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JEUR, 2005, 18, 20-24 © Masson, Paris, 2005 Article original Utilisation du défibrillateur externe semi-automatique en milieu rural Use of the automated external defibrillator in rural areas S. ROULEAU, J.-Y. LARDEUR, S. POUMAILLOUX, D. BAUDIER SAMU 86, Centre Hospitalier Universitaire, BP 577, 86021 Poitiers Cedex. RÉSUMÉ Objectifs : Evaluer l’efficacité du défibrillateur externe semi-automatique (DSA) utilisé par le personnel d’urgence, sur le devenir des patients victimes d’arrêt cardiaque extra-hospitalier (ACEH), d’étiologie cardiaque, dans le département de la Vienne. Patients, matériels et méthodes : Une cohorte de 76 patients victimes d’ACEH a été constituée de janvier 2002 à juin 2003. Pen- dant cette période, l’équipement des sapeurs-pompiers en DSA s’est fait progressivement. La cohorte de 76 patients a été divisée en 2 groupes : un premier groupe réanimé sans le DSA, un deuxième groupe réanimé avec l’appareil. Résultats : En ce qui concerne le rythme initial à la prise en charge par le personnel d’urgence, le nombre de fibrillations ventricu- laires est plus important dans le groupe ayant bénéficié du DSA (43 % vs 17 %, p < 0,05). Il n’y a pas de différence significative en terme de survie entre les deux groupes. Quatre patients réanimés sans DSA ont été hospitalisés contre 5 dans le groupe réanimé avec l’appareil (différence non significative). Un patient dans le groupe réanimé sans DSA était vivant à 1 mois contre 2 dans le groupe réanimé avec DSA. En ce qui concerne le délai d’accès à la défibrillation par rapport à la localisation géographique, il existe une différence significative entre les 2 groupes lorsque l’ACEH se produit à plus de 10 km de distance (11 minutes 55 pour les pompiers dans le premier groupe contre 27 minutes 14 pour le SMUR dans le deuxième groupe, p < 0,01). Conclusion : La présence d’un DSA dans les équipes de premiers secours permet d’homogénéiser les délais d’accès à la défibrilla- tion entre les populations rurales et urbaines. Nous avons pu mettre en évidence un nombre de fibrillations ventriculaires significative- ment plus important dans le groupe ayant bénéficié de l’appareil. Seulement, sur cette courte série, l’utilisation du DSA n’apporte pas de bénéfice en terme de survie pour les patients victimes d’ACEH. Mots-clés : Fibrillation ventriculaire. Arrêt cardiaque extra-hospitalier. Réanimation cardiaque. Défibrillateur externe semi- automatique. Population rurale. SUMMARY Objective : To assess the efficiency of automated external defibrillators (AED) used by emergency personnel in terms of outcome of out-of-hospital cardiac arrest in a rural area of France (Vienne). Patients, methods : From January 2002 to June 200, a group of 76 patients presented out-of-hospital cardiac arrest. During this pe- riod emergency fire departments were progressively equipped with AEDs. We divided the patients into 2 subgroups: in the first resusci- tation was performed without the AED, in the second with the device. Results : The frequency of ventricular fibrillation at the time of initial care by the emergency squad was higher in the subgroup treat- ed with the AED. There was no significant difference in terms of survival between the 2 subgroup. Four patients in the subgroup not treated with AED were admitted in hospital, 5 patients in the second subgroup. Among the patients resuscitated without an AED, one left hospital alive; 2 patients resuscitated with the AED left the hospital alive. There was a significant difference between the two subgroup in time to access to defibrillation (12 minutes in the AED treated subgroup 27 minutes in the non-AED treated subgroup) (out-of-hospital cardiac arrest occurring more than 10 km from the squad’s headquarters. Tirés à part : S. Rouleau, à l’adresse ci-dessus. E-mail : [email protected]

Utilisation du défibrillateur externe semi-automatique en milieu rural

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Page 1: Utilisation du défibrillateur externe semi-automatique en milieu rural

JEUR, 2005, 18, 20-24 ©Masson, Paris, 2005

Article original

Utilisation du défibrillateur externe semi-automatique en milieu rural

Use of the automated external defibrillator in rural areas

S. ROULEAU, J.-Y. LARDEUR, S. POUMAILLOUX, D. BAUDIER

SAMU 86, Centre Hospitalier Universitaire, BP 577, 86021 Poitiers Cedex.

