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Validation de la version française du Movement Imagery Questionnaire (MIQ) JEAN LORANT et LAURENT GAILLOT Université de Nice Sophia-Antipolis Revue canadienne des sciences du comportement, 2004, 36:1, 30-35 Résumé L’objectif de cette étude est de valider une version française du Movement Imagery Questionnaire (Hall & Pongrac, 1983). Les analyses portent sur une population de 127 hommes et 68 femmes. Les résultats montrent une validité de construit (avec la totalité de la population) et une fiabilité test-retest (avec 26 participants) comparables à celles de la version anglaise. Les résultats suggèrent qu’un certain nombre de facteurs tels que le niveau de pratique, le temps de pratique, le sexe et le type de pra- tique devront être pris en compte dans des études futures pour affiner les réponses relatives à sa validité prédictive. Abstract The objective of this study was to get a valid and reliable French version of the Movement Imagery Questionnaire (Hall & Pongrac, 1983). Using a sample of 127 men and 68 women, the results showed that the French version had construct validity and reliability comparable to those found with the English version. The findings suggest that level of practice, duration of practice, sex, and nature of practice are factors that should be integrated in future studies in order to improve predictive validity. Conçu par Hall et Pongrac (1983), le Movement Imagery Questionnaire (MIQ) est constitué de deux échelles visuelle et kinesthésique comprenant cha- cune neuf items et comporte quatre étapes : la description d’une position de départ, la description d’une action à exécuter, sa réalisation et, selon l’échelle, la facilité ou la difficulté pour le sujet de visualiser ou de ressentir la réalisation de cette tâche. Les actions à exécuter, similaires dans chaque échelle, concernent le membre supérieur, le membre inférieur, la globalité du corps, des sauts, des sauts en rotation et des enroulements. La validité de construit et la fiabilité test-retest du MIQ ont été confirmées par Hall, Pongrac et Buckolz (1985) et Atienza, Balaguer et Garcia-Merita (1994). Hall et al. (1985) mettent en évidence des coefficients de consistance interne 1 respectifs de ,87 et ,91 pour les échelles visuelle et kinesthésique et un coefficient de fiabilité test-retest de ,83, identique pour les deux échelles, avec un délai d’une semaine. Atienza et al. (1994) trouvent des valeurs très proches ou iden- tiques : ,89 et ,88 pour les échelles visuelle et kinesthésique et ,83 pour la fiabilité test-retest. De plus, Atienza et al. (1994), au moyen de l’analyse fac- torielle en composantes principales, confirment la validité de construit du questionnaire en dégageant sa structure bifactorielle. Si la validité de construit et la fiabilité sont des étapes incontournables dans l’élaboration d’un ques- tionnaire censé mesurer une capacité, les chercheurs et les praticiens s’intéressent aussi à la validité pré- dictive : la capacité d’imagerie permet-elle d’être plus performant dans l’apprentissage et la réalisation d’un mouvement? Goss, Hall, Buckolz et Fishburne (1986) montrent que ceux qui visualisent bien l’image et ressentent bien le mouvement effectuent moins d’es- sais pour apprendre un mouvement que ceux qui la visualisent bien et le ressentent faiblement. Hall, Buckolz et Fishburne (1989) mettent en évidence que les sujets les plus imageants ne sont pas plus perfor- mants que les sujets les moins imageants dans la remémoration de mouvements simples mais qu’en revanche, ils sont plus précis dans leur reproduction. Ces études confirment la validité prédictive du MIQ au sens où il permet une prédiction acceptable en regard du nombre de répétitions nécessaire à l’ap- prentissage d’un geste et de la précision de son exé- cution. En revanche, les études mettant en relation la capacité d’imagerie et le niveau d’habileté motrice sont contradictoires : Mumford et Hall (1985) mon- trent que plus le niveau des patineurs artistiques est élevé, meilleur est le niveau d’habilité d’imagerie kinesthésique alors que Jowdy et Harris (1990) trou- vent que des sujets peu habiles pour jongler avec des balles obtiennent un meilleur score à l’échelle d’ha- bilité d’imagerie kinesthésique. Le faible nombre d’é- tudes et l’insuffisance de la cohérence des critères et des méthodes utilisés ne permettent pas de trancher définitivement cette question. L’objectif de cette recherche est d’éprouver la validité de construit (structure factorielle et cohérence interne) et la fidélité entre deux passations 1 α de Cronbach (Cronbach, 1951).

