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127 e année N° 3 mars 2005 LFUS: CONCEPTS GÉNÉRAUX ET QUESTIONS CONTROVERSÉES * par Henry PETER professeur à l’Université de Genève, avocat à Lugano I. INTRODUCTION La loi fédérale sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine (Loi sur la fusion, LFus) est entrée en vigueur il y a quelques mois, le 1 er juillet 2004. On nous a demandé d’y revenir. Fixer le champ et le niveau de cette contribution de quelques pages est une gageure: trop générale, elle serait fade, le sujet étant d’ailleurs amplement galvaudé 1 ; trop spécifique, elle serait lacunaire et certainement indigeste. Nous avons donc choisi un compromis qui tient de la quadrature du cercle: satisfaire aux deux exigences. Nous allons le tenter en présentant, en premier lieu, une partie générale, dans laquelle les concepts de base 2 seront rappelés, quelque peu redistillés. Nous aborderons ensuite des questions spécifiques 3 qui, bien qu’étant parfois fondamentales, sont d’ores et déjà controversées. * Texte remanié d’une conférence de l’auteur prononcée sur invitation de la Société Genevoise de Droit et de Législation, le 27 septembre 2004. Nos remerciements vont à maître Francesca CAVADINI-BIRCHLER pour son aide dans le cadre de la préparation de ce texte. 1 La doctrine, bien que récente, est en effet considérable. On renverra à cet égard simplement aux principaux commentaires: BEHNISCH / HEINZ / VOGEL, Fusionsgesetz, Zurich 2005, à paraître; PETER / TRIGO TRINDADE (édit.), Commentaire LFus, Zurich 2005, à paraître au printemps 2005; WATTER / VOGT / TSCHÄNI / DAENIKER (édit.), Basler Kommentar, Fusionsgesetz, Bâle/Genève/Munich 2004; VON DER CRONE / GERSBACH / KESSLER / DIETRICH / BERLINGER, Das Fusionsgesetz, Zurich/Bâle/ Genève 2004; ALTENBURGER / CALDERAN / LEDERER, Schweizerisches Umstrukturie- rungsrecht, Ein Handbuch zum Fusionsgesetz, zur Handelsregisterverordnung und zum Steuerrecht, Zurich/Bâle/Genève 2004; GAUCH / SCHMID (édit.), Zürcher Kom- mentar zum Fusionsgesetz, Zurich/Bâle/ Genève 2004; BAKER & MCKENZIE (édit.), Stämpflis Handkommentar, Fusionsgesetz, Berne 2003; GNOS / VISCHER, Swiss Merger Act, Zurich/Bâle/Genève 2004. 2 Cf. infra II. 3 Cf. infra III.

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127e année N° 3 mars 2005

LFUS: CONCEPTS GÉNÉRAUX ET QUESTIONS CONTROVERSÉES*

par

Henry PETER

professeur à l’Université de Genève, avocat à Lugano

I. INTRODUCTION

La loi fédérale sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine (Loi sur la fusion, LFus) est entrée en vigueur il y a quelques mois, le 1er juillet 2004. On nous a demandé d’y revenir. Fixer le champ et le niveau de cette contribution de quelques pages est une gageure: trop générale, elle serait fade, le sujet étant d’ailleurs amplement galvaudé1; trop spécifique, elle serait lacunaire et certainement indigeste. Nous avons donc choisi un compromis qui tient de la quadrature du cercle: satisfaire aux deux exigences. Nous allons le tenter en présentant, en premier lieu, une partie générale, dans laquelle les concepts de base2 seront rappelés, quelque peu redistillés. Nous aborderons ensuite des questions spécifiques3 qui, bien qu’étant parfois fondamentales, sont d’ores et déjà controversées. * Texte remanié d’une conférence de l’auteur prononcée sur invitation de la Société

Genevoise de Droit et de Législation, le 27 septembre 2004. Nos remerciements vont à maître Francesca CAVADINI-BIRCHLER pour son aide dans le cadre de la préparation de ce texte.

1 La doctrine, bien que récente, est en effet considérable. On renverra à cet égard simplement aux principaux commentaires: BEHNISCH / HEINZ / VOGEL, Fusionsgesetz, Zurich 2005, à paraître; PETER / TRIGO TRINDADE (édit.), Commentaire LFus, Zurich 2005, à paraître au printemps 2005; WATTER / VOGT / TSCHÄNI / DAENIKER (édit.), Basler Kommentar, Fusionsgesetz, Bâle/Genève/Munich 2004; VON DER CRONE / GERSBACH / KESSLER / DIETRICH / BERLINGER, Das Fusionsgesetz, Zurich/Bâle/ Genève 2004; ALTENBURGER / CALDERAN / LEDERER, Schweizerisches Umstrukturie-rungsrecht, Ein Handbuch zum Fusionsgesetz, zur Handelsregisterverordnung und zum Steuerrecht, Zurich/Bâle/Genève 2004; GAUCH / SCHMID (édit.), Zürcher Kom-mentar zum Fusionsgesetz, Zurich/Bâle/ Genève 2004; BAKER & MCKENZIE (édit.), Stämpflis Handkommentar, Fusionsgesetz, Berne 2003; GNOS / VISCHER, Swiss Merger Act, Zurich/Bâle/Genève 2004.

2 Cf. infra II. 3 Cf. infra III.

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II. DES CONCEPTS DE BASE DE LA LOI

Nous avons choisi de traiter les concepts de base de la LFus en les regroupant en deux chapitres. Dans le premier, nous affirmerons que la question de la structure juridique des entreprises et de leur restruc-turation est une matière unique au service d’une seule et même fina-lité4; dans le second, nous nous attarderons sur les intérêts poursuivis et protégés par la LFus5.

A. Une matière unique au service d’une finalité

La finalité de la LFus est (i) de favoriser les restructurations d’entre-prises (ii) dans un cadre juridique clair et adéquatement balisé (iii) en veillant à ce qu’il ne soit pas porté de préjudices injustifiés aux intérêts des différentes parties prenantes.

Ce but polyvalent conditionne le champ d’application de la loi, sa structure, son contenu, la portée de la réforme ainsi que la conception même de la matière. La perception de cette dernière a en effet consi-dérablement évolué en moins d’une décennie. On peut désormais considérer qu’elle repose sur trois postulats fondamentaux: – les formes sociales ne sont que des instruments au service de

l’entreprise6; – les différentes formes de restructurations ne sont que des

instruments au service de l’adaptation de la structure juridique de l’entreprise7;

– il est nécessaire de réglementer la matière dans une perspective transdisciplinaire et coordonnée8.

1. Les formes sociales: des instruments au service de l’entreprise

Contrairement à l’approche pratiquée systématiquement par l’ordre juridique suisse depuis 1936 (s’intéresser avant tout à la forme sociale et accessoirement seulement à son contenu, l’entreprise), la LFus se préoccupe prioritairement de l’entreprise, considérant que la forme juridique doit être et rester au service de celle-ci9. L’entreprise est la 4 Cf. infra II.A. 5 Cf. infra II.B. 6 Cf. infra II.A.1. 7 Cf. infra II.A.2. 8 Cf. infra II.A.3. 9 PETER (2002), p. 335.

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fin, la forme sociale le moyen. Cela correspond incidemment à la conception toujours plus généralisée du droit suisse, notamment en droit fiscal10, en matière comptable11, de révision12 et de respon-sabilité pénale de l’entreprise13. Cette forme ne doit jamais être un obstacle au développement de l’activité économique sous-jacente et doit donc pouvoir être changée — adaptée — très librement14. Corol-lairement, l’un des postulats fondamentaux de la LFus est son application à toute entreprise, quel qu’en soit le Rechtskleid15. Le fait que la personne ou l’entité visée bénéficie ou non de la personnalité juridique ne joue, à cet égard, pas de rôle.

Pour appréhender adéquatement les destinataires de la nouvelle loi, de la nouvelle approche, le législateur a dû recourir à un néologisme — en tout cas de sens —, la notion de «sujet» (Rechtsträger). Le CO ne connaît en effet pas d’appellation générique englobant l’ensemble des formes juridiques que le droit suisse permet de donner à l’entreprise16. On a opté en français pour le terme de «sujet», tout court, plutôt que de «sujet de droit», qui risquait d’induire en erreur dans la mesure où ce concept peut être compris comme excluant les formes juridiques qui ne disposent pas de la personnalité juridique17. 10 Cf. art. 5, 9, 24 et 25 LIA; cf. art. 3, 4, 5, 6, 9, 13 et 14 LT; cf. notamment art. 4, 6

et 7 LIFD; MERLINO, p. 269 ss; Xavier OBERSON, Egalité de traitement, neutralité concurrentielle et liberté économique dans l’imposition des entreprises, in: ASA 73 (2003/04), p. 178; Rapport final de la commission ERU de juin 2001 disponible en français et en allemand sur Internet à l’adresse www.dff.admin.ch; Robert BAUMANN, Zum Bericht der Expertenkommission Rechtsformneutrale Unternehmensbesteue-rung, in: FStF 2002, pp. 65 ss; Samuel TANNER, ERU-Bericht liegt vor, in: StR 2001, pp. 619 ss; Markus NEUHAUS, Zum Bericht der Expertenkommission Rechtsform-neutrale Unternehmensbesteuerung: Teilbericht Risikokapital, in: FStR 2001, p. 63; Xavier OBERSON, Fondements et perspectives d’une imposition des entreprises neutre quant à la forme («Rechtsformneutrale Unternehmensbesteuerung», in: ASA 70 (2001/02), pp. 257 ss.

