable, d’insaisissable, d’inconnaissable. Ce qui nous ramène à cette
interrogation : le métier n’a-t-il pas à voir avec l’art ? Si on s’arrête sur l’étymologie
du mot "art", on se rend compte qu’il est issu du latin ars137. D’après le dictionnaire
Gaffiot latin-français (1934), ars signifie ainsi au premier sens du terme : « talent,
savoir-faire, habileté, art ». Á ars, ensuite décliné en arte, correspond également
cette définition : « ce à quoi s’applique le talent, le savoir-faire ; métier, profession ».
En définitive, art et métier ne seraient-il pas étroitement liés ? Accompagner, ne
serait-ce pas alors exercer son métier comme un art, c'est-à-dire composer avec le
mystère et l’inspiration ?
En cheminant à travers les postures de l’accompagnement, nous avons
bien pris la mesure de la complexité qui le caractérisait dans ce mouvement perpétuel
de soi à l’autre et de soi à soi. Cette complexité s’est vue réaffirmée lorsque nous
nous sommes interrogés sur l’intervention qui, au-delà de toute considération hâtive,
nous est apparue comme liée paradoxalement à l’accompagnement. Parler ensuite
d’inspiration, c’était essayer de percevoir la prégnance de l’intériorité dans la relation
135 Trésor de la Langue Française interactif. 136 Définition issue du dictionnaire de l’Académie Française 9e édition. 137 Trésor de la langue française interactif.
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d’accompagnement. C’était également une façon d’envisager l’accompagnement non
plus seulement comme un mot ou une fonction mais comme un art, un art dont les
finalités nous paraissent fortement marquées par la création.
II. L’accompagnement comme mouvement à la création
Que l’accompagnement soit marqué du sceau du mouvement nous
semble désormais entendu mais que ce mouvement soit finalement à l’origine d’une
création est une idée qu’il s’agira de nourrir et de questionner. En effet, de quoi parle
t-on quand on parle de création ? Est-ce celle qui concerne un être ou un objet ? Ce
"ou" est-il exclusif ? Un "et" pourrait-il lui être substitué ?
Pour introduire ce questionnement nous débuterons par l’exploration
du mot création qui nous permettra alors de l’envisager de trois manières : comme
genèse, comme renouveau et enfin en tant que co-création.
S’interroger sur la part de la création dans l’accompagnement, c’est
peut être examiner ses finalités, conscientes ou inconscientes, attendues ou espérées,
improbables ou imprévisibles. Ainsi, si on considère la finalité comme « ce qui
constitue le but de quelque chose, conformément à une loi naturelle ou à une
intention humaine »138, on pourra postuler que tout accompagnement vise à la
création : création de connaissances, production d’une œuvre voire d’un chef-
d’œuvre (notamment dans le cas des compagnons) ou encore création de soi. Ce qui
renvoie à cette interrogation : a-t-on besoin d’un autre pour se créer soi ?
1. La création comme genèse
Envisager la création comme genèse, c’est la considérer en tant
qu’ « acte consistant à produire et à former un être ou une chose qui n’existait pas
auparavant »139. Cette définition nous ramène au premier texte de la Genèse : « Au
commencement, Dieu créa les cieux et la terre. [2] La terre était informe et vide: il y
avait des ténèbres à la surface de l'abîme, et l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des
eaux. [3] Dieu dit: Que la lumière soit! Et la lumière fut. [4] Dieu vit que la lumière
138 Définition tirée du Trésor de la Langue Française interactif. 139 Définition tirée du Trésor de la Langue Française interactif.
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était bonne; et Dieu sépara la lumière d'avec les ténèbres. [5] Dieu appela la lumière
jour, et il appela les ténèbres nuit. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le
premier jour (…) »140. Parler de la création comme genèse, c’est avoir à l’esprit cette
image de Dieu, qui, à partir du néant, de l’informe, du vide, créa le monde. C’est,
dans une certaine mesure, l’intention de Descartes lorsqu’il entreprend « (…)
d’augmenter par degrés (sa) connaissance, et de l’élever peu à peu au plus haut point,
auquel la médiocrité de (son) esprit et la courte durée de (sa) vie lui pourront
permettre d’atteindre »141. Il décide ainsi de se départir de toutes les connaissances
qui ont pu lui être inculquées par d’autres pour trouver lui-même, en lui-même, la
connaissance vraie, certaine, raisonnable142. Pour lui, la production, la construction
ou la création de la connaissance ne peut avoir lieu que si on fait table rase - tabula
rasa - de ce que d’autres avaient entrepris d’inscrire en nous. Pour Descartes, la
création est sa création dans la mesure où c’est en cherchant en lui-même qu’il
élabore sa propre connaissance. Dans cette vision des choses, l’accompagnement se
ferait plutôt a-ccompagnement où le "a" privatif indiquerait vraiment l’absence d’un
autre dans cette création (ni précepteur, ni maître, ni alter ego), tel « un homme qui
marche seul (…) dans les ténèbres (…)143 », même si, dans le cas de Descartes, on ne
pourra se départir de la présence de Dieu.
Reprenant les mythes de la genèse, Michel Fabre y retrouve
l’expression d’un des deux grands modèles de la « fantasmatique de la
formation »144, modèle qualifié de technique dans le sens où Aristote pense la
causalité. En effet, pour Aristote, la technique est ce qui relève d’un savoir-faire en
général et qui a « (…) son principe de mouvement en autre chose. »145. Ce qui
implique que « (…) l’être selon la technique n’existe que dans le travail d’un tiers ;
(…) il reçoit sa forme d’autrui. », contrairement à l’être selon la nature qui se forme
et se transforme selon lui-même, qui « (…) constitue sa propre fin (…) »146. Penser
140 Ancien Testament – La Pentateuque – Genèse 1. 141 DESCARTES René. Discours de la méthode. Paris : Gallimard, 1991, p. 76. 142 « (…) pour toutes les opinions que j’avais reçues jusque alors en ma créance, je ne pouvais mieux faire que d’entreprendre une bonne fois pour toutes de les en ôter, afin d’y en remettre par après, ou d’autres meilleures, ou bien les mêmes, lorsque je les aurais ajustées au niveau de la raison. ». Ibid. p. 86. 143 Ibid. p. 89. 144 FABRE Michel. Penser la formation. Paris : PUF, 1994, p. 130. 145 Ibid. p. 126. 146 Ibid.
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l’accompagnement selon ce modèle "technique", c’est le penser en terme de
modelage, au cours duquel il s’agira de créer un être comme on pourrait façonner un
objet selon sa volonté, à son image. Cette création serait alors avant tout l’expression
du désir et de la toute puissance du formateur. La création comme genèse se
rapproche ainsi d’une vision de l’accompagnement marquée par le modèle de poiesis
au sens aristotélicien du terme à savoir la production. « Dans la production, l’acte ne
réside pas en l’agent mais doit s’extérioriser dans l’œuvre : poème ou théorème ou
encore objet fabriqué »147. Dans cette perspective, l’autre est nié voire renié.
Comment dès lors parler d’accompagnement ? En effet, nous avons vu que
l’accompagnement était quelque chose qui relevait de la mise en commun, qui se
jouait vraiment dans (et par) la relation qui se noue entre soi et l’autre. Il nous semble
d’ailleurs que même dans le cas de la guidance, il y a considération de l’autre. Le
guide, c’est non seulement celui qui dirige mais c’est également celui qui protège148,
protection qui nécessite la prise en compte de l’autre ne serait-ce que pour identifier
ses faiblesses.
Ainsi, si on considère l’accompagnement comme un mouvement dont
une des finalités pourrait être la création, la création envisagée en tant que genèse
nous apparaît bien éloignée de la conception que nous avons développée de
l’accompagnement jusqu’à présent. Désormais, nous souhaitons nous acheminer vers
une autre définition de la création : la création en tant qu’ « acte qui consiste à
produire quelque chose de nouveau, d’original, à partir de données préexistantes »149.
2. La création comme renouveau
Si la création pensée en tant que genèse émerge du rien, du néant, la
création perçue comme renouveau intègre l’idée d’une production nouvelle à partir
de quelque chose qui existait au préalable. Dans cette perspective, on pourra
considérer que ce qui se crée n’est pas uniquement décidé et déterminé par le simple
désir du formateur mais que, quelque part, la personne en formation - celle que ce
formateur accompagne – est la source de cette création, en campe les fondements. En
pensant la création comme renouveau, nous postulons qu’elle est un moyen de
147 Ibid. p. 243. 148 Cf. définition du mot "guide" dans le Trésor de la Langue Française interactif. 149 Cf. définition du mot "création" dans le Trésor de la Langue Française interactif.
46
donner une nouvelle vitalité (stabilité ?) à ce qui était déjà là. Nous rapprochons cette
vision de la théorie relative aux processus d’assimilation/accommodation développée
par Piaget qui considère que « (…) toute genèse part d’une structure et aboutit à une
autre structure. »150. Piaget envisage ainsi la genèse comme « (…) une certaine forme
de transformation partant d’un état A et aboutissant à un état B, l’état B étant plus
stable que l’état A »151. Il s’agit bien là de la production d’un état nouveau (B) à
partir d’un état préexistant (A). Ce passage se faisant par une succession
d’équilibre/déséquilibre selon un processus que Piaget nomme équilibration. Il
remarque d’ailleurs que ce passage, même s’il est complètement en lien avec les
structures intrinsèques, les schèmes antérieurs du sujet, fait également « (…)
intervenir le milieu social, l’exercice, l’expérience. »152. Ainsi, même si chez Piaget,
la production de connaissances nouvelles est essentiellement quelque chose qui
émane et dépend de la logique interne du sujet, il introduit néanmoins l’idée de
« (…) transmission sociale (qui) elle aussi, joue bien entendu, un rôle fondamental,
mais si elle constitue une condition nécessaire, elle n’est pas non plus suffisante. »153.
Est esquissé ici - nous semble t-il - une ébauche de l’accompagnement perçu comme
participant d’une création nouvelle.
Penser la création comme renouveau, c’est peut être également
envisager avec Michel Fabre la formation comme réforme. S’appuyant sur la vision
de l’éducation de Rousseau dans l’Emile, il remet en cause la conception de l’esprit
considéré comme une table rase et pense davantage que « la formation (…) est
toujours - en son essence – déformation, destruction puis réforme des formes de
pensée et d’action déjà là et qui font obstacle à la formulation et à la résolution de
classes de problèmes d’un ordre supérieur. »154 . Dans cette perspective, la
production de connaissances nouvelles est bien tributaire de celles qui préexistaient,
cependant, elle opérera par leur remise en question. Michel Fabre reprend ainsi les
principes de Bachelard portant sur « (…) l’importance de l’erreur, qui ne saurait
signifier un simple accident de la pensée, mais s’avère au contraire consubstantielle
de l’acte de connaître. Ainsi la connaissance ne peut-elle procéder que de seconde
150 PIAGET Jean. Six études de psychologie. Genève : Editions Gonthier, 1964, p. 171. 151 Ibid. p. 165. 152 Ibid. p. 176. 153 Ibid. 154 FABRE Michel. Penser la formation. Paris : PUF, 1994, p. 181.
47
main, en une activité de rectification continuée s’élevant contre une connaissance
antérieure mal faite, dans un processus sans fin. »155. Nous notons d’ailleurs que cette
conception se ramène ici à celle de Jean Piaget que nous venons de développer.
Pour parvenir à dépasser les obstacles que la connaissance
préexistante constitue, l’autre s’avère donc de première importance en tant que
participant à sa déconstruction, ce qui pose la question de la relation à l’autre dans un
rapport de re-création. Peut-être d’ailleurs que cette re-création est d’abord (et avant
tout ?) le fruit d’une autoréflexion sur ses propres connaissances et de sa propre
capacité à les analyser et à les remettre en cause.
3. La co-création
3.1 L’apport de soi, la part de l’autre…
Et si, finalement le mouvement de création, dans l’accompagnement
était plutôt de l’ordre d’une co-création où le "co" traduirait l’idée d’une création
commune, conjointe (le préfixe "co" étant issu du préfixe latin "cum" qui signifie
avec, en même temps que) ?
Ce qui se jouerait alors dans l’accompagnement serait peut être du
domaine de la relation entre deux êtres au sein de laquelle la création pourrait être de
l’ordre de « la création de soi par soi via un alter (…) »156. N’est ce pas d’ailleurs ce
qui a lieu dans ce que Lacan décrit comme "le stade du miroir" puisqu’il s’agit,
comme l’écrit Frédérique Lerbet-Sereni d’ « une première reconnaissance du
"moi" », à travers mon image mais aussi et surtout grâce au langage et à la
reconnaissance de moi par l’autre : c’est l’autre qui m’inscrit ainsi dans ma fonction
de sujet et qui ainsi contribue à ma création en tant que personne grâce aux paroles
qu’il associe à mon image. Pour Frédérique Lerbet-Sereni, la création de soi est
complètement ancrée dans la relation en tant qu’elle est « (…) source de
différenciation et de reconnaissance aussi bien de soi que de l’autre dans son altérité
(…) »157. Il ne s’agit donc pas seulement d’une création mais bien d’une co-création,
chaque être engagé dans la relation se transformant de façon réciproque, à condition
155 Ibid. p. 183. 156 LERBET-SERENI Frédérique. La relation duale. Paris : L’Harmattan, 1994, p. 8. 157 Ibid. p. 26.
48
que cette relation soit vraiment considérée, reconnue, première et tendue entre des
sentiments - conscients et inconscients - parfois contradictoires.
3.2 … dans la relation
Ainsi, dans la co-création, ce qui vient s’ajouter dans le "co" c’est
finalement la relation. C’est elle qui va être l’inspiratrice de la création, à condition
également qu’elle soit caractérisée par son authenticité et par sa complexité,
complexité entendue dans le sens du mouvement et de la tension. La tension est une
façon de faire vivre la relation et de l’enrichir. S’il n’y a plus de tension, plus de
paradoxe, la relation s’appauvrit, stagne et peut même finir par mourir et par là
même anéantir toute création. Dans cette vision, il y a vraiment l’idée d’un bouclage,
d’un mouvement perpétuel : la relation nourrit et transforme chacun des êtres en
relation, qui à leur tour, transformés, nourrissent et transforment la relation qui, à son
tour… Transformation incessante que nous identifions finalement à un processus
dynamique de création mutuelle, dynamique dans le sens où ce processus n’est pas
fermé sur lui-même mais reste en relation avec l’environnement extérieur. Frédérique
Lerbet-Sereni s’interroge ainsi sur la possibilité et les conditions qui permettraient de
penser « (…) le système relationnel comme auto-poïetique – c'est-à-dire auto-
créateur de lui-même – (…) »158. Selon cet auteur, « (…) ce qui permettra au système
relationnel d’être auto-poïetique, c’est sans doute d’assumer à travers sa mémoire du
passé une certaine forme de permanence mais aussi d’assumer le nouveau à venir à
travers des projets qui déterminent les orientations (directions - sens) du
moment. »159 Ce qui intervient de manière primordiale dans l’auto-création du
système c’est également la notion de tiers, « (…) tiers évidemment inclus entre les
personnes et qui aussi semble les dépasser ou, à tout le moins, leur permettre de se
dépasser par cette possibilité créatrice. »160. La co-création, dans une relation de
couple, – que nous pouvons envisager également comme relation d’accompagnement
- c’est donc autant la création de soi et de l’autre que la création de ce tiers. Le tiers
est ainsi cet espace impalpable crée au sein même de la relation, il est cet « (…)
entre-deux qu’il faut identifier pour que nous puissions advenir, il faut aussi savoir le
158 Ibid. p. 62. 159 Ibid. p. 82. 160 Ibid. p. 97.
49
déplacer, le dépasser, vers un nouvel espace d’entre-deux. »161. On notera que
Frédérique Lerbet-Sereni pose la temporalité comme facteur important dans la
construction de la relation. Cette temporalité étant, dans une situation
d’accompagnement pédagogique, établie et déterminée, elle pose alors avec plus
d’acuité la question de l’autonomie des personnes engagées dans la relation. Elles
devront, au bout d’un temps connu à l’avance, pouvoir être sans cet autre avec qui
elles avaient cheminé et crée. Et, dans une situation de formation, « l’autonomie de
l’autre ne doit pas être simplement reconnue (comme dans les relations personnelles)
mais s’avère également à développer. (…) C’est donc bien quelque part une
production, mais une production qui n’opère pas sur des objets : une autoproduction
de sujets. La formation n’est ainsi ni pure praxis, ni pure poïesis : elle est irréductible
à la fabrication d’objets puisqu’elle concerne une relation entre partenaires, mais elle
s’effectue pourtant dans une temporalité laborieuse et par la médiation d’objets et de
productions. »162
Cela fait resurgir alors une de nos questions de départ qui était de
savoir si la création dans et par l’accompagnement – en formation notamment -
concernait un être ou un objet. Nous avons vu que, plus que les êtres en présence, la
création pouvait alors concerner cet espace impalpable, ce tiers, cet entre-deux de la
relation. Ce tiers peut tout à la fois prendre la forme d’un objet, fruit d’une démarche
à la fois singulière et conjointe, cet « (…) objet-projet à produire qui (fait) tiers entre
les protagonistes, tiers inclus donc, qu’aucun n’imagine a priori (…) »163. Il apparaît
bien ici que la création puisse concerner autant un être, des êtres, qu’un objet, l’objet
donnant ainsi une consistance à ce qui ne se voit pas forcément.
Considérer l’accompagnement comme mouvement de création c’est
donc l’envisager comme une relation authentique et complexe, inscrite dans une
temporalité déterminée (en formation), qui favorisera la création de soi par soi et via
l’autre de la relation. Cette création pourra tout aussi bien trouver son achèvement,
son aboutissement dans une production d’objet comparable – dans une certaine
161 Ibid. p. 104. 162 FABRE Michel. Penser la formation. Paris : PUF, 1994, p. 245. 163 LERBET-SERENI Frédérique. « Jalons pour une approche paradoxale de l’accompagnement comme intervention : une expérience de formalisation-symbolisation-modélisation avec un groupe d’agriculteurs ». TransFormations, 2009, n°2, p. 239-256, p. 252.
50
mesure - à une œuvre qui pourra même s’avérer être une œuvre de soi-même. Ne
pourrait-on pas alors considérer cette œuvre de soi-même comme une épreuve, une
tentative d’accéder à ce qui fait notre humanité et donc à ce qui nous caractérise en
tant qu’homme et qui serait cette faculté à se déterminer soi-même, « l’homme n’
(étant) pas libre par nature : la liberté figure en lui comme une simple possibilité, la
liberté réelle exigeant d’être conquise. »164. Une conquête qui pourrait ainsi prendre
la forme d’une quête qui « (…) passe donc par la recherche de cet autre qui pourrait
devenir interlocuteur significatif pour interpeller et reconnaître des aspects du sujet
pour le moment non intégrés et non intégrables à son identité. »165. Ce qui nous
conduit à nous interroger sur les liens qui peuvent se tisser entre l’accompagnement,
la liberté et l’expérience.
III. Accompagner : (se) libérer par l’expérience ou expérimenter la liberté ?
L’expérience, c’est tout autant l’ « ensemble de connaissances
pratiques tirées de l’usage, (cette) compétence particulière qui s'ajoute au savoir
théorique et résulte de l'exercice habituel d'une technique, d'un art, d'un métier »166 -
dérivée alors du latin experior qui signifie "éprouver"167 – que faire l’épreuve,
découvrir par l’essai et la pratique (le mot expérience en tant qu’expérimentation
étant alors issu du latin experimentum qui signifie « essai, épreuve, preuve par
expérience »168).
Dès lors, quels peuvent être les liens qui pourraient se nouer entre
l’expérience et l’accompagnement envisagé comme un art, comme un métier ? Si,
l’accompagnement est considéré comme un mouvement de (co)-création et que cette
création a fortement à voir avec ce qui fait notre humanité, qu’est ce qui va autoriser
cette création, est-elle même simplement possible ?
164 LIICEANU Gabriel. De la limite. Petit traité à l’usage des orgueilleux. Paris : Editions Michalon, 1994, p. 49. 165 ROELENS Nicole. « La quête, l’épreuve et l’œuvre – La constitution du penser et de l’agir à travers l’expérience ». Education Permanente, 2009, n°180, p.169-178, p. 173. 166 Définition tirée du dictionnaire de l’Académie Française 9e édition. 167 Cf. dictionnaire Gaffiot latin-français (1934) 168 Ibid.
51
1. Accompagner : (se) libérer ?
La relation d’accompagnement pourrait ainsi se jouer dans cette
tentative d’accession à la liberté et par l’épreuve qui consisterait à permettre à l’autre
d’y accéder. Tentative que l’on peut rapprocher alors de la vision rogerienne de
l’apprentissage et de ce qu’il considère comme permettant de le faciliter. Ainsi, pour
Carl Rogers, faciliter l’apprentissage c’est « libérer la curiosité intellectuelle des
gens ; permettre à chacun de s’élancer dans de nouvelles directions à partir de ses
propres intérêts ; affranchir l’esprit de recherche ; ouvrir toute chose à l’exploration
et à la remise en question ; reconnaître que tout est en mouvement ou en train de
changer (…) »169. Cette liberté (ou libération ?) ne saurait se rencontrer s’il n’existait
pas « (…) entre l’apprenti et celui qui veut faciliter son apprentissage une relation
interpersonnelle qui implique certaines qualités d’attitudes. »170. Comment de cette
relation émergera cette liberté, cette capacité à se déterminer soi-même ? La liberté
dont parle Rogers est « (…) essentiellement quelque chose d’intérieur, quelque chose
qui existe dans la personne vivante indépendamment des choix extérieurs (…) »171 .
Rogers souligne l’importance, pour offrir la possibilité à l’autre –
l’apprenant en l’occurrence – d’être libre, de l’être soi-même. De ce fait, il convient
de « (…) donner le degré de liberté que (l’on est) capables de donner – en toute
sincérité et sans (se) sentir mal à l’aise (…) »172. Sincérité, congruence ou
authenticité c’est ainsi pour Carl Rogers la qualité essentielle qui permettra de
favoriser l’apprentissage. Il s’agira donc d’agir en tant qu’être, d’être soi-même dans
la relation et donc de laisser la place à ses sentiments tout en s’ouvrant à ceux de
l’autre. Être authentique dans la relation c’est donc laisser venir et parler son être
profond, c’est accompagner de toute son intériorité. Selon Rogers, la deuxième
attitude qui fera d’un formateur ou d’un enseignant, un « facilitateur »
d’apprentissage qui s’autorisera à "travailler" de façon libérée et libératrice, consiste
en ce qu’il nomme la «considération»173. Il la décrit comme « (…) la prise en
considération de l’apprenti avec ses divers sentiments et ses différentes potentialités.
169 ROGERS Carl R. Liberté pour apprendre. Paris : Dunod, 1999, p.102. 170 Ibid. p. 103. 171 Ibid. p. 268. 172 Ibid. p. 68. 173 On parle également de "considération positive inconditionnelle".
52
La considération ou l’acceptation que le professeur accorde à l’élève est une
expression opérationnelle de la confiance essentielle et de la foi qu’il met dans les
capacités de l’organisme humain.»174. Cette considération permet ainsi à l’autre de la
relation de se sentir pleinement inscrit dans celle-ci et donc d’avoir le sentiment de
pouvoir s’y exprimer en tant qu’être, qu’il s’agit bien d’une relation d’échanges et de
partage. La troisième attitude dont Rogers est convaincu qu’elle facilite
l’apprentissage et conditionne la possibilité de créer un espace de liberté créatrice ou
« (…) l’instauration d’un climat d’enseignement autodéterminé (…) »175 est la
compréhension empathique. L’empathie, pour Rogers, c’est la capacité de « (…)
comprendre de l’intérieur les réactions d’un étudiant ou (d’être) conscient d’une
manière vécue de la façon dont l’étudiant perçoit les processus de formation et
d’apprentissage (…) »176. Cette capacité à pouvoir faire comme si nous étions l’autre
- c’est-à-dire finalement à simplement le comprendre (prendre avec soi) - est ainsi un
élément autorisant sa libération dans la mesure où il ne se sent plus assujetti au
jugement ou à l’évaluation du professeur. Ainsi pour Carl Rogers, ces trois attitudes
déterminent la capacité à ouvrir un espace de liberté qui favorisera l’apprentissage
« (…) créatif et librement déterminé par chacun (…) »177. Cependant, pour parvenir
à cette capacité, nous avons vu que l’authenticité, la congruence et l’empathie étaient
essentielles et, de l’aveu même de Rogers, ces trois attitudes ne sont pas faciles à
acquérir et à tenir conjointement, d’autant plus qu’elles sont contradictoires entre
elles. Pour lui, l’attitude première demeure toutefois l’authenticité.
Ne pourrait-on pas alors rapprocher ce qu’il nomme « facilitateur » de
ce que nous avons désigné par le terme accompagnant, cet accompagnant qui suit son
« intime conviction » ? Ainsi, Alexandre Lhotellier considère l’accompagnateur –
terme désignant ce que nous avons défini comme un accompagnant – comme « (…)
un faciliteur, un passeur, un intercesseur, un conseiller (au sens de "Tenir conseil »),
un éveilleur, un veilleur, un émancipateur. »178. Dans cette perspective,
l’accompagnement ne pourrait-il pas alors être envisagé comme cette capacité à
174 Ibid. p. 107. 175 Ibid. p. 110. 176 Ibid. 177 Ibid. p. 188. 178 LHOTELLIER Alexandre. « Note conjointe sur l’accompagnement » In G. Le Bouëdec, A. du Crest, L. Pasquier, R. Stahl. L’accompagnement en éducation et formation : un projet impossible ? », Paris : L’Harmattan, 2001, p. 183-200, p. 196.
53
« libérer chez les autres leur liberté »179 ? Liberté à laquelle nous pouvons accéder en
faisant l’expérience du sublime selon Kant. En effet, face au sublime dynamique (la
nature), l’homme fait la double et paradoxale expérience de sa faiblesse totale mais
également de sa capacité de pouvoir la dépasser par ce "quelque chose" qui est sa
liberté180. Et, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, le sublime c’est
l’informe, ce "quelque chose" qui nous constitue et que l’on peut dans une certaine
mesure rapprocher de l’expérience. Ainsi, cheminer vers la liberté n’est ce pas
cheminer dans l’expérience (et au-delà) ?
2. De l’expérience comme cheminement
Cheminer dans l’expérience, c’est peut être en faire une « (…)
aventure humaine ordinaire et quotidienne (…) »181. Ce qui signifie selon Mylène
Anquetil-Callac qu’elle est le résultat d’une exploration d’un vécu, une exploration
qui prend la forme d’un accueil. « Un accueil de soi dans sa transformation
continuée, tant pour le formateur que pour son "autre", et accueil de l’autre que soi,
contribuant peu à peu à donner à ce terme d’accueil de plus en plus de consistance,
de densité et de complexité, celle qui fait que plus il se pose, plus il s’échappe et se
retourne »182. Il s’agit donc de considérer les situations vécues comme pouvant
constituer potentiellement l’expérience, expérience complexe de soi et de l’autre que
soi. C’est en passant du vécu à l’expérience que l’on peut alors prendre la mesure de
« (…) ce qui se passe en soi et (de) laisser passer ce qui passe entre nous. »183. Et
donc, éventuellement d’accéder à notre capacité d’autodétermination ? Prendre la
mesure de ce qui se passe en soi, n’est-ce pas simplement prendre conscience de ce
quelque chose qui existe en nous et qui nous constitue dans ce qui fait notre
humanité ? Considérant alors le langage comme un « (…) facteur de diversité à
179 Ibid. p. 229. 180 « (…) nous nommons volontiers sublimes ces objets, parce qu’ils élèvent les forces de l’âme au-dessus de leur moyenne habituelle et nous font découvrir en nous un pouvoir de résistance de toute autre sorte (…) en sorte que nous avons découvert en notre esprit une supériorité sur la nature même dans son incommensurabilité : de même est-il vrai aussi que ce que sa force a d’irrésistible nous fait certes connaître, en tant qu’êtres de la nature, notre faiblesse physique, mais en même temps elle dévoile un pouvoir de nous juger comme indépendants par rapport à elle (…) ». KANT Emmanuel. Critique de la faculté de juger. Paris : GF Flammarion, 1995, p. 244. 181 ANQUETIL-CALLAC Mylène. L’accueil de l’expérience. Paris : L’Harmattan, 2006, p. 9. 182 LERBET-SERENI Frédérique dans la préface de ANQUETIL-CALLAC Mylène. L’accueil de l’expérience. Paris : L’Harmattan, 2006, p. 5. 183 Ibid. p. 6.
54
(ré)organiser le vécu d’expérience »184, Mylène Anquetil-Callac envisage l’approche
langagière comme une façon de comprendre, d’interpréter son vécu et assimile ainsi
cette compréhension à un lien d’accompagnement, un « (…) accompagnement de
soi-même vis-à-vis d’autrui »185. Le langage est donc vu comme ce qui permettra le
passage du vécu à l’expérience en tant qu’il met en jeu des relations inter et intra
personnelles. Qu’il s’agisse de langage social ou de langage intérieur, c’est en
mettant en mots ce qui a été vécu que s’ouvre la possibilité de cette rencontre avec
l’expérience. Le langage permet en quelque sorte cet accompagnement de soi-même
vers soi. Dans cette situation, accompagner, c’est laisser venir la parole de l’autre en
tant qu’elle lui permet d’explorer son intériorité et d’être en disposition
d’autoréflexion. Toute la capacité d’écoute est donc à l’œuvre dans ce que Mylène
Anquetil-Callac nomme l’accueil de l’expérience parce que finalement,
« accompagner quelqu’un c’est d’abord l’accueillir, l’écouter »186. Cette écoute, cet
accueil de l’autre et de sa parole (ou de ses silences) tout autant que l’accueil de soi
qui en résulte finalement vont alors enrichir et renouveler le « (…) fonds de
constitution en fond de poétisation »187 dans un mouvement complexe de réciprocité
perpétuel. Il nous semble ainsi qu’accueillir l’expérience, c’est faire l’épreuve de cet
in-formel – ce fonds de constitution en fonds de poétisation - qui nous constitue.
Laisser une place à l’expérience dans l’accompagnement pourrait dans une certaine
mesure s’apparenter à l’idée qu’ « il n’y a pas d’accompagnant neutre. La question
est donc "comment utiliser tout ce que je suis, mes compétences, mon histoire, pour
accompagner l’autre sans me mettre à sa place ?" »188. Et, partant de là, comment
simplement être pour permettre l’accueil de l’autre ?
Si nous avons envisagé l’accompagnement comme une possibilité de
libérer chez les autres leur propre liberté tout en se libérant soi-même, nous nous
sommes ensuite interrogé sur les conditions qui pouvaient permettre d’effleurer cette 184 ANQUETIL-CALLAC Mylène. L’accueil de l’expérience. Paris : L’Harmattan, 2006, p.58. 185 Ibid. p. 61. 186 LE BOUËDEC Guy. « Une posture spécifique. Vers une définition opératoire ». In G. Le Bouëdec, A. du Crest, L. Pasquier, R. Stahl. L’accompagnement en éducation et formation : un projet impossible ? », Paris : L’Harmattan, 2001, p.128-181, p. 141. 187 ANQUETIL-CALLAC Mylène. L’accueil de l’expérience. Paris : L’Harmattan, 2006, p. 133. 188 STAHL Robert. « Un exemple de formation à l’accompagnement en formation ». In G. Le Bouëdec, A. du Crest, L. Pasquier, R. Stahl. L’accompagnement en éducation et formation : un projet impossible ? », Paris : L’Harmattan, 2001, p.97-125, p. 104.
55
liberté. Nous avons vu ainsi que c’est en permettant au vécu de devenir expérience
que l’on pouvait alors prendre la mesure de ce qui se passe en soi et ce qui se passe
entre soi et l’autre. Et, de cette compréhension, de cet accueil, pourrait ensuite se
dessiner de façon complètement intérieure et intériorisée le développement d’une
certaine capacité d’autodétermination, conscience de soi ou aptitude à la liberté ?
Est-ce alors ce lien entre liberté, expérience et accompagnement qui ferait de ce
dernier un métier impossible au sens de Freud ?
3. L’accompagnement : vers une liberté in-possible ?
Frédérique Lerbet-Sereni, reprenant l’idée de Freud selon laquelle
éduquer, gouverner et psychanalyser relèveraient de métiers impossibles, développe
alors deux façons de penser cette impossibilité. Elle situe ainsi l’accompagnement
"entre" la toute puissance et l’inaction, dans un "entre" dynamique et complexe,
comme « (…) une possibilité de trouver dans la tension, les points d’appui à la
réflexion comme à l’action. »189. Pour cet auteur, l’accompagnement est un métier
impossible pour (au moins ?) deux raisons. En effet, l’accompagnement en
éducation ou en formation appartient à des processus complexes, mêlant des
personnes, des situations, des contextes, des attentes et des désirs variés, variables,
parfois convergents, souvent contradictoires et toujours singuliers. Il y a dans
l’accompagnement infiniment d’évènements en puissance qui font que « (…)
l’éducateur est confronté à un impossible parce qu’il ne peut faire mieux que de se
débrouiller avec des possibles, avec lesquels il va devoir décider éducativement, en
contexte, alors qu’il sait qu’au fond, c’est proprement indécidable, au sens d’une
décision qui serait absolument assurée d’elle-même. »190. L’accompagnement, un
métier impossible dans la mesure où il renvoie l’éducateur à sa propre
responsabilité : en aucune manière l’autre de la relation ne pourra lui renvoyer une
justification qui s’apparenterait ainsi à une espèce de satisfaction du travail accompli,
il ne peut et ne doit la trouver (ou pas ?) qu’en lui-même. Il s’agit donc d’être attentif
à l’ouverture de possibles qui s’opère dans l’accompagnement tout autant qu’à la
189 LERBET-SERENI Frédérique. « L’accompagnement entre paradoxe et quiproquo : théorie, éthique et épistémologie d’un métier impossible ». Les Cahiers d’Etudes du CUEEP, 2003, n°50, p. 203- 220, p. 210. 190 Ibid.
56
propre capacité de l’accompagnant à la préserver. Pour Frédérique Lerbet-Sereni,
« accompagner comme impossible voudrait alors dire un engagement dans une
double vigilance : une vigilance à la variété-multiplicité et une vigilance à soi. »191.
Être vigilant à la variété-multiplicité, c’est en quelque sorte privilégier des situations
génératrices de diversité, de contradictions, d’échanges, de doutes et d’incertitudes
en tant qu’elles mettent en jeu ce qui est en puissance, autant chez l’accompagnant
que chez l’accompagné. En ne tenant jamais rien pour acquis et en ne considérant pas
l’accompagnement comme une façon de trouver chez (par) l’autre ce qui nous fait
défaut - ce manque qui est finalement ce pour quoi et ce par quoi nous continuons à
nous interroger en tant que sujet et en tant que professionnel – nous pourrions alors
envisager avec Frédérique Lerbet-Sereni que l’accompagnement est un métier in-
possible. Il faut sans doute savoir faire retour sur soi pour autoriser l’autre à faire de
même, assumer sa propre subjectivité tout en invitant l’autre à y parvenir. Est-ce là
alors une condition de l’émergence de la liberté ? Liberté qui me permet d’être moi-
même et qui pourrait alors être considérée de la même façon comme un in-possible ?
