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La conjecture de Kadison-Singer Mémoire Sarah Desmeules Maîtrise en mathématiques Maître ès sciences (M.Sc.) Québec, Canada © Sarah Desmeules, 2015

Université Laval · Résumé La conjecture de Kadison-Singer traitant de l'existence et de l'unicité d'extension d'état pur de la C*-algèbre des opérateurs diagonaux dans B(H)

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La conjecture de Kadison-Singer

Mémoire

Sarah Desmeules

Maîtrise en mathématiquesMaître ès sciences (M.Sc.)

Québec, Canada

© Sarah Desmeules, 2015

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Résumé

La conjecture de Kadison-Singer traitant de l'existence et de l'unicité d'extension d'état pur de

la C*-algèbre des opérateurs diagonaux dans B(H) sur B(H) fut émise en 1959 par Kadison et

Singer. Il faut attendre jusqu'en 2013 pour que l'une de ses équivalences soit �nalement résolue.

La première partie de ce mémoire étudie le lien entre la conjecture et le résultat prouvé via deux

autres équivalences. La seconde partie traite en profondeur de la preuve du résultat en passant

par plusieurs concepts, tels que les familles entrelacées, la notion de stabilité et le polynôme

caractéristique mixte. En�n, la dernière partie porte sur une équivalence particulière, soit la

conjecture de Feichtinger.

iii

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Table des matières

Résumé iii

Table des matières v

Remerciements vii

Notation ix

1 Introduction 1

2 La conjecture de Kadison-Singer 3

2.1 Conjecture de Weaver . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32.2 Problème de pavage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42.3 Conjecture d'Akemann et Anderson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52.4 Équivalence entre Kadison-Singer et Weaver . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

3 Démonstration de la conjecture 11

3.1 Théorème principal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113.2 Algèbre linéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143.3 Familles entrelacées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213.4 Polynôme stable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243.5 Polynôme caractéristique mixte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 303.6 Fonction barrière et borne supérieure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

4 La conjecture de Feichtinger 45

4.1 Préliminaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 454.2 Feichtinger et BT faible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 464.3 BT faible et Kadison-Singer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

Conclusion 53

Bibliographie 55

v

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Remerciements

Tout d'abord, j'aimerais remercie mon superviseur le professeur Thomas Ransford, pour toute

l'aide, la disponibilité et le soutien qu'il m'a o�ert, autant au niveau �nancier qu'au niveau

académique. Ses conseils et son expérience m'ont beaucoup appris et aidé au cours de mon

cheminement.

Je voudrais également remercier les professeurs du département qui m'ont permis de com-

pléter ma formation au niveau du baccalauréat lors de mon arrivée à l'Université Laval ainsi

qu'au niveau de la maîtrise. Merci en particulier au professeur Robert Guénette qui m'a guidé

lors de mon arrivée à l'Université Laval.

Merci à Emmanuelle Reny-Nolin pour m'avoir permis de travailler au CDA ainsi qu'à Saïd El

Morchid pour me permettre d'être auxiliaire d'enseignement tout en me guidant. Ces expé-

riences ont été pour moi à la fois grandement enrichissantes et très amusantes.

Ce mémoire n'aurait pas été possible sans le soutien permanent de ma famille. Merci à ma

mère, Carole, à ma marraine, Lucie et à ma grand-mère, Marie, qui m'appellent chaque jour,

s'assurant à chaque fois que je ne manque de rien tout en me soutiennent dans mes études.

Merci à mon parrain, Michel, ainsi qu'à Renaud, pour leur disponibilité et leur présence. Un

merci particulier à Christian, qui non seulement me remonte le moral et m'aide à traverser

les épreuves, mais qui m'aide également dans la rédaction de ce mémoire en m'inspirant et en

corrigeant mes erreurs.

En�n, merci à tous mes amis qui m'ont encouragé et avec qui, j'ai eu tant de beaux mo-

ments.

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Notation

Tout au long du document, l'ensemble des nombres réels est noté R, tandis que celui des

nombres complexes est noté C. L'espace Rn correspond à l'espace R × · · · × R de dimension

n. Aussi, C[z1, . . . , zm] est l'ensemble des polynômes à m variables ayant des coe�cients com-

plexes. Soit p(z1, . . . , zm) un polynôme à plusieurs variables. L'opérateur de dérivée partielle

par rapport à la variable zi est noté ∂zi .

On écrit H pour désigner un espace de Hilbert et on note B(H) l'ensemble des opérateurs

linéaires bornés sur H. La base canonique orthonormée est notée {e1, . . . , en}. On écrit I pour

l'opérateur identité. Lorsque la taille est ambiguë, on note Ik pour la matrice identité de taille

k.

Soit m ∈ N. On note [m] := {1, 2, ...,m} l'ensemble des entiers plus petits ou égaux à m.

On écrit([m]k

)pour l'ensemble des sous-ensembles de [m] ayant k éléments.

Soit z0 un point quelconque dans Cd et p > 0. La boule de centre z0 et de rayon p s'écrit

comme B(z0, p). La boule pointée est noté B̊(z0, p) alors que la fermeture de la boule est noté

B(z0, p). En�n, la frontière de la boule s'écrit ∂B(z0, p).

Soient z1, . . . , zm et S ⊂ [m]. Pour simpli�er la notation, on écrit zS :=∏i∈S zi.

Pour un vecteur x arbitraire, la norme ‖x‖ correspond à la norme euclidienne traditionnelle.

Pour une matrice A, sa norme matricielle sera ‖A‖ := max‖x‖=1 ‖Ax‖. Par convention, AT est

sa transposée et A−1 est son inverse.

Soit u ∈ Cd un vecteur colonne. On a u∗ = uT , soit le conjugué du vecteur transposé u.

Si u1, . . . , ud sont des vecteurs colonnes, on note

∑i

uiu∗i =

∑i

ui1ui1 . . . ui1uid

.... . .

...

uidui1 . . . uiduid

.

ix

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Finalement, P dénote la probabilité d'un certain événement et E l'espérance d'une certaine

variable aléatoire.

x

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Chapitre 1

Introduction

Soit H un espace de Hilbert et B(H) l'ensemble des opérateurs linéaires bornés sur H. UneC*-algèbre est une sous-algèbre A de B(H) fermée pour la norme topologique telle que

si A,B ∈ A alors AB,A∗ ∈ A.

Ici, l'opérateur ∗ : B(H)→ B(H) est l'opérateur adjoint dé�ni par

〈Av,w〉 = 〈v,A∗w〉,

pour tout v, w ∈ H [21].

Un état d'une C*-algèbre est une fonctionnelle linéaire f telle qu'on a f(I) = 1 et f(T ) ≥ 0

pour tout opérateur T positif. L'ensemble des états d'une C*-algèbre est convexe et il est

généré par ses points extrêmaux. On appelle ces points extrêmaux des états purs [10].

En 1959, Kadison et Singer ont publié un document traitant des états purs sur des C*-algèbres

dans lequel ils posent la conjecture suivante [11].

Conjecture 1.0.1 (Kadison-Singer). Tous les états purs de la C*-sous-algèbre des opérateurs

diagonaux dans B(H) ont une extension d'état unique sur B(H).

Le problème apporté par Kadison et Singer fut, pendant plusieurs années, une question ouverte

en théorie des opérateurs. L'intérêt de ce problème venait de ces nombreuses équivalences. En

e�et, la conjecture de Kadison-Singer est connue pour être équivalente à la conjecture de

Weaver [20], la conjecture d'Akemann et Anderson [1], le problème de pavage [11], la Rε-

conjecture [7], la conjecture de Bourgain-Tzafriri [7], la conjecture de Feichtinger [6], et bien

d'autres. Mais alors que tous croyaient que la conjecture était fausse, celle-ci se révéla vraie

après près de 55 ans. On doit cette solution aux chercheurs Adam Marcus, Daniel A. Spielman

et Nikhil Srivastava [14].

1

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Le présent mémoire a pour but d'étudier cette conjecture. On présente d'abord au chapitre

2 le lien entre l'énoncé de la conjecture et la conjecture équivalente qui a été prouvée, soit la

conjecture de Weaver. Ce lien passe par deux autres résultats équivalents, soit le problème de

pavage et la conjecture d'Akemann et Anderson. Le survol rapide de ces deux résultats sera

suivi d'une démonstration plus rigoureuse montrant l'équivalence de la conjecture de Weaver.

Le chapitre 3 est consacré à l'étude de la démonstration de la conjecture de Weaver que

l'on doit à Marcus, Spielman et Srivastava. D'abord, on explique le lien entre la conjecture

de Weaver et le théorème prouvé dans leur article. Après un bref rappel sur des résultats

classiques de l'algèbre linéaire, on débute avec le concept de familles entrelacées. Ces familles

ont des propriétés particulières, dont la propriété qu'elles contiennent au moins un polynôme

dont la plus grande racine est au plus la plus grande racine de la somme des polynômes de

la famille. En utilisant la notion de stabilité et ce qu'on appellera le polynôme caractéristique

mixte, on réussit à montrer que les polynômes caractéristiques des matrices qui apparaissent

dans notre résultat forment une famille entrelacée. En�n, en bornant les racines du polynôme

caractéristique grâce à une fonction particulière que l'on appellera barrière, il sera en�n pos-

sible de montrer le résultat voulu.

En�n, le chapitre 4 porte sur la conjecture de Feichtinger qui, malgré les apparences, est

liée à la conjecture de Kadison-Singer. Après une courte introduction expliquant les notions

nécessaires, on débute la preuve en démontrant la relation d'équivalence entre la conjecture

de Feichtinger et celle de Bourgain-Tzafriri. On regarde ensuite le lien de cette dernière avec

celle de Kadison-Singer.

2

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Chapitre 2

La conjecture de Kadison-Singer

2.1 Conjecture de Weaver

La démonstration de Marcus, Spielman et Srivastava prouve la véracité de la conjecture de

Kadison-Singer via une équivalence : la conjecture de Weaver [20]. L'énoncé de cette conjecture

est le suivant :

Conjecture 2.1.1 (Weaver (ou KSr)). Pour tout nombre naturel r ≥ 2, il existe des constantes

η ≥ 2 et θ > 0 telles que l'énoncé suivant est vrai. Soient w1, . . . , wm ∈ Cd avec ‖wi‖ ≤ 1 ∀irespectant l'hypothèse

m∑i=1

|〈u,wi〉|2 = η,

et ce pour chaque vecteur unitaire u ∈ Cd. Alors il existe une partition S1, S2, . . . , Sr de

{1, . . . ,m} telle que ∑i∈Sj

|〈u,wi〉|2 ≤ η − θ

pour chaque vecteur unitaire u ∈ Cd et pour j ∈ {1, 2, . . . , r}.

Dans l'article de Weaver, la conjecture 2.1.1 avait comme hypothèse que∑n

i=1 |〈u,wi〉|2 ≤ η.

Cependant, le théorème 2 de [20] nous permet de poser θ = 1 et\ou∑n

i=1 |〈u,wi〉|2 = η sans

changer la relation d'équivalence avec la conjecture de Kadison-Singer. Pour nous simpli�er

les choses, on pose directement l'hypothèse∑n

i=1 |〈u,wi〉|2 = η.

Le cas où le nombre de sous-ensembles dans la partition est égal à deux est un cas spé-

cial qui est équivalent à la conjecture de Weaver KSr. En e�et, si pour tout r ≥ 2, il existe des

constantes telles que la conjecture 2.1.1 est vraie, c'est vrai dans le cas où r = 2. Inversément,

si l'énoncé est vrai pour r = 2, alors on peut facilement séparer la partition en plus de deux

sous-ensembles et conserver la même conclusion avec les mêmes constantes. On notera KS2

pour le cas où r = 2. Ce sera le cas utilisé tout au long de la démonstration du chapitre 3.

3

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Ce chapitre est dédié à l'étude de l'équivalence entre les deux conjectures. Deux résultats

équivalents à la conjecture sont nécessaires pour la démonstration, soit le problème de pavage

[11] et la conjecture de Akemann et Anderson [1]. Ces deux résultats ne seront que briève-

ment survolés. On regardera par la suite la démonstration de la relation entre la conjecture

de Weaver et celle de Kadison-Singer. La première partie de la démonstration montrera que

la conjecture de Weaver dans le cas particulier où r = 2, soit KS2, entraîne celle d'Akemann

et Anderson. La seconde partie, quant à elle, prouvera que le problème de pavage entraîne la

conjecture de Weaver 2.1.1.

2.2 Problème de pavage

Débutons cette section en énonçant le problème de pavage.

Conjecture 2.2.1 (Problème de pavage). Pour tout ε > 0, il existe un entier naturel r > 0

tel que pour toute matrice n×n complexe A avec une diagonale nulle, il existe des projections

diagonales n× n Q1, . . . , Qr (i.e. un pavage), telles que

r∑i=1

Qi = 1 et ‖QjAQj‖ ≤ ε‖A‖ ∀j.

La conclusion du problème de pavage correspond à la dé�nition de compressibilité que l'on

retrouve dans l'article de B. Tanbay ( [18], proposition 1.1).

Proposition 2.2.2. Un opérateur T est compressible si et seulement si pour chaque ε > 0,

il existe une partition �nie de N dans S1, . . . , Sn telle que pour tout i ≤ n,

‖PSi(T −DT )PSi‖ < ε,

où DT correspond à la diagonale de T et PSi correspond à la projection orthogonale sur l'espace

engendré par {en : n ∈ Si}.

Le théorème 2.3 de [18] a�rme ensuite qu'une certaine C*-algèbre M dé�nie dans l'article

de Tanbay et contenant la C*-algèbre des opérateurs diagonaux est compressible dans B(H).

Or, J. Anderson a prouvé l'équivalence entre la compressibilité et l'unicité de l'extension de

chaque état pur de la C*-sous-algèbre des opérateurs diagonaux dans B(H) sur B(H) [2]. Le

résultat suivant correspond à la première partie du théorème 3.6. Notons ici que A′ et A sont

des C*-algèbres et que A′ ⊂ A.

