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Cour de cassation Service de Documentation et d’Etudes __________________________________________________________________ -------------------------------- VEILLE BIMESTRIELLE DE DROIT EUROPÉEN Mai - Juin 2009 n/ 25 ___________________________________________________________ Observatoire du droit européen

VEILLE BIMESTRIELLE DE DROIT EUROPÉEN 25 mai... · 2011. 6. 7. · T Directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants

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Cour de cassation Service de Documentation et d’Etudes

__________________________________________________________________--------------------------------

VEILLE BIMESTRIELLE

DE

DROIT EUROPÉEN

Mai - Juin 2009

n//// 25___________________________________________________________

Observatoire du droit européen

Page 2: VEILLE BIMESTRIELLE DE DROIT EUROPÉEN 25 mai... · 2011. 6. 7. · T Directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants

SOMMAIRE

ACTUALITÉ

Actualité de l’Union Européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2Textes législatifs et réglementaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3Communiqués . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

Actualité du Conseil de l’Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15Ratifications et signatures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16Communiqués . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18Activités du Commissaire des droits de l’Homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24Travaux du Conseil de l’Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

Activité internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

Actualité législative et juridique nationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

JURISPRUDENCE

Arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34Liste des arrêts et décisions commentés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35Arrêts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37Décisions sur la recevabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93

Arrêts de la Cour de justice et du Tribunal de prem ière instance des communautés européennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106

Liste des arrêts et conclusions des Avocats généraux . . . . . . . . . . . . . . . . 107Citoyenneté européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109Concurrence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112Droit institutionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118Environnement et consommateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122Espace de liberté, de sécurité et de justice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125Fiscalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138Liberté d’établissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142Libre prestation des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146Politique étrangère et sécurité commune . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150Politique sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153Propriété intellectuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157Rapprochement des législations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160

Affaires communautaires à suivre : Conclusions des avocats généraux . . . . 171Espace de liberté, sécurité et justice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172Libre circulation des personnes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174Politique sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177Transport . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179Autre domaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181

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Décisions d’autres hautes instances juridictionnell es françaises et étrangères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Bundessozialgericht, Cour fédérale du contentieux social - Allemagne . . 185Cour de cassation - Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187Supreme Court - Etats-Unis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189Cour constitutionnelle de la République Tchèque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190

DOCTRINE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192

Commentaires d’arrêts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193Concernant les droits de l’homme et les droits fondamentaux . . . . . . . . . . 194Concernant le droit communautaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196

Articles généraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202Concernant les droits de l’homme et les droits fondamentaux . . . . . . . . . . 203Concernant le droit communautaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204

Cette veille est désormais disponible en ligne sur le site intranet de la Cour de cassation http://srv-cassation/Rpvjcc/AccueilRpvjcc_800.asp

sous la rubrique “Documentation” (en suivant la flèche en bas d’écran).

L’équipe de l’Observatoire :

Françoise CALVEZ, auditeurAnne-Claire DUBOS, greffier en chef

Aurélie DRESSAYRE, assistante de justiceHéloïse PLAQUIN, assistante de justiceElodie SALLES, assistante de justice

Nous remercions également très chaleureusement Yamina Doolaur , vacataire, ainsi que Camille Delacoute etEdouard Descotis , stagiaires, pour leur efficace contribution à la réalisation de ce document.

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ACTUALITÉ

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ACTUALITÉ

DE

L’UNION EUROPÉENNE

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1 Pour plus d’informations : http://eur-lex.europa.eu/fr/index.htm

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TEXTES LÉGISLATIFS ET RÉGLEMENTAIRES 1

T Décision n //// 568/2009/CE du Parlement européen et du Conseil d u 18 juin 2009 modifiantla décision 2001/470/CE du Conseil relative à la création d’un réseau judiciaire européen enmatière civile et commerciale

Sources : Publication au JOUE du 30 juin 2009 ( L 168 )

T Directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Co nseil du 18 juin 2009 prévoyant desnormes minimales concernant les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs deressortissants de pays tiers en séjour irrégulier

Sources : Publication au JOUE du 30 juin 2009 ( L 168 )

T Directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 établissant les conditions d’entrée et deséjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié

Sources : Publication au JOUE du 18 juin 2009 ( L 155 )

T Décision du Conseil du 6 avril 2009 portant création de l’Office européen de police (Europol)

Sources : Publication au JOUE du 15 juin 2009 ( L121/37 )

T Décision du Conseil du 27 novembre 2008 relative à la conclusion de la convention sur lacompétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile etcommerciale.

Sources : Publication au JOUE du 10 juin 2009 ( L147/1 )

T Décision 2009/426/JAI du Conseil du 16 décembre 200 8 sur le renforcement d’Eurojust etmodifiant la décision 2002/187/JAI instituant Eurojust afin de renforcer la lutte contre les formesgraves de criminalité.

Sources : Publication au JOUE du 4 juin 2009 ( L138/14 )

T Règlement (CE) n //// 444/2009 du Parlement Européen et du Conseil du 28 mai 2009modifiant le règlement ( CE ) n/ 2252/2004 du Conseil établissant des normes pour les élémentsde sécurité et les éléments biométriques intégrés dans les passeports et les documents devoyage délivrés par les Etats membres.

Sources : Publication au JOUE du 6 juin 2009 ( L142/1 )

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T Règlement (CE) n //// 392/2009 du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relatifà la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d’accident.

Sources : Publication au JOUE du 28 mai 2009 ( L131/24 )

T Directive 2009/24/CE du Parlement européen et du C onseil du 23 avril 2009 concernantla protection juridique des programmes d’ordinateur.

Sources : Publication au JOUE du 5 mai 2009 (L 111 ).

T Proposition de règlement du Conseil instituant une procédure pour la négociation et laconclusion d’accords bilatéraux entre les États mem bres et les pays tiers concernant desquestions sectorielles et portant sur la compétence , la reconnaissance et l’exécution desjugements et décisions en matière matrimoniale, de responsabilité parentale etd’obligations alimentaires, ainsi que sur le droit applicable en matière d’obligationsalimentaires

Sources : COM (2008) 894 et 2008/0266/CNS

Depuis la communautarisation de la coopération judiciaire en matière civile et commerciale parle traité d’Amsterdam en 1997, la Communauté a édicté de nombreux règlements destinés àrégler les conflits de loi ainsi que les conflits de juridictions intracommunautaires. Cependant,dans ce domaine, les Etats membres ont depuis longtemps ratifié des conventions bilatéralesavec des Etats tiers. Certaines de leurs dispositions étant incompatibles avec des dispositionsdu traité CE, la présente proposition tente d’harmoniser ces traités afin qu’ils ne soient pas endésaccord avec les règlements communautaires. De plus, la Communauté disposant désormaisd’une compétence externe exclusive pour négocier et conclure des accords internationaux avecles pays tiers dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile et commerciale,l’institution d’une procédure harmonisée permettra à terme à la Communauté de ratifier de telsaccords, unifiant ainsi les relations entre la Communauté et les Etats tiers dans le domaine dela justice civile.

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2 Pour plus d’informations : http://www.consilium.europa.eu/cms3_fo/showPage.asp?id=339&lang=fr

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COMMUNIQUÉS

Conseil de l’Union européenne 2

T 2ème conférence du réseau des Procureurs généraux près les cours suprêmes des Etatsmembres de l’Union européenne.

Le jeudi 28 mai 2009, M. Jean-Louis Nadal, Procureur général près de la Cour de cassation, aparticipé à la 2ème conférence du réseau des Procureurs généraux près les cours suprêmes desEtats membres de l’Union européenne.Ce réseau a pour objectif de fédérer un ensemble d’experts capable de favoriser l’expression dela norme communautaire et européenne par les cours suprêmes.Conformément aux statuts du réseau, un nouveau président a été élu à l’issue de cetteconférence. Il s’agit du Procureur général du Royaume d’Espagne, M. Candido-PUMPODOTOURON.

Source : Site intranet de la Cour de cassation

T Le Conseil adopte le code communautaire des visas ( code des visas)

« Le Conseil a adopté ce jour des règles communes concernant les procédures et conditions dedélivrance des visas de courte durée. Il s’agit d’une étape importante pour la poursuite de la miseen place d’une politique commune des visas et pour le renforcement de la coopération dansl’espace Schengen. Les ressortissants de pays tiers bénéficieront de procédures relatives auxdemandes plus cohérentes et transparentes. Les dispositions du règlement adopté portentessentiellement sur les transits ou les séjours d’une durée maximale de trois mois sur une périodede six mois (visas de courte durée). »

Sources : Communiqué 11376/1/09 , Bruxelles, le 25 juin 2009

T Communiqué de presse concernant la fermeture de Gua ntanamo adopté par l’UE et lesÉtats-Unis

« Lundi, l’Union européenne et les États-Unis ont adopté une déclaration conjointe concernant lafermeture du centre de détention de Guantanamo. Cette déclaration marque en même temps unnouveau départ dans la coopération dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, fondée surdes valeurs communes, le droit international et le respect des droits de l’homme et de l’État dedroit. Cette déclaration, qui est le résultat d’un travail commun entre la présidence tchèque del’Union européenne, assistée du coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme et de laCommission, et les États-Unis, soutient pleinement l’engagement pris par les États-Unis de fermerle centre de détention. Elle permet aux États membres de l’UE qui, à la suite d’une demande desÉtats-Unis, souhaitent accueillir d’anciens détenus déclarés libérables, de le faire en se référantà un cadre commun de l’UE. »

Sources : Communiqué 11016/09 (Presse 178) , Bruxelles, le 15 juin 2009

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T Décisions en matière de droit civil et commercial

« Le Conseil a pris aujourd’hui des décisions importantes dans le domaine du droit européen enmatière civile et commerciale. Ces décisions ont trait au réseau judiciaire européen, àl’établissement d’un futur cadre commun de référence pour le droit européen des contrats, et auxnouvelles procédures pour la conclusion d’accords bilatéraux dans des domaines du droit civil entreles pays de l’UE et des pays tiers. »

Sources : Communiqué 10697/09 (Presse 167), Luxembourg, le 5 juin 2009

T Déclaration de la présidence au nom de l’Union euro péenne à l’occasion de la Journéeinternationale contre l’homophobie, organisée le 17 mai

« À l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie, la présidence du Conseil réaffirme,au nom de l’Union européenne, le principe de non discrimination, selon lequel les droits de l’hommes’appliquent de la même manière à chaque être humain, indépendamment de son orientationsexuelle et de son identité de genre. L’Union européenne rejette et condamne toute manifestation d’homophobie, ce phénomèneconstituant une atteinte flagrante à la dignité humaine. Elle considère que la discrimination fondéesur l’orientation ou l’identité sexuelle est incompatible avec les principes sur lesquels elle se fonde,de même qu’elle demeure et demeurera attachée à la prévention et à l’éradication desdiscriminations fondées sur les six motifs énumérés à l’article 13 du traité CE, parmi lesquels figurel’orientation sexuelle. L’Union européenne demande instamment aux États de prendre toutes les mesures nécessairespour garantir que l’orientation sexuelle et l’identité de genre ne soient, en aucune circonstance, lefondement de sanctions pénales, pour que des enquêtes soient menées sur ces violations et queleurs auteurs soient reconnus responsables et traduits en justice. L’Union européenne se félicite du soutien sans cesse croissant dont bénéficient ces principes dansle monde et rappelle à cet égard que 67 États de différentes régions ont condamné les violationsfondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre dans la déclaration de l’assemblée généraledes Nations unies relative aux droits de l’homme et à l’orientation sexuelle et l’identité de genre du18 décembre 2008.La Turquie, la Croatie * et l’ancienne République yougoslave de Macédoine *, pays candidats,l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et la Serbie, pays du processus de stabilisationet d’association et candidats potentiels, l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège, pays de l’AELEmembres de l’Espace économique européen, ainsi que l’Ukraine, l’Arménie et la Géorgie se rallientà la présente déclaration.

* La Croatie et l’ancienne République yougoslave de Macédoine continuent à participer auprocessus de stabilisation et d’association. »

Sources : Bruxelles, le 15 mai 2009, 9823/09 ( Presse 126 )

T Demandes d’asile dans l’UE en 2008 : Environ 20 000 demandeurs d’asile enregistréschaque mois dans l’UE à 27

« L’UE a enregistré près de 240 000 demandeurs d’asile en 2008, soit 480 demandeurs par milliond’habitants. Ces demandeurs étaient principalement de nationalité iraquienne (29 000, soit 12 %de l’ensemble des demandeurs), russe (21 100, soit 9 %), somalienne (14 300, soit 6 %), serbe (13600, soit 6 %) et afghane (12 600, soit 5 %).Ces données sur les demandeurs d’asile au sein de l’UE27 sont extraites d’un rapport publié parEurostat, l’Office statistique des Communautés européennes.Malte et Chypre enregistrent les plus grands nombres de demandeurs d’asile par habitant.En 2008, parmi les États membres pour lesquels des données sont disponibles, le plus grandnombre de demandeurs d’asile a été enregistré en France (41 800). Le Royaume-Uni a recensé

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30 500 demandeurs, mais il faut noter que ce chiffre ne prend en compte que les nouveauxdemandeurs. Viennent ensuite l’Allemagne (26 900), la Suède (24 900), la Grèce (19 900), laBelgique (15 900) et les Pays-Bas (15 300).En comparaison avec la population de chaque État membre, les plus grands taux de demandeursd’asile ont été enregistrés à Malte (6 350 demandeurs par million d’habitants), à Chypre (4 370),en Suède (2 710), en Grèce (1 775), en Autriche (1 530) et en Belgique (1 495).Dans certains États membres, une grande proportion des demandeurs provenait d’un seul pays.Les États membres présentant les plus fortes concentrations étaient la Pologne (91 % desdemandeurs venaient de Russie), la Lituanie (77 % en provenance de Russie), la Hongrie (52 %en provenance de Serbie), le Luxembourg (48 % en provenance de Serbie) et la Bulgarie (47 %en provenance d’Iraq).Décisions de première instance :En 2008, 193 690 décisions de première instance ont été prises dans l’UE27 à l’égard desdemandeurs d’asile. Sur l’ensemble de ces décisions, 141 730 ont fait l’objet d’un rejet (soit 73 %des décisions), 24 425 demandeurs (13 %) se sont vu octroyer le statut de réfugié, 18 560 (10 %)la protection subsidiaire et 8 970 (5 %) une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires.La proportion de décisions positives varie considérablement d’un État membre à l’autre, mais ilconvient de rappeler que le pays d’origine des demandeurs diffère aussi grandement d’un Étatmembre à l’autre. »

Sources : Statistiques/09/66, le 8 mai 2009

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3 Pour plus d’informations : http://www.europarl.europa.eu/news/public/default_fr.htm?language=FR

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Parlement 3

T Droits de l’homme dans le monde en 2008

« Le recul de la peine de mort dans le monde et les progrès dans le domaine des droits desfemmes et des enfants figurent parmi les évolutions positives du rapport annuel sur les droits del’homme dans le monde en 2008. Cependant, selon le Parlement, l’UE pourrait promouvoir lesdroits de l’homme de manière plus efficace et s’assurer qu’elle respecte ses propres principes, parexemple en matière d’immigration et de lutte contre le terrorisme. »

Sources : PE, Communiqué de presse du 7 mai 2009.

T Politique d’asile : le Parlement veut mettre en pla ce de nouvelles règles

« Une série de mesures visant à améliorer le fonctionnement du système d’asile européen et àrenforcer les droits des demandeurs d’asile ont été adoptées ce jeudi par le Parlement européen.Les députés ont introduit des amendements renforçant la solidarité entre Etats membres dans lagestion des demandes d’asile et demandent d’établir un mécanisme contraignant avant 2012. »

Sources : PE, Communiqué de presse du 7 mai 2009.

T Justice : accords avec les pays tiers et espace eur opéen de justice pénale

« Alors que la négociation des accords nationaux et bilatéraux concernant les jugements enmatière matrimoniale ou de responsabilité parentale est à présent de la compétence exclusive del’Union, deux textes, approuvés par le Parlement, proposent de rendre cette compétence aux Etatsmembres dans les cas où l’intérêt de la Communauté n’est pas engagé. Un rapport d’initiativepropose en outre une série de mesures pour favoriser la mise en place d’un véritable espace dejustice pénale dans l’UE. »

Sources : PE, Communiqué de presse du 7 mai 2009.

T Rejet de la directive sur le temps de travail des c onducteurs routiers (05-05-2009)

« Les députés ont rejeté en première lecture une proposition de directive relative à l’aménagementdu temps de travail “des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier”. Laproposition de la Commission ne tient pas compte de la demande du Parlement qui souhaitel’inclusion complète des conducteurs indépendants, déclarent les parlementaires. »

Sources : PE, Communiqué de presse du 5 mai 2009.

T Pollution maritime : les infractions passibles bien tôt de sanctions pénales

« Les rejets de substances polluantes des navires en mer seront bientôt sanctionnés plusdurement. Le Parlement en accord avec le Conseil a adopté des mesures plus efficaces destinéesà combattre la pollution maritime. La directive obligera les États membres à considérer les cassérieux de pollution comme des actes criminels. Les cas mineurs seront considérés comme des

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infractions pénales s’ils endommagent la qualité de l’eau et sont répétés, délibérés ou commis àla suite d’une négligence grave. »

Sources : PE, Communiqué de presse du 5 mai 2009.

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4 Pour plus d’informations : http://europa.eu/rapid/setLanguage.do?language=fr : recherche via la référence du communiqué.

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Commission 4

T Rapport de la Commission : Analyse des sanctions applicables en cas d’infraction grave àla réglementation sociale dans le transport routier, telles que prévues dans la législation desÉtats membres

Sources : COM (2009) 225, http://ec.europa.eu/prelex/

T La Commission propose la création d’une agence pour la gestion opérationnelle dessystèmes d’information à grande échelle

« A la demande du Conseil et du Parlement européen, la Commission a adopté aujourd’hui unpaquet législatif proposant la création d’une agence pour la gestion opérationnelle à long terme dusystème d’information Schengen (SIS II), du système d’information sur les visas (VIS),d’EURODAC et d’autres systèmes d’information à grande échelle dans le domaine de la liberté,de la sécurité et de la justice. »

Sources : Communiqué IP/09/991, Bruxelles, le 24 juin 2009.

T Congé parental : Les partenaires sociaux européens signent la révision de l’accord-cadre

« Le nouvel accord-cadre conclu par les partenaires sociaux européens augmente la durée ducongé parental de trois à quatre mois par parent et s’applique à tous les travailleurs employés,indépendamment de la forme de leur contrat. Il est le résultat de six mois de négociations entre lespartenaires sociaux et reflète les changements intervenus dans la société et sur le marché dutravail depuis la signature du premier accord-cadre sur le congé parental en 1995. »

Sources : Communiqué IP/09/948, le 18 juin 2009.

T La lutte contre le travail des enfants est un engag ement essentiel du programme del’Union européenne en matière de droits de l’enfant

« La quatrième réunion du Forum européen sur les droits de l’enfant abordera un sujet grave : letravail des enfants. Le Forum se penchera sur les moyens de lutter efficacement contre cephénomène en utilisant les instruments dont dispose l’Union européenne. À l’intérieur du thèmeprincipal du travail des enfants, il sera question, spécifiquement, de la protection sociale et de laresponsabilité sociale des entreprises. »

Sources : Communiqué IP/09/950, le 18 juin 2009

T Aides d’État : la Commission adopte des orientation s sur les aides à la formation et lesaides en faveur des travailleurs défavorisés ou han dicapés

« La Commission européenne a adopté deux documents d’orientation établissant des critères pourl’évaluation approfondie d’aides à la formation et d’aides en faveur des travailleurs défavorisés ouhandicapés portant sur des montants élevés. Ces documents exposent le type d’informations

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nécessaires à la Commission aux fins de son évaluation, ainsi que la méthodologie appliquée, quise fonde sur la mise en balance des effets positifs et négatifs de l’aide. Ces critères sont conformesà l’approche économique affinée mise en œuvre par la Commission dans son analyse des aidesd’État, qui repose sur les principes énoncés dans le plan d’action dans le domaine des aides d’État(voir IP/05/680 et MEMO/05/195 ). Ces orientations s’inscrivent dans le cadre des efforts déployéspar la Commission pour clarifier et simplifier les règles applicables aux aides d’État. »

Sources : Bruxelles, IP/09/863, le 3 juin 2009

T Les réalisations de la Commission de 2004 à 2009 : de réels avantages pour les citoyensde toute l’Europe

« La Commission européenne a présenté le bilan de son action, en préparation de l’élection duParlement européen. »

Sources : Bruxelles, IP/09/845, le 28 mai 2009

T L’Europe telle qu’elle s’écrit : lancement du porta il PRESSEUROP.EU, premier sitemultilingue d’articles de presse sur les affaires e uropéennes

« Sous la houlette de Courrier International, le portail PRESSEUROP.EU offrira en 10 langues unesélection d’articles sur les affaires européennes.Mme. Margot WALLSTRÖM, Vice-présidente de la Commission européenne et Commissaire encharge de la communication, s’est félicitée du soutien de la Commission à ce projet novateur, etce dans le plus strict respect de la liberté éditoriale du consortium : “Avec EuRaNet (lancé en 2008)et EU TV Net (prévu en 2010), PRESSEUROP traduit notre volonté de favoriser, de nourrir etd’accompagner l’affirmation d’un espace public européen de communication, de réflexion et dedébat”.La Commission européenne et un consortium coordonné par Courrier International lancentPRESSEUROP.EU, le premier site multilingue d’articles de presse sur les affaires européennes.PRESSEUROP proposera les traductions, dans le plus grand nombre de langues, d’une sélectiond’articles sur les affaires européennes parus le jour même ou la veille. Ces articles seront enrichispar des analyses, commentaires et illustrations.PRESSEUROP.EU met ainsi à la disposition du public :- des articles de la presse internationale et européenne (presse écrite et online), sélectionnés selondes critères de pertinence et de fiabilité et portant sur divers domaines de l’actualité communautaire: politique, économie, société, monde, environnement, sciences, culture, débats d’idées, etc. ;- des revues de presse, des brèves et des synthèses de l’actualité ;- des illustrations (infographie, photos, vidéos, dessins humoristiques, etc.) ;- une newsletter quotidienne sur l’actualité du jour et le contenu le plus récent ;- des archives d’articles.L’offre interactive se traduira par des forums thématiques, des sondages en ligne et la possibilitéde commenter les articles publiés.Ce service sera proposé d’abord en 10 langues (allemand, anglais, espagnol, français, italien,néerlandais, polonais, portugais, roumain et tchèque) puis, progressivement, dans les 23 languesofficielles de l’UE. Le consortium PRESSEUROP est donc appelé à s’élargir à de nouveauxmembres. D’ores et déjà, des partenariats sont prévus, notamment avec le réseau EuRaNet et lefutur réseau EU TV Net. »

Sources : Bruxelles, IP/09/837, le 27 mai 2009 (http://www.presseurop.eu/)

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T La Commission salue l’accord conclu par les États m embres sur le renforcement de lacoopération dans le domaine de l’éducation et de la formation

« Le Conseil a adopté aujourd’hui un nouveau cadre stratégique pour la coopération entre les Étatsmembres de l’Union européenne, désireux de réformer leurs systèmes d’éducation et de formation.Cette initiative véhicule un message important : en ces temps de crise économique, les Étatsmembres doivent apprendre les uns des autres et apporter une réponse collective aux défiscommuns que représentent les déficits de compétences, le vieillissement des sociétés etl’implacable concurrence mondiale. En conclusion, le Conseil définit des priorités immédiates pourla période 2009-2011 et cerne les enjeux pour la décennie à venir. Parmi les instruments mis enœuvre pour relever ces défis, on trouve de nouveaux critères de référence en matière d’éducationet de formation, qui permettront de suivre les progrès accomplis en Europe. »

Sources : Bruxelles, IP/09/748, le 12 mai 2009

T Les présidents de la Commission et du Parlement dis cutent des apports de l’éthiquepour la gouvernance économique à l’échelle européen ne et mondiale avec de hautsdignitaires religieux européens

« Une vingtaine de hauts représentants du Christianisme, du Judaïsme et de l’Islam en Europe,répondant à l’invitation du président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso, sesont réunis au siège de la Commission européenne pour un dialogue informel avec l’UE. La réunionétait présidée conjointement par le président de la Commission, M. Barroso, et le président duParlement européen, M. Hans-Gert Pöttering. Cette année, elle était consacrée à un défi majeurpour l’Europe et le monde : la crise économique et financière et l’apport de l’éthique dans lagouvernance économique au niveau européen et mondial. »

Sources : Bruxelles, IP/09/730, le 11 mai 2009

T La Commission adopte une communication sur le comme rce équitable

« La Commission européenne a adopté aujourd’hui une communication relative au rôle ducommerce équitable et des systèmes non gouvernementaux d’assurance de la durabilité liés aucommerce. La communication reconnaît le développement considérable du phénomène ducommerce équitable et l’importance d’un marché européen qui représente désormais 1,5 milliardd’euros par an. Elle définit également de nouveaux domaines d’action dans lesquels le commerceéquitable et d’autres systèmes peuvent contribuer à la réalisation d’objectifs européens en matièrede développement durable. Enfin, elle énonce les principaux principes et définitions, ainsi que lesrègles fondamentales régissant les marchés publics de biens et de services durables. »

Sources : Bruxelles, IP/09/697, le 5 mai 2009

T Journée mondiale de la liberté de la presse : La Co mmission lance le Prix Lorenzo Natali2009 pour les journalistes engagés

« A l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, la Commission européenne alancé officiellement le Prix Lorenzo Natali 2009. Ce prix organisé en partenariat avec Reporterssans Frontières et l’Association Mondiale des Journaux récompense les journalistes engagés pourles Droits de l’Homme, la Démocratie et le Développement. Le Commissaire Européen au Développement et à l’Aide Humanitaire, Louis Michel, a déclaré :“Sans la liberté d’informer, il n’y a pas de démocratie. Une société mal informée est une sociétémalade. L’idéal de développement, l’idéal des droits de l’homme et l’idéal de démocratie ne peuventse réaliser sans des médias libres et indépendants pour les questionner et susciter le débat. La

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Commission européenne organise le Prix Lorenzo Natali avec la volonté de soutenir desjournalistes engagés qui contribuent à faire avancer le développement, la démocratie et les droitsde l’homme par la qualité de leur travail”.Le Prix Natali est un prix international (plus de 1 500 journalistes de 151 pays en 2008) quirécompense la presse depuis 1992. Il est ouvert aux journalistes de télévision, de radio et depresse écrite ou en ligne. Le Prix Lorenzo Natali fait partie intégrante de la politique de développement de la Commissioneuropéenne qui considère que défendre la liberté d’expression, la démocratie, les droits del’homme et le développement, c’est agir pour la bonne gouvernance, la Paix et le Progrès, c’estaméliorer les conditions de vie dans les pays les plus pauvres. »

Sources : Bruxelles, IP/09/685, le 3 mai 2009

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Comité économique et social européen

T Promouvoir l’intégration des minorités - Les Roms : une priorité du CESE

« A l’occasion du Pèlerinage des Saintes Maries de la Mer et de la Fête des gitans, le Présidentdu CESE Mario Sepi est invité à participer à une conférence sur l’intégration des Roms et leurcontribution dans la société civile. Cette conférence a été organisée dans le cadre de la mise enœuvre de son programme présidentiel concernant la promotion des droits, l’intégration desminorités et le dialogue interculturel en Europe. »

Sources : CES/09/70, le 18 mai 2009

T Le CESE et les acteurs concernés appellent à renfor cer la coopération pour garantir lasécurité des enfants sur Internet

« Lors de la conférence organisée le 5 mai 2009 par le Comité économique et social européen(CESE), qui a rassemblé une centaine de participants, 15 orateurs éminents, dont deux jeuneslauréats de Roumanie, ont plaidé unanimement et fermement pour une coopération internationalerenforcée et des partenariats coordonnés afin de rendre Internet plus sûr pour les jeunes, et toutparticulièrement les enfants. Parmi les questions débattues par les experts et acteurs concernés participant à la conférence duCESE figuraient notamment la protection des enfants contre les contenus et comportements enligne préjudiciables et la manière de mettre un terme à la diffusion de contenus illicites. Ils ontdiscuté en particulier des défis à relever aux niveaux politique, réglementaire et de l’application dela législation, ainsi que sur les plans technologique, commercial et social. »

Sources : CES/09/64, le 14 mai 2009

T Le Président du CESE, Mario Sepi, demande à l’UE un régime commun en matièred’asile et de canaux d’immigration légale

« “En tant que Président du Comité économique et social européen, j’entends exprimer le totaldésaccord du Comité quant à la pratique qui veut que l’Union européenne ou ses États membresconcluent des accords de réadmission ou de contrôle des frontières avec des pays non signatairesdes principaux instruments juridiques internationaux de protection du droit d’asile. Le Comité s’oppose également à toute mesure de refoulement ou de réadmission lorsque lesconditions de sécurité et de dignité ne sont pas garanties. Le refoulement (retour ou expulsion) d’individus dont les besoins de protection n’ont pas étéexaminés par un État membre ne doit pas se produire, sauf s’il est garanti que ces besoins serontexaminés dans le pays tiers au moyen d’une procédure juste et conforme aux normesinternationales de protection. Cette situation, de même que les milliers de morts survenues cesdernières années en Méditerranée, mettent directement en cause les institutions européennes, quidoivent absolument proposer avec vigueur des modes d’actions plus efficaces et plus humains. Je demande instamment aux autres institutions de l’UE que soit mis en place au plus vite le régimed’asile européen commun qui permette d’affronter ces problématiques dans le plein respect desdroits de l’homme et des conventions internationales, mais également dans un cadre de solidaritéaccrue entre les États, afin que les États les plus exposés aux flux migratoires n’aient pas à y réagirseuls. Je souhaite également répéter ce que le Comité demande depuis des années au Conseil :l’ouverture de canaux d’immigration légale, afin que celle-ci puisse devenir une ressource pourtous : pour nos économies et nos sociétés, qui en ont tant besoin, mais aussi pour les immigrésmêmes, qui recherchent légitimement des conditions de vie plus dignes et la protection de leursdroits individuels et collectifs, de même que pour les pays d’origine”. »

Sources : CES/09/61, le 13 mai 2009

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ACTUALITÉ

DU CONSEIL DE L’EUROPE

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5 Voir pour plus d’information, Dossier : “La réforme de la Cour européenne des droits de l’homme”, veille bimestrielle n/ 24 (Mars,avril 2009), p. 149 s. Voir également le communiqué de presse “Le Conseil de l’Europe adopte de nouvelles décisions pouraméliorer l’efficacité de la Cour européenne des droits de l’homme”, p. 19 de la présente veille bimestrielle

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RATIFICATIONS ET SIGNATURES

T Le 15 mai 2009 :

L’Estonie a ratifié la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme.

T Le 27 mai 2009 :

L’Espagne a signé le Protocole additionnel à la Convention pénale sur la corruption.

L’ex-République yougoslave de Macédoine a signé la Charte sociale européenne (révisée)et la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite de êtres humains.

T Le 18 juin 2009 :

La Serbie a signé la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants et laConvention européenne en matière d’adoption des enfants.

Le Monténégro a signé la Convention européenne sur l’exercice du droit des enfants, laConvention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abussexuels et la Convention européenne en matière d’adoption des enfants.

La Belgique, l’Estonie, la Finlande, la Géorgie, la Hongrie, la Lituanie, le Monténégro, laNorvège, la Serbie, la Slovénie, la Suède et l’ex-R épublique yougoslave de Macédoine ontsigné la Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics.

N Les Protocoles n //// 14 et n //// 14bis 5

- Le 27 mai 2009, la France , la Géorgie, la Slovénie et l’Espagne ont signé le Protocole n/ 14bisà la Convention de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales.- Le 27 mai 2009, le Danemark et la Norvège ont signé sans réserve de ratification le Protocolen/ 14bis à la Convention de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales.- Le 9 juin 2009 : Le Luxembourg a signé le Protocole n/ 14bis à la Convention de sauvegardedes Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales et a accepté la mise en applicationprovisoire à son égard de certaines dispositions du Protocole n/ 14 à la Convention desauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, amendant le système decontrôle de la Convention.- Le 9 juin 2009 : Les Pays-Bas ont accepté la mise en application à leur égard de certainesdispositions du Protocole n/ 14 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et desLibertés fondamentales. - Le 17 juin 2009 : L’Irlande a signé sans réserve de ratification le Protocole n/ 14bis à la

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Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales.- Le 19 juin 2009 : Saint Marin a signé le Protocole n/ 14bis à la Convention de sauvegarde desDroits de l’homme et des Libertés fondamentales.- Le 30 juin 2009 : Le Royaume-Uni a accepté la mise en application provisoire à son égard decertaines dispositions du Protocole n/ 14 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Hommeet des Libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de la Convention.

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COMMUNIQUÉS

T Les personnes déplacées sont « les oubliés de l’Eur ope » selon le rapporteur del’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

« “C’est une honte pour l’Europe que quinze à vingt ans après les conflits qui ont ravagé leCaucase du Sud au début des années 1990, des centaines de milliers de personnes déplacées àla suite de ces conflits continuent de vivre dans des conditions lamentables et qu’elles soientmarginalisées, sans guère de perspectives de retour ou de restitution de leurs biens”, a déclaréJohn Greenway (Royaume-Uni, GDE), rapporteur sur la protection des droits fondamentaux despersonnes déplacées de longue date, à la fin de sa mission d’information de quatre jours à Erevanet à Bakou. “La communauté internationale doit redoubler d’efforts pour donner un nouvel élanpolitique débouchant sur des solutions durables pour ces personnes. Nous devons tout faire pourqu’elles ne deviennent pas « les oubliés de l’Europe »”. En donnant ses impressions après les réunions qu’il a eues avec les autorités de l’Azerbaïdjan etdes représentants de la société civile et après sa visite d’un centre d’hébergement collectiftemporaire et d’un nouveau quartier résidentiel pour personnes déplacées à Bakou, le rapporteura reconnu les progrès importants accomplis par le gouvernement de l’Azerbaïdjan pour améliorerles conditions de vie de ces personnes. “Il reste néanmoins beaucoup à faire pour logerconvenablement les centaines de milliers de personnes déplacées qui continuent de vivre dans desconditions déplorables, un fait que le gouvernement reconnaît. De même, il faut faire plus pourremédier à la vulnérabilité de ces personnes, leur permettre d’accéder à l’emploi, à une éducationde qualité ou aux services élémentaires, et répondre à leurs besoins en matière de soins,psychologiques ou autres” (...)Il a encouragé les autorités de l’Azerbaïdjan, ainsi que la communauté internationale, à étudierattentivement et à prévoir les coûts, les besoins en matière de reconstruction, la sensibilisation dela population et la préparation psychologique des rapatriés potentiels, en cas de conditionsfavorables à leur retour. “La communauté internationale a un rôle particulier à jouer pour aider àdéminer ces régions”, a-t-il ajouté. Le rapporteur s’est dit aussi préoccupé par le statut et la protection des personnes arrivant enAzerbaïdjan sous la pression des conflits des régions voisines. “La prospérité économique a rendul’Azerbaïdjan attractif comme pays de destination. Nombre des personnes en provenance duCaucase du Nord, d’Iran, d’Afghanistan, du Pakistan et d’autres pays n’ont pas de statut juridiqueet ne reçoivent guère d’aide. Il faut prévoir des mesures de protection temporaires et garantir lesprincipes du non-refoulement dans la mesure du possible. La communauté internationale doitsoutenir les efforts faits pour développer les capacités en élaborant des procédures d’asileefficaces en Azerbaïdjan” ».

Sources : Communiqué de presse - 381 (2009) - le 8 mai 2009.

T Les ministres des Affaires étrangères des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe seréunissent à Madrid

« Les ministres des Affaires étrangères des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe seretrouveront le 12 mai à Madrid.La garantie de l’efficacité à long terme du système de contrôle de la Convention européenne desdroits de l’homme est l’un des principaux sujets à l’ordre du jour de cette 119ème session.Afin d’augmenter la capacité de traitement à court terme des requêtes de la Cour européenne desdroits de l’homme, les ministres devraient adopter le Protocole n/ 14bis à la Conventioneuropéenne des Droits de l’Homme, qui permettra l’application immédiate de deux éléments deprocédure du Protocole n/ 14, en attendant son entrée en vigueur.Une autre voie juridique permettant l’application provisoire de ces deux aspects procéduraux devraêtre entérinée par consensus lors de la Conférence des Hautes Parties contractantes à la

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Convention qui se tiendra en marge de la session.Les ministres auront l’opportunité de discuter “L’état de la démocratie en Europe. Belarus”, et duconflit en Géorgie.Les ministres devraient adopter une Déclaration à l’occasion du 60ème anniversaire du Conseil del’Europe, réaffirmant et réactualisant les objectifs politiques fixés lors du Sommet des Chefs d’Etatet de gouvernement de Varsovie (mai 2005).Enfin, ils adopteront une résolution transmettant à l’Assemblée parlementaire la liste des candidatsau poste de Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Ils devraient adopter également uneDéclaration : Faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une réalité dans les faits. A l’issuede la session, la Slovénie succédera à l’Espagne à la présidence du Comité des Ministres pour lessix prochains mois. »

Sources : Communiqué de presse - 382 (2009) - le 11 mai 2009.

T Le Conseil de l’Europe adopte de nouvelles décision s pour améliorer l’efficacité de laCour européenne des droits de l’homme

« Les ministres des Affaires étrangères et les représentants des 47 Etats membres du Conseil del’Europe ont adopté aujourd’hui le Protocole n/ 14bis à la Convention européenne des droits del’homme, qui accroît la capacité de la Cour à traiter les requêtes à court terme. Lors de la 119ème session du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe tenue à Madrid, ils ontadopté ce nouveau protocole qui autorisera, en attendant l’entrée en vigueur du Protocole n/ 14,l’application immédiate et provisoire de deux éléments procéduraux du Protocole n/ 14 par les Etatsqui auront exprimé leur consentement :- Un juge unique pourra rejeter des requêtes clairement irrecevables, décision qui ne pouvait êtrerendue jusqu’à présent que par un comité de trois juges.- Les compétences des comités de trois juges vont être étendues afin qu’ils puissent déclarer unerequête recevable et rendre un arrêt sur le fond dans le cas de requêtes manifestement bienfondées et d’affaires répétitives, lorsqu’il existe déjà une jurisprudence bien établie de la Cour. Cesaffaires sont actuellement traitées par des chambres de sept juges.Le Protocole n/ 14bis sera ouvert à la signature le 27 mai et devra être ratifié par trois Etats pourentrer en vigueur. Ses dispositions s’appliqueront aux requêtes pendantes devant la Cour contrechacun des Etats dans lesquels le Protocole sera entré en vigueur. S’ils le souhaitent, les Etatsmembres pourront appliquer provisoirement les dispositions du protocole avant son entrée envigueur.L’application du Protocole n/ 14bis, bien qu’elle n’apporte pas de solution définitive aux problèmesde la Cour, représenterait un gain d’efficacité estimé à 20 à 25 %. En marge de la session ministérielle, une Conférence des Hautes Parties contractantes à laConvention a adopté un accord par consensus, selon lequel les Etats pourraient consentirindividuellement, pour une durée provisoire, à appliquer directement les deux élémentsprocéduraux susmentionnés du Protocole n/ 14 aux requêtes dirigées contre eux. Cet accord estcomplémentaire au Protocole n/ 14bis puisqu’il ouvre une seconde voie pour arriver au mêmerésultat.Les ministres ont néanmoins affirmé que l’entrée en vigueur du Protocole n/ 14 devait demeurerla première priorité. »

Sources : Communiqué de presse - 391 (2009) - le 12 mai 2009.

T Journée mondiale de lutte contre l’homophobie, 17 m ai - Déclaration du SecrétaireGénéral du Conseil de l’Europe, Terry Davis

« “Tout le monde sait que des homosexuels ont été arrêtés et envoyés dans des camps deconcentration par les nazis, mais on sait moins que beaucoup d’entre eux ont dû purger leur peinede détention après leur libération des camps. Cela peut paraître choquant, mais cette réactions’inscrivait dans la logique de la discrimination profonde dont étaient victimes les homosexuels à

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cette époque en Europe, discrimination qui a continué de s’exercer à leur égard pendant lesdécennies qui ont suivi. Il a fallu attendre 1990 pour que l’Organisation mondiale de la santé retirel’homosexualité de sa liste des maladies mentales et il y a quelques années encore,l’homosexualité était toujours considérée dans plusieurs pays d’Europe comme une infractioncriminelle.Etre homosexuel aujourd’hui n’est plus puni par une peine de prison, du moins dans les Etatsmembres du Conseil de l’Europe, mais la discrimination et l’homophobie n’ont pas disparu et nesont pas l’apanage de certains groupes marginaux de la société. Je condamne les actes violentshomophobes des skinheads, mais je m’inquiète plus encore des convictions des dirigeants decertains partis politiques. On ne peut accepter que des personnes investies d’une autorité officielleou morale en Europe se conduisent encore comme si la Convention européenne des droits del’homme ne s’appliquait pas aux homosexuels. Les auteurs de discrimination invoquent souventles valeurs morales pour justifier leur comportement. C’est très bien de défendre les valeursmorales, mais ils se trompent complètement. Ce n’est pas l’homosexualité qui est immorale, c’estl’homophobie”. »

Sources : Communiqué de presse - 395 (2009) - le 15 mai 2009

T Education des enfants roms en Europe : conférence f inale en Slovénie Conférence au Palais des congrès de Brdo (Slovénie), les 25-26 mai 2009.

« Une centaine d’experts gouvernementaux et non gouvernementaux et de hauts représentantsdes Etats membres du Conseil de l’Europe vont dresser le bilan du projet de l’Organisation surl’éducation des enfants roms en Europe qui dure depuis six ans (...) ». Abstract.

Sources : Annonce aux médias 062(2009), le 18 mai 2009.

T Forum de Reykjavik sur les lois antiterroristes et la liberté d’expression et d’informationReykjavik (Islande) - Hôtel Hilton Nordica, le 27 mai 2009

« (...) Des représentants des Etats membres du Conseil de l’Europe, des médias et de la sociétécivile ainsi que des experts indépendants discuteront du respect en Europe, dans la loi et lapratique et dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, des normes du Conseil de l’Europerelatives à la liberté d’expression et d’information (...) ». Abstract.

Sources : Annonce aux médias - 064(2009), le 19 mai 2009.

T 2-5 juin 2009 : Le Comité des Ministres surveille l ’exécution des arrêts de la Coureuropéenne des droits de l’homme

« Du 2 au 5 juin, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe tient sa deuxième réunion spéciale“DH” de 2009. Il surveillera l’adoption des mesures individuelles nécessaires pour effacer lesconséquences pour les requérants des violations établies par la Cour (y compris le paiement detoute satisfaction équitable octroyée) et/ou des mesures générales (changements législatifs ouautres) nécessaires pour prévenir des violations semblables. 476 nouveaux arrêts seront ainsi examinés, dont un certain nombre soulève la question del’adoption de nouvelles mesures individuelles ou générales. Les autres se rattachent à desquestions déjà en cours d’examen dans le cadre d’autres affaires ou qui ne présentent pas decaractère structurel. Dans les autres affaires, il examinera les progrès accomplis, notamment en ce qui concernequelque 400 réformes législatives ou autres. Une liste préliminaire des points/affaires pour examen lors de cette 1059e réunion des Déléguésdes Ministres est disponible sur le site du Comité des Ministres www.coe.int/t/cm/home_fr.asp. Acette liste s’ajoutent les arrêts devenus définitifs après la dernière réunion “DH” (mars 2009). Les

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dernières informations publiques sur les principales affaires examinées sont disponibles,regroupées par Etat, sur le site www.coe.int/Droits_de_l’Homme/execution, sous la rubrique “Etatd’exécution”. »

Sources : Strasbourg, le 27 mai 2009, Communiqué de presse-420 (2009)

T La conférence de Reykjavik donne les grandes lignes des futurs travaux du Conseil del’Europe sur les médias et Internet

« Des ministres et des représentants des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe ont adoptéaujourd’hui un plan d’action qui fixe les grandes orientations des futurs travaux de l’Organisationconcernant les médias et Internet.(...)Les ministres demandent à l’Organisation d’évaluer, en consultation avec les parties prenantesconcernées, si les normes actuelles relatives à la liberté d’expression et d’information quis’appliquent aux médias traditionnels devraient être étendues aux nouveaux médias et auxfournisseurs de services, ou s’il faudrait en élaborer de nouvelles. Comme pour les médiastraditionnels, ils sont partisans d’une autorégulation comme principal moyen de faire respecter lesnormes en matière de liberté d’expression. Les ministres ont également souligné que lesfournisseurs de nouveaux services - comme les fournisseurs de services Internet, les aggrégateursde contenus ou les moteurs de recherche - devaient prendre conscience de leurs droits mais ausside leurs devoirs et de leurs responsabilités.Durant la conférence, les ministres ont aussi adopté des résolutions sur la nouvelle conception desmédias, les ressources critiques de l’internet et la protection de la liberté d’expression etd’information face aux lois antiterroristes.Ils ont décidé d’examiner régulièrement leur législation et leur pratique nationales dans le domainede la lutte contre le terrorisme pour veiller à ce que tout impact sur le droit à la liberté d’expressionet d’information soit conforme aux normes du Conseil de l’Europe, en particulier à la jurisprudencede la Cour européenne des droits de l’homme.Ils ont déclaré que, bien qu’il existe des cas dans lesquels il convient de ne pas diffuser certainesinformations afin de prévenir des actes terroristes, de préserver le cours d’une enquête, de protégerla sécurité des victimes ou encore de ne pas gêner l’administration de la justice, « le fait d’informersur le terrorisme ne peut être assimilé à un soutien du terrorisme ». Ils ont par ailleurs souligné quedes préoccupations avaient été exprimées au sujet des cas où les lois antiterroristes restreignantla liberté d’expression et d’information dans des Etats membres sont trop générales, ne fixent pasde limites claires en matière d’intervention des autorités ou manquent de garanties procéduralessuffisantes pour empêcher des abus.En ce qui concerne Internet, les ministres ont appelé tous les acteurs, publics ou privés, à explorerdes pistes pour que les ressources critiques de l’internet soient gérées dans l’intérêt commun entant que bien public, y compris en élaborant un instrument juridique international. Ils ont égalementdemandé au Conseil de l’Europe d’examiner la faisabilité d’un traité destiné à renforcer laprotection du trafic Internet transfrontalier. Enfin, ils ont appelé le Conseil de l’Europe à prendre desdispositions à long terme pour organiser des événements sur la gouvernance de l’Internet auniveau paneuropéen. »

Sources : Reykjavik, 29 mai 2009, Communiqué de presse - 435 ( 2009 )

T Le Président Costa salue l’ouverture à la signature du Protocole n //// 14bis

« Le Président Jean-Paul Costa a tenu à saluer l’ouverture à la signature du Protocole n/ 14bis.Il a rappelé que, si l’entrée en vigueur du Protocole 14 demeure, plus que jamais, l’objectif àatteindre, le Protocole n/14bis contient des dispositions procédurales qui devraient permettred’accroître l’efficacité de la Cour. La Cour est, d’ores et déjà, prête à le mettre en œuvre.Il a remercié les Etats membres qui ont œuvré pour qu’un tel protocole soit possible, témoignantainsi de leur attachement au mécanisme de protection issu de la Convention européenne des droitsde l’homme. »

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Sources : Strasbourg, le 27 mai 2009, Communiqué du greffier 419

T Liberté de réunion et de conscience, indépendance d u pouvoir judiciaire - laCommission de Venise se réunit pour la session plén ière de juin 2009

« La Commission de Venise du Conseil de l’Europe se réunira en session plénière les 12 et 13 juin2009 à Venise (Italie).La Commission discutera et adoptera inter alia des avis sur les questions suivantes :- la liberté de conscience en Arménie ;- la liberté de réunion en Bulgarie et en République Kirghize ;- les partis politiques en Géorgie ;- le projet de critères et de normes pour les juges et les procureurs de la Serbie ;- la réforme constitutionnelle en Géorgie et en Ukraine.La Commission est également invitée à adopter des rapports généraux sur : - l’indépendance du pouvoir judiciaire (partie 1 - les juges) ;- le mandat impératif ;- le monopole d’État sur l’usage de la force ;- l’impact des systèmes électoraux sur la représentation des femmes en politique ;- la couverture médiatique des campagnes électorales. En outre, le vendredi 12 juin 2009, le Bureau élargi de la Commission de Venise se réunira avecle Comité des Présidents de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. »

Sources : Strasbourg, le 11 juin 2009, Communiqué de presse -465 (2009)

T Journée mondiale des réfugiés - 20 juin : Déclarati on de Terry Davis, Secrétaire Généraldu Conseil de l’Europe

« “Les frontières de l’Europe sont devenues un piège mortel pour des centaines de personnesdésespérées qui fuient les persécutions, la guerre et la faim, ou tentent d’échapper à la pauvretéet de construire un avenir meilleur pour elles-mêmes et leur famille. L’Europe, dans son ensemble,a le devoir d’agir. Il est injuste, cruel et irresponsable de laisser se débrouiller seuls les pays qui,du fait de leur situation géographique, sont les plus exposés.Notre action doit être guidée par la compassion et la solidarité. Quelles que soient les raisons pourlesquelles les gens décident de quitter leur pays d’origine, nous ne devons jamais oublier que lesstatistiques cachent des êtres humains. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pourprotéger leur dignité et leur vie. Des centaines de personnes sont en train de mourir aux portes del’Europe.A l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, il convient aussi de rappeler les obligations quinous incombent en vertu de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés. Tousles gouvernements devraient respecter leurs engagements et s’abstenir de renvoyer des réfugiésdans des pays où ils risquent d’être tués ou emprisonnés en raison de leur origine raciale, de leurreligion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un groupe socialparticulier. Les pays européens ont aussi des obligations en tant que membres du Conseil del’Europe. Il n’y a pas de note en bas de page qui prive les réfugiés et les migrants économiques dela protection garantie par la Convention européenne des droits de l’homme” ».