Partant de l’idée que l’accompagnement permettrait, au sens rogerien,
de se libérer et de libérer chez l’autre sa capacité créatrice, sa possibilité de se
déterminer lui-même, nous avons ensuite envisagé l’expérience et son accueil
comme une façon d’atteindre un certain niveau de liberté. Liberté que nous avons
finalement considérée, en regard de l’accompagnement, comme une capacité
intrinsèque et infinie, d’être soi-même.
Conclusion
En étudiant l’accompagnement d’abord comme variété de relations à
l’autre et diversité de postures, nous l’avons envisagé en mouvement constant,
mouvement intérieur avant tout, et en renouveau permanent. Marqué par l’intériorité
et l’inspiration, ne pourrions-nous pas alors penser l’accompagnement comme un
art ?
191 Ibid.
57
Et si, nous posions la question de ses finalités en les rapprochant de la
création, désormais - à la lueur de notre exploration - nous pouvons éventuellement
reconsidérer cette question des finalités. En effet, l’art n’est-il pas cette « activité
désintéressée qui a son but et sa fin en elle-même »192. A partir de là, ne pourrait-on
pas imaginer que l’accompagnement - tout comme la création qui semble lui être
associée – ne puissent être pensés en terme de finalités mais que ce qui les caractérise
serait plutôt le fait qu’ils n’aient d’autre finalité que d’avoir leur but et leur fin en
eux-mêmes ? Ce qui permettrait alors d’effleurer la perspective qu’être dans la
relation, être dans l’accompagnement, ce soit accueillir l’autre et ce qui le constitue
tout autant que s’accueillir soi, sans poser de finalités mais simplement en étant dans
l’accompagnement. Être sans volonté de délimiter, être en (se) faisant confiance et en
écoutant ce quelque chose, cette intuition, qui nous dépasse, qui nous inspire et qui
nous permet de laisser le champ de possibles ouvert à l’autre.
192 Définition tirée du dictionnaire de l’Académie Française 9e édition.
58
Conclusion première partie Si au début de notre travail, nous posions avec insistance la question
de la place et du positionnement, autant par rapport au formel et à l’informel qu’au
niveau de l’accompagnement, il nous apparaît finalement que ce questionnement
n’est pas forcément l’essentiel. Au fil de notre raisonnement nous sont apparus des
similitudes entre les concepts que nous avons travaillés. Reprenant alors ce fait
mentionné par Paul Fustier qui remarquait que l’accompagnement était au départ
associé à l’informel des pratiques professionnelles de la relation, et au regard de
l’étude que nous avons menée, nous serions alors tenté de faire un rapprochement
entre ces deux notions. Si accompagner signifie être, sans volonté de délimitation, en
suivant cette intuition qui nous dépasse, n’y retrouve t-on pas dans une certaine
mesure ce qui nous a paru caractériser l’informel ?
Ne pourrait-on pas alors penser que l’accompagnement entre formel et
informel se jouerait dans la tension, dans un "entre" dynamique qui n’opèrerait
justement pas par positionnement statique ? Il ne s’agirait alors pas de trouver une
place intermédiaire entre formel et informel, mais bien d’être en mouvement entre
ces points de tension. Ce serait finalement toute la contradiction qui peut exister
entre le formel et l’informel qui permettrait de faire vivre l’accompagnement, voire
de l’enrichir.
En menant cette exploration théorique, nous avons été amené à nous
interroger sur l’accompagnement entre formel et informel. Pour compléter ce travail
théorique, nous avons donc mené une recherche au cœur d’un métier au sein duquel
l’accompagnement occupe une place fondamentale, dans des espaces de rencontre
entre formel et informel. Les étapes de cette recherche seront donc présentées dans la
deuxième partie.
59
Deuxième partie
Étude de terrain et analyse du corpus
60
Introduction deuxième partie A partir d’une question empirique concernant le métier d’animateurs
d’espace public numérique et plus particulièrement sur leur rôle d’accompagnement
au sein de lieux d’initiation aux Technologies de l’Information et de la
Communication, nous avons tiré une problématique théorique relative à la question
de l’accompagnement entre formel et informel. Ce regard un peu "détaché" du terrain
nous a conduit ainsi à élargir notre vision et à nous ouvrir des pistes de réflexion. A
partir de là, en quoi pourrions-nous rapprocher notre exploration théorique de notre
question issue de la pratique ? Notre démarche repose alors sur une recherche dont
les fondements sont constitués d’un recueil de données de terrain.
Cette deuxième partie s’appuie donc sur deux chapitres au cours
desquels il s’agira, dans un premier chapitre, tout d’abord de contextualiser notre
étude puis d’expliciter notre recueil de données. Nous terminerons ce chapitre par
une première analyse du corpus, composé de trois entretiens d’animateurs de cyber-
base. Le dernier chapitre s’attachera à poursuivre cette analyse en la menant de façon
comparative et globale puis d’examiner les résultats obtenus à la lueur de notre
exploration théorique. A l’issue de ce travail de mise en relation, dans quelle mesure
pourrons-nous faire de cette matière à penser une matière à agir ?
61
Chapitre 3. Contexte de l’étude, recueil des données et analyse par entretien
Introduction
Il nous semble important de replacer cette étude dans le contexte dans
lequel elle se situe. En effet, il s’agit d’une situation bien spécifique ne serait-ce que
par son ancrage dans le milieu rural et par ses liens avec les Technologies de
l’Information et de la Communication. En effet, notre questionnement de départ est
issu de ce terrain particulier et du métier d’animateur qui y est associé, métier que
nous exerçons par ailleurs. C’est dire alors toute l’importance que peut revêtir le
contexte dans ce cas de figure. Il nous apparaît en outre que ces espaces dédiés à
l’apprentissage des Technologies de l’Information et de la Communication, lieux
d’initiation plus que de formation sont, du fait même de leur objet, propices à la
rencontre avec l’informel. En effet, notre environnement s’inscrit désormais dans un
rapport quotidien aux Technologies de l’Information et de la Communication et se
mêlent alors dans ces espaces publics numériques des savoirs techniques et des
manipulations devenues quasiment nécessaires au jour le jour, tout cela dans un
environnement marqué par la proximité au cœur d’un territoire rural au sein duquel
les lieux de rencontres autant que les services publics ont tendance à disparaître.
C’est pourquoi nous commencerons par exposer les principales
caractéristiques d’un espace public numérique, caractéristiques qui nous ont conduit
à adopter une méthodologie de recueil de données qu’il s’agira d’expliciter. Pour
analyser ces données, nous préciserons ensuite notre démarche de construction de la
grille d’analyse pour terminer par la présentation et une première analyse des
résultats obtenus.
62
I. Contexte de l’étude
1. Les espaces publics numériques : des structures aux confins des
politiques d’aménagement du territoire et des politiques sociales
L’étude dont il est question ici trouve son origine et son
développement dans un espace public numérique labellisé Cyber-base193. « Le
programme Cyber-base s’est opéré, au lancement, dans le cadre des décisions du
CISI, Comité Interministériel pour la Société de l’Information, du 10 juillet 2000,
dont le premier objectif est de "réduire le fossé numérique" et de "donner à tous la
possibilité de maîtriser les outils de la société de l’information, en permettant à
chacun de se familiariser avec la micro-informatique et l’Internet" en encourageant
l’ouverture "sur le territoire de lieux ouverts au public (…) baptisés Espaces Publics
Numériques E.P.N" »194. La mise en place des espaces publics numériques est
directement liée à l’initiative e-Europe, initiative issue de la stratégie de Lisbonne
dont l’objectif fixé était de « devenir, d'ici à 2010, l'économie de la connaissance la
plus compétitive et la plus dynamique du monde »195 et dont les principaux objectifs
consistaient à « faire entrer tous les citoyens, foyers, entreprises, écoles et
administrations dans l'ère numérique et leur fournir un accès en ligne ; (à) introduire
une culture numérique soutenue par un esprit d'entreprise ouvert aux technologies de
l'information ; (ainsi qu’à) veiller à ce que la société de l'information ait une vocation
d'intégration sociale »196. Aux confins des politiques d’aménagement du territoire et
des politiques sociales, la création de ces espaces publics numériques vise à la fois un
développement équilibré du territoire en matière d’accès aux Technologies de
l’Information et de la Communication mais également à favoriser leur appropriation
par des publics qui en raison de facteurs géographiques, économiques ou sociaux,
pourraient en rester éloignés, tout en participant à la concrétisation de cet enjeu
majeur qu’est celui d’une « société de l’information pour tous »197. Déployés sur tout
le territoire, en milieu urbain comme en milieu rural, ces espaces sont de taille 193 Le terme cyber-base est un concept/label de la Caisse des Dépôts et Consignation. 194 Informations issues du site officiel du programme cyber-base consulté le 3 mai 2010 : http://www.cyber-base.org/cyberbase/content/internaute/fichier/presse/presse_6.pdf . 195 Informations issues du site officiel de l’Union européenne consulté le 16 mai 2010 : http://europa.eu/scadplus/glossary/eeurope_fr.htm 196 Ibid. 197 Ibid.
63
variable et peuvent être conduits par différents types de structures. Les espaces
publics numériques concernés par cette étude sont situés en milieu rural, de taille
relativement réduite (moins de 12 postes informatiques) et sont portés par des
communautés de communes.
2. L’accompagnement au cœur du métier d’animateur d’espace
public numérique
Au sein de ces espaces, « les animateurs sont la clé de voûte du
concept Cyber-base. Par l’accompagnement qu’ils proposent et par les ateliers qu’ils
dispensent, ceux-ci sont essentiels à la qualité des services rendus par l'espace Cyber-
base »198. Le rôle de ces animateurs est donc d’accompagner les usagers de façon
individuelle et lors d’ateliers collectifs dans la découverte et l’utilisation des
Technologies de l’Information et de la Communication. Ainsi, selon le référentiel
métier édité par la Délégation aux Usages de l’Internet, « l’animateur multimédia
accompagne et initie des publics différents (enfants, adultes, personnes du troisième
âge…) à l’outil informatique et aux usages de l’Internet et du multimédia, au travers
d’activités d’animation éducatives, ludiques, artistiques, techniques, administratives
ou citoyennes. Il exerce cette fonction d’animation et de médiation dans des lieux
publics ou associatifs dédiés à l’initiation aux TIC ou dans des organismes assurant
une activité socioculturelle ou socio-éducative (bibliothèque, médiathèque, maison
des jeunes et de la culture, maison de quartier, foyer rural, centre de loisirs,
établissement scolaire, établissement de soins et d'hospitalisation, maison de retraite,
établissement pénitentiaire...), en liaison avec les partenaires locaux »199. Ce
référentiel identifie des compétences « au cœur du métier », parmi lesquelles « sens
pédagogique, capacité d’animation de groupe, qualités relationnelles, écoute et
patience »200 sont mises en avant.
198 Informations issues du site officiel du programme cyber-base consulté le 3 mai 2010 : http://www.cyber-base.org/cyberbase/content/internaute/fichier/presse/presse_26.pdf 199 Référentiel métier “Animateur multimédia, animateur d’espace public numérique, médiateur Internet » consulté sur le site Internet de la Délégation aux Usages de l’Internet le 16 mai 2010 : http://www.delegation.internet.gouv.fr/chrgt/netpublic/Referentiel_metier_Animateur_TIC.pdf 200 Ibid.
64
En introduisant cette étude par son contexte, nous resserrons notre
problématique qui consiste à nous interroger sur l’accompagnement dans un lieu où
se mêlent formel et informel sur un métier bien particulier qu’est celui d’animateur
de cyber-base et dans cet environnement caractéristique que constitue le milieu rural.
A partir de là, se pose la question de savoir quel type de données recueillir pour
mener notre recherche.
II. Recueil de données
Partant d’une préoccupation pratique, d’une question de départ, notre
étude nécessite le recueil d’un corpus constitué d’informations issues d’un
échantillon de population déterminé. Une partie de l’analyse des données sera
effectuée dans ce chapitre, une analyse complémentaire sera poursuivie dans le
chapitre 4 au sein duquel il s’agira ensuite d’interpréter les résultats obtenus afin d’en
tirer des perspectives d’action.
Plusieurs méthodes de recueil de données en sciences sociales existent
et il convient donc de déterminer laquelle semble la plus appropriée à l’étude que
nous menons.
1. Sélection de la méthode de recueil
1.1 L’observation : une première hypothèse
Pour avancer sur notre problématique de départ, nous devons
rassembler des données que nous pourrons analyser par la suite. Pour Raymond
Quivy et Luc Van Campenhoudt, la collecte des données « (…) consiste à recueillir
ou rassembler concrètement des informations prescrites auprès des personnes ou
unités d’observation retenues dans l’échantillon. »201. Notre questionnement de
départ portant sur l’accompagnement dans les espaces publics numériques, nous nous
sommes interrogé tout d’abord sur le regard que nous souhaitions porter et apporter
sur ce sujet. Sous quel angle de vue voulions-nous parler de cet accompagnement ?
Etait-ce celui de l’usager, de l’apprenant, celui de l’animateur, du formateur, ou bien
201 QUIVY Raymond, VAN CAMPENHOUDT Luc. Manuel de recherche en sciences sociales. Paris : Dunod, 1995, p. 167.
65
celui de l’institution, des décideurs ? Certainement influencée par la place que nous
occupons dans ce dispositif, nous avons compris que ce que nous voulions essayer de
saisir, c’était ce qui se passait plus précisément au niveau de l’animateur. A partir de
là, nous avons envisagé plusieurs éventualités concernant notre recueil de données.
Nous avons ainsi imaginé recueillir notre corpus lors d’un atelier d’initiation dans un
espace public numérique. Cette observation directe définie par Jean Massonat
comme l’étude des comportements en situation202 aurait ainsi nécessité
l’enregistrement in situ d’une séance dans le but de capter des éléments concernant
autant l’animateur, que l’usager et les interactions éventuelles susceptibles de se
créer. La première limite de ce type de recueil pour le chercheur est « (…) de savoir
si ce qu’on lui donne à observer est bien ce qui se passerait en dehors de sa
présence »203. La présence d’un observateur ou simplement la conscience d’être
enregistré induit ainsi de façon plus ou moins notable et inconsciente chez les
personnes observées une modification de comportement. En outre, il nous semblait
que ce que nous voulions approcher avait davantage à voir avec l’intériorité et avec
l’expérience personnelle, le vécu de l’animateur. C’est ainsi pour ces différentes
raisons que nous avons finalement décidé de ne pas choisir l’observation comme
méthode de recueil mais d’opter plutôt pour l’entretien.
1.2 Le choix de l’entretien non-directif comme méthode de
recueil
Il nous a ainsi semblé pertinent, eu égard à notre questionnement et à
ses liens avec l’expérience, de choisir l’entretien comme méthode de recueil. En
effet, selon Alain Blanchet et Anne Gotman, « la caractéristique de l’entretien est
qu’il constitue un fait de parole. »204. Ils citent ainsi Labov et Fanshel qui ont défini
l’entretien comme « (…) un speech event (évènement de parole) dans lequel une
personne A obtient une information d’une personne B, information qui était contenue
202 MASSONAT Jean in BLANCHET Alain, GHIGLIONE Rodolphe, MASSONAT Jean et TROGNON Alain. Les techniques d’enquête en sciences sociales. Paris : Dunod, 2005, p. 22. 203 VAN DEN MAREN Jean-Marie. La recherche appliquée en pédagogie : des modèles pour l’enseignement. Bruxelles : De Boeck Université, 2003, p. 150. 204 BLANCHET Alain, GOTMAN Anne. L’enquête et ses méthodes : l’entretien. Paris : Armand Colin, 2007, p. 17.
66
dans la biographie de B. »205. Cette référence à la biographie de la personne nous
confortait donc dans l’idée que c’est par l’entretien que nous pourrions privilégier la
part d’expérience personnelle, de vécu dans le recueil de données. Ainsi, « (…)
l’entretien, qui va à la recherche des questions des acteurs eux-mêmes, fait appel au
point de vue de l’acteur et donne à son expérience vécue, à sa logique, à sa
rationalité, une place de premier plan. »206. Choisir plus précisément l’entretien non-
directif, c’était ensuite clairement opter pour une relation directe et authentique avec
les personnes concernées par notre recherche. En effet, « dans l’entretien non-directif
l’enquêté organise son discours à partir d’un thème qui lui est proposé (le stimulus
ou la consigne). Il choisit librement les idées qu’il va développer sans limitation, sans
cadre préétabli. L’enquêteur joue un rôle de stimulateur, de facilitateur et par ses
interventions montre qu’il écoute et qu’il comprend. Il doit apparaître comme
quelqu’un de neutre (d’une "neutralité bienveillante"), capable de tout entendre mais
sans être indifférent, qui ne suggère, ni n’évalue, ni n’argumente. »207. Ce type
d’entretien trouve son origine dans la pratique de la psychothérapie centrée sur le
client de Carl Rogers. Ainsi, « le point de vue non-directif confère pour Rogers une
haute valeur à l’indépendance psychologique de chaque individu et au maintien de
son intégrité psychique (…) »208. Il s’agit donc de laisser advenir la parole de l’autre
et d’accueillir ses propos, de suivre le fil de son discours et de recueillir son
expérience.
1.3 Choix de la population
Notre questionnement de départ nous ayant conduit à envisager
l’accompagnement sous l’angle des animateurs d’espaces publics numériques, le
choix de la population s’est défini naturellement en fonction de l’objet de notre
étude.
Le mode de recueil choisi étant l’entretien non-directif, l’échantillon
pouvait être restreint. Nous sommes donc parti sur l’idée d’interviewer deux
205 Ibid. 206 Ibid. p. 20. 207 BERTHIER Nicole. Les techniques d’enquête en sciences sociales. Paris : Armand Colin, 2006, p. 72. 208 BLANCHET Alain, GOTMAN Anne. L’enquête et ses méthodes : l’entretien. Paris : Armand Colin, 2007, p. 10.
67
animateurs de cyber-base et d’obtenir des entretiens d’animateurs différents, tant au
niveau de l’expérience, que de l’âge et du sexe. Pour des raisons de proximité, cet
échantillon serait issu du réseau d’animateurs du département, réseau dont nous
faisons partie en tant qu’animatrice. Pour tenter d’objectiver notre démarche, nous
avions ainsi choisi de contacter des animateurs avec lesquels nous avions été le
moins possible en contact. Cependant, il est évident que le fait de pouvoir être
identifiée comme une animatrice, une collègue plutôt qu’en tant que chercheur, était
susceptible d’introduire des biais dans notre recherche. De la même façon que notre
implication de professionnelle dans cette recherche pouvait en introduire également,
ce dont nous avions conscience dès le début de notre démarche mais dont nous avons
réellement pris la mesure après avoir réalisé ces deux entretiens. C’est pourquoi, à la
suite de ces deux premiers entretiens, nous avons souhaité élargir notre échantillon
en y ajoutant un animateur de cyber-base d’un autre département que nous ne
connaissions pas et qui ne nous connaissait pas afin qu’il ne voie pas en nous
l’animatrice mais le chercheur. Etant bien entendu que, si par ce choix, nous
réduisions les biais du côté de l’interviewé, ils restaient inchangés pour ce qui nous
concernait.
Donc, au final, notre échantillon est constitué de trois animateurs de
cyber-base, une personne de sexe féminin et deux de sexe masculin, toutes trois
travaillant dans des cyber-bases portées par des collectivités territoriales et
implantées en milieu rural. Les deux premiers animateurs ont été contactés en mode
d’accès direct, par téléphone. Cet entretien téléphonique précisait succinctement le
cadre de notre recherche, le temps nécessaire à l’entretien et convenait d’un rendez-
vous pour le réaliser. Le troisième animateur a été contacté en direct, lors d’une
courte visite dont le contenu était identique à ce qui avait été précisé par téléphone
aux deux autres animateurs. Que ce soit par téléphone ou à l’occasion d’une brève
visite, ce premier contact a permis en outre d’instaurer une relation entre le chercheur
et l’interviewé, d’engager la démarche, autant d’un côté que de l’autre.
68
2. Le déroulement des entretiens
2.1 Le lieu : un choix de l’interviewé
Lors du premier contact que nous avons noué avec les (futurs)
interviewés, nous avons décidé de leur laisser le choix quant au lieu et à la date de
notre rencontre. Il s’agissait ainsi de leur permettre d’opter pour des conditions dans
lesquelles ils pourraient se sentir le plus à l’aise, le plus "eux-mêmes", dans
l’échange que nous serions amenés à avoir. C’est ainsi que deux d’entre eux ont
préféré que l’entretien se déroule sur leur lieu de travail, en dehors des heures
d’accueil du public et que la troisième a préféré que l’entretien ait lieu à son
domicile.
2.2 Le cadre contractuel : description, critique et évolution
Avant de commencer l’entretien, nous avons rappelé le cadre
contractuel de l’entretien. « Le cadre contractuel est, dès les premiers contacts,
constitué par les représentations et les croyances mutuelles des interlocuteurs sur les
enjeux et les objectifs du dialogue. »209. Il s’agissait ainsi d’expliciter notre
démarche de recherche en nous positionnant en tant que chercheur - en nommant
simplement la formation que nous suivions - s’interrogeant sur le métier d’animateur
de cyber-base tout en évitant soigneusement d’indiquer le thème précis de notre
mémoire. Il s’agissait également d’introduire l’idée que nous souhaitions simplement
recueillir leur parole d’animateur, sans a priori ni attentes spécifiques. Ce moment
"pré entretien" a été également l’occasion de rappeler les conditions d’enregistrement
et les garanties de confidentialité, donc de nous assurer de l’accord des interviewés
quant à leur participation en toute connaissance de cause et ainsi d’établir un climat
de confiance.
Si pour les deux premiers entretiens, nous n’avons pas fait référence à la non-
directivité de l’entretien et que notre approche n’a pas semblé poser problème au
premier animateur, nous nous sommes aperçu lors du deuxième entretien que
l’interviewée semblait être en attente de questions. Face à ce constat, nous avons
209 BLANCHET Alain, GOTMAN Anne. L’enquête et ses méthodes : l’entretien. Paris : Armand Colin, 2007, p. 73.
69
décidé d’expliquer davantage notre démarche non-directive au troisième interviewé
en l’informant que nous n’avions pas de questions préconçues et que nous voulions
juste suivre le fil de son discours. Cette précision supplémentaire nous a semblé
nécessaire, notamment pour le confort de l’interviewé.
2.3 La réalisation de l’entretien
2.3.1. L’entrée en matière
L’idée de départ étant de faire parler les animateurs sur "le cœur de
leur métier", nous avons choisi d’introduire l’entretien par une phrase du type :
« J’aimerais que tu me parles de ton métier d’animateur au sein de l’espace
public numérique dans lequel tu travailles. ». Cette phrase a été adaptée à la
réaction des interviewés. Ainsi, devant le relatif embarras de la deuxième interviewée
devant le manque de "directivité" de cette phrase, nous avons ajouté « Qu’est ce que
tu fais dans ton boulot ? » pour permettre d’amorcer l’entretien.
2.3.2. Les relances
Dans l’entretien non-directif, le chercheur suit le fil du discours de
l’interviewé en essayant d’intervenir le moins possible. C’est d’une certaine manière,
l’interviewé qui conduit l’entretien, le chercheur accompagnant finalement une
démarche que l’on pourrait qualifier "d’auto-exploratrice". Il s’agit donc davantage
d’écouter que de mener mais il doit s’agir d’une écoute active, montrant l’intérêt que
le chercheur accorde à l’interviewé et à ses paroles. Dans ces circonstances, les
relances doivent être le plus discrètes possibles sans pour autant dénoter une attitude
de retrait. Elles peuvent avoir une fonction de soutien et pourront alors se manifester
notamment par des formules d’acquiescement ou de reformulation. Elles ont
également une fonction d’aide à l’approfondissement par une reprise de mots ou de
phrases dits par l’interviewé en lui demandant éventuellement une explicitation. En
fait, les relances sont centrées sur l’interviewé. Au cours des entretiens menés, il
nous est apparu difficile de se tenir à cette attitude de non-directivité et nous avons
eu parfois la sensation d’orienter quelque peu le discours de l’interviewé.
70
Ayant recueilli notre corpus, constitué de la transcription écrite des
trois entretiens menés, nous devons à présent procéder à une analyse de contenu,
définie par Marie-Christine d’Unrug comme « (…) un ensemble de techniques
d’exploitation de documents, utilisées en sciences humaines. »210. Cette analyse
consiste à réorganiser le contenu du corpus et s’effectue en plusieurs phases.
III. Construction de la grille d’analyse
Pour analyser notre corpus, il est nécessaire d’élaborer une grille
d’analyse. Cette élaboration procède de plusieurs étapes dont la première consiste en
ce que Laurence Bardin appelle la « lecture flottante », qu’elle définit comme « la
première activité (qui) consiste à se mettre en contact avec les documents d’analyse,
à faire connaissance en laissant venir à soi des impressions, des orientations. »211.
Cette lecture flottante sera ensuite suivie du traitement des entretiens ou codage, le
codage correspondant à « (…) une transformation – effectuée selon des règles
précises – des données brutes du texte. Transformation qui, par découpage,
agrégation et dénombrement, permet d’aboutir à une représentation du contenu, ou
de son expression, susceptible d’éclairer l’analyste sur des caractéristiques du texte
qui peuvent servir d’indices (…) »212. La totalité de nos entretiens sera donc de façon
exhaustive représentée dans une grille d’analyse.
1. Les étapes préalables à la construction
Pour parvenir à la construction de notre grille, nous avons commencé
par effectuer une lecture flottante de nos entretiens. En nous imprégnant des
entretiens de cette façon, une impression générale est ressortie, impression dominée
par l’idée que ce qui relevait du cadre, de la forme était constamment en lien avec ce
qui, à l’inverse, appartenait au domaine de l’intuition, du dépassement, comme par
exemple dans la proposition suivante, tirée du premier entretien : « (…) même si j’ai
dans la tête un cheminement et un contenu de formation… un plan un plan de
déroulement de l’activité c’est jamais suivi je suis plus dans le euh… dans
210 D’UNRUG Marie-Christine. Analyse de contenu et acte de parole. Paris : Editions Universitaires, 1974, p. 10. 211 BARDIN Laurence. L’analyse de contenu. Paris : PUF, 2007, p. 126. 212 Ibid. p. 134.
71
l’improvisation (…) ». Si ces deux idées ressortaient des entretiens, une troisième,
liée aux échanges, au partage, à la relation nous semblait également émerger de
l’ensemble de notre corpus.
A la suite de cette lecture flottante, se posait la question du codage
dont le préalable est le découpage en unités d’enregistrement. L’unité
d’enregistrement constitue « (…) l’unité de signification à coder. Elle correspond au
segment de contenu à considérer comme unité de base en vue de la catégorisation et
du comptage fréquentiel. L’unité d’enregistrement peut être de nature et de taille
variable. »213. Il peut s’agir du mot, de la phrase ou du thème. Pour notre analyse,
nous avons choisi comme unité d’enregistrement le thème, ce dernier étant défini par
Marie-Christine d’Unrug citée par Laurence Bardin comme « une unité de
signification complexe, de longueur variable ; sa réalité n’est pas d’ordre linguistique
mais d’ordre psychologique : une affirmation mais aussi une allusion peuvent
constituer un thème ; inversement, un thème peut être développé en plusieurs
affirmations (ou propositions). Enfin, un fragment quelconque peut renvoyer (et
renvoie généralement) à plusieurs thèmes… »214. Ainsi Marie-Christine d’Unrug
remarque qu’il « (…) intervient souvent une part d’arbitraire dans la décision de
classer un thème dans une catégorie plutôt que dans telle autre, les rapprochements
possibles étant trop nombreux pour tenir compte de tous. »215. Nous nous sommes
bien rendu compte de cette difficulté lorsqu’il s’est agi de découper nos unités et de
les ventiler dans nos catégories et donc de la nécessité d’expliciter au maximum le
choix de nos catégories. En effet, après avoir identifié l’unité de découpage de notre
corpus, il s’agissait de procéder à la classification ou catégorisation des unités des
entretiens recueillis.
En analyse de contenu, « les catégories sont des rubriques ou classes
qui rassemblent un groupe d’éléments (unités d’enregistrements (…)) sous un titre
générique, rassemblement effectué en raison des caractères communs des éléments.
(…) Classer des éléments en catégories impose de rechercher ce que chacun d’eux a
de commun avec d’autres. C’est la partie commune entre eux qui permet leur
213 Ibid. p. 135. 214 Ibid. p. 136. 215 D’UNRUG Marie-Christine. Analyse de contenu et acte de parole. Paris : Editions Universitaires, 1974, p. 27.
72
regroupement. »216. C’est à partir des catégories que nous aurons distinguées dans le
corpus et que nous aurons reparties en thèmes, sous-thèmes et sous sous-thèmes que
se constituera une grille d’analyse commune aux trois entretiens du corpus.
2. Etablissement des catégories et explicitation
2.1 Les thèmes : un choix paradoxal
Suite à la lecture flottante du corpus, trois catégories semblaient
émerger des entretiens.
La première en rapport avec ce qui concerne le cadre, l’organisation,
la forme. Nous avons ainsi choisi de la définir comme un thème que nous avons
identifié sous le terme "formel". Ce thème rassemble les éléments qui, dans une
certaine mesure, pourraient être "objectivés".
La deuxième concernait davantage ce qui touchait à l’intuition,
l’intériorité, l’incertain. En décidant de donner à ce thème la dénomination
d’" informel ", nous nous placions dans une position paradoxale eu égard à
l’exploration théorique que nous avions menée à ce sujet. En effet, comment
pourrions nous identifier ce qui relève de l’informel alors qu’il s’agit justement de
quelque chose d’impalpable, de profondément intrinsèque et de quasiment
innommable ? Sauf peut-être à considérer cet informel comme ce qui contribue à la
forme intérieure de la personne et à subjectiver autant que possible notre classement,
c'est-à-dire, en quelque sorte, à effectuer la catégorisation de toute notre intériorité.
La troisième idée forte qui ressortait des entretiens était celle en
rapport avec ce qui a trait au partage, aux échanges, à ce qui lie et sépare. Nous
avons ainsi désigné ce thème par le terme de "relation".
A partir de là, nous nous sommes retrouvé face à une difficulté :
comme nous l’avions effleuré lors de la lecture flottante, il nous semblait que ce qui
transparaissait de façon à la fois sous-jacente et évidente, c’était les liens qui
pouvaient exister entre les trois thèmes identifiés. Comment pouvoir rendre compte
de ces liens si nous isolions ces thèmes ? La première possibilité envisagée pour
dépasser cette difficulté a été de créer une catégorie qui prendrait en compte ces
216 BARDIN Laurence. L’analyse de contenu. Paris : PUF, 2007, p. 151.
73
liens, par exemple "formel/informel". Cependant, il nous semblait qu’en créant une
telle catégorie, nous nous exposions à l’hypothétique perte d’une partie des subtilités
de ces liens. C’est pour cette raison que nous avons adopté une autre démarche. Cette
démarche a consisté à s’appuyer sur les sous-thèmes pour tenter de rendre du compte
des liens que nous avions perçus entre les thèmes. L’idée était donc de faire traverser
nos thèmes par des sous-thèmes semblables ou équivalents tout en étant
caractéristiques du thème auquel ils se rattacheraient, ce qui nous permettrait
éventuellement d’effleurer la teneur de ces liens.
2.2 Des sous-thèmes identiques et singuliers
Les sous-thèmes ont été choisis en fonction des mots-clés que nous
avons identifiés suite aux relectures des entretiens. Il s’agissait donc de parvenir à
rassembler ces mots-clés dans des catégories s’inscrivant dans chaque thème de
façon singulière tout en parvenant à ce qu’elles soient semblables d’un thème à
l’autre. C’est ainsi qu’ont émergé quatre sous-thèmes à savoir le "temps",
"l’expérience", "les savoirs" et "la création".
Si ces sous-thèmes sont identiques, ils n’en sont pas moins caractéristiques de chaque
thème.
Ainsi, le sous-thème du "temps", que nous nommerons "temps
programmatique" dans le thème "formel" correspond à un temps cadré, déterminé
se manifestant par des indicateurs temporels délimités voire délimitants. Ce même
sous-thème prendra la dénomination de "temps historicisé" dans le sous-thème
"informel", repéré par des indicateurs temporels moins précis, davantage liés aux
personnes, au rythme. Dans le thème de la "relation", on parlera de "temps naturel",
naturel étant défini ici comme ce « qui manifeste la subjectivité profonde d'un
individu, qui échappe aux conventions sociales stéréotypées »217. Il s’agit ici d’un
temps presque métaphorique, d’un temps ressenti.
Le sous-thème de l’"expérience" se déclinera en "expérimentation"
dans le thème "formel". L’expérimentation, c’est l’aspect scientifique de l’expérience
presque codifié où l’on retrouvera tout ce qui est du domaine de la manipulation, du
faire et de la démonstration. Dans le thème "informel" l’expérience, c’est
217 Définition du terme "naturel" du Trésor de la Langue interactif.
74
l’" expérience" au sens du vécu, c’est ici ce qui nous constitue et nous caractérise, ce
que nous sommes et ce en fonction de quoi nous agissons. Dans le thème de la
"relation", l’expérience se retrouvera sous le terme "émotions", parce que dans les
émotions, on trouve l’idée de mouvement, d’ébranlement218, de l’être. On fait en
quelque sorte l’expérience de ses émotions dans le sens où elles vont engendrer une
modification de soi ou de la perception du monde qui nous entoure.
Le sous-thème des "savoirs" conserve la même dénomination pour les
trois thèmes de la grille d’analyse. Cependant, ils ne recouvrent pas le même champ
de signification. Ainsi, dans le thème formel, les savoirs relèveraient presque de
l’information au sens de Jacques Legroux219. Il s’agira de savoirs techniques,
identifiés, évaluables, extériorisés, objectivables. Dans le thème "informel", les
savoirs seront des savoirs que l’on pourrait qualifier d’ordinaires, des savoirs du
quotidien. Dans le thème de la "relation", les savoirs sont des savoirs relationnels,
c'est-à-dire des savoirs qui s’élaborent dans le rapport à l’autre, menant à la
connaissance de soi et de l’autre.
Le sous-thème de la "création" concernera la création d’objets
concrets et déterminés, dans le thème "formel". Dans le thème "informel", la création
se retrouvera sous le terme d’"inspiration" selon l’idée que l’inspiration, c’est un
souffle créateur qui met en mouvement et dont on ne sait donner une origine. Dans le
thème de la relation, la "création" concerne ce qui se crée dans et par la relation, que
ce soit en terme de rapport à l’autre ou de rapport à soi.
Pour affiner quelques sous-thèmes qui nous semblaient rassembler des
unités d’enregistrement que nous estimions pouvoir être regroupées par catégories,
nous y avons ajouté des sous sous-thèmes.
2.3 Des sous sous-thèmes pour affiner la grille
Nous n’avons pas jugé nécessaire d’ajouter des sous sous-thèmes à
l’ensemble des sous-thèmes puisque tous ne semblaient pas s’y prêter forcément.
218 Le terme "émotion" est tiré étymologiquement du latin motio qui signifie « mouvement » mais aussi « trouble » selon le Trésor de la Langue Française interactif. 219 Supra Chapitre 1/I.
75
Ainsi le sous-thème "expérience" se compose de deux sous sous-
thèmes que sont les "attentes" et le "fond", le fond étant ce qui nous constitue, ce
qui nous caractérise et les attentes étant plutôt ce en fonction de quoi nous agissons.