RÉSUMÉ

Objectifs : Evaluer l’efficacité du défibrillateur externe semi-automatique (DSA) utilisé par le personnel d’urgence, sur le devenirdes patients victimes d’arrêt cardiaque extra-hospitalier (ACEH), d’étiologie cardiaque, dans le département de la Vienne.

Patients, matériels et méthodes : Une cohorte de 76 patients victimes d’ACEH a été constituée de janvier 2002 à juin 2003. Pen-dant cette période, l’équipement des sapeurs-pompiers en DSA s’est fait progressivement. La cohorte de 76 patients a été divisée en2 groupes : un premier groupe réanimé sans le DSA, un deuxième groupe réanimé avec l’appareil.

Résultats : En ce qui concerne le rythme initial à la prise en charge par le personnel d’urgence, le nombre de fibrillations ventricu-laires est plus important dans le groupe ayant bénéficié du DSA (43 % vs 17 %, p < 0,05). Il n’y a pas de différence significative en termede survie entre les deux groupes. Quatre patients réanimés sans DSA ont été hospitalisés contre 5 dans le groupe réanimé avec l’appareil(différence non significative). Un patient dans le groupe réanimé sans DSA était vivant à 1 mois contre 2 dans le groupe réanimé avecDSA. En ce qui concerne le délai d’accès à la défibrillation par rapport à la localisation géographique, il existe une différence significativeentre les 2 groupes lorsque l’ACEH se produit à plus de 10 km de distance (11 minutes 55 pour les pompiers dans le premier groupecontre 27 minutes 14 pour le SMUR dans le deuxième groupe, p < 0,01).

Conclusion : La présence d’un DSA dans les équipes de premiers secours permet d’homogénéiser les délais d’accès à la défibrilla-tion entre les populations rurales et urbaines. Nous avons pu mettre en évidence un nombre de fibrillations ventriculaires significative-ment plus important dans le groupe ayant bénéficié de l’appareil. Seulement, sur cette courte série, l’utilisation du DSA n’apporte pas debénéfice en terme de survie pour les patients victimes d’ACEH.

Mots-clés : Fibrillation ventriculaire. Arrêt cardiaque extra-hospitalier. Réanimation cardiaque. Défibrillateur externe semi-automatique. Population rurale.

SUMMARY

Objective : To assess the efficiency of automated external defibrillators (AED) used by emergency personnel in terms of outcomeof out-of-hospital cardiac arrest in a rural area of France (Vienne).

Patients, methods : From January 2002 to June 200, a group of 76 patients presented out-of-hospital cardiac arrest. During this pe-riod emergency fire departments were progressively equipped with AEDs. We divided the patients into 2 subgroups: in the first resusci-tation was performed without the AED, in the second with the device.

Results : The frequency of ventricular fibrillation at the time of initial care by the emergency squad was higher in the subgroup treat-ed with the AED. There was no significant difference in terms of survival between the 2 subgroup. Four patients in the subgroup nottreated with AED were admitted in hospital, 5 patients in the second subgroup. Among the patients resuscitated without an AED, one lefthospital alive; 2 patients resuscitated with the AED left the hospital alive. There was a significant difference between the two subgroupin time to access to defibrillation (12 minutes in the AED treated subgroup 27 minutes in the non-AED treated subgroup) (out-of-hospitalcardiac arrest occurring more than 10 km from the squad’s headquarters.

Tirés à part : S. Rouleau, à l’adresse ci-dessus.E-mail : [email protected]

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Conclusions : When emergency squads have an AED, the time to access to defibrillation becomes equivalent for the rural popu-lation and the urban population. We found that ventricular fibrillation was significantly more frequent when the AED was used. How-ever, in this limited sample, the use of AED did not provide any improvement in the survival of patients with out-of-hospital cardiacarrest.

Key-words: Ventricular fibrillation. Out-of-hospital cardiac arrest. Cardiac resuscitation. Automated external defibrillator. Ruralpopulation.

Le défibrillateur externe semi-automatique (DSA)est l’outil essentiel de la défibrillation précoce. Si sonutilisation est déjà ancienne aux Etats-Unis (plus de20 ans d’expérience) et dans les grandes zones urbainesfrançaises telles Paris et Lyon (plus de 10 ans d’expérien-ce) [1, 2, 3, 4, 5], l’utilisation de l’appareil dans le dépar-tement de la Vienne est récente. Les premiers appareilsont été installés à la fin de l’année 2001.

L’utilisation du DSA a permis de réduire significati-vement le délai d’accès à la défibrillation. Le délai entrel’appel et le premier choc ainsi que le retour à une circu-lation spontanée (RCS) sont les déterminants majeurs dela survie après une fibrillation ventriculaire (FV)[6].Dans le milieu urbain, l’efficacité du DSA est désor-mais reconnue. Une étude concernant la prise en chargedes arrêts cardiaques extra-hospitaliers (ACEH) par leDSA sur une période de 10 ans a mis en évidence un tauxde survie sans séquelles neurologiques à 40 % parmi lespatients pris en charge en FV. La survie à long terme deses patients serait similaire à celle d’un groupe de patientstémoins n’ayant pas été victimes d’ACEH [7]. Parailleurs, en ce qui concerne l’utilisation du DSA en mi-lieu rural, peu de données relatent l’efficacité de ces ap-pareils [8, 9, 10].

Dans notre travail, nous avons étudié l’apport du DSAsur le devenir des patients victimes d’ACEH. L’équipe-ment progressif sur plusieurs mois du personnel d’urgen-ce nous à permis d’évaluer l’impact de l’utilisation duDSA dans un département à vocation rural. Sur les76 ACEH étudiés, 28 ont bénéficié de l’utilisation duDSA. Les 48 autres ont été réanimés sans le DSA.

PATIENTS ET MÉTHODES

Le bassin de population concerné est représenté par ledépartement de la Vienne. Celui-ci est constitué d’un to-tal de 399 130 habitants, population à la fois rurale et ur-baine (sources INSEE, recensement 1999). Les premierssecours sont représentés dans la majorité des cas par lessapeurs-pompiers. Leur équipement en DSA s’est faitprogressivement, soit 39 DSA répartis sur 32 secteursd’intervention. À signaler qu’une compagnie d’ambulan-ce privée est équipée de l’appareil. Le matériel utilisé estle LIFEPACK 500.

Une cohorte de 76 patients victimes d’ACEH a étéconstituée de janvier 2002 à juin 2003. Cette cohorte à étédivisée en 2 groupes : le premier a bénéficié d’une réani-mation cardio-pulmonaire (RCP) avec le DSA si les équi-pes de secours disposaient d’un appareil ; le deuxième,pour lesquels les équipes de premiers secours n’étaientpas encore équipés du DSA, a reçu une RCP élémentaireidentique à celle effectuée jusqu’à présent. Les critèresd’inclusions étaient les suivants : âge > 18 ans, arrêt car-diaque d’étiologie cardiaque, réanimation envisagéeaprès confirmation de l’arrêt cardiaque. Les critères d’ex-clusions étaient les suivants : dossiers incomplets,âge < 18 ans, mauvaise utilisation du DSA.

Les équipes de premiers secours et les équipes médi-cales étaient déclenchées simultanément dès lors quel’alerte parvenue à l’un des numéros d’urgence (15, 18 ou112) laissait suspecter un ACEH. Dans les autres cas, leséquipes médicales étaient demandées secondairement parles équipes de premiers secours. Les délais d’interventionainsi que les distances entre le lieu de l’ACEH et le centrehospitalier dont dépendait l’équipe médicale ont été no-tées selon deux catégories : « moins de 10 km » et « plusde 10 km » afin de distinguer les interventions en milieuurbain et celles en milieu rural.

Les données des ACEH ont été recueillies selon lestyle d’Utstein, saisies sous le logiciel Microsoft EXELet analysées selon les tests du 2, de Fisher et de Student.

RÉSULTATS

Du 1er janvier 2002 au 31 juin 2003, 163 interven-tions SAMU dans le Vienne ont été réalisées pour arrêtcardiaque (AC). Parmi les 163 dossiers, 26 n’étaient pasexploitables ; 42 AC étaient d’étiologie non cardiaque ;19 dossiers parmi les 95 dossiers d’ACEH ont été exclus(4 AC intra-hospitaliers, 7 pour manque de données, 2 enraison d’une mauvaise utilisation du DSA, 6 par perte dutracé électrocardiographique du DSA). Ainsi, 76 dossiersont été inclus dans l’étude.

Le tableau I résume les caractéristiques des 76 pa-tients et des circonstances de l’ACEH : les lieux de sur-venue de l’arrêt cardiaque, les témoins présents aumoment de l’effondrement, les antécédents de la victimeet les gestes réalisés par les témoins présents. On peut ob-

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server que la majorité des arrêts cardiaques extra-hospi-taliers surviennent au domicile (78 % des cas) et que lafamille est le plus souvent présente lors de l’effondre-ment (66 % des cas). Dans 68 % des cas, les patientsn’ont pas d’antécédents notables connus. Seulement l’an-técédent le plus fréquemment retrouvé est la coronaropa-thie (20 % des cas), vient ensuite le diabète (10 % descas), puis l’obésité (4 % des cas). La moyenne d’âge despatients victimes d’arrêt cardiaque dans notre série est de61 ans, pour une médiane à 60 ans ; 75 % de ces 76 pa-tients sont des hommes. Enfin, 69 arrêts cardiaques (soit91 % des cas) ont eu lieu devant spectateurs, 6 arrêts car-diaques (soit 8 % des cas) ont eu lieu devant le personneld’urgence et 1 arrêt cardiaque a eu lieu sans témoin. Ence qui concerne la réanimation cardio-pulmonaire de

base réalisée par les témoins présents au moment de l’ef-fondrement, celle-ci est réalisée dans seulement 32 % descas, et dans 28 % des cas lorsque l’arrêt survient devantspectateurs.

Les délais d’intervention des premiers secours sontdécrits dans le tableau II. Pour une distance inférieure à10 km (milieu urbain), les délais moyens d’interventionsont de 10 minutes 41 secondes, contre 14 minutes 35 se-condes pour une distance supérieure à 10 km (milieu ru-ral). Les premiers secours interviennent plus rapidementen ville qu’à la campagne (p < 0,05). Néanmoins, le délaid’accès à la défibrillation en milieu rural est très signifi-cativement réduit lorsque le DSA est présent dans les vé-hicules de premiers secours : 11 minutes 55 secondespour le groupe avec DSA contre 27 minutes 14 secondespour le groupe sans DSA (p < 0,001). Cette différencen’est pas retrouvée en milieu urbain.

Le devenir des patients ayant présenté un ACEH estrésumé dans le tableau III. En ce qui concerne le rythmeinitial, on observe dans le groupe réanimé sans l’appareil(soit le rythme initial enregistré à l’arrivée de l’équipemédicale) 17 % de fibrillation ventriculaire (FV) ou ta-chycardie ventriculaire (TV). Dans le groupe réaniméavec le DSA, on observe 43 % de FV ou TV lors de lapose de l’appareil (17 % vs 43 %, différence significativep < 0,05). En ce qui concerne la survie, 4 patients réani-més sans DSA sont hospitalisés contre 5 dans le grouperéanimé avec DSA (différence non significative). Un pa-tient dans le groupe réanimé sans DSA était vivant à1 mois, contre 2 dans le groupe réanimé avec DSA dont1 sans séquelle neurologique.

DISCUSSION

Notre étude montre que l’utilisation du DSA permetd’homogénéiser le délai d’accès à la défibrillation entreles milieux ruraux et urbains. En effet, même si les pre-miers secours ont un délai d’intervention plus long ensecteur rural, l’utilisation du DSA dans ces secteurs di-minue le délai d’accès à la défibrillation, ce qui est ungain de chance pour ces populations. De plus, l’utilisa-tion du DSA permet de mettre en évidence un nombre

TABLEAU I. – Caractéristiques des patients victimes d’ACEH et descirconstances lors de l’effondrement.

Population totale

Caractéristiques Nombre Pourcentage

Total 76

Lieu de survenue

- domicile 59 78 %

- voie publique 6 8 %

- lieu public 4 5 %

- loisirs et sports 3 4 %

- établissement de soins 1 1 %

- autre 3 4 %

Témoins

- famille 50 66 %

- autres spectateurs 13 17 %

- médecin 8 11 %

- paramédicaux 8 11 %

- forces de l’ordre 1 1 %

Antécédents de la victime

- non connus 51 67 %

- coronariens 15 20 %

- diabète 10 13 %

- obésité 4 5 %

- néoplasique 1 1 %

TABLEAU II. – Comparaison des délais d’intervention des premiers secours selon la distance. Comparaison des délais d’accès à la défibrillation selonl’utilisation ou non du DSA.

Délai moyen d’arrivée des premiers secours, en minutes (écart-type) – Population totale (N = 76)

Distance < 10 km Distance > 10 km Significativité

10:41 (07:03) 14:35 (07:16) P < 0,05

Délai moyen d’accès à la défibrillation (minutes) Groupe réanimé avec DSA (N = 28)

Groupe réanimé sans DSA (N = 48)

Significativité

- Distance < 10 km 10:32 13:18 NS

- Distance > 10 km 11:55 27:14 P < 0,001

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plus important de FV lors de la prise en charge par le per-sonnel d’urgence. L’intervention plus rapide des équipesde premiers secours par rapport aux équipes SMUR enest la principale raison. Toutefois, nous n’avons pas misen évidence de différence en terme de survie entre lesdeux groupes selon l’utilisation ou non du DSA. Ces ré-sultats sont principalement expliqués par des délais d’in-terventions qui restent encore trop long : plus de10 minutes avant le premier choc. D’autre part, signalonsque la chaîne de survie n’est pas toujours exploitée dansson intégralité puisque seul 1 patient sur 3 bénéficied’une réanimation cardio-pulmonaire de base par les té-moins présents sur les lieux au moment de l’effondre-ment. Nous avons étudié la comparaison de nos résultatsavec deux études réalisées en milieu urbain (une étuderéalisée sur Paris concernant le devenir de 423 patientspris en charge avec le DSA [3] et une étude réalisée surLyon concernant l’évolution de 134 patients pris en char-ge avec l’appareil [2]) et une étude réalisée en milieu ru-ral (Espagne [8]). En ce qui concerne les pourcentages derythmes initiaux à la prise en charge par le personneld’urgence, l’étude parisienne retrouve 38 % de FV. Lesrythmes initiaux retrouvés dans l’étude lyonnaise mon-traient 49 % de FV. Que ce soit pour l’étude parisienneou pour l’étude lyonnaise, on observe une différence si-gnificative avec nos résultats en ce qui concerne notregroupe réanimé sans DSA (moins de FV dans notre étudepour le sous-groupe réanimé sans DSA, p < 0,01 %). Cet-te différence disparaît lorsque l’on compare leurs chiffresavec notre groupe pris en charge avec le DSA. Parailleurs, l’étude parisienne montrait une survie à 1 moisde 7 %, tous rythmes confondus. Ces résultats sont simi-

laires avec les nôtres, que ce soit pour le groupe réaniméavec l’appareil ou le groupe réanimé sans. L’étude lyon-naise retrouvait une survie à 1 mois de 12 %. On observeune différence significative avec notre groupe réanimésans DSA (12 % vs 2 %, p < 0,05). Cette différence dis-paraît avec les résultats obtenus dans notre groupe réani-mé avec l’appareil (12 % vs 7 %, ns). Récemment, uneétude concernant l’utilisation de l’appareil en Espagnedans une région rurale [8] a décrit le devenir des patientsvictimes d’ACEH et pris en charge par l’appareil. En cequi concerne le rythme initial, cette étude révélait 26 %de FV. Comparativement à nos résultats, il n’y a pas dedifférence significative, que se soit pour notre groupe réa-nimé avec l’appareil ou le groupe réanimé sans le DSA.La survie dans l’étude espagnole était de 3 %, tous ryth-mes confondus, soit également une absence de différencesignificative avec nos résultats.

L’utilisation du DSA lors des ACEH dans un secteurà la fois rural et urbain a permis d’obtenir une répartitiondes rythmes initiaux similaire à celle retrouvée dans lesétudes réalisées dans les grands secteurs urbains telsLyon ou Paris. Seulement notre étude ne met pas en évi-dence de différence concernant la survie. Il est vrai quele faible effectif de nos échantillons peut expliquer ce ré-sultat qui doit donc être confirmé. Mais il faut noter queles délais d’intervention restent toutefois supérieurs à10 minutes : 10 minutes 48 secondes, pour l’étude pari-sienne, 10 minutes 45 secondes pour l’étude lyonnaise,12 minutes 26 secondes pour notre étude. La plupart dessystèmes d’urgences américains se sont fixés un délaid’accès à la défibrillation inférieur à 8 minutes [11] pourespérer pouvoir améliorer la survie. Des efforts restent

TABLEAU III. – Devenir des patients selon l’utilisation ou non du DSA. Délais d’intervention.

Réa avec DSA Réa sans DSA

Devenir Nombre % Nombre % Significativité

ACEH, étiologie cardiaque 28 100,00 % 48 100,00 %

RCP par témoins 8 28,6 % 16 33,3 % NS

Rythme initial :

- FV/TV 12 43 % 8 17 % P < 0,05

- Asystole 15 54 % 39 81 % P < 0,05

- Autre 1 3 % 1 2 % NS

RCS 7 25 % 8 17 % NS

Admission en USI 5 18 % 4 8 % NS

Sorti vivant de l’hôpital 2 7 % 1 2 % NS

Sans séquelles neurologiques 1 4 % 0 0 % NS

Délai moyen avant Minutes Ecart-type Minutes Ecart-type Significativité

- Arrivée des 1er secours 11:11 06:03 13:10 07:03 NS

- Arrivée du SMUR 21:17 21:17 19:24 10:25 NS

- Premier choc 13:35 07:17 18:20 15:37 P < 0,01

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donc encore à faire pour réduire ce délai d’accès à la dé-fibrillation. Pour y remédier, l’éducation du public doitêtre majorée. Il faut sensibiliser la population à appeler le15 devant toute situation d’urgence. Après la réception del’appel, il faut encourager les gens à réaliser les gestes depremiers secours par des conseils téléphoniques. D’autrepart, trop peu de compagnies d’ambulances privées sontéquipées de l’appareil : or, ces équipes sont souvent con-frontées à des situations d’urgences et, comme nousl’avons vu, sont présents dans 11 % des ACEH. La pré-sence d’un DSA dans chaque véhicule permettrait de ré-duire le délai d’accès à la défibrillation. La réalisation dela chaîne de survie [12] dans son intégralité est un élé-ment incontournable pour améliorer le pronostic déjàsombre de l’ACEH.

CONCLUSION

L’utilisation du DSA a été étudiée dans une région àfaible densité de population. Nous avons pu confirmerque la présence d’un DSA dans les équipes de premier se-cours permet d’homogénéiser les délais d’accès à la défi-brillation entre les populations rurales et urbaines. Parailleurs, nous avons pu mettre en évidence un nombre deFV plus important lorsque l’appareil est utilisé. Seule-ment l’utilisation du DSA n’apporte pas de bénéfice enterme de survie pour les patients victimes d’ACEH : lesdélais d’interventions encore trop long sont la principaleraison de ces résultats. D’autre part, notre étude ne con-cerne qu’un échantillon de faible effectif. Ces résultatsdoivent donc être confirmés par une étude plus puissan-te.La chaîne de survie n’est efficace que si les 4 maillonssont exploités à part entière. Or, trop peu de patients bé-néficient de la RCP de base. Parallèlement aux effortspour réduire l’accès à la défibrillation précoce, l’éduca-tion du public et l’apprentissage aux gestes élémentairesde secours doit se généraliser. La modernisation de la pri-se en charge ne peut être que complémentaire aux techni-ques de base.

REMERCIEMENTS

Nous remercions le Dr Chabaud et son équipe de l’Obser-vatoire Régional de la Santé pour l’aide apportée à l’analyse sta-tistique.

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