Sources : Strasbourg, le 19 juin 2009, Communiqué de presse 489 (2009)

T Le Conseil de l’Europe réunit des juges et des proc ureurs de ses 47 Etats membres pourpréparer un avis sur leur rôle respectif.

« Des juges et des procureurs des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe seront réunis àl’occasion de la première Conférence européenne des juges et des procureurs pour discuter du rôlerespectif des juges et des procureurs et de leur complémentarité. Leurs discussions contribueront

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à la préparation d’un avis sur ce thème qui devrait être adopté avant la fin de l’année 2009. Laconférence a pour objectif d’identifier les valeurs communes à ses deux fonctions, distinctes maiscomplémentaires, et les principes communs qui doivent régir le statut des juges et des procureursquel que soit le système auquel il se rattache : common law britannique, prokuratura à la russe, ousystème « romano-germanique » à la française. Si, pour les juges, l’indépendance est incontestéeet incontestable dans toute société démocratique, les liens qui lient les procureurs au Ministère dela Justice, sont de nature beaucoup plus diverse, et varient de l’absence totale de lien hiérarchiqueà une subordination plus ou moins marquée. La question des relations entre les juges et lesprocureurs revêt ainsi une importance toute particulière dans la perspective d’un respect effectifdes normes européennes en matière de justice, notamment le droit à un procès équitable, et desprincipes de la séparation des pouvoirs et de la prééminence du droit. »

Sources : Annonce aux médias - 082(2009), Strasbourg, le 25 juin 2009

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ACTIVITÉS DU COMMISSAIRE DES DROITS DE L’HOMME

T Publication du Rapport d’activités 2088 du Commissa ire des droits de l’homme duConseil de l’Europe, Thomas Hammarbarg

NNNN Le rapport est disponible à l’adresse suivante :https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1435099&Site=CommDH&BackColorInternet=FEC65B&BackColorIntranet=FEC65B&BackColorLogged=FFC679

T Publication du Premier rapport d’activités 2009 (1 er janvier au 31 mars 2009)

NNNN Le rapport est disponible à l’adresse suivante :https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1435089&Site=CommDH&BackColorInternet=FEC65B&BackColorIntranet=FEC65B&BackColorLogged=FFC679

T « La répression n’est pas la seule réponse à la dél inquance juvénile » déclare leCommissaire Hammarberg

« “Les mesures de lutte contre la délinquance juvénile doivent toujours privilégier les besoins etl’intérêt de l’enfant plutôt que la répression” a déclaré aujourd’hui Thomas Hammarberg,Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, à l’occasion de la publication d’undocument thématique sur la justice des mineurs dans lequel il propose des pistes d’amélioration.“L’impression que les enfants sont de plus en plus violents n’est pas corroborée par les statistiques,qui n’indiquent pas d’augmentation globale de la criminalité chez les jeunes” a-t-il déclaré. “LesEtats n’ont pas tous la même approche de la délinquance juvénile et la justice des mineurs varied’un pays à l’autre. Cette diversité renforce l’importance relative des normes établies par lesinstruments internationaux et européens en matière de droits de l’enfant.”Après avoir passé en revue les normes internationales et européennes applicables en matière dejustice des mineurs et donné des exemples de mise en œuvre de ces normes, le Commissaireappelle les Etats membres à mettre en place des systèmes effectifs et fondés sur les droits, et àveiller à ce que les enfants et les jeunes en conflit avec la loi soient bien traités. Dans le document thématique, le Commissaire recommande l’utilisation des standards en usage.Il s’agit d’adopter une approche globale de la délinquance juvénile reposant essentiellement surdes mesures peu onéreuses de prévention, de réadaptation et de réinsertion sociale des jeunesen difficulté. “Les mesures de prévention et de déjudiciarisation doivent être développéesdavantage pour se substituer aux procédures judiciaires. Si un enfant doit passer en jugement, ladécision de le placer en détention ne doit être envisagée qu’en dernier recours.” (...)Le document thématique s’achève par des recommandations aux Etats membres visant à améliorerla justice des mineurs. »

Sources : Strasbourg, le 19 juin 2009, Communiqué de presse-488 (2009)

T « Il faut défendre et renforcer la Cour pénale intern ationale », déclare le CommissaireHammarberg

« “Les pays européens doivent défendre la Cour pénale internationale et demander le retrait del’impunité pour les ressortissants des Etats-Unis” déclare le Commissaire aux droits de l’hommedu Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, dans son dernier Point de vue publié aujourd’hui.

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“Il est grand temps que la politique américaine à l’égard de la Cour pénale internationale soit revue,dans l’esprit d’une coopération active et positive avec la Cour. La nouvelle administrationaméricaine doit contribuer à faire de cette juridiction un instrument effectif de dernier recours contrel’impunité pour des crimes restés impunis, malgré leur nature barbare”. Le Commissaire critique en particulier la campagne tous azimuts menée contre la Cour, etnotamment les pressions politiques et diplomatiques exercées par les précédentes administrationsaméricaines sur certains Etats membres du Conseil de l’Europe. Il encourage les Etats européensà signer et à ratifier le Statut de Rome s’ils ne l’ont pas encore fait et souligne la “nécessité d’unmécanisme de justice internationale, effectif et indépendant”. »

Sources : Strasbourg, le 22 juin 2009, Communiqué de presse-495 (2009)

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TRAVAUX DU CONSEIL DE L’EUROPE

T « La violence à l’égard des femmes et des enfants c onstitue une violation des droits dela personne humaine et nous concerne tous »

« “L’apogée des efforts déployés depuis des années par le Conseil de l’Europe pour lutter contrela violence à l’égard des femmes sera l’adoption de sa nouvelle convention, qui mettra en place desnormes juridiquement contraignantes en la matière. L’objet de cette convention n’est pas tant desanctionner les violations des droits de l’homme une fois celles-ci commises mais de les prévenir.On ne peut se contenter de soulager les victimes ; il faut faire en sorte que les femmes nedeviennent pas victimes” a déclaré aujourd’hui Maud de Boer-Buquicchio, Secrétaire GénéraleAdjointe du Conseil de l’Europe, dans son allocution d’ouverture de la Conférence des ministreseuropéens de la Justice.Récemment, dans un arrêt historique, la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu quela violence domestique constituait une infraction fondée sur le sexe. “Le seul moyen de susciter unquelconque changement est de mettre à profit cet arrêt pour modifier la législation, les procéduresadministratives et les attitudes afin d’aider et de protéger toutes les femmes victimes de violencesdomestiques” a conclu la Secrétaire Générale adjointe. (...) »

Sources : Tromsø, le 18 juin 2009, Communiqué de presse-483 (2009 )

T Conférence des Ministres de la Justice du Conseil d e l’Europe - Douze Etats membresdu Conseil de l’Europe signent la Convention sur l’ accès aux documents publics

« Douze Etats membres du Conseil de l’Europe ont signé aujourd’hui la Convention sur l’accès auxdocuments publics (STCE n/ 205), premier instrument juridique international contraignant qui établitun droit général d’accès aux documents publics.La transparence des organes de l’Etat est l’un des éléments clés de la bonne gouvernance et l’undes aspects qui révèle le mieux l’existence ou non d’une société véritablement démocratique etpluraliste, opposée à toute forme de corruption, capable de critiquer ceux qui la gouvernent etouverte à la participation éclairée des citoyens dans les questions d’intérêt général. Le droit d’accèsaux documents publics est également essentiel pour l’épanouissement des personnes et pourl’exercice des droits de l’homme fondamentaux. Il renforce également la légitimité des autoritéspubliques.La Belgique, l’Estonie, la Finlande, la Géorgie, la Hongrie, “l’ex-République yougoslave deMacédoine”, la Lituanie, le Monténégro, la Norvège, la Serbie, la Slovénie et la Suède ont signéla Convention au début de la 29ème Conférence des Ministres européens de la Justice qui se tientles 18 et 19 juin à Tromsø sur le thème de la violence domestique. La Convention entrera envigueur lorsqu’elle aura été ratifiée par cinq Etats.La Convention énonce les normes minimales à appliquer dans le traitement des demandes d’accèsaux documents publics (formes de l’accès et frais d’accès aux documents publics), le droit derecours et les mesures complémentaires. Des limitations au droit d’accès aux documents publicsne sont permises que dans la mesure où elles visent à protéger certains intérêts tels que la sécuriténationale, la défense ou la vie privée. »

Sources : Tromsø, le 18 juin 2009, Communiqué de presse 486 (2009)

LLLL Pour plus d’informations sur la conférence, voir : www.coe.int/minjust et www.coe.int/violence

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PUBLICATIONS

T Publication du rapport annuel 2008 de l’ECRI (Commi ssion européenne contre leracisme et l’intolérance)

« Ce rapport décrit les activités mises en œuvre par l’ECRI dans le cadre de son programme 2008et met également en exergue les grandes tendances concernant les manifestations de racisme,de xénophobie, d’antisémitisme et d’intolérance à travers l’Europe. »

NNNN Le rapport est disponible à l’adresse suivante :www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/activities/Rapport%20annuel%202008.pdf

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ACTIVITÉ

INTERNATIONALE

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T Fin de la 45 ème session ordinaire de la Commission Africaine des d roits de l’Homme etdes peuples

La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples est un organisme prévu par laCharte africaine des droits de l’homme et des peuples. Elle est chargée de promouvoir les droitsde l’homme et des peuples et d’assurer leur protection en Afrique.A ce titre elle a achevé sa 45ème session ordinaire le 27 mai 2009, où plusieurs rapports surl’activité des rapporteurs spéciaux et la situation des droits de l’homme en Afrique pendantl’intersession ont été présentés :

- Rapport sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique ;- Rapport sur les prisons et les conditions de détention en Afrique ;- Rapport sur les réfugiés, demandeurs d’asile, les personnes déplacées et les migrantsen Afrique ;- Rapport sur les droits des défenseurs des droits de l’homme ;- Rapport sur les droits de la femme en Afrique ;- Rapport d’étape du groupe de travail sur les populations/ communautés autochtones ;- Groupe de travail sur la peine de mort ;- Point focal sur les droits des personnes âgées en Afrique.

NNNN Le communiqué final est disponible à l’adresse suivante :http://www.achpr.org/francais/communiques/Final%20Communique_45.pdf

T Publication par la Commission de Venise des conclus ions de Didier Maus, président del’Association internationale de droit constitutionn el sur le « contrôle du processusélectoral »

NNNN Les conclusions sont disponibles à l’adresse suivante :http://www.venice.coe.int/docs/2009/CDL-UD(2009)009-f.pdf

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ACTIVITÉ LÉGISLATIVE

ET JURIDIQUE

NATIONALE

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T Rapport d’information déposé par la Commission char gée des affaires européennes surla mise en œuvre du principe d’égalité de traiteme nt entre les personnes sans distinctionde religion ou de convictions, de handicap, d’âge o u d’orientation sexuelle . Rapport déposé par MM. Christophe Caresche et Guy Geoffroy.

Sources : COM[2008] 426 final/n/ E 3918, le 6 mai 2009

NNNN Le rapport est disponible à l’adresse suivante:http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/094000232/index.shtml

T Proposition de Règlement du Conseil modifiant le rè glement (CE) n //// 1255/96 portantsuspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certainsproduits industriels, agricoles et de la pêche

Sources : E4454 - COM (2009) 202 final du 29/04/2009, Texte déposé au Sénat le 11 mai 2009.

T Proposition de résolution sur la proposition de déc ision-cadre relative à l’utilisation dedonnées des dossiers passagers (Passenger Name Reco rd - PNR) à des fins répressives(E 3697)

Sources : Rapport n/ 401 (2008-2009) de M. Yves DÉTRAIGNE, fait au nom de la commission des lois, déposé auSénat le 13 mai 2009.

T La Commission des lois du Sénat s’oppose, à l’unani mité, à l’utilisation des donnéessensibles dans le cadre du projet de PNR (Passenger Name Record) européen.

Sources : Communiqué du 14 mai 2009.

NNNN Le dossier peut être consulté sur le site du Sénat :http://www.senat.fr/dossierleg/ppr08-252.html

T Proposition de résolution au nom de la commission d es Affaires européennes, sur lacréation d’un système unifié de règlement des litig es en matière de brevets

Sources : Proposition de résolution n/ 414 (2008-2009) de M. Richard YUNG, déposée au Sénat le 18 mai 2009.

T Proposition de règlement du Parlement européen et d u Conseil modifiant le règlement(CE) n//// 1905/2006 portant établissement d’un instrument de financement de la coopérationau développement et modifiant le règlement (CE) n //// 1889/2006 instituant un instrumentfinancier pour la promotion de la démocratie et des droits de l’homme dans le monde

Sources : E4477 - COM (2009) 194 final du 21/04/2009, Texte déposé au Sénat le 20 mai 2009.

T Proposition de directive du Parlement européen et d u Conseil sur les redevances desûreté aérienne

Sources : E4479 - COM (2009) 217 final du 11/05/2009, Texte déposé au Sénat le 20 mai 2009

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T Publication du rapport 2008 de la HALDE (Haute auto rité de lutte contre lesdiscrimination et pour l’égalité) .

Selon le rapport de la HALDE : « Avec 7 788 réclamations en 2008, la HALDE a connu une croissancede 25 % du nombre de réclamations par rapport à l’année 2007. Le quatrième rapport recense les avancéessignificatives obtenues comme des modifications réglementaires, des décisions de justice, desdédommagements et des actions en faveur de l’égalité. De plus en plus sollicitée, la HALDE a mis en placeun réseau de correspondants locaux pour répondre plus rapidement aux demandes d’information. »

Sources : Rapport annuel publié le 13 mai 2009.

NNNN Ce rapport peut être consulté: http://www.halde.fr/Publication-du-rapport-annuel-2008.html

T Publication du 29 ème rapport d’activité 2008 de la CNIL (Commission nat ionale del’informatique et des libertés)

La CNIL reprend notamment l’historique de sa position sur la loi dite « Hadopi ». Elle exprime sonsouhait d’être placée au cœur du dispositif de contrôle en matière de vidéo surveillance etréclame une reconnaissance du droit à la protection des données personnelles dans le texteconstitutionnel.

NNNN Ce rapport peut être consulté: http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/094000211/

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JURISPRUDENCE

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6 Les arrêts de la CEDH sont disponibles sur le site http://www.echr.coe.int/ECHR/ . Les arrêts présentés deviendront définitifsdans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention.

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ARRÊTS DE

LA COUR EUROPÉENNE

DES

DROITS DE L’HOMME 6

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LISTE DES ARRÊTS ET DÉCISIONS CI-APRÈS COMMENTÉS,classement par articles

- Article 3 : INTERDICTION DE LA TORTURE

- CEDH, Korelc c. Slovenia , du 12 mai 2009, req. n/ 28456/03, p. 87.- CEDH, (décision) Tas c. Belgique, du 12 mai 2009, req. n/ 44614/06 p. 97.

- Article 6 : DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE

- CEDH, Batsanina c. Russie , du 26 mai 2009, req. n/ 3932/02, p. 82.- CEDH, Bendayan Azcantot et Benalal Bandayan c. Espagne , du 9 juin 2009, req.n/ 28142/04, p. 62.- CEDH, Borovsky c. Slovaquie , du 2 juin 2009, req. n/ 24528/02, p. 70.- CEDH, Codarcea c. Roumanie , du 2 juin 2009, req. n/ 31675/04, p. 67.- CEDH, Dubus c. France , du 11 juin 2009, req. n/ 5242/04, p. 59.- CEDH, Elyasin c. Grèce , du 28 mai 2009, req. n/ 46929/06, p. 76.- CEDH, Fiume c. Italie , du 30 juin 2009, req. n/ 20774/05, p. 37.- CEDH, (décision) Gouveina Gomes Fernanez et Freita E Costa c. Portugal, du 26 mai 2009,req. n/ 1529/08, p. 93.- CEDH, (décision) Gasparini c. Italie et Belgique, du 12 mai 2009, req. n/ 10750/03 p. 99.- CEDH, Kenedi c. Hongrie , du 26 mai 2009 , req. n/ 31475/05, p. 80.- CEDH, Korelc c. Slovenia , du 12 mai 2009, req. n/ 28456/03, p. 87.- CEDH, Laudette c. France , du 11 juin 2009, req. n/ 19/05, p. 57.- CEDH, Masaec c. Moldova , du 12 mai 2009, req. n/ 6303/05, p. 84.- CEDH, (décision) Menéndez Garcia c. Espagne, du 5 mai 2009, req. n/ 21046/07, p. 103.- CEDH, (décision) Pipi c. Turquie, du 12 mai 2009, req. n/ 4020/03, p. 95.- CEDH, Pistolis et autres c. Grèce , du 4 juin 2009, req. n/ 54594/07, p. 64.- CEDH, Varnima Corporation International S.A c. Grèce , du 28 mai 2009, req. n/ 48906/06,p. 78.

- Article 7 : PAS DE PEINE SANS LOI

- CEDH, (décision) Tas c. Belgique, du 12 mai 2009, req. n/ 44614/06 p. 97.

- Article 8 : DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ET FAMILIALE

- CEDH, Codarcea c. Roumanie , du 2 juin 2009, req. n/ 31675/04, p. 67.- CEDH, (décision) Menéndez Garcia c. Espagne, du 5 mai 2009, req. n/ 21046/07, p. 103.- CEDH, (décision) Pipi c. Turquie, du 12 mai 2009, req. n/ 4020/03, p. 95.- CEDH, Szuluk c. Royaume-Uni , du 2 juin 2009, req. n/ 36936/05, p. 72.

- Article 9 : DROIT A LA LIBERTÉ DE PENSÉE, DE CONSCIENCE ET D E RELIGION

- CEDH, Masaec c. Moldova , du 12 mai 2009, req. n/ 6303/05, p. 84.

Article 10 : DROIT A LA LIBERTÉ D’EXPRESSION

- CEDH, Bodro ññññiƒƒƒƒ et Vujin c. Serbie , du 23 juin 2009, req. n/ 38435/05, p. 52

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- CEDH, Etxeberria et autres c. Espagne , du 30 juin 2009, req. n/ 35579/03 p. 46.- CEDH, (décision) Gouveina Gomes Fernanez et Freita E Costa c. Portugal, du 26 mai 2009,req. n/ 1529/08, p. 93.- CEDH, Hachette Filipacchi Presse Automobile et Dupuy c. F rance , du 5 mars 2009, req.n/ 13353/05, p. 90.- CEDH, Kenedi c. Hongrie , du 26 mai 2009 , req. n/ 31475/05, p. 80.- CEDH, Sorguç c. Turquie , du 23 juin 2009, req. n/ 17089/03 p. 50.- CEDH, Standard Verlags GMBH c. Autriche n //// 2, du 4 juin 2009, req. n/ 21277/05, p. 66.- CEDH, Grande chambre, Verein Gegen Tierfabriken Scweiz (VGT) c. Suisse (n //// 2), du 30juin 2009, req. n/ 32772/02, p. 39.

- Article 11 : DROIT A LA LIBERTÉ DE RÉUNION ET D’ASSOCIATION

- CEDH, Herri Batasuna et Batasuna c. Espagne , du 30 juin 2009 , req. n/ 25803/04, p. 42.- CEDH, Barraco c. France , du 5 mars 2009, req. n/ 31684/05, p. 88.

- Article 13 : DROIT A UN RECOURS EFFECTIF

- CEDH, Etxeberria et autres c. Espagne , du 30 juin 2009, req. n/ 35579/03 p. 46.- CEDH, Kenedi c. Hongrie , du 26 mai 2009 , req. n/ 31475/05, p. 80.- CEDH, Korelc c. Slovenia , du 12 mai 2009, req. n/ 28456/03, p. 87.- CEDH, (décision) Menéndez Garcia c. Espagne, du 5 mai 2009, req. n/ 21046/07, p. 103.

- Article 14 : INTERDICTION DE DISCRIMINATION

- CEDH, (décision) Gouveina Gomes Fernanez et Freita E Costa c. Portugal, du 26 mai 2009,req. n/ 1529/08, p. 93.- CEDH, (décision) Pipi c. Turquie, du 12 mai 2009, req. n/ 4020/03, p. 95.

... combiné avec article 8 : DROIT A LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE :

- CEDH, Brauer c. Allemagne , du 28 mai 2009, req. n/ 3545/04, p. 74.

... combiné avec article 10 : LIBERTÉ D’EXPRESSION :

- CEDH, Hachette Filipacchi Presse Automobile et Dupuy c. F rance , du 5 mars 2009, req.n/ 13353/05, p. 90.

- Article 1 er du Protocole additionnel n //// 1 à la Convention : PROTECTION DE LAPROPRIÉTÉ

- CEDH, (décision) Tas c. Belgique, du 12 mai 2009, req. n/ 44614/06 p. 97.

- Article 3 du Protocole additionnel n //// 1 à la Convention : DROIT A DES ELECTIONSLIBRES

- CEDH, Etxeberria et autres c. Espagne , du 30 juin 2009, req. n/ 35579/03 p. 46.

- Article 4 du Protocole additionnel n //// 7 à la Convention : DROIT DE NE PAS ÊTRE JUGÉOU PUNI DEUX FOIS

- CEDH, Ruotsalainen c. Finlande , du 16 juin 2009, req. n/ 13079/03, p. 55.

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ARRÊTS DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

LLLL Affaires à suivre :

L’audience de Grande chambre concernant l’affaire Medvedyev et autres c. France - req.n/ 3394/03 s’est déroulée le 6 mai 2009. Un dossier spécial sera publié dans la veille bimestrielle n/ 26 (juillet-août 2009).

L’affaire Taxquet c. Belgique ayant donné lieu à un arrêt de chambre du 13 janvier 2009 a étérenvoyée le 5 juin 2009 en Grande chambre à la demande du Gouvernement belge.

Fiume c. Italie

30 juin 2009- req. n/ 20774/05 -

- non violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention -

T Faits :

Le requérant, agent des services douaniers, exerce les fonctions de directeur. En mars 2002, l’unde ses collègues (D.C.) fut affecté jusqu’au 7 août 2004 à la direction régionale des douanes deSalerne (Italie). Le requérant saisit le juge du travail de Salerne d’une demande en référéd’annulation en urgence de la décision d’affectation de son collègue, et ce au motif que cedernier n’avait pas le profil exigé pour remplir la fonction. Par ordonnance provisoire du 3décembre 2002, le juge fit droit à sa demande en observant que D.C., qui n’avait pas de diplômed’études supérieures, n’était pas apte à occuper un poste de directeur. Il annula donc la décisiond’affectation à titre conservatoire.En réaction, l’administration douanière introduisit devant le tribunal de Salerne une réclamationcontre ladite ordonnance de référé qui fut rejetée par ordonnance d’avril 2003. Pour autant, ellene s’exécuta pas et D.C. resta en fonction. Le requérant demanda alors au juge du travail deSalerne de préciser les modalités d’exécution de l’ordonnance du 3 décembre 2002.En octobre 2003, le juge répondit ladite ordonnance contenait une obligation de faire à la chargede l’administration des douanes et ordonna que celle-ci procède, dans un délai de quarante-cinqjours, à l’organisation d’un concours interne visant à l’affectation du poste de directeur enquestion.Parallèlement, le requérant avait engagé devant le tribunal de Salerne un recours en annulationde la décision d’affectation de D.C.. Le 17 octobre 2003, la juridiction fit droit à cette demandeen retenant que la nomination en cause était illégale, la législation applicable faisant de lapossession d’un diplôme d’études supérieures une condition nécessaire pour intégrer le postede directeur. Outre l’annulation de la décision, le tribunal ordonna également à l’administrationconcernée de mettre en place une procédure de recrutement afin de pourvoir le poste en cause.L’administration des douanes ne s’étant pas conformé à cette décision, le requérant introduisitun recours en exécution du jugement du 17 octobre 2003 devant le tribunal régional de laCampane (ci-après le TAR) qui rejeta le recours en considérant que cette décision n’avait pasacquis l’autorité de la chose jugée et qu’elle ne pouvait donc faire l’objet d’une procédure

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7 CEDH, Vilho Eskelinen et autres c. Finlande , du 19 avril 2007, req. n/ 63235/00, § 62. (Cet arrêt est résumé dans la veillebimestrielle n/ 14, p. 19)

8 A contrario, CEDH, décision Revel et Mora c. France , du 15 novembre 2005, req. n/ 171/03.

9 CEDH, Kök c. Turquie , du 19 octobre 2006, req. n/ 1855/02, § 37.

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d’exécution. Le requérant interjeta appel. Le Conseil d’Etat italien rejeta cet appel et confirma lejugement du TAR en affirmant que le droit interne ne permettait l’exécution immédiate d’unedécision frappée d’appel que si la dite décision avait été rendue par une juridiction administrative.

T Griefs :

Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant exposait qu’il lui avait été impossibled’obtenir l’exécution du jugement du tribunal de Salerne ordonnant la destitution de son collèguedu poste de directeur des douanes.

T Décision :

- Sur la recevabilité :

Le Gouvernement italien soutient que l’article 6 de la Convention ne peut être appliqué car ledroit revendiqué par le requérant ne revêt pas le caractère de droit civil au sens de laditeConvention.Sur ce point, la Cour citant l’arrêt Vilho Eskelinen et autres c. Finlande 7 expose que pourdécider si un Etat défendeur peut valablement opposer à un requérant fonctionnairel’inapplicabilité de l’article 6 § 1 de la Convention, deux conditions cumulatives sont requises :“d’une part, le requérant fonctionnaire doit être expressément privé du droit d’accéder à untribunal d’après le droit national ; d’autre part, l’exclusion des droits garantis à l’article 6 doitreposer sur des motifs objectifs liés à l’intérêt de l’Etat.” (§ 33)

La juridiction européenne note qu’en l’espèce, le requérant a pu faire valoir ses prétentionsdevant un tribunal, et que l’argument du Gouvernement tiré de la qualité de fonctionnaire durequérant pour lui refuser l’application de l’article 6 de la Convention ne saurait donc êtrerecevable. (§ 34)

Elle observe par ailleurs que le droit de bénéficier d’une procédure de recrutement, revendiquépar le requérant et reconnu à plusieurs reprises par les juridictions internes, concerne l’exercicemême de la carrière de l’intéressé et, par conséquent, sa situation patrimoniale. De plus, dansla mesure où les autorités internes ont admis que le requérant pouvait légitimement espérerobtenir le poste à pourvoir, la Cour estime que “l’issue de la procédure litigieuse était directementdéterminante pour le droit revendiqué par l’intéressé” 8.Puis, la Cour réaffirme que “la régularité d’une procédure ayant trait à un droit de caractère civilse prêtait à un recours judiciaire qui a été exercé par le requérant, il convient de conclure qu’une« contestation » relative à un « droit de caractère civil » a surgi en l’occurrence et a été tranchéepar la juridiction judiciaire”.9 (§ 36). Rejetant l’exception d’incompatibilité soulevée par leGouvernement, elle décide que l’article 6 de la Convention trouve effectivement à s’appliquer enl’espèce.

- Sur le fond :

Le requérant soutient que le tribunal de Salerne du 17 octobre 2003, qui ne faisait que confirmerl’ordonnance exécutoire du 3 décembre 2003, condamnant l’administration a exécuter une

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10 CEDH, Hornsby c. Grèce , du 19 mars 1997, req. n/ 18357/91 , § 40

11 CEDH, Ouzounis et autres c. Grèce , du 18 avril 2002, req. n/ 49144/99, § 21.

12 CEDH, VGT Verein Gegen Tierfabriken c. Suisse , du 28 juin 2001, req. n/ 24699/94.

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obligation de facere, était immédiatement exécutoire. Il expose que la non exécution du jugementlitigieux a permis aux autorités de tirer profit d’une situation d’illégalité devenue irréversible le 7août 2004, lorsque le mandat provisoire de D.C. est venu à échéance. De son côté, leGouvernement italien estime qu’il n’avait aucune obligation d’exécuter les décisions litigieusespuisque celles-ci n’avaient pas acquis l’autorité de la chose jugée.

Dans un premier temps, les juges de Strasbourg rappellent que “le droit d’accès à un tribunalgaranti par l’article 6 § 1 de la Convention serait illusoire si l’ordre juridique interne d’un Etatcontractant permettait qu’une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante audétriment d’une partie”.10 Puis, ils relèvent qu’en l’espèce le jugement en cause n’était pas unedécision définitive, car elle avait été rendue en première instance et qu’elle était susceptible defaire l’objet d’un appel, ce qui fut d’ailleurs le cas (§ 44).Ils constatent également que la juridiction nationale avait déclaré illégitime l’affectation de D.C.à titre provisoire et condamné l’administration à organiser un concours interne conforme à la loimais que la décision clôturant la procédure au fond n’était intervenue que le 23 mai 2007, et cealors que le mandat provisoire de D.C. avait expiré le 7 août 2004 (§ 45).

La Cour déclare qu’elle “ne saurait admettre que l’article 6 protège non seulement la mise enœuvre de décisions judiciaires définitives et obligatoires, mais aussi celle de décisions quipeuvent être soumises au contrôle de plus hautes instances et, éventuellement, infirmées” 11. Elleindique enfin qu’en l’occurrence, elle ne saurait “juger contraire aux exigences de l’article 6l’omission de l’administration d’exécuter le jugement du tribunal de salerne du 17 octobre 2003en l’attente de l’issue de la procédure” (§ 46) et conclut, à l’unanimité, à la non violation del’article 6 § 1 de la Convention.

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Verein Gegen Tierfabriken Schweiz ( VGT ) c. Suisse ( n//// 2 )Grande chambre

30 juin 2009- req. n/ 32772/02 -

- violation de l’article 10 de la Convention (liberté d’expression) -

T Faits :

Verein Gegen Schweiz (« VGT ») association de droit suisse de protection des animaux, militantcontre l’expérimentation animale et l’élevage en batterie, avait souhaité diffuser à la télévisionun spot publicitaire dénonçant l’élevage des cochons « en batterie ». L’instance de contrôle dela publicité puis le tribunal administratif devant lequel l’association présenta un recoursrefusèrent. L’association déposa une première requête devant la Cour européenne qui, par un arrêt du 28juin 2001,12 condamna la Suisse pour violation de l’article 10 de la Convention. Sur la base decet arrêt, l’association requérante demanda au Tribunal fédéral, de réviser l’arrêt définitif interneinterdisant la diffusion du spot. Sa demande de révision fut rejetée au motif que la société n’avait

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pas démontré qu’il existait encore un intérêt à ce que le spot soit diffusé. Le Conseil des Ministres du Conseil de l’Europe, chargé de surveiller l’exécution des arrêts dela Cour ne fut pas informé du rejet de la demande de révision et mit fin à l’examen de la premièrerequête de la requérante en adoptant une résolution finale, comportant notamment, la possibilitéd’une demande de révision devant le Tribunal fédéral.En juillet 2002, l’association requérante introduisit une seconde requête devant la Cour, qui renditun arrêt du 4 octobre 2007 condamnant la Suisse, par cinq voix contre deux, pour violation del’article 10 de la Convention en raison du maintien de l’interdiction de diffuser le spot publicitaire.L’affaire fut renvoyée en Grande chambre à la demande du gouvernement.

T Griefs :

L’association requérante soutenait que le maintien de l’interdiction de la diffusion du spot litigieuxmalgré le premier arrêt de la Cour européenne constatant une atteinte à sa liberté d’expression,constituait une nouvelle violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention.

T Décision :

- Sur la recevabilité de la requête :

Le gouvernement suisse allègue que la requête est irrecevable pour deux raisons: il soutientd’une part, que l’association requérante n’a pas épuisé les voies de recours internes et d’autrepart, que la requête porte sur l’exécution des arrêts de la Cour de Strasbourg qui, en vertu del’article 46 de la Convention, relève de la compétence exclusive du Comité des ministres duConseil de l’Europe.

Concernant le premier point, la Cour confirme la décision de l’arrêt de chambre et juge que lesvoies de recours internes ont effectivement été épuisées. En effet, le Tribunal Fédéral, dans sonarrêt rejetant la demande de révision de l’association, s’était prononcé sur le fond de l’affaire. Parconséquent, elle rejette le premier argument du gouvernement.

Sur le deuxième point, la Cour rappelle que les constats de violation revêtent un caractèredéclaratoire et que, par l’article 46 de la Convention, les Hautes parties contractantes se sontengagées à se conformer aux arrêts de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties, leConseil des Ministres étant en chargé de surveiller l’exécution des arrêts. Cependant, elleconsidère que “le rôle du Conseil des ministres dans ce domaine ne signifie pas que les mesuresprises par un Etat défendeur en vue de remédier à la violation constatée par la Cour ne puissentpas soulever un problème nouveau, non tranché par l’arrêt” (§ 62).Ainsi, la Cour doit déterminer si elle est elle-même compétente ratione materiae en prenant encompte l’article 35 § 2 b) de la Convention qui “commande de déclarer irrecevable une requêtequi est « essentiellement la même qu’une requête précédemment examinée par la Cour (...), et(...) ne contient pas de faits nouveaux. »” (§ 63).

La Cour doit donc analyser si les deux requêtes dont elle a été saisie concernent les mêmespersonnes, les mêmes faits et les mêmes griefs.Elle observe que pour rejeter la demande de révision, le Tribunal Fédéral a jugé qu’en raison dutemps écoulé, l’association avait perdu tout intérêt à voir diffuser le spot publicitaire. Elleconsidère qu’il s’agit d’un élément nouveau dont le Comité des ministres n’a pas été informé. Par conséquent, la juridiction strasbourgeoise juge qu’il n’y pas d’empiétement sur lescompétences du Comité des ministres, dans la mesure où elle connaît de faits nouveaux dansle cadre d’une nouvelle requête. En outre, le Comité a mis fin à la surveillance de l’exécution del’arrêt par l’adoption d’une résolution finale sans avoir pris en compte le rejet de la demande derévision par le Tribunal fédéral. La Cour considère que le rejet constitue donc un élément

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nouveau. Elle précise que si elle ne pouvait en connaître, “il serait soustrait à tout contrôle au titrede la Convention” (§ 67).L’exception préliminaire du gouvernement tirée de l’incompétence ratione materiae est rejetée.

Sur le fond :

La Cour doit déterminer si le refus de la révision était constitutif d’une violation de l’article 10 dela Convention. La Grande Chambre se détache du raisonnement développé par la chambre en estimant“opportun d’aborder la présente requête sous l’angle de l’obligation positive de l’Etat défendeurde prendre les mesures nécessaires afin de permettre la diffusion du spot litigieux” (§ 78).Ainsi, elle appuie son argumentation sur l’importance de la liberté d’expression et de la nécessitéde son exercice « réel et effectif » qui exige de l’Etat des mesures positives.

Rappelant l’importance de l’exécution effective des arrêts, les juges européens doivent vérifiersi il existait, à la charge de l’Etat défendeur, une obligation positive de prendre les mesuresnécessaires afin de faire diffuser le spot litigieux à la suite de l’arrêt de chambre ayant constatéune violation. A cet égard, ils soulignent que “la réouverture d’une procédure ayant violé la Convention n’estpas une fin en soi, elle n’est qu’un moyen-certes privilégié-susceptible d’être mis en œuvre envue d’un certain objectif : l’exécution correcte et entière des arrêts de la Cour” (§ 90).La Cour rappelle que “l’article 10 § 2 de la Convention ne laisse guère de place pour desrestrictions à la liberté d’expression dans le domaine du discours politique, ou comme ici, desquestions d’intérêt général” (§ 92). En l’espèce, elle relève que le spot traitant de la santé desconsommateurs ainsi que de la protection des animaux et de l’environnement présentait unintérêt public. Elle précise en outre qu’en l’absence de motifs nouveaux permettant de justifier, au regard del’article 10 de la Convention, le maintien de l’interdiction, les autorités suisses avaient l’obligationd’autoriser la diffusion du spot. Elle relève également qu’en considérant que l’associationrequérante n’avait pas suffisamment démontré l’intérêt de la diffusion du spot, le Tribunal fédérals’était substitué elle, à qui il appartenait d’apprécier la persistance d’un intérêt à diffuser le spotlitigieux. De plus, elle juge que le Tribunal Fédéral n’a pas démontré dans quelles mesures lescirconstances auraient changé au point de remettre en cause la validité des motifs à l’appuidesquels la Cour avait jugé une violation de l’article 10 de la Convention.

Enfin, l’argument du gouvernement qui soutenait que la diffusion du spot pouvait être perçuecomme désagréable, notamment par les consommateurs ou les commerçants et producteurs deviande, ne peut justifier une interdiction. En effet, la liberté d’expression vaut également pour les“idées qui heurtent, choquent ou inquiètent” (§ 96).Par conséquent, la Cour conclut, par onze voix contre six, à la violation de l’article 10 de laconvention.

NNNN Les opinions dissidentes des juges Malinverni, Sajó et Power à laquelle se sont ralliés lesjuges Bîrsan, Myjer et Berro-Lefèvre sont annexées à l’arrêt.

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Herri Batasuna et Batasuna c. Espagne

30 juin 2006- req. n/ 25803/04 -

- Non violation de l’article 11 (Liberté de réunion et d’association) de la Convention -

T Faits :

L’affaire en cause concerne deux partis politiques : Herri Batasuna (premier requérant) fondé en1986, et Batasuna (second requérant) fondé en mai 2001.Le 27 juin 2002, le Parlement espagnol adopta la loi organique 6/2002 sur les partis politiques(LOPP). Les principales nouveautés introduites par la nouvelle loi figurent au chapitre II relatifà l’organisation, au fonctionnement et aux activités des partis politiques et au chapitre III relatifà leur dissolution ou suspension judiciaire.Par une décision du 26 août 2002, le juge central d’instruction près l’Audiencia Nacionalprononça la suspension des activités de Batasuna et la fermeture, pendant trois ans, des siègeset locaux pouvant être utilisés par les partis requérants.Le 2 septembre 2002, l’avocat du Gouvernement espagnol engagea devant le Tribunal suprêmeune action tendant à la dissolution des partis requérants, au motif qu’ils avaient enfreint lanouvelle LOPP car ils avaient accumulé des activités démontrant de manière irréfutable uneconduite en rupture avec la démocratie et les valeurs constitutionnelles, la méthodedémocratique et les droits des citoyens et contraire aux principes établis dans l’exposé des motifsde ladite loi. Le même jour, le procureur général de l’Etat intenta, sur le fondement des articles10 et suivants de la LOPP, une action tendant à leur dissolution.Le 10 mars 2003, Batasuna demanda qu’une question préjudicielle sur l’inconstitutionnalité dela LOPP soit posée au Tribunal constitutionnel. En effet, il estimait que certains articles de laLOPP violaient les droits à la liberté d’association, à la liberté d’expression, à la liberté depensée, ainsi que les principes de légalité, de sécurité juridique et de non-rétroactivité des loispénales moins favorables, et ceux relatifs à la proportionnalité et au non bis in idem, ainsi quele droit à participer aux affaires publiques.Par un arrêt, rendu à l’unanimité, en date du 27 mars 2003, le Tribunal suprême rejeta leurdemande en rappelant que les objections soulevées quant à la constitutionnalité de la LOPPavaient déjà été examinées et rejetées dans son arrêt du 12 mars 2003. Le Tribunal suprêmedéclara également les partis Herri Batasuna, EH et Batasuna illégaux, il prononça leur dissolutionet procéda à la liquidation de leur patrimoine.Par deux arrêts du 16 janvier 2004 rendus à l’unanimité, le Tribunal constitutionnel rejeta lesrecours d’Amparo formés par les requérants.

T Griefs :

Invoquant les articles 10 (Liberté d’expression) et 11 (Liberté de réunion et d’association) de laConvention, les requérants soutenaient que leur dissolution avait eu pour effet de violer leursdroits à la liberté d’expression et à la liberté d’association.

T Décision :

- Concernant la violation alléguée de l’article 11 de la Convention :

Les requérants se plaignent du caractère non accessible et non prévisible de la LOPP, ainsi quede son application rétroactive et de son absence de but légitime. Ils estiment en outre que lamesure prise à leur encontre ne peut être considérée « nécessaire dans une sociétédémocratique » et la jugent contraire au principe de proportionnalité.

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13 CEDH, Sunday Times c. Royaume-Uni (n //// 1), du 26 avril 1979, req. n/ 6538/74, série A n/ 30, § 49 .

14 CEDH, Partidul Comunistilor (Nepeceristi) et Ungureanu c . Roumanie , du 3 février 2005, req. n/ 46626/99 , § 44,.

15 Notamment, CEDH, Sidiropoulos et autres c. Grèce , du 10 juillet 1998, req. n/ 26695/95 et CEDH, Partidul Comunistilor(Nepeceristi) et Ungureanu , précité, § 49.

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La Cour considère que la dissolution des partis requérants s’analyse en une ingérence dansl’exercice de leur droit à la liberté d’association. Elle rappelle ensuite qu’une telle ingérenceenfreint l’article 11, sauf si elle est « prévue par la loi », si elle tend à un ou plusieurs des butslégitimes énumérés à l’article 11 § 2 de la Convention et si elle est « nécessaire dans une sociétédémocratique » pour les atteindre. D’autre part, l’expression « prévue par la loi » exige que lamesure incriminée ait une base en droit interne et que cette loi soit suffisamment accessible etprévisible pour permettre à l’individu de régler sa conduite.13

Concernant le grief tiré de l’application rétroactive de la loi, la Cour, rappelle que l’article 7 § 1de la Convention ne garantit la non-rétroactivité que dans les procédures pénales, ce qui n’estpas le cas en l’espèce, et que par ailleurs, aucune disposition de la Convention n’exclut lapossibilité de se baser sur des faits antérieurs à l’adoption de la loi. Elle constate que les actespris en compte par le Tribunal suprême pour conclure à la dissolution des partis requérants ontété commis entre le 29 juin 2002 et le 23 août 2002, soit après la date d’entrée en vigueur de laLOPP (§ 59).La Cour en déduit que l’ingérence en question était « prévue par la loi » et que la critique desrequérants à l’égard de cette mesure concerne plutôt la nécessité de l’ingérence litigieuse (§ 60).

Les juges européens considèrent que les requérants n’ont pas apporté la preuve de leursallégations et estiment que les dissolutions en cause poursuivaient plusieurs des buts légitimesénumérés à l’article 11 de la Convention, notamment le maintien de la sûreté publique, la défensede l’ordre et la protection des droits et libertés d’autrui (§ 64).