Ensuite, dans le sous-thème émotions, nous avons souhaité faire la
distinction entre ce qui relève de l’"appréhension", de l’"impuissance" et du
"plaisir" .
Enfin, le sous-thème "création" de la "relation" est constitué de deux
sous sous-thèmes : l’"ajustement" et les "échanges". L’"ajustement" est ici entendu
comme un processus dynamique d’adaptation autant de soi aux autres, que des autres
entre eux ou des autres à soi. Dans le sous sous-thème "échanges", nous retrouverons
tout ce qui concerne le partage, la convivialité dans la relation.
2.4 La corbeille
La "corbeille" contiendra tous les éléments des entretiens qui n’auront
pas pu être catégorisés dans les thèmes, sous-thèmes et sous sous-thèmes de la grille.
Ce travail de catégorisation, de construction de thèmes, sous-thèmes et
sous sous-thèmes, conduit à l’élaboration d’une grille d’analyse. Cette grille nous
permettra ainsi d’analyser les entretiens menés, découpés en unités d’enregistrement
rassemblées par catégories. Dans cette grille, représentée sous forme de tableau ci-
dessous, sont référencées les lignes correspondant aux unités d’enregistrement (soit
ici le thème) identifiées ainsi que les occurrences, c'est-à-dire le nombre d’unités
recensées par thème, sous-thèmes ou sous sous-thèmes.
76
Thèmes Sous-thèmes Sous sous-thèmes
Références lignes
Occurrences
Temps programmatique
Expérimentation Savoirs F
orm
el
Création Temps
historicisé
Attentes Expérience
Le fond Savoirs In
form
el
Inspiration Temps naturel
Peur Impuissance Emotions
Plaisir Savoirs
Ajustement
Rel
atio
n
Création Echanges
Corbeille TOTAL DES OCCURRENCES
3. La grille d’analyse des entretiens
Chaque entretien réalisé et transcrit220 est donc découpé en unités de
thèmes, unités qui sont ensuite ventilées dans cette grille d’analyse. Le texte de
chacun des entretiens y est donc intégralement traité, conduisant à la création d’un
tableau par entretien où figurent le contenu du corpus détaillé par thèmes, sous-
thèmes et sous sous-thèmes ainsi qu’un référencement par numéro de ligne221.
IV. Présentation des résultats et première analyse verticale222
Nous commencerons par présenter les résultats de la ventilation de
chaque entretien sous forme de tableaux. Ces tableaux seront suivis d’une analyse
puis, dans le chapitre suivant, d’une interprétation.
220 Cf. Annexe 2. 221 Cf. Annexe 2. 222 L’analyse verticale s’attache « (…) à passer en revue les "thèmes" abordés par chaque sujet séparément pour en faire la synthèse. » in BLANCHET Alain, GOTMAN Anne. L’enquête et ses méthodes : l’entretien. Paris : Armand Colin, 2007, p. 96.
77
1. Présentation de la grille et analyse de l’entretien d’Antoine
Le premier entretien mené a été celui d’Antoine, sur son lieu de
travail, en dehors des heures d’ouverture au public. Il est animateur de cyber-base
depuis trois ans et demi et anime plusieurs espaces en milieu rural. L’entretien qui
s’est donc déroulé de manière non-directive a duré trente huit minutes. Le résultat de
la ventilation de l’entretien d’Antoine dans la grille d’analyse est présenté sur le
tableau n°1 ci-après.
1.1 Tableau n° 1 : grille d’analyse de l’entretien d’Antoine
Totaux occurrences
Thèmes Sous-thèmes Sous sous-thèmes
Par sous sous-
thèmes
Par sous-
thèmes
Par Thèmes
Temps programmatique
12
Expérimentation 19 Savoirs 31 F
orm
el
Création 1
63
Temps historicisé 18 Attentes 5
Expérience Le fond 11
16
Savoirs 14 Info
rmel
Inspiration 4
52
Temps naturel 10 Appréhension 7 Impuissance 9 Emotions Plaisir 5
21
Savoirs 3 3 Ajustement 26
Rel
atio
n
Création Echanges 5
31
65
Corbeille 13 TOTAL DES OCCURRENCES 193
78
1.2 Analyse de l’entretien d’Antoine
1.2.1. Analyse par thème
Dans l’entretien d’Antoine qui compte 193 occurrences, les trois
thèmes sont proches en nombre d’occurrences puisque le thème "formel" en totalise
63, le thème "informel" 52 et le thème de la "relation" 65. On peut toutefois
remarquer que les thèmes "formel" et "relation" sont plus souvent abordés que celui
de l’"informel". Nous constatons enfin que la "corbeille" comporte 13 occurrences.
Le contenu de la corbeille sera analysé au cours de l’analyse comparative, dans le
chapitre suivant.
1.2.2. Analyse par sous-thème
Dans le thème le plus important en terme d’occurrences (65), à savoir
celui de la "relation", on constate une différence notable entre le sous-thème de la
"création" qui totalise 31 occurrences et celui des "savoirs" qui en compte dix fois
moins, soit 3. En outre, le sous-thème de la "création" représente quasiment la moitié
(47,7%) des occurrences du thème "relation". Le sous-thème des "émotions" est
toutefois bien présent avec 21 occurrences soit presque le tiers (32,3%) de la totalité
des occurrences du thème. Le sous-thème du "temps naturel" compte quant à lui 10
occurrences.
On remarque ensuite qu’au sein du thème "formel" qui totalise 63
occurrences, le rapport entre les sous-thèmes "savoirs" et "création" est inversé par
rapport à ce que nous avons pu constater dans le thème de la "relation". En effet,
dans le thème "formel", le sous-thème des "savoirs" compte 31 occurrences alors que
le sous-thème de la "création" totalise seulement 1 occurrence, soit trente fois moins.
Le sous-thème des "savoirs" représente ainsi presque la moitié (49,2%) des
occurrences du thème "formel". Dans le thème "formel", on retrouve le sous-thème
"expérimentation" dans les mêmes proportions que le sous-thème des "émotions"
dans le thème de la "relation", à savoir 30,2% (19 occurrences). Le sous-thème du
"temps programmatique", recouvre des proportions comparables à celles du "temps
naturel" dans le thème de la "relation" avec 12 occurrences.
79
Dans le thème "informel" (52 occurrences), contrairement aux deux
autres thèmes, aucun sous-thème n’est nettement dominant. Le sous-thème de
l’"inspiration" est toutefois largement minoritaire avec 4 occurrences. Les trois autres
sous-thèmes, à savoir le "temps historicisé", l’"expérience" et les "savoirs" sont assez
proches puisqu’ils totalisent respectivement 18, 16 et 14 occurrences. Ce que l’on
peut remarquer également c’est que le sous-thème de l’"expérience" représente
également presque le tiers (30,8%) des occurrences du thème "informel", tout comme
les "émotions" dans le thème de la "relation" et l’"expérimentation" dans le thème
"formel"
Proportionnellement, le sous-thème du "temps" est plus représenté
dans le thème de l’"informel" (18 occurrences pour 52 soit 34,6%) que dans celui du
"formel" (12 occurrences pour 63 soit 19 %) ou dans celui de la "relation" (10
occurrences pour 65 soit 15,4%).
1.2.3. Analyse par sous sous-thème
Au niveau des sous sous-thèmes, dans le sous-thème "expérience"
appartenant au thème de l’"informel" et totalisant 16 occurrences, le sous sous-thème
du "fond" est largement dominant avec 11 occurrences ce qui représente 68,7% du
total des occurrences du sous-thème "expérience", le sous sous-thème des "attentes"
ne représentant que 5 occurrences.
Dans le sous-thème des "émotions", les trois sous sous-thèmes sont
représentés de façon plus homogène, même si le sous sous-thème de l’"impuissance"
est celui le plus représenté avec 9 occurrences sur un total de 21, soit 42,9% du total
des occurrences du sous-thème des "émotions". Viennent ensuite le sous sous-thème
de l’"appréhension" qui totalise 7 occurrences (33,3% du total des occurrences du
sous-thème émotions) et le "plaisir" avec 5 occurrences (23,8% du total des
occurrences du sous-thème "émotions").
A l’inverse, dans le sous-thème de la "création" (thème de la
"relation"), les deux sous sous-thèmes sont inégalement représentés puisque c’est le
sous sous-thème de l’"ajustement" qui est très nettement majoritaire avec 26
occurrences sur un total de 31, ce qui représente 83,9% de la totalité des occurrences
80
du sous-thème "émotions". Le sous sous-thème des échanges, avec 5 occurrences est
donc peu abordé.
1.2.4. Analyse transversale des sous-thèmes
Comme nous l’avons explicité précédemment223, les sous-thèmes de la
grille sont similaires dans chaque thème. Nous pouvons donc regrouper les
occurrences pour chaque sous-thème afin de les analyser. Les résultats de ce
regroupement sont visibles dans le tableau n°2 ci-après.
Tableau n°2 : Tableau récapitulatif des occurrences par sous-thème - Antoine
223 Supra. Chap.3/III/2/2.2
Totaux occurrences
Thèmes Sous-thème Par sous-thème
du thème
Du
sous-thème
Formel Temps programmatique 12
Informel Temps historicisé 18
Relation
Tem
ps
Temps naturel 10
40
Formel Expérimentation 19
Informel Expérience 16
Relation Exp
érie
nce
Emotions 21
56
Formel Savoirs 31
Informel Savoirs 14
Relation Sav
oirs
Savoirs 3
48
Formel Création 1
Informel Inspiration 4
Relation Cré
atio
n
Création 31
36
TOTAL OCCURRENCES des sous-thèmes 180
81
En regroupant le nombre d’occurrences se rapportant aux quatre sous-
thèmes identifiés, on ne constate pas de grande hétérogénéité entre eux. Ainsi, même
si le sous-thème de l’"expérience" regroupe le plus grand nombre d’occurrences, soit
56 sur 180 (31,1%), le sous-thème des "savoirs" n’en est pas très éloigné en terme de
nombre d’occurrences puisqu’il en compte 48, ce qui représente 26,7% du nombre
total d’occurrences. Ensuite viennent le sous-thème du "temps" et celui de la
"création" qui totalisent respectivement 40 et 36 occurrences, et sont donc
relativement comparables.
Si on s’attache ensuite à observer la part de chaque sous-thème au
regard des thèmes, on remarque une nette différence au sein du sous-thème de la
"création". En effet, à l’intérieur de ce sous-thème, c’est dans le thème de la
"relation" que le sous-thème de la "création" est largement dominant (31 occurrences
sur 36 soit 86,1 %) alors que le sous-thème de la "création" est quasiment inexistant
dans le thème "formel" (1 occurrence) et très peu représenté dans le thème
"informel" (4 occurrences). On remarque à l’inverse que dans le sous-thème des
"savoirs", les occurrences sont regroupées dans le thème "formel" (31 occurrences
sur 48 soit 64,6 %) alors que ce sous-thème est très peu présent dans le thème de la
"relation" (3 occurrences). Les "savoirs" totalisent ensuite 14 occurrences dans le
thème "informel". Les deux autres sous-thèmes que sont celui du "temps" et de
l’"expérience" se ventilent de façon plus homogène dans les thèmes. Ainsi, même si
le "temps historicisé" (thème "informel") rassemble le plus grand nombre
d’occurrences (18 soit 45 % des occurrences) dans le sous-thème du "temps", le
"temps programmatique" (thème "formel") et le "temps naturel" (thème "relation")
totalisent respectivement 12 et 10 occurrences. De la même façon, dans le sous-
thème de l’"expérience", les "émotions" (thème "relation") comptent le plus grand
nombre d’occurrences (21 occurrences sur un total de 56 soit 37,5%),
l’"expérimentation" se situant juste après en nombre d’occurrences (19) suivie de
l’"expérience" (16 occurrences).
De l’analyse du discours d’Antoine, nous retiendrons que :
- les trois thèmes ("formel", "informel", "relation") y sont évoqués dans des
proportions relativement proches.
82
- les sous-thèmes "savoirs" et "création" sont très discriminés : fortement
présents dans le thème "formel", les "savoirs" sont quasiment absents du thème
"relation". A l’inverse, fortement représentée dans le thème "relation", la "création"
est pour ainsi dire inexistante dans les deux autres thèmes.
- les sous-thèmes relatifs à l"expérience" et au "temps" sont présents en
proportions quasiment équivalentes dans les trois thèmes.
2. Présentation de la grille et analyse de l’entretien de Béatrice
Le second entretien réalisé, celui de Béatrice, s’est déroulé à son
domicile. Béatrice est animatrice de cyber-base depuis trois ans. Elle intervient sur
plusieurs communes, en milieu rural. L’entretien non-directif a duré 31 minutes. Le
résultat de la ventilation de l’entretien de Béatrice dans la grille d’analyse est
présenté sur le tableau n° 3 ci-après.
2.1 Tableau n° 3 : grille d’analyse de l’entretien de Béatrice.
Totaux occurrences
Thèmes Sous-thèmes Sous sous-thèmes
Par sous sous-
thèmes
Par sous-
thèmes
Par Thèmes
Temps programmatique
26
Expérimentation 12 Savoirs 20 F
orm
el
Création 7
65
Temps historicisé
10
Attentes 1 Expérience
Le fond 5 6
Savoirs 3 Info
rmel
Inspiration 5
24
Temps naturel 3 Appréhension 5 Impuissance 6 Emotions Plaisir 15
26
Savoirs 1 Ajustement 19
Rel
atio
n
Création Echanges 30
49
79
Corbeille 10 TOTAL DES OCCURRENCES 178
83
2.2 Analyse de l’entretien de Béatrice
2.2.1. Analyse par thème
Dans l’entretien de Béatrice qui compte 178 occurrences, on remarque
une disparité nette entre le thème de l’"informel" qui totalise 24 occurrences et les
thèmes du "formel" et de la "relation" qui représentent respectivement 65 et 79
occurrences. Le thème de la "relation" constitue toutefois la part la plus importante
des occurrences dans l’entretien de Béatrice. La "corbeille" totalise quant à elle 10
occurrences, elle sera analysée de façon plus approfondie dans l’analyse
comparative, dans le chapitre 4.
2.2.2. Analyse par sous-thème
Dans le sous-thème le plus représenté, c'est-à-dire celui de la
"relation" (79 occurrences), le sous-thème de la "création" est nettement dominant
avec 49 occurrences, soit 62% de la totalité des occurrences du thème. A l’inverse, le
sous-thème des "savoirs" est quasiment absent puisqu’une seule occurrence y est
présente. Le sous-thème du "temps naturel" est également très peu représenté avec 3
occurrences. Le sous-thème des "émotions" est bien présent puisqu’il constitue
quasiment le tiers (32,9 %) de la totalité des occurrences du thèmes avec 26
occurrences.
Au sein du terme "formel", qui totalise 65 occurrences, le "temps
programmatique" totalise le plus d’occurrences (26), ce qui représente 40% de la
totalité des occurrences du thème. Contrairement à ce que l’on a observé dans le
thème de la "relation", le sous-thème de la "création" est nettement minoritaire
puisqu’il ne concerne que 7 occurrences. Le sous-thème des "savoirs", avec 20
occurrences, représente plus de 30 % de la totalité des occurrences du thème. Il est
ainsi plus abordé que le sous-thème de l’"expérimentation" qui ne représente que 12
occurrences.
Dans le thème minoritaire, à savoir le thème relatif à l’"informel" (24
occurrences), c’est le "temps historicisé" qui occupe la majorité des occurrences (10
occurrences soit 41,7 % des occurrences totales du thème). Le sous-thème de
84
l’"expérience" (6 occurrences) est très proche de celui de l’"inspiration" (5
occurrences), le sous-thème des "savoirs" étant très peu présent avec 3 occurrences.
2.2.3. Analyse par sous sous-thème
Dans le sous-thème relatif à l’"expérience" (6 occurrences), le sous
sous-thème du "fond" est cinq fois plus important que celui des "attentes" avec 5
occurrences, le sous sous-thème des "attentes" ne constituant qu’une seule
occurrence.
Dans le sous thème des "émotions" (thème de la "relation"), le sous
sous-thème "plaisir" est dominant avec 15 occurrences sur les 26 du thème
"émotions", soit plus de la moitié des occurrences (57,7%). Le sous sous-thème de
l’"impuissance" et celui de l’"appréhension" se retrouvent dans les mêmes
proportions puisqu’ils représentent respectivement 6 et 5 occurrences.
Dans le sous sous-thème de la "création" (thème de la "relation"), le
sous sous-thème relatif aux "échanges" est majoritaire (61,2 %) avec 30 occurrences
sur les 49 que compte le sous-thème de la "création", le sous sous-thème de
l’"ajustement" regroupant 19 occurrences.
2.2.4. Analyse transversale des sous-thèmes
Comme nous l’avons effectué pour l’entretien d’Antoine, nous avons
totalisé les occurrences des sous-thèmes traversant chacun des thèmes dans le tableau
ci-après.
85
Tableau n°4 : Tableau récapitulatif des occurrences par sous-thème – Béatrice
Dans ce tableau, on observe une part plus importante du sous-thème
de la "création" avec 61 occurrences sur les 168 que comptent l’ensemble des sous-
thèmes, ce qui représente plus du tiers de la totalité des occurrences (36,3%). Le
sous-thème des "savoirs" est le moins représenté avec 24 occurrences (14,3%). Les
sous-thèmes du "temps" et de l’"expérience" sont assez proches en nombre
d’occurrences puisqu’ils totalisent respectivement 39 et 44 occurrences.
Si on s’attache ensuite à observer la part de chaque sous-thème au
regard des thèmes, on remarque une nette différence au sein du sous-thème de la
"création". En effet, à l’intérieur de ce sous-thème, c’est dans le thème de la
"relation" que le sous-thème de la "création" est largement dominant (49 occurrences
pour 61) alors que la "création" est très peu abordée dans les thème "formel" (7
occurrences) et "informel" (5 occurrences). Pour ce qui concerne le sous-thème des
Totaux occurrences
Thèmes Sous-thème Par sous-thème
du thème
Du
sous-thème
Formel Temps programmatique 26
Informel Temps historicisé 10
Relation T
emps
Temps naturel 3
39
Formel Expérimentation 12
Informel Expérience 6
Relation Exp
érie
nce
Emotions 26
44
Formel Savoirs 20
Informel Savoirs 3
Relation Sav
oirs
Savoirs 1
24
Formel Création 7
Informel Inspiration 5
Relation Cré
atio
n
Création 49
61
TOTAL OCCURRENCES des sous-thèmes 168
86
"savoirs", il est beaucoup plus présent dans le thème "formel" (20 occurrences sur
24) et insignifiant dans les thèmes "informel" (3 occurrences) et "relation" (1
occurrence). Quant à l’"expérience", ce sous-thème est abordé deux fois plus dans le
thème de la "relation" (26 occurrences) que dans le thème "formel" (12 occurrences)
et quatre fois plus que dans le thème "informel" (6 occurrences). Le sous-thème du
"temps" est quant à lui le plus évoqué dans le thème "formel" (26 occurrences) alors
qu’il l’est presque trois fois moins dans le thème "informel" (10 occurrences) et
quasiment inexistant dans le thème "relation" (3 occurrences).
Nous retiendrons de l’analyse de l’entretien de Béatrice que :
- le thème de la "relation" est dominant et qu’il est très discriminé du thème
"informel".
- le sous-thème de la "création" est deux fois plus évoqué que celui des
"savoirs" et qu’il est essentiellement présent dans le thème de la "relation" alors que
les "savoirs" se concentrent dans le thème formel.
- les sous-thèmes "temps" et "expérience" sont présents dans des proportions
similaires sur la totalité du discours mais que, au sein du thème "relation", le "temps"
est très peu présent alors que c’est dans ce thème que l"expérience" regroupe le plus
d’occurrences.
3. Présentation de la grille et analyse de l’entretien de Charles
L’entretien de Charles est le dernier que nous avons réalisé, il a duré
30 minutes. Charles est animateur de cyber-base depuis six ans. Il anime un seul site.
Le résultat de la ventilation de l’entretien de Charles dans la grille d’analyse est
présenté sur le tableau n° 5 ci-après.
87
3.1 Tableau n° 5 : grille d’analyse de l’entretien de Charles
3.2 Analyse de l’entretien de Charles
3.2.1. Analyse par thème
Dans l’entretien de Charles qui compte 134 occurrences, le thème le
plus abordé est celui de la "relation" avec 64 occurrences, soit 47,8% de la totalité
des occurrences. Le thème de l’"informel" est le moins présent avec 27 occurrences.
Le thème "formel" représente quant à lui 38 occurrences. La "corbeille" contient 5
occurrences et sera analysée dans le chapitre 4, au cours de l’analyse comparative.
3.2.2. Analyse par sous-thème
Dans le thème le plus abordé qui est celui de la "relation" (64
occurrences), on constate une disparité importante, notamment entre le sous-thème
de la "création" qui regroupe 47 occurrences (ce qui représente plus de 73 % de la
Totaux occurrences
Thèmes Sous-thèmes Sous sous-
thèmes
Par sous sous-
thèmes
Par sous-
thèmes
Par Thèmes
Temps programmatique
13
Expérimentation 7 Savoirs 17 F
orm
el
Création 1
38
Temps historicisé 8 Attentes 6
Expérience Le fond 10
16
Savoirs 3 Info
rmel
Inspiration 0
27
Temps 1 Appréhension 4 Impuissance 8 Emotions Plaisir 2
14
Savoirs 2 Ajustement 22
Rel
atio
n
Création Echanges 25
47
64
Corbeille 5 TOTAL DES OCCURRENCES 134
88
totalité des occurrences du thème) et ceux relatifs au "temps naturel" (1 occurrence)
et aux "savoirs" (2 occurrences). Le sous-thème des "émotions" totalisant 14
occurrences représente quant à lui 21,8% de la totalité des occurrences du thème.
Le sous-thème de la "création" ("inspiration") est à l’inverse
complètement absent du thème "informel" (0 occurrence). Dans ce thème, peu
représenté (27 occurrences), le sous-thème de l’"expérience" compte le plus
d’occurrences avec 16 occurrences (soit 59,3% de la totalité des occurrences du
thème), ce qui correspond au double du nombre d’occurrences du "temps historicisé"
(8 occurrences). Le sous-thème des "savoirs" est quasiment inexistant avec 3
occurrences.
A l’opposé de ce que l’on a pu observer dans les thèmes de la
"relation" et de l’"informel", les "savoirs" rassemblent le plus d’occurrences dans le
thème "formel" (17 occurrences sur 38), le "temps programmatique" en est
relativement proche avec 13 occurrences. Par contre, la "création", avec une seule
occurrence, est presque inexistante. L’"expérimentation" représente 7 occurrences.
3.2.3. Analyse par sous sous-thème
Dans le sous-thème de l’"expérience" (16 occurrences), composé de
deux sous sous-thèmes, c’est le sous sous-thème du "fond", avec 10 occurrences qui
rassemble le plus d’occurrences (62,5 % du total des occurrences du sous-thème). Le
sous sous-thème des "attentes" totalise 6 occurrences.
Dans le sous-thème des "émotions" (14 occurrences), le sous sous-
thème de l’"impuissance" représente plus de la moitié de la totalité des occurrences
du sous-thème avec 8 occurrences. Le sous sous-thème de l’"appréhension" compte
deux fois moins d’occurrences (4 occurrences) et le sous sous-thème du "plaisir"
quatre fois moins d’occurrences avec 2 occurrences.
Dans le sous-thème de la "création" (thème de la relation), les deux
sous sous-thèmes se répartissent de façon relativement équilibrée puisque le sous
sous-thème des "échanges" compte 25 occurrences et celui de l’"ajustement" 22
occurrences.
89
3.2.4. Analyse transversale des sous-thèmes
Comme nous l’avons effectué pour les deux premiers entretiens, nous
avons regroupé les sous-thèmes de chaque thème et totalisé les occurrences par type
de sous-thème : le "temps", l’"expérience", les "savoirs" et la "création". Ces
résultats sont visibles dans le tableau n°6 ci-dessous.
Tableau n°6 : Tableau récapitulatif des occurrences par sous-thème - Charles
Le premier sous-thème en nombre d’occurrences est celui de la
"création" avec 48 occurrences (soit 37,2 % du total des occurrences des sous-
thèmes). On observe que le sous-thème des "savoirs" et celui du "temps" comptent
exactement le même nombre d’occurrences (22). Avec 37 occurrences, le sous-thème
de l’"expérience" est le deuxième sous-thème le plus évoqué dans le discours de
Charles.
Totaux occurrences
Thèmes Sous-thème Par sous-thème
du thème
Du
sous-thème
Formel Temps programmatique 13
Informel Temps historicisé 8
Relation
Tem
ps
Temps naturel 1
22
Formel Expérimentation 7
Informel Expérience 16
Relation Exp
érie
nce
Emotions 14
37
Formel Savoirs 17
Informel Savoirs 3
Relation Sav
oirs
Savoirs 2
22
Formel Création 1
Informel Inspiration 0
Relation Cré
atio
n
Création 47
48
TOTAL OCCURRENCES des sous-thèmes 129
90
On remarque une importante disparité au sein du sous-thème de la
"création" (48 occurrences). En effet, le sous-thème de la "création" est abordé
quasiment exclusivement (à l’exception d’une seule occurrence) dans le thème de "la
relation".
A l’inverse, le sous-thème des "savoirs" est majoritairement évoqué
dans le thème "formel" (17 occurrences sur 22 soit 77,3 %). Alors que dans le thème
de l’"informel", il ne concerne que 3 occurrences et 2 occurrences dans le thème
"relation".
Dans le deuxième sous-thème en terme d’occurrences, à savoir
l’ "expérience" (37 occurrences), on remarque que l’"expérience" est d’abord
présente dans le thème "informel" (16 occurrences) et de manière assez rapprochée
dans le thème de la "relation" (14 occurrences). L’"expérience" est moins abordée
dans le thème "formel".
Enfin, dans le sous-thème du "temps", c’est le "temps
programmatique" (thème "formel") qui recueille le plus d’occurrences (13 sur 22 soit
59,1 %). Le "temps naturel" étant très peu présent (1 occurrence) dans le thème de la
"relation". Avec 8 occurrences, le "temps historicisé" représente tout de même 36,4
% de la totalité des occurrences du sous-thème "temps".
Ainsi, nous retiendrons que, dans le discours de Charles :
- le thème de la "relation" est dominant et assez discriminé des deux autres
thèmes.
- des différences notables sont observées au niveau des sous-thèmes : le sous-
thème de la "création" est plus de deux fois plus abordé que celui des "savoirs" et du
"temps". La "création" domine largement au sein du thème de la "relation" alors que
les "savoirs" sont majoritaires dans le thème "formel".
Conclusion
Ce troisième chapitre s’est ouvert sur la mise en situation de notre
recherche, cela dans l’objectif de voir comment notre problématique se déclinait dans
le contexte particulier des espaces publics numériques. En nous interrogeant sur ce
que nous voulions explorer au plus près, nous sommes parvenu à établir une
91
méthodologie de recueil de données. Ces données, recueillies sous la forme de trois
entretiens d’animateurs de cyber-base ont ensuite été décortiquées, découpées et
regroupées par catégories dans des grilles que nous avons présentées puis analysées
par entretien. Cette première analyse sera complétée dans le chapitre suivant.
92
Chapitre 4. Analyse comparative, interprétation et perspectives d’action
Introduction
Nous avons achevé le chapitre précédent par la présentation des
résultats bruts obtenus par la réorganisation de notre corpus et par une première
analyse verticale. Nous commencerons donc par prolonger cette analyse. Il s’agira
ainsi d’étudier les informations que nous avons recueillies, catégorisées, classifiées et
dénombrées de la manière la plus exhaustive possible, c'est-à-dire en les analysant de
manière horizontale puis globale. Il s’agira ensuite de "faire parler" notre corpus au
regard de l’exploration théorique que nous avons mené dans la première partie de ce
travail. Ce travail d’interprétation nous amènera ensuite à envisager des perspectives
d’action en regard de notre problématique.
I. Analyse comparative, analyse globale
Les éléments des grilles de chaque entretien ont été récapitulés dans le
tableau n°7 ci-après. Ce tableau nous permettra de mener tout d’abord une « (…)
analyse thématique "horizontale" qui relève les différentes formes sous lesquelles le
même thème apparaît d’un sujet à l’autre »224. Le nombre total d’occurrences étant
différent pour chaque entretien, nous les avons ramenées à une base 100 et calculé la
proportion de chaque thème, sous-thème et sous sous-thèmes sur cette base, afin de
pouvoir procéder à l’analyse comparative des entretiens. Les sous-thèmes étant
similaires pour chacun des trois thèmes, nous avons également calculé la somme des
occurrences par sous-thèmes pour chaque entretien afin de pouvoir également les
comparer (tableau n°8). Pour compléter ces données, un dernier tableau (tableau
n°9), synthétisant les données des trois entretiens permettra de mener une analyse sur
le corpus dans son ensemble. Ce tableau reprend le nombre d’occurrences total des
224 BLANCHET Alain, GOTMAN Anne. L’enquête et ses méthodes : l’entretien. Paris : Armand Colin, 2007, p. 96.
93
trois entretiens par thème, sous-thème et sous sous-thème ainsi que le pourcentage
d’occurrences pour pouvoir les comparer en terme de proportionnalité.
Tableau n° 7 : récapitulatif des résultats des trois entretiens
Occurrences (Nombre) Occurrences (%)
Thèmes Sous thèmes Sous sous thèmes
Antoine Béatrice Charles Antoine Béatrice Charles
Temps programmatique
12 26 13 6,2 14,6 9,7
Expérimentation 19 12 7 9,8 6,7 5,2
Savoirs 31 20 17 16,1 11,2 5,2 For
mel
Création 1 7 1 0,5 3,9 0,7
Total formel (1) 63 65 38 32,6 36,5 28,4
Temps historicisé 18 10 8 9,3 5,6 6,0
Attentes 5 1 6 2,6 0,6 4,5 Expérience
Le fond 11 5 10 5,7 2,8 7,5
Total expérience 16 6 16 8,3 3,4 11,9
Savoirs 14 3 3 7,3 1,7 2,2
Info
rmel
Inspiration 4 5 0 2,1 2,8 0,0
Total informel (2) 52 24 27 26,9 13,5 20,1
Temps naturel 10 3 1 5,2 1,7 0,7
Appréhension 7 5 4 3,6 2,8 3,0
Impuissance 9 6 8 4,7 3,4 6,0 Emotions
Plaisir 5 15 2 2,6 8,4 1,5
Total émotions 21 26 14 10,9 14,6 10,4
Savoirs 3 1 2 1,6 0,6 1,5
Ajustement 26 19 22 13,5 10,7 16,4 Création
Echanges 5 30 25 2,6 16,9 18,7
Rel
atio
n
Total création 31 49 47 16,1 27,5 35,1
Total relation (3) 65 79 64 33,7 44,4 47,8
TOTAL THEMES (1) + (2) + (3) 180 168 129 93,3 94,4 96,3
Corbeille 13 10 5 6,7 5,6 3,7
TOTAL APRES CORBEILLE 193 178 134 100 100 100
94
1. Analyse comparative des entretiens.
Pour comparer les résultats des entretiens entre eux, nous optons pour
une comparaison sur la base du pourcentage d’occurrences, le total d’occurrences
étant différent d’un entretien à l’autre. Nous nous attacherons à mener une analyse
comparative par l’observation des convergences et divergences entre les trois
entretiens, en considérant que les convergences concernent les éléments communs
aux trois entretiens.
1.1 Analyse comparative par thème
Afin de mieux visualiser les convergences et divergences au niveau
des thèmes, nous avons réalisé une représentation graphique sous forme
d’histogramme.
� Convergences
Les trois entretiens ont le même ordre de répartition des occurrences
par thème. Ainsi, le thème de la "relation" est constamment le plus présent, suivi du
thème "formel", le thème "informel" étant le moins évoqué.
� Divergences
Les différences entre les thèmes sont variables d’un entretien à l’autre.
En effet, pour Antoine, les trois thèmes sont relativement proches (amplitude
maximale de 6,8 points). Pour Béatrice, les différences sont très marquées entre les
32,626,9
33,736,5
13,5
44,4
28,4
20,1
47,8
0
10
20
30
40
50
Occ
urre
nces
(%
)
Antoine Béatrice Charles
Répartition des occurrences par entretien/par thème
Formel Informel Relation
95
trois thèmes : elle est de 30,9 points entre l’"informel" et la "relation", de 23 points
entre le "formel" et l’"informel" et un plus faible entre le "formel" et la "relation"
avec une différence de 7,9 points. Pour Charles, les différences sont également
marquées, les différences majeures se situant à l’égard du thème de la "relation"
(27,7 points d’écart avec l’"informel" et 19 points d’écart avec le "formel"), le thème
du "formel" et de l’"informel" ne se différenciant que de 8,3 points.
1.2 Analyse comparative par sous-thème
1.2.1. Au sein du thème formel
� Convergences
Dans le thème "formel", le sous-thème de la "création" est le moins
abordé dans chacun des trois entretiens.
� Divergences
Pour Antoine et Charles, le sous-thème qui comporte le plus grand
nombre d’occurrences est celui des "savoirs" alors que pour Béatrice, c’est celui du
"temps programmatique" qui domine, le sous-thème des "savoirs" se situant en
deuxième position.
Pour Charles et Béatrice, le sous-thème se plaçant en troisième
position est celui de l’"expérimentation" alors qu’il occupe la deuxième place pour
Antoine.
Le sous-thème du "temps programmatique" occupe une position
variable sur les trois entretiens. Sous-thème majoritaire pour Béatrice, il se place en
deuxième position dans l’entretien de Charles et en troisième dans l’entretien
d’Antoine.
1.2.2. Au sein du thème informel
Chaque entretien a une répartition des sous-thèmes différente dans le
thème "informel". Ainsi, alors que pour Antoine et Béatrice, le sous-thème le plus
représenté est celui du "temps historicisé", c’est l’"expérience" qui est le sous-thème
le plus évoqué dans ce thème par Charles. L’"expérience" arrive en deuxième
position dans les entretiens d’Antoine et Béatrice, le "temps historicisé" occupant
cette même place dans l’entretien de Charles. Le sous-thème des "savoirs" occupe la
96
troisième place dans les entretiens d’Antoine et Charles alors qu’il constitue le sous-
thème le moins évoqué dans l’entretien de Béatrice. Pour Antoine et Charles,
l’"inspiration" est le sous-thème le moins abordé alors qu’il se place devant le sous-
thème des "savoirs" dans l’entretien de Béatrice. Les différences en terme
d’occurrences entre les sous-thèmes sont également variables d’un entretien à l’autre.
1.2.3. Au sein du thème relation
� Convergences
Dans les trois entretiens, le sous-thème le plus abordé est celui de la
"création", suivi de celui des "émotions".
� Divergences
L’entretien d’Antoine et celui de Béatrice présentent le même ordre de
succession des sous-thèmes, à savoir, dans l’ordre décroissant : "création",
"émotions", "temps naturel", "savoirs", alors que dans l’entretien de Charles, ce ne
sont pas les "savoirs" qui sont le moins présents mais le "temps naturel".
On observe également que la différence entre la "création" et les
autres sous-thèmes et plus marquée dans les entretiens de Béatrice et de Charles que
dans celui d’Antoine.
1.3 Analyse comparative des sous sous-thèmes
� Convergences
Dans le sous-thème "expérience" (thème "informel"), le sous sous-
thème le plus représenté est celui du "fond".
