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Université de Montpellier Faculté de droit Mémoire rédigé et soutenu par Sophie PERIER sous la direction de Monsieur le Professeur Daniel MAINGUY à la faculté de droit de Montpellier MASTER II Recherche Droit du marché Année 2010- 2011 1 L'actualité de jurisprudence des contrats préparatoires

Université de Montpellier Faculté de droit · Dans la théorie classique du droit des obligations, le contrat est produit de la volonté des parties. Dès lors que les volontés

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Université de Montpellier

Faculté de droit

Mémoire rédigé et soutenu par Sophie PERIER

sous la direction de Monsieur le Professeur Daniel MAINGUY à la faculté de

droit de Montpellier

MASTER II Recherche Droit du marché

Année 2010- 2011

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L'actualité de jurisprudence des contrats préparatoires

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Université de Montpellier

Faculté de droit

Mémoire rédigé et soutenu par Sophie PERIER

sous la direction de Monsieur le Professeur Daniel MAINGUY à la faculté de

droit de Montpellier

MASTER II Recherche Droit du marché

Année 2010- 2011

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L'actualité de jurisprudence des contrats préparatoires

Page 3: Université de Montpellier Faculté de droit · Dans la théorie classique du droit des obligations, le contrat est produit de la volonté des parties. Dès lors que les volontés

I. L'essence du contrat préparatoire symbolisée par la liberté contractuelle

A. L'enjeu central tenant à la définition de contrat préparatoire

1. La distinction entre le contrat préparatoire et le contrat définitif

2. Le choix entre la liberté contractuelle et la force obligatoire du contrat

3. Les arguments économiques en faveur de la liberté contractuelle

B. Une liberté contractuelle défendue par la jurisprudence

1. Le refus persistant de l'exécution en nature en matière de promesse unilatérale

2. La libération du promettant par une simple notification ?

3. L'exécution forcée rigoureusement conditionnée en matière de pacte de préférence

II. Une liberté contractuelle acquise mais controversée

A. La contestation de l'utilité des contrats préparatoires par la doctrine

1. La confusion entre l'offre et l'avant contrat

2. L'atteinte au droit potestatif du bénéficiaire

B. Une utilité des contrats préparatoires aménagée par la jurisprudence

1. Le recours possible à une clause d'exécution forcé

2. L'avenir de la liberté du promettant entre évolution et désillusion

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SOMMAIRE

Page 4: Université de Montpellier Faculté de droit · Dans la théorie classique du droit des obligations, le contrat est produit de la volonté des parties. Dès lors que les volontés

« Terre de liberté contractuelle, tard les négociations commerciales ont été défrichées

par le droit »1. Une zone de « non droit » pour Jean Carbonnier, un régime de « liberté

surveillée » pour Denis Mazeaud2, l'avant contrat est une période dans laquelle les juristes

hésitent à pénétrer.

Situé entre l'initiative contractuelle que constitue l'entrée en pourparlers, et la

conclusion définitive du contrat, l'avant contrat est avant tout le temps de la discussion,

destiné à réglementer la négociation du futur contrat définitif, économiquement ou

juridiquement plus important.

Cette notion, aussi appelée contrat préparatoire, est une notion juridique nouvelle qui

n'existait pas au moment de la promulgation du code civil français et qui fut développée par

la doctrine.

Par le contrat préparatoire, le promettant ne s'oblige pas nécessairement au contrat

définitif, mais à préparer ce futur contrat, par une obligation de faire ou de ne pas faire, qui

prend la forme d'un engagement de vendre, de ne pas vendre, d'acheter ou de préférer.

Promesse unilatérale de contrat, pacte de préférence, promesse synallagmatique de contrat,

accords de principe, sont autant de contrats préparatoires, qui rapprochent les parties du

contrat définitif.

1 P. MOUSSERON, Conduite des pourparlers contractuels et responsabilité civile délictuelle, RTD com 1998

2 J-M MOUSSERON, L'avant contrat, Editions Francis Lefebvre, 2001

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INTRODUCTION

Page 5: Université de Montpellier Faculté de droit · Dans la théorie classique du droit des obligations, le contrat est produit de la volonté des parties. Dès lors que les volontés

Seuls deux contrats préparatoires seront étudiés en l'espèce: la promesse unilatérale

de contrat et le pacte de préférence. La promesse synallagmatique sera écartée, le contrat

préparatoire se confondant quasi systématiquement avec le contrat définitif puisque les deux

parties consentent très souvent d'ores et déjà au contrat définitif.

La difficulté majeure des contrats préparatoires réside dans leur définition. Totalement

étrangère au droit positif, la notion « d'avant contrat » est exclusivement définie par la

doctrine et la jurisprudence.

L'analyse doctrinale classique considère que celui qui engage son consentement au

contrat promis, s'engage de façon irrévocable. A la différence de la simple offre de contracter,

selon cette analyse, le promettant ne peut se rétracter, il est tenu jusqu'à la levée de l'option du

bénéficiaire.