11 L’avant-projet pour une loi fédérale sur l’établissement et le contrôle des comptes annuels (LECCA) du 29 juin 1998 prévoyait en effet les mêmes obligations, quelle que soit la forme juridique de l’entreprise. C’est pourquoi, d’ailleurs, il définissait son champ d’application en recourant au terme «entité», qui comprenait les raisons individuelles, les sociétés de personnes et les personnes morales qui sont inscrites au registre du commerce ou qui doivent s’y faire inscrire, ainsi que les associations et les fondations, même lorsqu’elles ne sont pas inscrites ou pas tenues de s’ins-crire au registre du commerce, dans la mesure où leur taille ou la nature de leurs activités justifie la tenue d’une comptabilité et l’établissement de comptes annuels.

12 Cf. art. 2 du Projet de loi fédérale sur l’agrément et la surveillance des réviseurs du 23 juin 2004 qui consacre le fait que les obligations en matière de révision sont indépendantes de la forme juridique de l’entreprise. Voir à ce propos PETER (2004a).

13 Cf. art. 100quater CP. 14 PETER (2002), p. 335. 15 PETER (2002), p. 335. 16 TURIN / KLÄY (2001), p. 48. 17 Message, p. 4043; on notera que la traduction italienne soggetti giuridici est dès lors

inopportune, de même que, mais dans une moindre mesure, le terme allemand Rechtsträger.

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Le «sujet» est ainsi, d’une manière très générale, toute personne ou entité, indépendamment de l’habit juridique qu’elle revêt18.

L’art. 2 LFus offre une définition «en cascade» de la notion de sujet. Selon l’art. 2 lit. a LFus, sont considérés comme sujets, et par conséquent visés par la loi: – les «sociétés»19; – les fondations20; – les entreprises individuelles inscrites au registre du commerce21; – les instituts de droit public22.

L’art. 2 lit. b LFus définit ce que sont les «sociétés». Il s’agit: – des «sociétés de capitaux»23; – des sociétés en nom collectif; – des sociétés en commandite; – des associations (qu’elles soient ou non inscrites au registre du

commerce): l’association est aussi considérée comme une société, car il est postulé qu’elle satisfait à tous les critères d’existence de celle-ci24, bien qu’elle n’en soit pas une au sens du code des obligations;

– des sociétés coopératives qui ne sont pas des institutions de prévoyance au sens de l’art. 2 lit. i LFus: les institutions de prévoyance revêtant la forme juridique de la société coopérative sont exclues de cette notion, car la loi prévoit des règles spéciales les concernant, indépendamment de leur forme juridique25.

18 TURIN / KLÄY (2001), p. 48. 19 Cette notion est définie à l’art. 2 lit. b LFus. 20 Le chapitre 6 de la loi, soit les art. 78 à 87 LFus, est consacré à ce type de sujets

issus du CC (art. 80 ss). Une fondation poursuivant un but de prévoyance qui est soumise à la surveillance mentionnée à la lit. i de l’art. 2 LFus devra toutefois respecter les dispositions concernant les institutions de prévoyance (art. 88 à 98 LFus).

21 Bien que faisant partie de la notion générale de sujet, les entreprises individuelles n’entrent en réalité en ligne de compte que dans le cadre du transfert de patrimoine (cf. art. 69 al. 1 LFus), sous réserve d’une mention à l’art. 55 al. 3 LFus. Cela explique pourquoi les entreprises individuelles ne figuraient pas à l’art. 2 lit. a de l’avant-projet, car le transfert de patrimoine était inconnu de ce dernier.

22 Cette notion est définie à l’art. 2 lit. d LFus. 23 Cette notion est définie à l’art. 2 lit. c LFus. 24 Voir le Message, p. 4043, qui se réfère pour cette définition à HEINI (1967), p. 518;

HEINI (1996) ad Vorbemerkungen ad art. 60-79 CC; MEIER-HAYOZ / FORSTMOSER, p. 1; BERETTA (2001), p. 106.

25 Message, p. 40 à 43; art. 88 à 98 LFus.

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L’art. 2 lit. c LFus précise, enfin, ce qu’il y a lieu d’entendre par «sociétés de capitaux». Il s’agit: – des sociétés anonymes; – des sociétés en commandite par actions; – des sociétés à responsabilité limitée.

Le législateur a ainsi — délibérément — ratissé très large: la notion de sujet inclut toutes les formes juridiques que l’on peut donner à l’entreprise. Toutes? Non, car il existe une exception, la société simple. Pourquoi? Pour deux raisons, d’ailleurs liées26: – tout d’abord parce que la société simple n’est pas une personne

morale, pas même «quasi». Elle n’est d’ailleurs pas non plus une société: c’est en réalité un contrat27;

– ensuite, et peut-être surtout, parce que cette «société» — ce contrat — n’est pas inscrite au registre du commerce. Or cette inscription revêt une importance capitale dans le système de la LFus en raison de l’effet de publicité qui lui est lié28.

L’arbre généalogique des «sujets» selon la LFus est ainsi le suivant:

26 WEIBEL, ad art. 2 LFus, N. 8. 27 Ainsi que l’atteste du reste le fait qu’elle figure dans la partie du code des obligations

consacrée aux contrats et non dans celle réservée aux sociétés (commerciales ou coopératives).

28 Voir dans ce sens TURIN, p. 90; WEIBEL, ad art. 2 LFus, N. 8.

Sujets

Sociétés

Fondations

Entreprises individuelles

inscrites au RC

Instituts de droit public

Sociétés de capitaux

Sociétés en nom collectif

Sociétés en commandite

Associations

Sociétés coopératives

Sociétés anonymes

Sociétés en C. par actions

Sàrl

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2. Les différentes formes de restructurations: des instruments au service de l’adaptation de la structure juridique de l’entreprise

On aura aujourd’hui du mal à le croire, mais jusqu’à récemment on considérait que la fusion et la transformation constituaient des thèmes totalement distincts. La scission n’existait pas et le transfert de patri-moine s’analysait dans la perspective étriquée de l’art. 181 CO, dispo-sition dont on rappellera qu’elle se trouve dans le chapitre du code des obligations concernant la reprise de dettes.

La LFus appréhende désormais la matière dans son ensemble, reconnaissant incidemment que celle-ci constitue un tout homogène29.

a. Panoplie et définitions

La loi sur la fusion, en tout cas dans sa version abrégée, porte un titre trompeur ou, pour le moins, réducteur, car la LFus ne concerne pas seulement la fusion. La loi régit en effet cinq espèces d’opérations, parmi lesquelles il est improbable que la fusion s’avère être la plus fréquente30: – les fusions; – les scissions; – les transformations; – les transferts de patrimoine; – les transferts de siège transfrontaliers.

Comme cela a été relevé31, il eut ainsi été préférable d’intituler la loi «loi sur les restructurations». Quoi qu’il en soit, on peut illustrer la panoplie des différents types de restructurations en proposant l’organi-gramme suivant:

29 PETER (1999), p. 126. 30 Cf. infra II.A.2.b. 31 PETER (2002), p. 329; la terminologie utilisée en Allemagne est à notre sens plus

adéquate. La matière y est en effet traitée dans une loi du 28 octobre 1994 intitulée Umwandlungsgesetz (ou UmwG en abrégé), qui forme la treizième partie du Handelsgesetzbuch et qui se divise en quatre chapitres substantiels: Versch-melzung, Spaltung, Vermögensübertragung et Formwechsel.

Restructurations

Fusions Transforma-tions

Scissions Transferts de patrimoine

Transferts de siège

transfrontaliers

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i. La fusion La fusion n’est pas définie en tant que telle dans la loi. Elle l’est toute-fois dans le Message comme «la réunion juridique de deux sociétés ou plus sans liquidation, par transfert de patrimoine et, en général, contre attribution de parts sociales ou de droits de sociétariat de la société reprenante aux associés de la société transférante»32.