� Divergences
Dans le sous-thème "émotions" (thème "relation"), l’"impuissance" est
le sous sous-thème le plus évoqué par Antoine et Charles alors que c’est le "plaisir"
qui domine dans l’entretien de Béatrice. L’"appréhension" se place en deuxième
position dans les entretiens d’Antoine et Charles alors qu’elle constitue le sous sous-
thème le moins évoqué dans le thème "relation" de l’entretien de Béatrice.
Dans le sous-thème "création" (thème "relation"), les "échanges" sont
le sous sous-thème le plus abordé dans les entretiens de Béatrice et Charles alors que
l’entretien d’Antoine est davantage marqué par le sous sous-thème de l’"ajustement".
97
1.4 Analyse comparative des sous-thèmes transversaux
Pour chaque entretien, nous avons totalisé les occurrences des sous-
thèmes transversaux ("temps", "expérience", "savoirs" et "création") présents dans
chaque thème. Les résultats de ce regroupement sont visibles dans le tableau n°8 ci-
dessous.
Tableau n°8 : Tableau récapitulatif des occurrences par sous-thème
Occurrences (%)
Antoine Béatrice Charles
TOTAL TEMPS 20,7 21,9 16,4
TOTAL EXPERIENCE 29 24,7 27,6
TOTAL SAVOIRS 24,9 13,5 16,4
TOTAL CREATION 18,7 34,3 35,8
Pour avoir une vision plus éclairante de ces résultats, nous les avons
traduits sous forme d’histogramme :
Dans le discours de Béatrice ainsi que dans celui de Charles, le sous-
thème le plus évoqué est celui relatif à la "création", alors que c’est le moins évoqué
dans le discours d’Antoine. On observe également que pour Béatrice et Charles, la
"création" se distingue nettement des autres sous-thèmes alors que le discours
d’Antoine manifeste une relative homogénéité des sous-thèmes. L’"expérience", qui
se situe en deuxième position dans les entretiens de Béatrice et Charles occupe la
20,7
2924,9
18,721,9
24,7
13,5
34,3
16,4
27,6
16,4
35,8
0
5
10
15
20
25
30
35
40
Occ
urre
nces
(%
)
Antoine Béatrice Charles
Répartition des occurrences par sous-thèmes transve rsaux
TOTAL TEMPS TOTAL EXPERIENCE TOTAL SAVOIRS TOTAL CREATION
98
première place au sein de l’entretien d’Antoine. Si, pour Béatrice, les "savoirs" sont
bien en retrait des autres sous-thèmes, ils sont autant présents dans le discours de
Charles que le "temps" et sont relativement importants dans le discours d’Antoine
puisqu’ils se situent en deuxième position en terme de pourcentage d’occurrences.
1.5 La corbeille
La "corbeille" contient entre 3,7 (entretien de Charles) et 6,7 %
(entretien d’Antoine) des occurrences selon les entretiens. On remarque qu’elle
rassemble, outre des éléments qui nous semblent peu exploitables (reprise de phrases,
reformulation, rapport à l’enregistrement) et propres à chaque interviewé, des
références au contexte, références que l’on retrouve au sein des trois entretiens.
Ainsi, pour chaque interviewé, le contexte de ruralité semble être un élément
important à mentionner et à préciser, comme si la façon dont ils font leur métier était
attachée à ce contexte. Ces éléments ne sont pas nombreux (1 à 2 occurrences par
entretien) mais nous avons senti, au cours des entretiens, qu’il s’agissait d’une
caractéristique marquante.
1.6 Synthèse partielle
Nous pouvons retenir de cette analyse comparative des entretiens que
la position de chaque thème est identique sur les trois entretiens. Ainsi, le thème le
plus évoqué dans le discours de chaque animateur est celui de la "relation", suivi de
celui relatif au "formel" et que le moins représenté est celui de l’"informel". Des
différences ont été observées au niveau de la répartition des occurrences par thème.
Le discours d’Antoine est plutôt homogène au regard des trois thèmes alors que les
propos de Béatrice et Charles sont marqués par une part plus importante du thème de
la "relation". Si, dans les thèmes "formel" et "relation", des convergences ont été
soulignées – notamment la place minoritaire de la "création" dans le thème "formel"
et sa prédominance dans le thème "relation" -, rien, dans le thème "informel" n’est
constant sur les trois entretiens. De la même façon, quand on s’attache à étudier les
sous-thèmes dans leur transversalité, on ne trouve pas de constante aux trois
entretiens, quelques similitudes étant mises en évidence sur les entretiens pris deux
par deux.
99
2. Analyse globale des entretiens
Nous avons totalisé les occurrences des trois entretiens pour pouvoir
analyser le corpus dans son ensemble. Les résultats obtenus sont visibles dans le
tableau n°9 ci-après.
Tableau n°9 : tableau synthétique des entretiens
Occurrences (Nbre) Occurrences (%)
Thèmes Sous thèmes Sous sous thèmes
Antoine + Béatrice + Charles Antoine + Béatrice + Charles
Temps programmatique 51 10,1
Expérimentation 38 7,5
Savoirs 68 13,5 For
mel
Création 9 1,8
Total formel (1) 166 32,9
Temps historicisé 36 7,1
Attentes 12 2,4 Expérience
Le fond 26 5,1
Total expérience 38 7,5
Savoirs 20 4,0
Info
rmel
Inspiration 9 1,8
Total informel (2) 103 20,4
Temps 14 2,8
Appréhension 16 3,2
Impuissance 23 4,6 Emotions
Plaisir 22 4,4
Total émotions 61 12,1
Savoirs 6 1,2
Ajustement 67 13,3 Création
Echanges 60 11,9
Rel
atio
n
Total création 127 25,1
Total relation (3) 208 41,2
TOTAL THEMES (1)+(2)+(3) 477 94,5
Corbeille 28 5,5
TOTAL APRES CORBEILLE 505 100,0
100
2.1 Analyse par thème
On constate que le thème le plus largement évoqué sur l’ensemble des
trois entretiens est celui de la "relation" (208 occurrences soit 41,2% du discours).
Avec presque le tiers du nombre total d’occurrences (32,9%), le thème "formel" se
place en deuxième position. Le thème "informel", avec deux fois moins
d’occurrences que le thème "relation" occupe la dernière place dans les discours des
animateurs.
La "corbeille" compte 28 occurrences, soit 5,5 % de la totalité du
discours.
2.2 Analyse par sous-thème
Au sein du thème "relation" qui regroupe le plus grand nombre
d’occurrences (127), le sous-thème dominant est celui de la "création" alors que celui
des "savoirs" est très peu représenté (6 occurrences). Les "émotions" y sont bien
présentes avec 61 occurrences alors que le "temps naturel" ne compte que 14
occurrences.
A l’inverse, dans le thème "formel", ce sont les "savoirs" qui occupent
la plus grande place dans les entretiens (avec un nombre d’occurrences qui est tout
de même près de deux fois moins important que celui de la "création" dans le thème
"relation") alors que la "création" est très peu mentionnée (9 occurrences). Le "temps
programmatique" est assez proche des "savoirs" avec 51 occurrences,
l’"expérimentation" représentant 38 occurrences.
Dans le thème "informel", l’"expérience" est majoritaire (38
occurrences), suivie de très près par le "temps historicisé" (36 occurrences).
L’"inspiration" est peu représentée avec 9 occurrences et les "savoirs" regroupent 20
occurrences.
2.3 Analyse par sous sous-thème
Mis à part dans le sous-thème de l’"expérience" (thème "informel") où
la part du sous sous-thème "fond" est deux fois plus importante que celle du sous
sous-thème des "attentes", les sous sous-thèmes sont présents de manière
101
relativement équilibrée. C’est ainsi le cas pour le sous-thème des "émotions" et pour
celui de la "création".
2.4 Analyse par sous-thèmes transversaux
De la même façon que pour nos précédentes analyses, nous avons
regroupé les occurrences des sous-thèmes transversaux dans le tableau n°10 ci-après.
Tableau n°10 : répartition des occurrences par sous-thèmes transversaux -corpus
Pour mieux visualiser ces résultats, nous les avons représentés sous
forme d’histogramme.
Totaux occurrences
Antoine + Béatrice + Charles Thèmes Sous-thème
Par sous-thème
du thème
Du
sous-thème
Formel Temps programmatique 51
Informel Temps historicisé 36
Relation
Tem
ps
Temps naturel 14
101
Formel Expérimentation 38
Informel Expérience 38
Relation Exp
érie
nce
Emotions 61
137
Formel Savoirs 68
Informel Savoirs 20
Relation Sav
oirs
Savoirs 6
94
Formel Création 9
Informel Inspiration 9
Relation Cré
atio
n
Création 127
145
TOTAL OCCURRENCES des sous-thèmes 477
102
Le sous-thème de la "création" est celui le plus abordé dans
l’ensemble du corpus. Il est très proche de celui de l’"expérience" (8 occurrences de
différence). Les "savoirs" et le "temps" sont plus en retrait et proches l’un de l’autre
en nombre d’occurrences (7 occurrences de différence entre eux).
Le sous-thème "création" est très discriminé puisqu’il est abordé à
plus de 87 % (127 occurrences sur 145) dans le thème "relation". Dans le sous-thème
"savoirs" on observe que 72 % des occurrences (68 occurrences sur 94) sont
regroupées dans le thème "formel". Les sous-thèmes "expérience" et "temps" sont
moins discriminés même si le sous-thème "temps" est plus abordé dans le thème
"formel" et que le sous-thème "expérience" est plus présent dans le thème "relation".
3. Synthèse des éléments d’analyse
L’analyse du corpus, entamée dans le chapitre 3 s’est effectuée de
façon verticale, horizontale puis globale. Cette analyse met en évidence plusieurs
éléments :
- la prédominance du thème de la "relation" dans le discours des interviewés,
thème suivi ensuite de celui du "formel", le thème de l’"informel" étant celui le
moins évoqué.
- la présence de différences notables à l’intérieur des thèmes : le sous-thème
de la "création" (sous-thème majoritairement présent dans l’ensemble du corpus) est
dominant dans le thème de la "relation" alors qu’il est très peu présent dans les deux
101
137
94
145
0
50
100
150
Occ
urre
nces
(nb
)
Antoine + Béatrice + Charles
Répartition des sous-thèmes dans le corpus
TOTAL TEMPS TOTAL EXPERIENCE TOTAL SAVOIRS TOTAL CREATION
103
autres thèmes. Le sous-thème des "savoirs" (sous-thème le moins évoqué dans
l’ensemble du corpus) est principalement abordé dans le thème "formel".
- le thème de l’informel est un thème au sein duquel aucune constante
commune aux trois entretiens ne semble ressortir.
- les sous-thèmes "temps" et "expérience" se répartissent de façon moins
discriminée dans les trois thèmes que les sous-thèmes "savoirs" et "création".
- la corbeille contient des éléments communs aux trois entretiens qui se
rapportent au contexte, à la ruralité.
Passer les trois entretiens au tamis d’une grille d’analyse commune
nous a ainsi permis de faire émerger des données que nous n’aurions certainement
pas pu saisir par une "simple" lecture générale, fusse-t-elle aussi approfondie que
possible. Si nous avons recueilli et "décortiqué" ce corpus, c’est que nous nous
interrogions sur le métier d’animateur de cyber-base et plus précisément sur
l’accompagnement au sein d’espaces où semblent s’entremêler formel et informel. A
partir de cette interrogation, nous avons mené une exploration théorique qu’il s’agit à
présent de confronter avec les résultats de "terrain".
II. Interprétation et perspectives d’action
1. Interprétation des résultats
1.1 L’accompagnement entre formel et informel : une question
de relation ?
L’analyse de notre corpus nous a conduit à observer que le thème de
la "relation" était le plus évoqué au sein des entretiens recueillis. L’accompagnement
entre formel et informel – au cœur du métier d’animateur d’espace public numérique
– serait-il alors une question de relation ?
Ayant posé, lors de la construction de la grille225, la relation comme ce
qui lie et sépare, on s’aperçoit que c’est elle que les animateurs évoquent le plus
souvent. Nous y voyons ici – dans cette idée de lien et de séparation - une analogie
225 Supra. Chap.3/II/2/2.1
104
avec la façon dont nous avions envisagé les liens entre formel et informel226. Si la
relation domine dans le discours, c’est peut être parce que c’est par elle que peuvent
se tisser les liens du formel et de l’informel. C’est ainsi ce que nous retrouvons
esquissé dans les propos de Charles :
« (…) c’est ce dont on parlait tout à l’heure euh ben leur par leur tempérament, leur humour qui va
euh peut être qui va alléger l’atmosphère d’une ambiance un peu euh je viens prendre un cours y’a
quelqu’un en face de moi qu’est l’animateur des fois pour eux c’est comme un professeur ils sont
sortis de l’école depuis très longtemps et c’est vrai qu’y un côté, un côté un peu scolaire au départ sur
les deux premiers ateliers ou sur la première fois qu’ils viennent et donc eux vont apporter par eux-
mêmes par une personne ou par plusieurs personnes du groupe ben cette convivialité là qui va faire
que les choses vont être beaucoup plus légères beaucoup plus euh détendues et donc à partir de là tout
se met en route beaucoup plus naturellement » (lignes 216 à 226).
La relation apparaît comme première et tendue entre deux aspects inhérents à ces
lieux d’accompagnement à l’usage des Technologies de l’Information et de la
Communication que sont le formel avec la référence au côté "scolaire" et l’informel
entendu ici comme l’in-formel – c’est-à-dire ce qui nous constitue - que l’on entre
aperçoit notamment dans l’idée que les personnes "apportent par eux-mêmes" ce
quelque chose qui vient d’eux, qui est en eux, qu’ils portent et apportent de façon
plus ou moins consciente. Nous retrouvons ici l’image d’un tissage227 entre formel et
informel qui semble s’effectuer dans et par la relation et au sein d’un environnement
bien particulier qui est cet espace dans lequel les personnes, les apprenants se
retrouvent.
Ce qui est caractéristique de notre recueil de données également, c’est
que la "création" regroupe le plus d’occurrences dans le thème de la "relation" et
qu’elle est quasiment absente des autres thèmes. Cette dimension que l’on pourrait
qualifier de "relationnelle" de la création nous inclinerait alors à la penser en terme
de co-création. Au sein de la co-création, la relation participe du "co"228 d’une
création commune, conjointe.
226 Supra. Chap. 1/III/1. 227 Supra. Chap.1/III. 228 Supra. Chap.2/II/3/3.1.
105
Au sein du sous-thème de la "création", ce qui relève de l’ajustement
et ce qui a trait aux échanges sont présents en quantités similaires. Cela nous semble
appuyer l’idée selon laquelle la relation permet la création de soi par soi (ajustement)
via un alter (échanges)229, pour reprendre les propos de Frédérique Lerbet-Sereni.
Cette relation s’enrichit alors de la création par les échanges qu’elle engendre et
l’ajustement qui y est lié, qui, à leur tour s’en trouvent enrichis et modifient alors la
relation qui à son tour… Nous avons vraiment une impression de bouclage perpétuel
qui se renouvelle par lui-même et qui pourrait être représenté comme suit :
La relation dans l’accompagnement : de la co-création à l’auto-création
La présence de ce qui relève de l’ajustement dans le corpus nous ramène également à
la pensée selon laquelle l’accompagnement est un cheminement entre des postures230.
Ce cheminement semble être rendu possible par cet ajustement, cette adaptation à soi
de chaque instant. A partir de là, nous prenons bien la mesure des limites de l’emploi
du terme "ajustement". En effet, l’idée d’ajuster renvoie plus à un état statique alors,
qu’à notre sens, l’ajustement, dans ce cas de figure, est au contraire quelque chose de
dynamique, qui ne serait jamais ni figé ni achevé mais plutôt en mouvement et en
création permanente. En outre, même s’il est en lien avec l’autre du fait de la
dimension relationnelle, il concerne avant tout l’intériorité de chacun. Le terme
ajustement renvoie aussi à l’idée de rendre quelque chose de conforme à autre chose,
alors qu’ici, l’ajustement serait davantage entendu comme un "in-justement". Dans le
terme d"in-justement", le préfixe "in" dirait alors davantage la dimension de l’en
dedans de soi et le rapport de soi à soi. Même, si à un moment donné, l’autre est
présent, l’"in-justement" est une chose de profondément intrinsèque et intuitive. On
229 Supra. Chap.2/II/3/3.1. 230 Supra. Chap.2/I/1/1.2.
106
retrouve ainsi cette idée, de façon plus ou moins évidente et directe, dans chacun des
trois entretiens :
Antoine : « en général on a souvent des gens qui viennent et qui n’ont pas les pré-requis donc y faut
s’débrouiller avec euh avec c’qu’on a (…) donc j’suis plus souvent dans l’improvisation en fonction
des demandes en fonction des de la façon dont les gens réagissent » (l.35-41).
Béatrice, il s’agit : « ah oui complètement surtout pendant les ateliers et tout bon les ateliers c’est
quand même bien cadré et tout mais après quand j’ai l’atelier qui commence ça part au feeling (…) je
m’adapte quand même » (l.299-307)
Charles : « ah oui ouais ouais par rapport au… par rapport au… niveau au niveau relationnel ouais
beaucoup ouais beaucoup alors déjà on apprend parce qu’on est tout le temps en train de s’adapter à
des gens » (l.372-374)
On s’aperçoit d’ailleurs que cet ajustement (ou "in-justement") n’est pas quelque
chose de maîtrisable et de programmable mais qu’il résulte d’une intuition, d’une
"improvisation", du "feeling". Ces termes sont ainsi employés à plusieurs reprises par
Antoine et Béatrice alors que Charles parle plutôt des difficultés, du don de soi
nécessaire pour s’adapter et de la question des limites. Il est intéressant également de
constater que Béatrice n’est pas en mesure de l’expliquer :
« euh je sais pas franchement ça vient tout seul j’ai pas de particulièrement je sais pas non
franchement ça s’fait naturellement franchement je sais pas quoi répondre (rires) » (lignes 311 à 313).
On ne pourra pas s’empêcher de rapprocher ces paroles de la conception de
l’inspiration développée dans notre partie théorique231. L’inspiration est ainsi ce
mouvement intérieur qui pousse à agir, insaisissable et mystérieux. Pour deux des
trois entretiens, elle semble bien présente, cette inspiration, ce "quelque chose" qui
« vient tout seul » et dont on ne sait quoi dire parce qu’elle nous échappe mais qui
fait que ça fonctionne, que les gens viennent et apprennent. En lien avec
l’inspiration, nous avions développé l’idée selon laquelle l’accompagnement pourrait
être un art232. Il nous semble alors que le schéma sus présenté rend compte également
de quelque chose qui trouve son but et ses finalités en elle-même, à la manière dont
231 Supra. Chap.2/I/2. 232 Supra. Chap.2/I/3.
107
peut être défini l’art233. De quoi envisager ce métier comme pratique d’un art que
l’on pourrait qualifier de "relationnel" puisqu’on y trouve à la fois la question de la
création et celle de l’esthétisme à travers le rapport à la forme. Rapport à la forme qui
apparaît dans les entretiens notamment par la présence de la peur et du plaisir. Peur
et plaisir sont en effet présents de façon comparable dans les entretiens, de quoi nous
ramener au sublime chez Kant234 pour lequel le sublime peut tout à la fois être
plaisant et effrayant. Le sublime qui, à l’inverse du Beau auquel correspond la forme
harmonieuse et limitée, se rapporte à l’informe.
1.2 Informel et in-formel
Si certains éléments obtenus lors de l’analyse du corpus ont émergé de
façon claire et presque éblouissante, nous aurions pu être tenté de ne traiter que ces
derniers. Cependant, nous avons été intrigué par le fait que rien de constant, rien de
flagrant, rien d’éblouissant ne semblait ressortir du thème "informel ". Ce que nous
pouvions dire de l’informel - à la suite de l’analyse comparative - c’est justement que
nous ne pouvions rien en dire. Il n’y a, dans le thème "informel", rien de
caractéristique si ce n’est justement l’absence de caractéristique. Dernier thème
évoqué dans les entretiens, il aurait ainsi pu paraître insignifiant, voire inintéressant.
Mais, finalement n’est ce pas là toute la particularité et la singularité de
l’informel235 ? N’est ce pas justement parce que nous ne sommes pas parvenu à saisir
quoi que ce soit que nous pouvons dire que l’informel est présent dans notre corpus
de façon impalpable ? En effet, s’il était ressorti de façon évidente, devançant les
autres thèmes, aurions-nous pu encore le qualifier d’informel236 ? Si au cours de
l’analyse horizontale, rien de constant, rien de comparable aux trois entretiens n’a pu
être mis en évidence au sein du thème "informel", c’est peut être également parce
que l’informel est profondément intrinsèque et propre à chacun, à chaque situation,
c’est ici l’informel entendu comme in-formel237. Il était d’ailleurs bien présomptueux
de notre part de pouvoir prétendre saisir ce qui se trouve en chacun.
233 Supra. Chap.2/Conclusion 234 Supra. Chap. 1/I/2/2.2. 235 Supra. Chap.1/II/1. 236 Supra. Chap.1./II/3. 237 Supra. Chap.1/I/3.
108
Nous ne pourrons tout de même pas éluder le fait qu’à l’analyse
globale, les sous-thèmes de l’"expérience" et du "temps" soient plus présents que la
"création" et les "savoirs" au sein du thème "informel". Le "temps" et l’"expérience"
sont en outre les sous-thèmes les moins discriminés. De ce constat, nous pouvons
tirer deux hypothèses : cette faible discrimination est-elle le fait du caractère
ordinaire du "temps" et de l’"expérience", qui ferait qu’on les retrouve un peu partout
ou sont-ils justement présents dans tous les thèmes parce qu’ils en sont les
fondements ? Eu égard à la façon dont nous avons traité de l’expérience238, à son rôle
dans les apprentissages et à l’importance qu’elle nous a semblé revêtir au sein de
l’accompagnement239, nous inclinerons ainsi davantage pour la deuxième hypothèse.
En outre, le temps est également un élément primordial, notamment au sein de la
relation240, selon l’idée que la temporalité est un facteur influençant la relation.
Temps et expérience sont tout à la fois ordinaires et fondamentaux et, cette espèce de
constante avec laquelle ils traversent les trois thèmes n’est-elle pas alors un
indicateur de ce que nous avions perçu lors de la lecture flottante des entretiens, à
savoir cet entremêlement entre formel/informel ? Cet entremêlement que nous avions
envisagé comme un tissage241, un tissage au sein duquel s’imbriquaient les savoirs
formels, informels en lien avec l’environnement. Nous parlions alors de savoirs
informels en nous interrogeant sur la pertinence de cette formule. Or, au regard de
notre analyse, nous pouvons nous questionner à nouveau à ce sujet.
1.3 Les savoirs : formels avant tout ?
En effet, ce qui est ressorti de l’analyse de la grille des entretiens c’est
que, non seulement, le sous-thème des "savoirs" était minoritaire sur la totalité du
discours mais que ce sous-thème était dominant dans le thème "formel". Les savoirs
ne seraient-il pas ainsi formels avant tout ? Parler de savoirs informels ne constitue-t-
il pas alors un contresens ? Cette question, nous nous la sommes posée au cours de
notre travail théorique et elle nous est renvoyée comme en miroir par le corpus. Si,
dans la conception de Jacques Legroux242, le savoir est intégré intellectuellement, ne
238 Supra. Chap. 1/II. 239 Supra. Chap.2/III/2. 240 Supra. Chap.2/II/3/3.2. 241 Supra. Chap.1/III/2. 242 Supra. Chap.1/I.
109
pourrait-on pas, dans une vision délimitante de l’être, le considérer comme formel
car intégré à la forme, mis en forme ?
1.4 La question du contexte
Que la corbeille des trois entretiens contienne des éléments se
rapportant au contexte, à la ruralité est un point sur lequel nous nous devons de nous
arrêter. En effet, cet aspect, même s’il est peu abordé constitue toutefois une
constante dans le corpus et met en évidence un aspect que nous n’avions pas traité
lors de notre exploration théorique. Dans les propos des animateurs, c’est un peu
comme si la relation était favorisée par ce contexte, comme si le fait de travailler au
sein de communes petites ou moyennes était un facteur facilitateur. Dès lors, on peut
se demander si nos résultats auraient été les mêmes si nous avions mené une
recherche sur un terrain autre que celui du milieu rural et donc sur l’importance que
peut revêtir la situation, l’environnement, le milieu dans la pratique de
l’accompagnement.
En examinant les résultats de l’analyse du corpus à la lueur de notre
exploration théorique, nous avons eu l’intuition de saisir des corrélations entre le
terrain et la théorie. Ainsi, nous avons constaté que la relation était une thématique
première dans le métier d’animateur d’espace public numérique. Elle nous est
apparue comme tendue entre formel et informel et participant d’un bouclage
permanent où la création s’entendait davantage comme une création conjointe, une
co-création de soi autant que de l’autre que soi. Ce dont nous nous sommes aperçu
également c’est qu’il était sans doute vain et usurpé de vouloir "capter" l’informel, -
tout autant que d’en parler (?) - et que c’est peut être à travers le temps et
l’expérience que nous pouvions tenter de ne pas échapper (occulter ?) sa présence.
L’analyse des entretiens nous a également mené à nous questionner à nouveau sur la
forme des savoirs en constatant que dans nos entretiens, dans cette situation donnée
qui a été celle de notre recherche, les savoirs semblaient, en premier lieu, formels.
Les pistes de réflexion que nous avons été amené à découvrir, en
partant de notre questionnement sur le métier d’animateurs d’espace public
numérique et plus précisément sur leur rôle d’accompagnement, nous paraissent
110
déclinables dans la réalité de l’action et nous exposerons quelques perspectives que
nous pourrions prendre en compte dans la pratique de ce métier qui est le notre.
2. Perspectives d’action
Pour tenir compte de nos observations et poursuivre notre réflexion
dans le champ professionnel, nous développerons deux axes tirés par la question et la
prégnance de la relation et de la création dans le métier d’animateur de cyber-base.
2.1 Le réseau : un outil pour l’animateur
Des réseaux d’animateurs de cyber-base existent, au niveau
départemental, régional et même national. Le principe est de pouvoir échanger sur
des pratiques d’animation mais aussi de partager des informations relatives aux
Technologies de l’Information et de la Communication. Il est évident qu’un réseau
national regroupant plus de 500 animateurs, où une rencontre réelle par an est
programmée, n’a pas le même impact sur la pratique qu’un réseau départemental plus
"confidentiel".
Suite à notre recherche, nous posons un œil différent sur le réseau
(nous parlons ici du réseau départemental dont nous faisons partie) notamment dans
sa dimension d’aide et de soutien à la pratique d’accompagnement. D’ailleurs, on se
rend compte que dans l’idée de réseau, il y celle d’entrelacement, d’entremêlement.
Un réseau, c’est un lieu où se confrontent différentes approches du métier,
différentes pratiques d’animation et d’accompagnement. Les rencontres de groupe
sont ainsi l’occasion de partage d’expériences, d’enrichissement, d’échanges entre
pairs. Voir dans le réseau un espace de création est donc une façon de bénéficier
pleinement de toutes ses ressources, d’en faire un élément concourrant à l’évolution
de sa pratique.
A notre échelle d’animateur, ce que nous pouvons faire, c’est
contribuer à la vie de ce réseau, c'est-à-dire continuer à l’enrichir par des apports.
Ces apports pourraient concerner en premier lieu des contenus en lien avec la
technique, susceptibles de concourir à la production de savoirs. Cela pourrait prendre
la forme de mini démonstrations ou mini formations (on retrouve là l’aspect formel
des savoirs) qui s’effectueraient entre animateurs. Lors des rencontres de réseaux, il
111
s’agirait donc - en concertation avec l’animateur de réseau - de prévoir des temps
dédiés à ce type d’interventions. Chaque animateur pouvant ainsi transmettre à ses
pairs des informations et des façons de faire avec lesquels il se sent à l’aise et dont
ses collègues puissent retirer des savoirs susceptibles d’être ensuite réinvestis dans
leur pratique. C’est peut être également pouvoir prévoir des temps de travail de
groupe sur des thèmes particuliers où les uns et les autres pourraient apporter leur
informations sur le sujet. Dans le cas des Technologies de l’Information et de la
Communication, les choses bougent très vite et il n’est pas toujours évident de se
tenir à jour. Le réseau étant constitué d’animateurs avec des centres d’intérêts variés,
ce serait une façon de tirer bénéfice de cette variété et de favoriser l’apprentissage
grâce aux apports théorisés des autres, tout en laissant une place importante à la
manipulation et au "faire".
Ce que nous pouvons, en second lieu, apporter en tant qu’animateurs
se situe davantage au niveau de l’échange de pratiques. Se retrouver entre collègues
confrontés aux mêmes situations, aux mêmes difficultés qui peuvent parfois
constituer des inhibiteurs à la création, permet de poser un autre regard sur sa
pratique. Finalement, c’est toujours cette dimension relationnelle de la création qui
est en jeu ici. Parler de ses pratiques, c’est peut être la première étape vers une
réflexivité et une façon de ne pas rester bouclé sur soi-même, au risque de nuire à la
création, d’être en mesure d’accueillir ce qui peut être apporté par les autres
animateurs. C’est parfois déstabilisant, remuant mais c’est aussi le fait d’être
déstabilisé qui permet d’atteindre un niveau de stabilisation supérieur au premier.
C’est aussi une façon d’être toujours en questionnement, de ne pas se figer dans une
pratique mais de continuer à alimenter la relation par la création. Ne jamais rien se
tenir pour acquis, c’est peut être ce que l’on peut également tirer des rencontres du
réseau d’animateurs et qui prendra toute sa valeur dans l’accompagnement des
apprenants.
2.2 Dans la pratique quotidienne
La pratique d’accompagnement des animateurs de cyber-base en
milieu rural est, nous l’avons vu, fortement liée à la relation. Elle semble également,
du fait de la prégnance de l’inspiration et de l’informel, complètement ancrée dans
112
l’incertain et dans l’inconnaissable. Comment dès lors, en tant qu’animateur d’espace
public numérique - dont le rôle est de permettre aux personnes de se familiariser avec
l’utilisation des Technologies de l’Information et de la Communication, voire de s’en
approprier leurs usages- favoriser les apprentissages ? Peut être qu’une des choses à
laquelle nous essaierons d’être particulièrement attentif, c’est d’accepter de travailler
avec ce qu’on ne connaît pas et qu’on ne peut pas connaître et ne pas vouloir tout
expliquer, tout maîtriser, tout contrôler. C’est parce qu’il existe des choses que l’on
ne peut pas saisir que la relation participe d’un tissage. Vouloir expliquer, c’est
perdre ce qui fait que ça fonctionne. En voulant maîtriser, on prend le risque de se
figer dans une posture qui romprait la boucle création/relation. Prendre en
considération ce que cette recherche nous a permis d’effleurer, c’est appréhender son
métier comme on le ferait d’un art, c'est-à-dire développer les moyens et procédés
conscients nécessaires voire formels tout en laissant la place au mystère, à
l’inspiration. C’est se rappeler que l’on est humain et donc faire confiance et se fier à
son intuition, à l’improvisation, au feeling dans la pratique de son métier. Ne pas
vouloir se situer mais simplement être, dans le sens dynamique du terme, dans la
relation. Mais, même s’il paraît facile de se le tenir pour dit, de se persuader et de
tenter de tout faire pour ne pas maîtriser, un telle attitude est-elle vraiment possible à
tenir ? D’ailleurs, "tenter de tout faire", n’est ce pas encore maîtriser ? Est-il vraiment
possible et tenable professionnellement d’être simplement ?
Conclusion
Au cours de ce chapitre, nous avons prolongé notre analyse du corpus
débutée dans le chapitre trois par une analyse comparative et globale. Ce travail
d’analyse a permis de faire émerger des éléments relatifs au cœur du métier
d’animateur de cyber-base en milieu rural. C’est en faisant ensuite appel à notre
première partie que nous avons pu proposer une interprétation de ces éléments en
appui sur les idées que nous avions développées au cours de cette exploration
théorique. C’est ainsi que nous avons pu approfondir la question de la création dans
l’accompagnement et plus particulièrement sa dimension relationnelle ainsi que celle
de l’insaisissable de l’informel. Ce chapitre, en faisant le lien entre théorie et pratique
113
nous a ouvert ainsi la possibilité de porter un regard différent sur notre pratique
professionnelle. N’est ce pas alors ce regard, en questionnement perpétuel, qui
permet alors de mettre notre pratique en mouvement ?
114
Conclusion deuxième partie
Effectuant un retour au" terrain" par le biais du recueil de trois
entretiens non directifs d’animateurs de cyber-base qui ont constitué notre corpus,
nous nous sommes ensuite attaché à les analyser en suivant une méthode de
recherche. Démarche d’objectivation dans la mesure où nous avons explicité la
construction d’une grille d’analyse au travers de laquelle nous avons fait passer
chacun des trois entretiens. Après avoir analysé et synthétisé ces trois entretiens,
nous nous sommes aperçu que le métier d’animateur de cyber-base en milieu rural
semblait fortement lié à ce qui relève de la relation, relation au sein de laquelle la
création tient une place fondamentale. D’autres éléments concernant notamment les
savoirs et leur rapport à la forme ont été mis en évidence alors que nous nous
étonnions de la part plutôt quelconque de l’informel dans le discours. Dès lors, que
pouvions-nous dire de ces résultats ?
C’est à la lueur de notre exploration théorique que nous avons pu
mettre en relation les éléments issus du "terrain" avec ceux dont nous avions eu une
approche plus conceptuelle. Le dernier chapitre de ce travail, liant alors nos
recherches de façon parfois révélatrice ou inespérée avec notre travail théorique,
nous a permis d’affiner l’idée que nous avions de l’accompagnement entre formel et
informel, au sein de ce métier particulier d’animateur de cyber-base en milieu rural.
A cette étape de notre travail, il nous semblait alors qu’une esquisse
d’éclaircissement se dessinait sur notre problématique de départ, tout autant qu’un
voile de questionnement se déposait sur ce semblant d’éclaircie. C’est dans notre
conclusion générale, que nous tenterons de synthétiser ces éléments.
115
Conclusion générale Qu’il est dur de conclure quand on a la sensation de ne pas avoir
terminé. Dire que c’est en éclaircissant que nous avons assombri c’est en quelque
sorte prendre conscience des limites de notre travail Qu’il est dur de reparler de
limites alors que nous avions tenté de nous en écarter. Peut-être peut-on envisager
que conclure n’est pas terminer et que limiter n’est pas borner ?
A l’issue de ce travail, nous avons certes avancé sur notre
questionnement de départ mais il nous semble que d’autres questionnements sont
apparus. A partir de notre problématique qui concernait l’accompagnement dans des
espaces d’apprentissage où se mêlent formel et informel, nous avons cheminé entre
théorie et pratique pour finalement parvenir à lier les deux. Notre approche théorique
par des concepts tels que celui de l’esthétique ou de la création nous a semblé parfois
délicate, incertaine et "submergente". Au final, tout cela n’était peut être pas si
éloigné de nos considérations pratiques.