L'analyse prétorienne quant à elle, distingue plus rigoureusement la notion de contrat

préparatoire et la notion de contrat définitif. L'exemple le plus évocateur est l'arrêt important

du 15 décembre 1993 en défaveur de toute exécution forcée du promettant. Selon la Cour de

cassation, l'obligation du promettant ne constitue qu'une obligation de faire, « la levée de

l'option postérieure à la rétractation du promettant exclue toute rencontre de volontés

réciproques de vendre et d' acquérir »3.

Cette controverse entre la position doctrinale et la position prétorienne ne cesse

d'alimenter le débat. Toute la controverse réside dans la détermination de la sanction de

3 Civ 3ème 15 déc 1993

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Page 6: Université de Montpellier Faculté de droit · Dans la théorie classique du droit des obligations, le contrat est produit de la volonté des parties. Dès lors que les volontés

l'inexécution du contrat préparatoire, laquelle est corrélative à la définition même de contrat

préparatoire. La question consiste à savoir si l'exécution forcée de l'engagement du

promettant est possible malgré sa rétractation.

Pour la doctrine majoritaire, la seule sanction adéquate serait d'ignorer la rétractation

du promettant en procédant à l'exécution en nature de la promesse ou du pacte. Les auteurs

qui rejettent toute idée de réparation par équivalent en la matière estiment que l'exécution en

nature est directement fondée sur l'article 1134 du code civil qui consacre la force obligatoire

du contrat dont elle serait le corollaire direct et nécessaire.

Pourtant contre l'avis majoritaire, la Cour de cassation consacre l'efficacité de la

rétractation d'une promesse en considérant qu'en l'absence de rencontre des volontés la

rétractation ne peut donner lieu qu'à l'allocation de dommages et intérêts.

Ainsi, il est intéressant de se demander quelles raisons incitent la Jurisprudence à faire

prévaloir la liberté contractuelle sur la force du lien d'obligation. Cet arbitrage n'est pas sans

conséquence dans la mesure où il risque de remettre en cause l'utilité pratique de ces avants

contrats. Dans ce contexte, il est impératif de s'interroger sur la définition et l'essence même

de l'avant contrat afin de comprendre la position jurisprudentielle à son égard.

Sera ainsi étudiée, à travers la jurisprudence récente, la légitimité de cette position

prétorienne en faveur de la liberté contractuelle (I) eu égard à la résistance de l'utilité pratique

du contrat préparatoire (II).

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Dans la conception classique du droit des obligations, le contrat est un acte de

liberté, où chacun est libre de conclure ou de ne pas conclure, or l'intervention du droit à la

phase de négociation, c'est à dire à la phase de l'expression de la volonté des parties demeure

timide. Toute la difficulté réside dans la nature même d'avant contrat retenue par le droit

positif (A), laquelle justifie le penchant jurisprudentiel en faveur de la liberté contractuelle

(B).

A. L'enjeu central tenant à la définition de contrat préparatoire

Tandis que la doctrine et la jurisprudence se confrontent sur le terrain de la

sanction de la rétractation de l'avant contrat, tout le coeur du débat tient à la définition même

d'avant contrat. Il convient ainsi de rappeler que l'avant contrat est distinct du contrat

définitif, ce qui justifie sa différence de régime de sanction.

1. La distinction entre le contrat préparatoire et le contrat définitif

Rappelons que les promesses de contracter, et les pactes de préférence

s'inscrivent dans le temps de l'avant contrat, de la négociation, elles sont des techniques

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Section I. L'essence du contrat préparatoire symbolisée par la

liberté contractuelle

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juridiques contractuelles qui instrumentalisent la négociation du contrat définitif.

Or, obliger le promettant qui s'engage dans le contrat préparatoire à s'engager

dans le contrat définitif revient à confondre les deux contrats.

A la frontière entre le domaine délictuel et contractuel, les avant-contrats sont

dotés d'effets obligatoires atténués, dont l'analyse permet de mesurer le contenu réduit de la

force obligatoire du contrat par rapport au contrat définitif. Le refus jurisprudentiel de

l'exécution en nature repose ainsi sur la considération de l'objet des avant-contrats et des

obligations qu'ils créent.

Réfléchissant à la notion de contrat, le célèbre auteur Ghestin observe que « Les

contrats préparatoires posent avec une acuité particulière la question du domaine du

contrat. A partir de quel moment y a-t-il contrat dans la période préalable à la conclusion

du contrat définitif ? ». Il répond à cette question en indiquant que « la qualification de

contrat doit être encore écartée lorsque l'accord des volontés n'a pas donné naissance à des

effets pourvus d'une force juridique obligatoire »4.

Un double critère permet donc de reconnaître, parmi diverses conventions, celles

pouvant être qualifiées de contrats, d'une part l'existence d'un accord de volontés et, d'autre

part, la présence d'effets pourvus d'une force juridique obligatoire.