Théorème 2.2.3. Si A′ est une sous-algèbre maximale abélienne de A, alors tous les états

purs de A′ ont une unique extension d'état pur dans A si et seulement si A est compressible.

4

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Étant donné qu'il y a une équivalence unitaire entre une sous-algèbre maximale abélienne

discrète de B(H) et la C*-algèbre des opérateurs diagonaux dans B(H) en respectant la base

�xée [18], il su�t de poser A′ et A comme étant respectivement la C*-algèbre des opérateurs

diagonaux dans B(H) et M pour appliquer directement le théorème. Ainsi, le problème de

pavage 2.2.1 est équivalent à la conjecture de Kadison-Singer 1.0.1.

2.3 Conjecture d'Akemann et Anderson

Tout comme la section précédente, débutons en énonçant la conjecture d'Akemann et Anderson

que l'on retrouve dans le chapitre 7 de [1].

Conjecture 2.3.1 (Akemann et Anderson). Il existe ε, δ > 0 tels que pour toute projection

orthogonale complexe n× n P avec

maxi≤n

Pi,i ≤ δ,

où Pi,j représente l'élément de la matrice situé à la i-ème ligne et à la j-ème colonne, il existe

une projection diagonale Q telle que

‖QPQ‖ ≤ 1− ε, ‖(I −Q)P (I −Q)‖ ≤ 1− ε.

On se rappelle qu'une projection diagonale est une matrice ayant 1 ou 0 sur la diagonale

et 0 ailleurs tandis qu'une projection orthogonale est une matrice n × n complexe P telle

que P 2 = P ∗ = In. La démonstration un peu longue de l'équivalence avec la conjecture de

Kadison-Singer se fait au début du chapitre 7 de [1].

Plus récemment, Weaver a montré qu'un résultat un peu plus faible que cette conjecture

est équivalent à Kadison-Singer [20].

Conjecture 2.3.2. Il existe des constantes universelles δ > 0, ε < 1 et r ∈ R telles que pour

tout n et toute projection orthogonale P sur ln2 avec

maxi≤n

Pi,i ≤ δ,

il existe un pavage {Qj}rj=1 de {1, 2, . . . , n} tel que

‖QjPQj‖ ≤ 1− ε ∀j ∈ {1, 2, . . . , r}.

On remarque assez facilement que la conjecture d'Akemann et Anderson 2.3.1 est un cas

spéci�que de la conjecture 2.3.2. La démonstration de la correspondance avec Kadison-Singer

se fait à la �n de la première étape de la démonstration du théorème 1 de [20], en utilisant la

notion d'ultra�ltre que l'on n'abordera pas.

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2.4 Équivalence entre Kadison-Singer et Weaver

Voici la démonstration de l'équivalence entre les deux conjectures que l'on retrouve dans

l'article de Weaver [20].

Théorème 2.4.1. La conjecture de Kadison-Singer 1.0.1 a une solution positive si et seule-

ment si la conjecture de Weaver KSr 2.1.1 est vraie pour certains r ≥ 2.

Démonstration. (⇐) Étant donné que la conjecture avec r = 2, soit KS2, est équivalente à

la conjecture de départ, on l'utilisera pour simpli�er la preuve. Supposons donc la conjecture

KS2 vraie pour certaines valeurs de η et θ. Soit P une projection orthogonale complexe n× navec

maxi≤n

Pi,i ≤1

η.

Si P a un rang k, alors son image est un sous-espace à k-dimensions W ⊂ Cn. On dé�nit

wi =√ηPei. On observe que pour tout i,

‖wi‖2 = η · ‖Pei‖2 = η · 〈Pei, ei〉 ≤ η ·maxi≤n

Pi,i ≤ 1.

De plus, pour un vecteur unitaire u ∈W , on a∑i

|〈u,wi〉|2 =∑i

|〈u,√ηPei〉|2 = η∑i

|〈u, ei〉|2 = η.

Si par hypothèse, la conjecture est vraie, alors il existe une partition S1, S2 de {1, . . . , n} telleque ∑

i∈Sj

|〈u,wi〉|2 ≤ η − θ

pour tout j ∈ {1, 2} et pour chaque vecteur unitaire u ∈ V . Pour j ∈ {1, 2} et 1 ≤ i ≤ n,

soient Qj les projections diagonales n× n dé�nies par

Qjej =

{ej si i ∈ Sj0 si i /∈ Sj .

Alors, on obtient

‖QjPu‖2 =∑i

|〈QjPu, ei〉|2

=∑i

|〈u, PQjei〉|2

=1

η

∑i∈Sj

|〈u,wi〉|2

≤ 1

η(η − θ)

≤ 1− θ

η.

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Puisque c'est vrai pour tout vecteur u ∈ V unitaire, c'est vrai en particulier pour le suprémum

et donc

‖QjP‖2 ≤ 1− θ

η.

Or, ‖QjP‖2 = ‖QjPQj‖, ce qui entraîne

‖QjPQj‖ ≤ 1− θ

η.

Puisque Q1 = I−Q2 et vice versa, la conjecture de Weaver KS2 entraîne la conjecture d'Ake-

mann et Anderson. Étant donné que cette dernière engendre la conjecture de Kadison-Singer,

on obtient que la conjecture de Weaver KS2 implique celle de Kadison-Singer.

(⇒) On procède par contraposée. Supposons que la conjecture 2.1.1 est fausse pour tout

r. Fixons N = r ≥ 2 avec θ = 1 et prenons w1, . . . , wn ∈ Ck satisfaisant les hypothèses de la

conjecture. Soit vi = wi√η . On remarque que si Aw : Ck → Ck est l'opérateur de rang 1 dé�ni

par Aw : u 7→ 〈u,w〉w, alors on a

‖Avi‖ = ‖vi‖2 ≤1

ηet

n∑i=1

Avi ≤ Ik.

On a donc que (Ik −∑n

i=1Avi) est un opérateur positif de rang �ni. Il est possible de trouver

des opérateurs de rang 1 notés Avj où n+ 1 ≤ j ≤ m tels que

‖Avj‖ ≤1

ηet

m∑i=1

Avi = Ik.

Dé�nissons maintenant un plongement Φ : Ck → Cm par

Φ(u) :=

m∑i=1

〈u, vi〉ei.

Pour chaque u ∈ Ck, on a

‖Φu‖2 =m∑i=1

|〈Φu, ei〉|2 =m∑i=1

|〈u, vi〉|2

=m∑i=1

〈Aviu, u〉 = ‖u‖2,

et donc Φ est une isométrie. Soit P la projection orthogonale dans Cn+m avec comme image

Φ(Ck). Alors〈Pei,Φvj〉 = 〈ei,Φvj〉 = 〈vi, vj〉 = 〈Φvi,Φvj〉,

pour tout i et j. Étant donné que les vi engendrent Ck, on a que Pei = Φvi.

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Soit D la matrice diagonale avec la même diagonale que P (i.e. Di,i = Pi,i). Alors

‖D‖ = max‖x‖=1

‖Dx‖ = maxi〈Pei, ei〉

= maxi〈Φvi, ei〉 = max

i〈vi, vi〉

= maxi‖vi‖2 ≤

1

η.

Soient Q1, . . . , Qr des projections diagonales m×m telles que

r∑i=1

Qi = I.

On dé�nit une partition S1, . . . , Sr de {1, . . . ,m} telle que i ∈ Sj uniquement si l'élément de

la i-ème colonne et i-ème ligne de Qj n'est pas nul.

Étant donné notre choix de wi de départ, on déduit qu'il existe un j ∈ {1, . . . , r} et un

u ∈ Ck avec ‖u‖ = 1 tels que ∑i∈Sj∩{1,...,n}

|〈u,wi〉|2 > η − 1.

Il suit que

‖QjP (Φu)‖2 ≥m∑i=1

|〈QjP (Φu), ei〉|2

=∑i∈Xj

|〈Φu, ei〉|2

=∑i∈Xj

|〈u, vi〉|2

> 1− 1

ηcar vi =

wi√η.

Or, ‖QjPQj‖ = ‖QjP‖2 > 1− 1η .

Remarquons en�n que A := P −D a des zéros sur sa diagonale et satisfait l'inégalité

‖A‖ ≤ 1 +1

η.

Pour des projections diagonales m ×m Q1, . . . , Qr, avec leur somme égale à l'identité, on a

pour certains j

‖QjAQj‖ ≥ ‖QjPQj‖ − ‖QjDQj‖ > 1− 2

N.

Lorsque N = r → ∞, on obtient une suite d'exemples qui contredit le problème de pavage.

Ainsi, si la conjecture de Weaver KSr 2.1.1 est fausse, alors le problème de pavage 2.2.1 est faux.

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Ceci signi�e que lorsqu'on a une réponse positive au problème de pavage, on a également une

réponse positive à la conjecture de Weaver. En�n, puisque le problème de pavage est équivalent

à la conjecture de Kadison-Singer, cela signi�e que Kadison-Singer implique la conjecture de

Weaver.

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Chapitre 3

Démonstration de la conjecture

3.1 Théorème principal

Ce chapitre sera consacré à l'étude de la preuve de la conjecture de Weaver 2.1.1 dans le cas

où r = 2. Celle-ci a été démontrée par Marcus, Spielman et Srivastava dans leur article [14]

grâce à l'analyse de la plus grande racine d'une famille particulière de polynômes que l'on

appellera les polynômes caractéristiques mixtes. Les auteurs n'ont pas prouvé directement la

conjecture, mais plutôt un résultat équivalent. Voici son énoncé.

Théorème 3.1.1. Soient ε > 0 et v1, . . . , vm des vecteurs aléatoires indépendants dans Cd à

support �ni tels quem∑i=1

Eviv∗i = Id et E‖vi‖2 ≤ ε, ∀i.

Alors

P

[∥∥∥∥∥m∑i=1

viv∗i

∥∥∥∥∥ ≤ (1 +√ε)2

]> 0.

Le corollaire qui suit permet de faire le lien entre le théorème précédent et la conjecture de

Weaver.

Corollaire 3.1.2. Soient u1, . . . , um des vecteurs colonnes dans Cd tels que

m∑i=1

uiu∗i = I et ‖ui‖2 ≤ α ∀i.

Alors il existe une partition de {1, . . . ,m} séparée en deux ensembles S1 et S2 telle que∥∥∥∥∥∥∑i∈Sj

uiu∗i

∥∥∥∥∥∥ ≤ (1 +√

2α)2

2,

pour j ∈ {1, 2}.

11

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Démonstration. Soient v1, . . . , vm des vecteurs aléatoires indépendants tels que

P

[vi =

( √2ui

0d

)]=

1

2P

[vi =

(0d√2ui

)]=

1

2,

où 0d est le vecteur nul de Cd. Alors on a

Eviv∗i =1

2

(2uiu

∗i 0

0 0

)+

1

2

(0 0

0 2uiu∗i

)=

(uiu∗i 0

0 uiu∗i

),

avec ‖vi‖2 = 2‖ui‖2 ≤ 2α. De plus, ceci entraîne que

m∑i=1

Eviv∗i =m∑i=1

(uiu∗i 0

0 uiu∗i

)= I.

On peut désormais appliquer le théorème 3.1.1 avec ε = 2α. Ainsi, pour certaines valeurs de

viv∗i , on a ∥∥∥∥∥

m∑i=1

viv∗i

∥∥∥∥∥ ≤ (1 +√ε)2.

Posons donc T ⊆ {1, . . . ,m} tel que∥∥∥∥∥∥∑i∈T

( √2ui

0d

)( √2ui

0d

)∗+∑i 6∈T

(0d√2ui

)(0d√2ui

)∗∥∥∥∥∥∥ ≤ (1 +√ε)2

∥∥∥∥∥∥∑i∈T

(ui

0d

)(ui

0d

)∗+∑i 6∈T

(0d

ui

)(0d

ui

)∗∥∥∥∥∥∥ ≤ (1 +√ε)2

2.

Cela implique que ∥∥∥∥∥∑i∈T

uiu∗i

∥∥∥∥∥ =

∥∥∥∥∥∑i∈T

(ui

0d

)(ui

0d

)∗∥∥∥∥∥ ≤ (1 +√ε)2

2∥∥∥∥∥∥∑i 6∈T

uiu∗i

∥∥∥∥∥∥ =

∥∥∥∥∥∥∑i 6∈T

(0d

ui

)(0d

ui

)∗∥∥∥∥∥∥ ≤ (1 +√ε)2

2

et les ensembles S1 et S2 sont dé�nis respectivement par T et {1, . . . ,m} \ T .

Par exemple, posons α = 118 . Alors le corollaire 3.1.2 nous dit qu'il existe une partition S1 et

S2 de {1, . . . ,m} telle que∥∥∥∥∥∥∑i∈Sj

uiu∗i

∥∥∥∥∥∥ ≤(1 +

√218)2

2=

(1 + 13)2

2=

16

18.

Posons ui = wi√η . On obtient

‖wi‖2

η≤ α.

12

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Pour respecter l'hypothèse sur la norme des wi de la conjecture de Weaver 2.1.1 dans le cas

où r = 2, il faut nécessairement que α = 1η . On a donc que η = 18. De plus, si on suppose que

m∑i=1

|〈v, wi〉|2 = η,

alors la condition deviendram∑i=1

|〈v, ui〉|2 = 1.

Cette égalité est vraie pour tout v ∈ Cd tel que ‖v‖ = 1. En particulier, si on prend vi le

vecteur ayant 1 à la i-ème position et 0 ailleurs, on obtient

m∑j=1

(uj)2i = 1.

Si on prend cette fois-ci le vecteur vi,k ayant 1√2à la i-ème et à la k-ème position avec des 0

ailleurs, on a donc

1

2

m∑j=1

(uj)2i +

1

2

m∑j=1

(uj)2k +

1

2

m∑j=1

(uj)i(uj)k = 1

1

2+

1

2+

1

2

m∑j=1

(uj)i(uj)k = 1.

Ceci entraîne que 12

∑mj=1(uj)i(uj)k = 0 pour tous les i, k ∈ {1, . . . ,m}, i 6= k. On peut répéter

l'argument par induction pour obtenir que

m∑i=1

uiu∗i = I.