Il ressort ainsi de notre travail différents éléments sur
l’accompagnement entre formel et informel, à travers le métier d’animateur de cyber-
base. Métier de la relation liant formel et informel - lors même que l’informel semble
à la fois évanescent et omniprésent – au travers de laquelle la création, autant de soi
que de l’autre que soi, s’alimente tout en l’alimentant. Ni tout à fait la même, ni tout
à fait une autre, nous pourrions alors envisager que dans la relation
d’accompagnement, la co-création puisse être également auto-création. Co-création
qui n’existerait notamment que dans et par le mouvement de soi à soi via un autre, où
la place de l’inspiration semble essentielle. Et si la notion de liberté n’est pas
ressortie de façon évidente de notre analyse de corpus, nous pouvons envisager
plusieurs hypothèses relatives aux limites de notre travail. Nous pouvons ainsi
considérer que notre analyse peut être pas assez approfondie n’a pas permis de la
saisir ou qu’elle soit simplement présente de façon implicite dans la question de la
création de soi. Quoiqu’il en soit, si au début de notre travail nous nous interrogions
sur l’accompagnement en tant qu’art de la liberté, nous dirions à présent que le
métier d’accompagnement entre formel et informel se rapproche plutôt d’un art de la
relation. La relation donnant toute sa dimension dynamique et créative à ce "entre"
116
qui ne constituerait pas un juste milieu mais une possibilité de s’appuyer sur le
formel (notamment par l’intermédiaire des savoirs) tout autant que sur l’informel
pour les lier et relier. Et si, de ces éléments, nous avons pu exploré quelques pistes
concernant notre pratique professionnelle axées sur la dimension relationnelle de la
création, il nous a semblé bien difficile de parvenir à jouer des postures dans un
contexte d’inconnaissable, d’insaisissable et de dépasser toute tendance à la
limitation qui nous figerait dans une posture. Mais comment faire alors ? Est-ce une
possibilité complètement intrinsèque qui ne s’apprend pas, qui ne se travaille pas ou
pourrait-on envisager qu’elle puisse être l’objet d’un apprentissage ? Cela poserait
alors la question de la formation des accompagnants dans ce tissage de formel et
d’informel, peut-on (se) former dans (et à) l’inconnaissable ?
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Annexes
Annexe 1 (p.1-6):
- « Weaving generations together – Evolving creativity in the Maya of Chiapas ». Cultural Survival Quaterly, 2005, p.48-49 (p.2-3).
- Traduction française (p.4-6).
Annexe 2 (p.8-43): - Entretiens (p.8-40). - Grilles d’analyse des entretiens contenant le corpus détaillé par
thèmes, sous-thèmes et sous sous-thèmes ainsi qu’un référencement par numéro de ligne (p.41-43).
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Annexe 1 (p.1-6):
- « Weaving generations together – Evolving creativity in the Maya of Chiapas ». Cultural Survival Quaterly, 2005, p.48-49. (p.2-3).
- Traduction française (p.4-6).
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LE TISSAGE DE GENERATION EN GENERATION
Evolution de la créativité chez les Mayas du Chiapas Par Patricia Marks Greenfield
Depuis la route qui mène à la vallée de Nabenchauk, j’ai vu un grand bâtiment en béton au bord de l’autoroute et j'ai arrêté la voiture. Des vêtements et d’autres tissus faits main étaient suspendus aux poutres de la devanture du bâtiment. C'était en 1991, et pleine d’incertitudes, j'étais de retour, après une absence de vingt et un ans, à Nabenchauk - un hameau dans les montagnes - habité par des membres de la communauté Maya de Zinacantan, à Chiapas, au Mexique. En 1970, Carla Childs, étudiante en anthropologie et moi-même, psychologue du développement, avions étudié l’apprentissage du tissage par les fillettes Zinacantec. En effet, nous voulions utiliser le tissage comme instrument de mesure pour répondre à des questions concernant l’impact psychologique des changements économiques et sociaux. Nous nous intéressions aux questions de survivance et de transformation culturelles. Mi liote, j’ai demandé « Y’a quelqu’un ? » m’efforçant, dans mon Tzotzil rudimentaire, de saluer selon la tradition.
Mi Lione, « Je suis là » répondit une adolescente. Je suis entrée dans le magasin. Je portais un vêtement Zinacantec de 1969, souvenir d’une de mes précédentes recherches dans le cadre d’un projet de l’université d’Harvard à Chiapas. Les filles qui s’occupaient du magasin me regardèrent fixement, ne sachant que penser de moi. La façon dont j’étais habillée – une longue jupe bleue de coton tissé, un simple chemisier de coton blanc, et un châle tissé à rayures rouges et blanches – n’avait plus aucun rapport avec ce qu’elles vendaient dans le magasin, ni avec ce que les "gringas" portaient actuellement, ni même avec les vêtements des fillettes Zinacantec.
Un arc-en-ciel d’acrylique de broderies fantaisie et d’ourlets décorés, déferlait des poutres et des portants, scintillant de couleurs vives presque fluorescentes. Il s’agissait principalement d’articles spécifiquement destinés aux touristes. Lors de mon dernier séjour à Nabenchauk, les seuls tissages qu’elles acceptaient de vendre aux touristes étaient les tissages présentant des défauts. Toutefois, ce qui m’étonna encore plus que ce que les Zinacantecs vendaient aux touristes, c’était la façon dont ils étaient vêtus eux-mêmes. A mon chemisier de coton blanc à fine couture violette avaient succédé des tissages débordant de motifs géométriques ou figuratifs.
Vingt ans plus tôt, le tissage et la fabrication des tissus, tout comme l’agriculture, étaient les seules ressources des Zinacantecs. Depuis notre départ en 1970, leurs moyens de subsistance s’étaient clairement étendus au tourisme. La construction de magasins et de maisons au bord de la route, plutôt que dans la vallée protectrice, était un phénomène nouveau. Cela symbolisait l’essor du tourisme inhérent au développement du monde hispanophone et de l’économie mexicaine.
Nous étions là pour étudier les répercussions du développement de l’entreprenariat sur le tissage au cours des deux dernières décennies: pas seulement sur le tissage en lui-même mais également sur la façon de l’enseigner et de le transmettre. Etant donné que l’entreprenariat nécessite et favorise l’innovation,
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autant en terme de pratique qu’en terme d’état d’esprit, je présageais que cette tendance à l’innovation et la créativité s’étendrait aux techniques de tissage.
J’avais à présent la confirmation de mes prévisions. Vingt ans plus tôt, tous les vêtements, qu’ils soient destinés aux plus jeunes enfants ou aux adultes, correspondaient à un choix restreint à quatre modèles. Je constatais en effet l’innovation et la créativité que j’avais anticipées, mais la variété et la sophistication du tissage et des broderies dépassaient largement mon imagination. Je demandais ce qui était le mieux, l’ancien ou le nouveau ? « Le nouveau » était la réponse que l’on me donnait à chaque fois.
L’objectif de nos recherches était de faire le lien entre les modifications des ouvrages tissés et les modifications de l’apprentissage du tissage. En 1970, j’avais étudié une vidéo des différentes étapes de l’apprentissage de 14 fillettes. Notre analyse de cette vidéo nous montra que la transmission soigneusement encadrée par les mères renforçait l’adhésion et la continuité des modèles basiques de tissages – une continuité culturelle. A présent, nous avions besoin de trouver et d’étudier les filles de nos précédentes apprenantes pour voir comment elles-mêmes enseignaient le tissage dans ce nouvel environnement, plus commercial et industriel.
Nous pensions que l’apprenante deviendrait plus indépendante et plus expérimentée dans le processus d’apprentissage. Nos hypothèses ont été confirmées : les filles, les nièces, les filleules des participantes de notre précédente recherche datant de deux décennies auparavant enseignaient en effet le tissage de façon beaucoup mois directive que les précédentes générations, et davantage en suivant une méthode par essais et erreurs. En outre, le passage à un mode d’apprentissage plus autonome se concentrait particulièrement dans les familles au sein desquelles mères et filles étaient plus impliquées dans le commerce textile – dans des activités comme la vente de serviettes aux étrangers (serviettes de bain, serviettes de table, et sets de tables). Le développement économique s’était effectué de manière inégale au sein de la communauté, et dans les familles aux activités traditionnelles encore centrées sur l’agriculture et la subsistance, le mode d’apprentissage était similaire à celui qui se pratiquait en 1970.
Cependant, la culture traditionnelle ne s’était pas seulement transformée, elle avait aussi survécu. Comment, me demandais-je, cette tradition du tissage avait-elle pu se maintenir au cours des siècles ? J’ai trouvé la réponse dans la socialisation et le développement de l’enfant.
La tradition du tissage sur métier à tisser à dossière s’est solidement maintenue au cours des siècles à Zinacantan car le corps et l’esprit des fillettes Zinacantan sont préparés au tissage dès la naissance. A la naissance, une fillette Zinacantec Maya se voit remettre, lors d’un rituel, une baguette à tisser. Quelques années après, elle s’exerce à s’agenouiller, position du tissage, puisqu’elle est à genoux à côté de sa mère devant le foyer. Plus tard, jouer à tisser sur un métier à tisser factice lui permettra progressivement d’acquérir les concepts et les techniques manuelles nécessaires au "vrai" tissage. Cet établissement progressif des mécanismes de transmission culturelle a favorisé la survie culturelle du tissage sur métier à tisser à dossière, même s’il s’est adapté aux nouvelles conditions économiques. Toutefois, les évolutions qui ont eu lieu dans les montagnes Chiapas auraient pu amoindrir l’ubiquité et la place centrale du tissage sur métier à tisser à dossière pour les fillettes grandissant à Nabenchauk.
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En effet, dans certaines communautés Maya voisines, comme les Chenalho et les Mitontik, le tissage n’est plus une activité incontournable chez les filles. Ces communautés ont un enseignement bilingue (Espagnol-Tzotzil ou Espagnol-Tseltal) à l’école, prodigué par des professeurs locaux et ont un fort taux de scolarité féminine. A Nabenchauk, au contraire, tous les professeurs sont originaires de pays latins étrangers (de langue espagnole parlant Mexicain) et il n’y a pas d’enseignement bilingue, tous les cours se déroulent en espagnol et la plupart des filles ne vont pas à l’école.
A Mitontik, les recherches de Zambrano montrent que les filles veulent devenir enseignantes, et non tisseuses. A Nabenchauk, toutefois, la différence ethnique entre les enseignants latinos et les familles Zinacantec fait que les enseignants n’incarnent pas un modèle pour leurs élèves. Quelques jeunes tisseuses Nabenchauk nous ont dit avoir quitté l’école pour tisser, suivant ainsi les pas de leurs mères plutôt que ceux de leurs enseignants. Selon les dires d’une enseignante Maya bilingue, Elias Perez Perez, « les enseignants unilingues ne pénètrent pas dans le monde des élèves et de leurs familles. »
Si l’enseignement bilingue effectué par des enseignants locaux, particulièrement par des enseignantes, arrive à Nabenchauk, je prédis que l’école commencera à remplacer les expériences de socialisation qui permettent au tissage sur métier à tisser à dossière de se perpétuer depuis des millénaires. Au bout du compte, l’enseignement bilingue et les enseignants parlant Tzotzil ont le pouvoir de briser la chaîne de la transmission universelle du tissage sur métier à tisser à dossière à Nabenchauk. Patricia Marks Greenfield a obtenu son doctorat à l’Université d’Harvard et est actuellement professeur de psychologie à l’Université de Californie – Los Angeles où elle est membre du groupe de développement et dirige le Children’s Digital Media Center. Ses recherches sur les Chiapas est le sujet de son dernier livre, Weaving Generations Together : Evolving Creativity in the Maya of Chiapas, publié par Creativity in the Maya of Chiapas. Le livre est traduit en Tzotzil et en Espagnol par the Sna Jtz’ibajom Maya writers cooperative à Chiapas.
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Annexe 2 (p.8-43) : - Entretiens
Entretien d’Antoine (p.8-18). Entretien de Béatrice (p.19-31). Entretien de Charles (p.32-40).
- Tableaux où figurent le contenu du corpus détaillé par thèmes, sous-thèmes et sous sous-thèmes ainsi qu’un référencement par numéro de ligne.
Grille de l’entretien d’Antoine (p.41). Grille de l’entretien de Béatrice (p.42). Grille de l’entretien de Charles (p.43).
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ENTRETIEN ANTOINE 1 2 AS : Alors euh donc toi A. tu es euh …animateur de cyber-base 3 A : ouais 4 AS : depuis euh 3 ans 2 ans et demi bientôt 3 ans ? 5 A : euh… 3 ans et demi 6 AS : 3 ans et demi et avant j’ crois qu’ t’étais formateur 7 A : avant j’étais formateur 8 AS : et donc là j’aimerais bien que tu me euh, que tu me parles un peu de euh 9 de ton travail euh d’animateur au sein de cet espace public numérique tout 10 simplement 11 A : alors très différent de c’ que j’ faisais auparavant parce que auparavant 12 j’intervenais en entreprise donc j’avais surtout des contacts y’avait toute une 13 partie de contacts préliminaires pour mettre en place la formation donc évaluer les 14 acquis des candidats stagiaires définir des objectifs et… construire un contenu de 15 formation en fonction… les formations qui étaient mises en place étaient des 16 formations de au minimum un jour voire deux jours ou trois jours et puis 17 essentiellement sur des outils de bureautique ici c’est… très différent puisque les 18 ateliers qu’on met en place sont des ateliers de deux heures et qu’on a une 19 approche de l’utilisation de l’informatique qui est plus… ludique et… Word, 20 Excel, ça on connaît pas hein on fait du mailing, on fait on surfe sur Internet enfin 21 bon voilà c’est essentiellement ça 22 AS : euh qu’est ce que tu entends par ludique alors ? 23 A : … essentiellement c’ qui est multimédia la photo la vidéo la vidéo le son 24 donc… plein d’ domaines que j’connaissais pas et que j’ai que que j’ai découvert 25 AS : que tu as découvert euh… 26 A : ben euh… 27 AS : en faisant les ateliers ? 28 A : en faisant les ateliers oui oui 29 AS : d’accord et euh ben j’sais pas est ce que tu pourrais me me décrire un 30 p’tit peu comment se passe un atelier comme ça 31 A : alors en atelier y’a un thème qu’est défini au départ sur lequel les gens 32 s’inscrivent sans trop savoir c’qui vont rencontrer et sans trop savoir euh non plus 33 pour reprendre le schéma que j’ai pris tout à l’heure c’est à dire de vérifier les 34 acquis non… en général on a souvent des gens qui viennent et qui n’ont pas les 35 pré-requis donc y faut s’débrouiller avec euh avec c’qu’on a et euh… même si j’ai 36 dans la tête un un cheminement et un contenu de formation …un plan un plan de 37 déroulement de de l’activité c’est jamais suivi je suis plus dans le euh… dans 38 l’improvisation le plus souvent que dans le euh le le (ça tourne ? ouais ) donc 39 j’suis plus souvent dans l’improvisation en fonction des demandes en fonction 40 des de la façon dont les gens réagissent si ils percutent ou si ils percutent pas j’ai 41 pas de euh j’ai pas un plan bien euh c’est pas rigide quoi c’est plutôt souple c’est 42 plus à l’intuition et à l’improvisation qu’à euh… grand un petit un voilà c’est 43 c’est plus au feeling 44 AS : c’est au feeling… et tes ateliers sont… donc là tu me décris un atelier un 45 atelier il est le même d’un jour sur l’autre ? 46 A : ah non c’est à chaque fois différent y’a y’a un fil rouge qu’est à peu près le 47 même mais en fonction des gens qui sont là c’est à chaque fois différent on part 48 sur des pistes différentes on exploite des pistes différentes les questions sont 49 différentes les attentes sont différentes donc c’est à chaque fois différent euh… on 50 a euh j’sais pas on a p’têtre euh… on programme chaque mois une quinzaine ou 51
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une vingtaine d’ateliers qui sont répartis sur les trois sites puisqu’ici y’a trois 52 sites… euh… certains ateliers sont donnés dans deux sites avec des dates 53 différentes et on a j’sais pas cent depuis qu’on anime des ateliers on doit avoir une 54 centaine d’ateliers euh…à notre actif dans notre éventail dans notre catalogue 55 AS : ouais 56 (Silence) 57 AS : donc tu veux dire cent ateliers euh…cent ateliers au niveau des thèmes, 58 différents au niveau des thèmes 59 A : oui 60 AS : une centaine de thèmes différents et euh…sur un même thème par 61 exemple un atelier sur lequel t’aurais mis exactement le même thème 62 A : le même atelier ? 63 AS : ouais le même atelier que tu vas faire puisque tu m’as dit que t’avais 64 différents sites euh c’est c’est c’est c’est pareil ou ou comment c’est ? 65 A : c’est pareil…non… c’est c’est c’est… si on prend un exemple par exemple 66 faire un diaporama avec Windows Movie Maker voilà donc euh euh y’a un 67 passage obligatoire c’est pour ne pas trop se perdre tout le monde travaille avec 68 les mêmes photos que nous fournissons et avec une bande son qu’on fournit aussi 69 mais en fonction des gens qui vont être là il va falloir passer plus de temps sur les 70 transitions entre les diapos sur ce que c’est qu’un générique de début ou un 71 générique de fin, comment le construire euh choisir les polices qui vont bien euh 72 donner des règles générales sur le… de construction d’un diaporama pour qu’il 73 soit agréable à regarder et pas seulement s’faire plaisir à le faire c’est important de 74 s’faire plaisir à le faire mais faut qu’il soit regardable et ça ça varie en fonction de 75 chaque public on a euh les groupes ici vont de euh entre 2 et 5 personnes parce 76 qu’ on a 5 postes et euh le rythme de l'atelier est différent les questions à chaque 77 fois sont différentes on va passer plus de temps sur un point que sur un autre on 78 va pas forcément arriver au bout du plan théorique prévu au départ et ça c’est 79 c’est c’est pas gênant 80 (Silence) 81 AS : et quant tu dis que tu as que vous travaillez sur différents sites y’a… y’a 82 des différences par rapport à ça ? 83 A : y’a alors y’a trois implantations différentes et ça recoupe à peu près la 84 population de chaque village ici M. c’est à peu près 5000 habitants et on a 2 85 implantations dans des villages qui sont beaucoup plus petits 250 habitants donc 86 on y va moins souvent et c’est également beaucoup moins fréquenté euh la pop on 87 pourrait penser que la population vu l’environnement euh dans les 2 petits villages 88 pourrait être essentiellement agricole et en fait quand on regarde le profil socio 89 professionnel des adhérents on a p’têtre euh 1 % d’agriculteurs en tout et pour tout 90 AS : ouais 91 A : et les gens qui viennent ici ils viennent à M. et ils viennent à M. pour la 92 cyberbase mais ils en profitent aussi pour par exemple faire des courses c’qui ne 93 se passe pas dans les dans dans les 2 autres villages où les gens viennent 94 vraiment spécialement pour la cyberbase ils viennent pas faire autre chose 95 parc’qu’il y a dans ces villages là à part la cyberbase l’église la mairie le cimetière 96 y a y a rien 97 AS : et ces gens… ces gens qui viennent pour la cyber-base c’est toujours les 98 mêmes ou ça tourne ? 99 A : on est à peu près à 600 adhérents et sur les 600 y a un roulement euh d’une 100 cinquantaine de personnes et c’est c’est cinquante personnes glissantes 101 AS : mm 102
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A : On va en voir cinquante pendant un an puis au bout d’un an ils seront à peu 103 près autonomes donc on les verra plus mais ils s’ront remplacés par au fil de l’eau 104 par 50 autres 105 AS : d’accord et euh tu parlais du du public tout à l’heure donc le public euh 106 tu pourrais m’en dire un peu plus sur le public qui qui vient… qui vient aux 107 ateliers ? 108 A : 60 % des retraités donc des gens qui arrivent à l’informatique euh sans même 109 savoir comment on tient la souris et qui viennent parce que ils veulent pouvoir se 110 servir de leur boîte aux lettres euh envoyer des courriers recevoir euh mettre des 111 pièces jointes échanger des photos discuter avec les petits enfants ou les enfants 112 qui sont euh de l’autre côté de la France ou euh aux Etats Unis ou ailleurs et donc 113 ça c’est plus l’aspect euh… ‘fin c’est nous on utilise pas MSN on utilise Skype… 114 AS : mm 115 A : …qui est un logiciel de chat et d’vidéos donc la motivation de départ c’est 116 surtout surtout pour échanger avec les membres de la famille 117 AS : d’accord 118 A : et on essaye de les attirer vers autre chose le fait par exemple de de vouloir de 119 pouvoir envoyer des photos à ses p’tits enfants ça amène à faire des ateliers 120 photos voir comment on peut retoucher une photo comment on peut la la 121 redimensionner pour pouvoir envoyer plusieurs photos comment on peut faire un 122 diaporama, comment on peut envoyer un gros fichier euh vidéo par exemple euh 123 donc on on on aborde des thèmes qui sont un peu plus techniques mais qui sont 124 tirés par la motivation de départ 125 AS : y a toujours… cette… tu rencontres cette motivation de départ 126 fréquemment ? 127 AS : oh les gens viennent essentiellement 90% c’est euh correspondre avec les 128 gens qui sont qui sont éloignés 129 AS : d’accord 130 A : y a très très peu de gens qui viennent euh pour faire de la bureautique euh pour 131 faire de l’administration la e-administration euh voilà c’est ça c’est surfer sur 132 Internet aussi 133 AS : mm 134 A : ça c’est important oui, voir euh les gens viennent avec euh déjà des activités 135 des hobbies des passions des passe temps et ils veulent voir c’que l’informatique 136 peut leur apporter 137 AS : d’accord 138 A : l’informatique oui Internet 139 AS : oui 140 A : l’informatique se ramène à Internet 141 AS : et toi et toi là dedans comment tu… comment tu les… comment tu le… 142 tu le gères tout ça ? 143 A : alors ça ça dépend chaque chaque cas est est particulier euh y a des gens ils 144 viennent tous avec pas mal d’appréhension euh ils ont tous peur de casser 145 l’ordinateur euh ils ont tous peur de faire des bêtises donc ils sont immédiatement 146 rassurés parce que ici ils savent que c’est l’ordinateur sur lequel ils vont travailler 147 ils peuvent faire c’qu’ils veulent dessus c’est c’est pas gênant c’est pas le leur le 148 y a souvent des gens qui viennent avec euh en ayant déjà un ordinateur à la 149 maison euh mais auquel ils osent pas euh accéder ou euh y a un fils euh une fille 150 euh qui qui s’en servent aussi et qui leur interdit entre guillemet de s’en servir 151 parce que ils vont tout casser ils vont faire des bêtises donc euh le la première 152
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démarche c’est c’est une mise en confiance par rapport à l’outil montrer que un 153 clavier une souris c’est c’est facile à s’en servir et qu’y a plus une euh la première 154 chose c’est de rassurer par rapport au fait que euh c’est une machine comme une 155 autre et que euh c’est très difficile à casser 156 AS : quand tu dis que tu les rassures comment comment tu fais ? 157 A : ben je ils ont des appréhensions ils ils pensent qu’ils vont pas réussir qu’ils 158 vont pas savoir euh qu’ils vont qu’ils vont faire que des bêtises donc euh la 159 première chose c’est c’est d’ les rassurer par rapport à ça donc de leur montrer 160 que euh la souris y a un clic gauche un clic droit que c’est qu’on qu’on obtient 161 facilement des résultats 162 AS : et après ça… 163 A : et après ça coule après ils viennent euh ils ont ils ont y a plus de souci avec ça 164 ils ont d’autres préoccupations mais qui sont d’autres questions mais qui… le 165 stade de l’appréhension est est passé 166 AS : d’accord 167 168 A : et souvent même les gens qui viennent euh sans ayant sans sans avoir un ordi 169 à la maison euh ils en achètent un euh assez rapidement en général ils y ils passent 170 assez vite à l’achat 171 AS : ils continuent à venir quand même ? 172 A : et ils continuent à venir alors quand ils achètent un portable ils viennent avec 173 leur portable 174 AS : mm 175 A : euh souvent on les conseille dans l’achat du portable pour qu’ils aient un un 176 outil qui corresponde à leur à leur budget et à leur à leur usage pour pas qu’ils 177 s’embarquent dans des achats euh surdimensionnés et après ils viennent avec leur 178 ordi et oui ils ont leur euh ils ils prennent leur chemin ils utilisent ils ont une 179 utilisation qui va être appropriée une des difficultés de départ c’est de euh c’est le 180 l’énorme éventail euh de choses possibles à faire donc euh plutôt que d’ partir euh 181 en disant ben un ordinateur ça peut faire ça ça ça et ça, ss ça ouvrirait des des 182 ch’mins dont ils n’ont pas besoin de dont ils ne vont pas se servir donc on part 183 plutôt de ce de leur besoin de départ 184 AS : mm 185 A : et on exploite ces besoins en tirant vers euh des thèmes qu’ils ne pouvaient pas 186 soupçonner puisqu’ils ils ne savent pas que ça existe que c’est possible 187 AS : et ces thèmes comment ils… comment ils ressortent finalement 188 comment ils… 189 A : comment comment ça fleuri ? 190 AS : exactement 191 A : euh… … euh y a une certaine logique euh…les gens qui viennent par exemple 192 pour surfer sur internet ils savent pas c’que c’est qu’un favori ou un marque page 193 euh ils savent pas c’que c’est qu’un onglet ils savent pas c’que c’est que le clic 194 gauche et le clic droit donc ils veulent juste chercher des infos qui correspondent 195 le plus souvent à une passion qu’ils ont déjà euh si ils sont membre d’une 196 association ils vont chercher des des éléments concernant l’activité de cette 197 association 198 AS : mm 199 A : mais euh ils découvrent au fur et à mesure les des choses qui vont faciliter 200 leurs recherches comme l’utilisation des onglets par exemple mais c’est 201 quelqu’chose qui qui s’met en place j’dirais de façon naturelle au départ ça s’ fait 202
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de façon grossi grossière simple euh et on découvre que y a des choses qui vont 203 faciliter la vie donc c’est ce p’tit plus ou cette cette évolution dans le dans la 204 maîtrise de l’outil elle se fait euh naturellement au fil de l’eau 205 AS : d’accord 206 A : on n’a pas de euh on a pas un plan précis prévu à l’avance c’est quel’chose qui 207 se fait au jour le jour soit dans le cadre des euh des ateliers soit dans le cadre de la 208 mise à disposition du du matériel puisqu’y a toujours un animateur qui est présent 209 en dehors du cadre de l’atelier donc d’un d’un objectif plus ou moins défini euh 210 quand les gens viennent et qu’ils rencontrent une difficulté euh dans le cadre de la 211 consultation en ligne bon y a toujours un animateur qui est présent et qui répond 212 donc y a des mini ateliers en quelque sorte ou des mini formations bien que le 213 terme de formation soit pas vraiment approprié y a des mini informations qui 214 s’mettent en place en fonction des demandes et on oriente aussi pour faire 215 découvrir des choses quand on constate par exemple que euh dans le navigateur la 216 gestion des onglets est pas en place on fait découvrir ça ou la gestion des favoris 217 c’est queq’chose qui euh qu’on fait découvrir en construisant petit à petit 218 AS : d’accord que tu aurais… dont tu aurais euh décelé euh l’intérêt quelque 219 part 220 A : alors y a au départ euh on va dire des des préjugés ou des pou des 221 présomptions d'utilité sur la gestion des onglets dans le navigateur par exemple 222 euh qui nous qui me font penser que euh c’est plus pratique de gérer plusieurs 223 onglets que de revenir euh sur le sur la recherche qu’on a faite précédemment ou 224 de fermer le navigateur puis de le relancer puis de faire sa recherche donc on a des 225 on a des au sujet des connaissances ou des compétences techniques qui nous 226 laissent penser que ce serait intéressant de les transmettre on les montre certains 227 s’en servent certains ne s’en servent pas d’une façon générale c’qu’on montre est 228 assez bien exploité 229 AS : d’accord euh de quelle façon euh de quelle façon tu montres en général 230 comment comment ça ç… 231 A : y a une une faç… enfin on part de c’que les gens font et puis on montre une 232 autre façon d’faire qu’on estime nous plus rapide plus efficace plus propre on leur 233 montre ils s’l’approprient ils essayent de l’approprier et puis euh ou ils 234 l’approprient pas mais en général ils l’approprient puisque c’qu’on montre est 235 mm…un peu plus pertinent en terme d’efficacité que c’qu’ils font de façon 236 immédiate 237 AS : d’accord donc certains s’l’approprient d’autres pas ça tient ça tient à 238 quoi ça ? 239 A : alors … 240 AS : selon toi ? 241 A : y a y a y a plusieurs choses euh les gens qui viennent sont des gens qui aiment 242 bien avoir des habitudes euh assises et changer d’habitudes changer de navigateur 243 par exemple pourtant c’est euh y a très peu de différences dans le surf d’un 244 navigateur à un autre changer de navigateur c’est c’est pas évident euh donc y en 245 a qui vont rester à leurs habitudes qui ne vont pas vouloir changer d’habitudes 246 parce qu’ils sont ils ont un sentiment de confort dans ce qu’ils font et c’qui en fait 247 c’est c’qui est le plus important hein c’est qu’ils soient à l’aise dans c’qu’ils font 248 même si c’est pas le de notre point de vue technique si c’est pas le le plus 249 pertinent c’qui est important c’est que eux soient confortables et soient à l’aise et 250 arrivent à faire c’qu’ils veulent faire 251 AS : mm 252
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A : y a pas de euh… enfin je cherche pas à à plaquer c’que je fais moi et que je 253 juge efficace sur c’qu’ils font eux c’qui est important c’est qu’ils arrivent à faire 254 c’qu’ils font peu importe le chemin qu’ils prennent 255 AS : mm 256 A : alors ça c’est un premier aspect puis y a un deuxième aspect où là j’suis je 257 m’avoue franchement démuni vu le public qu’on a des gens qui sont souvent âgés 258 c’est des problèmes de de cognition donc euh quand je montre une fois deux fois 259 trois fois quatre fois et qu’au bout de quatre fois dans une démarche simple un un 260 processus ou un protocole simple en deux ou trois étapes quand la personne 261 bloque à la cinquième présentation ou démonstration bloque sur la deuxième 262 étape j’suis confronté là à des problèmes de de de de cognition et j’ai pas de de 263 j’suis démuni j’ai pas d’outils pour 264 AS : mm 265 A : j’pense que personne n’en a d’ailleurs (rires) pour pour aller au delà 266 AS : alors qu’est ce qu’y c’passe dans ces cas là ? 267 268 A : euh, soit la personne reste dans dans son habitude pourvu qu’elle qu’elle soit 269 satisfaite et qu’elle arrive à obtenir c’qu ‘elle veut 270 AS : mm 271 A : le p… le… c’qui est important c’est ça encore une fois c’est qu ‘elle puisse 272 faire obtenir c’qu’elle veut y a y a certains cas où où le simple fait de de euh 273 s’identifier euh y a des gens qui viennent une fois deux fois trois fois quatre fois et 274 à chaque fois il faut leur montrer comment on fait pour s’identifier donc 275 s’identifier c’est vraiment un processus simple on tape son identifiant et on tape 276 un mot de passe donc euh la personne en général soigneusement prend un cahier 277 note son identifiant note son mot de passe donc pour cette séance là ça va elle sait 278 où est son identifiant et son mot de passe et puis la fois suivante elle revient elle a 279 toujours son cahier mais son cahier n’lui est d’aucun secours puisqu’elle ne sait 280 pas où elle doit aller chercher pour trouver ce processus ou ce protocole 281 d’identification 282 AS : mm 283 A : donc il faut lui remontrer donc elle le renote souvent une deuxième fois et à 284 partir de là y a un moment où elle se décourage mais j’pense que pour elle c’est 285 queq’chose qui est qui n’est pas une découverte c’est pas par rapport à l’outil la 286 personne sait qu ‘elle a des problèmes de de mémoire et donc ses problèmes de 287 mémoire elle y est confrontée euh au quotidien et elle rencontre ces difficultés là 288 dans l’utilisation de l’ordinateur la solution à ses problèmes de mémoire ou de 289 cognition elle elle les trouvera pas ici faudra qu’elle fasse un autre travail si elle 290 veut le faire 291 AS : mm…. Et alors euh elle continue ou… 292 A : en général non 293 AS : non 294 A : en général elle s’arrête 295 AS : d’accord 296 A : de temps en temps elle passe nous faire un coucou, mais c’est ça ça en reste là 297 AS : d’accord donc là c’est c’est dans ce… c’est à ce niveau là que tu estimais 298 que tu étais démuni parce que… 299 A : oui j’pense puis à moins d’avoir des… à moins de… d’avoir une approche 300 euh thérapeutique 301 302
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AS : mm 303 A : euh et j’pense que… euh enfin j’suis sûr de pas avoir les compétences pour ça 304 puis j’pense non plus aussi qu’c’est pas le lieu qu’c’est pas l’endroit 305 AS : ouais mais est ce que c’est euh… est ce que c’est euh la majorité des 306 gens… 307 A : non c’est… 308 AS : non 309 A : exceptionnel 310 AS : c’est exceptionnel 311 A : c’est exceptionnel 312 AS : ouais 313 A : mais ça arrive et ça m’désole un peu de pas pouvoir faire quelque chose pour 314 eux quoi (rires) 315 AS : ouais…ouais et j’imagine que t’as essayé différents… enfin t’as… t’as 316 exploré différentes voies euh… 317 A: euh on a exp… j’ai exploré différentes pistes oui mais y en a euh jusqu’à 318 présent j’en ai pas trouvé qui …qui fonctionnent… 319 AS : …ouais et euh mais c’est quand même assez euh assez… 320 A : oui ça ça concerne peu de personnes 321 AS: ouais 322 A : et j’pense que les personnes qui sont concernées savent qu’elles viennent déjà 323 avec des problèmes de mémoire donc elles elles sont peu être déçues de pas 324 pouvoir se servir euh de pas arriver à leurs fins c’est à dire euh se servir de 325 l’ordinateur avec les buts qu ‘elles s’étaient données mais j’pense d’un autre coté 326 qu’elles ne sont pas surprises de de… du manque ou de l’absence de résultats 327 AS : mm et euh mais les les gens qui viennent en général euh c’est pas ce… 328 ça leur pose… ça leur pose problème euh cette euh cette machine ou…. 329 A : euh dans ceux qui ont des soucis de mémoire ou pour les autres ? 330 AS : non pour… 331 A : oh non à part pour la phase d’appréhension 332 AS : ouais mm 333 A : de départ de j’vais tout casser j’vais pas savoir faire et une fois qu’ils sont 334 rassurés par rapport à ça euh ça …ça roule 335 AS : ça roule 336 A : ça roule sans difficultés 337 AS : ça roule et euh ils viennent en ateliers et… 338 A : y a ceux qui aiment bien venir en atelier parce que c’est un moment de groupe 339 un moment de partage un moment d’échange et y a ceux aussi qui aiment bien 340 venir euh dans les euh dans les moments de de consultations libres parce qu’ils 341 savent qu’ils vont avoir un animateur pour eux tous seuls 342 AS : d’accord 343 A : alors y a parfois des des télescopages quand il y a 2 personnes ou 3 personnes 344 qui viennent au même moment c’est difficile de se partager en 2 ou 3 personnes 345 surtout qu’c’est souvent sur des questions ou des problématiques différentes donc 346 euh je c’est pas toujours facile de de de jongler donc c’que j’fais moi c’est que 347 quand j’ai euh des personnes comme ça qui viennent avec une une probl… une 348 question particulière et qui ne veulent pour lesquels y a pas d’ateliers prévus dans 349 l’immédiat ou même qui n’existe pas je leur demande de passer un p’tit coup de 350 fil avant de venir pour vérifier si y a une disponibilité 351 AS : mm 352