L’art. 3 al. 1 LFus reprend les deux espèces de fusions déjà connues (mais jusqu’ici limitées aux sociétés anonymes), soit la fusion par absorption et la fusion par combinaison33.

ii. La scission S’agissant de la scission, nouvelle en droit suisse, la loi n’en donne pas non plus de définition générale. Celle-ci doit être recherchée dans le Message: «Par scission, une société (société transférante) transfère des parts de son patrimoine à d’autres sociétés (sociétés reprenantes) contre attribution de parts sociales ou de droits de sociétariat de ces dernières à ses associés34». La loi mentionne deux cas de figure35: la scission par division36 et la scission par séparation37. Dans chaque cas, il existe une variante dite symétrique38 et une variante dite asy-métrique39.

iii. La transformation Bien qu’approximativement, la transformation est définie à l’art. 53 LFus. Il s’agit en substance du changement de la forme juridique d’une seule et même société, effectué par le biais de la modification de ses statuts. La société conserve son identité et sa personnalité40. 32 Message, p. 4046. 33 Voir à cet égard les schémas descriptifs qui figurent dans le Message, p. 4170. 34 Message, p. 4083. 35 L’art. 39 de l’avant-projet de loi prévoyait un troisième type de scission dénommé

«scission par dissociation» (Ausgliederung) ou «scission horizontale», lorsque le sujet transfert une partie de son patrimoine à un autre sujet nouvellement créé dont il reçoit les parts sociales. C’est le cas, autrement dit, lorsqu’une société fonde une filiale par apport en nature d’une partie de son patrimoine. Suite à de nombreuses critiques émises lors de la procédure de consultation (Procédure de consultation avant-projet, p. 222), le Conseil fédéral a décidé de renoncer à cette forme de scission (Message, p. 4017) étant entendu que celle-ci restera néanmoins possible, mais indirectement, en recourant au transfert de patrimoine.

36 Cf. art. 29 lit. a LFus; voir en outre, à cet égard, les schémas descriptifs qui figurent dans le Message, p. 4171.

37 Cf. art. 29 lit. b LFus; voir en outre, à cet égard, les schémas descriptifs qui figurent dans le Message, p. 4172.

38 Cf. art. 31 al. 2 lit. a LFus. 39 Cf. art. 31 al. 2 lit. b LFus. 40 Message, p. 4099.

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iv. Le transfert de patrimoine

Le transfert de patrimoine constitue probablement la principale inno-vation de la LFus. Cette institution est décrite — plus que définie — à l’art. 69 al. 1 LFus. Il a lieu par le biais d’un contrat41 conclu entre deux sujets, dont l’objet est la cession à titre universel42, par un seul acte (uno actu), de tout ou partie de l’entreprise. La contre-prestation du transfert peut consister en toute prestation patrimoniale, en nature ou en espèces43. Le patrimoine cédé doit être clairement identifié dans un inventaire44. La valeur de ce dernier (net asset value) doit néces-sairement être positive45.

v. Le transfert de siège transfrontalier Le transfert de siège transfrontalier est l’opération qui permet à un sujet de transférer son siège de la Suisse vers l’étranger ou de l’étran-ger vers la Suisse, sans procéder à une liquidation, ni à la constitution d’une nouvelle société.

On peut ainsi compléter l’organigramme des différentes espèces de restructurations de la manière suivante:

41 Cf. art. 70 LFus. 42 Message, p. 4117: «(...) ce mode de transfert de patrimoine ne constitue pas à

proprement parler un cas de succession universelle, identique à la fusion (art. 22) ou à la dévolution (art. 560 CC). En effet, seuls les éléments patrimoniaux énumérés dans l’inventaire sont transférés et le sujet transférant continue d’exister. Il s’agit par conséquent tout au plus d’une ‘succession universelle partielle’. La notion de ‘trans-fert selon inventaire’ semble cependant mieux convenir pour qualifier ce nouveau mode de transfert de patrimoine».

43 Message, p. 4115. 44 Cf. art. 71 al. 1 lit. b LFus. 45 Cf. art. 71 al. 2 LFus.

Restructurations

Fusions (art. 3-28 LFus)

Transformations (art. 53-68 LFus)

Scissions (art. 29-52 LFus)

Transferts de patrimoine (art.

69-77 LFus)

Transferts de siège (art. 161-

163 LDIP)

Par absorption (art. 3 al. 1 lit. a

LFus

Par combinaison (art. 3 al. 1 lit. b

LFus

Par division (art. 29 lit. a

LFus)

Par séparation (art. 29 lit. b

LFus)

Symétrique (art. 31 al. 2 lit. a

LFus

Assymétrique (art. 31 al. 2 lit. b

LFus)

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b. Caractère interchangeable des formes de restructurations

Bien que la loi soit très libérale, il existe des formes de restruc-turations que celle-ci ne consent pas entre certains types de sujet de nature différente. Il n’est par exemple pas possible de fusionner une société avec une fondation, ni de transformer une société en une fondation. Il existe ainsi un numerus clausus des possibilités de restructuration46.

Cette restriction est en pratique toutefois atténuée — pour ne pas dire éludée — par la possibilité, qui est délibérément offerte par la LFus, d’effectuer la plupart des opérations de restructuration en recourant à cette autre méthode qu’est le «transfert du patrimoine»47.

Du point de vue fonctionnel, le transfert de patrimoine est ainsi une alternative à toutes les autres formes de restructurations48; il joue en d’autres termes le rôle de palliatif49 au numerus clausus50 des opéra-tions spécifiquement codifiées. Le Message lui-même parle de succé-dané51, dont le spectre est d’ailleurs plus large que ceux, même cumulés, des autres variantes de restructurations. Il s’agit donc d’un substitut fonctionnel institutionnel et généralisé. A tel point que l’on s’est demandé s’il resterait encore de la place — pour ne pas dire une raison d’être — aux autres hypothèses de restructurations.

Outre leur forme «proprement dite», toutes les opérations de restructuration peuvent ainsi être effectuées indirectement, de façon «improprement dite», en recourant à la Vermögensübertragung.

46 Voir à ce propos le tableau synoptique figurant dans le Message, p. 4173. 47 Message, p. 4015 à 4018 et 4112 ss. 48 Message, p. 4018: «D’un point de vue fonctionnel, le transfert de patrimoine peut

constituer une alternative à une fusion, une scission ou une transformation, alors même qu’il ne régit que les aspects patrimoniaux, à l’exclusion des questions liées au sociétariat (…)».

49 Le Message parle de «succédané», p. 4018 in fine: «Le transfert de patrimoine constitue un succédané pour les opérations de fusion et de transformation qui ne sont pas prévues par le projet de loi en raison de l’incompatibilité qualifiée de certaines formes juridiques (…)».

50 Message, p. 4019: «Le transfert de patrimoine permet de réaliser des opérations de restructuration, indépendamment de la forme juridique des sujets qui y participent, et prévient ainsi les inconvénients (peu nombreux) liés à une réglementation exhaustive des possibilités de fusion, de scission et de transformation (numerus clausus)».

51 Message, p. 4018.

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Cela peut être illustré par le graphique suivant, dans lequel le trans-fert de patrimoine apparaît comme alternative à toutes les autres variantes de restructurations: �

c. Procédure standardisée Quel que soit le type de restructurations envisagé, l’opération se déroule selon une procédure qui a été, dans toute la mesure du possi-ble, standardisée. La matrice de base du processus est la suivante: – un contrat écrit passé entre les sujets intéressés, agissant par leurs

organes exécutifs supérieurs (conseil d’administration, etc.). La loi en fixe le contenu minimal52;

– un rapport desdits organes qui explique et justifie l’opération53; – la vérification du contrat et du rapport par un réviseur particulière-

ment qualifié (qui examine notamment l’adéquation des droits octroyés aux associés) 54;

– le dépôt du contrat, du rapport et de l’attestation du réviseur pendant trente jours, pour que les associés puissent les consulter55;

52 Cf. art. 12 et 13 LFus pour la fusion, art. 36 al. 1 et 37 LFus pour la scission lorsque

la société reprenante est préexistante et art. 70 et 71 LFus pour le transfert de patrimoine. En ce qui concerne la transformation, il n’y a évidemment pas de contrat, mais un projet de transformation dont le contenu minimum est également fixé: cf. art. 59 et 60 LFus. En ce qui concerne la scission lorsque la société reprenante n’est pas préexistante, on parle aussi de projet et non de contrat de scission (art. 36 al. 2 et 37 LFus).

53 Cf. art. 14 LFus pour la fusion, art. 39 LFus pour la scission et art. 61 LFus pour la transformation. En ce qui concerne le transfert de patrimoine, la loi prévoit que l’organe supérieur de direction ou d’administration de la société transférante doit porter le transfert à la connaissance des associés, dans l’annexe aux comptes annuels: cf. art. 74 al. 1 LFus.

54 Cf. art. 15 LFus pour la fusion, art. 40 LFus pour la scission et art. 62 LFus pour la transformation.

55 Cf. art. 16 LFus pour la fusion, art. 41 LFus pour la scission et art. 63 LFus pour la transformation.

Restructurations

Fusions Transformations Scissions Transferts de patrimoine

Proprement dites

Improprement dites

Proprement dites

Improprement dites

Proprement dites

Improprement dites

Transferts de siège

Proprement dits

Improprement dits

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– l’approbation de l’opération par l’assemblée générale (acte authentique)56;

– l’inscription au registre du commerce (effet constitutif)57.

Cette procédure est, à dessein, très proche de celle prévue par les directives européennes58, notamment la troisième en matière de fusion59, et la sixième en matière de scission60.