Sur la question de la violation du principe de proportionnalité, la Cour réaffirme les liens existantsentre la liberté d’association et la liberté d’expression. En effet, elle indique que “malgré son rôleautonome et la spécificité de sa sphère d’application, l’article 11 doit s’envisager aussi à lalumière de l’article 10. La protection des opinions et de la liberté de les exprimer constitue l’undes objectifs de la liberté de réunion et d’association consacrée par l’article 11. Il en va d’autantplus ainsi dans le cas de partis politiques, eu égard à leur rôle essentiel pour le maintien dupluralisme et le bon fonctionnement de la démocratie” 14 (§ 74).Puis, elle précise qu’elle a pour tâche de vérifier, sous l’angle de l’article 11 de la Convention, lesdécisions que les juridictions nationales ont rendues. Elle ne doit donc pas se limiter à rechercher“si l’Etat défendeur a usé de ce pouvoir de bonne foi, avec soin et de façon raisonnable : il lui fautconsidérer l’ingérence litigieuse compte tenu de l’ensemble de l’affaire pour déterminer si elleétait « proportionnée au but légitime poursuivi » et si les motifs invoqués par les autoritésnationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants ». Ce faisant, la Cour doit seconvaincre que les autorités nationales ont appliqué des règles conformes aux principesconsacrés par l’article 11 et ce, de surcroît, en se fondant sur une appréciation acceptable desfaits pertinents” 15 (§ 75).

Les juges de Strasbourg réaffirment la nécessité du pluralisme pour la démocratie. “En effet, l’unedes principales caractéristiques de la démocratie réside dans la possibilité qu’elle offre dedébattre par le dialogue et sans recours à la violence des questions soulevées par différentscourants d’opinion politique, et cela même quand elles dérangent ou inquiètent. La démocratiese nourrit en effet de la liberté d’expression. C’est pourquoi cette liberté (...) vaut, sous réservedu paragraphe 2, (...) pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou

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16 CEDH, Handyside c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976, req. n/ 5493/72, série A n/ 24, § 49; CEDH, Jersild c. Danemarkdu 23 septembre 1994, req. n/ 15890/89, série A n/ 298, § 37.

17 CEDH, Refah Partisi , du 13 février 2003, req. n/ 41340/98, 41342/98, 41343/98 ; CEDH, Parti communiste unifié de Turquieet autres , précité, § 46 ; CEDH, Parti socialiste et autres c. Turquie , du 25 mai 1998, req. n/ 21237/93, § 50; CEDH, Parti dela liberté et de la démocratie (ÖZDEP) c. Turquie , n/ 23885/94, § 45.

18 CEDH, Sürek c. Turquie (n //// 1), du 8 juillet 1999, req. n/ 26682/95, § 64.

19 CEDH, Refah Partisi précité, § 102.

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considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquentou inquiètent”.16

La Cour affirme ensuite que les exceptions visées à l’article 11 de la Convention sontd’interprétation stricte, et que seules des raisons convaincantes et impératives peuvent lesjustifier. Il s’en suit que pour juger de l’existence d’une nécessité au sens de l’article 11 § 2, lesEtats ne disposent que d’une marge d’appréciation réduite, qui se double d’un contrôle européenrigoureux portant à la fois sur la loi et sur les décisions qui l’appliquent, y compris celles d’unejuridiction indépendante.Puis elle rappelle que, conformément à sa jurisprudence,17 des mesures sévères, telles que ladissolution de tout un parti politique, ne peuvent s’appliquer qu’aux cas les plus graves et quela nature et la charge des ingérences sont des éléments devant être pris en considérationlorsqu’il s’agit de mesurer leur proportionnalité 18 (§ 78).

Néanmoins, les juges européens rappellent “qu’un parti politique peut mener campagne en faveurd’un changement de la législation ou des structures légales ou constitutionnelles de l’Etat à deuxconditions : (1) les moyens utilisés à cet effet doivent être à tous points de vue légaux etdémocratiques ; (2) le changement proposé doit lui-même être compatible avec les principesdémocratiques fondamentaux”. Dès lors, “un parti politique dont les responsables incitent àrecourir à la violence, ou proposent un projet politique qui ne respecte pas une ou plusieursrègles de la démocratie ou qui vise la destruction de celle-ci ainsi que la méconnaissance desdroits et libertés qu’elle reconnaît, ne peut se prévaloir de la protection de la Convention contreles sanctions infligées pour ces motifs” (§ 79).

Ils soulignent ensuite que les statuts et le programme d’un parti ne peuvent être pris en comptecomme seul critère pour déterminer ses objectifs et qu’il faut comparer le contenu de ceprogramme avec les actes et les prises de position des membres de ce parti. Cependant, selonla Cour, “on ne saurait exiger de l’Etat d’attendre, avant d’intervenir, qu’un parti politiques’approprie le pouvoir et commence à mettre en œuvre un projet politique incompatible avec lesnormes de la Convention et de la démocratie, en adoptant des mesures concrètes visant àréaliser ce projet, même si le danger de ce dernier pour la démocratie est suffisamment démontréet imminent. La Cour accepte que lorsque la présence d’un tel danger est établie par lesjuridictions nationales (...), un Etat doit pouvoir « raisonnablement empêcher la réalisation d’un(...) projet politique, incompatible avec les normes de la Convention, avant qu’il ne soit mis enpratique par des actes concrets risquant de compromettre la paix civile et le régime démocratiquedans le pays »” 19 (§ 81). Un tel pouvoir d’intervention préventive de l’Etat est conforme aux obligations positives pesantsur les Parties contractantes dans le cadre de l’article 1er de la Convention. “Ces obligations (...)visent aussi des atteintes imputables à des personnes privées dans le cadre de structures quine relèvent pas de la gestion de l’Etat. Un Etat contractant à la Convention, en se fondant sur sesobligations positives, peut imposer aux partis politiques, formations destinées à accéder aupouvoir et à diriger une part importante de l’appareil étatique, le devoir de respecter et desauvegarder les droits et libertés garantis par la Convention ainsi que l’obligation de ne pas

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20 CEDH, Ždanoka c. Lettonie [GC] , du 16 mars 2006, req. n/ 58278/00, §§ 123 et 130.

21 CEDH, Leroy c. France , du 2 octobre 2008, req. n/ 36109/03, § 45. (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 21, p.49)

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proposer un programme politique en contradiction avec les principes fondamentaux de ladémocratie” (§ 82).

La Cour rappelle ensuite que l’adjectif « nécessaire », au sens de l’article 11 § 2 de laConvention, implique un « besoin social impérieux ». Dans ces conditions, pour établir si ladissolution d’un parti politique en raison des risques qu’il présente pour la démocratie, répondà un besoin social, elle recherche “s’il existe des indices montrant que le risque d’atteinte à ladémocratie, sous réserve d’être établi, est suffisamment et raisonnablement proche et d’examinersi les actes et discours constituent un tout qui donne une image nette d’un modèle de sociétéconçu et prôné par le parti, et qui serait en contradiction avec la conception d’une « sociétédémocratique »” (§ 83).

Après avoir rappelé ces principes, la Cour les applique au cas d’espèce. Elle recherche dans unpremier temps si la dissolution des partis requérants répondait à « un besoin social impérieux ».A cet égard, elle souligne que pour décider de la dissolution des partis requérants, la juridictionnationale a mentionné leur absence de condamnation des attentats commis par l’organisationETA et a énuméré l’ensemble des comportements permettant de considérer qu’ils “étaient desinstruments politiques de la stratégie terroriste de l’ETA”.Elle constate, comme l’avaient fait les juridictions internes, que les “comportements [desmembres des partis étaient] très proches d’un soutien explicite à la violence et de louanges depersonnes vraisemblablement liées au terrorisme” et indique que “les actes des requérants[doivent] être analysés dans leur ensemble comme faisant partie d’une stratégie pour mener àbien leur projet politique, contraire dans son essence aux principes démocratiques prônés dansla Constitution espagnole” (§ 86).

Rejetant l’argumentation des requérants qui justifiaient leurs actes et leurs discours favorablesà l’ETA par la liberté d’expression, la Cour de Strasbourg considère par ailleurs que le refus decondamner la violence peut être assimilé à un soutien tacite au terrorisme et ce, d’autant pluscompte tenu du contexte terroriste espagnol existant depuis plus de trente ans et de lacondamnation explicite par tous les autres partis. Elle souligne d’ailleurs que cet élément n’a pasété la seule base de la dissolution des partis requérants et que le Tribunal constitutionnel aconstaté qu’il s’ajoutait à une pluralité d’actes, graves et réitérés qui permettaient de conclure àun compromis avec la terreur et contre la coexistence organisée dans le cadre d’un Etatdémocratique. Pour la Cour “le simple fait que la dissolution eut été aussi fondée sur cet élémentn’aurait pas été contraire à la Convention, le comportement des hommes politiques englobantd’ordinaire non seulement leurs actions ou discours, mais également, dans certainescirconstances, leurs omissions ou silences, qui peuvent équivaloir à des prises de position et êtreaussi parlant que toute action de soutien exprès” 20 (§ 88).

Les juges européens retiennent que “en l’espèce les juridictions internes sont parvenues à desconclusions raisonnables après une étude détaillée des éléments dont elles disposaient et ellene voit aucune raison de s’écarter du raisonnement auquel est parvenu le Tribunal suprêmeconcluant à l’existence d’un lien entre les partis requérants et l’ETA. De plus, compte tenu de lasituation existant en Espagne depuis de nombreuses années concernant les attentats terroristes,plus spécialement dans la « région politiquement sensible » qu’est le pays basque 21 ces lienspeuvent être considérés objectivement comme une menace pour la démocratie” (§ 89).Ils poursuivent en indiquant que “les constats du Tribunal suprême doivent s’inscrire dans lesouci international de condamnation de l’apologie du terrorisme, comme en témoigne au planeuropéen (...) la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme, entrée en

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vigueur le 1er juin 2007, signée et ratifiée par l’Espagne, qui dans son article 5 prévoitl’incrimination de la « provocation publique à commettre une infraction terroriste ». Par ailleurs,cette dernière reconnaît dans son article 10 la responsabilité des personnes morales quiparticipent aux infractions terroristes figurant dans la Convention et son article 9 pénalise lacontribution à la commission d’une de ces infractions”. (§ 90).

Au vu de ces différents éléments, la Cour estime qu’en l’espèce, la dissolution des partis, “mêmedans le cadre de la marge d’appréciation réduite dont disposent les Etats, peut raisonnablementêtre considérée comme répondant à un « besoin social impérieux »” (§ 91).

Enfin, les juges européens s’attardent sur la question de la proportionnalité de la sanctionprononcée à l’encontre des requérants. Dès lors que l’ingérence en cause répondait à un «besoinsocial impérieux », et “compte tenu du fait que les projets susmentionnés sont en contradictionavec la conception de la « société démocratique » et comportent un fort danger pour ladémocratie espagnole”, ils considèrent que la sanction infligée aux requérants est proportionnelleau but légitime poursuivi au sens de l’article 11 § 2 de la Convention. “Il en résulte que ladissolution peut être considérée comme « nécessaire dans une société démocratique »,notamment pour le maintien de la sûreté publique, la défense de l’ordre et la protection des droitset libertés d’autrui, au sens de l’article 11 § 2” (§ 94). La Cour conclut, à l’unanimité, à la non-violation de l’article 11 de la Convention.

- Concernant la violation alléguée de l’article 10 de la Convention :

Sur ce point, la Cour est d’avis que les questions soulevées par les requérants sous l’angle del’article 10 portent sur les mêmes faits que ceux examinés sur le terrain de l’article 11 de laConvention. Par conséquent, elle estime qu’il n’est pas nécessaire de les traiter séparément.

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Etxeberria et autres c. Espagne

30 juin 2009- req. n/ 35579/03, 35613/03, 35626/03 et 35634/03 -

- non violation de l’article 3 du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention (droit à des élections libres) etdes articles 10 (Liberté d’expression) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention -

T Faits :

Les requérants sont des groupements électoraux ayant exercé des activités au sein de partispolitiques déclarés illégaux et dissous (notamment Herri Batasuna et Batasuna) sur la base dela loi organique 6/2002 sur les partis politiques (LOPP).Le 28 avril 2003, les commissions électorales du Pays basque et de Navarre ont enregistré lescandidatures des groupements aux élections municipales, régionales et autonomes au Paysbasque et en Navarre fixées au 25 mai 2003.

Le 1er mai 2003, l’avocat de l’Etat et le ministère public présentèrent des recourscontentieux-électoraux tendant à l’annulation d’environ 300 candidatures, dont celles desgroupements électoraux litigieux, devant la chambre spéciale du Tribunal suprême, constituéeconformément à l’article 61 de la loi organique relative au pouvoir judiciaire (LOPJ). Ils leurreprochaient de poursuivre les activités des partis politiques Batasuna et Herri Batasuna,déclarés illégaux et dissous en mars 2003.

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22 CEDH, Mathieu-Mohin et Clerfayt c. Belgique , du 2 mars 1987, req. n/ 9267/81, série A n/ 113, § 47.

23 CEDH, Ždanoka c. Lettonie , du 17 juin 2004 , req. n/ 58278/00, §§ 98 et 103.

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Le 3 mai 2003, le Tribunal suprême fit droit aux recours présentés par l’avocat de l’Etat et leministère public et annula les candidatures au motif qu’elles avaient pour but de poursuivre lesactivités des trois partis déclarés illégaux et dissous. Il fonda ses décisions sur l’article 44 § 4 dela loi organique relative au régime électoral général, telle que modifiée par la LOPP. Lesgroupements électoraux litigieux présentèrent alors un recours d’Amparo devant le Tribunalconstitutionnel.

Par un arrêt du 8 mai 2003, le Tribunal constitutionnel rejeta le recours pour ce qui est, entreautres, des quatre groupements électoraux litigieux. Seize des groupements électoraux visésdans la procédure interne virent accueillir leur recours d’Amparo. En ce qui concerne les quatregroupements électoraux litigieux, le Tribunal constitutionnel rappela sa propre jurisprudenceconcernant la constitutionnalité de la procédure contentieuse-électorale prévue par l’article 49de la loi organique relative au régime électoral général. Tout en rappelant qu’il n’avait pascompétence pour réviser l’appréciation du Tribunal suprême, il se référa également aux arrêtscontestés de ce dernier et considéra qu’ils accréditaient, de façon raisonnable et suffisammentmotivées, l’existence d’une stratégie conjointe, élaborée par l’organisation terroriste ETA et leparti dissout Batasuna, visant à favoriser la reconstruction du parti et à présenter descandidatures lors des élections municipales, régionales ou autonomes suivantes.

T Griefs :

Invoquant l’article 3 du Protocole additionnel n/ 1 (droit à des élections libres), les requérants àl’origine des requêtes n/ 35613/03 et 35626/03 estimaient avoir été privés de la possibilité de seprésenter aux élections au Parlement de Navarre et de représenter les électeurs, ce qui auraitentravé la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif.

Au titre de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention, l’ensemble des requérants seplaignaient de l’annulation de leurs candidatures aux élections au Parlement de Navarre, ainsiqu’aux élections municipales et régionales au Pays basque et en Navarre. Contestant lecaractère prévisible de l’article 44 § 4 de la loi organique relative au régime électoral général etdénonçant l’absence de but légitime et de nécessité de l’ingérence dans une sociétédémocratique, ils soutenaient que l’objectif de l’ingérence, ainsi que de la LOPP, était d’interdiretoute expression politique de l’indépendantisme basque. Ils estimaient enfin que la mesurelitigieuse n’était pas proportionnée au but poursuivi.Invoquant l’article 13 (droit à un recours effectif) de la Convention, l’ensemble des requérantsalléguaient également un défaut de recours effectif s’agissant de la procédurecontentieuse-électorale devant la chambre spéciale du Tribunal suprême.

T Décision :

- Sur la violation alléguée de l’article 3 du Protocole additionnel n/ 1 :

La Cour européenne rappelle sa jurisprudence relative à cet article. Elle souligne que cettedisposition consacre un principe fondamental dans un régime politique véritablementdémocratique et revêt donc dans le système de la Convention une importance capitale.22 En effet,la Cour indique que “la démocratie représente un élément fondamental de « l’ordre publiceuropéen », et les droits garantis par l’article 3 du Protocole n/ 1 sont cruciaux pourl’établissement et le maintien des fondements d’une véritable démocratie régie par laprééminence du droit”.23 (§ 47).

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24 CEDH, Gitonas et autres c. Grèce , du 1er juillet 1997, § 39.

25 CEDH, Ždanoka précité, § 115 et CEDH, Matthews c. Royaume-Uni , du 18 février 2002, req. n/ 24833/94, § 63.

26 CEDH, Mathieu-Mohin et CEDH, Clerfayt précités.

27 Notamment, CEDH, Melnitchenko c. Ukraine , du 19 octobre 2004, req. n/ 17707/02, § 57.

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Cependant, elle rappelle que, malgré leur importance, les droits reconnus par cette dispositionne sont pas absolus et qu’il existe des « limitations implicites ».24 Elle poursuit en indiquant que“Dans leurs ordres juridiques respectifs, les Etats contractants (...) jouissent (...) d’une largemarge d’appréciation, mais il appartient à la Cour de statuer en dernier ressort sur l’observationdes exigences du Protocole n/ 1 ; il lui faut s’assurer que lesdites conditions ne réduisent pas lesdroits dont il s’agit au point de les atteindre dans leur substance même et de les priver de leureffectivité, qu’elles poursuivent un but légitime et que les moyens employés ne se révèlent pasdisproportionnés,25 sans perdre de vue la base légale nécessaire pour la mise en œuvre de toutemesure restrictive des droits garantis par cette disposition” (§ 48). La Cour précise ensuite quelorsqu’elle doit connaître de questions de conformité d’une restriction à l’article 3 du Protocolen/ 1, elle s’attache à vérifier deux critères : d’une part l’existence d’ arbitraire ou d’un manque deproportionnalité et d’autre part si la restriction a porté atteinte à la libre expression de l’opiniondu peuple. De plus, elle insiste sur la “nécessité d’apprécier toute législation électorale à lalumière de l’évolution politique du pays concerné, ce qui implique que des caractéristiquesinacceptables dans le cadre d’un système peuvent se justifier dans le contexte d’un autre” 26

(§ 49).

Les juges européens rappellent également leur distinction entre le droit de vote, dans l’aspect« actif » des droits garantis par l’article 3 du Protocole n/ 1 et le droit de se présenter auxélections, qui en constitue son aspect « passif ». A cet égard, ils indiquent avoir observé que ledroit de se présenter aux élections législatives peut être encadré par des exigences plus strictesque le droit de vote. Ils précisent d’ailleurs que, alors que le critère relatif à l’aspect « actif » del’article 3 du Protocole n/ 1 implique une appréciation plus large de la proportionnalité desdispositions légales privant du droit de vote, leur démarche concernant l’aspect « passif » decette disposition se limite pour l’essentiel à vérifier l’absence d’arbitraire dans les procéduresinternes conduisant à priver un individu de l’éligibilité.27 (§ 50).

La Cour note qu’en l’espèce, l’ordre juridique espagnol prévoyait la mesure litigieuse et que lesrequérants pouvaient donc raisonnablement s’attendre à ce que cette disposition leur soitappliquée (§ 51). Elle relève que, conformément à l’article 12 § 1 de la LOPP combiné avecl’article 44 § 4 de la loi organique relative au régime électoral général, la mesure est réservée auxcandidatures qui ont des liens forts et avérés avec des partis politiques dissous. Elle admetl’affirmation du Gouvernement selon laquelle la dissolution des partis politiques Batasuna et HerriBatasuna aurait été inutile s’ils avaient pu poursuivre de facto leur activité par le biais desgroupements électoraux litigieux. Dès lors, elle considère que “la restriction litigieuse poursuit desbuts compatibles avec le principe de la prééminence du droit et les objectifs généraux de laConvention, à savoir notamment la protection de l’ordre démocratique” (§ 52).

Sur la question de la proportionnalité de la mesure, les juges de Strasbourg constatent ensubstance que les autorités nationales disposaient de nombreux éléments permettant deconclure que les groupements électoraux litigieux voulaient continuer les activités des partispolitiques déclarés illégaux, que les autorités ont eu le temps d’examiner les programmes litigieuxet qu’elles ont pris les décisions d’annulation de façon individualisée et, après un examencontradictoire au cours duquel les groupements ont pu présenter des observations (§ 53). Ilspoursuivent en affirmant que, selon eux, “il a été suffisamment prouvé par les juridictions internes

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28 CEDH, Organisation macédonienne unie Ilinden et autres c. Bulgarie , du 19 janvier 2006, req. n/ 59491/00, § 76.

29 CEDH, décision Salleras Llinares c. Espagne , du 12 octobre 2000, req. n/ 52226/99.

30 CEDH, Özgür Gündem c. Turquie , du 16 mars 2000, req. n/ 23144/93, § 43.

31 CEDH, Rekvényi , du 20 mai 1999, req. n/ 25390/94, § 26.

32 CEDH, Hirst c. Royaume-Uni (n //// 2), du 6 octobre 2005, req. n/ 74025/01, § 89.

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espagnoles que les groupements litigieux prétendaient poursuivre les activités de Batasuna etHerri Batasuna, dissous préalablement en raison de leur soutien à la violence et aux activités del’organisation terroriste ETA” (§ 54).Ils soulignent enfin que “le contexte politique existant en Espagne ( ...) prouve que la mesurelitigieuse ne répondait pas à une intention d’interdire toute manifestation d’idées séparatistes.Ainsi, la Cour estime que sa propre jurisprudence, conformément à laquelle l’expression depoints de vue séparatistes n’implique pas per se une menace contre l’intégrité territoriale de l’Etatet la sécurité nationale, a été respectée” 28 (§ 55).Partant, la juridiction européenne conclut, à l’unanimité, à la non violation de l’article 3 duProtocole additionnel n/ 1.

- Sur la violation alléguée de l’article 10 de la Convention :

La Cour s’interroge au préalable sur le point de savoir si l’article 10 de la Convention s’appliquelorsque, comme en l’espèce, l’article 3 du Protocole additionnel n/ 1 ne rentre pas dans le champd’application. En effet, ni les municipalités ni les provinces en cause ne participaient à “l’exercicedu pouvoir législatif et partant [elles] ne font pas partie du « corps législatif » au sens de l’article3 du Protocole n/ 1”.29 A cet égard, elle indique avoir, à plusieurs reprises, rappelé l’importancede la liberté d’expression, qui constitue l’une des conditions préalables au fonctionnement de ladémocratie.30 Selon elle, “cette affirmation de la fonction sociale de la liberté d’expressionconstitue la philosophie de base de la jurisprudence de la Cour relative à l’article 10. Il en résulte,d’une part, que la liberté d’expression n’est pas seulement une garantie contre les ingérencesde l’Etat (un droit subjectif) mais elle est aussi un principe fondamental objectif pour la vie endémocratie ; d’autre part, la liberté d’expression n’est pas une fin en soi mais un moyen pourl’établissement d’une société démocratique pluraliste” (§ 63).Les juges de Strasbourg affirment que ce “droit doit être interprété comme englobant égalementcelui à communiquer des informations et des idées à des tiers dans un contexte politique. Ainsi,même si le droit à la liberté d’expression est lié, in concreto, à une procédure électorale, ceci nesuffit pas à exclure son application aux présentes affaires.” 31 (§ 64). Ils concluent donc àl’applicabilité de l’article 10 de la Convention.

Concernant les requêtes n/ 35613/03 et 35626/03, la Cour de Strasbourg constate que le grieftiré de l’article 10 de la Convention se rapporte aux mêmes faits que les doléances soulevéessur le terrain de l’article 3 du Protocole n/ 1 et rappelle que cette dernière disposition “constitueune lex specialis pour ce qui est de l’exercice du droit de vote”.32 Selon elle, “cette considérationest applicable a fortiori au droit subjectif de se porter candidat”. Par conséquent, elle renvoie auxconclusions présentées ci-dessous sous l’angle de l’article 3 du Protocole n/ 1 et déclarequ’aucune question distincte ne se pose sous l’angle de l’article 10 de la Convention(§ 70).

Concernant les requêtes n/ 35579/03 et 35634/03, “dans la mesure où l’article 10 est la seuledisposition invoquée, la Cour rappelle qu’elle a conclu ci-dessus à la non-violation de l’article 3du Protocole n/ 1, au motif que la mesure d’annulation dont firent l’objet les groupements litigieuxétait proportionnée au but légitime poursuivi et n’avait pas porté atteinte à la libre expression del’opinion du peuple” (§ 71).

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33 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais.

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Elle affirme également que, concernant l’article 10, “l’Etat est en droit de disposer d’une marged’appréciation comparable à celle acceptée dans le cadre de l’article 3 du Protocole n/ 1”. Ainsi,au vu des éléments les ayant conduit au constat de non-violation de l’article 3 du Protocole n/ 1,ils estiment que les autorités espagnoles n’ont pas excédé la marge d’appréciation dont ellesdisposaient vis-à-vis de l’article 10 de la Convention (§ 72).

Enfin, concernant le grief relatif à l’application rétroactive de l’article 44 § 4 de la loi organiquerelative au régime électoral général, les juges de Strasbourg rappellent que l’article 7 § 1 de laConvention ne garantit la non-rétroactivité que dans les procédures pénales, ce qui n’est pas lecas en l’espèce. Ils constatent ensuite que les actes pris en compte par le Tribunal suprême pourconclure à l’annulation des groupements électoraux litigieux sont postérieurs à l’entrée en vigueurde la LOPP et précisent qu’aucune disposition de la Convention n’exclut la possibilité de se basersur des faits antérieurs à l’adoption de la loi.Par conséquent, la Cour conclut, à l’unanimité, à la non-violation de l’article 10 de la Convention.

- Sur la violation alléguée de l’article 13 de la Convention :

Les juges de Strasbourg observent tout d’abord que les délais dont ont disposé les requérantspour former leur recours ont été très brefs. A cet égard, ils rappellent que les standards fixés enla matière considèrent souhaitable un délai de trois à cinq jours en première instance (§ 79). Ilsnotent cependant l’absence de consensus des Etats membres sur cette question et affirmentque “le délai prévu en Espagne ne constitue pas un exemple isolé ou une solution manifestementdéraisonnable par rapport à la majorité des autres Etats européens”. (§ 80).Enfin, la Cour constate que les requérants n’ont pas démontré que ces délais les avaientempêchés de former leurs recours devant le Tribunal suprême ou le Tribunal constitutionnel etde présenter des observations et défendre leurs intérêts de manière appropriée (§ 81).Par conséquent, elle conclut, à l’unanimité, à la non violation de l’article 13 de la Convention.

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Sorguç c. Turquie 33

23 juin 2009- req. n/ 17089/03 -

- Violation de l’article 10 (droit à la liberté d’expression) de la Convention -

T Faits :

Le requérant est professeur de gestion de la construction à l’Université technique d’Istanbul. En 1997, lors d’une conférence, il distribua un article dans lequel il critiquait, sans citer de noms,la procédure de sélection des professeurs assistants. Au cours de la même année, N.C.A., unprofesseur assistant, intenta contre le requérant une procédure civile en réparation. Il luireprochait certains des commentaires figurant dans l’article, estimant que ces proposconstituaient une atteinte à sa réputation. Par la suite, N.C.A. fut révoqué de son poste pourincompétence professionnelle et incompatibilité entre ses valeurs personnelles et celles del’université.Le tribunal de première instance donna raison au requérant en considérant que ses déclarationsn’étaient qu’une critique du système et des institutions universitaires. N.C.A. fit appel de ladécision. Cette seconde juridiction, sans avoir examiné sa révocation de l’université, condamna

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34 CEDH, Lingens c. Autriche , du 8 juillet 1986, Série A n/ 103, req. n/ 9815/82 , § 46 et CEDH, Oberschlick c. Autriche (n //// 1),du 23 mai 1991,Série A n/ 204, req. n/ 11662/85, § 63.

35 CEDH, Jerusalem c. Autriche , du 27 février 2001, req. n/ 26958/95, § 43.

36 CEDH, Tolstoy Miloslavsky c. Royaume-Uni , du 13 juillet 1995,Série A n/ 316 B, req. n/ 18139/91, § 49 et CEDH, Steel etMorris c. Royaume-Uni , du 15 février 2005, req. n/ 68416/01, § 96.

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le requérant à indemniser N.C.A. pour avoir porté atteinte à sa réputation.

T Griefs :

Invoquant une violation de l’article 10 (droit à la liberté d’expression) de la Convention, lerequérant contestait la décision l’ayant reconnu coupable de diffamation. Enfin, il soutenait queles articles 6 (Droit à un procès équitable) de la Convention et 1er du Protocole additionnel n/ 1à la Convention (Protection de la propriété), avaient été violés, estimant que l’indemnisation àlaquelle il avait été condamné portait atteinte à la jouissance paisible de ses biens.

T Décision :

- Concernant la violation alléguée de l’article 10 de la Convention :

La Cour reconnaît qu’il s’agit bien d’une ingérence dans le droit à la liberté d’expression durequérant et elle précise qu’elle doit rechercher si la violation alléguée était « nécessaire dansune société démocratique » et si elle correspondait à un « besoin social impérieux ». Sur cepoint, elle rappelle que les Etats membres jouissent d’une certaine marge d’appréciation pourdécider si un tel besoin existe mais que celle-ci doit aller de paire avec le respect du droiteuropéen. Elle rappelle ensuite que le paragraphe 2 de cette disposition limite cette liberté afind’éviter les atteintes qu’elle pourrait porter à la réputation (§ 28).

Les juges européens affirment ensuite qu’une attention particulière doit être apportée à ladistinction entre les « états de faits » et « les jugements de valeur » : les faits peuvent êtredémontrés tandis que les jugements de valeur ne sont eux pas, en principe, susceptibles d’êtreprouvés. Ainsi, les juges expliquent qu’on ne peut obliger à prouver la véracité d’un jugement devaleur sans violer la liberté d’opinion qui est un élément fondamental du droit garanti par l’article10 de la Convention.34 Cependant, même lorsqu’une déclaration équivaut à un jugement devaleur, la proportionnalité de l’ingérence en cause doit dépendre du point de savoir si il existe unebase factuelle suffisante justifiant la déclaration litigieuse. En effet, à défaut de base factuelle àson soutien, la déclaration peut être excessive 35 (§ 29). Enfin, les juges soulignent que lemontant de l’indemnité accordée doit être proportionnelle au dommage moral subi.36

En l’espèce, la Cour de Strasbourg note que les déclarations litigieuses ont été faites par le biaisde la distribution d’un document lors d’une conférence scientifique. Elle relève également quele requérant a exprimé une opinion sur une question d’intérêt général, à savoir le système denominations et de promotion à l’université. Sachant qu’il avait formulé ses déclarations en sefondant sur son expérience personnelle et que les informations qu’il avait divulguées étaient déjàconnues dans les milieux universitaires, les juges européens soulignent que son discourscontenait des jugements de valeur dont la véracité était susceptible d’être prouvée, au moinspartiellement (§ 31).

Or, ils constatent que les tribunaux turcs ont conclu que les déclarations litigieuses constituaientune atteinte à la réputation de N.C.A. et ce, sans donner au requérant l’occasion d’étayer sesdéclarations. Ils estiment donc que la juridiction nationale a accordé une plus grande importance

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37 CEDH, Mehmet et Suna Yigit c. Turquie , du 17 juillet 2007, req. n/ 52658/99, § 43 et CEDH, K.Ö. c. Turquie , du 11 décembre2007, req. n/ 71795/01, § 50.

38 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais.

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à la protection des droits de la personnalité d’un individu anonyme qu’à la liberté d’expressiondont doit normalement bénéficier un universitaire dans le cadre d’un débat public (§ 34).

La Cour insiste ensuite sur l’importance de la liberté universitaire, qui comprend notamment laliberté pour un enseignant d’exprimer librement son avis au sujet de l’institution ou du systèmeau sein desquels il travaille et de diffuser ses connaissances sans restriction (§ 35).

Compte tenu de ce qui précède, elle estime que la juridiction nationale n’a pas établi l’existenced’un « besoin social impérieux » de placer la protection des droits de la personnalité d’un individuau-dessus du droit à la liberté d’expression du requérant et de l’intérêt général dans la promotionde cette liberté lorsque des questions d’intérêt public sont concernés. Elle constate égalementque le juge national n’a pas établi dans quelle mesure les propos litigieux avaient effectivementporté atteinte à la réputation et à la carrière de N.C.A.. Enfin, elle souligne l’importance dumontant des dommages et intérêts accordés.

Les juges de Strasbourg estiment que les autorités nationales n’ont pas trouvé un juste équilibreentre les différents intérêts en présence. Partant, ils considèrent que l’ingérence en cause n’étaitpas « nécessaire dans une société démocratique » et concluent, à l’unanimité, à la violation del’article 10 de la Convention.

- Concernant les violations alléguées de l’article 6 de la Convention et de l’article 1er du Protocoleadditionnel n/ 1 :

La Cour considère que ces griefs sont liés à celui tiré de la violation de l’article 10 de laConvention. Elle estime donc qu’eu égard aux faits de l’espèce et à son constat de violation del’article 10 de la Convention, elle a examiné les principales questions juridiques soulevées parla requête et conclut qu’il n’est pas nécessaire de rendre des décisions séparées sur ces points.37

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Bodro ññññiƒƒƒƒ et Vujin c. Serbie 38

23 juin 2009- req. n/ 38435/05 -

- Violation de l’article 10 (droit à la liberté d’expression) de la Convention -

T Faits :

Les requérants, journalistes, travaillaient à l’époque des faits pour un journal local. En 2003 et2004, ils publièrent deux articles. Le premier critiquait les condamnations pénales infligées àplusieurs journalistes pour diffamation et faisait notamment référence à un avocat connu en lequalifiant de « blonde » ; il contenait d’ailleurs la photo d’une femme blonde en sous-vêtementsaccompagnée d’une anagramme du nom de l’avocat. Le second article condamnait quant à luile point de vue exprimé à la télévision publique par un historien connu au sujet de l’existence etde l’histoire des minorités nationales en Voïvodine et qualifiait cet historien d’« idiot » et de« fasciste ».L’avocat et l’historien évoqués dans les articles engagèrent des procédures pénales à l’encontre

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39 CEDH, Cvetkovic c. Serbie , du 10 juin 2008, req. n/ 17271/04, § 42.

40 CEDH, Lepojic c. Serbie , du 6 novembre 2007, n/ 13909/05, § 73 et CEDH, Filipovic c. Serbia , du 20 novembre 2007,req. n/ 27935/05, § 53.

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des requérants pour injures. L’un des requérants fut également poursuivi en diffamation parl’historien qu’il avait qualifié de « membre du mouvement fasciste en Serbie ».Les juridictions internes jugèrent les deux requérants coupables d’injures et les condamnèrentà des amendes, assorties, en cas de non paiement, d’une peine de prison. L’auteur de l’articlerelatif à l’historien fut en outre reconnu coupable de diffamation. Au sujet de la première affaire,les juges affirmèrent que le fait de traiter l’avocat de blonde constituait objectivement une insulteet, dans la seconde, que le fait de qualifier l’historien de fasciste et d’idiot n’avait pas d’autre butque de l’offenser.

T Griefs :

Invoquant notamment l’article 10, les requérants se plaignaient d’avoir été condamnés au pénalen raison de la teneur des articles qu’ils avaient écrits.

T Décision :

- Sur la recevabilité :

Le Gouvernement serbe demande à la Cour de rejeter la requête pour non-épuisement des voiesde recours interne. En particulier, il met en avant le fait que les requérants n’ont pas fait appeldevant la Cour constitutionnelle. Ces derniers font quant à eux valoir que cette procédure nepouvait être considérée comme une voie de recours effective puisque la Cour constitutionnellen’est opérationnelle que depuis 2007, alors qu’ils ont déposé leur recours en 2005.Sur ce point, les juges européens rappellent avoir indiqué que concernant les requêtes déposéesavant le 24 novembre 2007, ce recours devant la Cour constitutionnelle ne pouvait être considérécomme efficace au sens de sa jurisprudence établie en vertu de l’article 35 § 1 de laConvention.39 Ils indiquent ne voir aucune raison en l’espèce de s’écarter de cette conclusion etdécident par conséquent de déclarer la requête recevable.

- Sur le fond :

Concernant l’article mettant en cause l’avocat, le Gouvernement serbe soutient que lacomparaison entre hommes et femmes, en particulier les blondes, constitue une atteinte àl’intégrité personnelle et à la dignité des hommes, et ce tel qu’entendu dans l’environnementsocial serbe. Cette analyse est contestée par les requérants qui font quant à eux valoir que leGouvernement et les tribunaux internes ont mal compris leurs écrits.

En premier lieu, la Cour indique qu’il n’est pas contesté que la condamnation litigieuse étaitprévue par l’article 93 du code pénal serbe de l’époque et qu’elle équivalait à une ingérence dansle droit à la liberté d’expression des requérants. Elle note également que cette ingérencepoursuivait le but légitime de la protection d’autrui et recherche si, conformément à l’article 10 § 2de la Convention, elle était effectivement « nécessaire dans une société démocratique ».

Les juges européens rappellent ensuite que la liberté d’expression, telle que garantie auparagraphe 1er de l’article 10, constitue l’un des fondements essentiels d’une sociétédémocratique. Sous réserve du paragraphe 2, elle est applicable “non seulement aux« informations » ou « idées » qui sont considérées comme inoffensives, mais également à cellesqui heurtent, choquent ou encore inquiètent”.40

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41 CEDH, Dalban c. Romanie , du 28 septembre 1999, req. n/ 28114/95, § 49.

42 CEDH, Lindon, Otchakovsky-Laurens et July c. France , du 21 octobre 2007, req. n/ 21279/02 et 36448/02, § 45.

43 Notamment, CEDH, Vogt c. Allemagne , du 26 septembre 1995, req. n/ 17851/91, série A n/ 323, pp. 25-26, § 52.

44 CEDH, Nilsen et Johnsen c. Norvège, du 25 novembre 1999, req. n/ 23118/93, § 46.

45 CEDH, Jerusalem c.Autriche , du 27 février 2001, req. n/ 26958/95, §§ 38-39.

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Insistant sur l’importance de la fonction essentielle remplie par presse dans une sociétédémocratique, ils affirment que, bien qu’elle ne doive pas dépasser certaines limites, notammenten ce qui concerne la réputation et les droits d’autrui, elle doit néanmoins donner, de manièrecompatible avec ses obligations et ses responsabilités, des informations et des idées sur tousles sujets d’intérêts publics. Toujours selon la Cour, “la liberté journalistique couvre égalementla possibilité de recourir à un certain degré d’exagération, voire de provocation” 41 (§ 29).

Puis, la juridiction européenne réaffirme qu’il incombe en premier lieu aux autorités nationalesd’évaluer s’il existe « un besoin social impérieux » de restreindre la liberté d’expression, et quedans cette hypothèse, elles disposent d’une certaine marge d’appréciation.42 Cependant, dansles affaires relatives à la presse, elle précise que cette marge est limitée par les intérêts d’unesociété démocratique à assurer et maintenir une presse libre. Sur ce point, elle rappelle d’ailleursque, dans l’exercice de sa fonction de surveillance, elle a pour tâche de vérifier si les motifsinvoqués par les autorités nationales pour justifier l’ingérence alléguée sont “pertinents etsuffisants” 43 (§ 30).

Concernant le premier article publié, les juges de Strasbourg relèvent que le texte en cause nesaurait être compris comme une insulte gratuite et personnelle mais qu’il doit plutôt s’analysercomme un refus des sanctions de la liberté d’expression journalistique. Estimant que le premierrequérant avait soulevé une question d’intérêt général devant être considérée comme importantepour l’ensemble de la société, à savoir la pratique des juridictions internes consistant à réprimerla liberté d’expression des journalistes, ils réaffirment la jurisprudence selon laquelle lesrestrictions prévues par le paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention ont peu de portée surles débats relatifs aux questions d’intérêt public 44 (§ 32).

Concernant le second article litigieux, la Cour note qu’il s’agissait d’un texte drôle publié dans lacolonne « humour » du journal. Elle estime par conséquent qu’il devait s’analyser comme uneblague et non comme une déclaration malveillante visant à offenser (§ 33).

Sur le point de savoir si l’avocat devait être considéré comme un personnage public, la Courrappelle que dès lors qu’un individu entre dans l’arène du débat public, il s’expose à la critique.45

Elle relève que les parties se sont accordées sur le fait que l’avocat était une figure locale bienconnue. La Cour estime qu’en conséquence il doit y avoir un seuil de tolérance plus élevé àl’égard des critiques formulées à son encontre.

Les juges de Strasbourg examinent ensuite si les motifs invoqués par les tribunaux nationauxpour condamner les requérants étaient « pertinents et suffisants » pour justifier l’ingérence. Surce point, ils affirment tout d’abord que l’analyse du Gouvernement et des tribunaux internes selonlaquelle la comparaison entre un homme et une blonde constituait une atteinte à l’intégrité et àla dignité masculines est inacceptable (§ 35). Ils décèlent dans les propos en cause un peu demoquerie, mais affirment que, pour autant, ils ne pouvaient passer pour être suffisammentinsultants pour justifier une sanction pénale (§ 36). Enfin, ils relèvent qu’en observant quel’avocat avait déjà prouvé le caractère insultant des articles des requérants, les tribunauxnationaux ont implicitement rendus les moyens de défense soulevés dépourvus de tout effet

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46 CEDH, Cumpana et Mazare c. Romanie , du 17 décembre 2004, req. n/ 33348/96, §§ 111-124 et CEDH, Sokolowski c.Pologne , du 29 mars 2005, req. n/ 75955/01, § 51 (uniquement en anglais)

47 Voir mutatis mutandis, CEDH Azevedo c. Portugal , du 27mars 2008, req. n/ 20620/04, § 33 (Cet arrêt est résumé dans la veillebimestrielle n/ 19, p. 39)

48 L’arrêt n’est disponible qu’en anglais

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pratique (§ 37).Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime qu’il n’y avait pas de « besoin social impérieux »de restreindre la liberté d’expression des requérants et que les motifs invoqués par les juridictionsnationales n’étaient ni suffisants ni pertinents pour justifier l’ingérence en cause.

Enfin, elle rappelle que lors l’évaluation de la proportionnalité de l’ingérence, la nature et lasévérité des sanctions infligées sont également des facteurs pris en compte.46 A cet égard, lajuridiction européenne souligne que le recours à des poursuites pénales pour de prétenduesinjures contre des journalistes qui soulèvent des questions d’intérêt public ne doit être considérécomme proportionné, que dans des circonstances très exceptionnelles impliquant une plus graveatteinte aux droits d’un individu.47 Prétendre le contraire aurait pour effet de dissuader lesjournalistes de contribuer au débat public sur des questions touchant à la vie de la communauté,et plus généralement, d’entraver la presse dans l’accomplissement de son rôle essentiel de« chien de garde » (§ 39).En l’espèce, la Cour européenne rappelle les requérants ont étésoumis à une condamnation pénale, et que l’amende infligée à chacun d’entre eux pouvait, encas de non paiement, être remplacée par soixante jours de prison (§ 40).

En conséquence, la Cour conclut à l’unanimité à la violation de l’article 10 de la Convention.

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Ruotsalainen c. Finlande 48

16 juin 2009- req. n/ 13079/03 -

- Violation de l’article 4 du Protocole additionnel n/ 7 à la Convention (droit de ne pas être jugé ou puni deux fois) -

T Faits :

Lors d’un contrôle routier, la police constata que le véhicule du requérant fonctionnait avec uncarburant moins lourdement taxé que le diesel qu’il aurait dû utiliser.Une procédure pénale sommaire fut engagée contre lui, à l’issue de laquelle on lui infligea uneamende pour avoir commis une contravention fiscale. De plus, le requérant ayant reconnu avoirfait lui-même le plein de son véhicule, il fut constaté qu’il avait agi intentionnellement. Il nes’opposa pas à l’amende et la condamnation devint définitive.Parallèlement, une procédure administrative fut également engagée contre le requérant. Lesautorités administratives le sommèrent de payer la différence entre la taxe qu’il avait versée etcelle qu’il aurait dû acquitter. En effet, celui-ci ayant utilisé sa camionnette avec un carburantmoins lourdement taxé que le diesel et n’ayant pas informé au préalable l’administration routièreou les douanes, la différence normale de taxe fut triplée. Le requérant demanda à obtenir uneréduction du montant demandé au titre de taxe mais les autorités rejetèrent sa demande ainsique le recours qu’il avait formé pour faire annuler la décision de rejet à cet égard.

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T Griefs :

Le requérant se plaignait d’avoir été puni deux fois pour la même contravention fiscale et à cetitre, invoquait une violation de l’article 4 du Protocole additionnel n/ 7 (droit de na pas être jugéou puni deux fois). Enfin, il soutenait que les autorités ne s’étaient pas conformées à la règle dunon bis in idem, et que l’article 6 de la Convention (droit à un procès équitable) avait été violé.

T Décision :

- Sur la violation de l’article 4 du Protocole additionnel n/ 7 à la Convention :

La Cour rappelle que l’objectif de l’article 4 du Protocole n/ 7 invoqué est d’éviter la répétition depoursuites pénales clôturées par une décision finale. En l’espèce, elle relève que deux mesuresont été prononcées à l’encontre du requérant dans le cadre de deux procédures différentes.Elle juge que toutes les sanctions infligées au requérant étaient de nature pénale. En effet, dansl’ordre juridique finlandais, la première procédure se qualifie de procédure « pénale » ;concernant la deuxième, la Cour estime que bien que celle-ci relève d’une procédureadministrative en ce qu’elle concerne la matière fiscale, elle ne revêt pas un simple caractèrecompensatoire. Les autorités nationales ayant triplé la différence de taxe afin de punir et dedissuader le requérant de recommencer, la Cour juge qu’il s’agit des caractéristiques de lasanction en matière pénales.En outre, elle précise que les faits à l’origine des deux procédures étaient les mêmes : l’usaged’un carburant moins lourdement taxé que le diesel. La seule différence majeure était la notiond’intention relevée dans la première procédure. Les juges de Strasbourg jugent donc qu’il y a eu répétition des procédures, la seconde sanctionayant été prononcée pour des faits identiques à la première. Enfin, en vertu de l’article 4 du Protocole additionnel n/ 7, la deuxième procédure n’aurait dûs’ouvrir qu’à la suite de l’apparition d’éléments de preuve ou de faits nouveaux ou encore de ladécouverte d’un vice fondamental de la procédure précédente de nature à affecter le jugementintervenu. Or, les autorités nationales n’ont invoqué aucun de ces éléments pour engager laseconde procédure.Partant, la Cour conclut à l’unanimité à la violation de l’article 4 de Protocole additionnel n/ 7.