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Validation de la version française du Movement Imagery Questionnaire (MIQ)

JEAN LORANT et LAURENT GAILLOTUniversité de Nice Sophia-Antipolis

Revue canadienne des sciences du comportement, 2004, 36:1, 30-35

RésuméL’objectif de cette étude est de valider une versionfrançaise du Movement Imagery Questionnaire (Hall &Pongrac, 1983). Les analyses portent sur une populationde 127 hommes et 68 femmes. Les résultats montrent unevalidité de construit (avec la totalité de la population) etune fiabilité test-retest (avec 26 participants) comparablesà celles de la version anglaise. Les résultats suggèrentqu’un certain nombre de facteurs tels que le niveau depratique, le temps de pratique, le sexe et le type de pra-tique devront être pris en compte dans des études futurespour affiner les réponses relatives à sa validité prédictive.

AbstractThe objective of this study was to get a valid and reliableFrench version of the Movement Imagery Questionnaire(Hall & Pongrac, 1983). Using a sample of 127 men and68 women, the results showed that the French versionhad construct validity and reliability comparable to thosefound with the English version. The findings suggestthat level of practice, duration of practice, sex, and natureof practice are factors that should be integrated in futurestudies in order to improve predictive validity.

Conçu par Hall et Pongrac (1983), le MovementImagery Questionnaire (MIQ) est constitué de deuxéchelles visuelle et kinesthésique comprenant cha-cune neuf items et comporte quatre étapes : ladescription d’une position de départ, la descriptiond’une action à exécuter, sa réalisation et, selonl’échelle, la facilité ou la difficulté pour le sujet devisualiser ou de ressentir la réalisation de cette tâche.Les actions à exécuter, similaires dans chaque échelle,concernent le membre supérieur, le membre inférieur,la globalité du corps, des sauts, des sauts en rotationet des enroulements.

La validité de construit et la fiabilité test-retest duMIQ ont été confirmées par Hall, Pongrac et Buckolz(1985) et Atienza, Balaguer et Garcia-Merita (1994).Hall et al. (1985) mettent en évidence des coefficientsde consistance interne1 respectifs de ,87 et ,91 pour les

échelles visuelle et kinesthésique et un coefficient defiabilité test-retest de ,83, identique pour les deuxéchelles, avec un délai d’une semaine. Atienza et al.(1994) trouvent des valeurs très proches ou iden-tiques : ,89 et ,88 pour les échelles visuelle etkinesthésique et ,83 pour la fiabilité test-retest. Deplus, Atienza et al. (1994), au moyen de l’analyse fac-torielle en composantes principales, confirment lavalidité de construit du questionnaire en dégageantsa structure bifactorielle.

Si la validité de construit et la fiabilité sont desétapes incontournables dans l’élaboration d’un ques-tionnaire censé mesurer une capacité, les chercheurset les praticiens s’intéressent aussi à la validité pré-dictive : la capacité d’imagerie permet-elle d’être plusperformant dans l’apprentissage et la réalisation d’unmouvement? Goss, Hall, Buckolz et Fishburne (1986)montrent que ceux qui visualisent bien l’image etressentent bien le mouvement effectuent moins d’es-sais pour apprendre un mouvement que ceux qui lavisualisent bien et le ressentent faiblement. Hall,Buckolz et Fishburne (1989) mettent en évidence queles sujets les plus imageants ne sont pas plus perfor-mants que les sujets les moins imageants dans laremémoration de mouvements simples mais qu’enrevanche, ils sont plus précis dans leur reproduction.Ces études confirment la validité prédictive du MIQau sens où il permet une prédiction acceptable enregard du nombre de répétitions nécessaire à l’ap-prentissage d’un geste et de la précision de son exé-cution. En revanche, les études mettant en relation lacapacité d’imagerie et le niveau d’habileté motricesont contradictoires : Mumford et Hall (1985) mon-trent que plus le niveau des patineurs artistiques estélevé, meilleur est le niveau d’habilité d’imageriekinesthésique alors que Jowdy et Harris (1990) trou-vent que des sujets peu habiles pour jongler avec desballes obtiennent un meilleur score à l’échelle d’ha-bilité d’imagerie kinesthésique. Le faible nombre d’é-tudes et l’insuffisance de la cohérence des critères etdes méthodes utilisés ne permettent pas de trancherdéfinitivement cette question.