Ainsi, la condition de la conjecture de Weaver est équivalente à l'hypothèse du corollaire.

De plus, si le corollaire est respecté, on aura∥∥∥∥∥∥∑i∈Sj

uiu∗i

∥∥∥∥∥∥ ≤ 16

18

∥∥∥∥∥∥∑i∈Sj

wi√η

wi√η

∥∥∥∥∥∥ ≤ 16

18

∥∥∥∥∥∥∑i∈Sj

wiw∗i

∥∥∥∥∥∥ ≤ 16.

13

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Aussi, on sait que ∑i

|〈v, wi〉|2 =∑i

v∗wiw∗i v

=∑i

v∗wiw∗i v

= v∗(∑i

wiw∗i )v.

Avec cela, on peut déduire que pour tout vecteur v tel que ‖v‖ = 1, on a

v∗(∑i

wiw∗i )v ≤

∥∥∥∥∥∥∑i∈Sj

wiw∗i

∥∥∥∥∥∥ ,ce qui entraîne

m∑i=1

|〈v, wi〉|2 ≤ 16

et donc θ = 2.

Cet exemple démontre bien la relation avec la conjecture de Weaver KS2 dans le cas par-

ticulier où η = 18 et θ = 2.

3.2 Algèbre linéaire

La démonstration du théorème 3.1.1 se fait en utilisant plusieurs notions d'algèbre linéaire.

Cette section sera donc un rappel de ces notions qui seront par la suite utilisées.

Dé�nition 3.2.1. Soit A une matrice carrée d× d. Les mineurs k × k de A sont les déter-

minants de ses sous-matrices k × k. Les mineurs principaux k × k de A sont les mineurs

obtenus en retirant les lignes et les colonnes ayant les mêmes indices.

On notera Mi,j le mineur (d− 1)× (d− 1) où l'on a retiré la i-ème ligne et la j-ème colonne.

Les deux dé�nitions qui suivent sont des résultats classiques de calcul du déterminant que

l'on retrouve un peu partout, par exemple dans [9] et [13].

Dé�nition 3.2.2 (Laplace). Soit A une matrice d× d. Alors

det(A) =

d∑j=1

(−1)i+jai,jMi,j .

Dé�nition 3.2.3 (Leibniz). Soit A une matrice carrée d× d. Alors

det(A) =∑σ∈Pd

ε(σ)n∏i=1

aσ(i),i,

14

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où Pd est l'ensemble des permutations de {1, . . . , d} et ε(σ) égale 1 si la permutation est paire

et −1 si elle est impaire.

Regardons à présent quelques caractéristiques des matrices.

Dé�nition 3.2.4. Soit A une matrice carrée d× d. On dit que A est semi-dé�nie positive

si x∗Ax ≥ 0 et ce, pour tout x ∈ Cd. Elle est dé�nie positive si l'inégalité est stricte pour

tout x 6= 0.

On note ici que pour être semi-dé�nie positive ou dé�nie positive, il faut nécessairement que

x∗Ax soit réel. Voici quelques propriétés des matrices dé�nies positives que l'on retrouve dans

[9].

1. Chaque matrice dé�nie positive est inversible et son inverse est aussi dé�nie positive.

2. Si A est une matrice (resp. semi-)dé�nie positive, alors il existe une matrice B également

(resp. semi-)dé�nie positive telle que A = B2.

3. Les valeurs propres d'une matrice dé�nie positive sont positives.

Proposition 3.2.5. La matrice∑

i uiu∗i est semi-dé�nie positive.

Démonstration. Soit v un vecteur unitaire de Cd. Alors il su�t de remarquer que∑i

|〈v, ui〉|2 =∑i

v∗uiu∗i v

=∑i

v∗uiu∗i v

= v∗(∑i

uiu∗i )v.

La seconde égalité vient du fait que la somme de modules élevés au carré est toujours réelle.

Puisque le membre de gauche est toujours positif, cela entraîne que v∗(∑

i uiu∗i )v ≥ 0.

Dé�nition 3.2.6. Soit A une matrice carrée d× d. On dit que A est hermitienne si A est

égale au conjugué de sa transposée, c'est-à-dire

ai,j = aj,i ∀i, j.

Notons que les éléments de la diagonale sont nécessairement réels.

Les propriétés qui suivent seront importantes dans les résultats à venir.

1. Si A est une matrice hermitienne, alors son inverse A−1 est également une matrice

hermitienne.

2. Les valeurs propres d'une matrice hermitienne sont réelles.

15

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3. Si A est une matrice hermitienne, alors x∗Ax est toujours réel pour tout vecteur x ∈ Cd.

Proposition 3.2.7. Soit A une matrice semi-dé�nie positive. Alors A est hermitienne.

Démonstration. Considérons les matrices suivantes :

B :=A+A∗

2C :=

A−A∗

2.

Ainsi, on a

A = B + iC x∗Ax = x∗Bx+ ix∗Cx.

Or, on sait que les matrices B et C sont hermitiennes. En e�et,

BT =

(A+A∗

2

)T=

(A+AT

2

)T

=

(AT +A

2

)=

(AT +A

2

)= B.

Par les propriétés des matrices hermitiennes, on a que x∗Bx et x∗Cx sont réels pour tout

x ∈ Cd. Par hypothèse, A est semi-dé�nie positive, ce qui signi�e que x∗Ax est réel pour tout

x ∈ Cd. Ceci entraîne que x∗Bx + ix∗Cx est réel. On a donc que C est la matrice nulle et

A = B, ce qui prouve que A est hermitienne.

Remarque 3.2.8. La matrice∑

i uiu∗i est hermitienne.

En e�et, par la proposition 3.2.5, la matrice∑

i uiu∗i est semi-dé�nie positive. Elle est donc

hermitienne.

Soit A ∈ Cd×d une matrice hermitienne. Le polynôme caractéristique de A par rapport à

la variable x sera noté

χ[A](x) = det(xI −A).

On peut également écrire

χ[A](x) =

d∑k=0

xd−k(−1)kσk(A),

où σk(A) est la somme des mineurs principaux de A de taille k × k.

Formule 3.2.9 (Cauchy-Binet). Soient A et B deux matrices respectivement k × n et n× k.Alors

det(AB) =∑

S∈([n]k )

det(AS) det(BS),

où AS est la matrice k× k conservant uniquement les colonnes dont l'indice est dans S et BS

est la matrice k × k conservant uniquement les lignes dont l'indice est dans S.

16

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Démonstration. Tout d'abord, si k > n, la somme de droite sera nulle, ce qui entraîne que

det(AB) = 0. En e�et, dans ce cas, le rang de la matrice AB sera au plus n et donc son

déterminant s'annulera. On peut ainsi supposer que k ≤ n.

On note Pk l'ensemble des permutations de {1, . . . , k}. Pour σ ∈ Pk, posons τ la permutation

inverse. Alors

det(AB) = det(C1, C2, . . . , Ck)

= det(

n∑j=1

bj,1Aj ,

n∑j=1

bj,2Aj , . . . ,

n∑j=1

bj,kAj)

=n∑

j1,...,jk=1

bj1,1 . . . bjk,k det(Aj1 , Aj2 , . . . , Ajk),

où les Aj1 , . . . , Ajk sont les colonnes de A. On remarque ici que si ji = jl pour certains indices i

et l, alors le det(Aj1 , Aj2 , . . . , Ajk) s'annulera. De plus, pour une certaine permutation σ ∈ Pk,on a par les propriétés du déterminant

det(Aj1 , Aj2 , . . . , Ajk) = ε(σ) det(Ajσ(1) , Ajσ(2) , . . . , Ajσ(1)).

Ainsi,

det(AB) =∑

1≤j1<···<jk≤n

∑σ∈Pk

bj1,1 . . . bjk,k det(Aj1 , Aj2 , . . . , Ajk)

=∑

1≤j1<···<jk≤n

∑σ∈Pk

bj1,1 . . . bjk,kε(σ) det(Ajσ(1) , Ajσ(2) , . . . , Ajσ(k))

=∑

1≤j1<···<jk≤n

∑τ∈Pk

ε(τ)bjτ(σ(1)),1 . . . bjτ(σ(k)),k det(A(Jσ))

=∑

1≤j1<···<jk≤ndet(B(Jσ)) det(A(Jσ)) par la formule 3.2.3

=∑

S∈([n]k )

det(AS) det(BS).

Corollaire 3.2.10. Soient u1, . . . um et w1 . . . wm des vecteurs colonnes dans Cd. Alors

det(

m∑i=1

uiw∗i ) =

∑S∈([m]

d )

det(∑i∈S

uiw∗i ).

Démonstration. Il su�t de montrer que la matrice∑m

i=1 uiw∗i peut s'écrire comme le produit

de deux matrices. On a

m∑i=1

uiw∗i =

i ui1wi1 . . .∑

i ui1wid...

. . ....∑

i uidwi1 . . .∑

i uidwid

.

17

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Soit A la matrice d×m et B la matrice m× d donnée par

A =

u11 . . . um1

.... . .

...

u1d . . . umd

B =

w11 . . . w1d...

. . ....

wm1 . . . wmd

.

Si on les multiplie ensemble, on obtientu11 . . . um1

.... . .

...

u1d . . . umd

w11 . . . w1d...

. . ....

wm1 . . . wmd

=

i ui1wi1 . . .∑

i ui1wid...

. . ....∑

i uidwi1 . . .∑

i uidwid

,

ce qui est exactement∑m

i=1 uiw∗i . En appliquant le théorème 3.2.9 et en utilisant le fait que

det(A) det(B) = det(AB), on obtient le résultat.

Formule 3.2.11 (Jacobi). Soit A une matrice carrée. Alors

d

dtdet(A) = Tr

(adj(A)

dA

dt

),

où adj(A) est la transposée de la matrice C ayant comme composantes, ci,j = (−1)i+jMi,j.

Pour la démonstration de la formule de Jacobi, on a besoin d'un lemme supplémentaire.

Lemme 3.2.12. Soient A et B des matrices carrées de dimension n. Alors∑i

∑j

ai,jbi,j = Tr(ATB).

Démonstration. Les composantes du produit de matrices AB sont

(AB)j,k =∑i

aj,ibi,k,

ce qui nous donne pour ATB

(ATB)j,k =∑i

ai,jbi,k.

On a donc

Tr(ATB) =∑j

(ATB)j,j =∑j

∑i

ai,jbi,j =∑i

∑j

ai,jbi,j .

La dernière égalité vient du fait que les sommes sont �nies.

Démonstration de la formule 3.2.11. Tout d'abord, par la formule de Laplace 3.2.2, on a

det(A) =∑j

(−1)i+jai,jMi,j

=∑j

ai,j(adjT (A))i,j .

18

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Si on considère det(A) comme une fonction F ayant comme variables les ai,j , on peut appliquer

la règle de dérivation des fonctions composées.

d

dtdet(A) =

∑i

∑j

∂F

∂ai,j

d(ai,j)

dt.

Or

∂F

∂ai,j=∂ det(A)

∂ai,j

=∂∑

k ai,k(adjT (A))i,k∂ai,j

=∑k

∂(ai,k(adjT (A))i,k

)∂ai,j

=∑k

∂ai,k∂ai,j

(adjT (A))i,k +∑k

ai,k∂(adjT (A))i,k

∂ai,j.

On se souvient que (adjT (A))i,k = (−1)i+kMi,k. L'élément ai,j se trouve toujours dans la ligne

supprimée de Mi,k, ce qui entraîne que (adjT (A))i,j n'est pas une fonction de ai,j . Ainsi,

∂(adjT (A))i,k∂ai,j

= 0.

On peut donc réduire notre équation, ce qui nous donne

∂ det(A)

∂ai,j=∑k

∂ai,k∂ai,j

(adjT (A))i,k.

Il est maintenant clair que

∂ai,k∂ai,j

=

{1 si k = j

0 sinon.

Ceci permet d'obtenird

dtdet(A) =

∑i

∑j

(adjT (A))i,jd(ai,j)

dt.

En appliquant le lemme 3.2.12 à la partie de droite, on a

d

dtdet(A) = Tr

(adj(A)

dA

dt

).

Proposition 3.2.13. SoientW1, . . . ,Wk des matrices hermitiennes de rang 1 et soient x1, . . . , xk

des scalaires. Alors

σk

(k∑i=1

xiWi

)=

(k∏i=1

xi

)σk

(k∑i=1

Wi

).

19

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Démonstration. Si le rang de∑k

i=1 xiWi est plus petit que k, alors nécessairement σk(∑k

i=1 xiWi

)=

0 et σk(∑k

i=1Wi

)= 0. Supposons donc que le rang de la matrice soit égal à k.

Étant donné que les matrices W1, . . . ,Wk sont de rang 1, il est possible de prendre le vec-

teur propre de chacune des matrices pour former une base. Ainsi, selon cette base, chaque

matrice W1, . . . ,Wk sera diagonalisée. Elles seront toutes de la forme

Wj =

0 . . . 0... λj

...

0 . . . 0

.

Ainsi, on aura

σk

(k∑i=1

Wi

)=

k∏i

λi,

ce qui entraîne que

σk

(k∑i=1

xiWi

)=

k∏i=1

xiλi =

(k∏i=1

xi

)σk

(k∑i=1

Wi

).

Proposition 3.2.14. Soient u1, . . . , um des vecteurs colonnes de Cd. Alors

det

(xI −

m∑i=1

uiu∗i

)=

d∑k=0

xd−k(−1)k∑

S∈([m]d )

σk

(∑i∈S

uiu∗i

).

Démonstration. On remarque que

det

(xI −

m∑i=1

uiu∗i

)= χ

[m∑i=1

uiu∗i

](x).

On peut ainsi écrire

det

(xI −

m∑i=1

uiu∗i

)=

d∑k=0

xd−k(−1)kσk

(m∑i=1

uiu∗i

).

Donc, il su�t de montrer que

σk

(m∑i=1

uiu∗i

)=

∑S∈([m]

k )

σk

(∑i∈S

uiu∗i

).