Contrairement à ce qui est prévu sur le plan européen, la LFus ménage des allégements, au demeurant importants, en faveur des petites et moyennes entreprises. Nous y reviendrons par la suite61.

d. Simplification des fusions intragroupes (art. 23 et 24 LFus)

Lorsqu’un groupe détient au moins 90% d’une ou plusieurs filiales, l’application des dispositions concernant la protection des associés de celle(s)-ci est superflue (en cas de détention de 100% du capital social) ou peut être garantie par d’autres biais (en cas de détention d’au moins 90% du capital social). Le législateur a en conséquence prévu des modalités simplifiées en cas de fusions intragroupes. On notera incidemment que, sachant que le groupe de sociétés n’est autre qu’une forme d’organisation de l’entreprise, on peut considérer que la fusion intragroupe est une opération de restructuration purement interne à l’entreprise.

Ce régime simplifié, donc privilégié, se traduit par des allégements en cas de: – fusion entre une société mère et sa fille (mère-fille) sans minori-

taires62;

56 Cf. art. 18 et 20 LFus pour la fusion, art. 43 et 44 LFus pour la scission et art. 64

et 65 LFus pour la transformation. Le transfert de patrimoine n’est, quant à lui, pas soumis à l’approbation de l’assemblée générale et seule la forme écrite est exigée pour le contrat: cf. art. 70 al. 2 LFus.

57 Cf. art. 21 LFus pour la fusion, art. 51 LFus pour la scission, art. 66 LFus pour la transformation et art. 73 LFus pour le transfert de patrimoine.

58 Voir le Rapport explicatif concernant l’avant-projet de loi fédérale sur la fusion, la scission et la transformation de sujets (Loi sur la fusion), p. 15 et 16.

59 Troisième directive 78/855/CEE du Conseil, du 9 octobre 1978, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 point g) du Traité, concernant les fusions de sociétés anonymes (JO N° L 295 du 20.10.1978, p. 36 ss).

60 Sixième directive du Conseil, du 17 décembre 1982, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 point g) du Traité, concernant les scissions de sociétés anonymes (JO N° L 378 du 31.12.1982, p. 47 ss).

61 Cf. infra III.B.6. 62 Cf. art. 23 al. 1 lit. a LFus. La fusion fille-mère ne bénéficie par contre pas de tels

allégements. Voir TRIGO TRINDADE (2005), ad art. 23 LFus, N. 14 et références citées, dont le Message, p. 4077; VON SALIS-LÜTOLF, p. 143; BURCKHARDT, ad art. 23 LFus, N. 7.

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– fusion entre sociétés sœurs sans minoritaires63; – fusion entre une société mère et sa fille (mère-fille) en présence de

minoritaires64.

Dans les deux premières hypothèses, les sociétés concernées sont exemptées des obligations suivantes: – rédaction d’un rapport de fusion65; – vérification du contrat de fusion66; – dépôt et consultation desdits documents67; – approbation du contrat de fusion par l’assemblée générale68; le

contenu du contrat de fusion est par ailleurs allégé par rapport à la procédure normale69.

Dans la dernière hypothèse, les sociétés concernées sont exemptées de l’obligation de rédiger un rapport de fusion70 et de soumettre le contrat de fusion à l’approbation de l’assemblée générale71. De plus, ce dernier a un contenu allégé par rapport à la procédure normale72.

La portée pratique de ces allégements sera probablement consi-dérable.

3. Les différentes disciplines du droit: des instruments au service d’une approche globale

La matière présente tant des aspects de droit civil73, que de droit fiscal74 et de droit international privé75. Les objectifs ambitieux de la LFus (lato sensu) ne peuvent en effet être atteints qu’en réformant chacune de ces trois disciplines. Ici aussi, géographiquement et

63 Cf. art. 23 al. 1 lit. b LFus. 64 Cf. art. 23 al. 2 LFus. 65 Cf. art. 24 al. 1 et art. 14 LFus. 66 Cf. art. 24 al. 1 et art. 15 LFus. 67 Cf. art. 24 al. 1 et art. 16 LFus. 68 Cf. art. 24 al. 1 et art. 18 LFus. 69 Cf. art. 24 al. 1 et art. 13 LFus. 70 Cf. art. 24 al. 2 et art. 14 LFus 71 Cf. art. 24 al. 2 et art. 18 LFus. 72 Cf. art. 24 al. 2 et art. 13 LFus. 73 LFus, CO, Ordonnance sur le registre du commerce (ORC). 74 Cf. infra II.A.3.a. 75 Cf. infra II.A.3.b.

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conceptuellement, l’approche doit être globalisée, c’est-à-dire pro-céder d’une transdisciplinarité coordonnée. Cela n’a pas échappé au législateur, et ce qui est parfois appelé le «paquet LFus» comporte ainsi également la modification de nombreuses normes appartenant à ces deux autres domaines du droit.

a. Facilitation des restructurations transnationales

Dans un monde où prévaut toujours plus la globalisation, il était nécessaire de régir aussi les restructurations transnationales.

De par les modifications qu’elle apporte à la Loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP)76, la LFus (au sens large) permet et réglemente les opérations transfrontalières, c’est-à-dire celles auxquelles participent des sociétés dont le siège est situé dans des Etats différents.

Ces hypothèses ne concernent pas la transformation, laquelle, par essence, est statique. Elles regardent en revanche les quatre autres types de restructurations. Dans chaque cas on distinguera les opéra-tions qui se déroulent de l’étranger vers la Suisse, de celles qui ont lieu de la Suisse vers l’étranger. Les cas de figure sont ainsi nombreux et peuvent être complexes. Les solutions prévues sont détaillées, bien qu’exprimées, à notre avis, de manière quelque peu hermétique77.

L’organigramme des cas de figure envisageables est ainsi le suivant:

76 RS 291. 77 Pour une analyse plus approfondie de la matière, GIRSBERGER / RODRIGUEZ,

p. 259 ss; PETER / CAVADINI-BIRCHLER, p. 170 ss.

Restructurations Transfrontalières

Transferts de siège Fusions Scissions Transferts de

patrimoine

De la Suisse vers l’étranger

De l’étranger vers la Suisse

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b. Principe de la neutralité fiscale des restructurations

Pour atteindre l’objectif poursuivi par le législateur, la facilitation des restructurations, il est fondamental que celles-ci ne soient pas entra-vées par des prélèvements sous forme d’impôts, taxes ou autres droits, notamment de mutation. Parallèlement à la réforme du droit des sociétés, le législateur a ainsi réformé le droit fiscal78. Les modifi-cations qui y sont apportées concernent un grand nombre de textes et ont toutes pour finalité de faire prévaloir le principe dit de la neutralité fiscale des restructurations79.

Cet objectif se traduit notamment par les mesures importantes suivantes80: – le report du prélèvement des impôts directs sur les réserves81: cela

signifie qu’il est considéré qu’en cas de restructurations il n’y a pas de réalisation effective des réserves (on pensera par exemple aux plus-values immobilières);

– l’exonération des impôts indirects sur le transfert des actifs82; – la reprise des facteurs fiscaux applicables aux impôts directs

(possibilité de transférer les pertes reportées); – la renonciation à la perception de tous droits (en particulier canto-

naux) de mutation, notamment s’agissant des immeubles «trans-férés»83.

78 Pour une analyse plus complète, MERLINO, p. 269 ss.

79 Message, p. 4026: «L’objectif du présent projet de loi est d’assurer la neutralité fiscale de toutes les formes de restructuration prévues par la loi sur la fusion qui visent à adapter les structures existantes de l’entreprise à un nouvel environnement économique et aux nouveaux besoins de la société». Il est intéressant — mais pas surprenant — de remarquer que, sur le plan européen également, le principe de neutralité fiscale des restructurations revêt une importance fondamentale; voir à ce propos la Directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apport d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’Etats membres différents (JO N° 225 du 20.08.1990, p. 1): «(...) qu’il importe d’instaurer pour ces opérations des règles fiscales neutres au regard de la concurrence afin de permettre aux entreprises de s’adapter aux exigences du marché commun, d’accroître leur productivité et de renforcer leur position concurrentielle sur le plan international».

80 Pour une analyse plus détaillée des conséquences fiscales, voir MERLINO, p. 272 ss.

81 Cf. art. 19, 61 et 64 LIFD; art. 8, 12, 24 et 72e LHID; art. 5 LIA.

82 Cf. art. 6, 9 et 14 LT.

83 MERLINO, p. 271.

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B. Les intérêts poursuivis et protégés (les parties prenantes)

1. L’économie dans son ensemble

Il n’a pas échappé au législateur que le développement de l’économie présuppose la libre adaptabilité des structures juridiques des entre-prises. Cela relève de l’intérêt public bien compris. L’un des intérêts fondamentaux qui est protégé par la LFus est donc le développement de l’entreprise, considérée comme vecteur de croissance économique, créatrice d’emplois, de richesses et génératrice d’impôts.

2. La sécurité du droit

L’art. 1 al. 2 LFus affirme que la loi «garantit la sécurité du droit». Ce qui est ici visé est la certitude du contenu de l’appareil normatif et donc la prévisibilité des tenants et aboutissants des opérations de restructuration.