Les juridictions françaises admettent facilement l'existence d'engagements pré-

contractuels de nature contractuelle. Mais reconnaître aux accords pré-contractuels la nature

4 GHESTIN J, Notion de contrat, Revue française de théorie juridique, n° 12, 1990.

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d'un contrat suppose encore que l'on vérifie la teneur de leurs effets, sont-ils bien pourvus

d'une force juridique obligatoire caractéristique du contrat ? Seule l'analyse du contenu de

l'effet obligatoire dont traite l'article 1134, alinéa 1 du code civil, permettra de répondre à la

question posée.

L'observation des normes effectivement pratiquées à titre de sanction révélera la

portée en quelque sorte « minimale » de la force obligatoire.

L'étude des sanctions des avant-contrats confirme qu'ils sont bien créateurs

d'obligations de nature contractuelle, conférant au créancier le droit à l'exécution par

équivalent de l'obligation consentie par le débiteur5. Le rôle fondamental de la volonté dans la

création d'obligations est ainsi confirmé.

Toutefois, si la pleine force obligatoire du contrat consiste dans la faculté d'obtenir

l'exécution en nature, alors les avant-contrats ne sont dotés que d'un effet obligatoire atténué,

puisqu'aucun d'eux n'est assorti de pareille sanction. L'exemple le plus évocateur est l'arrêt

important du 15 décembre 1993 en défaveur de toute exécution forcée du promettant. Ainsi, à

la différence des jurisprudences britannique et américaine, le droit français admet la nature

contractuelle des avant-contrats, mais leur refuse l'exécution en nature.

Or, si le droit français n'accordait la nature contractuelle au contrat

préparatoire, la sanction de dommage et intérêts n'entrainerait, sans aucun doute, aucun

commentaire. Or cette spécificité française d'admettre la nature contractuelle sans consacrer

5 MAZEAUD D, Exécution des contrats préparatoires , Revue des contrats, LGDJ 2005 P. 61

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Page 10: Université de Montpellier Faculté de droit · Dans la théorie classique du droit des obligations, le contrat est produit de la volonté des parties. Dès lors que les volontés

la force obligatoire du contrat, dérange, particulièrement la doctrine. D'un point de vue

pédagogique, cette spécificité met, très certainement, en difficulté les auteurs. Du point de

vue de la philosophie du droit, cette spécificité trouble les positivistes, mais flatte les

réalistes. Selon ces derniers, force est de constater que l'essence même du contrat

préparatoire justifie le régime particulier en faveur la liberté contractuelle.

2. Le choix entre liberté contractuelle et force obligatoire du contrat

Dans la théorie classique du droit des obligations, le contrat est produit de la

volonté des parties. Dès lors que les volontés se sont rencontrées, l'irrévocabilité de cet

accord est acquise. Tandis que le schéma simple de l'accord de volontés se matérialise à

travers la rencontre d'une offre et d'une acceptation, le schéma complexe quant à lui se

présente à travers une négociation contractuelle et une formation progressive du contrat.

Le déroulement de la négociation est placé sous le signe de la liberté

contractuelle et n'est enserré dans aucune forme impérative. Il consiste, généralement, dans

un échange de propositions et contre-propositions à propos des éléments du contrat projeté.

Au cours de cet échange précontractuel, chacun des partenaires éprouve un

conflit entre le besoin de sauvegarder sa liberté de ne pas contracter et celui d'assurer sa

sécurité quant aux fragments du contrat déjà négociés. Or, l'exercice de la liberté, qui se

traduit par la rupture des pourparlers, peut causer un dommage à l'autre partie, en la privant

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des avantages attendus du contrat. Les règles de droit interviennent ainsi dans les relations

précontractuelles afin d'harmoniser ces préoccupations contradictoires.

Une renonciation volontaire à la liberté de contracter est considérée comme

valable, mais ne produit qu'un effet juridique atténué, car son exécution forcée conduirait à

exercer sur le débiteur une violence qui parait inacceptable. En effet, l'inexécution de

certains avant-contrats provoque en effet inévitablement la défaillance de l'objectif

économique poursuivi, rendant sans intérêt une demande d'exécution en nature. Même si l'on

voit dans le contrat, un acte productif de normes bilatérales, c'est-à-dire liant deux centres

d'intérêt on doit aussi tenir compte des normes extérieures. Dans la solution du conflit généré

par l'inexécution, la liberté individuelle du débiteur de ne pas contracter, est affirmée comme

norme supérieure aux intérêts du créancier. C'est en tout cas ce qu'assure la Cour de

cassation6.

Cette analyse confirme, ainsi, que le contrat ne peut être défini exclusivement

par sa procédure de formation, mais doit l'être également en considérant l'obligation qu'il

engendre. Ainsi, le choix jurisprudentiel de la liberté, sans laquelle l'avant-contrat serait déjà

le contrat, semble parfaitement justifié.

6 Civ 1ère 15 décembre 1993

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3. Des arguments économiques en faveur de la liberté contractuelle

Faisant application du principe selon lequel les obligations de faire se résolvent en

dommages et intérêts en application de l'article 1142 du Code civil, la Cour de cassation ne

suscite pas l'assentiment de tous.

Cette sanction de dommages et intérêts est perçue par la doctrine comme un aveu

d'inefficacité des avants contrats.