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A : et on convient d’un rendez vous donc on fait un m un mini atelier personnalisé 353 en général c’est des questions qui sont traitées en un quart d’heure vingt minute 354 c’est .. 355 AS : ouais 356 A : c’est réglé 357 AS : donc euh c’est une grande… ça nécessite quand même une adaptation 358 de ta part non ? 359 A : oui mm bon disons que y a c’est souvent récurent c’est souvent un peu le 360 même genre de problèmes donc les réponses y sont déjà euh après le… 361 l’adaptation elle se fait dans l’échange avec la personne euh savoir euh c’qu’elle 362 veut essayer de bien comprendre c’qu’elle veut exactement faire pour trouver les 363 outils qui vont ou les réponses qui vont correspondre euh s’adapter à sa vitesse de 364 euh de compréhension bien vérifier qu ‘elle euh qu’elle a compris c’est euh 365 chaque chaque cas est un cas particulier les outils qui y répondent sont toujours 366 les mêmes en revanche c’est la façon de les présenter euh et de les adapter à la 367 demande euh qui a été faite 368 AS : d’accord et ça te ça te pose pas de problèmes à toi euh 369 A : non 370 AS : cette euh ce ce… cette nécessité de euh d’avoir quelque chose 371 d’identique pour tout le monde mais en même temps euh de de savoir que 372 chaque cas est particulier comme tu disais quand tu dis que chaque cas est 373 particulier qu’est ce que euh qu’est ce qui cache là derrière qu’est ce que ça 374 veut dire ? 375 A : ben chaque cas est particulier parce que chacun vient avec euh alors euh 376 c’qu’elle a déjà acquis c’qu’elle veut faire euh sa faculté de compréhension euh… 377 et donc en fonction de de ces paramètres là il faut adapter non pas l’outil mais sa 378 présentation à la personne mais ça c’fait euh je pense ça se fait assez 379 naturellement 380 AS : mm 381 A : y a pas de …non y a pas de problèmes particuliers à ça 382 AS : y a pas de problèmes… 383 A : non … non … non enfin pour moi en tout cas (rires) euh je l’fais un peu 384 comme les ateliers je’l fais toujours dans le euh dans dans l’improvisation et en 385 plus je j’ai je pense avoir suffisamment de enfin non je pense pas je suis sûr… 386 AS : (rires) 387 A : par rapport au niveau des gens qui viennent j’ai suffisamment de bagages 388 techniques et de connaissances et de compétences pour pouvoir répondre à peu 389 près à n’importe quelle demande et quand je l’ai pas euh je trouve toujours le 390 moyen d’avoir le p’tit temps d’avance qui va me permettre de faire la recherche 391 de l’outil ou de la réponse appropriée à la demande donc par exemple si y a une 392 question particulière à laquelle j’n’ai pas la réponse euh j’vais donner un petit 393 exercice sur lequel la personne va pouvoir travailler un moment c’qui va me 394 donner à moi le temps de chercher la réponse ou l’outil qui va répondre à la 395 question euh pour pouvoir le présenter ensuite 396 AS : d’accord 397 A : mais ça c’est parce que euh le… enfin moi il me semble enfin non y me 398 semble pas je suis sur que l’animateur doit toujours avoir au moins un temps 399 d’avance par rapport à la question qui est posée si possible même essayer de 400 prévoir la question 401 AS : mm 402
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A : pour avoir toujours le le… la faculté d’anticiper sur c’qui va se passer comme 403 les gens qui viennent sont des gens qui sont franchement débutants euh on j’ai 404 toujours le temps ou les temps d’avance qui me permettent de de répondre à la 405 question sans buter sur une sur une question d’ordre technique on va dire 406 AS : ok oui le coté technique n’est finalement pas le… pas le problème alors 407 A : dans l’animation non le le le la technique n’est pas le problème la technique le 408 le le problème qui peut éventuellement s’poser c’est de c’est de trouver la bonne 409 formulation les mots qui vont bien enfin les mots qui vont être entendus et 410 compris euh pour répondre à la question donc euh y a parfois des … la nécessité 411 de d’abord faire reformuler la question euh pour être bien certain d’avoir 412 compris le le le sens de la question 413 AS : mm 414 A : ou l’objet de la question et puis aussi souvent la nécessité de reformuler la 415 réponse en en en changeant les mots pour que la personne comprenne c’qui c’que 416 j’dis 417 AS : oui et cette reformulation euh elle va être euh …différente ou…euh 418 A : oui parce que si euh si si je donne une explication qui n’est pas comprise euh 419 c’est moi je considère que c’est pas parce que euh …la personne n’as pas compris 420 c’est parce que l’explication ne correspond pas à ce qu’elle peut entendre 421 AS : mm 422 A : ou à ce qu ‘elle peut comprendre donc mon problème enfin si c’est un 423 problème euh… c’que je dois faire c’est de reformuler en utilisant des mots 424 différents en en en prenant une approche différente pour que la personne entende 425 comprenne c’que c’que c’que je lui dis 426 AS : et ça en atelier tu… donc en atelier… en groupe tu parviens à le faire ? 427 A : y a bon c’est un c’est un c’est un… c’est assez classique de vérifier à chaque 428 étape que c’est bien compris donc on peut le faire soit en posant la question mais à 429 mon avis en groupe euh est ce que vous avez compris la réponse c’est rarement 430 non puisqu’il y a le phénomène de groupe qui fait que on n’ose pas toujours dire 431 ben non moi j’ai pas compris par contre on peut valider une étape en faisant faire 432 un petit exercice on voit bien si c’est si c’est compris ou si c’est pas compris 433 AS : d’accord c’est euh en faisant faire euh… 434 435 A : a ben de toute façon oui de tout façon c’est en faisant faire. Un atelier ici on 5 436 postes… un atelier c’est 5 personnes 437 AS : ouais 438 A : y a jamais y a jamais de doublon 439 AS : mm 440 A : euh parce que quand y quand on quand y a un doublon c’est il est évident qu e 441 y a une personne qui a le clavier et la souris la personne qui est à coté voit faire 442 l’autre donc elle a l’impression et ça n’est qu’une impression que c’est facile et 443 qu’elle sait faire 444 AS : mm 445 A : mais quand c’est elle qui va se retrouver devant son ordi avec son clavier et sa 446 souris elle ne saura pas faire c’est vraiment un apprentissage par le faire c’est pas 447 un apprentissage de spectateur il faut vraiment réaliser faire fabriquer 448 AS : et à ton avis ça tient à quoi ça ? 449 A : …le fait que quand on voit faire on a l’impression de savoir faire mais que en 450 réalité on ne sait pas faire ? …parce dans dans y euh dans l’apprentissage d’une 451 manipulation y a des étapes euh y a euh dans le le processus est divisé en 452
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plusieurs étapes et qu’il suffit euh de ne pas se souvenir d’une étape ou de l’avoir 453 mal notée pour que la suite du processus échoue donc s’il manque une case dans 454 le processus on est tout de suite euh… 455 AS : mm 456 A : on est tout de suite bloqué 457 AS : et ça en le faisant on échappe à à ce problème… 458 A : et en le pratiquant alors après c’est selon le… la facilité d’apprentissage des 459 personnes y en a qui font une fois et qui savent faire tout de suite 460 AS : ouais 461 A : et y en a qui doivent faire 2 fois ou 3 fois pour que ça se que ça s’imprime 462 AS : ouais 463 A : que ça s’incruste 464 AS : d’accord… c’est euh … 465 A : c’est la manipulation c’est la réalisation c’est le… c’est vraiment dans dans 466 le… et j’pense que c’est c’est c’est partout comme ça j’imagine mal qu’on puisse 467 apprendre à jouer d’un instrument de musique en regardant quelqu’un jouer euh 468 moi j’peux regarder des gens jouer du piano sortir des des morceaux merveilleux 469 mais si c’est pas moi qui joue je saurais pas l’faire 470 AS : mm 471 A : donc c’est moi j’pense que ça passe vraiment par la réalisation et j’pense que 472 c’est partout comme ça 473 AS : même euh même toi dans ton métier ? 474 A : ah oui oui oui moi j’apprends ça c’est fabuleux le le… animateur c’est génial 475 parce que qu’est ce que j’ai appris depuis que je suis animateur c’est 476 extraordinaire 477 AS : quand tu dis que t’as appris t’a appris euh … 478 A : j’ai j’ai découvert plein de choses comme je disais au début de de de notre 479 entretien je moi je viens de de la bureautique en gros de l’informatique appliquée 480 à appliquée en entreprise à du secrétariat ou à d’autres tâches donc quand je suis 481 arrivé ici j’ai découvert des publics différents qui avaient donc forcément des 482 attentes différentes tout ce qui était euh tout ce que j’appelais le multimédia donc 483 la vidéo le son la photo j’connaissais pas du tout donc j’ai du découvrir des choses 484 pour pouvoir les redonner ensuite 485 AS : mm 486 A : puis euh même sur des choses que je pensais connaître déjà par les questions 487 qui viennent par les questions qui sont posées je découvre des choses auxquelles 488 j’avais absolument pas pensé 489 AS : t’as un exemple non en tête ou c’est très très courant ? 490 A : c’est c’est c’est trop courant que j’ai un exemple euh précis 491 AS : ouais… 492 A : ouais et parce que pour arr… pour c’qu’y a de bien en informatique c’est que 493 pour obtenir un résultat y a plusieurs chemins 494 AS : ouais 495 A : et donc euh moi je pense qu’y a pas un bon chemin et d’autres qui sont pas 496 bons ou du moins si si bien sur y a un bon chemin c’est celui qui permet d’arriver 497 au résultat qu’il soit plus court plus long plus tarabiscoté ou autre peu importe 498 euh…on peut utiliser un raccourci clavier on peut euh utiliser le menu peu 499 importe pourvu qu’on arrive à ce à ce qu’on veut faire et ce qui est important pour 500 les gens qui viennent ici c’est d’arriver à faire ce qu’ils veulent faire donc il 501 m’arrive pas tous les jours quoique si presque tous les jours de découvrir un truc 502
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auquel j’avais pas pensé ou euh même souvent c’est les gens qui viennent qui ils 503 ont trouvé quelque chose ils le font et je me dis tiens ben oui ça marche comme ça 504 aussi et voilà 505 AS : ouais 506 A : peu importe le chemin pourvu que le le résultat soit là 507 AS : donc c’est c’est la surprise parfois alors 508 A : ah parfois c’est la surprise ah oui oui oui oui oui oui et ça c’est c’est 509 agréable … animateur et formateur pour ça ça se ça se rejoint bien parce que dans 510 le métier de la formation c’est… peut être en entreprise c’est peut être plus 511 concentré parce qu’on rencontre des groupes souvent nombreux 6 / 8 personnes 512 qui ont leur problématique d’entreprise euh et qui bien souvent ont déjà suivi des 513 formations qui ont leur habitudes de travail donc quand on leur propose un 514 chemin bien souvent la réponse c’est ah oui mais on peut faire comme ça aussi et 515 c’est un donc ça permet d ‘échanger dans le groupe et pour l’animateur c’est 516 extraordinairement enrichissant 517 AS : mm 518 A : parce qu’on découvre plein de choses en dehors de l’aspect purement 519 informatique on découvre des métiers aussi y a des gens qui viennent ici aussi ils 520 viennent avec leur histoire personnelle et c’est souvent le euh mm j’dirais que 521 c’est y a bien sur le prétexte informatique mais y a beaucoup de gens qui viennent 522 aussi pour l’échange pour discuter pour rencontrer des gens pour parler de c’qui 523 ont fait de c’qui vont faire euh parler de leur vie personnelle 524 AS : et ça tu tu penses que c’est c’est une richesse pour le pour 525 l’apprentissage ou… 526 A : c’est un support c’est juste c’est un support c’est une chance ouais 527 AS : mm 528 A : c’est vraiment une chance 529 AS : euh ben j’pense que… est ce tu veux… est ce qu’il y aurait quelque 530 chose dont t’aimerais parler qu’on a pas abordé ou… 531 A : ben non j’crois pas (rires) 532 AS : (rires) bon ben je pense qu’on peut arrêter là 533 A : d’accord 534
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ENTRETIEN BEATRICE 1
2 AS : Bonjour B, toi tu es animatrice de cyber-base depuis trois ans et 3 j’aimerais juste que tu me parles un peu de ton travail d’animateur au sein 4 de cet espace public numérique tout simplement… qu’est ce que tu fais dans 5 ton boulot ? 6 B : alors dans mon boulot au quotidien ben c’est déjà donc animer la cyber-base 7 donc ça passe par euh initier les gens à l’informatique donc ça passe du euh du 8 retraité jusqu’au petit euh jusqu’au gamin qui a cinq ans quoi donc voilà euh donc 9 ça c’est le principal euh c’est la princ… tu vois j’suis nulle hein quand j’suis 10 enregistrée… c’est mon principal travail mais ensuite à côté donc j’ai plein 11 d’autres choses par exemple actuellement j’suis en train de créer le site de la 12 communauté de communes euh donc je suis en train de euh créer un marché 13 public pour euh pour euh refaire l’architecture informatique de la… de la 14 communauté de communes donc voila donc j’ai plusieurs missions voilà 15 AS : d’accord et ta mission alors moi là où j’aimerais qu’on parle… 16 j’aimerais qu’on parle vraiment de ta mission au sein de la cyber-base euh… 17 quel est ton quotidien au sein de la cyber-base quoi 18 B : d’accord donc mon quotidien au sein de la cyber-base… donc déjà faut savoir 19 que j’ai quatre sites donc trois sites plus après une cyber-base mobile donc trois 20 sites qui comprennent la cyber-base de X qui est la principale, la cyber-base de Y 21 qui est à 15 minutes et la cyber-base de Z qui est à une demi-heure voilà donc euh 22 ces trois sites donc en fait ils sont sur trois communautés de communes différentes 23 donc je suis donc ma communauté de communes principale celle où y’a la cyber-24 base de X c'est-à-dire la communauté de communes de W et c’est elle qui me met 25 à disposition donc des deux autres communauté de communes qui sont T et U 26 AS : d’accord 27 B : voilà ensuite j’ai la cyber-base mobile qui elle par contre appartient à W donc 28 c'est-à-dire X les 24 communes de la communauté de communes de W 29 AS : d’accord 30 B : AS : d’accord donc chaque semaine tu pars dans une commune différente 31 B : voilà chaque jeudi après-midi je pars dans une commune différente sachant 32 que j’ai quatre communes pour l’instant, j’ai A j’ai B, j’ai C et j’ai D 33 AS : c’est des petites communes ? 34 B : oui c’est que des petites communes, oui y’a pas d’euh… la plus grosse c’est X 35 sur la W 36 AS : d’accord alors comment donc tu te déplaces tu fais euh tu passes avec 37 tes tes ordinateurs et ben comment ça se passe par exemple une journée, une 38 journée-type ? 39 B : en mobile ? 40 AS : en mobile… ou en mobile ou en fixe ben déjà est ce qu’y a des 41 différences entre la mobile et la fixe au niveau du boulot ? 42 B : ah oui ben largement j’vais dire en mobile y’a trois fois plus de travail étant 43 donné qu’il faut déjà euh charger les ordinateurs dans la voiture qu’ils soient tous 44 prêts déjà qu’ils soient tous euh après ben faut déjà avoir préparé et imprimé tous 45 les ben tous les ateliers parce que moi à chaque atelier je donne un polycopié pour 46 qu’ça soit plus facile pour les gens de suivre ben faut qu’ils soient prêts et puis 47 faut arriver à l’heure parce que bon le temps de tout préparer de charger la voiture 48
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arrivé là bas il faut tout décharger tout installer bon après il faut quand même 49 savoir que les gens y d’aident quoi y a pas de souci dès que t’arrive ils viennent 50 chercher les ordinateurs ils te les installent et tout ensuite on fait l’atelier donc 51 évidemment j’ai pas intérêt à oublier quelque chose parce que sinon il faut repartir 52 à X ou Y des fois 53 AS : d’accord 54 B : alors le plus dur c’est quand on fait l’atelier sur Internet parce qu’comme on 55 dépend de l’Internet de la mairie donc souvent je me branche sur la live box donc 56 c’est pas toujours infaillible quoi donc c’est vrai que des fois y a des coupures des 57 choses comme ça donc là il faut toujours avoir une lettre de secours ou quelque 58 chose pour les faire taper ou leur faire faire quelque chose et ensuite euh donc et 59 be on rerange donc on redémonte tout on recharge tout et arrivée à X il faut tout 60 que je redécharge dans le dans la salle des ordinateurs 61 AS : d’accord les gens qui t’aident euh c’est des gens que tu vois tout le 62 temps ? 63 B : voilà alors en fait les groupes se suivent hein tous les jeudi après midi par 64 exemple à X c’est le même groupe donc ce qui fait que ils se connaissent à la fin 65 euh voilà quoi c’est euh c’est que des gens que je connais oui bien sur 66 AS : ils ils se… c’est un groupe de combien de personnes à peu près ? 67 B : alors étant donné que j’ai 6 ordinateurs euh c’est des groupes de…ça peut aller 68 jusqu’à 10 jusqu’à 10 12 ça dépend euh souvent ils s’mettent par deux ou souvent 69 y’en a qui ont leur portable 70 AS : d’accord…euh tu parlais d’ateliers qu’est ce que c’est tes ateliers ? 71 B : alors les ateliers ben ça peut aller par exemple de découverte de la souris du 72 clavier tout ça et la dernière fois on a fait carrément euh du du photoshop quoi on 73 a été allé je leur ai demandé d’aller chercher deux photos sur Internet un paysage 74 et un bateau ou une personne qui voulaient et on a les a mis dessus et voilà quoi 75 parce que bon y’a un peu de tout après je fais pas non plus trop trop de 76 perfectionnement j’fais vraiment que de l’initiation 77 AS : d’accord 78 B : parce que j’ai très très très peu de demande en perfectionnement quand j’ai du 79 perfectionnement souvent je le fais sur demande et je le fais en cours particulier 80 parce que c’est soit c’est des gens qui cherchent du travail soit c’est des gens qui 81 vont passer des concours et ils ont besoin de ça sinon je le fais euh j’ai pas de 82 demande et les gens y y cherchent pas après le perfectionnement 83 AS : d’accord tu fais tes ateliers sur demande en général 84 B. alors en fait moi je prévois un planning mais souvent les gens me disent « oh 85 j’aurais préféré faire ça » alors dans c’cas là je je me le note et le mois d’après je 86 leur fait toujours euh l’atelier qu’ils ont voulu quoi 87 AS : mm 88 B : parce que quand même faut qu’j’reste à la portée d’tout le monde et à ce qu’ils 89 souhaitent surtout quoi 90 AS : ouais… et euh donc tes ateliers… en mobile et en fixe alors tu disais 91 qu’c’était c’était différent 92 B : ben alors en fixe c’est différent c’est plus facile d’jà parce que bon bé les gens 93 ils arrivent j’connais déjà mon j’connais mes locaux je sais si Internet marche ou 94 pas si y marche pas je sais quoi faire on est toujours plus plus familiarisé avec ses 95 locaux qu’avec ceux d’une mairie ou euh et puis ensuite j’ai toutes mes ressources 96 à côté j’veux dire j’ai mon ordinateur j’ai tout c’qu’y me faut j’ai mon 97
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rétroprojecteur bon après je pourrais le trimballer mais bon c’est quand même pas 98 très pratique dans le coffre mais bon j’ai tout j’ai les imprimantes j’ai tout donc 99 c’est quand même bien plus facile en fixe plutôt qu’en mobile 100 AS : ça c’est au niveau de la logistique et au niveau de la façon dont tu 101 animes est ce qu’y a des différences ou non ? 102 B : non non là par contre c’est pareil non non c’est identique c’est toujours pareil 103 là par contre y a pas de changements particuliers vu qu’y faut juste faut pas grand 104 chose donc c’est plus facile 105 AS : tu dis que c’est toujours pareil c’est à dire que d’un atelier sur l’autre 106 euh ça sera toujours pareil ? 107 B : j’ai toujours le même fonctionnement ouais n’importe quel atelier que ce soit 108 la découverte ou photo shop ça sera toujours le même système déjà le temps que 109 les gens arrivent ça commence jamais avant 10 et quart parce que bon y a toujours 110 des retardataires ou bon c’est partout pareil à mon avis ensuite je commence 111 toujours par déjà leur poser euh savoir ce qu’on va faire parce que eux y savent ce 112 qu’on va faire qu’est ce que c’est par exemple si on fait par exemple Excel je vais 113 leur demander vous savez ce que c’est Excel alors là généralement j’ai un peu de 114 tout quoi leurs réponses ça peut être soit parfait soit bon ben ils sont là pour 115 queq’chose quoi donc euh et après on commence par contre je ne me sers pas du 116 tout du vidéo projecteur alors je sais que beaucoup s’en servent moi jamais c’est à 117 dire que moi je passe à chaque personne à chaque fois que je dis de faire 118 queq’chose je passe à chaque personne pour leur montrer exactement euh voilà 119 pour leur faire pour leur montrer pour leur faire faire et puis voilà après ça après 120 ça découle tout seul après ça 121 AS : d’accord 122 B : ça part tout seul 123 AS : alors qu’est ce qui te gênait dans le vidéo projecteur ? 124 B : et ben de rester assis et de leur dire bon on fait ça maintenant on fait ça moi 125 faut que je bouge faut que j’aille voir les gens voilà 126 AS : et du coup quels sont les retours que t’as par rapport à ça des gens ? 127 B : ben eux ils ont l’air contents parce qu’ils aiment bien qu’on passe à chacun 128 leur montrer quoi ils apprécient généralement plutôt que de voir quelqu’un qui 129 euh je pense qu’ils apprécient (rires) 130 AS : tu penses qu’ils apprécient parce que euh… tu le tu le vois comment du 131 coup ? 132 B : ah parce que je vois souvent ils disent qu’ils sont contents qu’y est quelqu’un 133 qui viennent les voir qui leur montre plutôt que quelqu’un qui continue son cours 134 et voilà quoi 135 AS : c’est à dire que tu peux t’arrêter tu peux t’arrêter 136 B : alors ça je continue jamais tant que quelqu’un n’a pas compris c’qui fait que 137 par exemple quand je fais le tour pour voir et be si tout le monde a bien fait si y en 138 a un qui a pas compris je vais lui remontrer jusqu’à ce qu’il ait compris pendant ce 139 temps forcément les autres attendent 140 AS : mm 141 B : mais bon après ils sont pas là non plus comme je dis ils passent pas le bac à la 142 fin de l’année ils ont leur temps j’ai que des retraités puis généralement quand ils 143 viennent si ça se trouve ils viennent pour 2 heures alors que c’est un atelier 144 qu’avec peut être 3 personnes je f’rais en 1 heure quoi 145 AS : d’accord 146
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B : donc j’prévois toujours plus large pour qu’on ait le temps qu’ils posent leurs 147 questions et que j’ai le temps de montrer à tout le monde et qu’à la fin tout le 148 monde ait compris 149 AS : d’accord 150 B : voilà 151 AS : donc pendant qu’ils attendent ils font quoi ? 152 B : oh ils discutent (rires) 153 AS : ils discutent ils discutent d’informatique ils discutent 154 B : ça dépend (rires) 155 AS : d’accord 156 B : ça peut partir d’informatique comme de cuisine comme d’enfants petits 157 enfants euh ou après beaucoup s’entraident quand même c’est à dire que moi 158 pendant que je s’rais avec quelqu’un donc c’est quand même une grande salle et 159 bé y a un autre au bout de la salle qui va montrer parce qu’il a bien compris et bé 160 il va montrer à son voisin donc des fois quand même ils me simplifient le travail 161 en montrant qu’ils ont bien compris ils vont le faire d’eux même 162 AS : mm 163 B : ça c’est bien 164 AS : donc tu t’appuies un peu sur eux parfois 165 B : oui souvent oui quand même euh ça m’arrive euh quand y a des gens qui ont 166 bien finis ou j’y vais tiens regardez vous pouvez aller aider d’autres personnes si 167 vous voulez et ils y vont ils sont contents c’est à dire après ça crée beaucoup de 168 lien parce que maintenant j’en vois y se voient à coté de la cyber base donc y se ça 169 crée des liens et c’est ça que je recherche aussi quoi 170 AS : d’accord 171 B : que ce soit sympa et que les gens y s’entraident et puis voilà 172 AS : donc c’est tu trouves que c’est sympa dans le sens où les gens ils vont 173 discuter d’autre chose que d’informatique ? 174 B : ouais oui parce que déjà ils discutent d’informatique mais ils discutent 175 d’autres choses oui je trouve ça sympa parce qu’au moins c’est pas la les gens qui 176 restent chacun à leur place oui moi j’aime que ce soit social euh qu’ils se parlent 177 oui bien sur moi j’apprécie ça puis des fois on s’intègre euh ça arrive que des fois 178 et ben quand on a un atelier de 2 heures y ait 10 minutes où un a lancé un sujet 179 mais sur n’importe quoi et puis on est tous là dessus et puis après on dit allez et 180 puis on recommence voilà c’est euh 181 AS : d’accord 182 B : comme j’dis ils ont pas le bac à passer on a pas des des résultats à rendre à la 183 fin de l’année en disant euh bon euh voilà quoi 184 AS : c’est un peu à leur rythme quoi 185 B : exactement ouais ouais 186 AS : et finalement tu dirais que tu t’adaptes à leur rythme ou… 187 B : ah oui complètement 188 AS : ouais 189 B : ah oui je vais complètement dans leur rythme dans leur euh oui oui 190 complètement oui 191 AS : et euh… est ce que toi ça te demande de l’adaptation de t’adapter à leur 192 rythme ? 193 B : alors en fait euh moi comment dire le la cyber base a un fonctionnement très 194 particulier en tous cas à X c’est à dire qu’à X euh comme bon j’ai quand même 195
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énormément de monde faut savoir que c’t’année sur les 3 cyber bases j’ai plus de 196 200 personnes donc je peux pas tous les faire venir tous les jours ou tous les 197 mercredi à telle heure quoi donc c’est à dire qu’en fait c’est à la carte c’est à dire 198 que tous les mois je fais un planning en disant ce mercredi y aura ça samedi y aura 199 ça jeudi y aura ça sur 2 mois généralement je le fais et après généralement les 200 gens s’inscrivent là ou ils veulent donc moi bon après je connais on les connais 201 tous plus ou moins les personnes donc j’leur dis ben vous ça ‘s’rait peut être 202 mieux de faire ça vous de faire ça soit je dis bon vous ça s’rait peut être bien de le 203 refaire une deuxième fois ou alors d’eux même ils vont dire ben moi cet atelier 204 j’aimerais bien le refaire une deuxième fois ou une troisième fois ça peut arriver y 205 en a qui disent c’est 4 fois hein mais bon et euh et du coup c’est eux qui créent 206 leur rythme et du coup ces gens là qui après le font plusieurs fois et ben après la 207 seconde fois ils vont aller aider les autres 208 AS : d’accord 209 B : voilà 210 AS : et ils le font 2 fois trois fois quatre fois parce qu’ils ont pas compris ? 211 B : alors en fait ça dépend des ateliers par exemple y a des ateliers comme euh 212 bon Internet le traitement de texte tout ça en une fois c’est bon ils ont tout compris 213 mais dès qu’on va commencer à faire créer ranger les dossiers créer les dossiers 214 mettre dedans tout ça bon là euh puis après c’est vrai qu’c’est pas facile non plus 215 donc forcément tout le monde le fait au moins deux fois celui-là 216 AS : d’accord 217 B : et parce qu’en une fois j’ai beau leur faire pt’être créer dix dossiers d’affilé 218 ben euh sur le coup ils auront le mécanisme ils auront compris et tout mais la fois 219 d’après ils diront ah ben j’sais plus comment on fait donc ben on le refera voilà 220 quoi 221 AS : oui ils aiment bien revenir 222 B : oui complétement oui oui ça ça leur pose aucun problème 223 AS : et tout à l’heure tu disais que vous parliez cuisine tout ça et c’est courant 224 ou c’est vraiment exceptionnel ? 225 B : ça dépend en fait ça dépend des groupes de personnes. Il va y avoir des 226 personnes qui sont là depuis 3 ans qui sont là depuis le début et forcément ça va 227 plus se faire avec eux qu’avec des gens qui sont là que depuis euh 6 mois ou euh 228 franchement ça dépend ça dépend des groupes euh ça dépend. Des fois il va ya 229 voir comment dire des ateliers très très carrés parce qu’il y aura des gens dedans 230 très très carrés et on sait parce qu’on les connaît on sait qu’on pourra pas trop 231 s’échapper du truc après il y en a avec qui on sait très bien on dit un mot et puis 232 ça y est ça dérive quoi c’est complètement différent 233 AS : donc ces tes ateliers sont sont différents en fonction des gens qui s’y 234 trouvent 235 B : complètement ouais ouais et puis après moi je sais jusqu’où euh avec certains 236 je sais qu’on va pouvoir blaguer j’vais pouvoir les taquiner avec d’autres je sais 237 très bien que bon euh on reste là sur l’atelier et puis après c’est fini quoi après 238 c’est... Les gens sont complètement différents et c’est à partir de là qu’on va euh 239 qu’on va… 240 AS : comment t’arrives à le voir ça qu’avec certains tu vas pouvoir euh ou 241 pas ? 242 B : ben je sais pas je sais pas c’est p’t’être au feeling quoi sûrement parce que 243 bon… On le voit vite quand ils arrivent quoi déjà s’il gars il arrive déjà ça m’est 244
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d’jà arrivé qu’il y en a qui arrivent en râlant dèjà alors que j’les connaissais pas et 245 là on s’est dit c’est bon quoi d’autres qui sont aussi arrivés en râlant mais qui au 246 bout ils ont euh on va dire qu’ils se sont un peu décoincés ou j’sais pas comment 247 on peut dire et maintenant c’est des gens avec qui et on s’éclate et on rigole et euh 248 et on passe un atelier super quoi voilà c’est…ça dépend complètement quoi c’est 249 vraiment euh et comment j’le vois je sais pas c’est vraiment euh… j’ peux pas 250 dire oh celui-là il a une tête comme ça ou comme ça. Je sais pas c’est au feeling 251 quoi. 252 AS : ouais 253 B : on le voit vite je le vois généralement au bout de deux heures parce que bon 254 généralement au premier atelier je vais pas déjà taquiner avec eux quoi hein le 255 premier c’est voilà c’est là où on présente et tout bon c’est pas non plus le plus 256 marrant et euh généralement on le voit vite les gens comment ils réagissent on le 257 voit vite j’en ai une par exemple très gentille mais qui est tout le temps là « chut 258 chut chut » quand dès que quelqu’un parle c’est la fin du monde quoi 259 AS : ah oui ? 260 B : ah oui oui mais bon elle est comme ça après j’la taquine aussi mais il faut – 261 bon c’est une ancienne prof mais euh (rires) – donc voilà chacun est différent 262 AS : chacun est différent et euh qu’est ce que ça donne du coup parce qu’ils 263 sont quand même plusieurs dans un groupe si t’as des gens différents dans un 264 groupe euh est ce que parfois ça crée des tensions ? 265 B : oh j’crois qu’c’est arrivé une fois qu’y en ait une vraiment qui râle 266 AS : ouais 267 B : après non généralement et puis les gens s’adaptent aussi. Quand ils voient par 268 exemple qu’y a une autre qui fait « chut chut chut » ils voient que bon il faut ils 269 vont pas dire euh bon voilà ça dépend ça dépend et puis après c’est quand même 270 des p’tits villages ils se connaissent tous donc c’est quand même c’est pas comme 271 si c’était une grande cyber-base comme à Q où là ils se connaissent pas forcément 272 et euh là c’est que des p’tits villages tout le monde se connaît c’est que du bouche 273 à oreille donc euh tiens elle c’est ma copine lui c’est mon cousin donc c’qui fait 274 que plus ou moins donc y’a pas de souci particulier avec ça 275 AS : d’accord donc ça ça ça coule en général 276 B : oui franchement j’ai jamais eu vraiment de soucis 277 AS : ok donc par rapport à ton organisation 278 B : oui non aucune non ça va 279 AS : et par rapport à leurs attentes ou est ce qu’il viennent avec des attentes 280 ou pas ? Comment ça… 281 B : alors souvent quand ils viennent j’ai quasiment que des retraités alors leurs 282 attentes c’est quoi c’est Internet et parler à leur petits-enfants et les voir et c’est 283 tout quoi après euh y’a toujours des attentes particulières comme ceux qui veulent 284 passer des concours ou pour leur travail comme j’disais t’à l’heure pour excel la 285 bureautique donc là ils auront des attentes particulières mais sinon non pas 286 spécialement 287 (Silence) 288 (Rires) 289 AS : d’accord euh…qu’est ce que… où j’en étais ?… (silence) 290 B : …pas d’attentes particulières 291 AS : ouais donc pas d’attente particulière 292 B : non non non 293
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AS : … et toi, des attentes ou pas ? 294 B : euh moi des attentes euh ben que l’atelier se passe bien et que euh non ben 295 que les gens soient sympathiques après euh non pas d’attente particulière non pas 296 spécialement non non non 297 AS : donc tu y vas au feeling aussi comme tu disais tout à l’heure ? 298 B : ah oui complètement surtout pendant les ateliers et tout bon les ateliers c’est 299 quand même bien cadré et tout mais après quand j’ai l’atelier qui commence ça 300 part au feeling par exemple y’aura des gens qui vont faire deux ateliers identiques 301 à un mois d’intervalle ça s’ra euh la même j’vais pas répéter au mot près j’ai pas 302 un texte préconçu par exemple selon comment les gens s’en sortent aussi par 303 exemple à certains ateliers y’a des choses que j’vais pas faire et que quand j’vois 304 que ça marche super bien je vais leur faire faire 305 AS : d’accord 306 B : je m’adapte quand même 307 AS : d’accord 308 B : après non pas d’attente particulière envers les euh … 309 AS : tu t’adaptes tu t’adaptes de quelle façon t’arrives à t’adapter ? 310 B : euh je sais pas franchement ça vient tout seul j’ai pas de particulièrement je 311 sais pas non franchement ça s’fait naturellement franchement je sais pas quoi 312 répondre (rires) 313 AS : non mais c’est très bien… et par rapport à ce que toi du coup tu en 314 retires. Est-ce que tu en retires quelque chose de ce travail ? Qu’est ce que ça 315 t’apporte ? 316 B : ah oui ça m’apporte déjà beaucoup de connaissances euh beaucoup de…après 317 c’que j’aime bien aussi c’est quand les gens arrivent avec des questions c'est-à-318 dire que moi déjà eux ça leur permet déjà en plus déjà que je réponde aux 319 questions et parfois moi ça m’pose des petites euh faut qu’j’trouve les réponses et 320 puis bon on connait pas toutes les réponses donc je cherche je cherche avec eux et 321 puis quand ils reviennent après ils me disent ben ça a marché ou ça a pas marché 322 et ça dépend quoi donc ça déjà j’trouve ça sympa… et euh c’était quoi la question 323 déjà ? 324 AS : qu’est ce que ça t’apporte, qu’est ce que ton travail t’apporte ? 325 B : ben voilà des connaissances déjà en personne mais aussi en connaissances 326 informatiques et même en connaissances en général parce que on parle de plein de 327 choses et on apprend beaucoup de choses après la seule chose que j’vais regretter 328 c’est que ça n’apporte pas autant de connaissances informatiques que je le 329 souhaiterais on va dire c'est-à-dire que je reste vraiment dans de l’initiation parce 330 que j’ai pas le public pour faire plus c’qui fait que je me cantonne vraiment à 331 l’initiation et des fois j’aimerais pouvoir faire d’autres choses on va dire des plus 332 gros projets avec les gens 333 AS : et qu’est ce qui t’empêche de le faire ? 334 B : parce que c’est pas un public qui est intéressé par ça… j’ai déjà essayé et j’ai 335 bien vu que c’était pas ce qui les intéressait particulièrement quoi c’était vraiment 336 aller sur Internet et taper du texte aller sur Internet… j’arrive pas à les motiver 337 pour autre chose on va dire 338 AS : ça s’rait quel genre de projet par exemple que tu aimerais faire ? 339 B : j’sais pas moi par exemple y’a plein d’choses qu’organise l’Agence du 340 Numérique 64 par exemple le truc sur les mémoires et tout mais aucun ne s’est 341 intéressé à après j’avais fait d’autres projets j’sais plus c’qu’on avait fait et puis 342
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non vraiment c’est de l’initiation et puis voilà les projets c’est pas trop leur truc 343 quoi 344 AS : y’a aucun projet qui a pris ? 345 B : si y’a par exemple là on vient de créer un dictionnaire de tous les termes 346 informatiques y’a des choses comme ça y a des choses qui prennent mais pas tout 347 j’arrive pas à les euh après peut être faut dire que je les pousse pas autant que je 348 devrais parce que j’ai pas l’ temps non plus quoi 349 AS : mm 350 B : donc euh on en parle on en parle et tout après c’est vrai que n’ayant pas trop le 351 temps non plus je m’attarde pas dessus bon bé ça prend pas ça prend pas quoi 352 voilà étant donné que j’ai pas trop le temps non plus je cherche pas à les pousser 353 autant que ce que je devrais quoi 354 AS : d’accord ça prend pas parce que t’as pas le temps ? 355 B : ça prend pas parce que peut être je les pousse pas assez on va dire 356 AS : d’accord 357 B : par exemple le dictionnaire ça a pris parce que je leur ai imposé on va dire 358 AS : d’accord 359 B : c’est à dire que j’ai dis tel jour on fera ça voilà point barre 360 AS : d’accord 361 B : d’accord et voilà donc là ça a pris parce que bé j’avais imposé on va dire après 362 quand on leur pose des questions ils sont jamais trop euh 363 AS : mais tu avais imposé mais c’était parti d’où l’idée était partie d’où ? 364 B : l’idée était je pense qu’un jour bé y a une dame en fait en début d ‘année en 365 septembre je fais toujours une réunion avec tous les adhérents et je leur demande 366 qu’est ce qu’ils souhaiteraient cette année d’accord ou les nouveaux les anciens 367 j’aime bien savoir qu’est ce qu’ils attendent qu’est ce qu ‘ils veulent faire est ce 368 qu’il y a des choses nouvelles qu’ils aimeraient apprendre voilà quoi et donc ils 369 avaient dit disons une avait dit je trouve ça dommage que disons que quand par 370 exemple on lit une revue ou n’importe quoi on sait pas ce que ça veut dire Mo Go 371 tout ça elle dit c’est dommage et tout et de là j’ai dis tiens et bé on va créer un 372 dictionnaire et voilà quoi du coup j’avais imposé jusqu’en décembre pendant 3 373 mois j’avais mis un atelier par semaine où on faisait ça après venait qui voulait je 374 veux dire j’ai jamais forcé qui voulait venait quoi et ça a pris comme ça parce que 375 je leur avais imposé que une fois par semaine on ferait ça et donc ceux qui avaient 376 voulu c’étaient inscrits quoi 377 AS : d’accord mais c’était c’était pas euh c’était quand même qui voulait 378 B : ah bien sur oui oui quand même oui mais après quand ils hésitaient j’essayais 379 de les remonter pour que 380 AS : d’accord 381 B : voilà pour leur dire bon ben voilà on va faire ça ça ça pour que ça leur pour 382 qu’ils viennent quoi 383 AS : parce que ce projet t’intéressait particulièrement ? 384 B : ben disons que je me dis que ça serait super intéressant qu’ils aient un 385 dictionnaire avec tous les termes tout ça quoi donc après le faire imprimer par un 386 imprimeur et tout quand je leur ais dis qu’ils l’auraient sur imprimé par un 387 imprimeur et tout bon ils étaient contents quoi de suite d’avoir un résultat euh 388 AS : d’accord 389 B : concret quoi 390 AS : d’accord 391