L’objectif de cette recherche est d’éprouver lavalidité de construit (structure factorielle etcohérence interne) et la fidélité entre deux passations1 α de Cronbach (Cronbach, 1951).

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de la version française du MIQ ainsi que d’étudierl’influence de facteurs comme le sexe, le niveau depratique et le temps de pratique.

MéthodeParticipants

Cent-quatre-vingt-quinze sujets (127 hommes et 68femmes) âgés en moyenne de 19,5 ans (minimum :15, maximum : 34 ans, écart-type : 2,46) ont participéà cette recherche. Ils sont tous étudiants et étudiantes,de la classe de seconde de lycée au Diplôme d’étudesapprofondies (DEA), 59 % sont étudiants et étu-diantes de première année, majoritairement en fac-ulté des sciences de sport. Ils reportent le type d’ac-tivité sportive dominante, le nombre d’années depratique dans cette activité ainsi que leur niveau depratique sportive, réparti sur la base de quatre caté-gories pré-établies : International : 15,89 %; National :30,26 %; Départemental : 30,26 %; Loisir : 23,59 %.

ProcédureAprès avoir traduit le questionnaire de l’anglais

au français, nous avons demandé à un sujet parfaite-ment bilingue de le retraduire du français à l’anglais,de comparer ensuite les versions et de faire les adap-tations nécessaires. Dans la mesure où il y avait peude corrections à apporter, nous n’avons pas jugé utiled’employer la procédure de Vallerand et Halliwell(1983), plus pertinente lorsque l’on suspecte des dif-férences d’appréciation ou d’interprétation liées auxfacteurs culturels, ce qui pourrait être le cas dans lesétudes touchant aux opinions, attitudes, représenta-tions ou dans tout questionnaire mettant en jeu desdifférences liées aux aspects sémantiques ou cul-turels. Afin de faciliter le report de l’estimation dusujet, l’échelle en sept points a été utilisée pourchaque item.

PassationElle s’est déroulée sur une période de deux mois.

Tous les questionnaires ont été administrés dans ungymnase calme dans des conditions standardisées.Pour des raisons de disponibilité ou de déplacement,certains participants ont effectué la passation sur leurlieu de pratique dans les conditions ci-dessus. La sec-onde passation, destinée à contrôler la fidélité, s’estdéroulée trois semaines après la première avec 26sujets.

RésultatsAfin de mettre en évidence la structure bifacto-

rielle du questionnaire, de mesurer la consistanceinterne des échelles et d’apprécier la fidélité, nousavons respectivement, utilisé l’analyse factorielle en

composantes principales, mesuré l’α de Cronbach(Cronbach, 1951), le coefficient de corrélation deBravais-Pearson et l’analyse de variance intra-groupeavec deux mesures répétées. L’appréciation de la dif-férence entre les groupes a été testée au moyen dutest t pour échantillons indépendants en mode uni-latéral. L’analyse de variance à deux facteurs croisésa permis de faire apparaître l’action des facteurs etleur éventuelle interaction. La normalité des distribu-tions a été vérifiée au moyen du test de Kolmogorov-Smirnov. La valeur du niveau p a été fixée à ,05.

Validité de construit et fidélitéL’analyse factorielle en composantes principales

met en évidence de manière très claire les deuxdimensions visuelle et kinesthésique qui contribuentpour près de 54 % de la variance expliquée. Le poidsfactoriel de chacun des items dans les deux facteursvisuel et kinesthésique est clairement présenté dansle Tableau 1.

La cohérence interne des deux échelles est très sa-tisfaisante. Pour les échelles visuelle et kinesthésique,l’α de Cronbach est respectivement de ,87 et de ,91.Aucun item, s’il était supprimé, ne vient modifier savaleur de plus de ,02 point.