Toutefois, pour certains auteurs 7, l'allocation de dommages et intérêts satisfait en

général le créancier. Des techniques contractuelles telles que la clause pénale, la clause de

dédit aménagent déjà l'inexécution du contrat.

Les tenants de la théorie économique du droit considèrent que l'échange volontaire

permet de maximiser les richesses. En privilégiant la liberté contractuelle du promettant, on

lui permet, évidemment, de tirer un meilleur parti économique de sa situation, la déception du

créancier pouvant être justement compensée par une somme d'argent.

7 D. Mainguy, l'efficacité de la rétractation de la promesse de contracter, RTD civ 2004 : théorie de « l'inexécution efficace »

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B. Une liberté contractuelle défendue par la jurisprudence

Particulièrement marquée en matière de promesse unilatérale, progressivement

apparente en matière de pacte de préférence, la liberté contractuelle défendue par la

jurisprudence semble belle et bien acquise.

1. Le refus persistant de l'exécution en nature en matière de promesse unilatérale

de vente

La promesse unilatérale de contrat peut se définir comme l'accord par lequel

l'une des parties, le promettant, promet à l'autre, le bénéficiaire, de conclure, si celui ci lève

l'option avant l'expiration du délai déterminée, un contrat dont les éléments sont d'ores et

déjà définis dans ledit accord.

Cet avant-contrat présente une utilité lorsque l'une des parties au contrat futur est

déjà décidée à le conclure, alors que l'autre ne l'est pas : grâce au délai qui lui est accordé, le

bénéficiaire a le temps d'examiner la possibilité et l'opportunité de l'opération avant de

prendre une décision. Le bénéficiaire conclut donc la promesse dans un double but, pouvoir

retarder sa décision de conclure le contrat définitif, mais aussi être sûr de pouvoir conclure

ce contrat s'il décide de lever l'option .

Alors que pendant des années, la question de la sanction de la rétractation du

promettant dans une promesse unilatérale de vente ne posait aucune difficulté, le 15

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décembre 1993, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a déclenché une véritable

tempête doctrinale en affirmant que le bénéficiaire d'une promesse unilatérale qui lève son

option pendant le délai contractuellement prévu, mais postérieurement à la rétractation du

promettant, ne peut obtenir l'exécution forcée de vente promise et doit se contenter de

dommages et intérêts.

Cette position jurisprudentielle déclencha de vives critiques de la part de la

doctrine, laquelle voit en cette sanction de dommages et intérêts une atteinte à la force

obligatoire du contrat. Selon la doctrine majoritaire, lorsque le promettant exprime son

consentement à la promesse, il donne d'ores et déjà sa volonté irrévocable de contracter, il ne

peut donc échapper au célèbre article 1134 du code civil.

La motivation de l'arrêt du 15 décembre 1993 mérite d'être rappelée « Mais

attendu que la cour d'appel, ayant exactement retenu que tant que les bénéficiaires n'avaient

pas déclaré acquérir, l'obligation de la promettante ne constituait qu'une obligation de faire

et que la levée d'option, postérieure à la rétractation de la promettante, excluait toute

rencontre de volontés réciproques de vendre et d'acquérir, le moyen n'est pas fondé ».

La Cour se contente d'observer qu'en retirant son offre de contrat définitif, le

promettant a manifesté sa volonté de ne plus le conclure avec le bénéficiaire. C'est donc la

référence implicite à la liberté contractuelle, souci que la Haute juridiction manifeste en

permanence à propos de la conclusion de contrats, qui motive cette solution. On pourrait

objecter qu'en passant la promesse unilatérale, le promettant a renoncé à sa liberté de ne pas

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conclure le contrat définitif avec le bénéficiaire. Mais il resterait alors l'argument tiré de

l'article 1142 du code civil. La Cour de cassation ne fonde pas expressément sa solution sur

ce texte, comme elle le fait à propos des pactes de préférence. Toutefois, qu'il s'agisse de l'un

ou l'autre de ces avant-contrats, l'obligation méconnue est bien une obligation de faire :

adresser une offre au créancier de la préférence, ou maintenir l'offre au profit du bénéficiaire

de la promesse unilatérale.

Quoi qu'il en soit, le refus de condamner le promettant à conclure le contrat

définitif avec le bénéficiaire a été critiqué en opportunité, en ce qu'il prive le bénéficiaire de

l'avantage en nature qu'il attendait de la promesse unilatérale. Mais la même critique pourrait

être formulée dans tous les cas d'application de l'article 1142, qui prive le créancier de

l'avantage que présente l'exécution en nature.

Malgré ces critiques, la Cour de cassation n'a cessé de confirmer cette

jurisprudence 8.

Un récent arrêt 9 a une nouvelle fois confirmé cette position tout en

l'aménageant à travers la possibilité de prévoir une clause d'exécution forcée en nature.