Pour un certain vecteur u et T ⊆ [d] un ensemble, on pose u(T ) le vecteur de dimension |T |contenant les éléments de u dont les indices sont dans T (Par exemple, si T = {1, 2}, alors

20

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u(T ) = (u1, u2)). On a

σk

(m∑i=1

uiu∗i

)=

∑T∈([m]

k )

det

(m∑i=1

ui(T )ui(T )∗

)

=∑

T∈([m]k )

∑S∈([m]

k )

det

(∑i∈S

ui(T )ui(T )∗

)par le théorème 3.2.9

=∑

S∈([m]k )

∑T∈([m]

k )

det

(∑i∈S

ui(T )ui(T )∗

)

=∑

S∈([m]k )

σk

(∑i∈S

uiu∗i

).

3.3 Familles entrelacées

La dé�nition de familles entrelacées de polynômes a été introduite par Marcus, Spielman et

Srivastava dans [15].

Dé�nition 3.3.1. On dit qu'un polynôme à racines et à coe�cients réels g(x) = α0∏n−1i=1 (x−

αi) entrelace un autre polynôme à racines et à coe�cients réels f(x) = β0∏ni=1(x− βi) si

β1 ≤ α1 ≤ β2 ≤ α2 ≤ · · · ≤ αn−1 ≤ βn.

On dit que g(x) entrelace strictement f(x) si les inégalités sont strictes. De plus, s'il existe

un g(x) qui entrelace fi(x) pour i ∈ {1, . . . , k}, alors on dit que les f1(x), . . . , fk(x) ont un

entrelacement commun.

Dé�nition 3.3.2. Soient S1, . . . , Sm des ensembles �nis et pour chaque s1 ∈ S1, . . . , sm ∈ Sm,soit fs1,...,sm(x) un polynôme à racines et à coe�cients réels de degré n dont le coe�cient

directeur est positif. Pour chaque s1 ∈ S1, . . . , sk ∈ Sk, avec k ≤ m on dé�nit

fs1,...,sk(x) :=∑

sk+1∈Sk+1,...,sm∈Sm

fs1,...,sk,sk+1,...,sm(x)

f∅(x) :=∑

s1∈S1,...,sm∈Sm

fs1,...,sm(x).

On dit que les polynômes {fs1,...,sm(x)}s1,...,sm forment une famille entrelacée si pour tout

k ∈ {0, . . . ,m− 1} et pour tous les s1 ∈ S1, . . . , sk ∈ Sk, les polynômes

{fs1,...,sk,t(x)}t∈Sk+1

ont un entrelacement commun.

21

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Ces nouvelles familles ont des propriétés intéressantes qui entraînent de nouveaux résultats,

comme par exemple ceux que l'on retrouve dans les articles [15] et [14]. En voici quelques-uns

qui seront utiles pour la suite des choses.

Lemme 3.3.3. Soient f1, . . . , fk des polynômes de même degré à racines et à coe�cients réels

ayant un coe�cient directeur positif. On dé�nit

f∅ :=

k∑i=1

fi.

Si f1, . . . , fk ont un entrelacement commun, alors il existe un indice j tel que la plus grande

racine de fj est au plus égale à la plus grande racine de f∅.

Démonstration. Supposons que le degré des polynômes soit égal à n. Posons g(x) le polynôme

qui entrelace tous les fi. Les zéros de g seront notés αi et supposons sans perdre de généralité

que la plus grande racine de g soit αn−1. Ainsi, pour chacun des fi, on a

βi1 ≤ α1 ≤ βi2 ≤ α2 ≤ · · · ≤ αn−1 ≤ βin ,

où les βij sont les zéros de fi. Puisque les coe�cients directeurs des fi sont positifs, on aura

donc que les fi > 0 pour tout x > βin . De plus, étant donné que les fi n'ont qu'une seule

racine plus grande que αn−1, cela entraîne que fi(αn−1) ≤ 0 et ce pour tout i.

Ainsi, f∅(αn−1) ≤ 0 et le polynôme deviendra positif éventuellement. Posons γn la plus grande

racine de f∅. Puisque f∅ est la somme des fi par dé�nition, alors il existe un polynôme fj tel

que fj(γn) ≥ 0. On a donc

αn−1 ≤ βjn ≤ γn.

Voici un exemple montrant que sans l'hypothèse d'un entrelacement commun, le lemme ne

fonctionne plus :

Prenons f(x) = (x + 5)(x − 9)(x − 10) et g(x) = (x + 6)(x − 1)(x − 8). Clairement, ces

deux fonctions n'ont pas d'entrelacement commun. Lorsque l'on fait la somme, les zéros de

f+g se trouvent approximativement à −5, 2765, 6, 3814 et 7, 3950. Or, les plus grandes racines

de f(x) et g(x) ne sont pas plus petites ou égales à 7, 3950, une contradiction avec le lemme.

Théorème 3.3.4. Soient S1, . . . , Sm des ensembles �nis et soit {fs1,...,sm} une famille entre-

lacée de polynômes. Alors il existe certains s1, . . . , sm ∈ S1 × · · · × Sm tels que la plus grande

racine de fs1,...,sm est au plus la plus grande racine de f∅.

22

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Démonstration. Procédons par induction.

Cas k = 0 : On sait que les polynômes dans {ft}t∈S1 ont un entrelacement commun. Par

le lemme 3.3.3, il existe un certain s1 ∈ S1 tel que la plus grande racine de fs1(x) est au plus

égale à la plus grande racine de f∅(x).

Supposons vrai pour k = n− 1.

Cas k = n : On sait que les polynômes dans {fs1,...,sn,t(x)}t∈Sn+1 ont un entrelacement com-

mun. Par le lemme 3.3.3, il existe un certain sn+1 ∈ Sn+1 pour lequel la plus grande racine de

fs1,...,sk,sk+1(x) sera au plus égale à celle de la somme des polynômes, soit fs1,...,sn . Puisque la

plus grande racine de fs1,...,sn est au plus égale à celle de f∅ par hypothèse d'induction, on a

le résultat.

Le lemme suivant tiré de [8] nous permettra de conclure que l'ensemble des polynômes utilisés

dans la preuve du théorème 3.1.1 forme une famille entrelacée.

Lemme 3.3.5. Soient f et g des polynômes à une seule variable de degré n tels que pour tous

les α, β > 0, le polynôme αf +βg possède n racines réelles. Alors f et g ont un entrelacement

commun.

Démonstration. Posons a1 ≤ · · · ≤ an et b1 ≤ · · · ≤ bn les racines de f et g respectivement.

Supposons en premier lieu que les racines sont distinctes. Alors il y a exactement 2n + 1 in-

tervalles dans lesquels les signes de f et g sont constants.

Sans perdre de généralité, supposons que an < bn. Posons I1 = (bn,∞), I2 = (an, bn), . . . .

On a donc une suite d'intervalles telle que sur chaque pair d'intervalles adjacents, le signe de

l'une des fonctions change tandis que le signe de l'autre reste constant.

Si les coe�cients directeurs de f et g ont le même signe, alors le signe de f et g sera identique

sur les intervalles impairs. Ainsi, on peut déduire que les racines de αf + βg seront dans les

intervalles pairs. La continuité des racines par rapport aux coe�cients nous assure qu'il y aura

le même nombre de racines de αf + βg dans chaque intervalle. De plus, en prenant α = 1 et

β très petit, on remarque que chaque intervalle pair aura une seule racine.

Supposons que la fonction f change de signe deux fois de suite et �xons β. Alors, en prenant

α très petit, le polynôme αf + βg n'aura pas de racine sur cet intervalle, une contradiction

car il devrait y avoir exactement une racine. Ainsi, on peut en déduire que les extrémités des

intervalles sont une racine de f d'un côté et une racine de g de l'autre.

23

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Dans ce cas, on pose h(x) un polynôme ayant des racines dans chaque intervalle où les signes

de f et g sont di�érents, soit les intervalles pairs. Ainsi, h(x) sera la fonction qui entrelace

strictement à la fois f(x) et g(x).

Le cas où les coe�cients directeurs de f et g n'ont pas le même signe se fait de la même

manière, la seule di�érence est que le signe de f et g sera identique sur les intervalles pairs et

le polynôme h(x) aura ses racines dans les intervalles impairs. De plus, si les racines ne sont

pas distinctes, h(x) entrelacera f(x) et g(x), mais pas strictement.

Étant donné que la multiplication par une constante non-nulle ne change pas la position des

zéros du polynôme, on peut réécrire la somme des polynômes comme

α

βf(x) + g(x).

Il su�t ensuite de prendre à la place de f(x), βλα(1−λ)f(x) pour λ ∈ (0, 1). Cela nous donnera

λf(x) + (1− λ)g(x) λ ∈ (0, 1).

Le polynôme h(x) entrelacera f(x) et g(x) car les zéros ne sont pas a�ectés par la multipli-

cation. Ainsi, on peut prendre λ ∈ [0, 1]. À l'avenir, le lemme 3.3.5 sera utilisé non pas avec

α, β > 0 mais avec λ ∈ [0, 1].

3.4 Polynôme stable

Une autre propriété intéressante des polynômes est la stabilité. Cette propriété sera utile

surtout dans la prochaine section. Voici un rappel de la dé�nition d'un polynôme stable ainsi

que quelques résultats qui en découlent. Notons que pour z ∈ C, on écrit Im(z) pour sa partie

imaginaire.

Dé�nition 3.4.1. Soit p(z1, . . . , zm) ∈ C[z1, . . . , zm] un polynôme. On dit que p(z1, . . . , zm)

est stable si p(z1, . . . , zm) 6= 0 lorsque Im(zi) > 0 pour tout i ∈ {1, . . . ,m}.

Le polynôme p(z1, . . . , zm) est réellement stable s'il est stable et que ses coe�cients sont

réels.

Lemme 3.4.2. Un polynôme à une seule variable est réellement stable si et seulement si toutes

ses racines et tous ses coe�cients sont réels.

Démonstration. Soit p(z) un polynôme de degré n.

(⇒) Par hypothèse, p(z) est réellement stable, ce qui signi�e que ses racines se trouvent

24

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dans le demi-plan inférieur du plan complexe incluant l'axe réel et ses coe�cients sont réels.

Écrivons

p(z) := a0

n∏i=1

(z − ai).

Supposons qu'il existe une racine complexe. Alors

p(z) := a0(z − a1) . . . (z − (α+ iβ)) . . . (z − an).

Ici, puisque la racine doit être dans le demi-plan complexe inférieur, β < 0. Or, on sait que

pour avoir des coe�cients réels, le conjugué de la racine complexe doit également être une

racine. Cela voudrait dire qu'il existe une racine dans le demi-plan complexe supérieur, une

contradiction avec la stabilité de p(z). Ainsi, ses racines sont réelles.

(⇐) Ceci est trivial.

La proposition suivante est un résultat provenant de l'article de Borcea et Brändén [3].

Proposition 3.4.3. Si A1, . . . , Am sont des matrices hermitiennes semi-dé�nies positives,

alors le polynôme

f(z1, . . . , zm) := det

(∑i

ziAi

)est réellement stable.

Pour cette démonstration, il nous faut un théorème classique en analyse complexe : le théorème

d'Hurwitz.

Théorème 3.4.4 (Hurwitz). Soit (fk) une suite de fonctions holomorphes d'un ouvert E qui

converge uniformément sur chaque compact F ⊂ E vers une fonction holomorphe f 6≡ 0. Si f

a un zéro d'ordre m en z0, alors pour tout p > 0 assez petit, il existe un k ∈ N assez grand

tel que fk a précisément m zéros dans B(z0, p) incluant les multiplicités. De plus, ces zéros

convergent vers z0 lorsque k →∞.

Étant donné que ce résultat est classique, la preuve sera laissée à la discrétion du lecteur.

On est maintenant en mesure de faire la démonstration de la proposition 3.4.3.

Démonstration de la proposition 3.4.3. Il est possible de faire la preuve uniquement pour le

cas de matrices dé�nies positives. En e�et, on pose

f(ε) := det

(∑i

ziAi + εI

).

25

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On a donc que

f(ε)→ f := det

(∑i

ziAi

).

Clairement, les coe�cients de f(ε) convergent également vers ceux de f . En appliquant le

théorème d'Hurwitz 3.4.4, on sait que les zéros des f(ε) convergeront vers ceux de f . Ainsi, si

on montre que les f(ε) sont réellement stables, alors f le sera également.

Supposons donc que les Ai sont dé�nies positives. Posons

z(t) := α+ λt,

où α := (α1, . . . , αm) ∈ Rm, λ := (λ1, . . . , λm) ∈ Rm+ et t ∈ C.

Notons que P :=∑m

i=1 λiAi est dé�nie positive. En e�et, la somme de matrices dé�nies posi-

tives multipliées par des scalaires positifs non-nuls est dé�nie positive. Alors P est inversible

et il existe une matrice dé�nie positive A telle que A2 = P . Alors si on pose H :=∑m

i αiAi,

on a

f(z(t)) = det

(∑i

zi(t)Ai

)

= det

(∑i

(αi + λit)Ai

)

= det

(∑i

αiAi + λitAi

)= det (H + tP )

= det(P

12P

−12 (H + tP )P

−12 P

12

)= det

(P

12 (P

−12 H + tP

−12 P )P

−12 P

12

)= det

(P

12 (P

−12 HP

−12 + tP

−12 PP

−12 )P

12

)= det

(P

12 (P

−12 HP

−12 + tI)P

12

)= det

(P

12

)det(P−12 HP

−12 + tI

)det(P

12

)= det(P ) det(P

−12 HP

−12 + tI).

Puisque P12 et H sont hermitiennes, on a que P

−12 est aussi hermitienne. De plus, ceci entraîne

que

(P−12 HP

−12 )∗ = P

−12∗H∗P

−12∗

= P−12 HP

−12 .

26

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On en conclut que P−12 HP

−12 est une matrice hermitienne. Donc, dans l'égalité

f(z(t)) = det(P ) det(P−12 HP

−12 + tI),

on remarque que le premier facteur de droite est une constante réelle tandis que le second est

le polynôme caractéristique d'une matrice hermitienne. Puisque toutes ses valeurs propres sont

réelles, on déduit que f(z(t)) a des racines réelles. De plus, étant donné que P−12 HP

−12 + tI

est également hermitienne, le déterminant de cette matrice est réel et donc les coe�cients de

f(z(t)) seront réels. Par le lemme 3.4.2, f(z(t)) est réellement stable. Or, puisque z(t) est

arbitraire, on peut conclure que f est également réellement stable.