- Sur la violation de l’article 6 de la Convention :

Le requérant se plaint du non respect du principe non bis in idem sous l’angle de l’article 6 de laConvention.La Cour estime que ce principe est garanti par le respect de l’article 4 de Protocole n/ 7. Elle sedéclare donc incompétente ratione materiae pour traiter de cette partie de la requête.

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Laudette c. France

11 juin 2009- req. n/ 19/05 -

- Violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable sous l’angle de l’égalité des armes) -

T Faits :

En 2003, le requérant porta plainte avec constitution de partie civile, à Paris, contre sa femme.Cette plainte concernait des faits de violences et de dénonciations calomnieuses commis à sonencontre par son épouse et survenus lors d’un voyage à Singapour en 2000. Il demandait parailleurs réparation du préjudice subi du fait des dénonciations calomnieuses. Le juge d’instructionrendit une ordonnance d’irrecevabilité de constitution de partie civile au visa de l’article 113-8 ducode pénal qui prévoit que lorsque les faits dénoncés se sont déroulés à l’étranger, la poursuitedes délits ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public, après dépôt de plainte parla victime ou ses ayants-droits.Le requérant interjeta appel de cette ordonnance. Il ne put assister à l’audience, seul son avocatétant autorisé à pénétrer dans la salle pour y plaider. La chambre de l’instruction de la Courd’appel rejeta son recours. Il forma un pourvoi en cassation. Le greffe de la Cour suprême l’informa que son mémoire seraitsoumis à l’examen d’un Conseiller-rapporteur, puis de l’Avocat général qui lui ferait connaître lesens de ses conclusions avant l’audience. Invoquant notamment les arrêts Slimane-Kaïd c. France des 31 mars 1998 et 25 janvier 2000,le requérant demanda communication du rapport du conseiller-rapporteur avant l’audience, celui-ci ayant été transmis à l’avocat général. Il n’obtint aucune réponse à sa demande. Le 22 juin2004, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejeta son pourvoi sur le fondement desdispositions de l’article 113-8 du code pénal. Par ailleurs, la Haute Cour précisa que l’ordonnanced’irrecevabilité n’était pas constitutive d’une violation de l’article 6 de la Convention européenneinvoquée par le requérant.

T Griefs :

Devant la Cour européenne, le requérant invoquait une violation de l’article 6 § 1 (droit à unprocès équitable) combiné avec l’article 13 de la Convention (droit à un recours effectif). Ilestimait en effet que l’ordonnance d’irrecevabilité de sa plainte l’avait privé de son droit d’accèsà un tribunal. Par ailleurs, toujours sur le fondement de l’article 6 § 1, il se plaignait d’une part den’avoir pu assister à l’audience devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel et d’autrepart de la violation du principe de l’égalité des armes. Sur ce dernier point, il alléguait n’avoir eucommunication ni des conclusions du Conseiller-rapporteur ni de celles de l’Avocat général.

T Décision :

- Sur le premier grief tiré de la violation de l’article 6 combiné à l’article 13 de la Convention :

A titre liminaire, la Cour statue sur les exceptions soulevées par le Gouvernement français surl’applicabilité des dispositions de l’article 6 à la présente affaire. Elle précise dans un premiertemps que “les exigences de l’article 6 § 1, qui impliquent toute la panoplie des garanties propresaux procédures judiciaires, sont plus strictes que celles de l’article 13, qui se trouvent absorbéespar elles” (§ 26). Dans ces conditions, elle décide de n’examiner l’affaire que sous l’angle del’article 6 § 1 de la Convention.

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49 CEDH, Grande chambre Perez c. France du 12 février 2004, req. n/ 47287/99.

50 CEDH, Fonfrede c. France du 16 octobre 2008, req. n/ 44562/04.

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Elle rappelle par ailleurs s’être déjà prononcée, notamment dans l’arrêt de grande chambre Perezc. France du 12 février 2004,49 sur l’applicabilité de l’article 6 § 1 de la Convention aux plaintesavec constitution de partie civile et y avoir précisé qu’une telle plainte relevait bien de l’article 6dans la mesure où elle ne visait pas exclusivement un but répressif ou vindicatif mais qu’elle avaitégalement un objet indemnitaire. En l’espèce, la Cour constate que le requérant a sollicitél’attribution de dommages et intérêts notamment en réparation de l’atteinte portée à son image,à son honneur et à sa réputation. Elle admet donc l’application de l’article 6 de la Constitution etrejette l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement.

Enfin, la Cour considère que la dernière exception tirée du non épuisement des voies de recoursinternes soulevée par le Gouvernement, ne s’applique qu’au grief portant sur la violation du droitd’accès à un tribunal. La juridiction strasbourgeoise rappelle que “le droit d’accès à un tribunalse trouve atteint lorsque la réglementation en cause cesse de servir les buts de la sécuritéjuridique et de la bonne administration de la justice et constitue une sorte de barrière quiempêche le justiciable de voir la substance de son litige tranchée par la juridiction compétente(Kemp et autres c. Luxembourg, n/ 17140/05, § 47, 24 avril 2008)”. Or, “la réglementation relativeaux formalités et aux délais à observer pour former un recours vise à assurer la bonneadministration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique” (§ 31).Reprenant l’argumentation du Gouvernement, la Cour considère que l’article 113-8 du code pénal“applicable seulement en matière délictuelle, tient compte des difficultés auxquelles se heurtentles enquêteurs pour diligenter des investigations en territoire étranger (...)”. A ses yeux, “il ne faitaucun doute que cette exclusivité de compétence concourt à la bonne administration de la justicedans la mesure où elle vise à éviter que l’action publique ne soit mise en mouvement pour desfaits dont l’élucidation ou la poursuite se trouvent compromis” (§ 32). Les juges européens constatent que le requérant a bénéficié d’un droit d’accès à un tribunal,dans les limites prévues par l’article 113-8 du code pénal, que “ces limites sont justifiées et n’ontpas restreint l’accès ouvert au requérant” (...) à un point tel “que son droit à un tribunal s’en esttrouvé atteint dans sa substance même” (§ 33). Ils observent enfin que le requérant n’a pas saisiles juridictions civiles après avoir été informé de la décision d’irrecevabilité de sa plainte commecela lui était permis.Dès lors, la Cour rejette ce grief du requérant tiré du défaut d’accès à un tribunal, le considérantmanifestement mal fondé.

- Sur les autres violations alléguées de l’article 6 de la Convention :

Concernant l’impossibilité pour le requérant d’assister à l’audience de la chambre de l’instruction :

La Cour constate que le requérant était effectivement représenté par son avocat devant lachambre de l’instruction. Elle rejette donc le grief du requérant.

Concernant l’absence de communication des conclusions de l’avocat général :

Le procureur général près la Cour de cassation a informé le requérant par courrier du 3 juin 2004du dépôt des conclusions de l’avocat général et du sens de ses conclusions. Visant notammentl’arrêt Fonfrede c. France du 16 octobre 2008,50 la Cour conclut au rejet du grief qu’elle estimemanifestement mal fondé.

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51 CEDH, Bertin c. France du 24 mai 2006, req. n/ 55917/00 (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle de mai-juin 2006,p. 11) et CEDH, Ledru c. France , du 6 décembre 2007, req. n/ 38615/02. (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 17,p. 25)

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Concernant l’absence de communication du rapport du conseiller-rapporteur :

La Cour rappelle sa jurisprudence constante en la matière, et notamment les deux arrêts Bertinc. France et Ledru c. France ,51 selon laquelle “l’absence de communication au requérant ou àson conseil, avant l’audience, du premier volet du rapport du conseiller-rapporteur, alors que cedocument avait été transmis à l’avocat général, ne s’accorde pas avec les exigences du procèséquitable” (§ 44). En l’espèce, elle constate en outre que le courrier du requérant demandantcommunication de ce rapport est resté sans réponse. Elle conclut, à l’unanimité, à la violation del’article 6 de la Convention sous l’angle de l’égalité des armes.

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Dubus S.A. c. France

11 juin 2009- req. n/ 5242/04 -

- violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) -

T Faits :

La société Dubus S.A., (requérante) est une entreprise d’investissement dont l’activité consisteen la réception, la transmission et l’exécution d’ordres pour le compte de tiers et la négociationpour son propre compte. En 2000, elle fit l’objet d’une inspection diligentée par la Commissionbancaire - autorité de contrôle des établissements de crédit et d’investissement présidée par legouverneur de la Banque de France (« la Commission ») -. A l’issue de cette inspection, uneinfraction réglementaire lui fut signifiée, et la régularisation de sa situation demandée.

Le 28 septembre 2000, sur la base du rapport d’inspection, la Commission bancaire décidad’ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre de la requérante. Le président de la Commissionlui notifia les motifs d’ouverture de cette procédure. En réponse, la requérante déposa, le 28décembre 2000, ses observations. Elle contestait la régularité et l’impartialité de cette procédureau regard de l’article 6 § 1 de la Convention européenne, dénonçant notamment le cumul par laCommission des fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement. En réplique, le secrétariatgénéral de la Commission lui transmit ses observations et l’invita par ailleurs à l’audience setenant le 11 juillet 2001.

Le 8 octobre 2001, la Commission prononça un blâme à l’encontre de la requérante. La décision,qui précisait par ailleurs que la procédure n’était entachée d’aucune irrégularité, lui fut notifiéepar le secrétaire général. En juillet 2003, le Conseil d’État rejeta le pourvoi formé par larequérante. Il écarta les moyens tirés de l’incompatibilité avec l’article 6 § 1 du fait, notamment,du cumul des fonctions au sein de la Commission, de sa faculté d’autosaisine. Il estima enfin quela décision du 8 octobre 2001 avait été suffisamment motivée.

T Griefs :

Devant la Cour européenne, la requérante invoquait l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable)de la Convention. Elle se plaignait du manque d’impartialité et d’indépendance de la Commission

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52 CEDH, Engels et autres c. Pays-Bas , du 8 juin 1976, req. n/ 5100/71, 5101/71, 5354/72 et 5370/72

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bancaire dans le cadre d’une procédure disciplinaire ouverte à son encontre par cette autorité,ainsi que de l’iniquité de la procédure devant la Commission et le Conseil d’État.

T Décision :

- Sur les exceptions d’irrecevabilité soulevées par le Gouvernement :

Le Gouvernement affirmait que l’article 6 de la Convention ne trouvait pas à s’appliquer au casd’espèce en raison de la nature disciplinaire de la procédure :

La Cour, constate en premier lieu que le Conseil d’Etat lui même reconnaît l’applicabilité del’article 6 § 1 de la Convention sous son angle pénal et rappelle ses jurisprudences Lilly c.France du 3 décembre 2002 et Didier c. France du 2 juillet 2002 appliquant cette disposition àd’autres autorités administratives compétentes en matière économique et financière. Elle reprend ensuite les arguments de la requérante et précise que trois critères (critères« Engels52 »), permettent d’établir l’existence d’une « accusation en matière pénale » quidétermine l’applicabilité de l’article 6 : “la qualification juridique de l’infraction en droit interne, (...)la nature même de l’infraction (...) et le degré de sévérité de la sanction que risque de subirl’intéressé” (§ 36), les deux derniers critères étant alternatifs et non cumulatifs.

En l’espèce, elle estime que la requérante “pouvait encourir une radiation et/ou une sanctionpécuniaire « au plus égale au capital minimum auquel est astreinte la personne moralesanctionnée ». De telles sanctions entraînent des conséquences financières importantes, etpartant, peuvent être qualifiées de sanctions pénales”. Par ailleurs, “le blâme qui a été prononcéétait de nature à porter atteinte au crédit de la société sanctionnée entraînant pour elle desconséquences patrimoniales incontestables” (§ 37).Selon les juges européens, “la Commission bancaire, lorsqu’elle a infligé à la requérante lasanction du blâme, devait être regardée comme un « tribunal » au sens de l’article 6 § 1 de laConvention” et “cette sanction, dans les circonstances de l’espèce, avait une « colorationpénale »” (§ 38). La Cour en déduit que l’article 6 § 1 de la Convention trouve à s’appliquer etrejette l’exception d’incompatibilité ratione materiae soulevée par le Gouvernement.

Le gouvernement soutenait enfin que, s’agissant du grief tiré du défaut de motivation par leConseil d’Etat, les voies de recours internes n’avaient pas été épuisées puisque la requéranten’avait pas exercé le recours en rectification d’erreur matérielle :

La Cour rappelle que l’article 35 de la Convention vise à “ménager aux Etats contractantsl’occasion de prévenir ou redresser les violations alléguées contre eux avant que ces allégationsne soient soumises aux organes de la Convention”. Cependant, les dispositions de cet article “neprescrivent l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibleset adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie maisaussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues” (§ 41). Ilappartient au Gouvernement de démontrer que ces exigences se trouvent réunies.En l’espèce, les juges européens observent que la voie de recours proposée, à savoir, “lerecours en rectification d’erreur matérielle prévu à l’article R 833-1 du code de justiceadministrative, vise à redresser les inexactitudes et erreurs commises par le juge” et non pas lescritiques portant sur un raisonnement juridique. Ils en concluent donc que le recours évoqué parle Gouvernement “n’était pas de nature à remédier à la violation alléguée de la Convention parla requérante.” (§ 42) et rejettent l’exception de non-épuisement des voies de recours internes.

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53 CEDH, Wagner et J. M. W. L. c. Luxembourg , du 28 juin 2007, req. n/ 76240/01 (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestriellen/ 15)

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- Concernant la procédure suivie devant la Commission bancaire :

Sur le manque d’impartialité et d’indépendance de la Commission bancaire :

La Cour rappelle ses principes en matière d’impartialité subjective et objective. En l’espèce, ellene voit aucune raison de mettre en cause l’impartialité subjective des membres de laCommission.

Concernant l’impartialité objective, les juges européens exposent qu’en “la matière, même lesapparences peuvent revêtir de l’importance. Il y va de la confiance que les tribunaux d’unesociété démocratique se doivent d’inspirer aux justiciables, à commencer, au pénal, par lesprévenus” (§ 53) et que “les notions d’indépendance et d’impartialité sont étroitement liées”. Or,en l’espèce, ils constatent “l’imprécision des textes qui régissent la procédure devant laCommission bancaire, quant à la composition et aux prérogatives des organes appelés à exercerles différentes fonctions qui lui sont dévolues.” (§ 56). En l’occurrence, la Commission exerce unefonction de contrôle administratif, dispose d’un pouvoir d’injonction et d’un pouvoir disciplinaire.La Cour rappelle avoir déjà jugé, notamment par une décision d’irrecevabilité Didier c. France ,précitée, concernant une autorité administrative indépendante similaire à la Commissionbancaire, que “si le cumul des fonctions d’instruction et de jugement peut être compatible avecle respect de l’impartialité garanti par l’article 6 § 1 de la Convention, (...) ce cumul estsubordonné à la nature et l’étendue des tâches du rapporteur durant la phase d’instruction, etnotamment à l’absence d’accomplissement d’acte d’accusation de sa part” (§ 57). En l’espèce, elle recherche si la Commission bancaire a pu décider de la sanction disciplinairesans « préjugement ». Elle constate une confusion des rôles : le secrétaire général et laCommission bancaire ont diligenté les poursuites contre la requérante, le Président lui a notifiéles griefs retenus à son encontre, l’instruction n’était pas dévolue à une personne précise et ladécision de sanction fut prise par le président de la Commission bancaire et cinq membres decelle-ci après une audience publique et un délibéré. Enfin, le secrétaire général notifia à larequérante la sanction prononcée par la Commission. “De cet enchaînement d’actes pris aucours de la procédure juridictionnelle, il résulte, de l’avis de la Cour, que la société requérantepouvait raisonnablement avoir l’impression que ce sont les mêmes personnes qui l’ont poursuivieet jugée.” (§ 60) estime la Cour européenne. La juridiction strasbourgeoise ne s’estime “pas convaincue par l’affirmation du Gouvernement surl’existence d’une séparation organique au sein de la Commission bancaire”. Elle en déduit que“la requérante pouvait nourrir des doutes objectivement fondés quant à l’indépendance etl’impartialité de la Commission du fait de l’absence de distinction claire entre ses différentesfonctions” (§ 61) et à l’unanimité, conclut à la violation de l’article 6 de la Convention.

Sur la rupture de l’égalité des armes :

La Cour n’estime pas nécessaire d’examiner le grief tiré de la rupture de l’égalité des armes entrele secrétariat général de la Commission et les personnes poursuivies. Selon elle, le constat deviolation de l’article 6 § 1 de la Convention concernant le manque d’impartialité etd’indépendance de la Commission est suffisant.

- Concernant la procédure devant le Conseil d’État :

La Cour rappelle avoir, dans l’arrêt Wagner et J. M. W. L. c. Luxembourg , du 28 juin 2007,53

exposé “les principes régissant l’obligation pour les tribunaux de répondre aux arguments desparties”. Elle constate que le Conseil d’Etat a apprécié l’impartialité de la procédure litigieuse

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dans son ensemble, et qu’il a justifié le principe d’autosaisine de la Commission, soulevé par larequérante, “par la particularité des autorités administratives indépendantes dans leur rôle derégulation des marchés” (§ 69). Elle ne voit donc aucune raison de reprocher un défaut demotivation à cette haute juridiction.

Concernant enfin le grief soulevé par la requérante qui soutenait que dans une procéduredisciplinaire, le Conseil de l’Etat ne pouvant pas apprécier la proportionnalité de la sanction, cetteabsence de double degré de juridiction méconnaîtrait l’article 2 du Protocole n/ 7 à la Convention,les juges de Strasbourg rappellent leur position concernant le recours devant le Conseil d’Etatet le double degré de juridiction garanti en la matière, la Commission bancaire étant à ses yeuxune juridiction administrative. La Cour conclut à la non-violation de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droitsde l’homme et des libertés fondamentales concernant les griefs tirés de l’iniquité de la procéduredevant le Conseil d’Etat.

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Bendayan Azcantot et Benalal Bendayan c. Espagne

9 juin 2009- req. n/ 28142/04 -

- Violation de l’article 6 § 1 de la Convention -

T Faits :

Le 24 octobre 1988, les requérants déposèrent une plainte à l’encontre de M.L.R. pourescroquerie, faux et augmentation frauduleuse des prix. Par un jugement du 9 mars 1991,l’Audiencia Provincial de Santa Cruz de Tenerife relaxa l’accusé.Les requérants formèrent un pourvoi en cassation devant le Tribunal suprême, qui, par un arrêtdu 9 juillet 1993, cassa le jugement et renvoya l’affaire devant la juridiction de première instance.Le 17 février 1995, la juridiction de première instance reconnut M.L.R. coupable d’un délitd’escroquerie et le condamna à une peine d’un an et trois mois d’emprisonnement ainsi qu’auversement d’une somme d’argent aux requérants.M.L.R. se pourvut en cassation devant le Tribunal suprême qui, par un arrêt du 22 avril 1997,rejeta le pourvoi et confirma la condamnation prononcée. Par une ordonnance du 24 juin 1997,l’Audiencia Provincial déclara le caractère définitif et exécutoire du jugement du 17 février 1995.Le 24 juillet 1997, les requérants sollicitèrent l’exécution du jugement auprès de l’AudienciaProvincial de Santa Cruz de Tenerife. Le 20 novembre 1997, ils s’adressèrent de nouveau àl’Audiencia Provincial en vue de voir exécuter la décision rendue en leur faveur, sollicitantnotamment le paiement dans les plus bref délais d’une somme représentant le montant octroyéau titre de la responsabilité civile, plus les intérêts calculés jusqu’au 24 juillet 1997.Le 3 décembre 1997, l’Audiencia Provincial informa les requérants du fait qu’un sursis àexécution de la peine d’emprisonnement avait été accordé à M.L.R. pour maladie grave.Le 11 décembre 1997, les requérants attaquèrent cette décision devant l’Audiencia Provincial.Le 27 février 1998, la juridiction rejeta le recours formé par les requérants et ordonna qu’il soitprocédé à la liquidation de la somme due au titre de la responsabilité civile.Le 20 mars 2000, M.L.R décéda. Ses enfants engagèrent une procédure de successiontestamentaire et sollicitèrent la suspension d’exécution du jugement pénal en cause.Le 9 janvier 2001, les requérants se plaignirent auprès du tribunal suprême du retard del’exécution par l’Audiencia provincial du jugement litigieux. Diverses procédures furent encoreengagées par les requérants pour obtenir l’exécution du jugement. Finalement, par ordonnance

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54 CEDH, Robins c. Royaume-Uni , du 23 septembre 1997, req. n/ 22410/93, § 28 ; CEDH, Estima Jorge c. Portugal , du 21 avril1998, req. n/ 24550/94, § 35; CEDH, Buj c. Croatie , du 1er juin 2006, req. n/ 24661/02, § 16.

55 CEDH, Hornsby c. Grèce , du 19 mars 1997, req. n/ 18357/91, § 40.

56 CEDH, Perez c. France , du12 février 2004, req. n/ 47287/99, § 72.

57 CEDH, Frydlender c. France , du27 juin 2000, req. n/ 30979/96, § 43 ; CEDH, Quiles Gonzalez c. Espagne , du 27 avril 2004,req. n/ 71752/01, § 23 ; CEDH, Alberto Sanchez c. Espagne ,du 16 novembre 2004, req. n/ 72773/01, § 46.

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du 20 avril 2005 l’Audiencia Provincial classa définitivement l’exécution du jugement pénal encause.

T Griefs :

Invoquant une violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention, lesrequérants reprochaient aux autorités espagnoles de ne pas avoir exécuté dans un délairaisonnable le jugement devenu définitif le 24 juin 1997.

T Décision :

La Cour observe en premier lieu que le grief invoqué par les requérants porte sur la procédured’exécution du jugement pénal. Sur ce point, elle réitère sa jurisprudence selon laquelle l’article6 § 1 de la Convention exige que toutes les phases des procédures judiciaires tendant à mettreun terme à des « contestations sur des droits et obligations de caractère civil » aboutissent dansun délai raisonnable 54 et que l’exécution d’un jugement ou arrêt, de quelque juridiction que cesoit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du « procès »au sens de l’article 6 dela Convention.55

Les juges européens relèvent qu’il s’agissait en l’espèce de l’exécution d’un jugement imposantà un particulier une obligation de verser des dommages-intérêts au titre de la responsabilité civilerésultant d’une infraction pénale. A cet égard, ils rappellent la nécessité de préserver les droitsdes victimes des infractions pénales et la place qui leur revient dans le cadre des procédurespénales.56 Surtout, ils précisent que “Cela vaut également pour la phase d’exécution d’unjugement pénal rendu en leur faveur, dans la mesure où c’est durant celle-ci que la réparationpécuniaire du dommage subi par les victimes trouve sa réalisation effective” (§ 69).

En l’espèce, concernant la durée de la procédure d’exécution litigieuse, la Cour considère quela période à prendre en considération commence à la date à laquelle le jugement pénal estdevenu définitif, soit le 24 juin 1997 et se termine à la date de l’ordonnance de l’AudienciaProvincial, c’est à dire le 20 avril 2005. Ainsi, la durée qu’elle décide d’examiner est de sept ans,neuf mois et vingt-sept jours. Puis, elle rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’uneprocédure doit s’apprécier suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critèresconsacrés par la jurisprudence (complexité de l’affaire, comportement du requérant et celui desautorités compétentes ainsi que de l’enjeu du litige pour les intéressés).57

Les juges de Strasbourg affirment qu’au vu des faits de l’espèce, ils ne peuvent partager laposition des requérants selon laquelle les autorités judiciaires n’ont réalisé aucun acted’exécution du jugement définitif. Ils admettent que la présentation des recours successifs a puretarder le déroulement de la procédure d’exécution et observent en outre que les requérantsont contesté, devant le Tribunal suprême, la dissolution de la communauté d’acquêts entre lecondamné et son épouse. Cependant, ils estiment qu’il ne saurait leur être reproché d’avoir utiliséles voies procédurales disponibles pour défendre leurs intérêts.

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Admettant que l’affaire revêtait une certaine complexité, la Cour considère néanmoins que “lesautorités compétentes auraient dû agir avec plus de diligence afin de ne pas porter préjudice auxpossibilités réelles d’exécution du jugement rendu au principal et pour ne pas favoriser le débiteuret sa famille” (§ 74).

En conclusion, les juges européens estiment “qu’un laps de temps de sept ans, neuf mois etvingt-sept jours pour la phase d’exécution d’un jugement pénal définitif ne saurait, en soi, êtreconsidéré comme répondant aux exigences du « délai raisonnable »” (§ 75). Ils concluent, àl’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

NNNN Les opinions partiellement dissidentes du Juge Zemiele et du Juge Saiz Arnaiz sont annexéesà l’arrêt.

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Pistolis et autres c. Grèce

4 juin 2009- req. n/ 54594/07 -

- Violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable sous l’angle du droit d’accès àun tribunal) -

T Faits :

En juillet 1999, alors qu’il traversait la rue en compagnie de son père, un enfant fut renversé parune moto conduite par un mineur sans permis. L’enfant décéda des suites de ses blessures. Les membres de sa famille saisirent d’une action en dommages et intérêts le tribunal de premièreinstance. Le 30 juin 2003, leur demande ne fut que partiellement accueillie. En effet, le père del’enfant fut reconnu responsable à 30 % de l’accident, le tribunal estimant qu’il n’avait pas faitpreuve de toute la diligence requise. Les requérants interjetèrent appel de cette décision au motifque, selon eux, l’auteur de l’accident était totalement responsable. Le 8 décembre 2004, la cour d’appel confirma ce jugement en détaillant le comportement quepère de l’enfant aurait du avoir. Elle décida que le montant de l’indemnité devant être versée àla famille de la victime devait être réduite de 30 %.Le 1er juin 2005, les requérants formèrent un pourvoi en cassation en soulevant six moyens. Lepremier d’entre eux, invoqué à titre individuel par le père de la victime, contestait la conclusionde la cour d’appel qui lui reconnaissait une part de responsabilité dans l’accident.Les autres requérants, reprenant le même argument, exposaient par ailleurs que la mise encause de la responsabilité du père de l’enfant avait réduit le montant de l’indemnité.La Cour de cassation rejeta le pourvoi en déclarant irrecevables les premier et troisième moyensau motif que les requérants n’avaient pas précisé les circonstances de faits sur lesquelles la courd’appel s’était fondée pour conclure à la mise en cause de la responsabilité du père de la victime.

T Griefs :

Invoquant l’article 6 § 1 (droit d’accès à un tribunal) de la Convention, les requérants seplaignaient de l’iniquité de la procédure. En particulier, ils dénonçaient le fait que la Cour decassation avait rejeté leur pourvoi pour manque de précision.

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58 CEDH, García Manibardo c. Espagne , du 15 février 2000, req. n/ 38695/97, § 36.

59 CEDH, Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne , du 19 février 1998, req. n/ 28028/95, § 34.

60 CEDH, Delcourt c. Belgique , du 17 janvier 1970, req. n/ 2689/65, §§ 25-26.

61 CEDH, Brualla Gómez de la Torre c. Espagne , du 19 décembre 1997, req. n/ § 37.

62 CEDH, Brechos c. Grèce , du 11 avril 2006, req. n/ 7632/04.

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T Décision :

La Cour européenne rappelle sa jurisprudence selon laquelle il revient en premier lieu auxautorités nationales d’interpréter la législation interne58. Elle expose également que “le « droit àun tribunal », dont le droit d’accès constitue un aspect particulier, n’est pas absolu et se prête àdes limitations implicitement admises, notamment quant aux conditions de recevabilité d’unrecours, car il appelle de par sa nature même une réglementation de l’Etat, lequel jouit à cetégard d’une certaine marge d’appréciation. Toutefois, ces limitations ne sauraient restreindrel’accès ouvert à un justiciable de manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s’en trouveatteint dans sa substance même; enfin, elles ne se concilient avec l’article 6 § 1 que si ellestendent à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyensemployés et le but visé”.59 En outre, elle précise que “le droit d’accès à un tribunal se trouve atteint lorsque saréglementation cesse de servir les buts de sécurité juridique et de bonne administration de lajustice” (§ 21). Ce droit “constitue une sorte de barrière qui empêche le justiciable de voir sonlitige tranché au fond par la juridiction compétente” (§ 21).

Les juges européens réaffirment par ailleurs que l’article 6 de la Convention n’astreint pas lesEtats à créer des cours d’appel ou de cassation 60 mais que si de telles juridictions existent, alorsles garanties offertes par cette disposition doivent être respectées, notamment en ce quiconcerne le droit effectif d’accès aux tribunaux.61 Ils rappellent enfin que la réglementationrelative aux formalités pour former un recours a pour objectif d’assurer la bonne administrationde la justice et le respect du principe de la sécurité juridique.

A plusieurs reprises, la Cour de Strasbourg a considéré que “l’application par les juridictionsinternes de formalités à respecter pour former un recours est susceptible de violer le droit d’accèsà un tribunal. Il en est ainsi quand l’interprétation par trop formaliste de la légalité ordinaire faitepar une juridiction empêche, de fait, l’examen au fond du recours exercé par l’intéressé” (§ 24).En l’espèce, elle relève que la règle appliquée par la Cour de cassation grecque pour déclarerirrecevables deux des moyens soulevés par les requérants est une construction jurisprudentielle(§ 25). Mais elle estime que cette règle obéit aux exigences de la sécurité juridique et de labonne administration de la justice. Ainsi, les juges européens considèrent que “quand ledemandeur en cassation reproche à la cour d’appel une appréciation erronée des faits de lacause par rapport à la règle juridique appliquée, il paraît raisonnable d’exiger qu’il relate dans sonpourvoi les faits pertinents tels qu’ils ont été admis par la cour d’appel. A défaut, la hautejuridiction ne serait pas en mesure d’exercer son contrôle d’annulation à l’égard de l’arrêtattaqué ; elle serait tenue de procéder à un nouvel établissement des faits pertinents de la causeet de les apprécier elle-même par rapport à la règle de droit appliquée par la cour d’appel. Cettehypothèse ne peut donc être envisagée, car elle équivaudrait à exiger de la haute juridictionqu’elle formule elle-même les moyens de cassation censés être soumis à son examen. Ensomme, la règle jurisprudentielle appliquée en l’espèce se concilie avec la spécificité du rôle jouépar la Cour de cassation, dont le contrôle est limité au respect du droit.” 62 (§ 26).

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63 L’arrêt n’est disponible qu’en anglais.

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Cependant, en l’espèce, la Cour constate que le premier requérant avait repris mot pour mot lesdires de la cour d’appel. Elle considère que dans ces conditions, les moyens de cassation encause ne faisaient pas peser sur la Cour de cassation la charge de procéder à un nouvelétablissement des faits. Elle affirme donc que la limitation du droit d’accès à un tribunal imposéepar la Cour de cassation grecque n’était pas proportionnée à l’objectif de garantie de la sécuritéjuridique et de la bonne administration de la justice et conclut, à l’unanimité, à la violation del’article 6 § 1 de la Convention.

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Standard Verlags GMBH c. Autriche ( n //// 2 ) 63

4 juin 2009- req. n/ 21277/05 -

- non-violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention -

T Faits :

La requérante est une société à responsabilité limitée, propriétaire d’un quotidien autrichien. Ellepublia un article faisant état de rumeurs selon lesquelles l’épouse du président autrichien avaitl’intention de divorcer et qu’elle entretenait des liaisons avec deux hommes, parmi lesquels, lechef du groupe parlementaire d’un parti politique autrichien.Le couple présidentiel poursuivit le quotidien en justice en vertu des articles 6 et 7 de la loi surles médias. Le tribunal pénal régional de Vienne condamna la société requérante à verser des dommageset intérêts aux personnes visées par l’article et à publier un jugement. Il estima que le quotidienavait fait état d’un domaine strictement personnel de la vie du couple, ce qui avait certainementnuit à son image auprès du public. Le quotidien rétorqua que l’article ne faisait que rapporter unerumeur, mais le tribunal régional jugea que la seule diffusion d’une rumeur pouvait violer l’article7 de la loi sur les médias si elle donnait l’impression que celle-ci pouvait avoir quelquesfondements. En outre, les tribunaux autrichiens écartèrent la thèse de la société requérante selonlaquelle l’article avait trait à la vie publique. Ils firent notamment la distinction entre les problèmesconjugaux prétendument rencontrés par une personnalité publique et son état de santésusceptible d’avoir un impact sur l’exercice de ses fonctions. La société requérante interjeta appel en alléguant que le couple présidentiel avait toujours tenule public informé de sa vie privée et que l’article visait à se moquer des ragots de la sociétébourgeoise de Vienne. La cour d’appel confirma le jugement du tribunal régional. Le chef du parti politique évoqué dans l’article avait lui aussi intenté une procédure. Il estimaiten effet que l’article évoquant un fait strictement personnel et sans rapport avec les fonctionspubliques qu’il exerçait, risquait de ternir son image auprès du public. Le tribunal régional luidonna gain de cause.

T Griefs :

Devant la Cour européenne, la société requérante invoquait l’article 10 de la Convention. Elleestimait que sa condamnation prononcée par les juridictions autrichiennes portait atteinte à saliberté d’expression.

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T Décision :

La Cour indique qu’elle doit déterminer si l’interprétation de la loi sur les médias donnée par lestribunaux internes constitue une atteinte à la liberté d’expression de la société requérante.Elle juge que l’ingérence dans le droit de la société requérante à la liberté d’expression estprévue par les articles 6 et 7 de la loi sur les médias et qu’elle vise le but légitime de la protectiondes droits et de la réputation d’autrui.La Cour précise qu’elle doit donc rechercher si l’ingérence en question est « nécessaire dans unesociété démocratique ». Au regard de sa jurisprudence antérieure, la Cour doit mettre en balance la protection de la vieprivée et la protection de la liberté d’expression qui suppose que les photos ou les articles encauses doivent contribuer à enrichir un débat d’intérêt général.Elle doit également tenir compte de la personne concernée, notamment lorsqu’il s’agit d’unepersonnalité politique. Le droit du public à être informé peut s’étendre à certains aspects de levie privée des hommes et des femmes politiques.En l’espèce, la Cour constate que les juridictions internes ont justement mis en balance les diversintérêts en jeu en prenant effectivement en compte la personnalité publique des plaignants et lefait que l’article en cause ne contribuait à aucun débat d’intérêt général.Ainsi, elle juge que les personnalités publiques peuvent, malgré leur statut, être protégées contrela propagation de rumeurs relatives aux aspects intimes de leur vie privée. Elle estime quel’ingérence litigieuse était nécessaire dans une société démocratique pour la protection de laréputation et des droits d’autrui.Elle conclut, par cinq voix contre deux, à la non-violation de l’article 10 de la Convention.

NNNN L’opinion dissidente du juge Jebens à laquelle s’est ralliée le juge Spielmann est annexée àl’arrêt.

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Codarcea c. Roumanie

2 juin 2009- req. n/ 31675/04 -

- violation des articles 6 (droit à un procès équitable sous l’angle de la durée excessive de laprocédure), et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention -

T Faits :

La requérante fut hospitalisée pour l’extirpation d’un papillome sous-mandibulaire et un problèmede cicatrisation postopératoire à la cuisse droite. Le médecin qui la suivait lui conseilla uneintervention de chirurgie plastique et pratiqua une blépharoplastie (correction des paupières). Ala suite de cette intervention, elle fut de nouveau hospitalisée et opérée car ses paupières ne sefermaient plus. Elle fut opérée une nouvelle fois, la même année et son médecin pratiqua sur elleune troisième blépharoplastie ainsi que d’autres interventions de chirurgie plastique. Cesmultiples opérations causèrent des séquelles à la requérante nécessitant un traitement médicalspécialisé. Plusieurs interventions chirurgicales ultérieures furent ensuite nécessaires.

La requérante porta plainte avec constitution de partie civile contre le médecin, mais un non-lieufut rendu par le tribunal départemental au motif que la prescription pénale du médecin étaitintervenue. La même année, la requérante intenta une action civile en responsabilité contre lemédecin et assigna également l’hôpital. Le juge civil estima qu’elle avait effectivement été victimed’une faute médicale et condamna le médecin au paiement de dommages et intérêts pourpréjudice moral et matériel, mais il rejeta l’action de la requérante contre l’hôpital, après avoir

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64 CEDH, Perez c. France , du 12 février 2004, req. n/ 47287/99

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estimé que ce dernier ne pouvait être tenu responsable des actes accomplis par le médecin. Laprocédure se termina par un arrêt de la cour d’appel qui confirma le droit de la requérante à sevoir dédommagée. Entre temps, une procédure d’exécution forcée avait été ouverte à l’encontredu médecin, mais celle-ci se révéla infructueuse pour cause d’insolvabilité du médecin.

T Griefs :

La requérante soutenait que la procédure qu’elle avait engagée devant les juridictions internesavait été excessivement longue et donc contraire à l’article 6 de la Convention (droit à un procèséquitable). Elle invoquait également l’article 8 de la Convention (droit au respect de la vie privéeet familiale) considérant que l’inefficacité de cette procédure l’avait empêchée d’obtenir une justeréparation des préjudices physiques et moraux résultant des fautes médicales dont elle avait étévictime.

T Décision :

- Concernant l’article 6 de la Convention :

La requérante invoque une atteinte à son droit à un procès équitable. Elle considère en effet quela procédure qu’elle a débuté par une plainte pénale avec constitution de partie civile dans le butd’engager la responsabilité du médecin a été excessivement longue.

La Cour doit analyser en premier lieu la période à prendre en considération afin de juger de lalongueur excessive de la procédure. Elle rappelle que la durée d’une procédure pénale avecconstitution de partie civile entre dans le champ d’application de l’article 6, “y compris durant laphase de l’instruction, voire le cas échéant, en cas de procédure pendante ou potentielle devantles juridictions civiles (...) et que la période à considérer débute à la date à laquelle le requérants’est prévalu de son droit à caractère civil (...) à savoir l’acte de constitution de partie civile.”(§ 78).Les juges de Strasbourg observent que la requérante s’est constituée partie civile le jour où elledéposa sa plainte pénale contre le médecin. Ainsi, la période à considérer a débuté à cette date.

La Cour doit ensuite établir la date à laquelle la période à prendre en considération s’estterminée. Faisant référence à sa jurisprudence antérieure, 64 elle rappelle “que la constitution departie civile n’est en réalité qu’une modalité de l’action civile.” Elle juge que le droit roumainprévoit “que la personne qui s’estime victime d’une infraction dispose d’une option procéduraleentre, d’une part, la voie civile et, d’autre part la voie pénale. Si la voie civile est préférée, alorscompte tenu de ce que le fait générateur du préjudice est une infraction, la procédure civile nes’applique que sous réserve du principe selon lequel « le pénal tient le civil en l’état »”. (§ 82)Ainsi, à partir de la constitution de partie civile jusqu’à la conclusion de cette procédure pénale,la partie civile reste étroitement liée au déroulement de la procédure pénale.

En l’espèce, la Cour observe que la procédure pénale a pris fin six ans après l’introduction dela plainte, par la décision du tribunal départemental rejetant la contestation par la requérante dela décision de non-lieu rendue par le parquet au motif que la prescription de la responsabilitépénale du docteur était acquise. Elle précise qu’ensuite, la requérante assigna le médecin devantle tribunal départemental par une action en responsabilité civile délictuelle et que cette action pritfin quand le tribunal départemental confirma le droit de la requérante à se voir dédommagée. Les juges européens relèvent que l’action civile de la requérante a été dans un premier tempsjointe à sa plainte pénale. A la fin de la procédure pénale, cette action est restée sans suite et

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65 CEDH, Frydlender , du 27 juin 2000, req. n/ 30970/96.

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la requérante a poursuivi cette action devant les juridictions civiles. Ils en concluent que lapériode à prendre en considération s’est terminée à la date à laquelle l’arrêt de la cour d’appelqui confirma le droit de la requérante à se voir dédommagée devint définitif.En conclusion la Cour juge que la période de la procédure litigieuse a duré neuf années, six moiset vingt-trois jours.

Ensuite, la Cour apprécie la durée de la procédure. Elle rappelle que “le caractère raisonnabled’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critèresconsacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement durequérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés”.65

(§ 88).En l’espèce la juridiction strasbourgeoise relève que la requérante étant âgée de 65 ans àl’époque de l’introduction de son action en responsabilité civile délictuelle pour dommagescausés à l’intégrité physique d’une personne ; les autorités nationales auraient ainsi dû fairepreuve « d’une diligence particulière ».Elle estime que, bien que l’affaire comportait des questions médicales relativement complexes,il n’existe aucune justification au fait que la procédure ait duré plus de neuf années. Partant, laCour conclut à l’unanimité à une violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

- Concernant la violation alléguée de l’article 8 de la Convention :

Sur la recevabilité :

Le gouvernement soutient que la requérante a perdu sa qualité de « victime », prétextant que lesjuridictions lui ont rendu une décision favorable en condamnant le médecin au paiement dedommages et intérêts pour préjudice moral et matériel. Cependant, la Cour considère “qu’une décision ou une mesure favorable au requérant ne suffiten principe à lui retirer la qualité de victime que si les autorités nationales ont reconnu,explicitement ou en substance, puis réparé la violation de la Convention”. (§ 99)Elle juge la requête recevable au motif que la violation de la Convention invoquée par larequérante n’a pas été explicitement reconnue ni réparée par les autorités nationales.

Sur le fond :

La Cour rappelle que les questions liées à “l’intégrité morale et physique des individus, à leurparticipation au choix des actes médicaux qui leur sont prodigués ainsi qu’à leur consentementà cet égard, et l’accès à des informations leur permettant d’évaluer les risques sanitairesauxquels ils sont exposés” (§ 101) entrent dans le champ de l’article 8 de la Convention. Elle endéduit que cette disposition peut s’appliquer au cas d’espèce. Ensuite, la juridiction européenne affirme que les Etats ont l’obligation de mettre en place uncadre réglementaire imposant aux hôpitaux, publics ou privés, l’adoption de mesures propresà assurer le respect de l’intégrité physique de leurs patients. Elle ajoute que les patients sonttenus d’être informés des conséquences d’une intervention médicale et doivent pouvoir donnerleur consentement en connaissance de cause. A défaut d’une telle information et si un risqueprévisible de cette nature se réalise sans que les patients en aient été dûment informés par lesmédecins exerçant dans un hôpital public, l’Etat peut être tenu pour directement responsable.

En l’espèce, la Cour relève que la requérante a eu accès à une procédure qui lui a permis defaire reconnaître la responsabilité du médecin qui l’avait opérée et qu’il a été condamné à ladédommager. Cependant, en raison de l’insolvabilité du médecin, la somme allouée par les

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66 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais.

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juridictions internes n’a jamais pu être recouvrée. En outre, à l’époque des faits le droit roumainne prévoyait aucun mécanisme d’assurance pour responsabilité médicale. Enfin, les juges de Strasbourg notent que les juridictions internes ont refusé de reconnaître laresponsabilité de l’hôpital du fait de son préposé en dépit des avis favorables de la jurisprudencedes plus hautes juridictions du pays et de la doctrine.Partant, la Cour conclut, par 6 voix contre une, à la violation de l’article 8 de la Convention enraison de l’impossibilité pour la requérante d’obtenir la réparation qui lui avait été reconnue parles juridictions roumaines pour les conséquences de la faute médicale dont elle a été victime.

NNNN L’opinion en partie dissidente du juge Mujer est annexée à l’arrêt.

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Borovsky c. Slovaquie 66

2 juin 2009- req. n/ 24528/02 -

- Violation de l’article 6 § 2 de la Convention (droit à un procès équitable - droit à la présomptiond’innocence) -

T Faits :

En août 2000, la police slovaque engagea des poursuites pénales contre le requérant qui étaitsoupçonné d’avoir porté préjudice au créancier de deux grandes sociétés en permettant letransfert de titres de ces sociétés à un tiers. Le 7 septembre 2000, le requérant se vit signifier lapremière décision d’inculpation. Avant et après cette date, plusieurs articles parurent dans diversjournaux. Ils se fondaient principalement sur les faits exposés dans la décision d’engager despoursuites contre le requérant et précisaient que les informations avaient été fournies par lapolice.

Le 18 septembre 2000, l’hebdomadaire Profit publia un article révélant des détails du dossierd’instruction. Parmi eux, se trouvaient des propos du directeur de la brigade financière quidéclarait notamment que les actes commis par le requérant avaient été « prémédités » et« frauduleux ».En réaction, ce dernier assigna en justice le rédacteur en chef pour diffamation. En septembre2002, le tribunal lui donna gain de cause et enjoignit au rédacteur en chef de publier des excusespour les déclarations erronées figurant dans l’article.Parallèlement, en mai 2001, le requérant saisit la Cour constitutionnelle slovaque ; il faisait étatd’une violation de son droit à la présomption d’innocence au motif que des fonctionnaires depolice avaient fait des déclarations révélant la teneur du dossier d’instruction aux médias etavaient annoncé qu’il avait commis des infractions pénales. Ce recours fut rejeté par la Courconstitutionnelle.

T Griefs :

Invoquant l’article 6 § 2 de la Convention, le requérant estimait que son droit à être présuméinnocent avait été violé. Il reprochait à des fonctionnaires de police d’avoir informé les médiasde la teneur du dossier d’instruction et, surtout, d’avoir fait des déclarations sur sa culpabilité.

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67 CEDH, Khuzhin et autres c. Russie , du 23 octobre 2008, req. n/ 13470/02, § 93.

68 CEDH, Böhmer c. Allemagne , du 3 octobre 2002, req. n/ 37568/97, § 54 et 56 et CEDH, Nešták c. Slovaquie , du 27 février2007, req. n/ 65559/01, §§ 88- 89.