Toujours dans le sens de la liberté contractuelle, cette innovation jurisprudentielle consacre

une nouvelle fois la volonté des parties. Au lieu de rigidifier sa position selon laquelle

l'exécution en nature est impossible en cas de rétractation d'une promesse de vente, elle

permet au contraire d'aménager le régime de sanction à travers l'expression même de la

8 Civ 3ème 28 oct 2003

9 Civ 3ème 27 mars 2008

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volonté des parties. Si ceux ci veulent bénéficier de la sanction d'exécution en nature, il leur

suffit désormais d'insérer une clause au contrat.

2. La libération du promettant par une simple notification ?

Dans un arrêt récent10, sans revenir sur sa jurisprudence issue de l'arrêt du 15

décembre 1993, la Cour de cassation vient la prolonger de manière inédite en supprimant

l'une des rares règles favorisant jusqu'ici l'exécution volontaire en nature de la promesse

unilatérale de contrat conclue à durée indéterminée .

En l'espèce, des époux consentent à la SAFER une promesse unilatérale de

vente, étant observé qu'aucun délai n'était stipulé pour lever l'option. Avant que la SAFER

lève l'option, les époux font retrait de leur promesse. La SAFER les assigne en réalisation

forcée de la vente. La cour d'appel fait droit à cette demande.

En effet, les deux seuls moyens, dont le promettant dispose pour se libérer de

son engagement lorsqu'aucune durée n'est convenue sont de mettre en demeure le

bénéficiaire d'accepter ou de refuser, soit d'établir que ce dernier a renoncé à l'option de

manière non équivoque. Ces deux moyens communément admis par la jurisprudence

répondent à la théorie classique de la force obligatoire du contrat selon laquelle un contrat

consenti par deux parties ne peut que disparaître par un nouvel échange des consentements. Il

10 Civ 3ème 25 mars 2009

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s'agit là du mutuus dissensus.

Or l'arrêt est cassé. « Ne donne pas de base légale à sa décision, la Cour

d'appel qui ordonne la réalisation forcée de la vente sans rechercher si le retrait par le

promettant de sa promesse unilatérale de vente n'avait pas été notifié au bénéficiaire avant

que celui ci ne déclare l'accepter ».

Cette solution surprend, il semble que la Cour de cassation vient de supprimer

les conditions de recours à l'exécution volontaire en nature de la promesse unilatérale de

contrat conclue à durée indéterminée. Elle ne parle plus de « mise en demeure », elle parle de

notification.

Autrement dit, une simple notification de retrait avant la levée d'option

permettrait au promettant de se délier du contrat. Tandis que la Cour d'appel rendait une

solution conforme à la jurisprudence traditionnelle selon laquelle le promettant pouvait se

rétracter avant la levée d'option en mettant en demeure le bénéficiaire d'accepter, la Cour de

cassation laisse entendre qu'une simple notification adressée au bénéficiaire permettrait au

promettant de se délier.

L'avenir nous dira si cette décision n'est qu'une simple position

jurisprudentielle ou si, au contraire, elle est un véritable bouleversement jurisprudentiel

libéralisant à son maximum la rétractation du promettant.

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3. L'exécution forcée rigoureusement conditionnée en matière de pacte de

préférence

Le pacte de préférence peut être défini quant à lui comme comme le contrat

relatif à un bien déterminé qui confère à l'une des parties un droit de préférence, c'est à dire le

droit, en cas de mise en vente du bien de se porter acquéreur de celui ci à prix égal et

conditions identiques11.

En admettant la possibilité pour le bénéficiaire d'un pacte de préférence

d'obtenir sa substitution aux droits du tiers contractant fraudeur, l'arrêt de la chambre mixte

du 26 mai 2006 a suivi les voeux appuyés de la doctrine majoritaire.

Pour reprendre l'attendu de la Chambre mixte, « le bénéficiaire d'un pacte de

préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en

méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur à la condition que ce

tiers ait eu connaissance lorsqu'il a contracté de l'existence du pacte de préférence et de

l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir ».

Bien qu’approuvée par la doctrine et la pratique, la sanction, au-delà de la

nullité, de la substitution suscite néanmoins certaines remarques.

11 M. Dagot, Le pacte de préférence, Litec

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Si la solution de la Haute juridiction mérite d’être approuvée, en ce qu’elle

confère une plus grande efficacité au pacte de préférence en restaurant la force obligatoire de

cette convention, ses modalités techniques ne sont pas sans pouvoir être critiquées. Il faut en

effet se rendre compte que la solution adoptée par la jurisprudence n’est pas d’une parfaite

orthodoxie au regard du droit des nullités. Il convient en effet de se demander comment le

bénéficiaire du pacte peut il se substituer au tiers, si le contrat de vente conclu au profit du

tiers est annulé.

On peut également se demander si cette jurisprudence remet en cause les arrêts

qui se fondent sur l’existence d’une obligation de faire pour refuser toute exécution forcée en

nature. En effet, si l'on compare le régime applicable aux pactes de préférence et celui des

promesses unilatérales de contrat, qu'est ce qui justifierait qu'en cas de rétraction d'une

promesse la sanction soit des dommages et intérêts et qu'en cas de pacte de préférence, la

sanction soit une exécution en nature .