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B : voilà 392 AS : donc c’est quelque chose qui a été euh vraiment un projet qui a été 393 jusqu’au bout 394 B : oui voilà, là il est en train il est dans les machines 395 AS : d’accord et ça c’est passé comment ce projet ? 396 B : et ben tout simplement je suis allée j’ai repris déjà je leur ai demandé eux 397 quels termes ils connaissaient eux quel termes ils pouvaient reprendre donc j’ai 398 fais un petit euh j’ai déjà regardé puis après je suis allé sur Internet et y a dico.fr 399 qui est un dictionnaire en informatique tout simplement et j’ai relevé tous les 400 termes qu’on faisait qu’on voyait dans l’année quoi et d’autres termes qu’ils 401 pourraient voir eux dans leur vie de tous les jours bon évidemment il y a plein de 402 choses que j’ai zappé comme proxi et tout donc je vais pas leur mettre ça ça leur 403 servira à rien du tout mais y a plein de choses que je leur ai mis quand même donc 404 je sais pas on doit avoir 200 ou 300 mots quand même en informatique lié à 405 l’informatique qui sont intéressants pour eux quoi donc après à chaque fois qu’ils 406 venaient et bé par exemple on a commencé par la lettre a donc je donnais 3 mots à 407 chacun puis chacun allait sur Internet rechercher le mot donc ça leur a appris en 408 même temps à rechercher sur Internet à relever des informations concrètes alors 409 c’est marrant parce que pour des mots par exemple pour certains mots il peut y 410 avoir 3 définitions différentes alors on leur je leur apprenais à trouver la meilleure 411 et surtout je leur disais le but c’est que vous la compreniez si je crée si on crée un 412 dictionnaire et que dans une définition où il faut que vous cherchiez 3 mots ça sert 413 à rien donc on tournait alors après ils ont tourné les phrases pour que ce soit plus 414 facile à euh voilà 415 AS : d’accord 416 B : et en 3 mois ça a été fait 417 AS : d’accord c’est sympa 418 B : voilà ouais c’était sympa c’était c’était animé quoi 419 AS : oui ? 420 B : puis chacun voilà c’est toujours pareil chacun s’aidait « ah je connaissais 421 pas ça » ça les a ça les a aidé à comprendre certains mots qu’ils ne connaissaient 422 pas 423 AS : quand tu dis que c’est animé tu veux dire quoi ? 424 B : ben c’est bien parce que quand au début je leur explique ce qu’on allait faire 425 ils flippaient alors ils étaient là « oh » alors tous ils parlaient en même temps « oh 426 là là t’imagines et tout » puis surtout que leur disais le but de l’atelier c’est pas 427 juste chercher des mots puis c’est fini quoi donc après je leur disais par contre 428 après faudra me les transmettre donc faudra me les envoyer en pièces jointes donc 429 y avait plein de choses qui étaient liées alors c’est vrai qu’ils étaient là « ou là là 430 ça y est… » et donc euh voilà ils m’ont tout envoyé par mail ils étaient contents 431 alors voilà quoi c’est ….c’est sympathique 432 AS : donc ça c’était au départ 433 B : voilà 434 AS : au départ y avait un de… tu dirais que c’était de l’appréhension ? 435 B : ouais de l’appréhension au fait d’aller chercher sur Internet et c’est vrai que 436 quand on se retrouve devant des mots qu’on connait pas la définition elle est dure 437 à trouver aussi donc ils m’appelaient j’allais voir avec eux la définition on 438 essayait de trouver des meilleurs mots ou des définitions plus simples pour qu’ils 439 trouvent euh 440
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AS : et p’tit à p’tit ? 441 B : p’tit à p’tit le dictionnaire a été crée 442 AS : ouais et donc l’animation elle venait… le fait que ce soit animé c’était 443 parce que ça partait d’une appréhension ? 444 B : d’une appréhension ouais 445 AS : et puis ? 446 B ; et puis à la fin ils ont trouvé ça super ah en fin de compte c’était facile euh 447 AS : d’accord et au cours de ces de ces ateliers y avait… comment ça se 448 passait ? 449 B : alors comment ça se passait ben déjà donc je leur distribuais les mots voilà 450 donc des fois on rigolait je disais ah ben vous c’est facile par contre votre copain 451 votre copain il a moins de chance alors ils disaient ah euh bon voilà c’était 452 AS : oui 453 B : on taquine tous les jours je les taquine un peu bon voilà c’était marrant après 454 bon comme je disais je sais à qui il faut le faire et pas le faire quoi euh et donc euh 455 alors ils et après bon bé après je les lâchais un peu on va dire du coup parce c’est 456 quand même des gens qui j’allais pas prendre des gros débutants sur ça parce 457 qu’il fallait déjà qu’ils avaient fait l’atelier recherche Internet qu’ils aient fait 458 l’atelier traitement de texte et fallait qu’ils aient fait l’atelier euh mail…(c’est 459 bon ?)…donc ce qui fait que forcément fallait qu’ils aient déjà des connaissances 460 donc je vais pas prendre des débutants… (éternuements) 461 AS : (rires) à tes souhaits 462 B : donc après je les ai lâchés sur Internet et à partir de là ils m’appelaient chacun 463 leur tour pour savoir qu’est ce qu’il fallait faire qu’est ce qu’il fallait faire 464 comment le… (éternuements) 465 AS : (rires) à tes souhaits 466 B : merci comment le faire et etc quoi 467 AS : quand tu dis que tu les a lâchés tu veux dire quoi ? 468 B : que je leur ai dit : « bon maintenant c’est à vous » 469 AS : d’accord 470 B : donc là d’un seul coup ils se regardent et ils se disent « waouh !» (rires) et 471 après d’eux même ça part quoi 472 AS : d’accord 473 B : je leur dis « allez c’est à vous », « bon qu’est ce qu’on fait par quoi on 474 commence ? », « ben tiens vous ouvrez Internet vous allez sur Google vous tapez 475 votre mot » 476 AS : mm 477 B : alors je dis « vous tapez plutôt définition et le mot comme ça vous aurez des 478 choses plus faciles » et tout et puis après voilà c’était lâché après ils y en a 479 toujours 1 ou 2 qui vont euh qui vont (1 personne rentre dans la pièce « 480 bonjour ») qui vont chercher voilà quoi puis après…qui trouvent pas forcément 481 AS : d’accord et dans ces cas là toi tu interviens ? 482 B : dans ces cas là ils m’appellent et on leur montre et après je leur montre pour 483 un mot et après c’est parti 484 AS : mm 485 B : voilà 486 AS : et il y a eu d’autres projets comme ça ? 487 B : alors des projets ben disons que là c’est année j’en avais pas trop parce 488 qu’avec tout ce que j’avais a faire à coté à la communauté de communes je fais les 489
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ateliers et pour l’instant y a pas de gros gros projets pour l’instant non et puis en 490 plus je passe mon concours et tout donc je prépare ma formation etc j’ai trop de 491 choses en même temps pour pouvoir faire trop de choses quoi 492 AS oui oui 493 B : voilà je vois là aussi on a un projet c’est pas avec les adhérents c’est avec euh 494 c’est X X à Y qui donc c’est des jeunes en réinsertion un peu hein qui font des 495 projets et là donc on va travailler avec une maison de retraite voilà mais c’est tout 496 euh et sur donc mémoire les mémoires passeurs de mémoires et mémoires 64 497 AS : oui d’accord 498 B : voilà on va faire ça mais c’est tout c’est pas avec mes adhérents à moi c’est 499 avec une maison de retraite et des jeunes en réinsertion 500 AS : d’accord et ça change quelque chose que ça soit pas tes adhérents à toi ? 501 B : ah oui complètement (rires) 502 AS : et pourquoi ? 503 B : ben parce que c’est pas j’ai pas autant de liens qu’avec mes adhérents à moi 504 c’est pas pareil pour moi non pas du tout (rires) 505 AS : c’est euh ça change ta façon de travailler ? 506 B : non pas du tout mais pour moi euh pour moi c’est pas pareil j’aime bien avoir 507 mes adhérents j’aime bien ben quand ils arrivent « ah bonjour comment ça va vos 508 petits enfants » voilà c’est quand on connaît pas c’est quand même plus dur et je 509 les verrai qu’une ou deux fois donc c’est pas euh 510 AS : d’accord 511 B : et c’est des jeunes qui s’en occupent et après moi je fais juste le lien avec les 512 sites avec les choses comme ça quoi 513 AS : d’accord 514 B : donc y a pas forcément de euh de lien particulier quoi de voir créer mais après 515 c’est bien aussi ça change aussi voilà je dis que ça 516 AS : parce que c’est trop court tu penses parce que c’est trop court ? 517 B : parce que je peux pas apprendre à les connaître en puis je les verrai quasiment 518 pas quoi c’est les jeunes qui s’en occupent et moi après je travaille plus avec les 519 jeunes qu’avec euh 520 AS : d’accord 521 B : qu’avec les retraités donc euh ou avec les maisons de retraite 522 AS : et les jeunes c’est des adhérents à toi ? 523 B : non non non c’est des gens qui travaillent pour X disons qui ont un contrat 524 avec X de réinsertion et c’est eux qui s’en occupent et moi je les ai vu 2 fois puis 525 ils vont venir juste pour qu’on travaille ensemble sur la mise en ligne et puis voilà 526 quoi 527 AS : d’accord donc c’qui te c’qui te plais euh enfin j’ai l’impression que c’qui 528 te plait c’est ce lien qui se crée ? 529 B ; voilà c’est le contact avec les personnes 530 AS : le contact avec les personnes 531 B : ouais ouais complètement 532 AS : parce que ça ça ça te donne une autre une autre façon de 533 B : alors c’est moi j’aime le contact donc forcément je veux dire euh j’aime bien 534 travailler avec des gens que je connais euh donc voilà quoi c’est c’est différent 535 c’est autre chose 536 AS : c’est autre chose par rapport à puisque tu disais que c’était pas ta façon 537 de travailler c’était par rapport à quoi à ta façon euh… 538
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B : ouais par rapport à ma façon on va dire d’être je s’rais plus peut être 539 euh…comment dire pas moins timide mais moins euh j’sais pas je sais pas 540 comment l’expliquer euh je trouve ça plus agréable travailler avec des gens qu’on 541 connaît ou qu’on sait qu’on va apprendre à connaître qu’avec des gens qu’on va 542 voir qu’une ou deux fois juste pour travailler puis stop quoi 543 AS : d’accord 544 B : avec ces gens y a quand même des liens qui se créent quoi on se voit à coté du 545 travail on se voit pas forcément que dans la cyberbase donc bon c’est un autre lien 546 qui se crée 547 AS : d’accord 548 B : ils envoient des cartes postales quand ils sont en vacances voilà quoi c’est ça 549 que 550 AS : ouais et c’est ce c’est ce qui te plait 551 B : ouais exactement 552 AS : c’est ce qui te plait dans ce boulot et qui fait que euh tu as envie de euh 553 monter des projets aussi 554 B : voilà aussi ouais ouais quand j’aurais plus le temps (rires) 555 AS : oui 556 B : déjà que je suis toute seule sur euh 557 AS : ouais 558 B : donc voilà 559 AS : et ce contact il se crée facilement euh ce ce lien il se crée facilement ? 560 B : oui 561 AS : ouais ? 562 B : ouais ouais 563 AS : alors euh donc c’est pas une question de temps finalement ? 564 B : ben disons euh il se crée facilement mais c’est je veux dire les gens euh j’vais 565 les voir qu’une fois mais je vais créer un contact on va quand même s’apprécier 566 peut être et tout mais y aura pas de suite ça va s’arrêter là donc je veux dire 567 comment dire puis c’est qui sont dans des maisons de retraite souvent qui ne 568 bougent pas forcément qui ouais c’est pas pareil c’est euh 569 AS : d’accord 570 B : c’est différent quoi 571 AS : ouais 572 B : voilà (rires) 573 AS : c’est bon peut être que on est ce que il y a quelque chose que tu 574 aimerais rajouter est ce que tu 575 B : non (rires) 576 AS : quelque chose que tu n’aurais pas dis 577 B : non non je sais pas non non tout se passe bien (rires) 578 AS : ouais ? tu es contente de ton… 579 B : ah complètement 580 AS : tu es contente de ce travail que tu fais 581 B : ah oui complètement 582 AS : ouais 583 B : ouais ouais 584 AS : ouais tu te sens euh… 585 B : bien (rires) 586 AS : bon très bien donc on va arrêter 587
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ENTRETIEN CHARLES 1 2 AS : donc bonjour 3 C : Bonjour 4 AS : Est ce que vous pourriez juste me parler un p’tit peu de votre métier 5 d’animateur au sein de la cyber-base ? 6 C : Alors le métier d’animateur au sein de la cyber-base ben c’est un un c’est un métier 7 où on doit s’adapter à des publics très différents puisqu’on peut être amené en fait à 8 travailler sur un créneau horaire dans la même journée avec des enfants de 7 à 8 ans 9 puis le soir avec des adultes puis le lendemain matin avec des enfants en diffic… des 10 enfants des enfants adolescents et également des personnes avec euh avec un handicap 11 euh un handicap ou euh donc c’est vrai qu’à chaque fois on doit s’adapter à chaque 12 public et adapter le discours adapter le le contenu le contenu de nos ateliers à tous ces 13 publics là 14 AS : Alors comment ça se passe un atelier ? Vous pourriez me décrire un atelier ? 15 C : un atelier ? alors un atelier c’est… d’jà y’a un programme qu’est établi en début de 16 mois et les gens le gens donc vont s’inscrire à ce programme en fonction de leur niveau 17 et de leur attentes de ce qu’ils ont besoin euh en priorité donc là ils vont choisir les 18 différents thèmes. A partir de là en fait on… sur ces thèmes là on se retrouve en fait sur 19 des plages horaires de deux heures de deux heures où on va recevoir donc euh les 20 personnes concernées et on démarre l’atelier alors c’est des ateliers qui sont y’a un 21 esprit de convivialité bien entendu ça permet déjà de… les gens qui sont un peu 22 réticents à tous ces outils ça permet ben déjà de prendre ça avec un peu de recul un peu 23 de légèreté et euh et voilà donc pendant deux heures on va aborder le thème le thème 24 qui a été décidé et euh alors c’est des thèmes qui peuvent se qui peuvent dès fois être 25 abordés sur plusieurs ateliers 26 AS : d’accord 27 C : donc ça des fois ça va… sur un thème bien précis ça va prendre ben un seul atelier 28 une heure et demi à deux heures ou des fois sur un cycle de débutants pour des gens qui 29 ont jamais touché à l’outil informatique ça peut être des cycles de 6 à 8 ateliers où on va 30 essayer de les amener progressivement à avoir une certaine base commune au niveau de 31 l’outil pour après qu’ils puissent aller un p’tit peu plus loin en fonction de c’qui 32 attendent et de leurs besoins 33 AS : alors quand vous me parlez de convivialité ça veut dire quoi ? 34 C : convivialité ben c’est des gens qui euh ben même dans un p’tit village ou dans un 35 p’tit territoire qui s’connaissent pas forcément qui s’connaissent pas tous certains se 36 connaissent mais euh y’a des rencontres qui qui se font dans euh au sein de la cyber-37 base au sein des ateliers euh donc voilà y’a toujours un esprit c’est des gens qui euh qui 38 sur les ateliers du soir avec les gens les particuliers où c’est pas des ateliers de groupes 39 comme les écoles, les centres de loisir c’est des ateliers où les gens viennent comme un 40 club comme on viendrait dans un club euh un club euh un club de cartes un club de un 41 club euh de scrapbooking c’est à la mode c’est vrai qu’y a beaucoup d’seniors qui 42 aiment bien ce genre d’activités ben là ils viennent à un club d’informatique pour autant 43 pour euh pour découvrir donc les outils mais on s’aperçoit vraiment que ouais qu’ils 44 veulent découvrir les outils mais euh mais passer passer un bon moment en fait à se 45 retrouver autour d’un thème qui est donc en l’occurrence l’informatique et Internet qui 46 mais vraiment voilà quoi de partager euh deux heures de passer un bon moment comme 47 ils pourraient comme ils pourraient le passer dans un autre club ou une autre association 48
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donc c’est vrai qu’y a toujours dans un groupe y’a très souvent ben y’a très souvent des 49 tempéraments différents des tempéraments différents avec des gens qui euh qui euh ben 50 qui animent également hein qui sont là qui co-animent qui apportent qui apportent par 51 eux-mêmes leur euh de la joie de vivre ou de l’humour etcetera donc c’est vrai que ça 52 amène ça aide à vulgariser un p’tit peu le côté technique donc on essaie de se détacher 53 un p’tit peu de ça et euh avoir l’esprit convivial 54 AS : donc ils viennent régulièrement 55 C : ils viennent régulièrement. 56 AS : ils viennent euh… 57 C : ils viennent régulièrement. Euh donc y’en a qui viennent euh sur euh 3 mois y’en a 58 qui viennent sur euh toute une année y’en a qui sont là depuis depuis 2, 3 ans tout 59 dépend après de euh des attentes de chacun mais y’en a qui viennent qui viennent 60 régulièrement et qui reviennent ouais ouais tous les trimestres voir les nouveaux ateliers 61 et s’inscrire sur c’qui peut les intéresser 62 AS : donc le fait que ce soit convivial ça démystifie un peu le… 63 C : oui tout à fait oui voilà oui tout à fait et euh c’est euh ceux qui se connaissent pas et 64 qui arrivent dans un atelier qui connaissent pas les gens avec qui ils vont être ils ont la 65 ils ont toujours c’te crainte là d’arriver devant un outil inconnu et euh de s’dire « j’vais 66 pas y arriver, j’suis pas bon » , « c’est pas fait pour moi » euh ils se rendent compte vu 67 qu’y de la convivialité y’a des échanges qui se font très rapidement dès les premières 68 minutes de l’atelier ils se rendent très vite compte que tout le monde est dans la même 69 euh… a ce même sentiment là de de s’dire bon c’est des outils pour les pour le jeunes 70 c’est des outils pour les pour les ados euh pour nous c’est d’jà beaucoup plus difficile 71 est ce que euh est ce que c’est pas culotté pour moi de me rendre dans un site comme ça 72 et apprendre l’informatique à 60 ans à 65 ans à 70 ans euh et donc à partir du moment 73 ou y’a c’t esprit de convivialité, les gens échangent très facilement euh et c’est des 74 p’tites phrases qui peuvent voler euh « aah moi j’y comprends rien » et très rapidement 75 tout le monde a un peu les mêmes propos et donc de suite ou très rapidement tout est 76 mis sur la table en disant voilà eu y’a une crainte en fait de pas y arriver et quand on 77 voit que tout le monde est dans le même cas que tout le monde l’a ce sentiment là déjà 78 nous en tant qu’animateurs on on essaie de les rassurer 79 AS : d’accord 80 C : on essaie beaucoup de les rassurer en leur disant que te toute façon c’est normal que 81 si vous êtes là et que si nous on est là en face de vous et que euh c’est pour vous faire 82 découvrir l’outil et euh pas pour vous amener à avoir une connaissance technique très 83 avancée en informatique on n’est pas là pour faire de vous des informaticiens mais euh 84 voilà on euh la base est euh est posée sur la table qu’on connaît rien, qu’on ne connaît 85 pas l’informatique on a jamais touché une souris et un clavier et à partir de là on peut 86 commencer à travailler et euh avec certains groupes ça va plus rapidement qu’avec 87 d’autres etcetera mais au moins tout le monde est sur le même pied d’égalité et ça ça les 88 rassure pas mal ça les rassure beaucoup 89 AS : donc y’a un espèce de soutien qui se crée entre les… 90 C : de soutien voilà de soutien et après c’est euh y’a du soutien qui se fait et et après 91 c’est euh ça devient un jeu pour eux un jeu euh alors dès qu’on avance un p’tit peu dans 92 les ateliers à pouvoir communiquer par mail ben ils communiquent entre eux 93 AS : d’accord 94 C : donc ils s’connaissaient pas forcément ils s’rencontrent aux ateliers et à partir de là 95 les ateliers leur permettent de communiquer par Internet, ou du moins un certain nombre 96
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d’atelier d’avoir c’te capacité là eh ben même s’ils s’connaissaient pas aaaavant ces 97 ateliers là ils se sont rencontrés et ils se rencontrent régulièrement toutes les semaines 98 dans les ateliers et ils continuent à communiquer à avoir ce c’t’échange là euh ben euh 99 par le moyen d’une messagerie électronique par le moyen du de la messagerie 100 instantanée avec Skype 101 AS : d’accord 102 C : donc euh voilà ils ils créent des échanges et c’est vrai qu’y a des gens qui se au 103 niveau euh au niveau même au niveau d’un p’tit village hein on.. ça peut exister au 104 niveau d’une plus grande ville mais même au niveau d’un p’tit village qui se 105 connaissent de vue… qui se connaissent pas qui se croisent mais on sait pas forcément 106 qui est qui etc c’est vrai que de se retrouver là et j’pense qu’y en a beaucoup qui 107 viennent heu beaucoup qui viennent uniquement ou uniquement ou en partie pour ce 108 lien social là, ce lien social là 109 AS : d’accord. Et vous en tant qu’animateur comment vous le… vous le vivez ça et 110 comment vous le faites vivre aussi peut être ? 111 C : alors ça au début quand on commence à faire des ateliers on n’en a pas forcément 112 conscience de c’te de c’t aspect là euh donc c’est vrai qu’au début on est un peu tête 113 baissée on suit notre atelier on voit là ou y’a les difficultés on est… et euh au fur et à 114 mesure ben on s’rend compte de l’importance donc du lien social et euh de la 115 convivialité à se retrouver comme ça tous autour d’un thème quelque qu’il soit et euh 116 donc c’est vrai qu’on est on va beaucoup moins travailler sur le côté technique 117 beaucoup plus sur le côté euh usage, euh usage de l’outil pour essayer d’trouver quelque 118 chose de marrant, quelque chose de sympa, quelque chose de de récréatif souvent, euh 119 de très récréatif et euh voilà on va essayer de travailler non pas sur un thème technique 120 mais sur un thème d’usage d’usage et de… ouais sur un thème d’usage qui va leur 121 permettre de ben de communiquer de voir comment on fait pour trouver des euh trouver 122 des sites pour pour euh pour partager sur une passion ou sur un territoire trouver une 123 information sur un territoire et ils adhèrent et dès qu’ils ont commencé à arriver à faire 124 ce genre de choses ils ont le sentiment de ils se sentent valorisés par rapport à l’outil et 125 euh ça c’est super c’est super important parce qu’ils arrivent de plus en plus à 126 comprendre le langage de c’qu’ils vont entendre à la télé par rapport à tout c’t aspect 127 médiatique d’Internet et tout c’que ça représente dans la société et également pour dans 128 une conversation avec par exemple un petit-enfant, avec un enfant euh leur famille. Ils 129 arrivent… y’en a beaucoup qui accompagnent les petits-enfants que ce soit pour parler 130 de Facebook, des réseaux sociaux, des choses comme ça. Ils arrivent à leur dire 131 « attention, ça ça c’est bien, ça il faut faire attention » etc 132 AS : d’accord 133 C : on se sert également un peu d’eux comme relais pour passer des informations pour 134 une population plus jeune. Parce qu’on a beaucoup de personnes de 60, 70 ans et qui ont 135 des petits-enfants 136 AS : mm 137 C : et qui sont euh voilà qui sont… qui peuvent véhiculer ces messages là donc « 138 Internet ça peut être très bien mais il faut faire attention il peut y avoir des dangers 139 etc… » y a tout un aspect éducatif ben eux ils sont un peu nos relais auprès d’un public 140 que nous on n’a pas… avec qui ils sont directement en famille, à la maison 141 AS : et du coup ça les rapproche un p’tit peu à c’niveau là de leur… de la 142 génération d’après et euh… 143
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C : ah oui voilà tout à fait. Ça les rapproche parce qu’ils arrivent à…ben ils se sentent 144 plus…ils ne se sentent plus mis à l’écart quand euh quand y’a un quand y’a un p’tit 145 enfant ou un enfant jeune qui parle d’ordinateur. Si y’a un parent ou un grand-parent qui 146 lui demande « eh qu’est ce tu fais ? » ben déjà ils vont comprendre un p’tit mieux le 147 langage comprendre euh comprendre euh « ben j’suis sur MSN », euh « j’suis sur 148 Skype » « je fais du jeu en réseau » ils ont euh ils assimilent davantage un p’tit peu ils 149 ont euh déjà et euh ils peuvent également donc notamment on a vu récemment un atelier 150 sur les réseaux sociaux et sur Facebook qui aujourd’hui prend beaucoup d’ampleur et 151 euh ils ont trouvé ça très intéressant même pour eux puisque c’est très intéressant, 152 qu’on soit jeune, en activité, c’est très intéressant comme système mais ça mais ils en 153 entendaient beaucoup parler à la télé de ce système là et ils viennent également avec 154 leur enfant qui a euh qui a 16 ans. A 16 ans il avait un profil sur Facebook et là il 155 pouvait entamer une discussion avec eux euh voilà « moi aussi j’ai un profil sur 156 Facebook », « voilà, toi comment t’as fait pour y arriver ? ». Alors y’a les p’tites 157 anecdotes du style quelqu’un qui s’est rendu compte que son petit-enfant était sur 158 Facebook, un enfant de 12 ans alors qu’il faut un âge limite de 16 ans pour être sur 159 Facebook donc a de suite dit euh « Sur le formulaire pour s’inscrire, y’a eu des … t’as 160 donné de mauvaises informations 161 AS : mm 162 C : sinon ils auraient pas valider ton profil » donc c’est vrai qu’après voilà et puis nous 163 on essaie d’aborder le euh les ateliers avec de la…par exemple j’prends cet atelier sur 164 Facebook c’est tout récent avec euh en disant voilà on en discute, on en débat 165 AS : ouais 166 C : et on en débat par rapport à c’que ça peut représenter, comment ça peut changer les 167 mœurs et au niveau des incidences que ça peut avoir au niveau de la société, au niveau 168 du quotidien sur la vie privée de chacun etc … c’est des choses qu’ont pas du tout les 169 enfants donc nous on leur fait passer ces informations là et on les incite on les invite à 170 en parler après avec les populations plus jeunes avec qui ils sont en contact, avec les 171 petits enfants ou les enfants etc. 172 AS : ça les sensiblise un p’tit peu euh à tout ça… enfin ils font passer euh… ils 173 sensibilisent à leur tour 174 C : pas tous pas tous mais y’en a quelques uns qui viennent dans certains ateliers alors 175 au début ça été un peu un p’tit peu un hasard et euh une personne qu’est venue et 176 qu’avait ses deux petits-enfants avec elle et qui voulait assister à l’atelier elle a demandé 177 si ils pouvaient rester là et euh elle a trouvé ça très intéressant que ce soit pour elle mais 178 également pour les enfants 179 AS : mm 180 C : qui n’ont pas toujours ces informations à l’école ou dans des lieux scolaires donc 181 euh donc euh de temps en temps elle revient avec eux, elle revient avec eux 182 AS : d’accord 183 C : elle revient avec eux donc là dernièrement y’a eu deux personnes qui sont venues 184 parce que j’leur avais dit que ça pouvait être intéressant pour des p’tits-enfants jeunes, 185 deux personnes qui sont venues avec leurs deux petits-enfants euh sur une visio-186 conférence justement sur les les dangers de tout ce qui était vie privée sur Internet 187 etcetera 188 AS : d’accord 189 C : donc euh apparemment c’qui y’a eu en visio-conférence ici à la cyber-base y’a eu 190 y’a eu euh une prolongation de ce sujet à la maison j’pense et ils ont du en parler 191
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AS : d’accord et en général quand vous parliez de débat tout à l’heure, vous 192 arrivez à ouvrir l’atelier toujours sur quelque chose enfin sur un débat ou sur euh 193 un échange ? 194 C : non pas toujours. 195 AS : non ? 196 C : Non non non c’est…tout dépend du contenu mais ça c’est pas…on va pas dire que 197 c’est fréquent ça arrive de temps en temps en fonction de c’qu’on va aborder. Après 198 quand on apprend euh , en un on est obligé de passer par des choses de manipulation 199 pour savoir faire euh pour savoir faire les… savoir faire certaines manipulations 200 techniques mais euh voilà on est obligé de passer par ça on est obligé de passer par ça 201 après voilà y’a certains certains contenus ou certains ateliers qui se prêtent à ça par 202 rapport à la vie privée, par rapport à sur Internet, au danger de tout mettre en ligne euh 203 les enfants y publient euh y publient tout c’qui trouvent avec leur appareil photo leur 204 téléphone etcaetera donc voilàa ça c’est… là là on peut ouvrir débat lancer le débat en 205 parler voir eux qu’est ce qu’ils en pensent par rapport à leur génération euh leur 206 génération eux y savent très bien qu’une image euh on divul.. on diffuse pas une image 207 de quelqu’un comme ça on met pas des commentaires ouais qu’y des choses à respecter 208 un enfant aujourd’hui il a pas c’te c’te culture là 209 AS : mm 210 C : donc là c’est vrai que là on peut ouvrir des débats après y’a certains des ateliers non 211 qui ne permettent pas d’ouvrir ce type de débat 212 AS : et au niveau de ce que peuvent apporter les gens qui viennent en atelier, y’a 213 des choses ou ils arrivent vraiment pour tout apprendre ? 214 C : généralement ils arrivent pour tout apprendre euh ce qui peuvent apporter c’est euh 215 ce qui peuvent apporter ben c’est ce dont on parlait tout à l’heure euh ben leur par leur 216 tempérament, leur humour qui va euh peut être qui va alléger l’atmosphère d’une 217 ambiance un peu euh je viens prendre un cours y’a quelqu’un en face de moi qu’est 218 l’animateur des fois pour eux c’est comme un professeur ils sont sortis de l’école 219 depuis très longtemps et c’est vrai qu’y un côté un côté un peu scolaire au départ 220 AS : d’accord 221 C : sur les deux premiers ateliers ou sur la première fois qu’ils viennent et donc eux 222 vont apporter par eux-mêmes par une personne ou par plusieurs personnes du groupe 223 ben cette convivialité là qui va faire que les choses vont être beaucoup plus légères 224 beaucoup plus euh détendues et donc à partir de là tout se met en route beaucoup plus 225 naturellement 226 AS : donc on sort un peu du contexte scolaire 227 C : du contexte scolaire oui tout à fait 228 AS : pour arriver vers quelque chose de plus euh… 229 C : de plus, comment dire ça de plus, sous forme de… ouais ou on pourrait c’qu’ils 230 peuvent retrouver dans un club de cartes, un club d’échecs, où ils vont faire du 231 scrapbooking où ils vont apprendre à tricoter voilà ils doivent retrouver cette ambiance 232 là. Alors ils arrivent avec c’te c’te crainte la crainte de pas savoir comment ça comment 233 ça va s’passer et euh au bout très rapidement ils retrouvent l’ambiance qu’ils vont 234 connaître dans d’autres petits clubs ou dans d’autres associations dans lesquels ils sont 235 et dans lesquels ils participent et donc ça ça les…euh et après c’est sous forme de jeux 236 de rigolades euh donc souvent en début d’ateliers pour certains qui sont arrivés qui sont 237 là depuis quelques quelques euh un mois ou deux mois eh ben c’est de la plaisanterie, 238 des petites blagues entre eux sur euh sur l’image qu’ils ont pas réussi à envoyer 239
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c’qu’elle a reçu moi j’ai reçu ça t’as vu y’a un forum sur ça etcatera donc on assiste très 240 rapidement en fait, même s’ils se connaissaient pas tous au départ, à des échanges entre 241 eux en début d’atelier le temps de mettre euh que tout le monde s’installe, à des euh 242 échanges entre eux où on voit que même si y’avait pas de lien au départ entre eux, le 243 lien se crée très rapidement le lien se crée très rapidement donc après euh ils s’envoient 244 des informations par Internet, ils s’invitent à consulter tel site tel site etc 245 AS : d’accord ils sont autonomes après alors 246 C : après ils arrivent très rapidement à être autonomes 247 AS : et alors l’animateur là-dedans comment il arrive à… à slalomer entre tout ça 248 pour quand même euh faire passer son message ou dire qu’il… 249 C : l’animateur après en fait euh on s’adapte c’qu’on remarque c’est que c’est que 250 surtout les gens qui sont inactifs, les retraités très souvent ils sont très curieux, ils sont 251 très curieux et ils ont toujours envie d’aller plus loin et euh et c’est vrai que il faut dire 252 qu’ils ont du temps. Ils ont de temps et ils prennent le temps aujourd’hui de se lancer 253 dans ce type d’activité et ils sont très curieux ils veulent toujours en savoir plus donc on 254 n’arrive jamais à les satisfaire en fait parce que quand ils sont arrivés à avoir une 255 certaine autonomie, à partir de là ben ils veulent voir aut’ chose ils veulent voir autre 256 chose. Ils veulent toujours toucher à l’informatique internet le multimédia mais ils 257 veulent voir autre chose donc c’est vrai que pour l’instant on a des groupes de gens qui 258 reviennent après pour euh pour faire des ateliers plus spécifiques par rapport aux 259 thèmes etc et on essaie très souvent de leur montrer comment tout c’qu’ils apprennent 260 c’qui l’outil qu’ils manipulent comment au quotidien ça peut leur servir, ça peut leur 261 servir soit pour communiquer avec la famille éloignée nous on est dans un territoire euh 262 rural euh ou y’a beaucoup de familles qu’est partie travailler sur Toulouse, Bordeaux, 263 Paris ou à l’étranger etc des enfants donc des p’tits-enfants qu’on voit pas tous les jours 264 donc d’jà pour communiquer ben on très rapidement ils voient que ils s’rendent compte 265 de l’outil de comment ça… c’que ça peut apporter euh et euh même dans leur quotidien, 266 dans leur recherche, c’qui veulent c’qui veulent voir, on essaie de faire des analogies 267 entre euh c’qui font dans une journée, comment ils peuvent le faire sur Internet euh je 268 peux ouvrir mon journal, je peux aller lire mon mes actualités de la de ma presse 269 nationale ou départementale également sur Internet euh voilà vous allez on peut aller 270 faire on peut en faire des courses on peut aller passer à la banque etcetera on peut faire 271 la même chose sur Internet, on fait des analogies comme ça et petit à petit ils essaient 272 d’intégrer un p’tit peu tout ça, dans leur dans leur quotidien alors que c’est… 273 AS : donc faire le lien entre euh leur vie courante et c’qui font ici alors 274 C : leur vie courante et c’qui font ici et euh et faire le lien ouais voilà entre leur vie 275 courante, leur activité de tous les jours et comment l’outil et c’qu’ils ont appris ici 276 peuvent les aider peuvent les aider à…on va pas dire forcément à améliorer mais à à 277 leur apporter ouais leur apporter voilà du soutien ou une aide dans ce qu’ils vont faire 278 tous les jours 279 AS : d’accord et euh c’est compliqué ça pour vous de rendre pratique quelque 280 chose qu’ils apprennent ici ? 281 C : euh ça l’est… généralement non. On arrive toujours à faire des analogies entre leur 282 quotidien et euh non après ici on est dans un territoire assez rural où tout l’monde se 283 connaît pas ça c’est sûr mais où les gens sont assez intégrés dans la vie associative donc 284 on arrive très souvent par leur adhésion à un club associatif ou autre euh à leur montrer 285 comment l’outil peut les peut les aider dans leur… si c’est pas ou en partie dans leur vie 286 en tant que citoyen particulier mais également dans les activités qu’ils vont mener. Par 287