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T Décision :

Les juges européens rappellent que l’article 6 § 2 de la Convention a pour objectif de prévenirles atteintes portées par des déclarations au droit à un procès équitable. Il interdit l’expressionprématurée par un tribunal de l’opinion selon laquelle un individu accusé d’une infraction pénaleest coupable, avant même qu’il ait été en mesure de prouver son innocence. Cette dispositioncouvre également les déclarations faites par d’autres agents publics sur le déroulement del’enquête judiciaire et qui encouragent l’opinion publique à considérer le suspect commecoupable et ainsi à préjuger de l’appréciation des faits par l’autorité judiciaire compétente.67

La Cour de Strasbourg estime également que si une décision judiciaire ou la déclaration d’unagent public concernant la culpabilité dune personne accusée d’une infraction pénale intervientavant que cet individu ait été déclaré coupable, le droit à la présomption d’innocence est violé.Elle précise qu’il suffit, même en l’absence de preuves formelles, qu’il y ait des raisons laissantsupposer qu’une juridiction ou un officier public l’ait considéré comme coupable. Sur ce point, laCour indique qu’une distinction fondamentale doit être établie entre une déclaration faisant étatde simples soupçons et une déclaration claire, intervenant en l’absence de condamnationdéfinitive, et selon laquelle un individu a commis l’infraction en question. A cet égard, elle rappelleavoir toujours souligné l’importance du choix des mots utilisés par les fonctionnaires dans leursdéclarations intervenant avant que l’individu en question ait été jugé et reconnu coupable del’infraction lui étant reprochée.68

En l’espèce, les juges européens constatent tout d’abord que, replacées dans le contexte del’ensemble des articles, les déclarations des fonctionnaires de police laissaient entendre qu’il yavait de bonnes raisons de croire que le requérant avait commis l’infraction en cause. Dès lors,pour ce qui est du contenu de la plupart de ces articles, ils parviennent à la même conclusion quela Cour constitutionnelle slovaque.

Concernant les propos du directeur adjoint de la brigade financière rapportés dans l’article dumagazine Profit en date du 18 septembre 2000, la Cour opère une distinction. Elle estime qu’ilsne se bornaient pas à décrire l’état d’avancement de la procédure ou encore à évoquer les« soupçons » pesant sur le requérant. En réalité, selon elle, en qualifiant les actes de« frauduleux » et de « prémédités », ces propos conduisaient à penser qu’il s’agissait d’un faitétabli. Ces déclarations impliquaient donc que l’accusé se soit rendu coupable d’escroquerie,une infraction dont il n’a pourtant jamais été accusé.

La Cour constitutionnelle ayant ordonné au rédacteur en chef de présenter des excuses, la Coureuropéenne dit que les propos tenus par le directeur adjoint de la brigade financière ont méconnules droits du requérant à la présomption d’innocence.

Ainsi, en raison de ces déclarations qui laissaient entendre, au commencement de l’instruction,que le requérant était coupable de l’infraction dont il n’était pas accusé, la Cour conclut, àl’unanimité, à la violation de l’article 6 § 2 de la Convention.

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69 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais.

70 CEDH, Petrov c. Bulgarie , du 22 mai 2008, req. n/ 15197/02, § 43 (cet arrêt n’est disponible qu’en anglais).

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Szuluk c. Royaume-Uni 69

2 juin 2009- req. n/ 36936/05 -

- violation de l’article 8 de la Convention (droit au respect de la vie privée et familiale) -

T Faits :

En novembre 2001, le requérant, ressortissant britannique fut condamné à une peined’emprisonnement de quatorze ans pour infractions en matière de drogue. Quelques mois plustôt en avril 2001, alors qu’il bénéficiait d’une liberté conditionnelle en attente de son procès, il futvictime d’une hémorragie cérébrale qui nécessita deux interventions chirurgicales. Depuis lors,il dut faire l’objet d’un suivi médical particulier impliquant pour lui de se rendre tous les six moisà l’hôpital afin d’être examiné par un médecin neuroradiologiste.Après son incarcération, il demanda au directeur de la prison que sa correspondance médicaleavec ce spécialiste ne fut pas lue et resta confidentielle. Cette demande, qui fut dans un premiertemps accueillie, fit l’objet deux mois plus tard d’un refus. Le requérant fut en effet informé queson courrier serait transmis au médecin de la prison, qui vérifierait que le contenu étaituniquement médical et ne contenait pas de messages illicites. Il contesta ce contrôle auprès desjuridictions internes, toutefois la cour d’appel confirma cette décision en estimant que l’ingérenceaux droits protégés par l’article 8 de la Convention était justifiée et proportionnée, notammentparce que son courrier était seulement contrôlé par le médecin de l’établissement pénitentiaire.

T Griefs :

Devant la Cour européenne, le requérant invoquait une violation de l’article 8 (droit au respectde la vie privé et familiale) de la Convention, en raison de l’interception et de la lecture de sacorrespondance médicale par l’autorité pénitentiaire.

T Décision :

En premier lieu, la Cour souligne qu’il n’est pas contesté qu’il y a bien eu ingérence d’une autoritépublique dans l’exercice par le requérant de son droit au respect de sa correspondance.Conformément à sa jurisprudence en la matière, elle rappelle qu’une telle atteinte est contraireà l’article 8 de la Convention à moins d’être « prévue par la loi », de « poursuivre un but légitime »et enfin, d’être « nécessaire dans une société démocratique ». En l’espèce, la juridiction strasbourgeoise relève que les parties ne contestent pas que la lecturede la correspondance du requérant est bien prévue par la loi et qu’elle poursuit les buts légitimesque sont la prévention du crime et la protection des droits et des libertés d’autrui. Dès lors, il luireste à examiner si l’atteinte était « nécessaire dans une société démocratique ».

La Cour fait référence à un arrêt récent, Petrov c. Bulgarie ,70 dans lequel elle a établit desstandards rigoureux en ce qui concerne la correspondance entre les avocats et les prisonniers.Cet arrêt fut l’occasion pour elle d’affirmer que les autorités pénitentiaires ne peuvent ouvrir unelettre adressée par un avocat à un détenu que lorsqu’elles ont un motif légitime de croire que lecourrier contient un envoi illicite que des moyens de détection normaux ne peuvent suffire àdécouvrir. En outre, seule l’ouverture, et non la lecture, de la lettre est autorisée et des garanties

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71 CEDH, Z c. Finlande , du 25 février 1997, req. n/ 22009/93, § 95.

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appropriées doivent être fournies, telle que la présence du détenu lors de son ouverture. Enfin,la lecture de la correspondance entre l’avocat et son client ne doit être autorisée qu’en descirconstances exceptionnelles, lorsque les autorités pénitentiaires ont un motif raisonnable et desraisons objectives de penser que le détenu a abusé du privilège de confidentialité dont il a pubénéficier et que le contenu de la lettre pourrait être de nature à compromettre la sécurité de laprison ou celle d’autrui, ou puisse être de nature criminelle.

La Cour cite également l’arrêt Z. c. Finlande de 1997,71 qui concernait plus spécifiquement lacorrespondance médicale et dans lequel elle déclarait que “Le respect du caractère confidentieldes informations sur la santé constitue un principe essentiel du système juridique de toutes lesParties contractantes à la Convention. Il est capital non seulement pour protéger la vie privée desmalades mais également pour préserver leur confiance dans le corps médical et les services desanté en général. Faute d’une telle protection, les personnes nécessitant des soins médicauxpourraient être dissuadées de fournir les informations à caractère personnel et intimenécessaires à la prescription du traitement approprié et même de consulter un médecin, ce quipourrait mettre en danger leur santé [...]”.

Après le rappel de ces principes, la Cour européenne s’attache plus spécifiquement aux faits del’espèce. A cet égard, elle relève que la cour d’appel avait reconnu que la lecture de lacorrespondance médicale du requérant, quoique limitée au médecin de la prison, impliquait un« risque inévitable d’abus ». La cour d’appel avait alors noté que permettre au médecin de laprison de lire une telle correspondance pouvait le conduire à faire face à la critique de sespropres compétences, ceci étant susceptible de créer des difficultés pour la vie et le traitementmédical du requérant au sein de la prison. En l’espèce, les juges de Strasbourg relèvent que, par le passé, il n’y a jamais eu aucune raisonde penser que le requérant avait abusé de la confidentialité de sa correspondance médicale, etque rien n’indiquait qu’il ait l’intention d’en abuser dans l’avenir. D’autre part, celui-ci, bien queétait détenu dans un quartier de haute sécurité de « catégorie A » était considéré comme unprisonnier de « catégorie B », c’est à dire un détenu pour lequel, les conditions de haute sécuritén’étaient pas jugées nécessaires.

Enfin la Cour n’estime pas pertinent l’argument des services pénitentiaires ayant trait auxdifficultés liées à la confidentialité de la correspondance médicale des prisonniers, sachant qu’enl’espèce, un seul médecin spécialiste était concerné, dont l’adresse et les qualifications étaientfacilement vérifiables, ainsi que la cour d’appel l’avait elle même reconnu. En outre, le médecinen question semblait disposé à marquer toute la correspondance avec le requérant d’un cachetcaractéristique.

La juridiction strasbourgeoise ne partage pas non plus le point de vue de la cour d’appel, quiconsidérait que le risque que le requérant amène par intimidation ou par ruse, son médecin àtransmettre des messages illicites, était suffisant pour justifier l’atteinte à ses droits découlant del’article 8 de la Convention. Elle souligne que la cour d’appel a déjà reconnu qu’un tel risqueexistait également dans les communications avec les députés du parlement, mais que dans cettehypothèse l’importance d’une correspondance sans entrave avec les députés a prévalu sur cerisque. Or, selon la Cour européenne, la protection de la correspondance offerte à un détenu souffrantd’une maladie pouvant lui être fatale avec son médecin, ne doit pas être inférieure, à celle offerteà la correspondance d’un détenu avec un député ou encore avec un avocat.

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Par conséquent, la Cour prononce, à l’unanimité, la violation de l’article 8 de la Conventioneuropéenne.

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Brauer c. Allemagne

28 mai 2009- req. n/ 3545/04 -

- Violation de l’article 14 ( interdiction de la discrimination) combiné à l’article 8 (droit au respect de la vieprivée) de la Convention -

T Faits :

La requérante est née hors mariage en 1948 en République Démocratique Allemande (RFA). Ellefut immédiatement reconnue par son père qui résidait en RFA. A la mort de celui-ci, en 1998, ellechercha à faire valoir ses droits à héritage.Cette demande fut rejetée en première instance au motif que, en vertu de la loi de 1969 sur lestatut juridique des enfants nés hors mariage, un enfant né dans de telles conditions avant le 1er

juillet 1949 n’était pas un héritier légal. Cette législation avait été déclarée par la Courconstitutionnelle fédérale conforme à la Loi fondamentale allemande.Comme son père résidait en République Fédérale Allemande à l’époque de la réunification, larequérante ne pouvait pas non plus bénéficier de l’égalité des droits successoraux prévue parle droit de l’ancienne République Démocratique Allemande (RDA). Après cette loi et pour évitertout désavantage pour les enfants nés hors mariage en RDA, le législateur leur a accordé lesmêmes droits successoraux qu’aux enfants issus du mariage, et ce à condition que le père eûtrésidé dans l’ancienne RDA au moment de la prise d’effet de la réunification.

Finalement, après deux instances d’appel, la Cour constitutionnelle allemande refusa ennovembre 2003 de retenir le recours formé devant elle par la requérante. Elle estima que lesdroits successoraux des enfants nés hors mariage avant le 1er juillet 1949 avaient été déclarésconformes à la Loi fondamentale en 1976 et en 1996. Selon elle, la date limite ne perdait pas nonplus sa justification du simple fait que des enfants également nés hors mariage, mais dans uncontexte social totalement différent (l’ancienne RDA), disposaient des mêmes droits que lesenfants issus du mariage. La juridiction suprême allemande justifiait cette différence de traitementpar l’objectif d’éviter tout désavantage résultant de l’adhésion de l’ancienne RépubliqueDémocratique Allemande à la République Fédérale Allemande.

T Griefs :

La requérante soutenait que son exclusion de tout droit à la succession de son père s’analysaiten un traitement discriminatoire totalement disproportionné. Selon elle, les dispositionspertinentes du droit interne et les décisions des juridictions nationales méconnaissaient lesarticles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 14 (interdiction de la discrimination) dela Convention. En effet, en application des dispositions pertinentes du droit interne, il y avait euune différence de traitement entre un enfant né hors mariage avant la date du 1er juillet 1949 etun enfant légitime. Il y avait également une différence de traitement entre à un enfant né horsmariage avant cette date et à qui s’appliquait le droit de l’ancienne République DémocratiqueAllemande et un enfant né hors mariage après cette date limite (§ 34).

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72 CEDH, Pla et Puncernau c. Andorre , du 13 juillet 2004, req. n/ 69498/01, CEDH 2004-VIII, § 54.

73 CEDH, Inze c. Autriche , du 28 octobre 1987, req. n/ 8695/79, série A n/ 126, § 41 et CEDH, Mazurek c. France , du 1er février2000, req. n/ 3440697, § 48.

74 CEDH, Marckx c. Belgique , du 13 juin 1979, req. n/ 6833/74, série A , n/ 31, § 52.

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T Décision :

- Sur la recevabilité de la requête :

La Cour rappelle que “l’article 14 de la Convention complète les autres clauses normatives dela Convention et de ses Protocoles. Il n’a pas d’existence indépendante, puisqu’il vautuniquement pour « la jouissance des droits et libertés » qu’elles garantissent. Certes, il peutentrer en jeu même sans un manquement à leurs exigences, et dans cette mesure, il possèdeune portée autonome, mais il ne saurait trouver à s’appliquer si les faits du litige ne tombent passous l’empire de l’une au moins desdites clauses” 72 (§ 27). En l’espèce, elle relève que les droits successoraux entre un père et son enfant naturel sont“étroitement liés à la vie familiale [et qu’ils] tombent sous l’empire de l’article 8 de la Convention”(§ 29). Les juges de Strasbourg déclarent donc la requête recevable et examinent l’affaire sousl’angle de l’article 8 combiné à l’article 14 de la Convention.

- Sur le fond :

La Cour rappelle “qu’au regard de l’article 14 de la Convention, une distinction est discriminatoiresi elle « manque de justification objective et raisonnable », c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un« but légitime » ou s’il n’y a pas de « rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyensemployés et le but visé »” 73 (§ 39).

Les juges européens rappellent que la Convention est un instrument à interpréter à la lumièredes conditions actuelles.74 Ils affirment que “les Etats membres du Conseil de l’Europe attachentde nos jours de l’importance à l’égalité, en matière de droits de caractère civil, entre enfants issusdu mariage et enfants nés hors mariage” (§ 40). Ils estiment que “le but poursuivi par le maintiende la disposition litigieuse, à savoir assurer la sécurité juridique et la protection du de cujus et desa famille, peut être considéré comme légitime”. (§ 41).

Cependant, selon la Cour, les arguments avancés en 1976 et en 1996 en faveur du maintien dela disposition litigieuse ne sont plus valables aujourd’hui : “A l’image d’autres sociétéseuropéennes, la société allemande a considérablement évolué et le statut juridique des enfantsnés hors mariage est de nos jours devenu équivalent à celui des enfants issus du mariage. Deplus, les difficultés pratiques et procédurales pour prouver la filiation des enfants ont disparu, letest de paternité basé sur des prélèvements d’ADN constituant une méthode simple et très fiable”(§ 43).Par ailleurs, les juges européens critiquent le raisonnement suivi par la Cour constitutionnellefédérale ; selon eux, eu égard à l’évolution du contexte européen en la matière et à l’importanceque les Etats membres du Conseil de l’Europe attachent à l’égalité entre enfants issus dumariage et enfants nés hors mariage, “l’élément de protection de la « confiance » du défunt etde sa famille doit s’effacer devant l’impératif de l’égalité de traitement entre enfants nés horsmariage et enfants issus du mariage” (§ 43).

Concernant la proportionnalité des moyens employés par rapport au but poursuivi, la Cour relèveque le père de la requérante l’avait reconnue après sa naissance et avait toujours entretenu descontacts réguliers avec elle. Elle note également que celui-ci n’avait pas d’épouse, ni de

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75 CEDH, Mazurek c. France , précité, §§ 52 à 55.

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descendants directs, et écarte ainsi l’argument tiré de protection de la « confiance » de cesparents éloignés.

Les juges européens soulignent qu’après la réunification allemande, le législateur a vouluprotéger les droits successoraux des enfants nés hors mariage dont le père résidait sur leterritoire de l’ancienne RDA. Cette différence de traitement a pourtant eu pour effet d’aggraverl’inégalité déjà existante par rapport à des enfants nés hors mariage avant le 1er juillet 1949 etdont le père résidait en RFA, comme dans le cas de la requérante.

Enfin, l’application de la disposition pertinente de la loi sur le statut juridique des enfants nés horsmariage a entraîné l’exclusion totale de la requérante de la succession légale de son père sansaucune compensation financière. Or, “La Cour ne trouve aujourd’hui aucun motif de nature àjustifier une telle discrimination fondée sur la naissance hors mariage, et ce d’autant moins quel’exclusion totale de la requérante de la succession légale l’a encore davantage pénalisée quece ne fut le cas de requérants dans d’autres affaires de ce type dont la Cour a eu à connaître” 75

(§ 44).

Partant, les juges de Strasbourg concluent à l’unanimité à la violation de l’article 14 combiné àl’article 8 de la Convention et estiment qu’il n’y a pas lieu d’examiner séparément le grief fondésur l’article 8 de la Convention.

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Elyasin c. Grèce

28 mai 2009- req. n/ 46929/06 -

- Violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) -

T Faits :

Le 20 février 2000, le requérant fut arrêté à son domicile professionnel pour recel et corruptionde fonctionnaire. Les documents relatifs à cette arrestation indiquaient qu’il était domicilié au 5,rue Rodou.Le 13 novembre 2002, l’audience eut lieu devant le tribunal correctionnel d’Athènes. Le requérantne s’y présenta pas - il affirme n’avoir jamais reçu de citation à comparaître -.Le tribunal considéra que le requérant avait été régulièrement cité, et décida d’examiner l’affaire.Après avoir entendu un témoin et le coaccusé du requérant, il condamna ce dernier à une peinede deux ans d’emprisonnement, convertibles en une sanction pécuniaire.En juin 2004, l’huissier de justice se présenta à deux reprises au 5, rue Rodou afin de lui signifierle jugement, mais en vain. Considérant que le domicile du requérant était « inconnu », l’huissierdéposa alors le jugement à la mairie, conformément à la législation nationale.Le 19 août 2005, le requérant interjeta appel contre le jugement du tribunal correctionnel. Ilallégua que l’arrêt avait été notifié comme si son adresse était « inconnue » alors qu’il étaittoujours domicilié au 5 de la rue Rodou.Le 10 octobre 2005, la cour d’appel considéra le recours tardif et le déclara irrecevable. Le 20octobre 2005, le requérant forma un pourvoi en cassation. Estimant que la cour d’appel avaitsuffisamment motivé sa décision, la Cour de cassation rejeta le pourvoi.

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76 CEDH, Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne , du 19 février 1998, req. n/ 28028/95, § 34.

77 CEDH, Colozza c. Italie , du 12 février 1985, req. n/ 9024/80, série A n/ 89 § 29 ; CEDH, Medenica c. Suisse , du 14 juin 2001,req. n/ 20491/92, § 54.

78 CEDH, Jones c. Royaume-Uni , du 9 septembre 2003, req. n/ 30900/02.

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T Griefs :

Dénonçant notamment une atteinte à son droit d’accès à un tribunal, et en particulier le fait qu’enraison des irrégularités survenues lors de la notification de l’arrêt du tribunal correctionnel, iln’avait pu se défendre contre les accusations dirigées contre lui, le requérant invoquait l’article6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention.

T Décision :

- Sur la recevabilité :

Le Gouvernement grec invoque le non épuisement des voies de recours internes. Selon la Cour,cette objection est étroitement liée à la substance du grief énoncé par le requérant. Elle décidedonc de joindre cette exception au fond.

- Sur le fond :

Le Gouvernement grec souligne qu’au lieu d’engager une requête en annulation contre lejugement de condamnation, le requérant a interjeté appel contre celui-ci. Le requérant soutientque s’il avait introduit une requête en annulation, celle-ci aurait aussi été rejetée car il y avait uneadresse connue. La Cour européenne rappelle que “le « droit à un tribunal », dont le droit d’accès constitue unaspect particulier, n’est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises,notamment quant aux conditions de recevabilité d’un recours, car il appelle de par sa naturemême une réglementation par l’Etat, lequel jouit à cet égard d’une certaine marge d’appréciation”(§ 26).Néanmoins, elle précise que “ces limitations ne sauraient restreindre l’accès ouvert à unjusticiable de manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s’en trouve atteint dans sasubstance même ; enfin, elles ne se concilient avec l’article 6 § 1 que si elles tendent à un butlégitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et lebut visé” 76 (§ 26).

Les juges européens indiquent avoir déjà eu l’occasion de préciser que “la comparution d’unprévenu à l’audience revêt une importance capitale en raison tant du droit de celui-ci d’êtreentendu que de la nécessité de contrôler l’exactitude de ses affirmations et de les confronteravec les dires de la victime, dont il y a lieu de protéger les intérêts, ainsi que des témoins”. Ilsprécisent qu’une “procédure se déroulant en l’absence du prévenu n’est pas en soi incompatibleavec l’article 6 de la Convention s’il peut obtenir ultérieurement qu’une juridiction statue ànouveau, après l’avoir entendu, sur le bien-fondé des accusations en fait comme en droit” 77

(§ 27).Puis, ils rappellent que la Cour a déjà estimé que “la réouverture du délai d’appel contre lacondamnation par contumace, avec la faculté, pour l’accusé, d’être présent à l’audience dedeuxième instance et de demander la production de nouvelles preuves, s’analysait en lapossibilité d’une nouvelle décision sur le bien-fondé de l’accusation en fait comme en droit, cequi permettait de conclure que, dans son ensemble, la procédure avait été équitable” 78 (§ 28).

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Les juges de Strasbourg relèvent que “le régime grec de la signification à des personnes « dedomicile inconnu »vise à assurer la sécurité juridique et n’est pas en soi incompatible avec lesexigences d’un procès équitable” et précisent qu’il “convient de déterminer si son applicationdans le cas d’espèce n’a pas privé le requérant de son droit d’accès à un tribunal” (§30).

La Cour affirme ne pas être convaincue que les autorités chargées de signifier l’arrêt du tribunalcorrectionnel ont fait preuve de la diligence adéquate. Selon elle, il ressort du dossier que lesautorités avaient connaissance tant de l’adresse personnelle que de l’adresse professionnelledu requérant. Elle relève que “dans l’hypothèse où l’huissier aurait ignoré l’adresseprofessionnelle du requérant, il n’en reste pas moins que cette lacune relevait de la responsabilitéde l’Etat” (§ 31).

De plus, la juridiction européenne estime que la cour d’appel a fait preuve d’une rigidité certaineen déclarant l’appel du requérant tardif, surtout dans la mesure où, alors qu’il a été condamnéin absentia en première instance, il n’a eu, à aucun moment de la procédure, l’occasion deprésenter sa défense.

La Cour conclut donc, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

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Varnima Corporation International S.A. c. Grèce

28 mai 2009- req. n/ 48906/06 -

- violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) -

T Faits :

En 1978, la société requérante, Varnima Corporation dont le siège se trouve au Panama, avaitconclu un contrat de transport de produits pétroliers avec la Grèce. En 1979, cet Etat saisit lesjuridictions internes d’une action en dommages-intérêts mettant en cause la responsabilitécontractuelle de la société au motif que celle-ci n’avait pas respecté ses engagements. La sociétéVarnima, quant à elle, demanda à titre reconventionnel, le versement de dommages-intérêts enraison de l’absence d’exécution intégrale de l’engagement pris par l’Etat. Après avoir joint les deux actions, le tribunal de grande instance d’Athènes, rejeta l’action de larequérante pour cause de prescription. Il exposa que l’action relative à un contrat de transfert debiens était considérée comme prescrite en cas de litispendance lorsque l’écart entre deux actesprocéduraux successifs et déclenchés soit par les parties soit par le tribunal, dépassait le délaid’un an. Toutefois, le tribunal n’appliqua pas la même règle de prescription à l’action introduitepar l’Etat, pour laquelle il fit application de la règle régissant la prescription des créances de l’Etatà l’égard des personnes privées, prescription qui s’avérait être de vingt ans. La société Varnimainterjeta appel, puis se pourvut en cassation, mais la position adoptée par le tribunal en premièreinstance fut confirmée.

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79 CEDH, Grande chambre, Vo c. France du 8 juillet 2004, req. n/ 53924/00, §92 et CEDH, Stubbings c. Royaume-Uni , du 22octobre 1996, req. n/ 22083/93 et 22095/93, §§ 50-57.

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T Griefs :

Devant la Cour européenne, la société requérante alléguait une violation de l’article 6 § 1 de laconvention, sous l’angle de la rupture du principe de l’égalité des armes. Elle invoquait égalementune atteinte au principe de l’interdiction de la discrimination au sens de l’article 14 de laConvention. Elle se plaignait en effet de l’application par les juridictions internes de deux délaisde prescription différents dans le cadre du litige l’opposant à l’Etat grec, un délai de prescriptiond’un an ayant régi son action, et un délai de prescription de vingt ans régissant l’action de l’Etat.

T Décision :

- Sur la recevabilité :

En premier lieu, la Cour examine la recevabilité de la demande, le gouvernement grec soulevaiten effet une exception d’irrecevabilité. Il estimait que la prescription n’était pas une règleprocédurale mais une institution du droit matériel et que l’article 6 § 1 de la Convention netrouvait pas à s’appliquer puisque la manière dont le droit interne régissait l’existence ou non d’undroit matériel ne relevait pas du principe de l’égalité des armes.

La Cour de Strasbourg ne partage pas cette conception. Elle relève que l’exception duGouvernement “concerne le lien entre le principe de l’égalité des armes avec les modalitésd’application des règles relatives à la prescription. Cet élément a constitué, à ses yeux, l’une desraisons justifiant la communication de requête” (§ 22). Par conséquent, elle estime que cetteexception est étroitement liée à la substance même du grief soulevé par la société, décide de lejoindre au fond et le déclare recevable.

- Sur le fond :

La Cour procède ensuite à l’examen de l’affaire sur le fond. Elle rappelle tout d’abord que satâche n’est pas de se substituer aux juridictions nationales, auxquelles il incombe naturellementd’interpréter la législation interne, ceci d’autant plus lorsqu’il s’agit de l’interprétation de règlesde nature procédurale. En effet, il est de jurisprudence constante 79 qu’une large marged’appréciation est laissée aux Etats en ce qui concerne l’aménagement des délais deprescription, notamment “en ce que ces délais, considérés comme des limitations implicitementadmises du d’accès à un tribunal, servent à garantir la sécurité juridique et à empêcher l’usaged’éléments de preuve incomplets en raison du temps écoulé” (§ 26). Par ailleurs, les juges européens insistent sur le fait que le principe de l’égalité des armes,requiert que chaque partie puisse présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pasdans une situation de net désavantage par rapport à la partie adverse.

Après avoir rappelé ces principes, la Cour procède à leur application au cas d’espèce. Elleconstate que les juridictions internes ont appliqué dans le cadre de la même affaire, deux règlesde prescription différentes : une prescription d’un an en vertu de laquelle la créance de la sociétérequérante fut prescrite et une règle de prescription de vingt ans régissant l’action des créancesdont l’Etat était bénéficiaire.

Face à une telle situation, la juridiction strasbourgeoise ne peut que constater le net désavantageexistant entre les parties, mais elle précise que ce seul constat ne suffit pas ; il lui faut égalementtenir compte du statut et du rôle équivalents ou non des parties pour conclure à l’éventuelleviolation du principe de l’égalité des armes. A cet égard, elle estime “qu’en raison de l’application

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80 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais.

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à l’égard de la requérante d’un délai de prescription vingt fois plus court que celui accordé à lapartie adverse, ses prétentions ont été rejetées par les juridictions internes” (§ 31). En outre, ellenote que le litige était relatif à “une transaction commerciale de caractère privé soumise au droitprivé et non pas à une procédure dans laquelle l’Etat avait exercé son pouvoir de puissancepublique” (§ 32). En concluant le contrat, l’Etat grec a donc agit comme un particulier en ayantrecours à des procédés de gestion privée. Les juges européens admettent que, dans le cadre de recours à des procédures de droit privé,l’administration puisse poursuivre des missions de droit public nécessitant des privilèges etimmunités. Cependant, ils précisent que “la seule appartenance à la structure de l’Etat ne suffitpas en soi pour légitimer, en toutes circonstances, l’application de privilèges étatiques, (...) il fautque cela soit nécessaire au bon exercice des fonctions publiques” (§ 33). Sur ce dernier point, la Cour ne partage pas la thèse de l’Etat grec, qui justifiait l’application d’uneprescription de vingt ans par la nécessité de garantir la gestion efficace des finances publiqueset l’accomplissement des objectifs budgétaires de l’Etat. Elle constate en effet que le simpleintérêt de trésorerie n’est pas assimilable à lui seul à un intérêt public et général. En outre, ellesouligne l’absence d’élément concret fourni par le gouvernement pour prouver l’impact qu’auraiteu sur son équilibre financier l’application de la prescription d’un an à son encontre.

La Cour conclut par conséquent à l’absence de motif d’intérêt général suffisant pour appliquerune telle prescription. Elle considère que l’application de délais de prescription différents n’a pasrespecté le principe de l’égalité des armes. Elle rejette l’exception d’irrecevabilité avancée parle Gouvernement grec et conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

La société requérante invoquait enfin une violation de l’article 6 § 1 combiné à l’article 14 de laConvention, se plaignant d’une discrimination en raison du traitement préférentiel de l’Etat quantaux délais de prescription appliqués. La Cour constate que ce grief se confond largement avecle précédent. Elle le déclare recevable, mais n’estime pas nécessaire de statuer séparément surce grief.

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Kenedi c. Hongrie 80

26 mai 2009- req. n/ 31475/05 -

- Violation des articles 6 § 1 (droit à un procès équitable), 10 (liberté d’expression) et 13 (droit à unrecours effectif) de la Convention -

T Faits :

Le requérant est historien, spécialiste des dictatures et de leurs services secrets. En septembre1998, il demanda à avoir accès à certains documents détenus par le ministère de l’Intérieurhongrois. En novembre 1998, le ministère lui opposa un refus au motif que les documents avaientété classés « secret défense » jusqu’en 2048. Cette décision fut contestée par le requérant enjustice. En janvier 1999, le tribunal lui donna gain de cause et lui accorda l’accès à tous lesdocuments voulus aux fins de ses recherches.Prenant note de cette décision de justice, le ministère proposa, en novembre 1999, de donneraccès à ces documents à la condition que le requérant s’engage par écrit à les tenir secrets. Unetelle condition fut jugée inacceptable par le requérant qui demanda l’exécution de la décision de

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81 CEDH, Társaság a Szabadságjogokért c. Hongrie , du 14 avril 2009, req. n/ 37374/05, § 35-39 (cet arrêt n’est disponible qu’enanglais et se trouve résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p.31)

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justice lui ayant donné gain de cause. L’exécution du jugement fut ordonnée et engagée endécembre 2000.

Le ministre de l’intérieur tenta d’empêcher le requérant de publier les informations dont il avaitpris connaissance. Il fut condamné à deux amendes pour ne pas s’être conformé à l’ordonnanced’exécution. En décembre 2003, tous les documents, sauf un, furent transférés aux archivesnationales et devinrent de ce fait publics. Le requérant n’a pas eu pleinement accès au documentrestant.

T Griefs :

Invoquant les article 6 § 1 (droit à un procès équitable sous l’angle du délai raisonnable), 10(liberté d’expression) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention, le requérant se plaignaitde n’avoir pu consulter dans un délai raisonnable tous les documents qu’il souhaitait, et ce endépit de la décision de justice qui lui était favorable.

T Décision :

- Sur la violation de l’article 6 § 1 de la Convention :

La Cour note que la procédure a duré environ dix ans et demi pour trois degrés de juridiction etle stade de l’exécution. Puis, elle rappelle sa jurisprudence en la matière, et en particulier leprincipe selon lequel le caractère raisonnable de la durée de la procédure doit être apprécié àla lumière des circonstances de l’affaire et en référence à sa complexité, du comportement durequérant et de l’autorité compétente et ainsi qu’au regard de l’enjeu du litige pour l’intéressé(§ 37).Puis, examinant le cas d’espèce, elle affirme, à l’unanimité, qu’en l’absence d’exécution dans undélai raisonnable de la décision judiciaire autorisant l’accès aux documents, il y a eu violation del’article 6 § 1 de la Convention.

- Sur la violation de l’article 10 de la Convention :

Les juges européens soulignent que l’accès aux sources documentaires originales pour légitimerla recherche historique constitue un élément essentiel de l’exercice du droit du requérant à laliberté d’expression.81

Dès lors, il convient de déterminer si l’ingérence était « prévue par la loi », poursuivait un ouplusieurs des buts légitimes énoncés dans ce paragraphe et était « nécessaire dans une sociétédémocratique ».La Cour de Strasbourg rappelle que l’expression « prévue par la loi » au paragraphe 2 de l’article10 de la Convention fait allusion à la même notion de la légalité que celle à laquelle laConvention se réfère notamment dans le deuxième paragraphe des articles 8 à 11. Elle préciseque la notion de légalité implique également des exigences qualitatives en droit interne, tels quela prévisibilité et, plus généralement, l’absence d’arbitraire.Relevant que le requérant a obtenu une décision de justice lui donnant accès à tous lesdocuments et que les juridictions internes ont statué en sa faveur au cours de la procédure, laCour estime que les autorités se sont soustraites à leur obligation de se conformer au jugementinterne.

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82 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais.

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Elle conclut que les autorités hongroises ont agi au mépris du droit interne et de façon arbitraire.Leurs actes d’obstruction l’ont déjà amenée à constater une violation de l’article 6 § 1 de laConvention. En conséquence, elle estime, à l’unanimité, qu’en retardant l’exercice par lerequérant du droit à la liberté d’expression, les autorités hongroises ont commis un abus depouvoir et ont donc violé l’article 10 de la Convention.

- Sur la violation de l’article 13 de la Convention :

Pour les juges de Strasbourg, il serait inconcevable que l’article 13 qui garanti le droit à unrecours effectif, ne soit pas applicable à la mise en œuvre des voies de recours. Soutenir lecontraire conduirait à des situations incompatibles avec le principe de la règle de droit que lesEtats parties à la Convention se sont engagés à respecter (§ 47).

Ils estiment enfin que l’insuffisance des voies de recours contre les agissements des autoritéshongroises est en cause. En effet, la Cour constate qu’alors que le ministère de l’Intérieur s’étaitopposé à l’exécution des droits du requérant, la procédure existant en Hongrie à l’époque desfaits et devant permettre de réparer la violation des droits garantis au requérant par l’article 10de la Convention s’est révélée inefficace. Elle conclut à l’unanimité, à la violation de l’article 13combiné avec l’article 10 de la Convention.

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Batsanina c. Russie 82

26 mai 2009- req. n/ 3932/02 -

- Violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) -

T Faits :

La requérante est l’épouse d’un membre de l’Institut d’océanologie de l’Académie russe dessciences, qui fut inscrit en 1977 sur liste d’attente pour se voir attribuer un logement. En août1998, il figurait en tête de celle-ci. Afin d’obtenir un plus grand appartement, il fut convenu quela requérante céderait son appartement à l’Institut. En décembre 1998, un accord d’échange futsigné en ce sens. Cependant, l’Institut découvrit par la suite qu’en mars 1998 elle avait venduson ancien appartement.

En réaction, le procureur de la ville de Gelendzhik, agissant pour le compte de l’Institut et de lapersonne à qui l’appartement de la requérante avait été attribué, assigna en justice la requéranteet son mari aux fins de faire annuler l’accord d’échange et de faire expulser cette famille del’appartement nouvellement octroyé par l’Institut au mari. Celui-ci forma une demandereconventionnelle afin de faire reconnaître son droit à cet appartement.En juin 2001, le tribunal municipal accueillit la demande du procureur puis, ultérieurement cemême mois, rejeta la demande reconventionnelle dans un jugement distinct. La requéranteinterjeta appel mais la cour d’appel confirma les deux jugements.Le procureur assista à l’audience d’appel qui eut lieu le 16 août 2001. - Aucun élément écritn’atteste que la requérante ait reçu un avis de comparution pour cette audience -.

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83 CEDH, Yvon c. France , du 24 avril 2003, req. n/ 44962/98, § 31; CEDH, Nideröst-Huber c. Suisse , du 18 février 1997, req.n/ 18990/91, § 23; CEDH, Kress c. France , du 7 juin 2001, req. n/ 39594/98, § 72.

84 CEDH, Martinie c. France , du 12 avril 2006, req. n/ 58675/00, § 53 (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 9, mars-avril 2006, p. 10).

85 CEDH, Lobo Machado c. Portugal , du 20 février 1996, req. n/ 15764/89, § 31 ; CEDH, K.D.B. c. Pays-bas , du 27 mars1998,req. n/ 21981/93, § 43.

86 CEDH, Lobo Machado c. Portugal susmentionné, § 81.

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En janvier 2003, la Cour suprême refusa d’ouvrir une instance en révision à l’égard des deuxjugements. Elle rejeta notamment le moyen tiré par la requérante du défaut de notification del’audience d’appel, considérant que les parties en avaient été avisées.

T Griefs :

Invoquant l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable, sous l’angle de l’égalité des armes) de laConvention, la requérante estimait que la procédure conduite dans le cadre d’un recours civilconcernant un différend portant sur un appartement accordé à son mari par son employeur étaitinéquitable. Elle se plaignait notamment d’avoir été assignée en justice par le procureur lui mêmeet de ne pas avoir été convoquée à l’audience devant la juridiction d’appel.

T Décision :

- Sur la violation alléguée de l’article 6 de la Convention concernant le recours introduit par leprocureur :

A titre liminaire, la Cour européenne rappelle que le principe de l’égalité des armes est unélément de la notion plus large de procès équitable, au sens de l’article 6 § 1 de la Conventionqui exige « un juste équilibre entre les parties » et que chacune ait une possibilité raisonnablede présenter sa cause dans des conditions ne constituant pas à un désavantage vis-à-vis de sonadversaire.83 (§ 22).

Puis, faisant référence à sa jurisprudence antérieure sur le rôle des procureurs hors du domainepénal, elle réaffirme que dans certains cas, elle a considéré que la seule présence, du procureurou d’un officier exerçant des fonctions comparables lors des délibérations de la juridiction pouvaitemporter violation de l’article 6 § 1 de la Convention.84 Dans d’autres hypothèses, la Cour aégalement examiné si les arguments de l’avocat général ou d’agents similaires avaient étécommuniquées à la demande des parties, et si celles-ci avaient eu l’occasion d’y répondre.85

Les juges de Strasbourg relèvent que la présente affaire soulève toutefois des questionsdifférentes puisque le procureur n’a pas participé au délibéré. Ils rappellent que, dès lors que, unprocureur ou agent pouvant y être assimilé, devient l’allié ou l’adversaire de l’un des plaideurs,sa participation est susceptible de créer un sentiment d’inégalité entre les parties.86

La Cour explique que le fait que le même point de vue soit défendu devant un tribunal parplusieurs parties, ou encore le fait que les procédures aient été diligentées par un procureur, nemet pas nécessairement la partie adverse dans une situation de « désavantage ». Selon elle, ilfaut alors rechercher si, en l’espèce et compte tenu de la participation du procureur à laprocédure, le « juste équilibre » qui doit prévaloir entre les parties a été respecté (§ 25).

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87 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais

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La juridiction strasbourgeoise relève que, dans la présente affaire, le procureur a agi dansl’intérêt général. Elle relève que sa décision était fondée sur des règles pertinentes du droit russealors en vigueur, lesquelles lui donnaient toute latitude pour saisir le juge. Elle estime que le tribunal civil n’a pas été indûment influencé par le fait que le procureur ait étéà l’origine du recours. En outre, elle note que la requérante et son mari ont eu la possibilité dedéfendre effectivement leur dossier devant les juridictions nationales. Les deux parties au litigeayant été mises sur un pied d’égalité pour ce qui est de faire entendre leur cause, la Courconclut, à l’unanimité, à l’absence de violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

- Sur la violation alléguée de l’article 6 § 1 concernant l’absence de convocation devant lajuridiction d’appel :

La Cour constate que les autorités n’ont présenté aucun élément de nature à établir que larequérante avait eu connaissance de l’audience devant la juridiction d’appel, la prétenduedestruction des registres invoquée par le gouvernement n’étant pas étayée. Dans son arrêt, lacour d’appel n’a pas non plus précisé si elle avait vérifié que la requérante avait été effectivementavisée de l’audience. Les juges de Strasbourg en déduisent que l’intéressée n’a pas eu la possibilité de comparaîtreà cette audience ni de plaider sa cause, en violation de son droit à un procès équitable tel quegaranti par l’article 6 § 1 de la Convention. Ils concluent, à l’unanimité, à la violation de cettedisposition.

- Sur les autres violations alléguées par la requérante :

La requérante invoquait également les violations des articles 6 (durée excessive de laprocédure), 13 (droit à un recours effectif) et 14 (interdiction de discrimination) de la Convention,ainsi que de l’article 1er du protocole additionnel n/ 1 à la Convention (protection de la propriété)La Cour, à la lumière des éléments matériels produits par les parties, ne voit aucune violationapparente de ces articles et déclare ces griefs non recevables.

NNNN Le juge Gyulumyan a exprimé une opinion partiellement dissidente dont le texte se trouve jointà l’arrêt.

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Masaev c. Moldova 87

req. n/ 6303/0512 mai 2009

- Violation des articles 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion) et 6 § 1 (droit à un procèséquitable) de la Convention -

T Faits :

Le requérant est un ressortissant moldave de confession musulmane. Le 30 janvier 2004, alorsqu’il priait dans un local privé prêté par une organisation non gouvernementale, il fut arrêté parla police et accusé de pratiquer une religion non reconnue par l’Etat. Le 17 février 2004, la Cour du district déclara le requérant coupable sur le fondement de l’article200 (3) du Code des infractions administratives et le condamna à payer une amende. Mais le

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requérant invoqua une violation de sa liberté de religion. Le 9 mars 2004, la Cour d’appel rejetal’appel sans motiver sa décision ni même convier le requérant à son procès.

T Griefs :

Condamné pour avoir pratiqué une religion qui n’était pas reconnue par l’Etat, le requérant seplaignait d’une violation de sa liberté de pensée, de conscience et de religion protégée parl’article 9 de la Convention. Il invoquait également l’article 6 §§ 1 et 3 de la Convention (droit à un procès équitable) estimantne pas avoir été convoqué, dans un délai raisonnable, à son procès. Enfin, il se fondait sur l’article 13 de la Convention (droit à un recours effectif) pour se plaindrede l’absence de recours effectif contre la décision des juridictions nationales.

T Décision :

- Sur la violation de l’article 9 de la Convention :

Le requérant soutient qu’il y a eu ingérence de la part des autorités étatiques dans sa liberté depensée, de conscience et de religion, que cette ingérence n’était pas prévue par la loi, nepoursuivait pas de but légitime et n’était pas nécessaire dans une société démocratique.

La Cour rappelle que, selon l’article 9 de la Convention, la liberté de religion implique entre autrela liberté d’exprimer sa religion, avec d’autres, en public, ou au contraire seul et en privé. Cette liberté est restreinte par la nécessité, dans une société démocratique et multi-confessionnelle, de garantir à chaque confession cette liberté d’expression religieuse et deconcilier ainsi les intérêts collectifs. Elle explique que si les Etats disposent d’une certaine marge d’appréciation pour estimer si etdans quelle mesure ils peuvent réglementer la liberté de religion, ils ne sont cependant pasautorisés à dicter à une personne sa foi, ni à adopter des mesures coercitives pour l’obliger àchanger de croyances.

Les juges de Strasbourg exposent que pour vérifier si les mesures nationales prises sontjustifiées en principe et sont proportionnelles aux buts recherchés, ils prennent en considérationles enjeux de la situation de l’espèce, et notamment la nécessité de maintenir le pluralismereligieux. Dans la présente affaire, la Cour estime que la condamnation du requérant à une amende pouravoir prié en cercle privé constitue une ingérence dans son droit à la liberté de religion. Elleprécise ensuite que cette ingérence était prévue par la loi moldave dans son article 200 § 3 duCode des infractions administratives et qu’elle répondait au but légitime du maintien de l’ordrepublic. Cependant, elle doute du caractère nécessaire de l’amende dans une sociétédémocratique. Elle considère que si les Etats ont le droit d’imposer l’enregistrement de différentes confessionsde façon compatible avec les articles 9 et 11 de la Convention, il n’est cependant pas autoriséde sanctionner un individu qui exprimerait sa foi d’une manière non reconnue par l’Etat : “TheCourt does not contest the State’s power to put in place a requirement for the registration ofreligious denominations in a manner compatible with Articles 9 and 11 of the Convention.However, it does not follow, as the Government appear to argue, that it is compatible with theConvention to sanction the individual members of an unregistered religious denomination forpraying or otherwise manifesting their religious beliefs” (§ 26). Une telle démarche reviendrait à exclure les religions minoritaires n’ayant pas reçu l’approbationofficielle de l’Etat et à laisser celui-ci dicter aux individus leurs croyances.

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88 CEDH, Ziliberberg c. Moldova , du 1er février 2005, req. n/ 61821/00 ; CEDH, Gutu c. Moldova , du 7 juin 2007, req. n/ 20289/02et Russu c. Moldova du 13 novembre 2008, req. n/ 7413/05.

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Les juges européens considèrent donc que la limitation imposée à la liberté de religion prévueà l’article 200 § 3 constitue une ingérence qui n’est pas nécessaire dans une sociétédémocratique. Ils concluent à l’unanimité, à la violation de l’article 9 de la Convention.

- Sur la violation de l’article 13 de la Convention :

La Cour estime, à l’unanimité, qu’il n’est pas nécessaire d’examiner ce grief séparémentpuisqu’elle a déjà statué sur la violation de l’article 9 de la Convention,.

- Sur la violation de l’article 6 §§ 1 et 3 de la Convention :

Le requérant affirme qu’il n’aurait pas reçu en temps utile sa convocation au tribunal : celle-ci,postée le 5 mars, ne lui serait parvenue que le 16 mars. La Cour se réfère à trois précédents jurisprudentiels 88 dans lesquels elle avait conclut à uneviolation de l’article 6 § 1 de la Convention pour des faits similaires. Le Gouvernement moldavereconnaît également l’existence d’une atteinte au droit du requérant à un procès équitable. Les juges de Strasbourg concluent donc à l’unanimité à la violation de l’article 6 § 1 et n’estimentpas nécessaire d’examiner le grief du requérant fondé sur le paragraphe 3 de l’article 6 de laConvention.

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89 L’arrêt n’est disponible qu’en anglais.