Maintenant que l'on a bien dé�ni la stabilité des polynômes, on peut s'intéresser aux opéra-

teurs agissant sur ceux-ci. En e�et, certains d'entre eux préservent la stabilité réelle. C'est le

cas de l'opérateur (1− ∂zi).

Le théorème qui suit correspond au corollaire 18.2a du livre [16]. Les détails de ce résul-

tat se trouvent par exemple dans la section 18 du livre [16] et dans la section 5.4 du livre

[17].

Théorème 3.4.5. Si tous les zéros d'un polynôme q(z) de degré d se trouvent dans une région

circulaire fermée A, alors pour λ ∈ C, tous les zéros de

q(z)− λq′(z)

sont dans la région convexe balayée par la translation de A dans la direction et l'amplitude du

vecteur dλ.

Corollaire 3.4.6. Si p ∈ R[z1, . . . , zm] est réellement stable, alors

(1− ∂zi)p(z1, . . . , zm)

est aussi réellement stable.

Démonstration. Sans perdre de généralité, supposons que i = 1. Fixons x2, . . . , xm ∈ C tels

que Im(xi) > 0, ∀i ∈ {2, 3, . . . ,m}. On se retrouve dans le cas à une seule variable, ce qui

nous permet d'utiliser le théorème 3.4.5. En e�et, les zéros du polynôme

q(z1) := p(z1, x2, . . . , xm)

se trouvent dans une région circulaire, disons A, de nombres complexes tels que leur partie

imaginaire est au plus 0. Notons que l'axe réel peut être considéré comme un cercle de rayon

in�ni. Ainsi, le théorème nous dit que tous les zéros de q(z1) − q′(z1) se trouvent dans la

région balayée par la translation de A dans la direction de d. Or, en e�ectuant une translation

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par d, les zéros restent toujours dans le demi-plan inférieur. Ainsi, q(z1) − q′(z1) est stable.

Ceci implique que le polynôme (1− ∂zi)p(z1, . . . , zm) n'a pas de racines telles que Im(zi) > 0

pour tous les i. De plus, puisque q(z1) est réellement stable à la base, il est évident que les

coe�cients de sa dérivée sont réels, ce qui entraîne que (1 − ∂zi)p(z1, . . . , zm) est réellement

stable.

Dans les résultats qui suivront un peu plus tard, on utilisera également le fait que la stabilité

réelle est préservée lorsque l'on pose les variables égales à des constantes réelles. Le lemme

suivant se retrouve dans l'article de Wagner [19].

Lemme 3.4.7. Pour tout a ∈ {z ∈ C : Im(z) ≥ 0}, l'opérateur f 7−→ f(a, x2, . . . , xm)

préserve la stabilité.

Démonstration. Si Im(a) > 0, le résultat est immédiat. Regardons pour a ∈ R. Posons

fn := f(a+ i2−n, x2, . . . , xm) n ∈ N.

En appliquant Hurwitz 3.4.4 lorsque n → ∞, les zéros de fn convergeront vers ceux de f .

Ainsi, puisque les fn sont stables, alors f l'est également.

Remarquons que le dernier lemme fonctionne aussi pour la stabilité réelle, puisque les coe�-

cients sont les mêmes partout.

Lemme 3.4.8. Si p(z1, z2) est un polynôme réellement stable de degré d précisément, alors il

existe des matrices d× d, notées A et B, semi-dé�nies positives et une matrice hermitienne C

telles que

p(z1, z2) = ±det(z1A+ z2B + C).

Pour la démonstration de ce lemme, on a besoin de deux dé�nitions tirées de l'article de Lewis,

Parrilo et Ramana [12] ainsi que de deux résultats supplémentaires dont les preuves ont été

faites dans la section 6 de l'article de Borcea et Brändén [4].

Dé�nition 3.4.9. Un polynôme p ∈ R[z1, . . . , zn] est homogène de degré d si pour tout

t ∈ R et pour tout w ∈ Rn,p(tw) = tdp(w).

Dé�nition 3.4.10. Un polynôme homogène p de degré d est hyperbolique par rapport au

vecteur v ∈ Rn si

1. p(v) 6= 0,

2. Le polynôme q(t) := p(w − tv) a des racines réelles pour tout w ∈ Rn.

28

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Proposition 3.4.11. Soit p ∈ R[z1, . . . , zn] de degré d et soit pH(z1, . . . , zn, zn+1) l'unique

polynôme homogène de degré d tel que pH(z1, . . . , zn, 1) = p(z1, . . . , zn). Alors p est réellement

stable si et seulement si pH est hyperbolique par rapport à tous les vecteurs v ∈ Rn+1 tels que

vn+1 = 0 et vi > 0 pour tout i ∈ {1, . . . , n}.

Proposition 3.4.12. Un polynôme homogène p ∈ R[x, y, z] de degré d est hyperbolique par

rapport à tous les vecteurs de forme (v1, v2, 0) avec v1, v2 ∈ R+ si et seulement s'il existe deux

matrices A, B semi-dé�nies positives d× d et une matrice C symétrique de même dimension

telles que

p(x, y, z) = α det(xA+ yB + zC).

On a maintenant tout ce qu'il nous faut pour faire la démonstration du lemme 3.4.8.

Démonstration du lemme 3.4.8. Tout d'abord, on peut faire la preuve du lemme dans le cas

où C est symétrique seulement. En e�et, si C est hermitienne, il su�t d'e�ectuer un change-

ment de base pour la diagonaliser, ce qui nous donne une matrice symétrique.

Selon notre hypothèse, p(z1, z2) est réellement stable. Par la proposition 3.4.11, on a que

l'unique polynôme homogène de degré d respectant l'égalité

pH(z1, z2, 1) = p(z1, z2)

est hyperbolique par rapport à tous les vecteurs v ∈ R3 avec v1, v2 > 0 et v3 = 0. On peut

par la suite appliquer le théorème 3.4.12 et donc on sait qu'il existe A, B deux matrices d× dsemi-dé�nies positives et C une matrice symétrique de même dimension telles que

pH(z1, z2, z3) = α det(v1A+ v2B + v3C).

Il ne reste plus qu'à multiplier l'intérieur du déterminant par |α| et à remplacer v3 par 1. On

obtient

p(z1, z2) = pH(z1, z2, 1) = ±det(α(v1A+ v2B + C)).

Sous les mêmes hypothèses que le lemme précédent, on peut déduire un résultat supplémen-

taire.

Remarque 3.4.13. Soient A et B deux matrices d× d semi-dé�nies positives qui respectent

le lemme 3.4.8. Alors pour tous x, y > 0,

xA+ yB

est dé�nie positive.

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Démonstration. Supposons le contraire et que xA + yB n'est pas dé�nie positive. Alors il

existe un vecteur non-nul dans le noyau de A qui est également dans celui de B. Si on change

la base en fonction de ce vecteur, les deux matrices auront chacune une colonne et une ligne

vide. Ainsi, le polynôme det(xA+ yB) ne sera pas de degré d, ce qui contredit les hypothèses

du lemme.

3.5 Polynôme caractéristique mixte

Cette section sera consacrée à dé�nir le polynôme caractéristique mixte et à mettre de l'avant

ses propriétés. La stabilité réelle de ce polynôme permettra de montrer qu'une suite �nie de

vecteurs aléatoires, indépendants et à support �ni v1, . . . , vm engendre toujours une famille

entrelacée.

Dé�nition 3.5.1. On dé�nit le polynôme caractéristique mixte des matrices A1, . . . , Am

par

µ[A1, . . . , Am] :=

(m∏i=1

1− ∂zi

)det

(xI +

m∑i=1

ziAi

)∣∣∣∣z1=···=zm=0

.

Théorème 3.5.2. Soient v1, . . . , vm des vecteurs colonnes aléatoires et indépendants de Cd àsupport �ni. On pose Ai := Eviv∗i . Alors

[m∑i=1

viv∗i

](x) = µ[A1, . . . , Am].

Le lemme qui suit simpli�ra la preuve de ce théorème.

Lemme 3.5.3. Soient W1, . . . ,Wm des matrices hermitiennes de rang 1 et z1, . . . , zm des

scalaires. Alors

det

(xI +

m∑i=1

ziWi

)=

d∑k=0

xd−k∑

S∈([m]k )

zSσk

(∑i∈S

Wi

).

Démonstration. Ce lemme est un résultat direct des propositions 3.2.13 et 3.2.14.

det

(xI +

m∑i=1

ziWi

)=

d∑k=0

xd−k(−1)k∑

S∈([m]k )

σk

(∑i∈S−ziWi

)proposition 3.2.14

=

d∑k=0

xd−k∑

S∈([m]k )

∏i∈S

ziσk

(∑i∈S

Wi

)proposition 3.2.13

=d∑

k=0

xd−k∑

S∈([m]k )

zSσk

(∑i∈S

Wi

).

30

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Démonstration du théorème 3.5.2. On pose li la grandeur du support de vi et soient wi,1, . . . , wi,liles valeurs que prend vi avec probabilités pi,1, . . . , pi,li respectivement. On pose également

Wi,j := wi,jw∗i,j , ce qui entraîne que

Eviv∗i =

li∑j=1

pi,jWi,j .

On remarque que pour S ⊂ {1, . . . ,m}, le coe�cient de Taylor au point 0 de zS dans l'équation

det

(xI +

m∑i=1

ziAi

)

sera (∏i∈S

∂zi

)det

(xI +

m∑i=1

ziAi

)∣∣∣∣z1=···=zm=0

. (3.1)

Sans perdre de généralité, considérons S = {1, . . . , k}. Si on écrit chaque Ai comme étant

Ai =∑ji

pi,jiWi,ji ,

alors on obtient par le lemme 3.5.3

(3.1) =

(∏i∈S

∂zi

)det

xI +m∑i=1

∑ji

zipi,jiWi,ji

∣∣∣∣z1=···=zm=0

=

(∏i∈S

∂zi

) d∑k=0

xd−k∑

S∈([m]k )

∑ji∈[li]

zS

(∏i∈S

pi,ji

)σk

(∑i∈S

Wi,ji

) .

Ici, le S est déjà �xé, et donc notre k aussi. L'équation devient

(3.1) =

(k∏i=1

∂zi

)xd−k ∑j1∈[l1],...,jk∈[lk]

zS

(k∏i=1

pi,ji

)σk

(k∑i=1

Wi,ji

)= xd−k

∑j1∈[l1],...,jk∈[lk]

(k∏i=1

pi,ji

)σk

(k∑i=1

Wi,ji

)

= xd−kEσk

(k∑i=1

viv∗i

),

31

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car les vecteurs vi sont indépendants. En appliquant cette égalité à tous les S ⊆ [m], on obtient

µ[A1, . . . , Am] =

(m∏i=1

1− ∂zi

)det

(xI +

m∑i=1

ziAi

)∣∣∣∣z1=···=zm=0

=m∑k=0

(−1)k∑

S∈([m]k )

(∏i∈S

∂zi

)det

(xI +

m∑i=1

ziAi

)∣∣∣∣z1=···=zm=0

proposition 3.2.14

=m∑k=0

(−1)k∑

S∈([m]k )

xd−kEσk

(∑i∈S

viv∗i

)

= E

m∑k=0

(−1)k∑

S∈([m]k )

xd−kσk

(∑i∈S

viv∗i

)= E

[m∑i=1

viv∗i

]).

À l'aide de certains résultats vus précédemment, on remarque facilement que les racines et les

coe�cients du polynôme caractéristique mixte sont réels.

Corollaire 3.5.4. Le polynôme caractéristique mixte de matrices semi-dé�nies positives est à

racines et à coe�cients réels.

Démonstration. Par la proposition 3.4.3, on sait que

det

(xI +

m∑i=1

ziAi

)

est réellement stable. En appliquant le corollaire 3.4.6, on sait que

m∏i=1

(1− ∂zi) det

(xI +

m∑i=1

ziAi

)

est aussi réellement stable. Par la proposition 3.4.7, on peut �xer les zi = 0 tout en préservant

la stabilité. Ainsi, notre polynôme n'a qu'une seule variable, soit x, et il est réellement stable.

En�n, le lemme 3.4.2 permet de conclure que ses racines et ses coe�cients sont réels.

Il est en�n possible de montrer que toute suite de vecteurs aléatoires indépendants v1, . . . , vmà support �ni engendre une famille entrelacée. Notons que l'on garde les mêmes notations que

pour le théorème 3.5.2.

32

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Théorème 3.5.5. Pour j1 ∈ [l1], . . . , jm ∈ [lm], on dé�nit

qj1,...,jm(x) :=

(m∏i=1

pi,ji

[m∑i=1

wi,jiw∗i,ji

](x)

Alors les polynômes qj1,...,jm forment une famille entrelacée.

Démonstration. Pour 1 ≤ k ≤ m et j1 ∈ [l1], . . . , jk ∈ [lk], on dé�nit

qj1,...,jk(x) :=

(k∏i=1

pi,ji

)Evk+1,...,vmχ

[k∑i=1

wi,jiw∗i,ji +

m∑i=k+1

viv∗i

](x)

q∅(x) := Ev1,...,vmχ

[m∑i=1

viv∗i

](x)

Il faut montrer que pour tout j1, . . . , jk et j′k, les polynômes

qj1,...,jk−1,jk(x) qj1,...,jk−1,j′k(x)

ont un entrelacement commun. Par le lemme 3.3.5, il su�t de montrer que pour tout 0 ≤ λ ≤ 1,

le polynôme

λqj1,...,jk−1,jk(x) + (1− λ)qj1,...,jk−1,j′k(x) (3.2)

est à racines réelles.