Alors même qu’il existe une corrélation entre lesvaleurs moyennes obtenues à chaque échelle,r(195) = ,58, p < ,01, le coefficient de détermination,c’est-à-dire la proportion de dispersion commune àces deux échelles est très modeste (,33), confirmantqu’il s’agit de deux mesures différentes.

TABLEAU 1Analyse factorielle en composantes principales : poids factoriel

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––Facteur 1 Facteur 2

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––Visuel 1 ,28 ,47Visuel 2 ,37 ,61Visuel 3 ,29 ,48Visuel 4 ,26 ,71Visuel 5 ,24 ,75Visuel 6 ,09 ,70Visuel 7 ,13 ,80Visuel 8 ,18 ,70Visuel 9 ,20 ,67Kinesthésique 1 ,76 ,16Kinesthésique 2 ,59 ,28Kinesthésique 3 ,69 ,33Kinesthésique 4 ,70 ,15Kinesthésique 5 ,71 ,27Kinesthésique 6 ,75 ,18Kinesthésique 7 ,79 ,20Kinesthésique 8 ,76 ,25Kinesthésique 9 ,75 ,24Variance expliquée 5,25 4,46––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

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La fiabilité test-retest a été établie avec un échantil-lon de 26 sujets. Pour l’échelle visuelle r(26) = ,88,p < ,01 et pour l’échelle kinesthésique r(26) = ,87,p < ,01. Les valeurs observées entre le test et le re-testsont très proches : M = 17,35, SD = 6,16, M = 17,81pour l’imagerie visuelle, SD = 6,50 et M = 23,54,SD = 12,67, M = 24,88, SD = 12,02 pour l’imageriekinesthésique. L’analyse de variance intra-groupe àdeux mesures répétées garantit l’absence de dif-férence entre les résultats de la première et de ladeuxième passation, F(1, 25) = ,57, p = ,46 et F(1, 25) =1,19, p = ,29.

Liens avec le sexe, le niveau de pratique et le temps de pratique

Les résultats moyens obtenus aux échelles visuelleet kinesthésique sont respectivement de 17,53 et 22,07(étendue : 9 - 63), chaque score individuel étant con-

stitué de la somme des items composant chaqueéchelle (un score faible indique une bonne capacitéd’imagerie). Le test de Kolmogorov-Smirnov nedétecte pas d’écart à la normalité pour l’échellevisuelle d = 0,98, p > ,05, et pour l’échelle kines-thésique d = 0,96, p > ,05.

Les hommes et les femmes ne se distinguent passur les résultats moyens respectifs obtenus auxéchelles visuelle et kinesthésique t(195) = 1,32, p = ,09et t(195) = -0,76, p = ,22. Les moyennes, effectifs etécart-types sont consignés dans le Tableau 2.

Afin d’obtenir des effectifs convenables danschaque catégorie, nous avons regroupé les niveauxLoisir et Départemental pour créer la catégorie « pra-tique modérée » (N = 105) et les niveaux National etInternational pour créer la catégorie « pratiqueintense » (N = 90).

On observe que les femmes à pratique intense ont

TABLEAU 2Moyenne, effectif et écart-type selon le sexe, le niveau de pratique et le temps de pratique

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––Imagerie visuelle Imagerie kinesthésique

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––Moyenne Effectif Ecart-type Moyenne Effectif Ecart-type

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––Sexe

Hommes 18,01 127 6,89 21,67 127 8,41Femmes 16,63 68 7,05 22,81 68 12,50

Niveau de pratiqueModéré 18,21 105 6,65 23,54 105 10,47Intense 16,73 90 7,25 20,34 90 9,20

HommesModéré 18,26 69 6,09 22,22 69 8,15Intense 17,71 58 7,78 21,02 58 8,73

FemmesModéré 18,11 36 7,71 26,08 36 13,66Intense 14,97 32 5,91 19,13 32 10,03

Temps de pratique- de 5 ans 19,40 67 7,67 24,06 67 10,27+ de 10 ans 16,00 56 5,22 20,12 56 9,50

Hommes- de 5 ans 19,91 46 7,87 22,59 46 8,95+ de 10 ans 16,70 37 5,66 19,70 37 6,67

Femmes- de 5 ans 18,29 21 7,26 27,29 21 12,34+ de 10 ans 14,63 19 4,02 20,95 19 13,64