3. La transparence

La même disposition déclare que la LFus «garantit la transparence». Le but poursuivi ici est l’information, qui constitue l’un des piliers de la corporate governance. On y aboutit par des exigences très accrues en matière de publicité. Cela se traduit en particulier par l’inscription (et le dépôt) au registre du commerce d’une grande partie des docu-ments liés aux opérations concernées.

4. Les stakeholders traditionnels

La loi affirme vouloir assurer la protection de trois catégories de par-ties prenantes, considérées comme particulièrement vulnérables. En effet, selon l’art. 1 al. 2 LFus, la loi protège: – les créanciers84: on retrouve ici le principe de l’immunité des

créanciers. Les créanciers ne doivent pas subir — ou risquer de subir — de préjudice du fait de la restructuration85;

– les travailleurs86; 84 Cf. art. 14, 15, 25 à 26, 39 à 40, 45 à 48, 61 à 62, 68 al. 1, 75, 85 al. 1 à 3, 86 al. 2,

96 al. 1 à 4 et 101 LFus, instaurant des devoirs de publicité, l’intervention de révi-seurs, la responsabilisation des organes exécutifs, une certaine responsabilité des associés pour les dettes, ainsi que la fourniture de sûretés.

85 VISCHER, p. 158 s. 86 Pour une analyse détaillée de cette question voir WYLER, p. 249 ss.

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– les minoritaires87: c’est là un rappel du principe de la continuité des membres. Toute personne qui était actionnaire ou associée avant l’opération de restructuration doit pouvoir le rester après celle-ci88. Il existe une exception notable à ce principe en cas de fusion, celle dite du «squeeze out»89, consacrée par les art. 8 al. 2, 18 al. 5 et 23 al. 2 lit. a LFus. Pour être mise en œuvre, cette «expulsion» doit toutefois recueillir l’approbation de 90% au moins des actionnaires de la société transférante qui disposent d’un droit de vote90.

5. Le fisc

Lorsque cela se justifie, le fisc est protégé contre les atteintes à ses droits qui pourraient découler d’opérations de restructuration. L’exem-ple le plus évident est celui des restructurations transfrontalières, dont on sait qu’elles ont parfois pour objectif — ou effet — de soustraire au trésor public des bénéfices non encore imposés91. Le nationalisme prévaut ici.

6. Les PME

La loi prévoit un certain nombre d’allégements en faveur des petites et moyennes entreprises (PME) en cas de fusion, de scission ou de trans-formation. Le législateur a en effet estimé opportun de ne pas soumet-tre les PME à toutes les exigences, parfois lourdes, de la loi. Sur le plan pratique, ces exigences auraient en effet représenté des entraves dissuasives, ce qui aurait été contraire au but même de la LFus.

87 Cf. art. 7 à 8, 16 à 19, 31, 41 à 43 al. 1 et 2, 56, 63 à 64, 74 et 105 ss LFus instau-

rant des devoirs d’information, la responsabilisation des organes exécutifs, l’inter-vention de réviseurs, un droit de sortie de l’association, la garantie de la continuité du patrimoine et du sociétariat, l’exigence dans certains cas d’une majorité parti-culièrement qualifiée et les actions en examen des parts sociales et des droits de sociétariat ainsi qu’en annulation des décisions de restructuration.

88 VISCHER, p. 157 s.

89 Pour une analyse plus approfondie de la question, voir VON PLANTA / ZARB, p. 203 ss.

90 Cf. art. 18 al. 5 LFus.

91 En ce qui concerne l’impôt sur le revenu et sur le bénéfice, la neutralité fiscale de la restructuration est par exemple soumise à la condition que l’entreprise reste assujet-tie à l’impôt en Suisse, après la restructuration. Cette condition est réalisée lorsque la société reprenante conserve en Suisse son siège ou un établissement stable (succursale). Voir à ce propos MERLINO, p. 276.

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«Les petites et moyennes entreprises» sont définies à l’art. 2 lit. e LFus. Par PME, on entend les sociétés qui remplissent trois conditions cumulatives92: – ne pas être débitrices d’un emprunt par obligation; – ne pas être cotées en bourse; – ne pas dépasser deux des trois paramètres suivants pendant les

deux exercices qui précèdent la décision de fusion, de scission ou de transformation: o le total du bilan (qui ne doit pas excéder CHF 20 millions), o le chiffre d’affaires (qui ne doit pas excéder CHF 40 millions)

et o le nombre d’emplois à plein temps (dont la moyenne annuelle

ne doit pas dépasser 20093).

Moyennant l’accord de tous les associés, les PME bénéficient des allégements suivants: – renoncer à établir un rapport de fusion, de scission ou de trans-

formation94; – renoncer à la vérification par un réviseur particulièrement qualifié

du contrat et du rapport de fusion, respectivement du contrat, du projet et du rapport de scission, respectivement encore du projet et du rapport de transformation95;

– renoncer à la procédure de consultation des associés dans la fusion, la scission ou la transformation96.

On a déjà rappelé que ces allégements en faveur des PME n’existent pas en droit européen97, ce qui devrait contribuer à l’attractivité de la Suisse.

92 Ces conditions sont reprises de l’art. 727b al. 1 CO qui précise dans quels cas une

société anonyme doit soumettre ses comptes à des réviseurs particulièrement qualifiés. Voir la remarque de REICH, ad art. 1 LFus, N. 9, qui soutient qu’en présence d’un groupe de sociétés l’analyse doit être faite sur un plan consolidé.

93 Ce dernier point a fait l’objet d’un débat nourri au sein des Chambres, une minorité de la commission du Conseil des Etats ayant proposé d’abaisser le nombre des employés à 100 afin de réduire le nombre de sociétés pouvant bénéficier des allégements prévus par la loi. Cf. Interventions Schweiger, Studer, Metzler (BO 2001 E p. 148) et Interventions Ménétrey-Savary, Guzwiller et Cina (BO 2003 N p. 233).

94 Cf. art. 14 al. 2, 39 al. 2 et 61 al. 2 LFus. 95 Cf. art. 15 al. 2, 40, 62 al. 2 LFus. 96 Cf. art. 16 al. 2, 41 al. 2, 63 al. 2 LFus. 97 Cf. supra II.A.2.c. Les allégements ne sont pas compatibles avec ce droit, du moins

lorsque la PME revêt la forme juridique de la société anonyme qui est visée par les troisième et sixième directives européennes: Message, p. 4064 et TURIN / KLÄY (2001), p. 53.

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Il convient de mentionner que la définition relativement large de la notion de PME aura probablement pour conséquence que ces allége-ments auront une portée pratique considérable. En Suisse en effet on estime que 90% des entreprises sont des PME au sens de cet article.

On rappellera en outre que la LFus prévoit par ailleurs d’autres allégements en cas de fusions intragroupes98. Le cumul des simplifica-tions dont bénéficient les groupes et des allégements concédés aux PME aura pour effet de permettre la réalisation de certaines restructu-rations intragroupes de façon extrêmement simple et rapide.

III. DE QUELQUES QUESTIONS SENSIBLES ET CONTROVERSÉES

Avant même son entrée en vigueur, la loi faisait déjà l’objet de nombreuses controverses doctrinales. C’est évidemment gênant, d’au-tant plus que certaines de celles-ci portent sur des points d’une importance pratique considérable. Cela est notamment dû au fait que l’avant-projet qui avait été préparé par le Professeur Frank Vischer a fait par la suite l’objet de modifications dont certaines ont profondé-ment affecté la cohérence du système initialement conçu.

On citera à ce propos en particulier l’introduction dans la loi du transfert de patrimoine, procédé qui était inconnu dans l’avant-projet et dont on a vu qu’il constitue une alternative à toutes les autres formes de restructurations, et donc une tentation de contourner les exigences parfois strictes de celles-ci.

Il convient d’attendre que nos autorités administratives et judiciaires nous apportent leurs lumières. Dans l’intervalle, il faut toutefois être conscient des incertitudes et donc des risques qui existent. Nous avons pour l’heure sélectionné quelques sujets délicats qui nous semblent dignes d’intérêt.

A. La définition du terme patrimoine

La LFus utilise à plusieurs reprises le terme «patrimoine», aussi bien en relation avec la scission que dans le cadre du transfert de patrimoine, sans toutefois jamais le définir.

La question se pose — en particulier s’agissant du transfert patrimoine — de savoir si cette notion peut également désigner un actif pris isolément (par exemple un immeuble ou une marque) ou si elle ne peut se référer qu’à un ensemble de biens. Le Message précise à cet égard qu’une «part de patrimoine» peut se composer d’un seul 98 Cf. supra II.A.2.d.

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actif, notamment d’un droit99. Ce qui a fait d’ailleurs dire à certains qu’un contrat de transfert de patrimoine peut en conséquence être conclu en lieu et place d’une vente ou d’une donation100.