Posons uk un vecteur aléatoire tel que

uk =

{wk,jk avec probabilité λ

wk,j′k avec probabilité (1− λ)

Alors il ne reste qu'à remarquer que

(3.2) =

(k−1∏i=1

Pi,ji

)Euk,vk+1,...,vmχ

[k−1∑i=1

wi,jiw∗i,ji + uku

∗k +

m∑i=k+1

viv∗i

](x).

En e�et, la partie de droite de l'équation est égale à(k−1∏i=1

Pi,ji

)λEvk+1,...,vmχ

[k−1∑i=1

wi,jiw∗i,ji + wk,jkw

∗k,jk

+m∑

i=k+1

viv∗i

](x) +

(k−1∏i=1

Pi,ji

)(1− λ)Evk+1,...,vmχ

[k−1∑i=1

wi,jiw∗i,ji + wk,j′kw

∗k,j′k

+m∑

i=k+1

viv∗i

](x)

= λ

(k∏i=1

Pi,ji

)Evk+1,...,vmχ

[k∑i=1

wi,jiw∗i,ji +

m∑i=k+1

viv∗i

](x) +

(1− λ)

(k∏i=1

Pi,ji

)Evk+1,...,vmχ

[k∑i=1

wi,jiw∗i,ji +

m∑i=k+1

viv∗i

](x)

= (3.2).

33

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Notons que dans la seconde équation, Pk,jk = 1 et Pk,j′k = 1. Ainsi, étant donné que(k−1∏i=1

Pi,ji

)Euk,vk+1,...,vmχ

[k−1∑i=1

wi,jiw∗i,ji + uku

∗k +

m∑i=k+1

viv∗i

](x)

est un multiple d'un polynôme caractéristique mixte, par le corollaire 3.5.4, l'équation (3.2) a

des racines et des coe�cients réels.

3.6 Fonction barrière et borne supérieure

Le théorème principal de cette section prouvera l'existence d'une borne supérieure pour les

racines du polynôme caractéristique mixte dans le cas particulier où∑m

i=1Ai = I. Avec celui-ci,

il sera en�n possible de démontrer le théorème 3.1.1.

Lemme 3.6.1. Soient A1, . . . , Am des matrices hermitiennes semi-dé�nies positives. Si∑m

i=1Ai =

I, alors

µ[A1, . . . , Am](x) =

(m∏i=1

1− ∂yi

)det

(m∑i=1

yiAi

)∣∣∣∣y1=···=ym=x

.

Démonstration. Pour toute fonction dérivable f , on a

∂yi(f(yi))|yi=zi+x = ∂zi(f(zi + x))

∣∣∣∣zi=0

.

Ainsi, on peut aisément remplacer les yi par zi + x. Cela nous donne(m∏i=1

1− ∂yi

)det

(m∑i=1

yiAi

)∣∣∣∣y1=···=ym=x

=

(m∏i=1

1− ∂zi

)det

(m∑i=1

(zi + x)Ai

)∣∣∣∣z1=···=zm=0

=

(m∏i=1

1− ∂zi

)det

(m∑i=1

ziAi + xm∑i=1

Ai

)∣∣∣∣z1=···=zm=0

=

(m∏i=1

1− ∂zi

)det

(xI +

m∑i=1

ziAi

)∣∣∣∣z1=···=zm=0

= µ[A1, . . . , Am](x) par le théorème 3.5.2.

Voici quelques dé�nitions qui serviront d'outils dans la preuve du théorème principal de la

section.

Dé�nition 3.6.2. Soit p(z1, . . . , zm) un polynôme à plusieurs variables. On dit que z ∈ Rm

est au-dessus des racines de p si

p(z + t) > 0 ∀t = (t1, . . . , tm) ∈ Rm, ti ≥ 0,

34

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c'est-à-dire si p est positif dans l'orthant non-négatif d'origine z.

On écrit Abp pour l'ensemble des points au-dessus des racines de p.

Dé�nition 3.6.3. Soit p un polynôme réellement stable et soit z = (z1, . . . , zm) ∈ Abp. Lafonction barrière de p dans la direction i en z est dé�nie par

Φip(z) =

∂zip(z)

p(z).

On peut également l'écrire comme

Φip(z1, . . . , zm) =

q′z,i(zi)

qz,i(zi)=

r∑j=1

1

zi − λi.

Ici la restriction à une seule variable qz,i est dé�nie comme

qz,i(t) := p(z1, . . . , zi−1, t, zi+1, . . . , zm).

De plus, par la proposition 3.4.7, qz,i(t) est réellement stable, ce qui entraîne que ses racines

sont réelles.

La fonction barrière possède deux belles propriétés analytiques qui nous seront utiles pro-

chainement, soit la convexité ainsi que la monotonie décroissante.

Lemme 3.6.4. Soit p un polynôme réellement stable et soit z ∈ Abp. Alors pour tout i, j ≤ met δ ≥ 0, on a

1. Φip(z + δej) ≤ Φi

p(z) (monotone décroissant)

2. Φip(z + δej) ≤ Φi

p(z) + δ∂zjΦip(z + δej) (convexité)

où ej est le vecteur ayant 1 à la j-ème composante et 0 ailleurs.

Avant de débuter la démonstration du lemme, remarquons que la deuxième propriété est

e�ectivement équivalente à la convexité. Par dé�nition, une fonction continûment dérivable f

est convexe sur un intervalle [a, b] si pour tout x, y ∈ [a, b], on a

f(x) ≥ f(y) + f ′(y)(x− y).

Or, en appliquant le changement de variables y = x+ δ, on obtient

f(x) ≥ f(x+ δ) + f ′(x+ δ)(x− x− δ)

f(x) + δf ′(x+ δ) ≥ f(x+ δ),

ce qui est exactement la seconde propriété.

35

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Démonstration. (Cas i = j) Considérons la restriction

qz,i(zi) =r∏

k=1

(zi − λk)

dé�nie un peu plus haut. Puisque z ∈ Abp, on a que zi > λk pour tout k. Si ce n'était pas le

cas, alors qz,i(zi) pourrait être négatif ou nul, ce qui viendrait en contradiction avec z ∈ Abp.

1. Puisque δei > 0, on a

Φip(z + δei) =

r∑j=1

1

zi + δ − λj≤

r∑j=1

1

zi − λj= Φi

p(z).

2. Regardons le développement en série de Taylor.

Φip(z) = Φi

p(z + δei − δei)

= Φip(z + δei)− δ∂ziΦi

p(z + δei) +δ2

2∂2ziΦ

ip(z + δei + θδei).

On remarque que si le dernier terme de la somme, soit δ2

2 ∂2ziΦ

ip(z + δei + θδei), est

supérieur ou égal à 0, on aura exactement que

Φip(z + δei)− δ∂ziΦi

p(z + δei) ≤ Φip(z)

Φip(z + δei) ≤ Φi

p(z) + δ∂ziΦip(z + δei).

Regardons ce terme.

δ2

2∂2ziΦ

ip(z + δei + θδei) =

δ2

2∂2zi

r∑j=1

1

zi + δei + θδei − λj.

Étant donné que la constante devant est toujours positive et que la dérivée se distribue

sur chacun des termes de la somme, on peut simplement regarder

∂2zi

(1

zi + δei + θδei − λj

)=

2

(zi + δei + θδei − λj)3> 0,

puisque zi > λj . Par conséquent, le dernier terme du développement est positif, ce qui

nous donne le résultat.

(Cas i 6= j) Tout d'abord, �xons les variables sauf zi et zj . On obtient alors un polynôme à

deux variables réellement stable que l'on notera

qz,ij(zi, zj) := p(z1, . . . , zm).

Par le lemme 3.4.8, il existe des matrices semi-dé�nies positives Bi, Bj ainsi qu'une matrice

hermitienne C telles que

qz,ij(zi, zj) = ±det(ziBi + zjBj + C).

36

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Par le corollaire 3.4.13, on sait que ziBi + zjBj est dé�nie positive. Il existe donc un t assez

grand tel que t(Bi +Bj) + C est également dé�nie positive. On a

det(tBi + tBj + C) > 0

Si on prend t > max{z1, z2}, alors l'inégalité fonctionne encore et qz,ij(t, t) sera positif. Ceci

signi�e que le signe devant le déterminant de qz,ij(zi, zj) sera lui aussi positif. On peut main-

tenant réécrire la fonction barrière.

Φip(z) =

∂zi det(ziBi + zjBj + C)

det(ziBi + zjBj + C)

=Tr((ziBi + zjBj + C)−1Bi

)det(ziBi + zjBj + C)

det(ziBi + zjBj + C)Théorème 3.2.11

= Tr((ziBi + zjBj + C)−1Bi

).

Pour simpli�er la notation, posons M := ziBi + zjBj + C. Comme z ∈ Abp et Bi + Bj est

dé�nie positive, M est dé�nie positive. En e�et, puisque Bi + Bj est dé�nie positive, on sait

que (Bi + Bj)− 1

2 l'est aussi. Si M est dé�nie positive, alors (Bi + Bj)−12 M(Bi + Bj)

−12 est

également dé�nie positive. C'est équivalent à dire que pour tout t ≥ 0

det(

(Bi +Bj)−12 M(Bi +Bj)

−12 + tI

)6= 0

det(

(Bi +Bj)−12 (M(Bi +Bj)

−12 + t(Bi +Bj)

12 ))6= 0

det(

(Bi +Bj)−12 (M + t(Bi +Bj))(Bi +Bj)

−12

)6= 0

det((Bi +Bj)−12 ) det(M + t(Bi +Bj)) det((Bi +Bj)

−12 ) 6= 0.

Mais on sait que det((Bi +Bj)−12 ) 6= 0. Ainsi, il faudrait que

det(M + t(Bi +Bj)) 6= 0.

Supposons le contraire et qu'il existe t ≥ 0 tel que det(M + t(Bi + Bj)) = 0. Or, puisque

z ∈ Abp, alors

det(M + t(Bi +Bj)) = det((zi + t)Bi + (zj + t)Bj + C) = qz,ij(zi + t, zj + t) > 0,

une contradiction. On peut conclure que M est dé�nie positive.

Revenons à la fonction barrière

Φip(z) = Tr

(M−1Bi

).

Maintenant que M est dé�nie positive, on sait que M12 existe et qu'elle est dé�nie positive.

On peut écrire

Φip(z + δej) = Tr

((M + δBj)

−1Bi)

= Tr(M−12 (I + δM

−12 BjM

−12 )−1M

−12 Bi

)

37

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On peut développer (I + X)−1 en série et remplacer X = δM−12 BjM

−12 par la suite. On

obtient

Φip(z + δej) = Tr

((I − δM

−12 BjM

−12 + δ2(M

−12 BjM

−12 )2 +O(δ3)

)M−12 BiM

−12

)Étant donné queM

−12 BiM

−12 etM

−12 BjM

−12 sont semi-dé�nies positives, on a en permanence

que

1. −δM−12 BjM

−12 ≤ 0.

2. δ2(M−12 BjM

−12 )2 ≥ 0.

Ainsi, la dérivée première est toujours négative et la dérivée seconde est toujours positive. On

a donc la monotonie décroissante et la convexité.

On a introduit la fonction barrière a�n de regarder la relation entre l'ensemble des points Abpet ceux de Abp−∂zip. En particulier, la propriété de monotonie implique le résultat suivant.

Lemme 3.6.5. Soit p(z1, . . . , zm) un polynôme réellement stable avec z ∈ Abp et supposons

que Φip < 1. Alors z ∈ Abp−∂zip.

Démonstration. Soit t un vecteur non-négatif. Par la propriété 1 du lemme 3.6.4, pour δ > 0,

on a

Φip(z + δej) ≤ Φi

p(z) ∀i, j.

Puisque Φip(z) < 1, on a aussi que Φi

p(z + t) < 1. Ainsi,

Φip(z + t) =

∂zip(z + t)

p(z + t)< 1.

On obtient

∂zip(z + t) < p(z + t)

(p− ∂zip)(z + t) = p(z + t)− ∂zip(z + t) > 0

et ce, pour tout t ≥ 0. Ceci entraîne que z ∈ Abp−∂zip.

Le lemme 3.6.5 nous permet de prouver simplement qu'un vecteur est dans Abp−∂zip. Cepen-

dant, ce lemme n'est pas assez puissant pour être utilisé dans une induction car la fonction

barrière peut augmenter à chaque opérateur (1− ∂zi) qu'on applique.

Pour régler ce problème, on bornera la fonction barrière par 1 − 1δ pour un certain δ et

on compensera l'e�et de chacun des opérateurs (1− ∂zi) en déplaçant la borne supérieure de

zéro dans la direction ei. La propriété de convexité nous permet d'émettre le lemme suivant.

38

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Lemme 3.6.6. Soit p(z1, . . . , zm) un polynôme réellement stable avec z ∈ Abp et δ > 0

satisfaisant

Φjp(z) +

1

δ≤ 1.

Alors, pour tout i, on a

Φip−∂zj p

(z + δej) ≤ Φip(z).

Démonstration. Sans perdre de généralité, posons j = 1. Notre but est d'écrire Φip−∂z1p

en

fonction de Φip et de Φ1

p pour être par la suite en mesure d'utiliser la convexité. Mais d'abord,

remarquons l'identité suivante.

∂z1Φip = ∂z1

(∂zip

p

)=

(∂z1∂zip)p− (∂z1p)(∂zip)

p2. (3.3)

Avec ceci, on a

Φip−∂z1p

=∂zip− ∂zi∂z1pp− ∂z1p

=(∂zip)p− (∂zi∂z1p)p

p2 − (∂z1p)p

=(∂zip)p− (∂zi∂z1p)p+ (∂zip)(∂z1p)− (∂zip)(∂z1p)

p2 − (∂z1p)p

=(∂zip)(∂z1p)− (∂zi∂z1p)p

p2 − (∂z1p)p+

(∂zip)p− (∂zip)(∂z1p)

p2 − (∂z1p)p

=(∂zip)(∂z1p)− (∂zi∂z1p)p

p2 − (∂z1p)p+

(∂zip)(p− (∂z1p))

p(p− (∂z1p))

=(∂zip)(∂z1p)− (∂zi∂z1p)p

p2(1− (∂z1p)p )

+(∂zip)

p

= −∂z1Φi

p

1− Φ1p

+ Φip par (3.3).