90 CEDH, Grzincic , du 3 mai 2007, req. n/ 26867/02

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Korelc c. Slovénie 89

12 mai 2009-req. n/ 28456/03 -

- violation des articles 6 (droit à un procès équitable), et 13 (droit à un recours effectif) dela Convention -

T Faits :

Le requérant cherchant un appartement, était hébergé par un homme plus âgé à qui, en contrepartie, il apportait l’aide et les soins quotidiens. A la suite du décès de son ami, la municipalitéinforma le requérant qu’il devait quitter les lieux.

Celui-ci intenta une action afin de faire renouveler le bail à son profit, en invoquant la loi slovènequi octroie un droit de poursuite du bail au survivant en cas de « communauté de vie durable ».Son action fut rejetée par les tribunaux internes qui, estimant que le requérant n’avait jamaisentretenu de « relation durable » avec son ami, conclurent que les deux hommes avaientcohabité sous un régime de « communauté économique » qui n’ouvrait pas droit à latransmission du bail.La municipalité engagea donc une procédure d’expulsion à l’encontre du requérant. Celui-cidemanda aux juridictions internes de surseoir à l’exécution de l’ordonnance d’expulsion qui levisait en attendant que la Cour européenne des droits de l’homme se prononce sur sa requête.

T Griefs :

Devant la Cour européenne, le requérant invoquait une violation de l’article 8 (droit au respectde la vie privé et familiale) combiné à l’article 14 (interdiction de la discrimination) de laConvention. Il prétendait en effet que la raison pour laquelle on lui avait refusé de rester dansl’appartement qu’il avait partagé avec son ami décédé tenait à ce qu’ils étaient tous les deux dumême sexe. En outre, se plaignant de la durée excessive de la procédure intentée contre lamunicipalité pour que lui soit reconnu le droit de continuer à occuper le logement litigieux, ilinvoquait une violation des articles 6 § 1 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recourseffectif) de la Convention.

T Décision :

- Sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement :

Se référant à sa jurisprudence antérieure,90 la Cour écarte l’exception d’irrecevabilité soulevéepar le Gouvernement selon laquelle la requérante n’avait pas épuisé toutes les voies de recoursinterne.

- Concernant la violation alléguée des articles 6 et 13 de la Convention :

Le requérant se plaignait de la durée excessive de la procédure engagée devant la municipalité.La Cour considère que les durées de procédures devant les juridictions internes et de l’exécutiondu jugement qui se sont étalées sur près de neuf ans au total ont été excessives. En outre, elle

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91 CEDH, Burden c. Royaume-Uni , du 12 décembre 2006, req. n/ 13378/05. (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 12,novembre-décembre 2006)

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constate que le droit slovène ne permet pas aux justiciables de se plaindre de la durée excessivede procédures judiciaires et d’exécution.En conséquence, elle conclut à l’unanimité à la violation des articles 6 et 13 de la Convention.

- Concernant la violation alléguée de l’article 8 combiné à l’article 14 de la Convention :

La Cour admet que les allégations du requérant relèvent du champ d’application de l’article 8 quicomprend le droit au logement. Cependant, en l’espèce, elle considère qu’il n’existe pas dediscrimination dans l’exercice de ce droit. En effet, elle note que la relation entre les deuxhommes n’était pas de nature homosexuelle et estime que le refus de lui transférer le bail n’étaitpas fondé sur le fait qu’ils étaient du même sexe. Il n’est donc pas question, selon elle, d’unediscrimination fondée sur l’orientation ou le sexe.

Ensuite, les juges européens précisent la problématique mise en exergue dans cette affaire : Est-il discriminatoire d’opérer une distinction entre la communauté de vie en couple et lacommunauté de nature économique ?. Faisant référence à l’arrêt Burden c. Royaume-Uni ,91 elle considère qu’établir une différenceentre la vie de couple et d’autres formes de cohabitation n’est pas une discrimination au sens del’article 14 de la Convention.Ainsi, les juridictions internes ont rejeté la demande du requérant au motif que leur relation étaitfondée sur un rapport de dépendance économique. La Cour constitutionnelle slovène a jugé quece type de rapport ne pouvait être assimilé à une relation durable peu importe si des personnesde même sexe ou de sexe différents étaient concernées.Au regard de ces différents éléments, la Cour estime que le requérant et son ami n’étaient pasdans une situation analogue à celle d’un couple marié ou non, ou à celle de personnes engagéesdans un partenariat civil homosexuel, ou encore à celle de parents proches, lesquels peuventsuccéder aux droits du titulaire d’un bail après le décès de celui-ci. La différence de traitementdont se plaignait le requérant n’était donc pas discriminatoire.La Cour considérant que le grief tiré de l’article 8 combiné avec l’article 14 de la Convention estmanifestement mal fondé, conclut à l’unanimité à son irrecevabilité.

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Barraco c. France

5 mars 2009- req. n/ 31684/05 -

- Non violation de l’article 11 (liberté de réunion) de la Convention -

T Faits :

Le 25 novembre 2002, le requérant participa à une « opération escargot », dans le cadre d’unejournée d’action revendicative nationale organisée ce jour-là à l’appel d’une intersyndicale destransports routiers, suivant un préavis déposé le 15 novembre 2002. Avec deux autrespersonnes, ils furent cités à comparaître devant le tribunal de grande instance de Lyon, pouravoir, le 25 novembre 2002, en vue d’entraver la circulation, placé ou tenté de placer sur une voieouverte à la circulation publique, un objet faisant obstacle au passage des véhicules, ou employé

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ou tenté d’employer un moyen quelconque pour y mettre un obstacle en l’espèce en s’arrêtantplusieurs fois avec son véhicule.

Par un jugement du 13 novembre 2003, le tribunal de grande instance de Lyon renvoya lerequérant des fins de la poursuite.Par un arrêt du 27 mai 2004, sur appel du ministère public, la cour d’appel de Lyon infirma lejugement. Selon la juridiction d’appel, en plaçant et en immobilisant leurs véhicules de manièreà occuper l’ensemble des voies de circulation de l’autoroute, les prévenus avaient délibérémentfait obstacle au passage des véhicules dans le dessein d’entraver leur progression et s’étaientbien rendus coupables du délit poursuivi et prévu à l’article L. 412-1 du code de la route. Elledécida que la commission d’infraction à la loi pénale ne saurait être justifiée ni par l’exercice dudroit de grève ni par les manifestations sur les voies publiques qui constituent un des modesd’expression de la liberté de réunion et qui sont soumises à une obligation de déclarationpréalable. La cour d’appel déclara ainsi les prévenus coupables du délit et condamna chacund’eux à trois mois d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à 1 500 euros d’amende.Par un arrêt du 8 mars 2005, la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par le requérant et l’unde ses co-prévenus.

T Griefs :

Le requérant estimait incompatible avec ses libertés d’expression, de réunion et d’associationsyndicale protégées par les articles 10 et 11 de la Convention, la condamnation par la courd’appel de Lyon, pour délit d’entrave à la circulation publique.

Invoquant l’article 6 §§1 et 2 de la Convention, il soutenait également ne pas avoir bénéficié d’unprocès équitable, eu égard à la dénaturation des faits opérée par les juridictions internes et àl’insuffisance de motivation de leurs décisions. Il estimait enfin, qu’en l’absence de preuvecertaine de la réalité des faits, il avait été porté atteinte à sa présomption d’innocence.

T Décision :

Sur le fond : s’agissant d’une manifestation sous la forme de rassemblement et de défilé, laliberté de pensée et la liberté d’expression s’effacent derrière la liberté de réunion pacifique. LaCour n’examine donc le premier grief de requérant que sur le fondement de l’article 11 de laConvention.

- Sur la violation alléguée de l’article 11 de la Convention :

La Cour observe d’emblée que “le droit à la liberté de réunion est un droit fondamental dans unesociété démocratique et, à l’instar du droit à la liberté d’expression, l’un des fondements depareille société. Dès lors, il ne doit pas faire l’objet d’une interprétation restrictive.” (§ 41).Elle reconnaît “que toute manifestation dans un lieu public est susceptible de causer un certaindésordre pour le déroulement de la vie quotidienne, y compris une perturbation de la circulation,et qu’en l’absence d’actes de violence de la part des manifestants, il est important que lespouvoirs publics fassent preuve d’une certaine tolérance pour les rassemblements pacifiques,afin que la liberté de réunion ne soit pas dépourvue de tout contenu.” (§ 43).

En l’espèce, les juges de Strasbourg constatent à cet égard que le requérant n’a pas étécondamné pour avoir participé à la manifestation du 25 novembre 2002 en tant que telle, maisen raison d’un comportement précis adopté lors de la manifestation, à savoir le blocage d’uneautoroute, causant par là-même une obstruction plus importante que n’en comportegénéralement l’exercice du droit de réunion pacifique. Par ailleurs, les forces de police “n’ontprocédé à l’interpellation des trois manifestants que dans le but de mettre fin au blocage complet

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92 Décision de la Commission, G. c. Allemagne , du 6 mars 1989.

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et après que ceux-ci eurent été à plusieurs reprises prévenus de l’interdiction de s’immobilisersur l’autoroute et des sanctions qu’ils encouraient” (§ 47).La cour européenne considère que le requérant a pu exercer, dans ce contexte, et durantplusieurs heures, son droit à la liberté de réunion pacifique et que les autorités ont fait preuve dela tolérance nécessaire qu’il convient d’adopter envers de tels rassemblements.

“Dans ces conditions, mettant en balance l’intérêt général à la défense de l’ordre et l’intérêt durequérant et des autres manifestants à choisir cette forme particulière de manifestation, etcompte tenu du pouvoir d’appréciation reconnu aux Etats en cette matière (...), la condamnationpénale du requérant n’apparaît pas disproportionnée aux buts poursuivis. (G. c. Allemagne)” 92

(§ 48). La Cour juge, à l’unanimité, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 11 de la Convention.

- Sur la violation alléguée de l’article 6 §§ 1 et 2 de la Convention :

La Cour écarte à l’unanimité ce grief en rappelant “qu’il ne lui appartient pas de connaître deserreurs de droit ou de fait prétendument commises par les juridictions internes” (§ 52) et enrelevant que les juridictions nationales se sont prononcées à l’issue d’une procédurecontradictoire au cours de laquelle les différents moyens de preuve ont été débattus.

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Hachette Filipacchi Presse Automobile et Dupuy c. F rance

5 mars 2009- req. n/ 13353/05 -

- non violation de l’article 10 (droit à la liberté d’expression) et des articles 14 et 10 combinés(interdiction de la discrimination) de la Convention -

NNNN Le 5 mars 2009, la Cour européenne, pour des faits et des griefs identiques, aégalement conclu, à l’unanimité à la non violation de l’article 10 et de l’article 14 combinéà l’article 10 de la Convention dans l’affaire Société de conception de presse etd’édition et Ponson c. France , req. n/ 26935/05.

T Faits :

La SNC Hachette Filipacchi est l’éditrice d’un magazine mensuel spécialisé dans la présentationet les achats d’automobiles. Le second requérant, M. Dupuy, était à l’époque des faits, ledirecteur de la publication et gérant de la société.En mars 2002, le magazine publia des photographies prises lors du grand prix d’Australie etprésentant le vainqueur de la course. Or, à deux endroits de la photographie, apparaissent leslogos de deux marques de tabac.Le Comité national de lutte contre le tabagisme (CNLT) fit citer M. Dupuy, en qualité de prévenuet la SNC en qualité de civilement responsable, devant le tribunal correctionnel pour répondredes faits de publicité indirecte ou clandestine en faveur du tabac ou de ses produitsconformément à la législation issue de la loi n/ 91-32 du 10 janvier 1991, dite loi Evin.Le second requérant, reconnu coupable de ces faits, fut condamné en première instance à uneamende de 30 000 euros. La SNC Hachette Filipacch fut déclarée solidairement responsable de

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l’amende mise à la charge de M. Dupuy et tous deux furent en outre condamnés à verser auCNLT la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts. La décision fut confirmée enappel, la cour relevant toutefois le montant de la somme à verser au CNLT à 10 000 euros. Lepourvoi exercé par les requérants fut déclaré non admissible par la Cour de cassation.

T Griefs :

Invoquant l’article 10 de la Convention, les requérants se plaignaient de leur condamnation pourpublicité indirecte ou publicité illicite en faveur des produits du tabac. Par ailleurs, dénonçant unedifférence de traitement par rapport aux médias audiovisuels diffusant des compétitions de sportmécanique dans un pays où la publicité pour le tabac n’est pas interdite, ils alléguaient uneviolation de l’article 14 combiné avec l’article 10 de la Convention.

T Décision :

- Concernant l’article 10 de la Convention :

Sur la recevabilité du grief :

Le Gouvernement expliquait que l’article 10 de la Convention ne pouvait s’appliquer à l’espècepuisqu’il s’agissait d’un litige relatif à la publicité de marques, ayant nécessairement un objectifmercantile et non d’information ou d’expression d’opinions. Par ailleurs, se référant à l’arrêt dela Cour de justice des communautés européennes du 12 janvier 2006 (Allemagne c/ Parlementet Conseil , C-380/03), il soutenait que si les mesures d’interdiction de publicité ont pour effet deréduire indirectement la liberté d’expression, elles laissent intacte la liberté d’expression desjournalistes.

La Cour européenne rappelle que l’article 10 de la Convention a pour vocation à s’appliquerlargement, que le but recherché par les requérants soit ou non lucratif. Elle précise avoir déjàdécidé dans plusieurs arrêts que la liberté d’expression s’étend également à la publication dephotographies et déclare donc le grief recevable.

Sur le bien fondé du grief :

La Cour reconnaît l’existence d’une ingérence dans le droit des requérants à la libertéd’expression. Par ailleurs, elle se range de l’avis du Gouvernement pour constater que cetteingérence était prévue par la loi - le code de la santé publique - et qu’elle avait pour but légitimela protection de la santé publique, par la lutte contre le tabagisme.

Les juges européens recherchent ensuite si cette ingérence était « nécessaire dans une sociétédémocratique ». En l’espèce, ils relèvent que la publication litigieuse qui touche au domainecommercial, s’inscrit néanmoins “dans le cadre d’une information relative à un événementd’actualité” (§ 45) et que dans ces conditions, la marge d’appréciation laissée à l’Etat se trouvelimitée.

Ils procèdent ensuite à un examen attentif de la proportionnalité des mesures litigieuses au butpoursuivi par l’ingérence. Dans un premier temps, la Cour note qu’il existe un consensus européen visant à réglementerstrictement la publicité des produits en faveur du tabac et que cette tendance générale à laréglementation est désormais affichée au niveau mondial. Elle constate également que cemagazine est destiné à un large public et notamment aux jeunes qui se trouvent être vulnérables.

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Contrairement à ce que soutiennent les requérants, elle estime que la publication litigieuse était“susceptible d’inciter à la consommation, en particulier les jeunes, [ce qui] lui paraît être un motif« pertinent » et « suffisant » pour justifier l’ingérence” (§ 49).

Après avoir précisé qu’en l’espèce, “l’image litigieuse ne constitue pas le témoignage d’unmoment particulier mais plutôt la reproduction de la mise en scène, par des sponsors, d’un sportifà des fins publicitaires” et relevant qu’il “ne fait aucun doute que la photographie a pour objetd’assurer la publicité de marques de tabac, entre autres”, la Cour précise que les requérants,professionnels de la presse, auraient dû utiliser le procédé technique du « floutage » des logos,très facile à mettre en œuvre et qui n’altère pas “la substance même de la photographie, ni neporte atteinte à la retransmission exacte de l’information” (§ 49).

Enfin, les juges européens s’attachent à la nature des peines infligées aux requérants. Ilsadmettent que les sommes infligées ne sont pas négligeables, mais rappellent qu’il “convient deles mettre en balance, pour en apprécier la lourdeur, avec les recettes de magazines à fort tirage”comme celui en cause, et considèrent ainsi que la peine n’est pas disproportionnée au butlégitime poursuivi.La Cour conclut à l’unanimité, à la non violation de l’article 10 de la Convention.

- Concernant l’article 14, combiné à l’article 10 de la Convention :

La Cour rappelle que selon sa jurisprudence constante, “une différence de traitement estdiscriminatoire au sens de l’article 14 si elle manque de justification objective et raisonnable,c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s’il n’y a pas de « rapport raisonnable deproportionnalité entre les moyens employés et le but visé »”. Elle constate par ailleurs que lesjuridictions internes, pour rejeter l’argument des requérants fondé sur cet article, avaient relevéque “les moyens techniques ne permettent pas à l’heure actuelle de dissimuler les (...) publicitéssur les images retransmises dans les médias audiovisuels. En revanche, il est possible de ne pasphotographier de tels signes, de les cacher ou de les rendre flous sur les pages de magazines.Les médias de presse écrite disposent ainsi du temps et des facilités techniques nécessairespour modifier l’image et rendre flous les logos rappelant des produits du tabac” (§ 63).

Enfin, elle relève que la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 mai2008 (n/ 07-87.128) avait admis comme seule exception à l’interdiction de la publicité indirecteen faveur des produits du tabac, la situation d’une retransmission en temps réel d’une course.

Les juges européens en déduisent que les situations des médias audiovisuel et des médias depresse écrite ne sont pas comparables et dès lors concluent, à l’unanimité, à la non violation del’article 14 combiné avec l’article 10 de la Convention.

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DÉCISIONS SUR LA RECEVABILITÉ RENDUES PAR LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

Gouveia Gomes Fernandez et Freita E Costa c. Portug al

26 mai 2009- req. n/ 1529/08 -

- Décision d’irrecevabilité -

- Articles 10 (liberté d’expression), 6 § 1 (droit à un procès équitable) et 14 (interdiction dediscrimination) de la Convention -

T Faits :

En 1996, des poursuites furent engagées contre un avoué et un juge soupçonnés de corruptiondans le cadre d’une procédure civile dans laquelle les requérants représentaient en tantqu’avocats l’une des parties. Finalement, le juge bénéficia d’une ordonnance de non-lieu.Le beau frère du juge, qui était également directeur de l’information d’une chaîne télévisée, publiadans un quotidien national un article critiquant fortement ceux qu’il accusait de s’être acharnécontre sa belle soeur magistrat. Parmi eux, les ministres de l’Intérieur et de la Justice.En réaction, les requérants firent publier un droit de réponse dans lequel ils mettaient en causel’avoué et le juge. En janvier 2000, cette dernière saisit le tribunal de Lisbonne d’une demandeen dommages et intérêts contre les requérants. Elle avançait également qu’en tant que magistrat,elle avait le droit de bénéficier de l’exemption des frais de justice générés par l’introduction dela demande.Le 21 juillet 2005, le tribunal fit partiellement droit à sa demande en soulignant que les préjudicescausés avaient été partiellement réparés dans le cadre d’une procédure précédemment introduitepar la demanderesse. Cette dernière et les requérants interjetèrent appel de ce jugement.Précisément, les requérants s’opposaient à l’exemption des frais de justice accordée à lademanderesse car, selon eux, un tel traitement était constitutif d’une atteinte au principe del’égalité des armes. Par un arrêt en date du 20 juin 2006, la cour d’appel rejeta le recours des requérants et fitpartiellement droit à celui de la demanderesse. Soulignant que le droit à la liberté d’expressiondevait céder devant le droit à la protection de la réputation du juge, elle confirma l’exemption desfrais de justice en sa faveur.Les requérants se pourvurent en cassation devant la Cour suprême qui rejeta le pourvoi par unarrêt de juin 2007. Ils déposèrent également un recours devant le Tribunal constitutionnel quidéclara le recours irrecevable au motif qu’il n’était pas compétent pour apprécierl’inconstitutionnalité d’une décision judiciaire.

T Griefs :

Invoquant l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention, les requérants estimaient que leurcondamnation avait porté atteinte à leur droit à la liberté d’expression. Affirmant que les principesd’égalité des armes et de non-discrimination avaient été violés du fait de l’exemption des fraisde justice dont avait bénéficié la partie adverse, ils invoquaient également les articles 6 § 1 (droità un procès équitable) et 14 (Interdiction de discrimination) de la Convention.

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93 CEDH, Nideröst-Huber c. Suisse , du 18 février 1997, § 23, Recueil des arrêts ou décisions 1997-I et CEDH, Kress c. France ,du 7 juin 2001, req. n/ 39594/98, § 72.

94 CEDH, Nerva et autres c. Royaume-Uni , du 24 septembre 2002, req. n/ 42295/98, § 48.

95 CEDH, Stubbings et autres c. Royaume-Uni , 22 octobre 1996, req. n/ 22083/93 et n/ 22095/93, § 73.

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T Décision :

- Concernant l’allégation de violation de l’article 10 de la Convention :

La Cour affirme ne pas être, en l’état actuel du dossier, en mesure de se prononcer sur larecevabilité de ce grief. Elle décide donc de communiquer cette partie de la requête auGouvernement défendeur afin de recueillir ses observations.

- Concernant les allégations de violation des articles 6 § 1 et 14 de la Convention :

La Cour souligne que sa tâche consiste uniquement à rechercher si la procédure envisagée (...)a revêtu un caractère équitable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention. Elle rappelle ensuite,selon sa jurisprudence antérieure 93 que “le principe de l’égalité des armes, l’un des éléments dela notion plus large de procès équitable, exige un juste équilibre entre les parties : chacune doitse voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne laplacent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires”.Puis, la juridiction européenne indique qu’en l’espèce, elle n’a pas décelé en quoi la positionprocédurale des requérants avait été affectée par l’exemption des frais de justice dont avaitbénéficié la partie adverse. Elle constate également que les requérants ne lui ont apporté aucuneprécision à cet égard.Dans ces conditions, la Cour rejette le grief soulevé par les requérants pour défaut manifeste defondement.

La juridiction strasbourgeoise étudie ensuite le grief tiré de l’article 14 de la Convention. Sur cepoint, elle rappelle au préalable l’arrêt Nerva c. Royaume-Uni 94 dans lequel elle indiquait que“pour que cette disposition trouve à s’appliquer, il faut établir que des personnes placées dansdes situations analogues ou comparables en la matière jouissent d’un traitement préférentiel etque cette distinction ne trouve aucune justification objective ou raisonnable”.En l’espèce, il n’est pas possible de considérer que les requérants se trouvaient dans unesituation analogue à celle de la partie adverse, à savoir un magistrat judiciaire. En effet, selonla Cour, tout système judiciaire interne peut connaître différentes catégories de plaignants soumisà des procédures ou à des principes divers, classés en fonction du type de préjudice subi, de labase juridique de la plainte ou encore d’autres facteurs.95

La Cour européenne précise ensuite que “cela est également valable s’agissant de différentescatégories de plaideurs : des considérations différentes peuvent s’appliquer à chacune de cescatégories. En l’occurrence, le droit portugais en la matière dispose que les magistrats judiciairesdoivent bénéficier d’une exemption spéciale des frais de justice lorsqu’ils sont partie à un litigeen vertu de l’exercice de leurs fonctions. Or les juridictions internes ont considéré en l’espèce quela demanderesse pouvait bénéficier d’une telle exemption, la procédure litigieuse rentrant dansle champ d’application de l’article 17 § 1 g) du statut des magistrats judiciaires.”

Elle souligne ensuite qu’ “à supposer même que l’on pût dresser une comparaison entre les deuxgroupes de plaideurs en présence, la différence de traitement pourrait encore se fonder sur unedifférence objective et raisonnable : il est en effet tout à fait raisonnable, et cela relève de lamarge d’appréciation reconnue aux Etats contractants dans ces domaines, d’instaurer un régime

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distinct en matière de paiement de frais de justice pour les magistrats judiciaires, qui peuventsouvent être confrontés, de par l’exercice de leurs fonctions judiciaires, à des procéduresintroduites par des plaideurs mécontents”.

Au vu de ces différents éléments, la Cour déclare les griefs allégués mal fondés et rejette cettepartie de la requête. Considérant cependant que la requête mérite d’être examinée au regard del’article 10 de la Convention, elle ajourne l’examen tiré de ce grief tiré et déclare la requêteirrecevable pour le surplus.

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Pipi c. Turquie

12 mai 2009- req. n/ 4020/03 -

- Décision d’irrecevabilité -

- Articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), 6 § 1 (droit à un procès équitable) et 14(interdiction de discrimination) de la Convention -

T Faits :

Le requérant était associé d’une société de production, Yasmin SARL et d’un institut de beauté.Il signa en avril 2000 un chèque d’un montant de 42 000 dollars au nom de Yasmin SARL. Enjuin de la même année, le destinataire du chèque porta plainte contre le requérant pour émissiond’un chèque sans provision et déclencha une procédure d’exécution forcée. Peu après, lerequérant s’acquitta de sa dette et le créancier retira sa plainte pénale et sa demande d’exécutionforcée.En juillet 2000, le quotidien Star publia un article et la chaîne de télévision Interstar diffusa uneun reportage mettant en cause le requérant. Celui-ci exigea du quotidien et de la chaîne detélévision qu’ils effectuent un rectificatif. Face au refus du quotidien, le requérant saisit le jugede paix d’Istanbul qui fit droit à sa demande au motif que l’article publié en cause n’était fondésur aucune donnée susceptible d’étayer les propos litigieux.

Parallèlement, le requérant introduisit deux actions en dédommagement moral devant le tribunalde grande instance d’Istanbul : l’une contre la société éditrice et le rédacteur en chef du journalStar et l’autre contre la chaîne de télévision Interstar. Dans les deux affaires, la Cour decassation rejeta les pourvois.

T Griefs :

Invoquant l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention, le requérantsoutenait que la diffusion des informations litigieuses avait porté une atteinte injustifiée à sa vieprivée. Il dénonçait en outre l’iniquité, au regard de l’article 6 § 1( droit à un procès équitable) dela Convention, des procédures menées devant les juridictions civiles qui, selon lui, en l’ayantdébouté de ses demandes, avaient toléré la diffamation dénoncée. A cet égard, il invoquaitégalement l’article 14 (interdiction des discriminations) de la Convention car il estimait avoir étévictime de discrimination.

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96 CEDH, Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège , du 20 mai 1999, req. n/ 21980/93, §§ 58-60; CEDH, Tammer c. Estonie , du6 février 2001, req. n/ 41205/98, §§ 59-63.

97 CEDH, Radio France et autres c. France , du 30 mars 2004, req. n/ 53984/00, §§ 32-33 et 39 et CEDH, Jersild c. Danemark ,du 23 septembre, req. 15890/89, n/ série A n/ 298, § 31.

98 CEDH, Von Hannover c. Allemagne , du 28 juillet 2005, req. n/ 59320/00, §§ 56-60; CEDH, Sciacca c. Italie , du 11 janvier2005, req. n/ 50774/99, §§ 27 et 29 ; CEDH, Société Prisma Presse c. France , du 1er juillet 2003, req. n/ 66910/01 et 71612/01.

99 CEDH, Von Hannover , précité, §§ 59 et 65 ; CEDH, Campmany y Diez de Revenga et Lopez Galiacho Peron a c. Espagne ,du 12 décembre 2000, req. n/ 54224/00 ; CEDH, Julio Bou Gibert et El Hogar Y La Moda J.A. c. Espa gne , du 13 mai 2005, req.n/ 14929/02.

100 CEDH, Bladet Tromsø et Stensaas , précité, § 65 ; CEDH, Colombani et autres c. France , du 25 juin 2002, req. n/ 51279/99,§ 65 et CEDH, Radio France et autres , précité, § 37.

101 CEDH, Prager et Oberschlick c. Autriche , du 26 avril 1995, req. n/ 15974/90, série A, n/ 313 § 38.

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T Décision :

- Concernant l’article 8 de la Convention :

La Cour rappelle tout d’abord les principes généraux relatifs d’une part, au rôle des médiasécrits 96 ou audiovisuels 97 et, d’autre part, à la protection de la vie privée des personnes.98 Ellerelève ensuite que l’article et l’émission en cause ont décrit le requérant comme un hommed’affaires ayant des problèmes financiers et judiciaires. Selon elle, “il s’agissait d’une série despéculations tirées d’un fait judiciaire, exposées sur le ton de la rumeur propre au genre du médiaen cause ; mais, contrairement à d’autres affaires comparables (...), les informations diffuséesne portaient pas sur les détails purement personnels de la vie du requérant ni n’étaient le fruitd’une intrusion intolérable et continue dans celle-ci”.99 Ainsi, la Cour estime que “pareilles informations ne pouvaient constituer, pour la vie privée durequérant, une ingérence à ce point grave que son intégrité personnelle fût lésée ; seule pouvaitdonc être en jeu sa réputation, dont la protection est justement une des limites à la libertéd’expression, au sens de l’article 10 § 2 de la Convention”. Elle décide donc d’examiner laposition des juges nationaux sur ce dernier point.

Les juges européens relèvent qu’en l’espèce, le tribunal de grande instance d’Istanbul aconsidéré que l’article et l’émission litigieux “s’inscrivaient dans le cadre de sujets relevant dudevoir d’information de la presse et qu’il n’y avait pas eu atteinte au droit à la personnalité durequérant, en l’absence d’un élément illicite ayant causé un tort moral quelconque”. Ils soulignentque la juridiction nationale a considéré que ces informations étaient « en substance exactes »car elles provenaient des dossiers officiels ouverts contre le requérant auprès du parquet ; ilexistait donc une base factuelle pour justifier les propos litigieux et rien ne permettait d’ensanctionner les auteurs. Ainsi, tout en reconnaissant que l’article et l’émission en cause contenaient des informations nefigurant pas dans les dossiers officiels relatifs au requérant, la Cour estime pouvoir retenirl’interprétation des juges nationaux. Elle précise que “s’il s’agit là d’une situation qui pourrait êtrecritiquable du point de vue de la déontologie journalistique” 100, elle y voit “davantage l’expressionde la « dose d’exagération » dont il est permis d’user dans le cadre de l’exercice de la libertéjournalistique” 101.Ainsi, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la juridiction européenne décide que “rien nepermet de conclure que le tribunal de grande instance d’Istanbul a dépassé la marged’appréciation, lorsqu’il a relativisé le poids du droit à la protection de la vie privée du requérant,

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102 CEDH, Société Prisma Presse , précitée.

103CEDH, Fayed c. Royaume-Uni , du 21 septembre 1994, req. n/ 17101/90, série A n/ 294 B, § 67.

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au sens de l’article 8, dans la mise en balance des intérêts concurrents des médias mis en cause,au regard de l’article 10 de la Convention” 102.Estimant que le grief est dépourvu de fondement, elle rejette le grief tiré de la violation de l’article8 de la Convention.

- Concernant les articles 6 et 14 de la Convention :

La Cour constate que le grief tiré de l’article 6 de la Convention soulève la même problématiqueque celui formulé sur le terrain de l’article 8 de la Convention.103 Elle considère qu’aucunproblème distinct ne se pose sur le terrain de l’article 6, pris isolément ou combiné avec l’article14, du fait du rejet des actions civiles du requérant et décide de rejeter cette partie de la requêtecomme étant dénuée de fondement.La Cour déclare, à la majorité, la requête irrecevable.

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Tas c. Belgique

12 mai 2009- req. n/ 44614/06 -

- Décision d’irrecevabilité -

- Article 1er du protocole additionnel n/ 1 à la Convention (protection de la propriété), articles 3(interdiction de la torture) et 7 (pas de peine sans loi) de la Convention -

T Faits :

Le requérant fut poursuivi devant le tribunal correctionnel de Liège pour avoir abusé de lavulnérabilité d’étrangers en situation irrégulière en leur louant des habitations dans l’intention deréaliser un profit exorbitant.Constatant que les logements en question n’étaient pas en état d’être loués, la juridiction lecondamna en septembre 2005 à une peine d’un an d’emprisonnement et au paiement d’uneamende. Elle ordonna également la confiscation des immeubles concernés.En appel, la Cour releva que la confiscation visée par l’article 42, 1 du code pénal, qui autrefoisétait facultative, était désormais rendue obligatoire par l’article 433 du même code.Elle décida donc d’alourdir la peine d’emprisonnement et de confirmer l’amende ainsi que laconfiscation des biens concernés.

T Griefs :

Invoquant l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention (protection de la propriété)et l’article 3 de la Convention (Interdiction de la torture), le requérant affirmait que la confiscationde ses biens était constitutive d’un traitement inhumain et dégradant. Il invoquait égalementl’article 7 (pas de peine sans loi) de la Convention au motif que les juges d’appel lui auraientappliqué une loi nouvelle de façon rétroactive.

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104 CEDH, Agosi c. Royaume-Uni , du 24 octobre 1986, req. n/ 9118/80, série A, n/ 108, § 51 et CEDH, Handyside c. Royaume-Uni , du 7 décembre 1976, série A n/ 24 , req. n/ 5493/72, § 62-63.

105 CEDH, Sporrong et Lönnroth c. Suède , du 23 septembre 1982, req. n/ 7151/75 et n/ 7152/75, série A, n/ 52, § 69 et 73 etCEDH, James et autres c. Royaume-Uni , du 21 février 1986, req. n/ 8793/79, série A,, n/ 98 § 50.

106 CEDH, Air Canada c. Royaume-Uni , du 5 mai 1995, req. n/ 18465/91, série A n/ 316-A, §§ 41-42.

107 CEDH, Agosi c. Royaume-Uni , précité, §§ 54-55 et §§ 58-60 et CEDH, Air Canada c. Royaume-Uni , précité, § 46.

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T Décision :

- Concernant la violation de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention :

A titre liminaire, la Cour constate que la confiscation litigieuse “a constitué sans nul doute uneingérence dans la jouissance du droit du requérant au respect de ses biens”. Elle précise ensuiteque “la confiscation qui a frappé un bien dont les tribunaux avaient constaté son usage illégal,a eu pour but d’éviter que l’immeuble du requérant soit utilisé pour commettre d’autresinfractions”. La juridiction européenne poursuit en affirmant que même si cette confiscation aentraîné une privation de propriété, elle relève cependant d’une réglementation de l’usage desbiens au sens du second aliéna de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1, qui permet aux Etatsd’adopter “les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformémentà l’intérêt général”.104

Or, elle rappelle que, selon sa jurisprudence, pour être justifiée, une ingérence au sens dusecond aliéna de l’article 1er du Protocole n/ 1 doit être respectée les conditions de cettedisposition. En d’autres termes, il incombe à la Cour de rechercher si l’équilibre a été maintenuentre les exigences de l’intérêt général et l’intérêt du ou des individus concernés.105 Elle note,qu’en l’espèce, la confiscation de l’immeuble a été ordonnée conformément à la législationnationale et qu’elle était donc prévue par la loi. Par ailleurs, cette ingérence avait pour “butlégitime de combattre le trafic d’êtres humains et l’exploitation d’étrangers en situation précaire,ce qui correspond à l’intérêt général”.106

Les juges de Strasbourg examinent ensuite la question de l’équilibre entre ce but et les droitsfondamentaux du requérant. Sur ce point, ils rappellent qu’en matière de confiscation de biensutilisés illégalement, un tel équilibre dépend de plusieurs facteurs et circonstances, parmilesquelles l’attitude du propriétaire. Ils recherchent donc si les autorités belges ont effectivementpris en compte l’attitude du requérant et si la procédure devant les juridictions internes lui a offert“une occasion adéquate d’exposer sa cause aux autorités compétentes” 107.En l’espèce, la Cour relève que l’article 433 terdecies alinéa 2 du code pénal belge rendobligatoire la confiscation de biens objets de certaines infractions et qu’elle se situait donc dansle cadre du droit pénal. Elle précise que “dans le cadre d’une confiscation à titre de sanction, ilfaut que le propriétaire du bien confisqué puisse invoquer son innocence, sans quoi le justeéquilibre entre la protection du droit au respect des biens et l’exigence de l’intérêt général n’estpas respecté”.A cet égard, la juridiction européenne constate que la cour d’appel belge a longuement motivésa décision de condamner le requérant.Au regard de l’ensemble de ces éléments et “compte tenu de la marge d’appréciation qui revientaux Etats lorsqu’ils réglementent « l’usage des biens conformément à l’intérêt général », enparticulier dans le cadre d’une politique visant à combattre des phénomènes criminels, la Courconclut que l’ingérence dans le droit du requérant au respect de ses biens n’a pas étédisproportionnée par rapport au but légitime poursuivi”. Elle décide donc que ce griefmanifestement mal fondé doit être rejeté.

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- Concernant les griefs tirés des articles 3 et 7 de la Convention :

Le requérant ayant invoqué le grief tiré de la violation de l’article 3 de la Convention pour lapremière fois devant la Cour de cassation, les juges de Strasbourg le rejettent pournon-épuisement des voies de recours internes.

Le second grief tiré d’une prétendue violation de l’article 7 de la Convention est déclarémanifestement infondé par les juges européens. Ils estiment qu’il ressort de l’arrêt de la Cour decassation que le moyen selon lequel l’article 433 terdecies avait remplacé la confiscationfacultative des biens appartenant au condamné par une confiscation obligatoire, était erroné. Eneffet, la confiscation était déjà obligatoire sous l’empire de l’ancienne loi (article 42, 1/ du codepénal et article 77bis, § 5 de la loi du 15 décembre 1980) et la nouvelle loi n’a eu pour effet qued’étendre l’obligation de prononcer cette peine à l’égard des biens n’appartenant pas aucondamné. Par conséquent, ils rejettent cette partie de la requête..

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Gasparini c. Italie et Belgique

12 mai 2009- req. n/ 10750/03 -

- Décision d’irrecevabilité -

- Article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) -

T Faits :

En 1999, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord décida que le taux de la contribution desagents au régime des pensions serait porté de 8 à 8, 3%. Le requérant, un salarié del’Organisation, adressa alors une réclamation contestant cette augmentation. En janvier 2001,il saisit la Commission de recours de L’OTAN (ci-après CROTAN) d’un recours en annulation decette décision. Il demanda également le retour à un taux de sa contribution à hauteur de 8% ainsique le remboursement des sommes correspondant à la différence entre ces deux taux quiavaient été prélevées sur son salaire depuis le 1er janvier 2000.Par décision du 5 septembre 2002, la CROTAN rejeta la requête en considérant que l’intéressén’était pas fondé à contester l’augmentation du taux de cotisation.

T Griefs :

Invoquant l’article 6 de la Convention (droit à un procès équitable), le requérant soutenait que laprocédure devant la CROTAN ne répondait pas aux exigences du procès équitable. Il visaitnotamment l’article 4.71 du règlement du personnel civil prévoyant l’absence de publicité desdébats ayant lieu devant cet organe. Il mettait également en cause la partialité des membres decette Commission.Enfin, le requérant reprochait à la Belgique, Etat du siège de l’Organisation, et à l’Italie, son paysd’origine, de ne pas avoir veillé à ce que l’OTAN mette en place un système juridictionnel internecompatible avec les exigences de la Convention.

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108 CEDH, Bosphorus Airways c. Irlande , du 30 juin 2005, req. n/ 45036/98, CEDH, Behrami et Behrami c. France , du 31 mai2007, req. n/ 71412/01 et CEDH, Saramati c. Allemagne, France et Norvège, du 31 mai 2007, req. n/ 78166/01.

109 CEDH, Bosphorus Airways , précité, §§ 155-156 ; CEDH, Saramati c. Allemagne, France et Norvège , précité, § 145.

110 CEDH, Boivin c. 34 Etats membres du Conseil de l’Europe , du 9 septembre 2008, req. n/ 73250/01 (Cet arrêt est résumédans la veille bimestrielle n/ 21 (septembre-octobre 2008)) et CEDH, Connolly c. 15 Etats membres de l’Union européenne , du9 décembre 2008, req. n/ 73274/01.

111 CEDH, Cooperatieve Producentenorganisatie Van de Nederlan dse Kokkelvisserij U.A. c. Pays-Bas , du 20 janvier 2009,req. n/ 13645/05.

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T Décision :

- Sur les principes applicables :

La Cour explique avoir posé, dans les affaires Bosphorus , Behrami et Behrami c. France etSaramati c. Allemagne, France et Norvège ,108 le principe selon lequel, si la Conventionn’interdit pas aux Etats de transférer des pouvoirs souverains à une organisation internationale,ils restent, au titre de l’article 1er de la Convention, responsables de tous les actes et omissionsde leurs organes. Elle rappelle également que lorsque l’acte d’un Etat se justifie par le respectd’une obligation découlant de son appartenance à une organisation internationale et que cetteorganisation accorde une protection des droits fondamentaux au moins équivalente à celle offertepar la Convention, l’Etat en question bénéficie d’une présomption de respect des exigences dela Convention.Cette présomption peut néanmoins être renversée, notamment si l’on estime que la protectiondes droits était entachée d’une « insuffisance manifeste ». “Dans un tel cas, le rôle de laConvention en tant qu’« instrument constitutionnel de l’ordre public européen » dans le domainedes droits de l’homme l’emporterait sur l’intérêt de la coopération internationale” 109.

Les juges de Strasbourg rappellent également s’être prononcés sur des questions similaires àcelles de l’espèce, dans deux affaires portant sur des litiges opposant des fonctionnairesinternationaux aux organisations qui les employaient 110. Dans ces deux affaires, la juridictioneuropéenne avait constaté qu’à aucun moment les Etats défendeurs n’étaient intervenus dansles litiges en cause et elle n’avait relevé aucune action ou omission de leur part susceptibled’engager leur responsabilité au regard de la Convention. Elle avait donc conclu que lesrequérants ne relevaient pas de la « juridiction » des Etats mis en cause et que leurs griefsétaient incompatibles rationae personae avec les dispositions de la Convention.

La Cour fait également référence à l’affaire Cooperatieve Producentenorganisatie Van deNederlandse Kokkelvisserij U.A. c. Pays-Bas 111, au cours de laquelle elle avait précisé quela présomption de respect de la Convention s’applique aux actions commises par les Etats ainsiqu’aux procédures suivies au sein de l’organisation en question, et en l’espèce, aux procéduresdevant la Cour de justice des communautés européennes. A cette occasion, elle avait affirmé quela protection accordée aux droits fondamentaux par l’Organisation ne devait pas nécessairementêtre identique à celle assurée par l’article 6 de la Convention et que la présomption de régulariténe pouvait être renversée que si la protection des droits garantis par la Convention était entachéed’une insuffisance manifeste.

Pour les juges européens, il ressort de ces principes que les Etats membres, au moment où ilstransfèrent une partie de leurs pouvoirs souverains à une organisation internationale à laquelleils adhèrent, ont l’obligation de veiller à ce que les droits garantis par la Convention reçoiventau sein de cette organisation une « protection équivalente » à celle assurée par le mécanismede la Convention. Ainsi, “la responsabilité d’un Etat partie à la Convention pourrait être mise en

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112CEDH, Schuler-Zgraggen c. Suisse , du 24 juin 1993, req. n/ 14518/89 , série A n/ 263, § 58.

113 Notamment, CEDH, Håkansson et Sturesson c. Suède , du 21 février 1990, req. n/ 11855/85 , § 64 et CEDH, Fredin c. Suède(n//// 2), du 23 février 1994, req. n/ 18928/91, série A n/ 283-A, §§ 21-22.

114 CEDH, Jussila c. Finlande , du 23 novembre 2006, req. n/ 73053/01, § 48 .

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jeu au regard de celle-ci s’il s’avérait ultérieurement que la protection des droits fondamentauxofferte par l’organisation internationale concernée était entachée d’une « insuffisancemanifeste »”.Cependant, ils considèrent qu’un Etat contractant “ne peut se voir imputer une violation alléguéede la Convention à raison d’une décision ou d’une mesure émanant d’un organe d’uneorganisation internationale dont il est membre, dans la mesure où il n’a pas été établi ni mêmeallégué que la protection des droits fondamentaux globalement offerte par ladite organisationinternationale ne serait pas « équivalente » à celle assurée par la Convention et où l’Etatconcerné n’est intervenu ni directement ni indirectement dans la commission de l’acte litigieux”.

- Application de ces principes à l’affaire en cause :

Concernant la publicité des débats :

La Cour européenne estime qu’il faut rechercher si le mécanisme contesté est entaché d’une «insuffisance manifeste », “ce qui renverserait en l’espèce, la présomption de respect par les Etatsdéfendeurs de leurs obligations au titre de la Convention”. A cet égard, elle souligne cependantque “son contrôle en vue de déterminer si la procédure devant la CROTAN, organe d’uneorganisation internationale ayant une personnalité juridique propre et non partie à la Convention,est entachée d’une insuffisance manifeste est nécessairement moins ample que le contrôlequ’elle exerce au regard de l’article 6 sur les procédures devant les juridictions internes des Etatsmembres de la Convention, lesquels se sont obligés à en respecter les dispositions”. Elle poursuiten indiquant qu’ “il lui faut en réalité déterminer si, au moment où ils ont adhéré à l’OTAN et luiont transféré certains pouvoirs souverains, les Etats défendeurs ont pu, de bonne foi, estimer quele mécanisme de règlement des conflits du travail interne à l’OTAN n’était pas en contradictionflagrante avec les dispositions de la Convention”.

Les juges de Strasbourg précisent avoir déjà indiqué que la tenue d’une audience publiqueconstitue un principe fondamental consacré par l’article 6 § 1 de la Convention. Cependant,“cette disposition n’exige pas nécessairement la tenue d’une audience dans toutes lesprocédures. Tel est notamment le cas pour les affaires ne soulevant pas de question decrédibilité ou ne suscitant pas de controverse sur les faits qui aurait requis une audience, et pourlesquelles les tribunaux peuvent se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la basedes conclusions présentées par les parties et d’autres pièces”.Ils rappellent également avoir déjà reconnu, notamment dans l’arrêt Schuler-Zgraggen c.Suisse , du 24 juin 1993,112 que les autorités nationales peuvent estimer que l’organisationsystématique de débats peut constituer un obstacle à la diligence particulière requise en matièresociale et empêcher le respect du délai raisonnable visé à l’article 6 § 1 de la Convention. Ilssoulignent par ailleurs que si dans plusieurs affaires, ils ont d’abord estimé qu’une procédure sedéroulant devant un tribunal statuant en premier et dernier ressort, une audience devait avoir lieusauf si des circonstances exceptionnelles justifiaient de s’en dispenser,113 ils ont par la suiteconsidéré que l’existence de pareilles circonstances dépendait essentiellement de la nature desquestions soumises aux tribunaux internes et non de la fréquence des litiges au cours desquellescelles-ci se posent. Sur ce point, la Cour cite l’affaire Jussila c. Finlande .114 Il s’agissait d’une affaire pénale pourlaquelle la juridiction nationale avait jugé que la tenue d’une audience publique n’était pas

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115 CEDH, Martinie c. France , du 12 avril 2006, req. n/ 58675/00, § 41. Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 9 (Mars-Avril 2006)

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nécessaire. Or, dans cette affaire, la Cour de Strasbourg avait estimé que l’intéressé avait euamplement l’occasion de présenter par écrit ses moyens de défense et de répondre auxconclusions des autorités fiscales et en avait conclu que “les exigences d’équité avaient étésatisfaites et que, eu égard aux circonstances particulières de la cause, elles n’impliquaient pasla tenue d’une audience”.