Si, dans une promesse unilatérale de vente, le promettant se rétracte pour

vendre à un tiers de mauvaise foi, la substitution du bénéficiaire aux droits du tiers devrait

s’imposer car qui peut le plus peut le moins. En d’autres termes, la promesse unilatérale de

vente étant un degré au-dessus du pacte de préférence quant à l’intensité des engagements, ce

qui vaut pour le pacte de préférence devrait valoir pour la promesse unilatérale de vente.

On a cru ici à un véritable tournant jurisprudentiel en faveur de la force

obligatoire du pacte de préférence. Toutefois une seule application de cette jurisprudence 12

12 Civ 3ème 14 Février 2007

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est apparue jusqu'à nos jours.

En effet les conditions rigoureuses posées par la jurisprudence de 2006 ont

considérablement restreint les chances d'application de l'exécution forcée du pacte de

préférence. Certains auteurs y voient « une preuve diabolique », quasiment impossible à

rapporter13.

Un arrêt récent 14, tout en rejetant une nouvelle fois la demande de

substitution, a prolongé de manière inédite le rejet de l'exécution en nature. A l'inverse des

solutions antérieures où le tiers acquéreur n'était pas considéré de mauvaise foi, en l'espèce la

mauvaise foi était caractérisée. Toutefois, la Cour de cassation a décidé que la mauvaise foi

du tiers acquéreur s'appréciait au moment de la promesse synallagmatique, et non pas au

moment de la réitération par acte authentique. Bien que paradoxalement, cette solution

mérite une approbation sans réserve, elle conduit à une situation étrange selon laquelle le

bénéficiaire du pacte ne peut demander la substitution en dépit de la mauvaise du tiers

acquéreur, car celle ci fut décelée postérieurement à la conclusion de la promesse.

Autant dire que la portée de la décision du 26 mai 2006 de la Chambre Mixte

est fortement atténuée. La rigueur des conditions requises pour envisager l'exécution forcée

du pacte de préférence est telle qu'elle réduit, incontestablement, l'exécution forcée à une

peau de chagrin.

13 LAITHIER Y-M, Le pacte de préférence , Revue des contrats, LGDJ, 2009 page 99114 Civ 3ème 25 mars 2009

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Bien que fermement établie par la jurisprudence, la liberté contractuelle du

promettant ne fait pas l'unanimité. Bien au contraire, la doctrine majoritaire dénonce cette

liberté comme étant contraire à l'efficacité des avants contrats (A), ce qui n'est pas sans

influence sur la position de la Cour de cassation laquelle s'efforce d'aménager cette utilité

(B).

A. La contestation de l'utilité des contrats préparatoires par la doctrine

Selon la doctrine, la jurisprudence de la Cour de cassation tend à la fois à

confondre l'offre et l'avant contrat et à dénier le droit potestatif du bénéficiaire.

1. La confusion de l'offre et de l'avant contrat

Il est vrai que la position jurisprudentielle en matière de promesse unilatérale

brouille la frontière entre l'offre et la promesse unilatérale de contrat, en permettant dans les

deux cas le retrait de la volonté de contracter. En droit français, le retrait de l'offre non

acceptée empêche la conclusion du contrat, que l'offre se présente comme un acte unilatéral,

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Section II. Une liberté contractuelle acquise mais controversée

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ou qu'elle soit l'objet d'une obligation contractuelle. Le droit français diffère sur ce point du

droit allemand, où l'offre acceptée ou l'option levée dans le délai forme toujours le contrat,

permettant ensuite d'obtenir l'exécution forcée de celui-ci. En somme, seule la conclusion du

contrat définitif entraînerait une renonciation définitive à la liberté contractuelle.

L'obligation de négocier ou de conclure un contrat futur est toutefois valable,

mais pourvue d'une force obligatoire atténuée, ne pouvant donner lieu à l'exécution en nature,

mais seulement à des dommages et intérêts . Ainsi s'affirme la place dominante du principe

de la liberté contractuelle dans la hiérarchie des normes. Pourvu d'une valeur

constitutionnelle en ce qu' elle constitue au sens de l'article 34 de la Constitution, un principe

fondamental du régime des obligations civiles et un principe général du droit, la liberté

contractuelle doit primer.

2. Une atteinte au droit potestatif du bénéficiaire

En cas de promesse unilatérale de vente, la vente se forme au moment de la

levée d'option par le bénéficiaire de la promesse qui s'analyse en la manifestation de volonté

du titulaire du droit potestatif15. En théorie, à compter de cet instant, le promettant ne peut

plus rétracter son offre, le bénéficiaire quant à lui ne peut plus renoncer à l'achat. C'est la

conception classique de la promesse unilatérale de vente. Selon le Professeur Mainguy, cette

conception n'est autre qu'une « autosuggestion doctrinale »16. Elle consisterait à considérer la

15 POMART NOMDEDE Cathy, Le régime juridique des droits potestatifs en matière contractuelle entre unité et diversité, RTD Civ 2010 p 209 16 MAINGUY D, L'efficacité de la rétractation de la promesse de contracter, RTD civ 2004

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promesse unilatérale de contrat comme un droit potestatif assujetti à la seule volonté du

bénéficiaire. Le promettant serait lié dès la signature de l'avant contrat, tandis que le

bénéficiaire resterait libre jusqu'à la conclusion définitive.