Notre but est de montrer que

Φip−∂z1p

(z + δe1) ≤ Φip(z).

Or, ceci est équivalent à

Φip(z + δe1)−

∂z1Φip(z + δe1)

1− Φ1p(z + δe1)

≤ Φip(z)

−∂z1Φi

p(z + δe1)

1− Φ1p(z + δe1)

≤ Φip − (z)Φi

p(z + δe1).

Par la propriété de convexité du lemme 3.6.4, on a

Φip(z + δe1) ≤ Φi

p(z) + δ∂z1Φip(z + δe1)

39

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−δ∂z1Φip(z + δe1) ≤ Φi

p(z)− Φip(z + δe1).

Ainsi, si on réussit à montrer que

1

1− Φ1p(z + δe1)

≤ δ,

l'égalité sera toujours vraie. Étant donné que par hypothèse, Φ1p(z) + 1

δ ≤ 1 et δ > 0, alors

1

δ≤ 1− Φ1

p(z)

1

1− Φ1p(z)

≤ δ

La monotonie de la fonction barrière du lemme 3.6.4 entraîne que

Φ1p(z + δe1) ≤ Φ1

p(z),

et donc1

1− Φ1p(z + δe1)

≤ 1

1− Φ1p(z)

≤ δ.

On peut en�n conclure

−∂z1Φi

p(z + δe1)

1− Φ1p(z + δe1)

≤ −δ∂z1Φip(z + δe1) ≤ Φi

p(z)− Φip(z + δe1).

Il est maintenant possible d'énoncer et de démontrer le théorème principal de cette section.

Théorème 3.6.7. Soient A1, . . . , Am des matrices hermitiennes semi-dé�nies positives telles

que∑m

i=1Ai = I et Tr(Ai) ≤ ε pour un certain ε > 0 ainsi que pour tout i ∈ {1, . . . ,m}. Alorsla plus grande racine du polynôme caractéristique mixte µ[A1, . . . , Am] est au plus (1 +

√ε)2.

Démonstration. Posons t := ε+√ε, δ =

√ε+1 et dé�nissons x0 := (t, t, . . . , t) et xk le vecteur

ayant t+ δ pour les k premières composantes et t pour le reste. Notre but sera de montrer que

xm ∈ Abµ[A1,...,Am](x), ce qui nous permettra de borner les racines.

Posons

p(y1, . . . , ym) = det

(m∑i=1

yiAi

)∣∣∣∣y1=···=ym=x

.

Puisque toutes les matrices Ai sont semi-dé�nies positives et que

det

(tm∑i=1

Ai

)= det(tI) > 0,

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on a que le vecteur x0 est au-dessus des racines de p. La fonction barrière de p sera donc

Φip(y1, . . . , ym) =

∂zip(y1, . . . , ym)

p(y1, . . . , ym)

=∂zi det (

∑mi=1 yiAi)

det (∑m

i=1 yiAi)

= Tr

( m∑i=1

yiAi

)−1Ai

théorème 3.2.11.

Alors,

Φip(x

0) = Tr

( m∑i=1

tAi

)−1Ai

= Tr

1

t

(m∑i=1

Ai

)−1Ai

=

1

tTr (Ai) .

Par hypothèse, Tr(Ai) ≤ ε et ce, pour tout i. Ainsi,

Φip(x

0) ≤ ε

t=

ε

ε+√ε.

Pour k ∈ {1, 2, . . . ,m}, on dé�nit

pk(y1, . . . , ym) =

(k∏i=1

1− ∂yi

)p(y1, . . . , ym).

Notons que pm(x) = µ[A1, . . . , Am](x).

Montrons d'abord que xk ∈ Abp. Soit r un vecteur positif et non-nul arbitraire. Alors

p(xk + r) = det

(m∑i=1

(xki + ri)Ai

)

= det

(tI +

m∑i=1

riAi +

k∑i=1

δAi

).

PosonsM :=∑m

i=1 riAi+∑k

i=1 δAi. Étant donné queM est la somme de matrices semi-dé�nies

positives, par le corollaire 3.4.13, M est dé�nie positive. On peut donc réécrire

p(xk + r) = det(tI +M).

Aussi, puisque M est dé�nie positive, ses valeurs propres seront strictement positives. Ainsi,

det(M − λI) 6= 0 pour tout λ ≤ 0. Ceci signi�e que det(M + tI) 6= 0 pour tout t ≥ 0.

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De plus, comme det(tI+M) est un polynôme dont les zéros sont strictement négatifs, alors le

signe du polynôme sera le même pour t ≥ 0. Or, on sait que dans le cas particulier où t = 0,

le polynôme devient det(M). Dans ce cas, comme M est dé�nie positive, son déterminant est

positif, ce qui entraîne que le signe est positif. Ainsi,

det(tI +M) > 0

p(xk + r) > 0,

et on conclut que xk ∈ Abp.

Maintenant, montrons que xk ∈ Abp−∂xip. Le lemme 3.6.5 nous dit que si l'hypothèse Φip(x

k) <

1 est respectée, alors xk ∈ Abp−∂xip. Dans notre cas, cette hypothèse est bel et bien respectée.

En e�et, on a montré plus haut que x0 ∈ Abp et que

Φip(x

0) ≤ ε

ε+√ε< 1.

Par la monotonie du lemme 3.6.4, puisque xk = x0 + v où le vecteur v est composé de δ pour

les k premières composantes et 0 pour le reste, on a

Φip(x

k) ≤ Φip(x

0) < 1.

Ainsi, xk ∈ Abp−∂xip et ceci pour tout i.

Regardons le cas particulier où k = 1. On a x1 ∈ Abp1 . De plus, on a trouvé plus haut

que

Φip(x

0) ≤ ε

ε+√ε.

En ajoutant√ε

ε+√εde chaque côté de l'inégalité, on obtient

1 ≥ Φip(x

0) +

√ε

ε+√ε

≥ Φip(x

0) +1√ε+ 1

≥ Φip(x

0) +1

δ.

On peut appliquer le lemme 3.6.6

Φip1(x1) = Φi

p1(x0 + δe1) ≤ Φip(x

0).

Maintenant, concentrons-nous sur le cas k = 2. Le résultat trouvé un peu plus haut nous

assure que x2 ∈ Abp1 . Puisque par la monotonie du lemme 3.6.4, on a

Φp1(x2) = Φp1(x1 + δe2) ≤ Φip1(x1),

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on peut appliquer le lemme 3.6.6, ce qui nous donne

Φip2(x2) ≤ Φi

p1(x1).

De plus, étant donné que

Φip1(x1) ≤ Φi

p(x0) < 1,

le lemme 3.6.5 entraîne que x2 ∈ Abp2 .

Le cas k = 3 se fait selon le même raisonnement, la seule di�érence est qu'il faut appli-

quer le lemme 3.6.5 deux fois au lieu d'une. On poursuit ainsi par induction jusqu'à trouver

xm ∈ Abpm et

Φipm(xm) ≤ ε

ε+√ε.

Par dé�nition, pour tout vecteur à composantes positives v, on a

pm(xm + v) > 0.

Ainsi, si x est un zéro de pm(x, x, . . . , x), alors nécessairement

x ≤ t+ δ =√ε+ ε+

√ε+ 1 = (

√ε+ 1)2.

On a en�n tous les outils nécessaires pour démontrer le théorème 3.1.1 correspondant à la

conjecture de Weaver dans le cas r = 2.

Démonstration du théorème 3.1.1. Posons Ai := Eviv∗i . On a donc

Tr(Ai) = Tr(Eviv∗i )

= ETr(viv∗i )

= E

(d∑i=1

viv∗i

)= E〈vi, vi〉

= E‖vi‖2.

Et donc on a que Tr(Ai) ≤ ε. Puisque les matrices Ai sont hermitiennes, semi-dé�nies posi-

tives et que∑m

i=1Ai = I, on peut appliquer le théorème 3.6.7. Ainsi, la plus grande racine du

polynôme caractéristique mixte µ[A1, . . . , Am] sera au plus (1 +√ε)2.

Pour i ∈ [m], on pose li la grandeur du support de vi et on suppose que vi prend les va-

leurs wi,1, . . . , wi,li avec les probabilités pi,1, . . . , pi,li respectivement.

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On se rappelle que

qj1,...,jm(x) =

(m∏i=1

pi,ji

[m∑i=1

wi,jiw∗i,ji

](x),

où les ji ∈ [li]. Par le théorème 3.5.5, on a que les polynômes qj1,...,jm forment une famille

entrelacée.

Le théorème 3.3.4 con�rme l'existence d'une certaine combinaison de j1 . . . , jm dans [l1] ×· · · × [lm] tels que la plus grande racine de qj1,...,jm est au plus la plus grande racine de q∅. Or

q∅(x) = Ev1,...,vmχ

[m∑i=1

viv∗i

](x)

= µ[A1, . . . , Am](x) par le théorème 3.5.2.

Ainsi, la plus grande racine de qj1,...,jm(x) est au plus (1 +√ε)2. Comme

∑mi=1 viv

∗i est semi-

dé�nie positive, sa norme correspond à la plus grande valeur propre de la matrice. Or, dans

le cas particulier de la combinaison de j1 . . . , jm sélectionnée plus haut,

det

(λiI −

m∑i=1

wi,jiw∗i,ji

)= 0

pour des valeurs de λi ≤ (1 +√ε)2. Donc,

P

[∥∥∥∥∥m∑i=1

viv∗i

∥∥∥∥∥ ≤ (1 +√ε)2

]> 0.

Puisque le théorème 3.1.1 est vrai, cela entraîne une réponse positive à la conjecture de Weaver

2.1.1 et donc par le fait même à la conjecture de Kadison-Singer 1.0.1 ainsi qu'à toutes ses

équivalences.

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Chapitre 4

La conjecture de Feichtinger

4.1 Préliminaire

Dans ses travaux sur l'analyse du temps-fréquence, le professeur Hans Georg Feichtinger re-

marqua que les frames utilisés dans ses recherches possédaient tous la même propriété, celle de

pouvoir s'écrire comme l'union �nie de sous-ensembles spéciaux. Cette propriété particulière

entraîna ce qu'on appellera plus tard la conjecture de Feichtinger.

Avant d'énoncer la conjecture, regardons quelques dé�nitions que l'on retrouve dans [7] et

dans [6].

Soient H un espace de Hilbert et {fi}i∈S une famille de vecteurs dans H. On dit que {fi}i∈Sest un frame s'il existe des constantes A,B > 0 telles que

A‖f‖2 ≤∑i∈S|〈f, fi〉|2 ≤ B‖f‖2,

pour tout f ∈ H.

Les constantes A et B sont appelées respectivement la borne inférieure et la borne supé-

rieure. Si on peut choisir A = B, alors on dit que {fi}i∈S est un frame B-serré. Si on a

au moins l'inégalité de droite, soit la borne supérieure, alors {fi}i∈S est ce qu'on appelle une

suite de Bessel ayant B comme constante de Bessel. Si tous les éléments de la famille de

vecteurs sont de norme 1, alors on dit que c'est un frame unitaire.

Une suite {fi}i∈S dans H est bornée si

0 < infi∈S‖fi‖ ≤ sup

i∈S‖fi‖ <∞.

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On dit que {fi}i∈S est une suite de Riesz pour H si et seulement s'il existe des constantes

A,B > 0 telles que pour toutes les familles �nies de scalaires {ai}i∈S , on a

A∑i∈S|ai|2 ≤ ‖

∑i∈S

aifi‖2 ≤ B∑i∈S|ai|2.

Elle est unitaire si ‖fi‖ = 1 pour tout i ∈ S. Si A = 1− ε et B = 1 + ε pour un certain ε > 0,

alors on dit que la suite est une ε-suite de Riesz. En�n, une suite de Riesz est appelée une

base de Riesz si span{fi} = H.

On est désormais en mesure d'énoncer la conjecture de Feichtinger.

Conjecture 4.1.1 (Feichtinger). Chaque frame borné peut être écrit comme une union �nie

de suites de Riesz.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, la conjecture de Feichtinger est équivalente à la

conjecture de Kadison-Singer. Or, ce lien n'est pas direct. Il faut en e�et passer par un résul-

tat intermédiaire, soit la conjecture de Bourgain-Tzafriri, que l'on notera BT faible.

Ce chapitre sera dédié à éclaircir le lien reliant ces résultats. La première section est consacrée

à l'étude de la relation entre la conjecture de Feichtinger et celle de Bourgain-Tzafriri. La

seconde section fait le lien entre BT faible et Kadison-Singer.

4.2 Feichtinger et BT faible

En 1987, J. Bourgain et L. Tzafriri ont prouvé ce qu'on appelle maintenant le principe de

l'inversibilité restraint, un résultat important de la théorie des espaces de Banach [5]. Ce

principe entraîna un nouveau problème dans le domaine.

Conjecture 4.2.1 (BT faible). Pour chaque B > 0, il existe un entier naturel M et un

A > 0 tel que si T : ln2 → ln2 est un opérateur linéaire avec ‖Tei‖ = 1 pour tout 1 ≤ i ≤ n

et ‖T‖ ≤√B, alors il existe une partition {Sj}Mj=1 de {1, 2, . . . , n} telle que pour chaque

1 ≤ j ≤M et chaque choix de scalaires {ai}i∈Sj , on a∥∥∥∥∑i∈Sj

aiTei

∥∥∥∥2 ≥ A∑i∈Sj

|ai|2.

On montrera que cette conjecture est équivalente à celle de Feichtinger, dans le sens où si la

réponse de l'une est positive, alors l'autre sera également positive. Toutefois, avant de débuter

la preuve, regardons un résultat qui la simpli�era. Cette proposition et le théorème suivant se

retrouvent dans l'article de Casazza, Christensen, Lindner et Vershynin [6].