Une partie de la doctrine101 ne partage pas cette opinion, au motif que la ratio legis — et, par essence, le concept de «patrimoine» — suppose qu’il existe un ensemble de biens, actifs et éventuellement passifs. Selon ces auteurs, le transfert de patrimoine est d’ailleurs conçu comme un moyen de procéder à des restructurations, ce qui exclurait par définition qu’il soit utilisé pour de simples cessions.

La question est d’importance. Elle est délicate. On songera en effet à une entreprise qui ne possède qu’un seul actif (par exemple une marque). Où est dès lors la limite? Il est vrai que l’intention du législateur était de permettre le transfert d’un faisceau de biens, en principe actifs et passifs. Mais il est des patrimoines qui ne sont qu’actifs (i.e. qui ne comportent aucune dette). Vu les difficultés auxquelles on s’exposerait et les incertitudes qui en découleraient, n’est-il dès lors pas plus raisonnable de renoncer à toute exigence102?

B. Le transfert des contrats

Très souvent le patrimoine de l’entreprise comprend des contrats. C’est parfois même sa composante essentielle103. En cas de restructuration (fusion, scission et transfert de patrimoine), il est ainsi nécessaire de savoir quel sera le sort des contrats auxquels l’entreprise est partie104.

S’agissant de la fusion et de la scission par division, il est unanime-ment admis que les contrats sont transférés «de par la loi», sans que soit nécessaire le consentement des tiers cocontractants105. Cela est la conséquence de la nature de l’opération, qui comporte la disparition du sujet transférant.

En revanche, en cas de transfert de patrimoine et de scission par séparation, le sort des contrats fait l’objet d’une controverse doctrinale encore assez farouche106. Les premiers auteurs qui se sont exprimés 99 Message, p. 4112. 100 Dans ce sens, TRIGO TRINDADE (2004), p. 217. 101 VISCHER, p. 161. 102 Si ce n’est qu’en cas de transfert de patrimoine sa valeur nette doit être positive;

cf. art. 71 al. 2 LFus. 103 Notamment s’agissant d’entreprises actives dans le domaine bancaire. 104 Pour une analyse détaillée de la question, WATTER / KÄGI, p. 231. 105 VISCHER, p. 160; WATTER / KÄGI, p. 235. 106 TURIN, p. 114; VISCHER, p. 155; TRIGO TRINDADE (2003); TRIGO TRINDADE (2004),

p. 218; PETER (2004b), p. 223 ss.

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ont plaidé contre la libre transférabilité des contrats, se prévalant des travaux législatifs107. S’appuyant sur l’interprétation littérale, historique, téléologique, ainsi que sur une analyse des intérêts en jeu et de la systématique de la loi, la doctrine la plus récente — et désor-mais majoritaire108 — converge en revanche en faveur de l’admission du transfert des contrats sans que soit en principe nécessaire l’accord des cocontractants109. C’est là notamment la conséquence du caractère universel, bien qu’éventuellement partiel110, du transfert de patrimoine au sens des art. 69ss LFus.

En l’état, la question reste toutefois controversée et on demeurera donc très prudent111.

Il n’y a en revanche pas de controverse s’agissant des exceptions. Celles-ci concernent les hypothèses dans lesquelles l’accord du cocontractant est nécessaire en raison d’autres causes. Il s’agit des cas où: – la loi elle-même instaure des restrictions au principe de la libre

transférabilité des contrats112; – on est en présence de contrats conclus intuitu personae113; – le contrat contient une clause régissant expressément le change-

ment de contrôle114.

C. En cas de transformation, les dispositions applicables à la «fondation»

L’art. 57 LFus dispose que: «En cas de transformation, les dispositions du code civil et du code des obligations concernant la fondation d’une société correspondante sont applicables. Les dispositions concernant le nombre des fondateurs de sociétés de capitaux et les apports en nature ne sont pas applicables».

107 TURIN, p. 114; TRIGO TRINDADE (2003). 108 TRIGO TRINDADE (2004), p. 218; BAHAR, ad art. 69, N. 6; VISCHER, p. 161; BERETTA

(2002), p. 256; LOSER-KROGH, p. 1095; FRICK, ad art. 69, N. 18 ss; WATTER / KÄGI, p. 234; TSCHÄNI, p. 96 ss. Voir par ailleurs la position de l’OFRC dans le Commentaire abrégé de l’ORC, p. 69 ss.

109 Pour une analyse détaillée de la question, PETER (2004b), p. 223 ss; BOHRER, p. 933 ss.

110 Message, p. 4117; cf. supra, note 42. 111 Du même avis, TSCHÄNI, p. 98. 112 Cf. art. 76 al. 1 LFus, art. 333 CO, art. 261 CO. 113 BERETTA (2002), p. 255; FRICK, ad art. 69, N. 23; VISCHER, p. 160; PETER (2004b),

p. 229. 114 PETER (2004b), p. 229.

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A supposer que l’on admette que, prima facie, cette disposition est claire, ce qui est douteux, elle soulève à la réflexion une série de ques-tions délicates.

1. Adaptation du capital

Le principe instauré par l’art. 57 première phrase LFus a pour objectif d’imposer le respect des dispositions du code civil et du code des obligations concernant la fondation de la société «correspondante», soit de la société dont la forme est adoptée par le biais de la transformation115. Devront ainsi être respectées les exigences relatives au capital social116, notamment quant à son montant minimum et à sa libération effective117. Cela aura par exemple118 pour effet que, lors de la transformation d’une société à responsabilité limitée en société anonyme, le capital social devra si nécessaire être augmenté à CHF 100’000119/120; qu’en cas de transformation d’une société 115 Selon l’art. 107 al. 1 lit. e de l’ORC (modifiée le 21 avril 2004 au vu de la LFus;

RO 2004 2669; RS 221.411), les pièces justificatives requises pour la fondation de la société revêtant la nouvelle forme juridique devront être produites à l’appui de la réquisition d’inscription de la transformation. La tournure de cette disposition est équivoque, tout comme celle de l’art. 57 LFus lui-même, puisqu’elle peut laisser entendre qu’il y a fondation d’une nouvelle société lors de la transformation, ce qui n’est pas le cas.

116 Dans le cadre de la procédure de consultation (Procédure de consultation avant-projet, p. 278), le problème de la transformation d’une société se trouvant dans une situation d’Unterbilanz (situation dans laquelle le capital social et les réserves légales d’une société ne sont plus couverts par ses actifs nets) a été soulevé. Voir à ce propos, VON DER CRONE / GERSBACH / KESSLER / DIETRICH / BERLINGER, ad Sanierung: Umwandlung, p. 1, http://www.fusg.ch/site/sanierung/umwandlung/ index.php?datum=2004-07-01, selon lesquels une telle transformation est possible, suivant les circonstances, si le montant du capital propre couvert par les actifs permet de respecter les prescriptions sur la fondation, les dispositions légales sur la diminution du capital ne devant toutefois pas être contournées de ce fait. Voir aussi sur la question, le Message, p. 4111 et le Commentaire abrégé de l’ORC, p. 56: «Les dispositions sur la libération du capital et l’exigence de couverture complète du capital au moment de la transformation (...) ne peuvent souffrir aucune exception (...). D’éventuelles mesures d’assainissement doivent être entreprises avant la transformation sur la base des dispositions applicables à l’ancienne forme de droit». Voir encore ALTENBURGER / CALDERAN / LEDERER, N. 1145.

117 MEIER-SCHATZ, p. 67; voir aussi PESTALOZZI, ad art. 57 LFus, N. 10 et références citées, selon lequel, eu égard à la couverture du capital social, l’art. 57 LFus impose à une société à responsabilité limitée qui se transforme en société anonyme de respecter les art. 629 ss CO et à une société anonyme qui se transforme en société à responsabilité limitée de respecter l’art. 779 CO, selon lequel c’est le bilan de transformation qui doit démontrer la couverture du capital (la fortune nette apportée par la société qui se transforme doit atteindre au moins le montant du capital souscrit).

118 Message, p. 4104. 119 Cf. art. 621 CO. 120 PESTALOZZI, ad art. 56 LFus, N. 8: «Dabei müssen die im Zuge der Stammkapitaler-

höhung geschaffenen neuen GmbH-Anteile vor der Eintragung der Umwandlung ins Handelregister i. S. d. Art. 779 CO übernommen werden»; voir WAMISTER, p. 71 sur la procédure à suivre.

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anonyme en société coopérative pourvue d’un capital social, ce dernier, jusqu’alors fixe, deviendra variable121; que la libération d’une part de capital supplémentaire sera nécessaire suivant les circons-tances122; qu’en cas de réduction du capital il conviendra le cas échéant de respecter les règles assez strictes applicables aux sociétés anonymes123, et qu’en cas de transformation d’une société en nom collectif ou en commandite en société anonyme le total des comptes des associés (Kapitalkonten) devra couvrir au moins la valeur nomi-nale du capital-actions124/125.

Le capital social de la nouvelle forme devant nécessairement être couvert au moment de la transformation, des mesures d’assainis-sement devront, le cas échéant, être prises avant ou dans le cadre de l’opération. Deux hypothèses sont envisageables à cet égard: l’ap-plication des règles régissant la forme préexistante ou de celles régis-sant la nouvelle forme. L’Office fédéral du registre du commerce a tranché en faveur du premier terme de l’alternative126.