La Cour européenne remarque ensuite que, dans la plupart des affaires concernant uneprocédure devant des juridictions « civiles » statuant au fond dans lesquelles elle était arrivée àcette conclusion, le requérant avait eu la possibilité, contrairement à la présente affaire, desolliciter la tenue d’une audience publique.115

En l’espèce, elle relève que l’article 4.71 de l’annexe IX du règlement du personnel civil del’OTAN prévoit expressément « que les séances de la Commission de recours ne sont paspubliques », cette disposition étant cependant fortement nuancée par l’article suivant, qui disposequant à lui que les parties au litige peuvent « assister aux débats et développer oralement tousarguments à l’appui des moyens invoqués dans leurs mémoires [ainsi que] se faire assister oureprésenter à cet effet soit par un membre du personnel civil ou militaire de l’OTAN soit par unconseil choisi par eux ». Plus généralement, la Cour note que la CROTAN est compétente pour connaître des litiges entreles instances dirigeantes de l’OTAN et ses personnels civils. Elle note également que “dans sadécision du 4 septembre 2002 déboutant le requérant, la CROTAN a justifié l’absence decaractère public des débats par la nécessité d’ « en préserver la sérénité dans le contextespécifique d’une organisation telle que l’OTAN (...) »”.

Ainsi, “au vu de l’ensemble de ces éléments, la Cour estime que les deux Etats défendeurs, aumoment où ils ont approuvé le règlement sur le personnel civil, ont pu considérer à bon droit quele type d’affaires dont la CROTAN a à connaître pouvaient être examinées et tranchées par ellede manière adéquate dans le cadre de la procédure prévue par le règlement applicable, et, qu’euégard à l’ensemble des dispositions de ce règlement, notamment à l’article 4.72 précité, lesexigences d’équité étaient satisfaites sans la tenue d’une audience publique. Sans examiner plusavant le cas d’espèce, elle relève qu’il ressort de la décision de la CROTAN et des autreséléments du dossier que l’absence de publicité n’a en rien nui à l’équité de l’ensemble de laprocédure”.

Sur l’allégation de défaut d’impartialité des membres de la Commission :

Sur ce point, la Cour remarque que les membres de la Commission, qui sont désignés par leConseil de l’Atlantique Nord, sont des personnes extérieures à l’OTAN et “dont la compétenceest « établie »”. Elle observe par ailleurs qu’il ressort de l’article 4.21 que les recours soumis àla CROTAN doivent être dirigés contre des décisions des chefs des organismes de l’OTAN, queceux-ci appliquent ou non les décisions de Conseil de l’Atlantique Nord. Par ailleurs, elle noteque tout requérant peut invoquer une présomption de partialité et demander la modification dela composition de la Commission, ce qui ne fut pas le cas en l’espèce.

Au vu des ces éléments, “la Cour estime que les deux Etats mis en cause ont pu à bon droitconsidérer (...) que les dispositions régissant la procédure devant la CROTAN satisfaisaient auxexigences du procès équitable. Aucun élément susceptible de contredire ce constat n’a été portéà la connaissance de la Cour. Elle en conclut que la protection offerte au requérant en l’espècepar le mécanisme de règlement interne des conflits de l’OTAN n’était donc pas entachée d’une« insuffisance manifeste » au sens donné à ce terme dans l’arrêt Bosphorus, particulièrement

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dans le contexte spécifique d’une organisation telle que l’OTAN. Dès lors, elle considère que lerequérant n’est pas fondé à faire grief à l’Italie et à la Belgique d’avoir souscrit à un systèmecontraire à la Convention, et que la présomption de respect de celle-ci par ces deux Etats n’a pasété renversée”.

Les juges de Strasbourg décident donc que les griefs du requérant sont manifestement malfondés et déclarent la requête irrecevable.

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Menéndez Garcia c. Espagne

5 mai 2009- req. n/ 21046/07 -

- Décision d’irrecevabilité -

- Articles 6 § 1 (droit à un procès équitable), 8 § 1 (droit à la protection de la vie privée et de la viefamiliale) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention -

T Faits :

En janvier 2000, la requérante saisit le juge de première instance d’Oviedo afin que son père,décédé en 1974, soit reconnu comme le fils naturel de V.T.A., également décédé. Elle sollicitaitl’exhumation du corps de V.T.A. et la pratique d’analyses ADN afin de clarifier l’existence du liende paternité. Au soutien de sa demande, elle affirmait que son père était le fruit d’une relationextra-matrimoniale entre V.T.A. et l’une de ses employées. Elle soutenait qu’il existait une« possession d’état » entre son père et V.T.A et apportait des éléments de preuve tels que desphotos et les dépositions du maire de leur village d’origine assurant que cette paternité étaitconnue par l’ensemble des habitants, V.T.A. se comportant publiquement comme le père del’enfant. La famille de V.T.A. fit part de son opposition à cette demande.

En novembre 2000, le juge de première instance de Oviedo décida de surseoir à statuer sur lademande d’analyses ADN jusqu’à la prise de décision relative à la qualité d’agir de la requérante.Par un jugement du 19 septembre 2001, il “rejeta la requête en raison du manque de légitimationde la requérante”. En effet, il estima que ni la législation applicable lors des décès de son pèreet de V.T.A., ni celle en vigueur au moment de l’introduction de la requête ne prévoyaient cettepossibilité. Il considéra également que les éléments apportés par la requérante n’étaient passuffisant pour établir une « possession d’état » entre son père et V.T.A..

La requérante interjeta appel de cette décision. Le 18 septembre 2002, l’Audiencia Provincial deOviedo rejeta ce recours jugeant qu’aucune des conditions suivantes n’était réunie :l’action en réclamation de la filiation correspondait exclusivement à l’enfant, les héritiers de cedernier étant légitimés seulement s’il était décédé mineur ou juridiquement incapable. En tout étatde cause, le délai pour effectuer la demande était de cinq ans. S’agissant de la demande de larequérante à être reconnue comme petite-fille de V.T.A., l’arrêt signala que celle-ci se heurtaitau rejet, faute de reconnaissance de la filiation de son père.Le pourvoi en cassation formé par la requérante fut rejeté le 16 mars 2005 par le Tribunalsuprême. A cette occasion, il rappela qu’en droit espagnol la déclaration de « grand-paternité »était soumise à l’existence préalable d’une relation de paternité, qui en l’espèce n’avait pas étéétablie.

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116 CEDH, Tejedor García c. Espagne , du 16 décembre 1997, req. n/ 25420/94, § 31.

117 CEDH, Jäggi c. Suisse , du 13 juillet 2006, req. n/ 58757/00, §§ 37 et 39.

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Invoquant les articles 14 (interdiction de la discrimination) et 24 (droit à un procès équitable) dela Constitution espagnole, la requérante forma un recours d’Amparo devant le Tribunalconstitutionnel. Par une décision du 13 décembre 2006, la Haute juridiction rejeta le recours enconsidérant, d’une part, que les décisions qui avaient rejeté la prétention de la requérante étaientsuffisamment motivées et dénuées d’arbitraire et d’autre part, que la demande dereconnaissance de « grand-paternité » ne pouvait être acceptée, dans la mesure où il manquaitl’établissement préalable d’une déclaration de filiation. La Haute juridiction considéra par ailleursqu’aucun élément du dossier ne permettait de conclure à un traitement discriminatoire vis-à-visde la requérante.

T Griefs :

Devant la Cour européenne, la requérante invoquait une violation de l’article 6 § 1 de laConvention (droit à un procès équitable). Elle estimait que le refus de sa demande d’analysesADN était à l’origine du rejet de sa demande de reconnaissance de l’existence d’une« possession d’état » entre son père et V.T.A.. Elle invoquait également une violation de l’articlel’article 8 § 1 de la Convention (droit au respect de la vie privée et familiale) dans la mesure oùla déclaration de « grand-paternité » dépendait de l’établissement de la « possession d’état »entre son père et V.T.A.. Enfin, elle invoquait une violation de l’article 13 de la Convention (droità un recours effectif), estimant ne pas avoir bénéficié d’un recours effectif contre la décisionl’ayant considérée comme non légitimée pour introduire l’action en reconnaissance de filiation.

T Décision :

La Cour relève tout d’abord que la requérante, invoquant l’article 6 § de la Convention, se limiteà montrer son désaccord avec les décisions des juridictions internes qui constatèrent sonabsence de légitimation à solliciter sa déclaration de filiation. Sur ce point, elle rappelle qu’ilincombe en premier lieu aux autorités nationales d’interpréter la législation interne 116 et notequ’en l’espèce, les juridictions internes ont rendu des décisions suffisamment motivées et qui nepeuvent être considérées comme entachées d’arbitraire. De ce fait, elle rejette le grief pourdéfaut manifeste de fondement (§ 1).

Puis, les juges de Strasbourg considèrent que la déclaration d’absence de légitimité pour agirprononcée par les juridiction internes à l’égard de la requérante et leur rejet de sa demande de« grand-paternité » ont eu une incidence sur sa vie privée. Or, conformément à la jurisprudenceétablie dans l’arrêt Jäggi c. Suisse 117, “le droit à l’identité, dont relève le droit à connaître sonascendance, fait partie intégrante de la notion de vie privée” ; l’article 8 de la Convention doitdonc s’appliquer. Ils rappellent également qu’il est nécessaire de mettre en balance ce droit à lalumière du “droit des tiers à l’intangibilité du corps du défunt, le droit au respect des morts ainsique l’intérêt public à la protection de la sécurité juridique”. A cet égard, la Cour “considère que l’intérêt dans la connaissance de l’identité varie en fonctiondu degré de proximité des ascendants. En effet, alors qu’il convient de lui accorder la plus hauteimportance s’agissant des ascendants directs, à savoir les parents, son poids en relation avecd’autres intérêts diminue en fonction de l’éloignement dans le degré de parenté. Il appartient àchaque État de ménager son ordre juridique interne en utilisant la marge d’appréciation dont ildispose pour pondérer les intérêts en conflit dans chaque cas d’espèce. Un des moyensd’effectuer cette pondération est la réglementation des conditions d’octroi de la capacité pour agirdans les demandes de reconnaissance de paternité” (§ 2).

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Elle souligne ensuite, qu’en l’espèce, ni le refus d’accorder la capacité pour agir à la requéranteaux fins de solliciter la déclaration de filiation de son père vis-à-vis de V.T.A., ni l’absence d’uneaction directe permettant de reconnaître cette relation ne peuvent être considérés commedisproportionnés ou arbitraires. La juridiction européenne précise ensuite que le père de larequérante et V.T.A. étaient décédés au moment de l’introduction de la demande et que, “dansla mesure où aucun des deux intéressés n’avait fait preuve de leur vivant d’une quelconqueintention d’entamer des actions” , il y a lieu de s’interroger “sur leur réelle volonté d’effectuer cesdémarches et tient compte des restrictions imposées par la loi applicable à l’espèce quant àl’introduction de l’action en contestation de la paternité par des individus autres que le propre fils”(§ 2).

La Cour reconnaît que le droit à la vie privée de la requérante est en cause. Cependant, elleprécise qu’en l’espèce l’intéressée souhaitait connaître son grand père et non, comme dansl’affaire Jäggi c. Suisse , son père. “Bien que la Cour ne doute pas de l’importance de connaîtrel’identité de son grand-père, elle ne peut cependant lui accorder le même impact dans la vieprivée que celui du droit à connaître son père”. Ainsi, elle “estime que lors de la mise en balancedes différents intérêts en jeu, celui de la requérante doit s’incliner face à la protection des droitsde la famille de V.T.A. et de la sécurité juridique” et rejette ce grief pour défaut manifeste defondement.

Enfin, concernant l’article 13 de la Convention, les juges de Strasbourg constatent que larequérante a eu l’occasion de soulever ses arguments devant les juridictions internes pourappuyer ses prétentions. Elle rejette ce grief comme manifestement infondé.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la Cour conclut donc, à l’unanimité, à l’irrecevabilité de larequête.

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118 Les arrêts de la CJCE et du TPICE sont disponibles sur le site : http://curia.europa.eu/fr

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ARRÊTS DE LA COUR DE JUSTICE

ET DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES 118

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LISTE DES ARRÊTS ET CONCLUSIONS DES AVOCATS GÉNÉRAU X CI-APRÈS COMMENTÉSclassement par domaine

CITOYENNETÉ EUROPÉENNE

- CJCE, Athanasios Vatsouras c/ Arbeitsgemeinschaft (ARGE) Nürnberg 900 et JosifKoupatanze c/ Arbeitsgemeinschaft (ARGE) Nürnberg 9 00, 14 juin 2009, aff. jointes C-22/08et C-23/08, p. 109.

CONCURRENCE

- CJCE, Inspecteur van de Belastingdienst c/ X.B , 11 juin 2009, aff. C-429/07, p. 112- CJCE, T-Mobile Netherlands BV, KPN Mobile BV, Orange Nede rland NV, Vodafone LibertelNV c/ Raad van bestuur van de Nederlandse Mededingi ngsautoriteit , 4 juin 2009, aff. C-8/08,p. 114.

DROIT INSTITUTIONNEL

- CJCE, Commission c/ Grèce, 4 juin 2009, aff. C-109/08, p. 118.

ENVIRONNEMENT ET CONSOMMATEURS

- CJCE, Moteurs Leroy Somer c/ Dalkia France, Ace Europe , 4 juin 2009, aff. C-285/03, p. 122

ESPACE DE LIBERTÉ, DE SÉCURITÉ ET DE JUSTICE

- CJCE, A, 2 avril 2009, aff. C-529/07, p. 133. - CJCE, Falco Privatstiftung et Thomas Rabisch c/ Gisela We ller-Lindhorst , 23 avril 2009,aff. C-533/07, p. 131.- CJCE, María Julia Zurita García c/ Delegación del Gobierno en Murcia et Aurelio ChoqueCabrera c/ Delegación del Gobierno en Murcia, conclusions de l’avocat général Mme Julia Kokottprésentées le 19 mai 2009, aff. jointes C-261/08 et C-348-08, p. 172.- CJCE, Renate Ilsinger c/ Martin Dreschers , 14 mai 2009, aff. C-180/06, p. 128.- CJCE, Roda Golf & Beach Resort , 25 juin 2009, aff. C-14/08, p. 125.

FISCALITÉ

- CJCE, Aberdeen Property Fininvest Alpha Oy , du 18 juin 2009, aff. C-303/07, p. 138.

LIBERTÉ D’ETABLISSEMENT

- CJCE, Grande chambre,Apothkerkammer des Saarlandes , du 19 mai 2009, aff. C-171/07 etC-172/07, p. 142.

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LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES

- CJCE, Nicolas Bressol e. a. et Céline Chaverot e. a. c/ le Gouvernement de la Communautéfrançaise, conclusions de l’avocat général Mme Eleanor Sharpston, présentées le 25 juin 2009,aff. C-73/08, p. 174.

LIBRE PRESTATION DES SERVICES

- CJCE, X., E.H.A. Passenheim-van Schoot c/ Staatssecretari s van Financiën , du 11 juin2009, aff. jointes C-155/08 et C-157/08, p. 146.

POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE SÉCURITÉ COMMUNE

- TPICE, Omar Mohammed Othman c/ Conseil de l’Union européen ne et Commission desCommunautés européennes , 11 juin 2009, aff. T-318/01 -, p. 150 .

POLITIQUE SOCIALE

- CJCE, David Hütter c/ Technische Universität Graz , 18 juin 2009, aff. C-88/08 , p. 153 .- CJCE, C. Meerts c/ Proost NV, conclusions de l’Avocat général Mme Juliane Kokott, présentéesle 14 mai 2009, aff. C-116/08, p. 177.

PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

- CJCE, Chocoladefriken Lindt & Sprüngli AG c/ Franz hauswi rth GmbH , 11 juin 2009, aff.C-529/07, p. 157.

RAPPROCHEMENT DES LÉGISLATIONS

- CJCE, College van burgrmrrster en wethouders van Rottreda m c/ M.E.E. Rijkeboer , 7 mai2009, aff. C-553/07, p. 167.- CJCE, Generics (UK) Ltd , 18 juin 2009, aff. C-527/07, p. 164.- CJCE, L’Oréal SA e.a , du 18 juin 2009, aff. C-487/07, p. 160.

TRANSPORT

- CJCE, Bogiatzi, conclusions de l’Avocat général Jan Mazak, présentées le 25 juin 2009, aff. C-301/08, p. 179.

AUTRE DOMAINE

- CJCE, Intercontainer Interfrigo SC (ICF), conclusions de l’Avocat général Yves Bot, présentéesle 19 mai 2009, aff. C-133/08, p. 181.

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119 Les conclusions de l’Avocat général M. Damaso Ruiz-Jarabo Colomer, présentées le 12 mars 2009, ont été résumées dansla veille bimestrielle Mars-Avril 2009, pp.123-124.

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CITOYENNETÉ EUROPÉENNE

Athanasios Vatsouras c/ Arbeitsgemeinschaft (ARGE) Nürnberg 900et Josif Koupatanze c/ Arbeitsgemeinschaft (ARGE) N ürnberg 900 119

4 juin 2009- affaires jointes C-22/08 et C-23/08 -

« Citoyenneté européenne - Libre circulation des personnes - Articles 12 CE et 39 CE - Directive2004/38/CE - Article 24, paragraphe 2 - Appréciation de validité - Ressortissants d’un État membre -

Activité professionnelle dans un autre État membre - Niveau de la rémunération et durée de l’activité -Maintien du statut de “travailleur” - Droit au bénéfice de prestations en

faveur des demandeurs d’emploi »

T Faits :

Dans ces deux affaires, les requérants, ressortissants grecs vivent en Allemagne, respectivementdepuis les mois de mars et octobre 2006. Ils ont demandé à pouvoir bénéficier de « prestationsde base en faveur des demandeurs d’emploi » (ci-après « SGB II »). L’Arbeitsgemeinschaft(Centre d’emploi de la ville de Nürnberg, ci-après l’« ARGE ») leur a accordé le bénéfice de cesallocations pendant quelques mois puis il leur a notifié qu’en vertu des dispositions de l’article 7,paragraphe 1 deuxième phrase du SBG II, ils n’avaient pas droit à ces allocations qui ne leurseraient plus attribuées.En effet, selon les dispositions nationales mises en cause, sont exclus du bénéfice desprestations de base en faveur des demandeurs d’emploi, « (...) 2. les ressortissants étrangersdont le droit de séjour découle exclusivement de l’objectif de recherche d’un emploi, les membresde leurs familles ainsi que les bénéficiaires visés à l’article 1er de la loi sur les prestations àaccorder aux demandeurs d’asile [Asylbewerberleistungsgesetz]. (...) ».Ces décisions ont été contestées par chacun des requérants devant le Sozialgericht Nürnberg.Entre-temps, les requérants ont repris une activité professionnelle leur permettant de ne plusdépendre de l’assistance sociale.

T Droit communautaire et questions préjudicielles :

La juridiction de renvoi pose à la Cour trois questions préjudicielles portant sur l’interprétation desarticles 12 CE et 39 CE ainsi que sur la validité de l’article 24, paragraphe 2, de la directive2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 29 avril 2004 et relative au droitdes citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librementsur le territoire des États membres.

L’article 24 de la directive 2004/38/CE dispose :« 1. Sous réserve des dispositions spécifiques expressément prévues par le traité et le droit dérivé,tout citoyen de l’Union qui séjourne sur le territoire de l’État membre d’accueil en vertu de laprésente directive bénéficie de l’égalité de traitement avec les ressortissants de cet État membredans le domaine d’application du traité. Le bénéfice de ce droit s’étend aux membres de la famille,qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui bénéficient du droit de séjour ou du droit deséjour permanent.

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2. Par dérogation au paragraphe 1, l’État membre d’accueil n’est pas obligé d’accorder le droit àune prestation d’assistance sociale pendant les trois premiers mois de séjour ou, le cas échéant,pendant la période plus longue prévue à l’article 14, paragraphe 4, point b), ni tenu, avantl’acquisition du droit de séjour permanent, d’octroyer des aides d’entretien aux études, y comprispour la formation professionnelle, sous la forme de bourses d’études ou de prêts, à des personnesautres que les travailleurs salariés, les travailleurs non salariés, les personnes qui gardent ce statut,et les membres de leur famille. »

Plus précisément, la juridiction de renvoi pose les trois questions suivantes à la Cour de justice :« 1) L’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 […] est-il conforme à l’article 12 CE lu encombinaison avec l’article 39 CE ?2) Dans l’hypothèse où la première question appellerait une réponse négative, l’article 12 CE lu encombinaison avec l’article 39 CE s’oppose-t-il à une réglementation nationale qui exclut lescitoyens de l’Union du bénéfice de l’assistance sociale en cas de dépassement de la duréemaximale du séjour visé à l’article 6 de la directive 2004/38 […], et en l’absence de tout droit deséjour en vertu d’autres dispositions ?3) Dans l’hypothèse où la première question appellerait une réponse positive, l’article 12 CEs’oppose-t-il à une réglementation nationale qui exclut les ressortissants d’États membres del’Union européenne même du bénéfice de prestations d’assistance sociale octroyées aux immigrésclandestins ? »

T Décision :

A titre liminaire, la Cour note qu’il résulte de la décision de renvoi, que les questions posées sontfondées sur le fait que, à l’époque des faits, les requérants n’avaient pas la qualité de« travailleur » au sens de l’article 39 CE. Elle relève en effet, que la juridiction de renvoi aconstaté que l’activité professionnelle « mineure exercée brièvement » par le premier requérantétait « insuffisante aux fins de sa subsistance » et que celle exercée par l’autre requérant « aduré à peine plus d’un mois ». Or, les juges de Luxembourg rappellent que “selon unejurisprudence constante, la notion de « travailleur » au sens de l’article 39 CE revêt une portéecommunautaire et ne doit pas être interprétée de manière restrictive. Doit être considérée comme« travailleur » toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activitéstellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires” (point 26).Ils précisent que “Le fait que les revenus d’une activité salariée sont inférieurs au minimumd’existence n’empêche pas de considérer la personne qui l’exerce comme « travailleur » au sensde l’article 39 CE” (point 28), ni même le fait que cette personne demande le bénéfice deprestations financières à l’Etat en complément de sa propre rémunération. Enfin, la courte duréede l’activité salariée n’est pas non plus, à elle seule, susceptible de l’exclure du champd’application de l’article 39 CE.Après avoir apporté ces précisions, les juges communautaires estiment qu’il incombe auxjuridictions nationales d’interpréter les faits et de qualifier au besoin les requérants de« travailleurs » au sens de l’article 39 CE.

Concernant la première question portant sur la conformité de l’article 24, paragraphe 2 de ladirective 2004/38/CE à l’article 12 lu en combinaison de l’article 39 CE :

La Cour luxembourgeoise relève que “l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 établitune dérogation au principe d’égalité de traitement dont bénéficient les citoyens de l’Union autresque les travailleurs salariés, les travailleurs non salariés, les personnes qui gardent ce statut etles membres de leur famille, qui séjournent sur le territoire d’un État membre d’accueil” (point 34).En effet, “Selon cette disposition, l’État membre d’accueil n’est pas obligé d’accorder le droit auxprestations d’assistance sociale, notamment aux demandeurs d’emploi pendant la période pluslongue durant laquelle ils ont le droit d’y séjourner” (point 35).

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120 CJCE, Ioannidis , du 15 septembre 2005, C-258/04, Rec. p. I-8275, point 21.

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Par ailleurs, elle rappelle que l’article 39 CE s’applique aux “ressortissants d’un État membre àla recherche d’un emploi dans un autre État (...)” et que dans ces conditions, ceux-ci “bénéficientdu droit à l’égalité de traitement prévu au paragraphe 2 de cette disposition” 120 (Point 36).

Cependant, les juges communautaires reconnaissent que l’Etat peut subordonner l’attribution deprestations de nature financière destinée à faciliter l’accès à l’emploi à la condition que ledemandeur établisse l’existence d’un lien réel avec le marché national du travail. Ils laissent parailleurs aux autorités nationales la faculté de déterminer les finalités et conditions d’octroi de cesprestations.En l’espèce, ils relèvent que l’octroi de la prestation en cause est subordonné à la condition quel’intéressé soit en mesure d’exercer une activité professionnelle. Ils en déduisent qu’il s’agit làd’un “indice que la prestation est destinée à faciliter l’accès à l’emploi” (point 43).La Cour insiste sur la nécessité d’interpréter “la dérogation prévue à l’article 24, paragraphe 2,de la directive 2004/38, conformément à l’article 39, paragraphe 2, CE” et elle explique que lesprestations financières de nature à faciliter l’accès à l’emploi ne peuvent être considérées commedes prestations d’assistance sociale au sens de l’article 24 de la directive 2004/38/CE.

Sur ce point, elle dit pour droit (dispositif) : “1) En ce qui concerne le droit des ressortissantsdes États membres qui cherchent un emploi dans un a utre État membre, l’examen de lapremière question n’a révélé aucun élément de natur e à affecter la validité de l’article 24,paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE du Parleme nt européen et du Conseil, du 29 avril2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuleret de séjourner librement sur le territoire des Éta ts membres, modifiant le règlement (CEE)n//// 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68 /360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE,75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE.”

- Concernant la deuxième question :

La Cour, eu égard à la réponse donnée à la première question, n’estime pas nécessaire derépondre à la deuxième question.

- Concernant la troisième question :

La Cour formule différemment la question posée par la juridiction de renvoi et considère qu’il“convient (...) de comprendre la question posée en ce sens que la juridiction de renvoi demande,en substance, si l’article 12 CE s’oppose à une réglementation nationale qui exclut lesressortissants des États membres du bénéfice de prestations d’assistance sociale, alors quecelui-ci est octroyé aux nationaux d’États tiers” (point 50).Les juges de Luxembourg rappellent que “l’article 12, premier alinéa, CE interdit, dans le domained’application du traité CE et sans préjudice des dispositions qu’il prévoit, toute discrimination enraison de la nationalité” (point 51). Cependant, cet article trouve à s’appliquer lorsqu’un“ressortissant d’un État membre subit un traitement discriminatoire par rapport aux nationaux d’unautre État membre sur le seul fondement de sa nationalité” (point 52) et non lorsqu’il s’agit d’unedifférence de traitement entre les ressortissants des États membres et ceux des États tiers.La Cour dit pour droit que “l’article 12 CE ne s’oppose pas à une réglementati on nationalequi exclut les ressortissants des États membres du bénéfice de prestations d’assistancesociale octroyées aux nationaux d’États tiers ”. (point 53).

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121 TPICE, arrêts du 8 juillet 2008, Saint Gobain Gyproc Belgium c/ Commission , T-50/03, Knauf Gips c/ Commission , T-52/03, BPB c/ Commission , T-53/03, et Lafarge c/ Commission , T-54/03.

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CONCURRENCE

Inspecteur van de Belastingdienst c/ X BV

11 juin 2009- C-429/07 -

« Politique de concurrence - Articles 81 CE et 82 CE - Article 15, paragraphe 3, du règlement (CE)n/ 1/2003 - Observations écrites soumises par la Commission - Litige national relatif à la déductibilité

fiscale d’une amende infligée par une décision de la Commission »

T Faits :

En novembre 2002, la Commission européenne infligea des amendes de plusieurs millions àdifférentes sociétés, en raison des infractions commises par elles à l’article 81 du Traité CE,prohibant les ententes. Ces sanctions furent confirmées par plusieurs arrêts du Tribunal dePremière instance en date du 8 juillet 2008.121 Or, avant que ne soient rendus les arrêts duTribunal, l’une des sociétés concernées, dénommée X KG et établie en Allemagne, répercutapartiellement l’amende qui lui avait été infligée au sein du groupe dont elle était la société mère,et notamment sur l’une de ses filiales néerlandaises, X BV. Le 13 mars 2004, l’administration fiscale néerlandaise adressa un avis d’imposition à X BV autitre de l’impôt des sociétés pour l’exercice 2002. Celle-ci introduisit alors une réclamation contrecet avis d’imposition, réclamation qui fut rejetée par l’administration fiscale. La société X BVforma alors un recours devant les juridictions internes. Le tribunal fit droit à sa demande relativeà la déductibilité partielle du montant de l’amende, mais l’administration fiscale interjeta appel dece jugement. C’est alors que la Commission européenne, avertie par voie de presse et par l’intermédiaire desautorités nationales de concurrence, prit connaissance de l’affaire. Elle informa la juridiction derenvoi de son souhait d’intervenir dans la procédure en tant qu’amicus curiae en vertu de l’article15, paragraphe 3, du règlement n/ 1/2003/CE. Au cours de l’audience devant la juridictionnéerlandaise, les parties au principal ainsi que la Commission furent invitées à s’exprimer sur lepoint de savoir si cet article autorisait la Commission, agissant d’office, à présenter desobservations écrites dans le cadre de la procédure pendante devant la juridiction nationale. Lajuridiction de renvoi saisie du litige, décida de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justiceune question préjudicielle.

T Question préjudicielle et droit communautaire en ca use :

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 15, paragraphe 3, durèglement (CE) n/ 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre desrègles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du Traité CE.

L’article 15 du règlement n/ 1/2003/CE dispose :« 3. Les autorités de concurrence des États membres, agissant d’office, peuvent soumettre desobservations écrites aux juridictions de leur État membre respectif au sujet de l’application del’article 81 ou 82 du traité. Avec l’autorisation de la juridiction en question, elles peuvent aussiprésenter des observations orales. Lorsque l’application cohérente de l’article 81 ou 82 du

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traité l’exige, la Commission, agissant d’office, p eut soumettre des observations écrites auxjuridictions des États membres . Avec l’autorisation de la juridiction en question, elle peut aussiprésenter des observations orales.Afin de leur permettre de préparer leurs observations, et à cette fin uniquement, les autorités deconcurrence des États membres et la Commission peuvent solliciter la juridiction compétente del’État membre afin qu’elle leur transmette ou leur fasse transmettre tout document nécessaire àl’appréciation de l’affaire »

Par la question préjudicielle posée à la Cour de Justice, la juridiction de renvoi désirait savoir sil’article 15, paragraphe 3, du règlement n/ 1/2003/CE, autorisait la Commission à soumettred’office des observations écrites dans une procédure relative à la possibilité de déduire desbénéfices fiscaux une amende que la Commission avait imposée à la société mère pour violationdu droit communautaire de la concurrence et que cette dernière avait partiellement répercutéesur l’une de ses filiales.

T Décision :

Tout d’abord, la Cour rappelle qu’un mécanisme de coopération entre la Commission, lesautorités nationales et les juridictions des Etats membres a été instauré au chapitre IV durèglement n/ 1/2003/CE. Il vise à garantir une application cohérente des règles de concurrenceentre les Etats membres. A cet égard, l’article 15 de ce règlement, intitulé « Coopération avecles juridictions nationales », instaure un système d’échange d’informations réciproque entre laCommission et les juridictions des Etats membres. En outre, une possibilité d’intervention de laCommission et des autorités de concurrence des Etats membres dans les procédures pendantesdevant les juridictions nationales est prévue.

Les juges de Luxembourg procèdent ensuite à un examen plus attentif de cet article. Ils relèventnotamment que le paragraphe 3 vise deux types différents d’intervention. D’une part,l’intervention des autorités nationales de concurrence devant les juridictions de leur Etat membrerespectif au sujet de l’application de l’article 81 ou 82 CE, d’autre part, une possibilitéd’intervention de la Commission devant les juridictions des Etats membres lorsque l’applicationcohérente de ces mêmes articles l’exige.Dès lors, la Cour, après avoir constaté que les deuxième et quatrième phrases de cet alinéa sontpresque identiques, en déduit que la volonté du législateur est bien de séparer ces deuxhypothèses. Procédant à une interprétation littérale de cet article, elle remarque que cela conduità considérer que la faculté offerte à la Commission de soumettre d’office ses observations écritesaux juridictions des Etats membres, est subordonnée à l’unique condition que l’applicationcohérente de l’article 81 ou 82 CE l’exige. La Cour précise en outre que “Cette condition peut êtreremplie même dans des cas où la procédure concernée ne se déroule pas au sujet del’application de l’article 81 ou 82 du traité” (point 30).

De façon à étayer leur analyse, les juges européens rappellent que le pouvoir de la Commissiond’infliger des amendes aux entreprises commettant des infractions aux dispositions des articles81 ou 82, constitue l’un des moyens lui permettant d’accomplir la mission de surveillance que luiconfère le droit communautaire dans ce domaine. Or, si l’on dissociait le principe de l’interdictiondes pratiques anticoncurrentielles de celui des sanctions, cela aboutirait pour la Cour “à priverd’effectivité l’action des autorités chargées de surveiller le respect de cette interdiction et desanctionner de telles pratiques” (point 36). Par conséquent, la Cour estime que l’effectivité dessanctions infligées par les autorités de concurrence nationales ou communautaires est unecondition de l’application cohérente des articles 81 et 82 CE.

Or en l’espèce, la Cour de justice note que l’issue du litige, ayant trait à la déductibilité fiscaled’une partie du montant des amendes infligée par la Commission, est susceptible de porter

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atteinte à l’effectivité de la sanction imposée par celle-ci. Elle considère que “L’effectivité de ladécision de la Commission par laquelle elle a infligé une amende à une société pourrait en effetêtre sensiblement réduite si la société concernée, ou du moins une société qui est liée à celle-ci,était autorisée à déduire en tout ou en partie le montant de cette amende du montant de sesbénéfices imposables, puisqu’une telle possibilité aurait pour effet de compenser partiellementla charge de ladite amende par une réduction de la charge fiscale.” (Point 39).

Par ces motifs, la Cour dit pour droit (dispositif) : “L’article 15, paragraphe 3, premier alinéa,troisième phrase, du règlement (CE) n //// 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif àla mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, doitêtre interprété en ce sens qu’il autorise la Commis sion des Communautés européennesà soumettre d’office des observations écrites à une juridiction d’un État membre dans uneprocédure relative à la possibilité de déduire des bénéfices imposables le montant d’uneamende ou une partie de celle-ci que la Commission a infligée pour la violation de l’article81 CE ou 82 CE”.

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T-Mobile Netherlands BV, KPN Mobile BV, Orange Nede rland NV,Vodafone Libertel NV c/ Raad van bestuur van de Ned erlandse

Mededingingsautoriteit

4 juin 2009- C-8/08 -

« Demande de décision préjudicielle - Article 81, paragraphe 1 , CE - Notion de ‘pratique concertée’ -Lien de causalité entre la concertation et le comportement des entreprises sur le mar hé - Appréciation

selon les règles du droit national - Caractère suffisant d’une unique réunion ou nécessité d’uneconcertation durable et régulière »

T Faits :

Le 13 juin 2001, une réunion a été organisée entre les cinq opérateurs de téléphonie mobilesnéerlandais, visant à réduire les rémunérations standard des revendeurs pour les abonnementsde téléphone. L’autorité néerlandaise de la concurrence (Raad van bestuur van de NederlandseMededingingsautoriteit, ci après la « Nma »), par une décision du 30 décembre 2002, constataque ces opérateurs avaient passé un accord entre eux ou avaient concerté leurs pratiques, cequi avaient eu pour effet de restreindre la concurrence ; en conséquence, elle leur infligea desamendes.Les entreprises sanctionnées introduisirent un recours à l’encontre de cette décision, mais la« Nma » maintint les amendes infligées. La juridiction néerlandaise, saisie du litige, estima qu’elledevait déterminer d’une part, si la communication d’informations sur les abonnements au coursde la réunion du 13 juin 2001 avait eu pour objet de restreindre la concurrence et si la « Nma »avait eu raison de ne pas examiner les effets de la pratique concertée, d’autre part, s’il existaitun lien de causalité entre cette concertation et le comportement sur le marché des opérateursconcernés. Doutant de l’interprétation à donner, la juridiction de renvoi décida de surseoir à statuer et posaà la Cour de justice trois questions préjudicielles.

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122 Conclusions de l’Avocat général Mme Juliane Kokott, présentées le 19 février 2009, point 38.

123 CJCE, Suiker Unie e.a c/ Commission , du 16 décembre 1975, aff. 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et114/73, Rec. p. 1663, point 26.

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T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :

Les questions préjudicielles portent sur l’interprétation de l’article 81, paragraphe 1, du Traité CE.

L’article 81, § 1 du Traité instituant la Communauté Européenne dispose que : « 1. Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutesdécisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptiblesd’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, derestreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, et notammentceux qui consistent à :

a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions detransaction ;b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou lesinvestissements ;c) répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement ;d) appliquer, à l’égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à desprestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ;e) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, deprestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ontpas de lien avec l’objet de ces contrats ».

Plus précisément, la Cour de Luxembourg devait répondre aux trois questions suivantes :«1) Aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, quels critères convient-il de retenirpour apprécier si une pratique concertée a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser lejeu de la concurrence ?2) L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens que, dans le cadre de l’application de cet articlepar la juridiction nationale, la preuve du lien de causalité entre la concertation et le comportementsur le marché doit être rapportée et appréciée conformément aux règles du droit national pourvuque ces règles ne soient pas moins favorables que celles applicables à des recours similaires denature interne et qu’elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficilel’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire ?3) Aux fins de l’application de la notion de pratique concertée visée à l’article 81 CE, la présomptiondu lien de causalité entre la concertation et le comportement sur le marché s’applique-t-elletoujours, même si la concertation est restée isolée et que l’opérateur y ayant participé continue sonactivité sur le marché, ou bien cette présomption ne s’applique-t-elle que lorsque la concertations’est prolongée de manière régulière et sur une longue période ? ».

T Décision :

- Sur la première question préjudicielle :

La Cour de Justice reprend sur ce point, les conclusions de l’Avocat général dans cette affaire.122

Elle rappelle que les critères dégagés par la jurisprudence afin d’apprécier si un comportementa pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sontapplicables qu’il s’agisse d’un accord, d’une décision ou d’une pratique concertée. Lajurisprudence a par ailleurs, déjà fourni un certain nombre de critères permettant d’apprécier lecaractère anticoncurrentiel d’une pratique concertée. A cet égard, elle redonne la définition decelle-ci en précisant qu’une “telle pratique vise une forme de coordination entre entreprises qui,sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substituesciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence” 123 (point 26). En

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124 CJCE, IAZ International Belgium e.a. c/ Commission , du 8 novembre 1983, aff. 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et110/82, Rec. p. 3369, point 25.

125 CJCE, LTM, du 30 juin 1966, aff. 56/65, Rec. p. 337, 359.

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outre, afin d’apprécier le caractère anticoncurrentiel d’une pratique concertée, la Cour estime qu’il“convient de s’attacher notamment aux buts objectifs qu’elle vise à atteindre ainsi qu’au contexteéconomique et juridique dans lequel elle s’insère” 124 (point 27).

La Cour poursuit en évoquant l’absence de caractère cumulatif de l’objet et de l’effetanticoncurrentiel. Il s’agit en effet de conditions alternatives et ce, en vertu d’une jurisprudenceconstante125. Elle précise en effet qu’il convient d’abord de rechercher si la pratique a un objetanticoncurrentiel. Si celle-ci ne révélait pas « un degré suffisant de nocivité » à l’égard de laconcurrence, il faudrait alors seulement se tourner vers les effets de la pratique afin dedéterminer si elle est susceptible d’empêcher, restreindre ou fausser de façon sensible le jeu dela concurrence. Par conséquent, la Cour estime qu’il n’est pas nécessaire de prendre en compteles effets d’une pratique concertée dès lors que son objet est par lui-même anticoncurrentiel.

En second lieu, la Cour examine l’échange d’informations entre concurrents. Elle rappelle ques’il n’est pas exclut qu’il puisse s’adapter “intelligemment au comportement constaté ou àescompter de leurs concurrents”, l’exigence d’autonomie des opérateurs économiques s’oppose“cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateursde nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel,soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à tenir soi-même sur cemarché ou que l’on envisage d’adopter sur celui-ci” (point 33).

Enfin les juges de Luxembourg se penchent sur la possibilité de considérer qu’une pratiqueconcertée ait un objet anticoncurrentiel bien que cette dernière n’ait pas de lien direct avec lesprix à la consommation. Ils relèvent que l’article 81, paragraphe 1 CE, ne permet pas deconsidérer que seules les pratiques concertées ayant un effet direct sur le prix acquitté par lesconsommateurs finaux, seraient interdites. En effet cet article vise “à protéger non pasuniquement les intérêts directs des concurrents ou des consommateurs, mais la structure dumarché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle” (point 38). Par conséquent, la constatationde l’existence de l’objet anticoncurrentiel d’une pratique concertée ne saurait être subordonnéeà celle d’un lien direct de celle-ci avec les prix à la consommation.

Sur ce point, la Cour dit pour droit : “Une pratique concertée a un objet anticoncurrentie l ausens de l’article 81, paragraphe 1, CE lorsque, en raison de sa teneur ainsi que de safinalité et compte tenu du contexte juridique et éc onomique dans lequel elle s’insère, elleest concrètement apte à empêcher, à restreindre ou à fausser la concurrence au sein dumarché commun. Il n’est pas nécessaire que la concu rrence soit réellement empêchée,restreinte ou faussée ni qu’il existe un lien direc t entre cette pratique concertée et les prixà la consommation. L’échange d’informations entre c oncurrents poursuit un objetanticoncurrentiel lorsqu’il est susceptible d’élimi ner les incertitudes quant aucomportement envisagé par les entreprises concernée s” (point 43).

- Sur la deuxième question préjudicielle :

Par cette question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si la présomption du lien de causalitéentre la concertation et le comportement sur le marché des entreprises y participant, s’imposeégalement aux autorités et aux tribunaux nationaux quand ils appliquent l’article 81 CE.

Sur ce point, l’argumentation de la Cour est relativement brève, elle relève tout d’abord quel’article 81 du Traité CE, produit des effets directs dans les relations entre les particuliers et qu’ilengendre également des droits dans le chef des justiciables que les juridictions nationales

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126 CJCE, Commission c/ Anic Partecipazioni , 8 juillet 1999, C-49/92 P, Rec. p. I 4125, point 121, et Huls c/ Commission , 8juillet 1999, C-199/92 P, Rec. p. I- 4287, point 162.

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doivent sauvegarder. D’autre part, elle note que cette disposition est d’ordre public et, à cetégard, doit être appliquée d’office par les juridictions nationales. Ainsi l’interprétation donnée parla Cour de cet article est à la fois contraignante et partie intégrante du droit communautaireapplicable.

Sur ce point, la Cour dit pour droit : “Dans le cadre de l’examen du lien de causalité ent re laconcertation et le comportement sur le marché des e ntreprises participant à celle-ci, lienqui est exigé pour établir l’existence d’une pratiq ue concertée au sens de l’article 81,paragraphe 1, CE, le juge national est tenu, sous r éserve de la preuve contraire qu’ilincombe à ces dernières de rapporter, d’appliquer l a présomption de causalité énoncéepar la jurisprudence de la Cour et selon laquelle l esdites entreprises, lorsqu’ellesdemeurent actives sur ce marché, tiennent compte de s informations échangées avec leursconcurrents.”

- Sur la troisième question préjudicielle :

Il s’agit ici de savoir si la présomption du lien de causalité entre la concertation et lecomportement des entreprises concernées s’appliquait même dans l’hypothèse où il n’y auraiteu qu’une seule réunion entre les entreprises en cause.

Sur ce point, les parties au litige s’opposaient. Les opérateurs de téléphonie mobile estimaientqu’une seule réunion n’était pas suffisante, tandis que le gouvernement néerlandais et laCommission estimaient que la présomption de causalité ne dépendait pas du nombre desréunions ayant constitué la base de la concertation.

La Cour réitère la position adoptée dans sa jurisprudence antérieure.126 Elle considère qu’il “n’estpas exclu que, selon la structure du marché, une seule prise de contact, telle que celle en causedans le litige au principal, puisse, en principe, suffire pour que les entreprises concernéesconcertent leur comportement sur le marché et aboutissent ainsi à une coopération pratique sesubstituant à la concurrence et aux risques que celle-ci implique” (point 59). Elle estime enparticulier que si “la concertation est ponctuelle et vise une harmonisation unique ducomportement sur le marché concernant un paramètre isolé de la concurrence, une seule prisede contact pourra suffire pour réaliser la finalité anticoncurrentielle recherchée par les entreprisesconcernées” (point 60).

Pour les juges européens, ce qui importe, n’est pas tant le nombre de réunions entre lesentreprises concernées, mais de savoir si le ou les contacts ont permis de tenir compte desinformations échangées avec les concurrents afin de déterminer le comportement de cesentreprises sur le marché concerné, et ainsi de substituer sciemment une coopération pratiqueentre elles aux risques de la concurrence.

Sur ce troisième point, la Cour dit pour droit : “Pour autant que l’entreprise participant àla concertation demeure active sur le marché consid éré, la présomption du lien decausalité entre la concertation et le comportement de cette entreprise sur ce marché estapplicable même si la concertation n’est fondée que sur une seule réunion des entreprisesconcernées.” (point 62).

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DROIT INSTITUTIONNEL

Commission c/ Grèce

4 juin 2009- C-109/08 -

« Manquement d’État - Articles 28 CE, 43 CE et 49 CE - Directive 98/34/CE - Normes etréglementations techniques - Réglementation nationale applicable aux jeux électriques,

électromécaniques et électroniques pour ordinateurs - Arrêt de la Cour constatant l’existence d’unmanquement - Inexécution - Article 228 CE - Sanctions pécuniaires »

T Faits :

Le 26 octobre 2006, la République hellénique a été condamnée pour manquement par la Courde Luxembourg. Cette condamnation faisait suite à la demande faite par la Commission deconstater que la République hellénique avait manqué aux obligations lui incombant en vertu desarticles 28, 43 et 49 CE ainsi que de l’article 8 de la directive 98/34/CE du Parlement européenet du Conseil, du 22 juin 1998, telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlementeuropéen et du Conseil, du 20 juillet 1998 relative à la procédure d’information dans le domainedes normes techniques.