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Proposition 4.2.2. Fixons un entier naturel M et supposons que pour chaque entier naturel

n, on a une partition {Sni }Mi=1 de {1, 2, . . . , n}. Dans ce cas, il existe des entiers naturels

n1 < n2 < . . . tels que si j ∈ Snji pour un certain i ∈ {1, . . . ,M}, alors j ∈ Snki pour chaque

k ≥ j. Ainsi, si Si = {j|j ∈ Snji }, on a

1. {Si}mi=1 est une partition de N

2. Si Si = {j1 < j2 < . . .}, alors pour chaque entier naturel k, on a

{j1, . . . , jk} ⊂ Snjki

Démonstration. Pour chaque entier naturel n, 1 est dans un des ensembles {Sni }Mi=1. Alors il

existe des entiers naturels n11 < n12 < . . . et un i ∈ {1, 2, . . . ,M} tels que 1 ∈ Sn1j

i pour tout

j ∈ N.

Pour chaque entier naturel n1j , 2 est dans un des ensembles {Sn1j

i }Mi=1. Alors il existe une

sous-suite {n2j} de {n1j} et un i ∈ {1, 2, . . . ,M} tels que 2 ∈ Sn2j

i pour tout j ∈ N.

En répétant par induction, on obtient une sous-suite {nl+1j }∞j=1 de {nlj}∞j=1 et un i ∈ {1, 2, . . . ,M}

tels que l + 1 ∈ Snl+1j

i pour tout j ∈ N.

En posant {nj}∞j=1 = {njj}∞j=1, on obtient la conclusion.

On est en�n prêt à démontrer l'équivalence.

Théorème 4.2.3. La conjecture de Feichtinger 4.1.1 est équivalente à la conjecture BT faible

4.2.1 dans le sens où si l'une est positive, l'autre le sera.

Démonstration. La preuve se déroule en cinq étapes. Il faut montrer que les énoncés suivants

sont équivalents.

1. La conjecture de Feichtinger 4.1.1.

2. Pour chaque B > 0, il existe un entier naturelM et un A tels que chaque suite de Bessel

{fi}ni=1 ayant comme constante de Bessel B avec ‖fi‖ = 1 pour tout i ∈ {1, . . . , n} peutêtre écrite comme l'union de M suites de Riesz ayant A comme borne inférieure.

3. Pour chaque B,C > 0, il existe un entier naturel M et un A > 0 tels que pour chaque

frame {fi}i∈S de ln2 avec n ∈ N, une borne supérieure B et ‖fi‖ ≥ C pour tout i ∈ S,on peut trouver une partition {Sj}Mj=1 de S telle que pour tout 1 ≤ j ≤M , {fi}i∈Sj estune suite de Riesz ayant comme borne inférieure A et comme borne supérieure B.

4. La conjecture BT faible 4.2.1

5. Chaque suite de Bessel bornée peut être écrite comme l'union �nie de suites de Riesz.

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(1 ⇒ 2) Allons-y par contraposée. Supposons que 2 est faux. Il existe un B > 0 tel que pour

tout M ∈ N et tout A > 0, il existe un n ∈ N, un espace de Hilbert H et une suite de Bessel

{fi}ni=1 ayant B comme constante de Bessel et ‖fi‖ tels que lorsqu'on prend n'importe quelle

partition {Sj}Mj=1 de {1, . . . , n}, il existe un certain l ∈ {1, . . . ,M} et un ensemble de scalaires

{ai}i∈Sj avec ∥∥∥∥∑i∈Sl

aifi

∥∥∥∥2 ≤ A∑i∈Sl

|ai|2.

Pour chaque k ∈ N, on choisit un espace de Hilbert Hk de dimension �nie, disons mk, et on

pose M = k et A = 1k . On peut choisir un nk et {fki }

nki=1 satisfaisant les conditions ci-dessus.

Soit

H =

(∑k

⊕Hk)l2

,

et considérons {fki }nk,∞i=1,k=1 comme des éléments de H. Pour chaque k ∈ N, soit {eki }

mki=1 la base

orthonormée pour Hk et considérons {eki }mk,∞i=1,k=1 comme des éléments de H.

Étant donné que {eki }mk,∞i=1,k=1 est une base orthonormée deH, la famille {fki }

nk,∞i=1,k=1∪{e

ki }mk,∞i=1,k=1

est une famille de vecteurs de norme 1 dans H ayant B + 1 comme borne de Bessel et comme

borne inférieure A. C'est donc un frame dans H.

Fixons M,A > 0 et supposons que l'on peut partitionner ce frame en M ensembles de suites

de Riesz, chacune ayant une borne inférieure A.

Or, pour tout k avec k ≥ M et 1k ≤ A, il est impossible de partitionner {fki }

nki=1 en M

ensembles ayant comme borne inférieure quelque chose de supérieur ou égal à A, car cela

viendrait en contradiction avec l'inégalité de départ. On a donc que le frame {fki }nki=1 ne peut

être partitionné, ce qui entraîne que l'énoncé 1 est faux.

(2 ⇒ 3) Prenons une suite de Bessel {fi} qui respecte les conditions de l'énoncé 3. La suite

{ fi‖fi‖} reste une suite de Bessel ayant une constante de Bessel égale à B

C2 . Par l'énoncé 2, la

suite peut être écrite comme l'union de M suites de Riesz ayant A comme borne inférieure.

Puisqu'un frame est toujours borné supérieurement, c'est automatiquement une suite de Bes-

sel et donc 2 entraîne 3.

(3⇒ 4) En posant fi = Tei, le résultat est immédiat.

(4 ⇒ 5) Soit {fi}∞i=1 une suite bornée de Bessel pour un espace de Hilbert H de dimen-

sion in�nie et ayant B comme constante de Bessel. Sans perdre de généralité, supposons que

‖fi‖ = 1 pour tout 1 ≤ i ≤ ∞. Pour chaque n ∈ N, on choisit un espace de Hilbert Hnde dimension n contenant l'espace vectoriel engendré par {fi}ni=1. Posons {eni }ni=1 une base

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orthonormée pour Hn.

Dé�nissons Tn : Hn → Hn par Tneni = fi. Alors on a ‖Tn‖ ≤√B et, en supposant l'énoncé

4 vrai, il existe une partition {Sni }Mi=1 de {1, 2, . . . , n} pour un certain entier naturel M telle

que pour chaque j ∈ {1, . . . , k}, {fi}i∈Snj est une suite de Riesz avec A comme borne inférieure.

Par la proposition 4.2.2, il existe une partition {Si}Mi=1 de N telle que si Si = {j1 < j2 < . . .},alors pour chaque entier naturel k, on a que {j1, j2, . . . , jk} ⊂ S

njki .

Il suit que {fjl}kl=1 est une suite de Riesz et elle a la même borne inférieure A pour tout

k ∈ N.

Par conséquent,{fj}j∈Si est une suite de Riesz avec A comme borne inférieure et B comme

borne supérieure. Étant donné que ceci est vrai pour tout i ∈ {1, . . . ,M}, on a trouvé une

décomposition d'une suite de Bessel bornée arbitraire en suites de Riesz, ce qui est exactement

l'énoncé 5.

(5⇒ 1) Puisque chaque frame est automatiquement une suite de Bessel, ceci est trivial.

4.3 BT faible et Kadison-Singer

Maintenant que la preuve de l'équivalence entre les conjectures de Feichtinger et BT faible est

faite, on se penche sur le lien avec Kadison-Singer. Pendant plusieurs années, les mathémati-

ciens considéraient l'équivalence entre la conjecture de Kadison-Singer et la conjecture émise

par Bourgain et Tzafriri comme un fait, sans toutefois avoir de preuve rigoureuse. Il faudra

attendre plusieurs années avant d'avoir la démonstration formelle de ce résultat. Dans leur

article [7], Peter G. Casazza et Janet Crandell Tremain ont montré la correspondance entre

la conjecture de Kadison-Singer et celle de Bourgain et Tzafriri en passant par des résultats

équivalents. L'un de ces résultats est une autre conjecture nommée la Rε-conjecture. Voici son

énoncé.

Conjecture 4.3.1 (Rε-conjecture). Pour chaque ε > 0, chaque suite de Riesz unitaire peut

être écrite comme l'union �nie de ε-suites de Riesz.

Le théorème prouvant l'équivalence avec Kadison-Singer se décrit comme suit.

Théorème 4.3.2. Les énoncés suivants sont équivalents :

1. La conjecture de Kadison-Singer ;

2. Si T : l2 → l2 est un opérateur linéaire borné avec ‖Tei‖ = 1 pour tout i ∈ S, alors pourtout ε > 0, {Tei}i∈S est l'union �nie de ε-suites de Riesz ;

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3. La Rε-conjecture.

Ce résultat fut prouvé dans la section 3 de [7]. Il nous permettra de simpli�er la démonstration

de l'équivalence entre Kadison-Singer et BT faible. Énonçons d'abord un cas particulier de

BT faible.

Conjecture 4.3.3. Il existe une constante A > 0 et un entier naturelM tels que si T : ln2 → ln2est un opérateur linéaire avec ‖Tei‖ = 1 pour tout 1 ≤ i ≤ n et ‖T‖ ≤ 2, alors il existe une

partition {Sj}Mj=1 de {1, 2, . . . , n} telle que pour chaque 1 ≤ j ≤M et chaque choix de scalaires

{ai}i∈Sj , on a ∥∥∥∥∑i∈Sj

aiTei

∥∥∥∥2 ≥ A∑i∈Sj

|ai|2.

Puisque par le théorème 4.3.2, Kadison-Singer implique la Rε-conjecture qui implique à son

tour BT-faible et puisque 4.3.3 n'est qu'un cas spécial de BT-faible, il ne reste qu'à montrer

que la conjecture 4.3.3 implique la conjecture 2.3.2. Ainsi, on aura montré que la conjecture

de Kadison-Singer 1.0.1 est équivalente à la conjecture BT-faible 4.2.1.

Théorème 4.3.4. La conjecture 4.3.3 implique la conjecture 2.3.2.

Démonstration. Prenons M et A satisfaisant la conjecture 4.3.3. On �xe 0 < δ ≤ 34 et on

prend une projection orthogonale P sur ln2 avec

maxi≤n

Pi,i ≤ δ.

Ainsi

〈Pei, ei〉 = ‖Pei‖2 ≤ δ

implique que

‖(I − P )ei‖2 ≥ 1− δ ≥ 1

4.

Dé�nissons T : ln2 → ln2 par

Tei :=(I − P )ei‖(I − P )ei‖

.

On remarque que pour n'importe quels scalaires {ai}ni=1, on a∥∥∥∥∥n∑i=1

aiTei

∥∥∥∥∥2

=

∥∥∥∥∥n∑i=1

ai‖(I − P )ei‖

(IP )ei

∥∥∥∥∥2

≤n∑i=1

∣∣∣∣ ai‖(I − P )ei‖

∣∣∣∣2≤ 4

n∑i=1

|ai|2.

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Ainsi, on a que ‖Tei‖ = 1 et ‖T‖ ≤ 2. On peut donc appliquer la conjecture 4.3.3 : Il existe

une partition {Sj}Mj=1 de {1, 2, . . . , n} telle que pour chaque 1 ≤ j ≤M et pour chaque choix

de scalaires {ai}i∈Sj , on a ∥∥∥∥∥∥∑i∈Sj

aiTei

∥∥∥∥∥∥2

≥ A∑i∈Sj

|ai|2.

Ainsi, ∥∥∥∥∥∥∑i∈Sj

ai(I − P )ei

∥∥∥∥∥∥2

=

∥∥∥∥∥∥∑i∈Sj

ai(‖(I − P )ei‖Tei)

∥∥∥∥∥∥2

≥ A∑i∈Sj

|ai|2‖(I − P )ei‖2

≥ A

4

∑i∈Sj

|ai|2.

Il suit que pour chaque scalaires {ai}i∈Sj , on a

∑i∈Sj

|ai|2 =

∥∥∥∥∥∥∑i∈Sj

aiPei

∥∥∥∥∥∥2

+

∥∥∥∥∥∥∑i∈Sj

ai(I − P )ei

∥∥∥∥∥∥2

∥∥∥∥∥∥∑i∈Sj

aiPei

∥∥∥∥∥∥2

+A

4

∑i∈Sj

|ai|2.

Et donc, pour tout f :=∑n

i=1 aiei, on a

‖PQSjf‖2 =

∥∥∥∥∥∥∑i∈Sj

aiPei

∥∥∥∥∥∥2

≤(

1− A

4

)∑i∈Sj

|ai|2.

En�n, on obtient

‖QSjPQSj‖ = ‖PQSj‖2 ≤ 1− A

4,

ce qui entraîne la conjecture 2.3.2.

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Conclusion

Pour conclure ce mémoire, nous avons vu que la résolution de la conjecture de Kadison-Singer

est un avancement important dans le domaine des mathématiques. En e�et, grâce à ces nom-

breuses équivalences dans di�érentes sphères de recherche, plusieurs résultats se révèlent vrais.

La conjecture de Weaver, la conjecture d'Akemann et Anderson, le problème de pavage, la

conjecture de Bourgain-Tzafriri et la conjecture de Feichtinger sont des exemples concrets

de ces résultats, devenus à présent des théorèmes. On pourrait donc croire que ces résultats

entraînent bien d'autres découvertes dans leur domaine respectif. Or, pour l'instant, les cher-

cheurs n'en savent rien car, à la base, plusieurs d'entre eux semblait croire que la réponse à

la conjecture de Kadison-Singer serait négative. Ils n'ont ainsi pas pris le temps d'observer

les conséquences possibles d'une réponse supposée positive. On peut donc s'attendre à ce que

les prochaines années soient remplies de nouvelles trouvailles engendrées par la résolution de

cette conjecture.

Plus directement, la di�culté à venir avec ce que l'on peut maintenant appeler le problème

de Kadison-Singer sera de trouver le moyen de l'utiliser. La preuve du corollaire 3.1.2 faisant

le lien entre la conjecture de Weaver 2.1.1 dans le cas où r = 2 et le théorème 3.1.1 n'est pas

constructive. On sait qu'il existe une partition mais on ne sait pas comment la trouver. Au

�nal, la tâche la plus di�cile sera de trouver un algorithme e�cace qui pourra par la suite être

utilisé par les ingénieurs dans les domaines concrets où il s'applique, par exemple en théorie

des graphes ou en traitement des signaux.

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