Toutefois, ce n'est pas la conception retenue par la Cour de cassation, celle ci

permet au promettant de revenir sur son consentement en considérant que la levée d'option

par le bénéficiaire postérieurement à la rétractation du promettant « exclue toute rencontre

des volontés ».

Une telle position, selon la doctrine, ne semble pas compatible avec la nature

potestative du droit. Le promettant devrait en toute logique subir la décision du bénéficiaire.

Cette solution jurisprudentielle crée, selon une grande majorité des auteurs, un nouveau droit

potestatif au bénéfice du promettant, le droit de rétractation de la promesse au stade

précontractuel, lequel malmène le droit potestatif originel découlant de la promesse

unilatérale.

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B. Une utilité des contrats préparatoires aménagée par la jurisprudence

Deux décisions récentes illustrent la volonté de la Cour de cassation de faire

évoluer sa jurisprudence.

1. Le recours possible à une clause d'exécution forcée

Un espoir important en faveur de la position doctrinale a toutefois été suscité

par une décision récente rendue par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le

27 mars 2008.

Même si la Cour de cassation confirmait le rejet d'une demande d'exécution

forcée émanant du bénéficiaire, celle-ci n'en avait pas moins relevé que «les parties à une

promesse unilatérale de vente étaient libres de convenir que le défaut d'exécution par le

promettant de son engagement de vendre pouvait se résoudre en nature par la constatation

judiciaire de la vente».

La Cour de cassation par cette solution admet ainsi par le jeu de clauses

contractuelles la possibilité de déroger aux effets de l'article 1142 et, par voie de

conséquence, de solliciter l'exécution forcée17.

17 PILLET Gilles, L'efficacité des clauses prévoyant l'exécution forcée en nature des promesses unilatérales de vente, La Semaine Juridique Edition Générale n° 37, 10 Septembre 2008

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Toutefois, cette solution n'ayant fait l'objet de publication, on s'est interrogé

sur la portée de cet apport jurisprudentiel18.

Il n'en demeure pas moins que les espoirs ont pu reprendre au travers de la

récente décision rendue par la cour d'appel de Paris le 3 décembre 2008 par laquelle, de

manière tout à fait explicite, la cour d'appel de Paris avait relevé que: « si en application de

l'article 1142 du code civil, la rétractation du promettant avant la levée de l'option par le

bénéficiaire d'une promesse unilatérale de vente ne peut en principe ouvrir droit au

bénéficiaire qu'à des dommages-intérêts, les parties à une promesse unilatérale de vente sont

libres de convenir que le défaut d'exécution par le promettant de son engagement de vendre

pourrait se résoudre en nature par la constatation judiciaire de la vente et que le bénéficiaire

pourrait prétendre à l'exécution forcée de la vente».

La cour d'appel reprenait donc à son compte la position adoptée par la Cour de

cassation dans son arrêt précité du 27 mars 2008.

Ainsi, cette nouvelle touche jurisprudentielle tend à concilier les voeux de la

doctrine et ceux défendus fermement par les juges. Dans une optique très libérale, sans

remettre en question la sanction des dommages et intérêts, elle permet de déroger à cette

sanction en ayant recours à un instrument contractuel qui est la clause d'exécution forcée. Est

donc ainsi consacrée l'efficacité optionnelle de la promesse unilatérale de vente. Les parties

sont désormais libre ou non d'écarter l'article 1142 du code civil pour imposer l'exécution

forcée en nature de l'avant contrat.

18 LAITHIER Y-M, La promesse unilatérale de vente, Revue des contrats, LGDJ 2009 P 994

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2. L'avenir de la liberté du promettant entre évolution et désillusion

La Troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un très récent arrêt

du 8 septembre 2010 vient toutefois semer le doute sur l'efficacité de la rétractation de la

promesse unilatérale de vente19.

En l'espèce, les époux X consentent en mai 2005 une promesse unilatérale de

vente à la société Francelot. M. X décède le 31 juillet 2006, en laissant un héritier mineur.

Or, le bénéficiaire de la promesse lève l'option le 18 décembre 2007. Les consorts X refusent

de régulariser la vente tandis que le bénéficiaire les assigne pour régulariser judiciairement la

vente.

La Cour d'appel déboute le bénéficiaire, ce qui entraine une censure de la part

de la Cour de cassation en ces termes :

« Qu’en statuant ainsi, alors que le promettant avait définitivement consenti à vendre et que

l’option pouvait être valablement levée, après son décès, contre ses héritiers tenus de la dette

contractée par leur auteur, sans qu’il y eût lieu d’obtenir l’autorisation du juge des tutelles,

la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

La formule « le promettant avait définitivement consenti à vendre » laisse

particulièrement interrogatif. A l'heure où la doctrine majoritaire attend un retournement

jurisprudentiel en faveur de la force obligatoire de la promesse unilatérale de contrat, on peut

19 Cass. civ.3ème, 8 sept. 2010 n°09-13345

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s'interroger sur la portée de cette décision.