Une exception à ce principe existe toutefois en cas de transforma-tion d’une association ou d’une société de personnes en société de capitaux. Cette exception s’impose, car ces deux formes sociales ne disposent pas — et ne peuvent pas disposer — d’un capital social au sens technique du terme: il est par conséquent impossible de l’aug-menter. Comme le dit le récent Commentaire de l’ORC127: «dans ces cas, le capital est créé dans le cadre du changement de forme de droit, ce qui suppose que l’association ou la société de personnes dispose de suffisamment de fonds librement disponibles pour libérer le capital (augmentation de capital au moyen de fonds propres)».

121 Cf. art. 828 al. 2 CO.

122 Les art. 774 al. 2 et 632 CO prévoient, respectivement, pour les sociétés à responsabilité limitée la libération du capital à hauteur de 50% au moins et, pour les sociétés anonymes, de 20% au moins (mais au moins CHF 50’000.-).

123 PESTALOZZI, ad art. 57 LFus, N. 9.

124 PESTALOZZI, ad art. 57 LFus, N. 14 et 15, selon lequel les parts des membres d’une société de personnes dans la nouvelle société de capitaux ne pourront pas être déterminées d’après l’état de leurs comptes d’associés Stand der Kapitalkonten, sans quoi les réserves latentes ne seraient pas prises en considération. Cet auteur prône dès lors de procéder dans le cas d’espèce à une réévaluation, pour tenir compte de la valeur réelle de ces parts. Cet avis semble fondé, pour autant naturel-lement que la valeur effective de ces apports soit attestée par un réviseur conformé-ment aux dispositions légales.

125 Pour d’autres exemples, voir WAMISTER, p. 71.

126 Commentaire abrégé de l’ORC, p. 56; BÖCKLI, § 3, N. 364a.

127 Commentaire abrégé de l’ORC, p. 56.

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La pratique désormais imposée par les autorités du registre du commerce ne semble pas totalement convaincante pour deux raisons. Tout d’abord parce que l’on voit mal pourquoi préférer appliquer les règles concernant la forme que l’on s’apprête à abandonner alors que l’augmentation de capital a pour objectif l’adéquation de la capitalisa-tion de la forme que l’on s’apprête à adopter. Par ailleurs, la nécessité de procéder préliminairement à l’augmentation sous l’empire de l’ancienne forme peut retarder considérablement l’opération128, alors que le but même de la LFus est de favoriser sa réalisation. Les raisons de ce choix, dont on ne peut toutefois pour l’heure que prendre acte, ne sont pas claires. Il se peut qu’elles soient motivées par la crainte qu’une fois la nouvelle forme adoptée, l’augmentation n’ait en définitive pas lieu129. Cette préoccupation ne semble cependant pas fondée, car il suffit de subordonner l’inscription de la nouvelle forme à la réalisation effective de l’augmentation.

Il convient aussi de se poser la question de savoir quel est le régime qui s’applique lorsqu’il est nécessaire d’augmenter le capital social car le capital minimum de la nouvelle forme (par exemple une société anonyme, CHF 100’000.-) est supérieur à celui de l’ancienne forme (par exemple une société à responsabilité limitée, CHF 20’000.-). S’agit-il aussi des règles applicables à l’ancienne forme ou au contraire de celles régissant la nouvelle forme? Dans cette hypothèse également, tant les autorités du registre du commerce130 que la doctrine131 suggèrent qu’il convient d’appliquer les règles ayant trait à l’ancienne forme. Pour les raisons évoquées ci-dessus, et peut-être a fortiori dans cette hypothèse, cette opinion n’est pas convaincante.

On pourrait enfin se poser la question de savoir ce qu’il en est des cas d’augmentation ou de réduction du capital qui ne sont pas requis par la loi. Ce sont manifestement ici les règles régissant la nouvelle forme qui s’appliquent, sauf évidemment si l’augmentation ou la réduction a lieu avant la transformation.

2. Apports en nature

En vertu de l’art. 57, 2e phrase in fine LFus, lors de la transformation il n’est pas nécessaire de respecter les dispositions concernant les apports en nature, applicables à la fondation de la société

128 Dans le même sens, BÖCKLI, § 3, N. 364a.

129 BÖCKLI, § 3, N. 364a.

130 Commentaire abrégé de l’ORC, p. 25.

131 BÖCKLI, § 3, N. 364a; PESTALOZZI, ad art. 57 LFus, N. 8.

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«correspondante»132. Un rapport de fondation133 ne sera ainsi pas nécessaire en cas de transformation d’une entreprise individuelle en société anonyme.

On a en effet estimé que d’autres mesures de protection, suffi-santes134, figuraient dans la loi aux art. 61, 62 et 68 al. 1 LFus. Cette justification disparaît toutefois lorsque ces articles (en particulier les art. 61 et 62 LFus) ne sont à leur tour pas applicables. On songera en particulier aux allégements en ce sens prévus pour les PME (art. 61 al. 2 et 62 al. 2 LFus)135.

La doctrine est en conséquence très critique face à ces exemp-tions136, certains auteurs étant d’avis que, dans ce cas, les dispositions sur les apports en nature du code des obligations redeviennent (i.e. restent) applicables137. Cette opinion, qui peut se prévaloir d’une lacune de la loi, nous semble fondée; les autorités suisses du registre du commerce s’y sont d’ailleurs désormais ralliées138.

D. La distinction entre la scission et le transfert de patrimoine (art. 69 al. 1 in fine LFus)

Le transfert de patrimoine se distingue en principe de la scission par le fait qu’il s’agit d’un processus purement patrimonial, ne relevant pas du droit des sociétés et ne concernant donc pas les associés. Le trans-fert de patrimoine est en conséquence exécuté par le management (les organes supérieurs de direction ou d’administration), sans intervention de l’assemblée générale.

Toutefois, selon l’art. 69 al. 1 in fine LFus, lorsque, en cas de trans-fert de patrimoine, les associés de la société transférante reçoivent des parts sociales de la société reprenante en contrepartie du patrimoine

132 Dans l’avant-projet, cette exemption n’était pas prévue pour la transformation (alors

qu’elle l’était pour la fusion et la scission), ce qui avait été fortement critiqué; voir Procédure de consultation avant-projet, p. 278; BÜRGI / STEINER, p. 2; voir aussi VON BÜREN / BÜRGI, p. 14, selon lesquels l’art. 26 LFus, auquel il est renvoyé en matière de transformation, protège suffisamment les créanciers.

133 Cf. art. 635 al.1 CO. 134 Message, p. 4105; BÜRGI / STEINER, p. 12. 135 Cet allégement contrevient en particulier au droit européen: cf. art. 10 de la

deuxième directive 77/91/CEE, en relation avec son art. 13, qui impose dans tous les cas la vérification des apports en nature par un expert.

136 RIMLE, ad art. 57 LFus, N. 7; BOMMER, ad art. 9 LFus, N. 12 ss; PESTALOZZI, ad art. 57 LFus, N. 28; VON DER CRONE / GERSBACH / KESSLER / DIETRICH / BERLINGER, ad Umwandlung: Rechtliches: KMU, p. 2, http://www.fusg.ch/site/umwandlung/ rechtliches/kmu/index.php?datum=2004-07-01; BÖCKLI, § 3, N. 363, note 595.

137 Contra WAMISTER, p. 72. 138 Commentaire abrégé de l’ORC, p. 57.

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cédé, ce sont les dispositions (plus restrictives) régissant la scission qui s’appliquent. On a tenté ici de corriger un des problèmes qui découlait de l’introduction in extremis de ce corps étranger que consti-tue le transfert de patrimoine, in casu la possibilité de contourner les exigences plus strictes de la réglementation sur la scission.

La question se pose de savoir comment traiter une opération effec-tuée en deux étapes: dans un premier temps, le transfert du patrimoine d’une société à une autre et, dans un deuxième temps, la distribution aux actionnaires de la société transférante des parts sociales de la société reprenante, sous forme par exemple d’un dividende en nature.

On comprend mieux l’hypothèse au moyen du schéma suivant qui met en œuvre une société cédante (A) et une société cessionnaire (B):

Situation initiale Première étape (cession par A d’une partie

de son patrimoine à B contre remise à A d’actions de B)

Deuxième étape et résultat

(distribution par A des actions de B)

Selon VISCHER, cette opération doit être considérée comme une scission (de A) si la société transférante (A) envisage dès l’origine de combiner le transfert de patrimoine avec une allocation à ses associés des parts de la société reprenante (B). Si par contre la société trans-férante (A) envisage dans un premier temps uniquement le transfert de patrimoine et que, à la suite d’un changement de situation ou de stratégie, elle décide d’attribuer à ses membres les parts de la société reprenante (B) qu’elle a acquises, la transaction en deux étapes pourrait être tolérée139, sans appliquer les normes régissant la scission.