Pratique modérée- de 5 ans 18,39 46 7,11 24,00 46 10,84+ de 10 ans 17,91 22 4,64 21,50 22 9,96

Pratique intense- de 5 ans 21,62 21 8,53 24,19 21 9,17+ de 10 ans 14,76 34 5,26 19,24 34 9,24

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

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respectivement une plus grande capacité d’imagerievisuelle et kinesthésique que celles qui ont une pra-tique modérée t(68) = 1,87, p < ,05 et t(68) = 2,37,p < ,05. Chez les hommes, on n’observe aucun effetde la pratique sur l’imagerie alors que pour l’ensem-ble de la population l’effet de la pratique intense estsignificatif uniquement sur l’imagerie kinesthésiquet(195) = 2,25, p < ,05.

Compte tenu de l’homogénéité de notre popula-tion sur le plan de l’âge (19,5 ± 2,46), nous n’avons puconstituer deux catégories d’âge distinctes et consis-tantes sur le plan de l’effectif. En revanche, la vari-able temps de pratique dans l’activité nous a permisde constituer, sur la base des fréquences observées,trois catégories aux effectifs proches dont nous avonsétudié les deux tiers extrêmes : moins de cinq ans etplus de 10 ans de pratique, délaissant le tiers médian(plus de cinq ans à moins de 10 ans de pratique). Surl’ensemble de la population, ceux qui ont une plus

longue pratique de l’activité ont une plus grandecapacité d’imagerie visuelle et kinesthésiquet(123) = 2,82, p < ,01 et t(123) = 2,19, p < ,05. Chez leshommes comme chez les femmes, seule la capacitéd’imagerie visuelle est meilleure chez ceux qui ont lapratique la plus longue, respectivement t(83) = 2,08,p < ,05 et t(40) = 1,94, p < ,05.

L’examen concomitant de la variable type de pra-tique (modéré ou intense) et du temps passé à la pra-tique (moins de cinq ans et plus de 10 ans) est intéres-sant en ce qui concerne l’imagerie visuelle2. L’analysede variance à deux facteurs croisés met en évidenceun effet principal du temps de pratique et une inter-action entre le temps de pratique et le type de pra-tique comme le montre le Tableau 3.

Tableau 3Analyse de variance à deux facteurs croisés (niveau de pratique x temps de pratique) pour l’imagerie visuelle

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––SC dl MC F p

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––Niveau de pratique (modéré/intense) 0,05 1 0,05 0,00 ,9733Temps de pratique (- de 5 ans/+ de 10 ans) 373,20 1 373,20 8,72 ,0038Niveau de pratique x Temps de pratique 281,53 1 281,53 6,58 ,0116Erreur 5093,84 119 42,81–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Figure 1. Capacité d’imagerie visuelle en fonction du niveau de pratique et du temps de pratique. Un score faible indique une bonne capacité d’imagerie.

2 Compte tenu des effectifs générés par l’examen de ces deuxvariables, nous n’adjoindrons pas l’examen concomitant de lavariable sexe.

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Cet effet est illustré par la Figure 1. Aucun effetsignificatif n’est mis en évidence concernant l’im-agerie kinesthésique.

DiscussionLes résultats moyens obtenus à chaque échelle

sont proches de ceux obtenus par Goss et al. (1986) etpar Hall et Martin (1997). Nous confirmons la struc-ture bifactorielle du questionnaire à l’instar deAtienza et al. (1994). La cohérence interne des deuxéchelles est également confirmée avec l’effectif con-séquent de notre étude. Les valeurs des α deCronbach ainsi que la corrélation test-retest sontidentiques à celles de Hall et al. (1985). En revanche,il apparaît que le niveau de pratique ne soit pas unélément suffisant pour contribuer à la capacité d’im-agerie visuelle : il faut qu’il soit associé à un temps depratique suffisant. En effet, l’interaction constatéenous oblige à reconsidérer l’effet principal du tempsde pratique : la capacité d’imagerie visuelle n’estsupérieure que dans le cas où il y a conjonction avecune pratique intense (avec les deux modalitésopposées de ces variables, elles sont inférieures). Sinous n’obtenons pas d’effet significatif avec la capac-ité d’imagerie kinesthésique, il semble que les ten-dances que nous avons observées s’orientent dans lemême sens que pour l’imagerie visuelle. De plus,lorsque nous travaillons avec un questionnaire, noussommes confrontés au problème des variables invo-quées et à leur aspect statique au sens où l’on « pho-tographie » un état à un moment donné comme c’estle cas dans les études transversales. En outre, cesvariables invoquées font appel à des catégories dontla définition n’est pas toujours clairement établie ethomogène : temps de pratique, niveau de pratique etmême type d’activité auxquelles nous pouvonsajouter la pratique de l’imagerie mentale et la partici-pation antérieure à des questionnaires d’imageriementale. Les observations longitudinales ou l’expéri-mentation, alors même qu’elles posent d’autres prob-lèmes, seraient susceptibles d’apporter des réponsesdans la mesure où, à partir d’un état initial mesuré,on peut saisir la dynamique et les évolutions sur destemps variant de quelques mois à plusieurs années.Enfin, il faudrait s’attacher également au problèmede l’étalonnage auprès d’une population suffisam-ment diversifiée pour répondre à la question de lavalidité externe qui permettrait, par définition, d’é-tendre les conclusions à des populations plus vastes.

Indiscutablement, le questionnaire d’imagerie dumouvement de Hall et Pongrac (1983) est un excel-lent outil d’évaluation de la capacité d’imagerievisuelle et kinesthésique. Sa validité de construit et safiabilité test-retest ne sont pas contestables et une

version en français validée et fiable devrait lui per-mettre une plus grande audience auprès de la com-munauté francophone des chercheurs et des utilisa-teurs3. En revanche, pour assurer une meilleure valid-ité prédictive, les études ultérieures devront s’attach-er à mieux définir et à mieux cerner à la fois l’interac-tion entre le niveau de pratique et le temps de pra-tique mais prendre aussi en compte le sexe, l’âge,l’entraînement à l’imagerie et le type d’activité selonqu’elle possède une forte ou une faible composantecognitive. La version révisée plus courte proposéepar Hall et Martin (1997) devrait faciliter la mise enplace de recherches allant dans ce sens.

On peut obtenir une copie de cet article auprès de JeanLorant, Laboratoire Sport, Représentations et RégulationsSociales, UFR STAPS, Université de Nice Sophia-Antipolis, 261, route de Grenoble, B.P. 3259, 06205 NICE,Cedex 3, France (Courriel : [email protected]).

RéférencesAtienza, F., Balaguer, I., & Garcia-Merita, M. L. (1994).

Factor analysis and reliability of the movementimagery questionnaire. Perceptual and Motor Skills, 78,1323-1328.

Cronbach, L. J. (1951). Coefficient alpha and the internalstructure of tests. Psychometrika, 16, 297-334.

Goss, S., Hall, C., Buckolz, E., & Fishburne, G. (1986).Imagery ability and the acquisition and retention ofmovements. Memory and cognition, 14, 469-477.

Hall, C., Buckolz, E., & Fishburne, G. (1989). Searchingfor a relationship between imagery ability and memo-ry of movements. Journal of Human Movement Studies,17, 89-100.

Hall, C., & Pongrac, J. (1983). Movement ImageryQuestionnaire. London, ON : University of WesternOntario.

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Hall, C., & Martin, K. (1997). Measuring movementimagery abilities: A revision of the Movement ImageryQuestionnaire. Journal of Mental Imagery, 21, 143-154.

Jowdy, D., & Harris, D. (1990). Muscular responses dur-ing mental imagery as a function of motor skill level.Journal of Sport and Exercise Psychology, 12, 191-201.

Mumford, B., & Hall, C. (1985). The effects of internal andexternal imagery on performing figures in figure skat-ing. Canadian Journal of Applied Sport Sciences, 10, 171-

3 La version française du questionnaire (papier ou fichier Word)est disponible auprès de Jean Lorant.

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177.Vallerand, R. J. et Halliwell, W. R. (1983). Vers une

méthodologie de validation transculturelle de ques-tionnaires psychologiques : Implications pour la psy-chologie du sport. Canadian Journal of Applied SportSciences, 8, 9-18.

Reçu le 4 octobre 2001Révisé le 2 août 2002

Accepté le 22 janvier 2003

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