Soit l'on considère que le promettant est engagé irrévocablement dès la

signature de la promesse, ce qui entrainerait une confusion entre le contrat préparatoire et le

contrat définitif suscitant un revirement de jurisprudence, soit l'on n'accorde aucune

solennité à cette formule en considérant qu'elle s'applique spécifiquement aux circonstances

de l'espèce, ce qui n'entrainerait aucun changement jurisprudentiel.

La doctrine majoritaire optera très certainement pour la première interprétation

tandis que la doctrine minoritaire pour la deuxième.

Néanmoins, dans la mesure où la décision émane de la Troisième chambre

civile, il serait paradoxal que celle ci renverse sa position jurisprudentielle constante depuis

vingt ans sans arguments de poids. La haute juridiction en cas de véritablement revirement de

jurisprudence n'aurait pas manqué l'occasion de viser l'article 1134 du code civil.

Quoi qu'il en soit les termes employés par la Cour de cassation entraineront

très certainement le doute de la part de la doctrine.

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On l'aura donc compris, la rétractation d'une promesse unilatérale ou la

violation d'un pacte de préférence, ne peuvent donner lieu à une exécution forcée en nature.

La seule sanction à laquelle le bénéficiaire de la promesse ou du pacte peut prétendre, n'est

autre que l'allocation de dommages-intérêts.

Cependant, de nombreux auteurs20, encore aujourd'hui, dénoncent fermement

cette jurisprudence insistante, et se demandent quel est l'intérêt des contrats préparatoires

dont l'efficacité peut être réduite à néant par le promettant.

Toutefois, au risque de déranger les positivistes, ou de ne pas répondre aux

attentes académiques, la jurisprudence s'efforce de consacrer la liberté contractuelle, liberté

sans laquelle l'avant contrat serait déjà le contrat. La Cour de cassation fait preuve d'une

modernisation du droit remarquable. Par sa jurisprudence, elle permet aux parties d'aménager

conventionnellement l'efficacité des contrats préparatoires.

Tandis que la doctrine défend la théorie de l'utile et du juste, la jurisprudence

quant à elle consacre la théorie de l'autonomie de la volonté.

Force est de constater que les contrats préparatoires n’ont sans doute pas fini

de faire parler d’eux, le débat n'en n'est qu'à ses premiers balbutiements.

20 MAZEAUD D, Exécution des contrats préparatoires , Revue des contrats, LGDJ 2005 P. 61

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CONCLUSION

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I. Ouvrages et thèses :

• DAGOT M, Le pacte de préférence, LITEC, 1988

• DESYAYES 0, L' avant-contrat, Actualité du processus de formation des contrats , Puf, 2008

• GENINET M, Théorie générale des avant-contrats en droit privé, Paris II, 1985.

• GHESTIN J, Traité de droit civil, LGDJ

• LARRIBAU TERNEYRE Virginie, Droit civil Les obligations, 12ème édition, 2010

• MOUSSERON J-M, Technique contractuelle, Editions Francis Lefebvre. 2ème édition

• MOUSSERON J-M, L'avant contrat, Editions Francis Lefebvre, 2001

II. Articles doctrinaux

• AYNES L, Répertoire du notariat Defrénois, 15 novembre 2010 n° 19, P. 2123

• LAITHIER Y-M, Le pacte de préférence , Revue des contrats, LGDJ, 2009 page 991

• LAITHIER Y-M, La promesse unilatérale de vente, Revue des contrats, LGDJ 2009 P 994

• LIBCHABER, Répertoire du notariat Defrénois, 30 juin 2009 n° 12, P. 1270

• MAINGUY D, L'efficacité de la rétractation de la promesse de contracter , RTD civ. 2004.

• MAZEAUD D, Exécution des contrats préparatoires , Revue des contrats, LGDJ 2005 P. 61

• MESSAI-BAHRI Soraya, La sanction de l'inexécution des avant-contrats au lendemain de l'avant-projet de réforme du droit des obligations, Petites affiches

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BIBLIOGRAPHIE

Page 30: Université de Montpellier Faculté de droit · Dans la théorie classique du droit des obligations, le contrat est produit de la volonté des parties. Dès lors que les volontés

• FABRE MAGNAN Muriel, Le mythe de l'obligation de donner, RTD civ. 1995, 85.

III. Sites Web

• www. légifrance- gouv.fr• www.courdecassation.fr• www.dalloz.fr• www.lextenso.fr

IV.Codes

Code civil 2011

V. Jurisprudence

• Civ 1ère 17 décembre 1958 • Civ 3ème 20 mai 2009• Civ 3ème 25 mars 2009• Civ 3ème 15 déc 1993 • Civ 3ème 28 oct 2003• Civ 3ème 27 mars 2008 • Civ 3ème 25 mars 2009 • Mixte 26 mai 2006 • Civ 3ème 14 Février 2007 • Civ 3ème 25 mars 2009 • Civ 3ème 23 septembre 2009

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