TRIGO TRINDADE est pour sa part d’avis qu’il convient de consi-dérer que l’opération en deux étapes mentionnée plus haut doit être qualifiée de scission seulement si les parts de B sont remises directement aux actionnaires de A par la société reprenante (B) (sur la base d’une stipulation pour autrui)140.

139 VISCHER, p. 160. 140 TRIGO TRINDADE (2004), p. 222.

Société A

Actionnaires

Société A Société B

Actions de B

Actionnaires

Société A

Actionnaires

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La question est délicate et sa portée importante. Dans la perspective de la sécurité du droit, il est probable que l’opinion de TRIGO TRINDADE doive être privilégiée, non sans hésitation et sous réserve d’abus manifestes.

E. LFus: lex specialis?

1. Par rapport à la loi sur les cartels

L’art. 1 al. 4 LFus141 réserve les dispositions de la Loi du 6 octobre 1995 sur les cartels (LCart)142, c’est-à-dire les normes de droit public réglementant la concentration d’entreprises, donc le droit de la concurrence. La LCart s’applique ainsi cumulativement à la LFus. C’est sur la base de la LCart que sera tranchée la question de savoir si une fusion, une scission ou un transfert de patrimoine donne lieu à un «accord» au sens de l’art. 4 al. 1 LCart ou à une concentration d’entreprises au sens de l’art. 4 al. 3 LCart143.

Selon la LCart, on est confronté à une concentration d’entreprises en cas de fusion de plusieurs entreprises jusque-là indépendantes les unes des autres (art. 4 al. 3 lit. a LCart), ainsi qu’en présence de toute opération par laquelle une ou plusieurs entreprises acquièrent le contrôle direct ou indirect d’une ou plusieurs entreprises jusque-là indépendantes ou d’une partie de celles-ci (art. 4 al. 3 lit. b LCart). Les entreprises devant se soumettre au contrôle de la Commission de la concurrence sont celles dont le chiffre d’affaires dépasse certaines valeurs fixées à l’art. 9 de la LCart. Les fusions, certaines scissions, en particulier les scissions à fin de reprise, de même que certains trans-ferts de patrimoine peuvent ainsi donner lieu à des concentrations d’entreprises soumises au contrôle prévu par la LCart144.

Quant aux transformations, elles ne sont pas concernées par la LCart, car, en raison de leur nature, elles n’entraînent en principe pas de concentration ni de prise de contrôle.

Les intérêts protégés par la LFus et par la LCart sont différents, si bien que ces deux lois sont en principe complémentaires. Il existe toutefois un conflit fondamental entre le but de la LFus (favoriser les 141 Cet alinéa ne figurait pas dans l’avant-projet. Voir à ce sujet, Procédure de consulta-

tion avant-projet, p. 78-80. Voir aussi, dans le même sens, les réserves expresses des art. 22 al. 1 troisième phrase (fusion), 52 troisième phrase (scission) et 73 al. 2 troisième phrase LFus (transfert de patrimoine). Sur le rapport entre LFus et LCart, voir également REICH, ad art. 1 LFus, N. 17 à 23.

142 RS 251. 143 Cf. Intervention Schweiger, BO 2001 E p. 144: «[...] ob sie den marktwirtschaftlichen

Wettbewerb gefährden könnte». 144 Message, p. 4023.

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restructurations, donc les concentrations) et celui de la LCart (empêcher les concentrations nuisibles à la concurrence); s’il devait se concrétiser dans un cas d’espèce, la LCart primera145. Cette solution est d’ailleurs consacrée par l’Ordonnance sur le registre du com-merce146, modifiée sur ce point à l’occasion de l’entrée en vigueur de la LFus147.

2. Par rapport à la LBVM

S’il a réservé la LCart, le législateur n’a en revanche apparemment pas songé à réglementer la coexistence entre la LFus et la Loi du 24 mars 1995 sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières148 (et ses nombreux textes d’application). C’est regrettable, car la ques-tion soulève de délicats problèmes, en particulier en matière d’offres publiques d’acquisition (OPA) obligatoires et de devoir d’annonce au sens, respectivement, des art. 20, 31 et 32 LBVM.

Avec l’entrée en vigueur de la LFus, la protection des actionnaires minoritaires a été nettement renforcée. Le but de la LBVM demeure toutefois; il est différent de celui de la LFus. S’agissant des sociétés cotées, il se justifie par conséquent, à nos yeux, de maintenir les moyens de protection que la LBVM ménage afin de protéger certaines parties prenantes.

Dans cette perspective, pour ce qui est de l’OPA obligatoire, il était généralement considéré, sous l’empire de l’ancien droit, que la manière dont l’actionnaire acquiert une participation (achat, réduction de capital, fusion, etc.) ne joue pas de rôle. Le seul critère est de savoir si la transaction conduit ou non à un changement de contrôle. L’entrée en vigueur de la LFus ne devrait pas affecter la portée générale de cet article. Il restera ainsi par exemple applicable dans l’hypothèse d’un franchissement de seuil résultant d’une fusion asymétrique qui confère à un associé un pourcentage proportionnellement plus élevé des actions d’une des deux sociétés issues de la scission (si elle est cotée), ou en cas de fusion entre une société non cotée et une société cotée à la suite de laquelle l’actionnaire majoritaire de la société non cotée prend le contrôle de la société cotée.

145 DUCREY, p. 282 ss; contra TURIN / KLÄY (2001), p. 49; TURIN / KLÄY (1998), p. 50. 146 RS 221.411. 147 Une opération de restructuration ne pourra ainsi pas être inscrite au registre du

commerce si les autorisations imposées le cas échéant par le droit des cartels n’ont pas été obtenues. Cf. art. 105d, 106e et 108b de l’ORC modifiée le 21 avril 2004 en raison de l’introduction de la LFus; cf. aussi REICH (2003) ad art. 1 LFus, N. 23; THOMI, p. 446-449.

148 RS 954.1.

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Il en va de même, mutatis mutandis, de l’obligation d’annonce («Meldepflicht») prévue par l’art. 20 LBVM.

En cas de doute, il pourrait être prudent d’interpeller notamment la COPA. Lorsque, par exemple, les actionnaires de la société cible ont librement accepté la fusion et, par là même, le changement de contrôle, la COPA devrait être disposée à dispenser l’actionnaire qui acquiert le contrôle de l’obligation de présenter une offre. En revan-che, dans le cas où certains actionnaires de la société cible se sont vu imposer la fusion par l’actionnaire qui acquiert le contrôle, en l’absence de squeeze out il est probable que la COPA exige que les minoritaires disposent d’un droit de sortie, sous forme d’une offre en espèces (ou éventuellement de titres d’une autre société).

On retiendra en conclusion qu’un certain nombre d’opérations de restructuration pourraient donner lieu à des obligations en vertu de la LBVM. Il est donc prudent de considérer que, tout comme celles de la LCart, les dispositions de la loi sur les bourses demeurent réservées.

IV. CONCLUSION

S’agissant des concepts généraux, certains sont très novateurs. Ils requièrent de se doter d’une sorte de nouveau logiciel mental, que nous avons tenté d’esquisser.

Les points sensibles, voire controversés, sont nombreux. Nous en avons mis en évidence quelques-uns, que nous avons arbitrairement considérés comme intéressants ou en tout cas importants.

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TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION..............................................................................71

II. DES CONCEPTS DE BASE DE LA LOI ................................................72 A. Une matière unique au service d’une finalité .......................72

1. Les formes sociales: des instruments au service de l’entreprise .................................................................72

2. Les différentes formes de restructurations: des instruments au service de l’adaptation de la structure juridique de l’entreprise..................................................76 a. Panoplie et définitions...............................................76 b. Caractère interchangeable des formes de

restructurations..........................................................79 c. Procédure standardisée..............................................80 d. Simplification des fusions intragroupes

(art. 23 et 24 LFus)....................................................81 3. Les différentes disciplines du droit: des instruments

au service d’une approche globale..................................82 a. Facilitation des restructurations transnationales........83 b. Principe de la neutralité fiscale des restructurations .84

B. Les intérêts poursuivis et protégés (les parties prenantes)....85 1. L’économie dans son ensemble ......................................85 2. La sécurité du droit .........................................................85 3. La transparence...............................................................85 4. Les stakeholders traditionnels ........................................85 5. Le fisc .............................................................................86 6. Les PME .........................................................................86

III. DE QUELQUES QUESTIONS SENSIBLES ET CONTROVERSÉES............88 A. La définition du terme patrimoine........................................88 B. Le transfert des contrats .......................................................89 C. En cas de transformation, les dispositions applicables

à la «fondation»....................................................................90 1. Adaptation du capital......................................................91 2. Apports en nature............................................................93

D. La distinction entre la scission et le transfert de patrimoine (art. 69 al. 1 in fine LFus)..............................94

E. LFus: lex specialis?..............................................................96 1. Par rapport à la loi sur les cartels....................................96 2. Par rapport à la LBVM ...................................................97

IV. CONCLUSION .................................................................................98

BIBLIOGRAPHIE CITÉE .........................................................................99