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exemple les gens qui font des qui ont une association ben ils vont pouvoir euh 288 communiquer ou monter un agenda pour euh pour l’association etc donc ça c’est 289 quelque chose qui marche qui marche beaucoup euh qui est pertinent par rapport à 290 l’outil par ce que là ils voient très bien l’intérêt qu’ils ont de mieux manipuler un peu 291 l’outil pour pouvoir communiquer à plusieurs même si ils sont sur un p’tit territoire 292 donc c’est vrai qu’c’est vu qu’ils s’intègrent très facilement dans une activité associative 293 ou culturelle on arrive très facilement à leur euh à leur euh à leur démontrer l’utilisation 294 de ces outils dans ce par rapport à l’activité qu’ils ont 295 AS : d’accord donc euh votre boulot alors c’est de rendre réel le virtuel ou quelque 296 chose comme ça 297 C : de rendre réel le virtuel non. C’est de… c’est de …On n’est pas sur du virtuel enfin 298 moi je considère pas ça comme du virtuel on est pas sur du virtuel euh quand on est sur 299 Internet euh pour communiquer, pour envoyer des messages ou pour euh pour euh pour 300 utiliser l’outil de visiophonie comme Skype pour avoir un contact avec un enfant qui est 301 à…ou un p’tit-enfant qu’on voit pas etc enfin pour moi y’a un échange il est différent 302 d’un échange par présentiel mais y’a un échange donc pour moi c’est pas… l’échange il 303 est réel, il est pas virtuel 304 AS : d’accord… et euh comment vous l’accompagner alors ça, en tant 305 qu’animateur ? 306 C : c'est-à-dire ? 307 AS : comment vous vous adaptez aux gens, à leur à leurs différents tempéraments, 308 à leur euh … 309 C : c’est euh c’est très difficile parce que ben oui parce qu’on a on reçoit ben euh tous 310 type de publics, d’âges, de milieux différents et euh donc on est constamment même 311 dans une journée toute la journée en train de s’adapter à la personne avec qui qu’on a en 312 face de soi. Donc y’a un côté très amical qui se qui se met en place donc c’est vrai 313 qu’après on a… nous en tant qu’animateur on essaie de prendre nos distances parce que 314 eux on devient très vite on va pas dire un contact euh un contact un contact avec qui ils 315 ont pas forcément dans d’autres structures locales. Ils viennent nous voir ils ouvrent la 316 porte ils viennent poser une question donc y’a un contact qui s’fait qu’est très amical 317 mais pour nous quand on a beaucoup de personnes à gérer c’est dur de donner tout le 318 temps le retour de ça c’est pas facile toujours d’leur donner le… ben c’qu’ils attendent. 319 Eux ils sont prêts à nous donner ce ce contact amical mais nous euh on essaie mais vu 320 que y’a beaucoup de monde à gérer euh je pense que des fois on arrive pas tout l’temps 321 à donner c’qui attendent en tout cas à c’niveau là. Ils savent très bien que… ils savent 322 très bien que voilà quoi euh on peut pas faire que du cas par cas avec tout l’monde 323 etcetera donc à un moment on est obligé de les recadrer gentiment gentiment 324 AS : ça a l’air quand même assez personnalisé 325 C : assez personnalisé ouais c’est personnalisé puisqu’on essaie à chaque fois de 326 s’adapter y’a des ateliers donc qui sont collectifs qui sont collectifs mais toute la 327 journée, tous les jours euh après un atelier avant l’atelier y’a des gens qui viennent ben 328 pour nous demander quelqu’ chose quelqu’chose qu’est pas abordé dans un atelier 329 actuellement donc là on va prendre ben une demi-heure, une heure on va se mettre donc 330 l’animateur et le et la personne ensemble autour de l’ordinateur pour essayer de 331 dialoguer de de montrer de démontrer quelqu’ chose, une manipulation et euh donc là 332 après voilà y’a toujours du soutien individuel qu’est apporté y’a toujours un soutien 333 individuel y’en a qui sont très réticents ou qu’on du mal parce q à venir dans les ateliers 334
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collectifs euh qui préfèrent venir dans des… venir nous questionner ou nous poser des 335 questions par rapport à un thème voilà avec une une avec une démarche individuelle 336 AS : vous arrivez à le gérer ça ? 337 C : euh on arrive à la gérer on se fait très vite avoir parce qu’on dit oui oui et au bout 338 d’un moment on rentre dans un cercle où on dit oui à tout et on rentre dans un cercle où 339 y’a pas de lim…on n’arrive pas à se fixer de limites on du mal du mal à se fixer des 340 limites donc euh c’est vrai qu’au bout d’un moment le temps, le temps, au niveau du 341 temps au niveau de la gestion du temps ça devient compliqué ça devient compliqué 342 AS : et comment du coup on s’en sort ? 343 C : comment on s’en sort ? Euh…(rires ) ben on s’en sort pas on s’en sort pas parce 344 qu’on est toujours dedans et non non on s’en sort pas on est c’est euh… on devient 345 hyper hyperactif en fait 346 AS : d’accord 347 C : puisqu’on passe d’un domaine à un autre, d’une personne à une autre euh une 348 personne qui…on travaille avec une personne pour lui apporter une aide sur quelque 349 chose euh trente secondes après c’était pas prévu y’en a une autre qu’arrive on passe 350 sur autre chose, préparer un atelier on peut pas… on est toujours c’est toujours dans ce 351 rythme là en fait où on où on passe d’une chose à une autre ouais donc là on essaie de se 352 réserver euh de se réserver en début d’journée une heure le matin de 9h à 10h où on euh 353 où on est en présentiel, où les animateurs sont dans la structure dans la cyber-base mais 354 où les portes restent fermées au public pour s’accorder euh une heure de travail en étant 355 surs de pas être dérangés euh parce que voilà les gens viennent y s’attendent à avoir une 356 réponse de suite quoi . Dans la mesure du possible on essaie de leur apporter ou de leur 357 dire euh là c’est pas possible, on essaie de trouver un créneau horaire ou le lendemain 358 ou une demi seconde après pour euh pour se voir et euh et discuter et voir euh qu’est ce 359 qui va pas quelle est leur leur difficulté mais euh mais voilà c’est vrai qu’ça on se fait on 360 arrive on a beaucoup de mal à ..se faut qu’on apprenne à dire non et c’est vrai que ça 361 c’est pas vu qu’y ce côté amical qu’est là on peut pas le nier donc dire non à une 362 personne comme ça on est un peu entre guillemet pote quoi on est potes quoi même si 363 c’est des personnes de 60 ans y’a y’a on peut parler de tout 364 AS : mm 365 C : donc voilà c’est vrai que après leur dire non non ben j’vous aide pas ou euh c’est 366 difficile 367 AS : mais c’est quand même un échange qu’y a entre vous finalement 368 C : ah oui oui c’est un échange qu’y entre nous ouais bien sûr 369 AS : est ce que vous… vous considérez que vous apprenez des choses dans ce 370 métier là ? 371 C : ah oui ouais ouais par rapport au… par rapport au… niveau au niveau relationnel 372 ouais beaucoup ouais beaucoup alors déjà on apprend parce qu’on est tout le temps en 373 train de s’adapter à des gens. Y’a des gens plus ou moins… y’a pas qu’des gens 374 agréables hein on reçoit pas qu’des gens gentils amicaux etcaetera y’a des gens qui qui 375 ont leur attente, qui sont très exigeants et qui veulent une réponse de suite euh c’est pas 376 toujours euh… des fois c’est un p’tit peu délicat ça s’est sûr mais euh non au niveau 377 relationnel on apprend beaucoup on apprend beaucoup. Pour les bons côtés quand y’a 378 des gens très gentils qui ont des choses très intéressantes à partager etcatetera et puis 379 également dans les mauvais côtés ou y’a des gens qui sont très exigeants, qui sont euh 380 qui veulent les choses de les choses de tout de suite etcaetear même si on n’a pas 381
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forcément ben dans l’métier si on n’a pas forcément l’obligation de répondre à ces 382 attentes là, généralement quand y’a un côté amical on essaie de le faire au mieux 383 AS : mm 384 C : Quand y’a un côté où les gens essaient d’nous imposer des choses qu’on n’a pas 385 forcément à faire et si y’a pas, si y’a pas un échange ben généralement là dans c’cas là 386 on peut dire non on peut dire non 387 AS : c’est plus facile de dire non dans ces cas là 388 C : c’est plus facile ouais sinon euh sinon euh sinon c’est pas plus difficile c’est qu’on 389 n’y arrive pas sinon c’est qu’on n’y arrive pas 390 AS : d’accord est ce que… ? pour moi je pense que ça va est ce que vous auriez 391 quelque chose à rajouter ? 392 C : j’pensais à quelque chose…non je vois pas j’ai quelque chose qui m ‘est sorti de la 393 tête 394 AS : j’sais pas on a parlé de pas mal de choses 395 C : ouais j’avais quelque chose qui m’passait dans la tête tout à l’heure… je vois 396 plus…non 397 (Silence) 398 AS : ouais bon et ben euh c’est bien 399
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Grille d’analyse Antoine.
Thèmes Sous-thèmes Sous sous-thèmes
Références lignes Occurrences
Temps programmatique
6, 16-17, 18-19, 32, 51-54, 78-79, 273-274, 284, 353-357, 360-361, 398-407, 436-439,
12
Expérimentation
19-22, 29, 72, 121-123, 130-133, 147-148, 153-154, 160-162, 227, 232-234, 235-237, 259-261, 275, 284, 436, 441-455, 459-464, 466-473, 504
19
Savoirs
14-16, 24-25, 32, 34-35, 35-36, 36-37, 43, 54-55, 67-69, 70-73, 114-116, 119-120, 124, 136-137, 181-182, 192-195, 200-201, 210, 216-217, 221-227, 259, 261-263, 263-264, 276-282, 289-290, 385-390, 391-394, 408, 428-433, 479-480, 483-489
31
Fo
rmel
Création 66-67 1
Temps historicisé 8, 12, 35, 70, 77, 78, 87, 164, 170-171, 173-174, 176, 200, 207-210, 211-212, 218, 221, 390-391, 491
18
Attentes 116-117, 124-125, 128-129, 183-184, 481-483 5
Expérience Le fond
13, 109-110, 135-136, 149-150, 195-198, 242-246, 285-289, 323-324, 376-377, 480-481, 520-521
11
Savoirs 32-33, 41-42, 47-48, 77-78, 180-181, 190, 203-205, 266, 300-301, 475, 476, 493-504, 507, 519-520
14
Info
rmel
Inspiration 38-40, 42-43, 43-44, 384-385 4
Temps 87, 100-101, 103-104, 146-147, 164, 201-202, 205, 297, 334-337, 344-345
10
Appréhension 144-146, 150-152, 158-159, 165, 165-166, 332-334, 431-432
7
Impuissance 211, 257-258, 263-264, 285, 293-295, 304-305, 314-315, 324-327, 455-457
9 Emotions
Plaisir 73-75, 475, 475-476, 477, 509-510 5
Savoirs 13-14, 110-114, 199-120 3
Ajustement
36, 40-41, 48-50, 70, 75-77, 144, 152-153, 154-156, 159-160, 176-178, 179-180, 182-183, 186-187, 213-216, 227-229, 234-235, 247-251, 253-255, 269-270, 272-273, 318, 318-321, 345-351, 362-368, 378-380, 409-426
26
Rel
atio
n
Création
Echanges 92-97, 339-342, 510-517, 521-524, 527-529 5
Corbeille 39, 50-51, 66, 79-80, 84-86, 87-90, 139-141, 240, 308-312, 330, 370, 382, 532-534
13
TOTAL DES OCCURRENCES 193
42
Grille d’analyse Béatrice
Thèmes Sous-thèmes Sous sous-thèmes Références lignes Occurrences
Temps programmatique
7, 11-15, 19-33, 43-49, 50-53, 57-60, 61-63, 64-65, 68-
70, 85, 93-100, 110-111, 143-145, 197-201, 216, 254-257, 299-300, 349, 351-352, 360-363, 365-366, 373-374, 375-376, 417, 450, 524-527
26
Expérimentation 74-76, 117-120, 133-135,
137-139, 218-221, 406-412, 413-415, 421-423, 431, 438-
440, 474-476, 483-484,
12
Savoirs
8-10, 60-61, 72-73, 76-77, 103-105, 108-110, 112-117, 142-143, 183-184, 212-215, 229-231, 320-324, 326-327, 328-332, 335-337, 340-341, 367-368, 385-386, 399-406,
427-430
20
Fo
rmel
Création 346-347, 358, 372-373, 386-395, 412-413, 442, 494-500, 7
Temps historicisé 137, 139-140, 143, 147-149, 203-207, 374-375, 376-377,
469, 509-510, 555-559 10
Attentes 282-287 1 Expérience
Le fond 261, 262, 397-399, 490-492,457-461 5
Savoirs 157-158, 317-323, 327-328 3 Info
rmel
Création/Inspiration 243-244, 251-252, 300-303, 311-313, 539-541 5
Temps 120-123, 166, 186-191 3
Appréhension 425-427, 430-431, 436-438, 445, 471 5
Impuissance 332-335, 337-338, 341-344, 348-349, 352-356, 488-490 6 Emotions
Plaisir 128-133, 168, 170-172, 176,
177, 178, 223, 248-249, 295-297, 323, 419, 431-434,
447, 507-508, 578-586
15
Savoirs 326 1
Ajustement
79-83, 85-90, 155, 161-164, 200-203, 226-229, 231-236, 237-240, 244-248, 249-251, 257-260, 268-270, 303-307, 379-383, 454-456, 463, 471-
474, 478-481, 512-516
19 Rel
atio
n
Création
Echanges
49-50, 65-66, 125-126, 153, 158-161, 166-168, 168-170, 172, 175-176, 176-177, 177, 178-181, 207-208, 236-237,
261, 266, 270-279, 351, 366-367, 421, 438, 451-454, 463-467, 483, 502-505, 508-509, 518-522, 530-536, 541-
550, 561-573
30
Corbeille 10-11, 35-36, 40, 151, 194-
197, 210, 291-293, 309, 323-324,576
10
TOTAL DES OCCURRENCES 178
43
Grille d’analyse Charles
Thèmes Sous-thèmes Sous sous-thèmes
Références lignes Occ.
Temps programmatique
16-17, 19-22, 24, 28-30, 59-60, 61, 86-88, 112-114, 327-328, 330, 341-
342, 352-357, 358-359
13
Expérimentation 122-123, 124-125, 198-201, 260-
261, 268-272, 291-292, 332
7
Savoirs
24-26, 30-32, 43-45, 62, 85-86, 149-152, 169-170, 175-179, 181, 184-188, 195-197, 202-203, 211-212, 218-222, 228, 257-260, 328-
330
17
Fo
rmel
Création 287-291 1
Temps historicisé 56-58, 60-61, 181-184, 197-198, 252-253, 272-273, 350, 351-352
8
Attentes 32-33, 59-60, 250-252, 253-254,
374-377, 379-381
6
Expérience
Le fond
64-65, 86, 123-124, 134-141, 152-155, 206-209, 215-219, 284-287,
293-295, 378-381
10
Savoirs 125-132, 261-267, 275-279 3
Info
rmel
Inspiration 0
Temps 225-226 1
Appréhension 65-67, 70-73, 77-78, 233-234 4
Impuissance
254-255, 318-319, 320-322, 338-341, 344-346, 360-361, 366-367,
389-390
8 Emotions
Plaisir 45-48, 118-120 2
Savoirs , 372-373, 377-378 2
Ajustement
7-14, 17-19, 79-84, 88-89, 117-118, 120-121, 247, 255-257, 267-268, 272, 282-283, 310-312, 314-316, 320, 322-327, 332-336, 348-350, 350-351, 357-358, 361, 373-
374, 381-383
22
Rel
atio
n
Création
Echanges
21-24, 35-43, 49-54, 67-70, 73-77, 91-109, 114-116, 120-121, 144-149, 155-169, 170-172, 190-191, 205-206, 211, 222-225, 230-233, 234-245, 292, 298-304, 313-314, 316-317, 330-332, 359-360, 361-
364, 369
25
Corbeille 204-205, 283-284, 307, 385-387,
393-397
5
TOTAL DES OCCURRENCES 134
119
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
ANQUETIL-CALLAC Mylène. L’accueil de l’expérience. Paris : L’Harmattan,
2006.
BARDIN Laurence. L’analyse de contenu. Paris : PUF, 2007.
BERTHIER Nicole. Les techniques d’enquête en sciences sociales. Paris : Armand
Colin, 2006.
BILLETER Jean-François. Leçons sur Tchouang-Tseu. Paris : Allia, 2009.
BLANCHET Alain, GHIGLIONE Rodolphe, MASSONAT Jean et TROGNON
Alain. Les techniques d’enquête en sciences sociales. Paris : Dunod, 2005.
BLANCHET Alain, GOTMAN Anne. L’enquête et ses méthodes : l’entretien. Paris :
Armand Colin, 2007.
BROUGERE Gilles, ULMANN Anne-Lise (Dir.). Apprendre de la vie quotidienne.
Paris : PUF, 2009.
DE ROSNAY Joël. Le macroscope. Paris : Editions du Seuil, 1975.
DESCARTES René. Discours de la méthode. Paris : Gallimard, 1991.
D’UNRUG Marie-Christine. Analyse de contenu et acte de parole. Paris : Editions
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FABRE Michel. Penser la formation. Paris : PUF, 1994.
GOETHE Johann W. Les années d’apprentissage de Wilhelm Meister. Paris :
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KANT Emmanuel. Critique de la faculté de juger. Paris : GF Flammarion, 1995.
KANT Emmanuel. Essai sur les maladies de la tête. Observations sur le sentiment
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LE BOUËDEC Guy, DU CREST Arnaud, PASQUIER Luc, STAHL Robert.
L’accompagnement en éducation et formation. Un projet impossible ? Paris :
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LEGROUX Jacques. De l’information à la connaissance. Paris : L’Harmattan, 2008.
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LIICEANU Gabriel. De la limite – Petit traité à l’usage des orgueilleux. Paris :
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PAUL Maëla. L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique. Paris :
L’Harmattan, 2004.
PIAGET Jean. Six études de psychologie. Genève : Editions Gonthier, 1964.
PINEAU Gaston, LE GRAND Jean-Louis. Les histoires de vie. Paris : PUF, 1993.
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ROGERS Carl R. Liberté pour apprendre. Paris : Dunod, 1999.
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BROUGERE Gilles. « Les jeux du formel et de l’informel ». Revue française de
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DENOYEL Noël. « Alternance tripolaire et raison expérientielle à la lumière de la
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CUEEP, 2003, n°50, p. 203 – 220.
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SCHUGURENSKY Daniel. « Vingt mille lieues sous les mers : les quatre défis de
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multimédia, animateur d’espace public numérique, médiateur Internet ». URL :
http://www.delegation.internet.gouv.fr/chrgt/netpublic/Referentiel_metier_Animateu
r_TIC.pdf
123
Table des matières
REMERCIEMENTS............................................................................................................................ 3
SOMMAIRE ......................................................................................................................................... 4
INTRODUCTION GENERALE......................................................................................................... 5
PREMIERE PARTIE........................................................................................................................... 7
EXPLORATION THEORIQUE......................................................................................................... 7
INTRODUCTION PREMIERE PARTIE.......................................................................................... 8
CHAPITRE 1. FORMEL, INFORMEL : VARIATIONS SUR LA FO RME................................. 9
INTRODUCTION................................................................................................................................... 9 I. SOUS L’ANGLE DES SAVOIRS......................................................................................................... 10
1. De la limite des définitions...................................................................................................... 11 1.1 Savoirs formels .................................................................................................................................11 1.2 Savoirs non formels ..........................................................................................................................11 1.3 Savoirs informels..............................................................................................................................12
2. Le rapport à la forme.............................................................................................................. 14 2.1 La théorie de l’hylémorphisme d’Aristote ........................................................................................14 2.2 L’esthétique de Kant.........................................................................................................................15
3. De la connaissance du sujet au sujet connaissant................................................................... 16 II. L’ EXPERIENCE : DE L’EXPERIMENTATION A LA PHILOSOPHIE DE LA VIE....................................... 18
1. La formation expérientielle ..................................................................................................... 19 2. L’expérience de vie ou la vie comme expérience .................................................................... 21
2.1 La Bildung........................................................................................................................................21 2.2 Apprendre de (et par) son histoire : les histoires de vie ....................................................................23
3. Entre reconnaissance et formalisation : le paradoxe de l’informel ........................................ 24 3.1 Echapper à la formalisation ?............................................................................................................24 3.2 Oui, mais….......................................................................................................................................25
III. LE LIEN COMPLEXE DU FORMEL ET DE L’ INFORMEL .................................................................... 27 1. Formel et informel : des notions indissociables...................................................................... 27 2. Le tissage des savoirs.............................................................................................................. 29 3. De la limite de la connaissance .............................................................................................. 31
CONCLUSION.................................................................................................................................... 32
CHAPITRE 2. L’ACCOMPAGNEMENT : UN ART DE LA LIBERTE ?.................................. 34
INTRODUCTION................................................................................................................................. 34 I. ENTRE INSPIRATION ET INTERVENTION : LE CHEMINEMENT COMPLEXE DE L’ACCOMPAGNEMENT35
1. Un cheminement à travers des postures.................................................................................. 35 1.1 Du mot à la fonction .........................................................................................................................35 1.2 Un jeu de postures ............................................................................................................................36
2. Entre intervention…................................................................................................................ 38 3. … et inspiration....................................................................................................................... 40
II. L’ ACCOMPAGNEMENT COMME MOUVEMENT A LA CREATION....................................................... 43 1. La création comme genèse...................................................................................................... 43 2. La création comme renouveau ................................................................................................ 45 3. La co-création......................................................................................................................... 47
3.1 L’apport de soi, la part de l’autre…..................................................................................................47 3.2 … dans la relation.............................................................................................................................48
III. ACCOMPAGNER : (SE) LIBERER PAR L’EXPERIENCE OU EXPERIMENTER LA LIBERTE ?................. 50 1. Accompagner : (se) libérer ? .................................................................................................. 51 2. De l’expérience comme cheminement ..................................................................................... 53 3. L’accompagnement : vers une liberté in-possible ?................................................................ 55
CONCLUSION.................................................................................................................................... 56
124
CONCLUSION PREMIERE PARTIE............................................................................................. 58
DEUXIEME PARTIE ........................................................................................................................ 59
ÉTUDE DE TERRAIN ET ANALYSE DU CORPUS..................................................................... 59
INTRODUCTION DEUXIEME PARTIE ....................... ................................................................ 60
CHAPITRE 3. CONTEXTE DE L’ETUDE, RECUEIL DES DONNEE S ET ANALYSE PAR ENTRETIEN....................................................................................................................................... 61
INTRODUCTION................................................................................................................................. 61 I. CONTEXTE DE L’ETUDE ................................................................................................................. 62
1. Les espaces publics numériques : des structures aux confins des politiques d’aménagement du territoire et des politiques sociales ........................................................................................ 62 2. L’accompagnement au cœur du métier d’animateur d’espace public numérique................... 63
II. RECUEIL DE DONNEES.................................................................................................................. 64 1. Sélection de la méthode de recueil .......................................................................................... 64
1.1 L’observation : une première hypothèse...........................................................................................64 1.2 Le choix de l’entretien non-directif comme méthode de recueil......................................................65 1.3 Choix de la population......................................................................................................................66
2. Le déroulement des entretiens................................................................................................. 68 2.1 Le lieu : un choix de l’interviewé .....................................................................................................68 2.2 Le cadre contractuel : description, critique et évolution ...................................................................68 2.3 La réalisation de l’entretien .............................................................................................................69
2.3.1. L’entrée en matière..................................................................................................................69 2.3.2. Les relances .............................................................................................................................69
III. CONSTRUCTION DE LA GRILLE D’ANALYSE ................................................................................. 70 1. Les étapes préalables à la construction .................................................................................. 70 2. Etablissement des catégories et explicitation.......................................................................... 72
2.1 Les thèmes : un choix paradoxal.......................................................................................................72 2.2 Des sous-thèmes identiques et singuliers..........................................................................................73 2.3 Des sous sous-thèmes pour affiner la grille ......................................................................................74 2.4 La corbeille.......................................................................................................................................75
3. La grille d’analyse des entretiens ........................................................................................... 76 IV. PRESENTATION DES RESULTATS ET PREMIERE ANALYSE VERTICALE .......................................... 76
1. Présentation de la grille et analyse de l’entretien d’Antoine.................................................. 77 1.1 Tableau n° 1 : grille d’analyse de l’entretien d’Antoine ...................................................................77 1.2 Analyse de l’entretien d’Antoine......................................................................................................78
1.2.1. Analyse par thème ...................................................................................................................78 1.2.2. Analyse par sous-thème...........................................................................................................78 1.2.3. Analyse par sous sous-thème...................................................................................................79 1.2.4. Analyse transversale des sous-thèmes .....................................................................................80
2. Présentation de la grille et analyse de l’entretien de Béatrice ............................................... 82 2.1 Tableau n° 3 : grille d’analyse de l’entretien de Béatrice. ................................................................82 2.2 Analyse de l’entretien de Béatrice ....................................................................................................83
2.2.1. Analyse par thème ...................................................................................................................83 2.2.2. Analyse par sous-thème...........................................................................................................83 2.2.3. Analyse par sous sous-thème...................................................................................................84 2.2.4. Analyse transversale des sous-thèmes .....................................................................................84
3. Présentation de la grille et analyse de l’entretien de Charles ................................................ 86 3.1 Tableau n° 5 : grille d’analyse de l’entretien de Charles ..................................................................87 3.2 Analyse de l’entretien de Charles .....................................................................................................87
3.2.1. Analyse par thème ...................................................................................................................87 3.2.2. Analyse par sous-thème...........................................................................................................87 3.2.3. Analyse par sous sous-thème...................................................................................................88 3.2.4. Analyse transversale des sous-thèmes .....................................................................................89
CONCLUSION.................................................................................................................................... 90
CHAPITRE 4. ANALYSE COMPARATIVE, INTERPRETATION ET PERSPECTIVES D’ACTION.......................................................................................................................................... 92
INTRODUCTION................................................................................................................................. 92 I. ANALYSE COMPARATIVE, ANALYSE GLOBALE............................................................................... 92
125
1. Analyse comparative des entretiens. ....................................................................................... 94 1.1 Analyse comparative par thème .......................................................................................................94 1.2 Analyse comparative par sous-thème ...............................................................................................95
1.2.1. Au sein du thème formel .........................................................................................................95 1.2.2. Au sein du thème informel ......................................................................................................95 1.2.3. Au sein du thème relation........................................................................................................96
1.3 Analyse comparative des sous sous-thèmes......................................................................................96 1.4 Analyse comparative des sous-thèmes transversaux.........................................................................97 1.5 La corbeille.......................................................................................................................................98 1.6 Synthèse partielle..............................................................................................................................98
2. Analyse globale des entretiens ................................................................................................ 99 2.1 Analyse par thème ..........................................................................................................................100 2.2 Analyse par sous-thème..................................................................................................................100 2.3 Analyse par sous sous-thème..........................................................................................................100 2.4 Analyse par sous-thèmes transversaux ...........................................................................................101
3. Synthèse des éléments d’analyse........................................................................................... 102 II. INTERPRETATION ET PERSPECTIVES D’ACTION ........................................................................... 103
1. Interprétation des résultats ................................................................................................... 103 1.1 L’accompagnement entre formel et informel : une question de relation ? ......................................103 1.2 Informel et in-formel ......................................................................................................................107 1.3 Les savoirs : formels avant tout ? ...................................................................................................108 1.4 La question du contexte ..................................................................................................................109
2. Perspectives d’action ............................................................................................................ 110 2.1 Le réseau : un outil pour l’animateur ..............................................................................................110 2.2 Dans la pratique quotidienne ..........................................................................................................111
CONCLUSION.................................................................................................................................. 112
CONCLUSION DEUXIEME PARTIE .......................................................................................... 114
CONCLUSION GENERALE.......................................................................................................... 115
ANNEXES......................................................................................................................................... 117
BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................................... 119
OUVRAGES..................................................................................................................................... 119 ARTICLES ....................................................................................................................................... 120 INTERNET....................................................................................................................................... 121
TABLE DES MATIERES................................................................................................................ 123
In some specific situations of training within a rural context, there is a lot of what we can
call everyday, informal experience. This imperceptible space isn’t structured nor
institutionalized, and it is a space for encounters and discovery, for learning and
transmitting knowledge. And it is hidden from those who don’t pay attention to it. So as
compared with formal of situations of training, the informal is present, but in a very
specific and almost clandestine manner. Then, what is at stake between these two
notions? How can they coexist? How can the teacher, the coach, determine his role, if
need be?
Exploring the concept of formalism will enable us to deal with these notions and
complexify our approach. Between the formal and the informal then, we will address the
questions of accompanying and of how the teacher, the coach "manages" all this. How
can he do his job as best possible? In this study, accompanying will be dealt with in
terms of creation and relation. As such, could it be considered as a form of art?
Three interviews of cyberbase trainers in a rural context will feed our reflection and will
be related to theoretical notions, so as to turn thinking matter into action.
Key words:
Formal, informal, experience, experiment, accompanying, creation, rural context
SALIN (Aurélie), 2010, L’ACCOMPAGNEMENT ENTRE FORMEL ET INFORMEL , le cas de trois animateurs de cyber-base en milieu rural, mémoire en vue de l’obtention de la Licence Professionnelle Intervention Sociale Métiers de la Formation des Jeunes et des Adultes, Pau, Université de Pau et des Pays de l’Adour, 125 pages.
Des situations de formation singulières au sein de contextes caractérisés par la ruralité
sont marquées par la prégnance de ce que l’on nomme l’expérience, le quotidien,
l’informel. Cet espace impalpable, non structuré, non institutionnalisé, espace de
rencontres et de découvertes, d’apprentissage et de transmission, ne se dévoile qu’à
ceux qui veulent bien y prêter attention. L’informel côtoie ainsi de manière particulière
et presque clandestine le formel inhérent à tout lieu de formation. Qu’est ce qui se joue
alors entre ces deux notions ? Comment "cohabitent"-elles ? Comment l’animateur,
l’accompagnant, y trouve sa place, s’il a vraiment une place à trouver…
C’est par l’exploration du concept de forme que ces notions seront approchées et mises
en complexité. Entre formel et informel se posera ensuite la question de
l’accompagnement et de la façon dont l’accompagnant, le formateur, l’animateur, se
"débrouille" de "tout ça". Comment parvenir à exercer son métier de la "meilleure"
manière ? L’accompagnement sera abordé ici sous l’angle de la relation et de la
création. Pourra t-il alors être envisagé comme un art ?
Le recueil de trois entretiens d’animateurs de cyber-base en milieu rural viendra nourrir
cette réflexion et sera mis en lien avec l’exploration théorique afin de tenter de faire de
cette matière à penser une matière à agir.
Mots clés :
Formel, informel, expérience(s), accompagnement, création, relation, ruralité.