Etait en cause, l’introduction dans les articles 2, paragraphe 1, 3, second alinéa, 4 et 5 de la loin/ 3037/2002 de l’interdiction, sous peine de sanctions pénales ou administratives, d’installer etd’exploiter tous les jeux électriques, électromécaniques et électroniques, y compris les jeuxtechniques récréatifs et tous les jeux pour ordinateurs, dans tous les lieux publics ou privés, àl’exception des casinos.

La Cour avait constaté que la loi n/ 3037/2002 constituait une mesure d’effet équivalent à unerestriction quantitative au sens de l’article 28 CE.

Interrogée par la Commission sur l’état d’exécution de l’arrêt constatant son manquement, laRépublique hellénique n’a fourni aucune information concrète concernant la modification de lalégislation nationale en cause. En application de l’article 228 CE, le 23 mars 2007, la Commissionadressa à cet Etat une lettre de mise en demeure. Les autorités grecques n’y répondirent paset la Commission leur adressa, le 29 juin 2007, un avis motivé les invitant à prendre, dans undélai de deux mois à compter de la réception de l’avis, les mesures nécessaires pour assurerl’exécution de l’arrêt.

La Grèce n’ayant pas répondu, la Commission a introduit le présent recours devant la Cour dejustice.

T Droit communautaire en cause :

L’article 28 CE prévoit l’interdiction des restrictions quantitatives à l’importation et des mesuresd’effet équivalent. Les articles 43 et 49 CE prévoient l’interdiction des restrictions à la libertéd’établissement et à la libre prestation de services. Enfin, l’article 8 paragraphe 1 de la directive98/34/CE impose aux Etats membres de communiquer immédiatement à la Commission toutprojet de règle technique ainsi que les raisons pour lesquelles l’établissement d’une telle règleest nécessaire.

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127 CJCE, Commission c/ Grèce , du 26 octobre 2006, C-65/05, Rec. p. I-10341.

128 JO L 204, p. 37.

129 JO L 217, p. 18.

130 Article 228, paragraphe 2, troisième alinéa, CE.

131 CJCE, Commission c/ Espagne , du 25 novembre 2003, C-278/01, Rec. p. I-14141, point 41.

132 CJCE, Commission c/ France , du 12 juillet 2005, C- 304/02, point 91; CJCE, Commission c. France , 14 mars 2006, C-177/04, points 59 et 60.

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La Commission demande à la Cour de :

« - constater qu’en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires pour exécuter l’arrêt du 26octobre 2006 127, la République hellénique a manqué à ses obligations lui incombant en vertu desarticles 28 CE, 43 CE et 49 CE ainsi que de l’article 8 de la directive 98/34/CE du Parlementeuropéen et du Conseil, du 22 juin 1998 128, telle que modifiée par la directive 98/48/CE duParlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998 129 (ci-après la directive 98/34) ;- condamner la République hellénique à lui payer une astreinte d’un montant de 31 798,80 eurospar jour de retard dans l’exécution de l’arrêt précité, et ce à compter du jour du prononcé de l’arrêtdans la présente affaire et jusqu’au jour de l’exécution du dit arrêt ;- condamner la République hellénique à lui payer une somme forfaitaire d’un montant de 9 636euros par jour à compter du 26 octobre 2006, et ce jusqu’à la date du prononcé de l’arrêt dans laprésente affaire ou jusqu’au jour de l’exécution de l’arrêt Commission c. Grèce, précité, si celle-ciintervient avant cette date, et de condamner la République hellénique aux dépens. »

T Décision :

- Concernant l’astreinte :

La Cour constate que la République hellénique ne s’est pas conformée à l’arrêt Commission c.Grèce précité et rappelle qu’elle peut infliger à cet État membre le paiement d’une sommeforfaitaire ou d’une astreinte.130

Elle indique ensuite qu’elle ne saurait être liée par les propositions faites par la Commission,celles-ci étant seulement constitutives d’une « base de référence utile ». 131 Les juges deLuxembourg rappellent également que “la condamnation au paiement d’une astreinte et/ou d’unesomme forfaitaire vise à exercer sur un État membre défaillant une contrainte économique quil’incite à mettre fin au manquement constaté. Les sanctions pécuniaires infligées doivent doncêtre arrêtées en fonction du degré de persuasion nécessaire pour que l’État membre en causemodifie son comportement”.132 (Point 28).

Ils relèvent ensuite qu’au cours de l’audience du 29 janvier 2009, l’agent de la Républiquehellénique a confirmé qu’aucune disposition législative mettant fin au manquement constatén’avait à ce jour été adoptée (point 29). Ainsi, notant que le manquement allégué perdurait, lesjuges communautaires affirment que “la condamnation de la République hellénique au paiementd’une astreinte (...) constitue un moyen adapté d’inciter cet État membre à prendre les mesuresnécessaires pour assurer l’exécution de l’arrêt Commission c. Grèce” (point 30).

Concernant la gravité de l’infraction, et en particulier les conséquences du défaut d’exécution del’arrêt Commission c. Grèce, la Cour estime il y a lieu de constater que l’interdiction prévue parla législation nationale en cause, “viole les principes de libre circulation des marchandises, delibre prestation des services et de liberté d’établissement tels qu’ils résultent des articles 28 CEainsi que 43 CE et 49 CE” (point 33).

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133 CJCE, Commission c/ Grèce , précité, points 29, 30, 51 et 55.

134 CJCE, Commission c/ Portugal , du 10 janvier 2008, C-70/06, Rec. p. I-1, point 45.

135 CJCE, Commission c/ France , du 9 décembre 2008, C-121/07, point 62. Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 22(novembre-décembre 2008).

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Elle souligne, comme elle l’avait fait dans l’arrêt précédant, que cette réglementation nationalea entraîné une diminution du volume des importations de jeux en provenance d’autres Étatsmembres et a abouti à une cessation de ces importations dès l’instauration de laditeinterdiction.133 De plus, elle relève que cette législation empêche les opérateurs économiquesd’autres États membres de fournir leurs services, voire de s’établir à cette fin en Grèce (point 34).

Par ailleurs, les juges européens constatent que le gouvernement grec n’a pris aucune mesurepour suspendre l’application de cette réglementation et a ainsi exposé des opérateurséconomiques à des condamnations à des peines privatives de liberté et des sanctionspécuniaires. Ils estiment donc “urgent que la République hellénique modifie cette législation”(point 35).

Il est, selon les juges de Luxembourg, important de noter que le manquement constaté reposesur l’absence de notification des règles techniques prévue à l’article 8 de la directive 98/34/CE.En effet, “le respect de cette obligation spécifique constituait une condition nécessaire afin deréaliser pleinement l’objectif de cette directive tel que défini dans ses deuxième et troisièmeconsidérants visant à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur” (point 36).Ils rappellent avoir déjà admis que “les raisons impérieuses d’intérêt général invoquées par laRépublique hellénique étaient susceptibles de justifier l’entrave à la libre circulation desmarchandises constatée dans cette affaire”. Cependant, l’interdiction desdits jeux dans tous leslieux publics ou privés, à l’exception des casinos, constitue “une mesure disproportionnée auregard de l’objectif poursuivi” (Point 37).

Au vu de ces différents éléments, la juridiction européenne décide qu’il convient de fixer lecoefficient destiné à rendre compte de la gravité du manquement à 8.

La Cour s’attarde ensuite sur la question de la durée de l’infraction en réaffirmant que “celle-cidoit être évaluée en ayant égard au moment auquel la Cour apprécie les faits dans le cadre dela procédure introduite sur le fondement de l’article 228 CE, et non pas à celui où elle est saisiepar la Commission” 134 (Point 39). Elle relève que le manquement de la Grèce à son obligationdure depuis plus de deux ans et décide qu’un coefficient de 1,5 est approprié pour rendre comptede la durée de l’infraction.

- Concernant la somme forfaitaire :

La Cour rappelle que “S’agissant de l’imposition d’une somme forfaitaire, celle-ci doit, danschaque cas d’espèce, être décidée en fonction de l’ensemble des éléments pertinents ayant traittant aux caractéristiques du manquement constaté qu’à l’attitude propre à l’État membreconcerné par la procédure initiée sur le fondement de l’article 228 CE” 135 (Point 51).

Elle décide que “eu égard à la persistance du manquement pendant une longue période depuisl’arrêt qui l’a initialement constaté, aux intérêts publics et privés mis en cause, à l’absence dedécision de suspension d’application de la législation concernée permettant d’éviter la mise enœuvre de poursuites pénales et à l’absence d’un début d’exécution tangible de cet arrêt, lacondamnation au paiement d’une somme forfaitaire s’impose” (point 53).

La Cour dit pour droit (dispositif) : “1) En ne modifiant pas les articles 2, paragraphe 1, et 3de la loi 3037/2002, établissant une interdiction, sous peine de sanctions pénales ouadministratives prévues aux articles 4 et 5 de la m ême loi, d’installer et d’exploiter tous

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les jeux électriques, électromécaniques et électron iques, y compris tous les jeux pourordinateurs, dans tous les lieux publics ou privés, à l’exception des casinos,conformément aux articles 28 CE, 43 CE et 49 CE ain si qu’à l’article 8 de la directive98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédured’information dans le domaine des normes et régleme ntations techniques et des règlesrelatives aux services de la société de l’informati on, telle que modifiée par la directive98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998, la République helléniquen’a pas mis en œuvre toutes les mesures que comport e l’exécution de l’arrêt du 26octobre 2006, et a manqué de ce fait aux obligation s qui lui incombent en vertu de l’article228 CE.2) La République hellénique est condamnée à payer à la Commission des Communautéseuropéennes (...) une astreinte de 31 536 euros pa r jour de retard dans la mise en œuvredes mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt Commission c. Grèce, précité, àcompter du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’e xécution dudit arrêt Commission c.Grèce.3) La République hellénique est condamnée à payer à la Commission des Communautéseuropéennes (...) une somme forfaitaire de trois mi llions d’euros.4) La République hellénique est condamnée aux dépen s.”

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ENVIRONNEMENT ET CONSOMMATEURS

Moteurs Leroy Somer c/ Dalkia France, Ace Europe

4 juin 2009- C-285/08 -

« Responsabilité du fait des produits défectueux - Directive 85/374/CEE - Champ d’application -Dommage causé à une chose destinée à un usage professionnel et utilisée pour cet usage - Régimenational permettant à la victime de demander réparation d’un tel dommage, dès lors qu’elle rapporte

seulement la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité - Compatibilité »

T Faits :

Un groupe électrogène prit feu dans un hôpital, à la suite de l’échauffement de l’alternateurfabriqué par la société Moteurs Leroy Sommer. La société Dalkia chargée de la maintenance decette installation et son assureur, Ace Europe, assurèrent la réparation des dommages matérielscausés puis, étant subrogés dans les droits de l’hôpital, ils assignèrent Moteurs Leroy Somer afind’obtenir le remboursement des sommes qu’ils avaient versées. La cour d’appel de Lyon, par un arrêt du 7 décembre 2006, constata que l’entreprise MoteursLeroy Somer était bien tenue à une obligation de sécurité et la condamna au paiement desommes au titre des dommages matériels.La société Moteurs Leroy Somer forma alors un pourvoi en cassation. Elle invoquait le fait quel’obligation de sécurité pesant sur le vendeur professionnel ne couvrait pas les dommagescausés aux objets destinés à un usage professionnel et utilisés par la victime pour son usageprofessionnel.Estimant nécessaire d’interpréter la directive 85/374 pour pouvoir statuer, la Cour de cassationdécida de surseoir à statuer et de poser une question préjudicielle à la Cour de Luxembourg.

T Question préjudicielle et droit communautaire en ca use :

La question préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 9 et 13 de la directive 85/374/CEEdu Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives,réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait desproduits défectueux.

L’article 9 de la directive 85/374 prévoit : « Au sens de l’article 1er, le terme “dommage” désigne :

a) le dommage causé par la mort ou par des lésions corporelles ; b) le dommage causé à une chose ou la destruction d’une chose, autre que le produitdéfectueux lui-même, sous déduction d’une franchise de 500 [euros], à condition que cettechose :

i) soit d’un type normalement destiné à l’usage ou à la consommation privés etii) ait été utilisée par la victime principalement pour son usage ou saconsommation privés.

Le présent article ne porte pas préjudice aux dispositions nationales relatives aux dommagesimmatériels ».

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136 CJCE, Skov et Bilka, du 10 janvier 2006, C- 402/03, Rec. p. I -99, points 22, 23 et 47. Cet arrêt est résumé dans la veillebimestrielle n/ 8 (janvier-février 2006).

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L’article 13 de cette même directive dispose :« La présente directive ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d’un dommage peut seprévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d’unrégime spécial de responsabilité existant au moment de la notification de la présente directive ? ».

La Cour de Justice devait répondre à la question suivante : « Les articles 9 et 13 de la directive [85/374] s’opposent-ils à l’interprétation d’un droit national oud’une jurisprudence interne établie telle qu’elle permette à la victime de demander réparation dudommage causé à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage, dès lorsque cette victime rapporte seulement la preuve du dommage, du défaut du produit et du lien decausalité entre ce défaut et le dommage ? ».

T Décision :

Le raisonnement de la Cour de justice dans cet arrêt est relativement bref. Elle relève toutd’abord que le dommage causé à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cetusage ne relève pas du terme « dommage » tel qu’il est défini par la directive 85/374/CEE. Eneffet, l’article 9 de la directive assimile le dommage à celui, causé à une chose « destinée àl’usage ou à la consommation privée, ou utilisée par la victime principalement pour son usageou sa consommation privée ». Dès lors, les juges de Luxembourg ne peuvent que constater quela responsabilité du producteur ne saurait être engagée en vertu de cette directive pour undommage causé à une chose destinée à un usage professionnel.

Or, la Société Moteurs Leroy Somer estimait que, la directive ne soumettant pas au régime deresponsabilité qu’elle instaure, les dommages causés à une chose destinée à un usageprofessionnel et utilisée pour cet usage, les Etats membres ne pouvaient pas prévoir pour cesdommages un régime de responsabilité reposant sur les mêmes fondements que ceux de ladirective (à savoir rapporter la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité).

La Cour de justice considère que la marge d’appréciation dont disposent les Etats membres pourréglementer la responsabilité du fait des produits défectueux est entièrement déterminée parcette directive. Il s’agit en effet d’une directive d’harmonisation totale pour les points qu’elleentend réglementer. Elle précise toutefois avoir déjà jugé que le régime mis en place par cettedirective, n’exclut pas l’application d’autres régimes de responsabilité contractuelle ouextracontractuelle, dès lors que ceux-ci reposent sur des fondements différents, tels que lagarantie des vices cachés ou la faute.136

Les juges luxembourgeois notent également que la directive 85/374/CEE “n’a, (...) ainsi qu’ilressort de son dix-huitième considérant, pas vocation à harmoniser de manière exhaustive ledomaine de la responsabilité du fait des produits défectueux au-delà desdits points” (point 25).A cet égard, ils constatent que le régime français en cause ne relève pas du champ d’applicationde la directive 85/374/CEE, puisque la réparation des dommages causés à une chose destinéeà l’usage professionnel et utilisée pour cet usage ne sont pas des points réglementés par ladirective. La Cour de Justice ne partage donc pas la thèse de la société Moteurs Leroy Somer. Elle affirmeque “l’harmonisation opérée par la directive 85/374 ne couvrant pas la réparation des dommagescausés à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage, cette directiven’empêche pas un État membre de prévoir à cet égard un régime de responsabilitécorrespondant à celui instauré par ladite directive ”.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : “La directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985,relative au rapprochement des dispositions législat ives, réglementaires et administratives

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des États membres en matière de responsabilité du f ait des produits défectueux, doit êtreinterprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à l’ interprétation d’un droit national ou àl’application d’une jurisprudence interne établie s elon lesquelles la victime peut demanderréparation du dommage causé à une chose destinée à l’usage professionnel et utiliséepour cet usage, dès lors que cette victime rapporte seulement la preuve du dommage, dudéfaut du produit et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage.”

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137 Les conclusions de l’Avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 5 mars 2009, ont été résumées dans la veillebimestrielle de droit européen, n/ 24 (mars-avril 2009).

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ESPACE DE LIBERTÉ DE SÉCURITÉ ET DE JUSTICE

Roda Golf & Beach Resort 137

25 juin 2009- C-14/08 -

« Coopération judiciaire en matière civile - Renvoi préjudiciel - Compétence de la Cour - Notion de“litige” - Règlement (CE) n/ 1348/2000 - Signification et notification des actes extrajudiciaires e dehors

d’une procédure judiciaire - Acte notarié »

T Faits :

Afin de notifier à des destinataires domiciliés au Royaume-Uni et en Irlande la résolutionunilatérale du contrat de vente de biens immobiliers qu’elle avait conclu, la société Roda Golf &Beach Resort SL (ci-après «Roda Golf»), dont le siège est à San Javier (Espagne), passa devantun notaire un acte de notification et de mise en demeure nécessitant l’intervention du greffier,autorité compétente au sens du règlement n/ 1348/2000/CE. Cependant, la transmission de ceslettres de résolution n’avait aucun lien avec une procédure judiciaire en cours et le greffier de lajuridiction de renvoi refusa de transmettre l’acte au motif que sa notification n’entrait pas dansle cadre d’une procédure judiciaire et ne relevait donc pas du champ d’application du règlementn/ 1348/2000/CE. Roda Golf forma un recours contre cette décision, en faisant valoir que les actes extrajudiciaires,en application du règlement, peuvent être notifiés en dehors de toute procédure judiciaire.La juridiction de renvoi ayant des doutes sur l’interprétation du règlement n/ 1348/2000/CE relatifà la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires etextrajudiciaires en matière civile et commerciale décida de poser deux questions préjudiciellesà la Cour de justice.

T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :

La Cour est saisie des deux questions suivantes :« 1. La notification d’actes strictement extrajudiciaires relève-t-elle du champ d’application durèglement (CE) n/ 1348/2000 du Conseil lorsqu’elle est effectuée entre personnes privées utilisantles moyens matériels et personnels des juridictions de l’Union européenne et la réglementationeuropéenne sans engager aucune procédure judiciaire ?2. Le champ d’application du règlement (CE) n/ 1348/2000 couvre-t-il exclusivement la coopérationjudiciaire entre États membres dans le cadre d’une procédure judiciaire en cours [articles 61, sousc), 67, paragraphe 1 et 65 CE et sixième considérant du règlement n/ 1348/2000] ? »

En substance, la juridiction de renvoi demande donc à la Cour si la signification et la notificationd’actes extrajudiciaires en dehors d’une procédure judiciaire, lorsqu’elle est effectuée entrepersonnes privées, relèvent du champ d’application du règlement n/ 1348/2000.

- Le titre IV du traité CE habilite des institutions à mettre en œuvre des politiques liées à la librecirculation des personnes.

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Plus précisément, l’article 65 dispose que : « les mesures relevant du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant uneincidence transfrontière, qui doivent être prises conformément à l’article 67 et dans la mesurenécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur, visent entre autres à :

a) améliorer et simplifier :- le système de signification et de notification transfrontière des actes judiciaireset extrajudiciaires ; […]. »

- Le règlement (CE) n/ 1348/2000 régit la signification et la notification dans les États membresdes actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale. Les considérants n/ 2et n/ 6 du règlement prévoient notamment que :

«[l]e bon fonctionnement du marché intérieur exige d’améliorer et d’accélérer la transmission entreles États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale» envue de leur signification ou de leur notification. Cette exigence requiert que la transmission de cesactes soit «effectuée directement et par des moyens rapides entre les entités locales désignéespar les États membres ».

Toutefois il est utile de relever que le règlement (CE) n/ 1348/2000 ne définit pas les documentsextrajudiciaires et ne les dote d’aucun régime spécifique pour leur signification et leur notification.Une seule disposition leur est toutefois consacrée, à savoir l’article 16 qui dispose :

« Les actes extrajudiciaires peuvent être transmis aux fins de signification ou de notification dansun autre État membre conformément aux dispositions du présent règlement ».

Enfin, en application de l’article 17, sous b), du règlement (CE) n/ 1348/2000, la Commission aadopté le 25 septembre 2001 une décision établissant un manuel d’entités requises et unrépertoire des actes susceptibles d’être notifiés ou signifiés, dont l’annexe II contient le répertoired’actes. Ce répertoire, purement indicatif et non exhaustif, précise néanmoins s’agissant de l’Espagne :

« [q]uant aux actes extrajudiciaires, susceptibles d’être signifiés, il s’agit des documents nonjudiciaires émanant d’une autorité publique compétente pour procéder à des significations en vertude la loi espagnole ».

T Décision :

- Sur les deux exceptions d’incompétence soulevées par la Commission :

- Celle-ci soutient que la décision que le juge de renvoi est amené à rendre est une décisiondéfinitive susceptible de faire l’objet d’un appel selon le droit espagnol. Ainsi, le renvoi préjudiciel serait irrecevable car selon l’article 68 CE “seules les juridictionsnationales dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours peuvent interroger la Cour àtitre préjudiciel dans le cadre du titre IV de la troisième partie du traité CE” (point 24).En l’espèce, les questions posées portent sur l’interprétation du règlement (CE) n/ 1348/2000adopté sur la base de dispositions figurant au titre IV de la troisième partie du traité CE. L’article68 CE doit donc être applicable. Ainsi, seule une juridiction nationale dont les décisions ne sontpas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne peut poser une question préjudicielleen interprétation à la Cour de justice. Or, en droit espagnol, une décision telle que celle au principal agite la jurisprudence et déchaînela doctrine, et la question de savoir si cette décision est susceptible de recours ou non en droitespagnol reste en suspend. La Cour de justice rappelle qu’il ne lui appartient pas de tranchercette controverse mais mentionne le fait que le juge de renvoi lui a précisé dans sa demande quela décision qu’il rendra “interviendra en dernière instance” (point 29). La première exceptiond’incompétence doit dès lors être écartée.

- La Commission soulève une seconde exception d’incompétence en soutenant que la juridictionde renvoi est saisie non pas d’un litige, mais d’un “dossier non judiciaire” (point 31). Agissant en

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138 CJCE, Corsica Ferries , du 17 mai 1994, C-18/93, point 12.

139 CJCE, Borker , du 18 juin 1980, aff. 138/80, point 4 ; CJCE, Salzmann , du 14 juin 2001, C-178/99, point 14.

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qualité d’autorité administrative, le juge n’exerce pas, selon la Commission, de fonctionsjuridictionnelles ce qui le prive de son pouvoir d’interroger la Cour de justice. Pour les juges de Luxembourg, il ressort du dossier que “les questions préjudicielles ont étéposées à l’occasion d’un recours en rétractation formé à l’encontre du refus d’un greffier de fairenotifier l’acte en cause” où seule la partie à la procédure est requérante (point 32). Ils précisent que la saisine de la Cour, en vertu de l’article 234 CE, n’est pas subordonnée aucaractère contradictoire de la procédure au cours de laquelle le juge national formule unequestion préjudicielle 138 . De plus, les juridictions nationales ne peuvent saisir la Cour de justice,en vertu de l’article 234 CE, que “si un litige est pendant devant elles et si elles sont appeléesà statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractèrejuridictionnel” 139 (point 34). Ainsi, une juridiction de renvoi ne peut exercer une fonctionjuridictionnelle lorsqu’elle fait acte d’autorité administrative sans qu’elle soit en même tempsappelée à trancher un litige.Cependant, les juges luxembourgeois considèrent que “si le greffier saisi d’une demande designification ou de notification d’actes judiciaires ou extrajudiciaires en application du règlementn/ 1348/2000 peut être considéré comme faisant acte d’autorité administrative sans qu’il soit enmême temps appelé à trancher le litige”, le juge statuant sur le recours formé à l’encontre durefus du greffier n’est pas considéré comme exerçant un tel acte (point 37). L’objet d’un telrecours est en effet l’annulation du refus lésant le droit du demandeur de faire signifier son actepar les voies du règlement. Par conséquent, ils estiment que le juge de renvoi qui a posé lesquestions préjudicielles est saisi d’un litige et qu’il exerce donc bien une fonction juridictionnellelui permettant de saisir la Cour conformément à la procédure de l’article 234 CE.La seconde exception d’incompétence soulevée par la Commission doit donc également êtreécartée.

- Sur le fond :

La Cour de justice rappelle “qu’il convient d’examiner ensemble [...] si la signification et lanotification d’actes extrajudiciaires en dehors d’une procédure judiciaire, lorsqu’elle est effectuéeentre personnes privées, relèvent du champ d’application dudit règlement” (point 43).

A titre liminaire, les juges de Luxembourg précisent qu’il convient de déterminer le régime denotion d’ « acte extrajudiciaire », à savoir s’il s’agit d’une notion de droit communautaire ou si aucontraire elle relève du droit national.Les gouvernements de sept Etats membres font valoir que cette notion doit être déterminée enfonction du droit national de chaque Etat membre. Ils basent leurs observations sur l’article 17sous b) du règlement n/ 1348/2000/CE qui prévoit l’établissement d’un répertoire des actessusceptibles d’être signifiés ou notifiés et précisent que le contenu de ces actes varie selon lesEtats membres.La Cour rappelle l’objet de ce règlement qui vise à “améliorer et accélérer la transmission entreles États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale auxfins de signification ou de notification”, tout en précisant que la notion d’« acte extrajudiciaire »ne bénéficie pas d’une définition précise (point 46).L’article 17 sous b) confie à la Commission le soin de procéder, avec le concours des Etatsmembres, à l’établissement d’un répertoire mentionnant les actes susceptibles d’être signifiésou notifiés. Cependant, en l’absence de ce répertoire, la notion d’ « acte extrajudiciaire » au sensdu règlement (CE) n/1348/2000 “doit être considéré comme une notion de droit communautaire”(point 47). Pour opérer cette qualification, la Cour se réfère à l’objectif du traité d’Amsterdam de créer unespace de liberté, de sécurité et de justice qui a permis à la Communauté de prendre desmesures en matière de coopération judiciaire en matière civile. De plus, le choix d’édicter un

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règlement et non une directive démontre bien la volonté de la Communauté d’agir directementet de façon uniforme dans ce domaine.

Sur le champ d’application du règlement n/ 1348/2000/CE, certains gouvernements soutiennentque pour être considéré comme un acte extrajudiciaire, un document doit avoir un lien concretavec une procédure judiciaire en cours ou avec l’introduction d’une telle procédure (point 51).Selon les juges communautaires, ce règlement ayant pour base juridique l’article 61 sous c) CE,a pour but d’ “améliorer et de simplifier le système de signification et de notificationtransfrontalière des actes judiciaires et extrajudiciaires dans la mesure nécessaire au bonfonctionnement du marché intérieur” (point 53). Ce souci de bon fonctionnement du marchéintérieur se retrouve également dans les considérants du règlement ainsi que dans lesdispositions de l’article 65 CE. Ainsi, “compte tenu de cette finalité, la coopération judiciaire viséepar cet article et ce règlement ne saurait être circonscrite aux seules procédures judiciaires”.Cette coopération doit donc être étendue au delà de telles procédures afin d’assurer un bonfonctionnement du marché intérieur (point 56).La Cour précise que l’acte en cause a été établi par un notaire en vue de la transmission augreffier de la juridiction de renvoi aux fins de sa notification. Or, un acte notarié constitue, selonl’article 16 du règlement, un acte extrajudiciaire.Sur les préoccupations développées par certains gouvernements du fait “qu’une conception largede la notion d’acte extrajudiciaire imposerait une charge excessive eu égard aux ressource desjuridictions nationales”, les juges du plateau de Kirchberg répondent que les obligations enmatière de signification et de notification découlant du règlement n/ 1348/2000 n’incombent pasnécessairement aux juridictions nationales. En effet, en vertu du texte communautaire, des «officiers ministériels, des autorités, ou d’autres personnes » pourraient exercer ces missions.De plus, ils précisent qu’il existe d’autres voies de notification et de signification que cellespassant par l’intermédiaire des entités d’origine et des entités requises. En effet, l’article 14 durèglement “autorise les Etats membres à prévoir la faculté de procéder directement par la posteà la signification ou à la notification aux personnes résidant dans un autre État membre”. Demême l’article 15 de ce règlement ne s’oppose pas “à la signification ou à la notification directepar les soins des officiers ministériels, fonctionnaires ou autres personnes compétentes de l’Étatmembre requis”. Force est de constater que ces deux dispositions s’appliquent également auxactes extrajudiciaires.

Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “La signification et la notification,en dehors d’une procédure judiciaire, d’un acte not arié tel que celui en cause au principalrelèvent du champ d’application du règlement (CE) n //// 1348/2000 du Conseil, du 29 mai2002, relatif à la signification et à la notificati on dans les États membres des actesjudiciaires et extrajudiciaires en matière civile e t commerciale” .

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Renate Ilsinger c/ Martin Dreschers

14 mai 2009- C-180/06 -

« Compétence judiciaire en matière civile - Règlement (CE) n/ 44/2001 - Compétence en matière decontrats conclus par les consommateurs - Droit pour le consommateur destinataire d’une publicitétrompeuse de revendiquer en justice le prix apparemment gagné - Qualification - Action de nature

contractuelle visée à l’article 15, paragraphe 1, sous c), dudit règlement - Conditions »

T Faits :

Une ressortissante autrichienne reçut un courrier d’une société de vente par correspondance dedroit allemand établie à Aachen (Allemagne), lui laissant croire qu’elle avait gagné un prix de20 000 euros. Afin d’obtenir le paiement de ce gain, elle retourna un coupon réponse et dans

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140 CJCE, Gabriel , du 11 juillet 2002, C-96/00, Rec. p. I-6367, points 53, 55, 59 et 60.

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le même temps passa une commande à titre d’essai. N’ayant toujours pas reçu après quatremois, le paiement de cette somme, elle saisit la juridiction située dans le ressort de son domicile.La société défenderesse souleva une exception d’incompétence de la juridiction en question,faisant valoir notamment que les articles 15 et 16 du règlement n/ 44/2001/CE n’étaient pasapplicables, car ceux-ci présupposaient l’existence d’un contrat conclu à titre onéreux, lequelferait défaut en l’espèce. La société soutenait en outre que la participation au jeu n’était passubordonnée à la passation d’une commande ; elle estimait d’ailleurs que la requérante n’enn’avait passée aucune et que celle-ci ne pouvait donc bénéficier de la protection due auxconsommateurs. La juridiction saisie en appel, décida de surseoir à statuer et posa deuxquestions préjudicielles à la Cour de Luxembourg.

T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :

Les questions préjudicielles traitées ensemble portent sur l’interprétation de l’article 15,paragraphe 1, sous c) du règlement (CE) n/ 44/2001 concernant la compétence judiciaire, lareconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Précisément, à la Cour est posée la question de savoir si les règles de compétences durèglement Bruxelles I doivent être interprétées en ce sens que l’action par laquelle unconsommateur cherche à faire condamner une société de vente par correspondance à la remised’un prix apparemment gagné par lui, sans que l’attribution de ce prix dépende d’une commandede produits offerts à la vente par cette société, est de nature contractuelle au sens de l’article 15,paragraphe 1, sous c), du règlement, le cas échéant à la condition que le consommateur aitnéanmoins passé une telle commande.

L’article 15 du règlement dispose que :« En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant êtreconsidéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par laprésente section, sans préjudice des dispositions de l’article 4 et de l’article 5, point 5 :

a) lorsqu’il s’agit d’une vente à tempérament d’objets mobiliers corporels ;b) lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament ou d’une autre opération de crédit liés aufinancement d’une vente de tels objets ;c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exercedes activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquelle consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet Étatmembre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans lecadre de ces activités. ».

T Décision :

La Cour affirme que ses interprétations jurisprudentielles de la Convention de Bruxelles,remplacée par le règlement Bruxelles I, valent également pour ce dernier. Il en résulte quel’article 15 du règlement (tout comme l’ancien article 13 de la Convention) vise à protéger lapartie faible. A cet égard, elle rappelle avoir déjà jugé que cet article s’appliquait à l’action parlaquelle le consommateur, contacté à son domicile par courrier d’un vendeur professionnel afinde susciter une commande, revendique en justice la remise d’un prix gagné en apparence.140

Dans cet arrêt Gabriel , elle a notamment constaté l’existence d’un contrat conclu par leconsommateur, du fait de l’accord de volonté des deux parties, accord symbolisé par l’offre faitepar l’entreprise de vente par correspondance et son acceptation par le consommateur lors de sacommande. En outre, la Cour dans ce même arrêt, a estimé que la promesse de gain était «indissociablement liée » à la commande de marchandises et partant à la conclusion d’un contratà titre onéreux. Par conséquent, l’action visant à faire condamner le vendeur à la remise d’un prixgagné en apparence, devait pouvoir être intentée devant la même juridiction que celle

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141 CJCE, Engler , du 20 janvier 2005, C-27/02, Rec. p. I-481.

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compétente pour connaître du contrat conclu par le consommateur, et ce, afin d’éviter lamultiplication des juridictions compétentes.

Par ailleurs, la Cour fait référence à son arrêt Engler de 2005,141 dans lequel au contraire, ellea exclu l’application de l’article 13 de la Convention de Bruxelles. Dans cette hypothèse, leconsommateur avait revendiqué le gain promis, mais son attribution n’était pas subordonnée àla condition que celui-ci commande des marchandises, et en l’espèce aucune commande n’avaitété effectuée. Les juges communautaires expliquent cette solution par le fait que l’envoi d’uncourrier contenant la proposition n’avait pas été suivi par la conclusion d’un contrat entre leconsommateur et la société et ce, alors même que l’article 13 de la Convention exigeait pour sonapplication la conclusion d’un contrat par le consommateur.

Néanmoins, la Cour relève que contrairement à l’article 13 de la Convention de Bruxelles, l’article15 du règlement est rédigé en des termes généraux plus larges. Ainsi ce dernier doit être lucomme visant “l’ensemble des contrats, quel que soit leur objet, dès lors qu’ils ont été concluspar un consommateur avec un professionnel et entrent dans le cadre des activités commercialesou professionnelles de ce dernier” (point 50). Par conséquent, l’article 15 du règlement n’est paslimité aux seuls cas de figure dans lesquels les parties ont contracté des engagementssynallagmatiques. Mais cet article exige toutefois que l’action juridictionnelle en cause se rattachenécessairement à l’existence d’un contrat entre le consommateur et le professionnel.

Les juges de Luxembourg estiment alors que l’existence d’un tel contrat ne saurait être réaliséeque, dans l’hypothèse où la société de vente par correspondance aurait exprimé clairement savolonté d’être liée par un engagement, et en cas d’acceptation de celui-ci par l’autre partie, ense déclarant inconditionnellement disposée à payer le prix en cause aux consommateurs qui enferaient la demande. Or, ils considèrent que le procédé commercial en cause dans le litige nepeut être regardé comme revêtant une nature contractuelle. Il pourrait tout au plus, selon eux,être qualifié de précontractuel ou de quasi contractuel et relèverait donc de l’article 5, point 1, durèglement.

La Cour affirme donc qu’il “convient de considérer que, en l’état actuel du li bellé de l’article15 du règlement n //// 44/2001, le paragraphe 1, sous c, de cet article n e saurait trouver às’appliquer à une action juridictionnelle telle que celle en cause au principal, dès lors quele professionnel ne s’est pas contractuellement eng agé à payer le prix promis auconsommateur qui en revendique le versement. Dans c e cas de figure, cette mêmedisposition n’est applicable à une telle action jur idictionnelle qu’à la condition que lapromesse fallacieuse de gain ait été suivie de la c onclusion d’un contrat par leconsommateur avec la société de vente par correspon dance, se matérialisant par unecommande passée à cette dernière” (point 59).

En somme, dans l’hypothèse en cause, les règles de compétence énoncées par l’article 15 durèglement n/ 44/2001/CE, paragraphe 1, sous c), ne trouveront à s’appliquer que dans deuxhypothèses :

- Si le vendeur professionnel s’est juridiquement engagé à payer ce prix auconsommateur ;

- Ou si cette condition n’est pas satisfaite, si le consommateur a effectivement passé unecommande à ce vendeur professionnel.

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142 Les conclusions de l’Avocat général sont résumées dans la veille-bimestrielle n/ 23, janvier-février 2009, p. 139.

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Falco Privatstiftung et Thomas Rabitschc/ Gisela Weller-Lindhorst 142

23 avril 2009- C-533/07 -

«Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale -Règlement (CE) n/ 44/2001 - Compétences spéciales - Article 5, point 1, sous a) et b), second tiret -

Notion de “fourniture de services” - Concession de droits de propriété intellectuelle »

T Faits :

Le litige porte sur le versement d’une redevance sur la base du montant des ventes réalisées,de l’enregistrement vidéo d’un concert. En première instance, la juridiction saisie s’était déclaréecompétente en vertu de l’article 5, point 3 du règlement n/ 44/2001/CE, relatif à la compétenceen matière délictuelle ou quasi-délictuelle. En appel, la juridiction autrichienne estima pour sapart, qu’un tel article n’était pas applicable aux droits de nature contractuelle, pas plus que nel’était l’article 5, point 1, sous b), second tiret du règlement régissant la compétence en matièrede fourniture de services. La juridiction suprême autrichienne, saisie d’un pourvoi en « revision «, s’interrogea sur la notionde « fourniture de services », et observa que celle-ci n’était pas définie par le règlementn/ 44/2001. L’enjeu dans cette affaire était de savoir si un contrat par lequel le titulaire d’un droitde propriété intellectuelle habilitait son cocontractant à exploiter ce droit, pouvait être qualifié de« contrat de fourniture de services ». La juridiction de renvoi décida alors de surseoir à statueret de poser à la Cour de justice trois questions préjudicielles.

T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :

Par la première question préjudicielle, il était demandé à la Cour de répondre à la question desavoir si le contrat par lequel le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle habilitait soncocontractant à exploiter ce droit était ou non un contrat portant sur la fourniture de services, ausens de l’article 5, point 1, sous b), du règlement n/ 44/2001/CE.En cas de réponse affirmative à la première question, la juridiction de renvoi demandait quel étaitle lieu de la fourniture d’un tel service. Enfin, en cas de réponse négative à la première question, la juridiction de renvoi souhaitaitsavoir s’il fallait continuer à se référer aux principes issus de la jurisprudence de la Cour, surl’article 5, point 1 de la Convention de Bruxelles en ce qui concerne la détermination de lacompétence quant au paiement de la redevance de licence.

L’article 5 du règlement n/44/2001 dispose : « Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre Étatmembre :1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à lademande a été ou doit être exécutée ; b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieud’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est :

- pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, lesmarchandises ont été ou auraient dû être livrées,- pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, lesservices ont été ou auraient dû être fournis ;

c) le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas ;[…]

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3) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’estproduit ou risque de se produire ; […]»

T Décision :

- Sur la première question préjudicielle :

La Cour relève tout d’abord que le libellé de l’article 5, point 1, sous b), second tiret du règlementn/ 44/2001/CE, ne permet pas en lui-même de répondre à la question posée. En effet, cettedisposition ne donne pas de définition de la notion de « contrat de fourniture de services ». LaCour de Luxembourg estime alors nécessaire de se tourner vers la “genèse, les objectifs et lesystème du règlement” pour interpréter cette disposition. A cet égard, visant les deuxième etonzième considérants de celui-ci, elle rappelle qu’il tend à une unification des règles de conflitde juridiction en matière civile et commerciale, un tel système présentant un degré de prévisibilitétrès élevé. Elle estime que ce règlement poursuit ainsi un objectif de sécurité juridique,permettant de renforcer la protection des personnes établies au sein de la Communautéeuropéenne.

Les juges communautaires poursuivent en précisant que le règlement instaure, à côté de lacompétence de principe du for du domicile du défendeur (article 2 du règlement), une règle decompétence spéciale en matière contractuelle à l’article 5, motivée par la nécessité d’un lienétroit entre le contrat et le tribunal appelé à en connaître.Ils rappellent qu’en vertu de l’article 5, point 1, sous b), second tiret, le lieu d’exécution del’obligation qui sert de base à la demande est le lieu d’un Etat membre, où en vertu du contrat,les services ont été ou auraient du être fournis. De plus, la notion de « services » impliqueégalement que la partie qui les fournit effectue une activité déterminée en contrepartie d’unerémunération. Or, la Cour de justice constate que le contrat par lequel le titulaire d’un droit depropriété intellectuelle concède à son cocontractant le droit de l’exploiter en contrepartie duversement d’une rémunération, n’implique pas une telle activité. En effet, le titulaire d’un droit depropriété intellectuelle n’accomplit aucune prestation, il s’engage uniquement à laisser soncocontractant exploiter librement le droit.

La Cour confirme cette interprétation en estimant qu’elle ne saurait être remise en question parl’interprétation large qui est faite de la notion de « services » de l’article 50 du Traité CE. En effet,dans le cadre de l’article 50 CE une interprétation large est justifiée par le souci d’inclure le plusgrand nombre d’activités économiques ne rentrant pas dans le champ de la libre circulation desmarchandises, des capitaux ou des personnes, afin que ces activités n’échappent pas àl’application du Traité. Or, dans le cadre du règlement Bruxelles I, une telle interprétation ne sejustifie pas. La Cour énonce en effet que “le système et l’économie des règles de compétencesénoncées [par ce règlement] requièrent, au contraire d’interpréter restrictivement les règles decompétences spéciales, dont celle qui figure, en matière contractuelle, à l’article 5, point 1, durèglement” (point 37). Elle écarte également la possibilité d’interpréter la notion de « fourniture de services » à lalumière de la définition large qui est donnée des « services » dans les directives communautairesen matière de TVA. Elargir le champ d’application de l’article 5, point 1, sous b), second tiret, durèglement 44/2001/CE, reviendrait en réalité à contourner l’intention du législateurcommunautaire.

Par conséquent, la Cour répond à la première question préjudicielle, en affirmant “que l’article5, point 1, sous b), second tiret du règlement n //// 44/2001 doit être interprété en ce sensqu’un contrat, par lequel le titulaire d’un droit d e propriété intellectuelle concède à soncocontractant le droit de l’exploiter en contrepart ie du versement d’une rémunération,n’est pas un contrat de fourniture de services, au sens de cette disposition” (point 44).

Ayant répondu par la négative à la première question préjudicielle, il ne lui est désormais plusnécessaire d’examiner la deuxième question préjudicielle.

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143 Les conclusions de l’Avocat général Mme Juliane kokott, présentées le 29 janvier 2009, sont résumées dans la veillebimestrielle Janvier-Février 2009, pp.137-139.

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- Sur la troisième question préjudicielle :

Il s’agit ici de savoir si, pour déterminer, en application de l’article 5, point 1, sous a) durèglement, la juridiction compétente pour connaître d’une demande de paiement de larémunération due en vertu d’un contrat par lequel le titulaire d’un droit de propriété intellectuelleconcède à son cocontractant le droit de l’exploiter, il était nécessaire de continuer à se référeraux principes issus de la jurisprudence de la Cour portant sur l’article 5, point 1, de la Conventionde Bruxelles.

La Cour souligne en premier lieu que les termes du règlement n/ 44/2001/CE et de la Conventionde Bruxelles, s’agissant de l’article 5, point 1, sous a) sont rigoureusement identiques. Ellerappelle en effet que le législateur a entendu assurer une véritable continuité entre ces deuxtextes. Or, en l’absence de motif imposant une interprétation différente, elle note que “l’exigencede cohérence implique que [cet article] se voie reconnaître une portée identique à celle de ladisposition correspondant de la convention de Bruxelles” (point 51) et ce afin d’assurer uneinterprétation uniforme de ces deux textes. Cette continuité dans l’interprétation est ainsiconforme aux exigences de sécurité juridique. La Cour affirme donc que l’article 5, point 1, sous a), du règlement Bruxelles I doit se voirreconnaître une portée identique à celle de l’article 5, point 1, de la Convention de Bruxelles.

Par ces motifs la Cour dit pour droit (point 2 du dispositif) : “Afin de déterminer, en applicationde l’article 5, point 1, sous a), du règlement n //// 44/2001, la juridiction compétente pourconnaître d’une demande de paiement de la rémunérat ion due en vertu d’un contrat parlequel le titulaire d’un droit de propriété intelle ctuelle concède à son cocontractant le droitde l’exploiter, il convient de continuer à se référ er aux principes issus de la jurisprudencede la Cour portant sur l’article 5, point 1, de la convention du 27 septembre 1968concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile etcommerciale, telle que modifiée par la convention d u 26 mai 1989 relative à l’adhésion duRoyaume d’Espagne et de la République portugaise.”

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A 143

2 avril 2009- C-523/07 -

« Coopération judiciaire en matière civile - Compétence, reconnaissance et exécution des décisions enmatière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale - Règlement (CE) n/ 2201/2003 - Champ

d’application matériel - Notion de “matières civiles” - Décision relative à la prise en charge et auplacement d’enfants en dehors du foyer familial - Résidence habituelle de l’enfant - Mesures

conservatoires - Compétence »

T Faits :

La requérante, A, est la mère de C, D et E qui habitaient en Finlande avec le beau-père desenfants. En raison d’actes de violence commis par ce dernier, les enfants firent l’objet d’unemesure de prise en charge qui fut ensuite suspendue. En 2001, la famille déménagea en Suèdemais revint en Finlande quatre années plus tard dans l’intention d’y séjourner durant lesvacances. Mais après plusieurs mois passés dans des logements précaires (campings, accueilauprès de membres de la famille) sans que les enfants soient scolarisés, la famille déposa unedemande de logement auprès des services sociaux de la commune finlandaise d’Y.

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144 JO L 338, p. 1

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Par décision du 16 novembre 2005, la Commission de garantie des droits sociaux fondamentauxdécida d’une prise en charge urgente des enfants qui furent placés dans une famille d’accueil envertu de l’article 18 de la loi finlandaise sur la protection des enfants au motif qu’ils auraient étéabandonnés.Les parents demandèrent l’annulation des décisions précédemment mentionnées. Cettedemande fut rejetée et un placement des enfants en foyer d’accueil fut ordonné. Les parentssaisirent le tribunal administratif d’un recours qui fut également rejeté.La Cour administrative suprême estima que l’interprétation du règlement (CE) n/ 2201/2003 duConseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution desdécisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant lerèglement (CE) n/ 1347/2000 144 (ci-après le « règlement ») était nécessaire pour trancher lelitige.

T Droit communautaire en cause et questions préjudici elles :

La juridiction de renvoi pose à la Cour de justice les questions préjudicielles suivantes :« 1) a) