Note de technique

Utilisation du skate-boarden rééducation

Ann. Kinésithér., 1982, 9, 153-165

Gérard PIERRON " Alain LEROY'

Les rééducations des membres inférieurs tenant compte de la réalitéfonctionnelle de ceux-ci se trouvent toujours confrontées à une mêmedifficulté, à savoir: concilier la précocité de la rééducation à partir destimulation plantaire et le respect des délais nécessaires aux cicatrisations,consolidations, ou renforcements des éléments lésés.

Afin de répondre à ces deux données, les praticiens doiventrigoureusement contrôler la progression de la remise en charge et dessollicitations musculo-tendineuses et arthro-ligamentaires enfonction de lapathomécanique propre à chaque cas. Dans cette optique, les auteursproposent l'utilisation de la planche à roulettes en rééducation. Ilsprécisent les possibilités de graduation des difficultés et détaillent unegamme d'exercices qui élargira la panoplie des rééducateurs.

La fonction essentiel Ile des membres inférieurs étant d'assurer lesdéplacements du corps, elle doit répondre à trois aspects: la sustentation,la propulsion et la réception. Une complexe et parfaite coordinationmusculaire est nécessaire pour la dynamique et la stabilisation desdifférentes articulations concernées. Tout programme de revalidation devratenir compte de ces faits et proposer des cinèses mettant en action deschaînes musculo-articulaires suivant des schémas identiques à ceuxutilisés lors de la déambulation, des activités quotidiennes ou sportives. Enoutre, ces rééducations doivent s'adapter à chaque cas, en fonction desfragilisations temporaires ou définitives de certains éléments anatomiques.

La planche à roulettes ou skate-board, de par ses multiplespossibilités, nous semble parfaitement répondre à ces impératifs,complétant en cela les exercices proposés par Castaing (1),Herveou-Messean (4) sur les plateaux, Dotte (2) sur escarpolette et parGenot (3) sur gyroplan.

1. M.C.M.K., Enseignant au Centre Pédagogique de Massa-Kinésithérapie, 12, rue du Val-d'Osne, 94410Saint-Maurice.

153

.. --..-.-.--...-----.---------------==========----=---------------=--

LA PLANCHE A ROULETTES

Cet appareil est constitué de trois éléments ffig. 1):- un plateau allongé de forme variable en bois, plastique ou métal

dont la face supérieure doit être anti-dérapante ;- quatre roues montées sur roulement à bille assurent le déplacement

de façon comparable à celui d'un patin à roulettes;- deux « trucks », pièces de jonction entre les roues et le plateau, sont

les éléments originaux de l'appareil (fig. 2). Constitués de 2 axes obliquesmontés sur bague de caoutchouc, ils permettent une certaine mobilité desessieux par rapport au plateau.

Le skate-board offre donc 3 possibilités de déplacement:- un mouvement de translation longitudinale assuré par le roulement

des roues;

- un mouvement d'inclinaison du plateau suivant un axe longitudinal,comparable à celui obtenu sur le plateau rectangulaire de Castaing;

- un mouvement de gyration des essieux mécaniquement lié par les« trucks» à l'inclinaison latérale et donnant à l'ensemble de la planche lapossibilité de virer ffig. 3 et 4).

FIG. 1. - Skate-board (vue d'ensemble). FIG. 2. - Truck (détail).

FIG. 3 et 4. - Rotation des essieux par inclinaison du plateau.

154

Les réglages

Le roulement (ou translation longitudinale) est fonction du revêtementsur lequel évolue la planche. Une surface dure et lisse n'oppose pas derésistance à l'avancée, un sol mou constitue, par contre, un frein efficaceau roulement. Tapis brosse, tapis mousse, moquette, parquet offrent toutesles possibilités d'une progression. De plus, si cela est nécessaire, la piste deroulement peut être aménagée entre 2 barres parallèles.

L'inclinaison et la rotation sont inversement proportionnelles à lacompression de la bague de caoutchouc des trucks. Ceci est possible parl'intermédiaire d'un boulon de serrage (fig. 5).

FIG. 5. - Le truck.

Flèche blanche: bague decaoutchouc.

Flèche noir., : boulon de serrage.

Les indications

Un appareil combinant 3 déplacements avec une possibilité de réglagedonc de progression parfaitement contrôlée est un matériel dontl'utilisation s'envisage aisément face à des objectifs aussi différents que:

- la mobilisation auto-passive en décharge d'une articulationarthrosique ou traumatique encore fragile;

- le renforcement musculaire en chaîne fonctionnelle dans le cadred'une rééducation en neurologie ou en traumatologie;

- la reprogrammation neuromotrice en charge, finalité de touterééducation.

155

LES EXERCICES ASSIS

1. Le banc mobile (fig. 6)

La planche est placée sur un banc suédois. Le sujet, assis sur leplateau, les 2 pieds ancrés au sol, exécute des mouvements de translationà droite ou à gauche.

Lors d'une translation droite: le membreinférieur gauche est en abduction horizontaleet rotation interne de hanche, rotation inter­ne de genou, varus supination du pied. Lemembre inférieur droit est dans la positioninverse. Ces deux attitudes s'inversent lorsd'une translation gauche.

Remarque: une résistance manuelle peutêtre opposée au déplacement.

FIG. 6. - Le banc mobile.

FIG. 7. - Marche avec appui 1"' rayon.

FIG. 8. - Marche avec appui 5" rayon.

FIG. 6

156

(

2. les marches (fig. 7 et 8)

Le sujet, assis sur la planche, se déplace vers l'avant ou l'arrière partraction ou pulsion sur le 18r ou le 58 rayon du pied. Cet exercice travailleplus particulièrement les chaînes de triple flexion ou de triple extension,avec composantes de stabilisation externe ou interne du genou et du pied.

3. le cyclo-rameur (fig. 9 et 10)

Le sujet est dans la même position que pour les marches. Les piedssont fixés à l'espalier, il réalise une triple flexion ou triple extension.

Remarque: Un système poids-poulie ou des élastiques peuventopposer une résistance à l'un ou à l'autre de ces mouvements.

Variante: La planche placée sur un plan incliné offre une autrepossibilité d'augmenter la difficulté.

FIG. 9 et 10. - Cycla-rameur sur plan incliné.

4. « la navette)) (fig. 11 et 12)

Cette fois le sujet est assis sur un tabouret, les pieds au contact de laplanche. La translation s'effectue, soit dans un plan frontal réalisantl'équivalent du banc mobile en décharge complète, soit dans le plansagittal avec flexion de hanche, extension de genou et de tibio-tarsiennedans le déplacement antérieur, et, inversement, dans le déplacementpostérieur. Exercices de simple mobilisation sans contrainte ou depréparation à la marche.

157

FIG. 11. - La navette, déplacement frontal.FI G. 12. - La navette, déplacementsagittal.

FI G. 13.Pied à roulettes,déplacement frontal+ résistance.

FIG. 14

FIG. 14 et 15. - Pied à roulettes, déplacement diagonal. "---

158

FIG. 16 et 17. - Genou à roulettes.

LES EXERCICES EN CHEVALIER-SERVANT

1. Le pied à roulettes (fig. 13)

Le sujet est agenouillé sur son membre inférieur sain, le pied du côtélésé repose sur la planche.

Les translations frontales réalisent une adduction horizontale et ro­tation externe de hanche, rotation externe de genou, valgus pronation dupied. Des résistances manuelles peuvent être opposées par le thérapeute.Alors que les translations diagonales (fig. 14 et 15) ajoutent unecomposant de flexion-extension du membre inférieur.

Le travail de stabilisations rotatoires du genou et du complexecheville-pied en fait un exercice de choix dans les atteintes de cesarticulations.

2. Le genou à roulettes (fig. 16 et 17)

Le membre inférieur sain est agenouillé sur la planche, le membre léséprend appui sur le sol.

159

Les déplacements frontaux ou diagonaux donnent des exercicessimilaires aux précédents mais avec un recrutement musculaire d'intensitéélevée et en chaîne fermée.

N.B. : Le travail musculaire du pied sera d'autant plus important que"ancrage ne s'effectue que par un appui antérieur digitigrade.

LES EXERCICES DEBOUT

1. La paille de fer (fig. 18)

Le membre inférieur sain repose au sol, le membre inférieur lésé estsur la planche. Un déplacement sagittal associant flexion et rotationexterne de hanche ou extension et rotation interne, réalise un exercicede réapprentissage du pas pelvien avec un appui très partiel.

La stimulation manuelle facilite cette rééducation (fig. 19).

Les déplacements diagonaux (fig. 20) permettent d'y ajouter unecomposante d'adduction-abduction. Le pied et le genou sont concernés parces exercices, ils peuvent même être privilégiés dans un travail d'appuiplantaire interne ou externe en réalisant un déplacement courbe en dehorsou en dedans (fig. 21).

Remarque: Un travail de stabilité globale du membre inférieur lésé encharge totale peut être obtenu en plaçant ce dernier au sol, alors que lemembre inférieur sain est sur la planche.

160

FIG. 18. - La paille de fer. FIG. 19. - Pas pelvien.

\ FIG. 20. - Déplacements

diagonaux.

2. Le chassé-croisé (fig. 22 et 23)

FIG. 21. - Déplacementscourbes.

Exercice semblable au précédent mais le déplacement de la planches'effectue frontalement, soit en avant, soit en arrière du sujet, doncmobilisation en abduction ou adduction de la hanche. Là encore, lethérapeute peut doser manuellement l'intensité des résistances opposées àces mouvements.

La paille de fer en diagonale ou le chassé-croisé exécutés avecdéplacement du skate-board sur un plan plus ou moins incliné (fig. 24 et25) permettent de reproduire des schémas globaux tridimentionnelsn'étant pas sans rappeler les cinèses de Kabat (5).

FIG. 22. - Chassé-croisé avant. FIG. 23. - Chassé-croisé arrière avec résistance.

161

~.:.-:--- --~-FIG. 24. - Chassé-croisé avant vers ADDsur plan incliné.

FIG. 26. - Chassé-croisé avant vers ABD

appui 5" rayon.

FIG. 25. - Chassé-croisé arrière vers ADD.

FIG. 27. - Paille de fer diagonale vers ABD-Ext.Appui 1e' rayon.

La position du pied sur la planche offre la possibilité d'un travail électifdu 1er ou 5e rayon digito-métatarsien (fig. 26 et 27).

Une charge additionnelle sous forme de sac de sable peut augmenterla difficulté de réalisation des exercices.

162

3. Le wagon

Le sujet est debout sur la planche, tracté par le thérapeute qui contrôleéventuellement l'équilibre. Une progression rigoureuse dans la sollicitationdes éléments neuro-musculaires et ligamentaires déficients peut êtreobtenue par modification des appuis.

En effet, lors de la station bipodale plantigrade pieds joints ffig. 28),l'aide motrice et s'ensitive apportée par le membre inférieur sain est trèsimportante.

Cette aide diminue si le sujet est positionné en fente avant sur sonpied lésé ffig. 29). L'appui digitigrade, côté sain ffig. 30) n'offre plus qu'unconcours sensitif par utilisation de circuits proprioceptifs intègres. Enfin,l'appui unipodal sur le membre inférieur lésé d'abord en plantigrade ffig.31 ), puis en digitigrade ffig. 32), complète cette graduation de la difficulté.De même, les déplacementsrectilignes au début puis cur-vilignes et sinusoïdaux de-manderont un contrôle neuro-moteur de plus en plus fin.

FIG. 29. - Le wagon: double appui plantigrade.

FIG.28.Le wagon:pieds parallèles etinclinaison latérale.

FIG. 30. - Le wagon: appui digitigradedu pied sain: contr61e sensitif.

163

FIG. 31. - Le wagon: appui plantigrademonopodal.

-

FIG. 32. - Le wagon: appui digitigrademonopodal.

4. La patinette

FIG. 33. - La patinette: appuidigitigrade.

Le sujet appuie son membre inférieur lésé sur la planche et se propulselui-même par poussées successives du membre inférieur sain au sol.

Le pied reposant sur le skate peut être soit en appui plantigrade, soiten appui digitigrade (fig. 33), dans ce dernier cas, l'exercice est très difficileet ne doit être proposé qu'avec réserve.

CONCLUSION

Cette présentation n'est pas exhaustive quant aux possibilités duskate-board et il est tout à fait possible d'imaginer encore son utilisationlors de reptations en rééducation enfantile, ou encore en traumatologie dumembre supérieur par exemple, et nous laissons le souci à nos confrères decompléter eux-mêmes la batterie proposée.

164

Références

1. CASTAING (J.), DELPLACE (J.). - Place de la rééducation proprioceptive dans lesinstabilités musculo-ligamentaires externes de la cheville. Annales Méd. Phys., 1975, 18, 605-619.

2. DOTTE (P.). - Cinésiologie et kinésithérapie de la stabilité rotatoire du genou. Ann.Kinésithér., 1976, 3, 23-44.

3. GENOT (C.). - Le gyroplan et la rééducation proprioceptive du genou. Ann. Kinésithér.,1979, 6, 421.

4. HERVEOU (C.), MESSEAN (L.). - Technique de rééducation et d'éducation proprioceptive.Maloine, Paris, 1976.

5. KNOTT (M.). VOSS (D.-E.). - Facilitation neuro-musculaire proprioceptive. Maloine, Paris,1977.

6. LEROY (A.), PIERRON (G.). - La kinésithérapie des chevilles traumatisées. Film Sup. 8,Vidéo-Med., Paris, 1980.

7. PENINOU (G.), PIERRON (G.), LEROY (A.). - La kinésithérapie des genoux traumatisés.Film Sup. 8, Vidéo-Med., Paris, 1980.

165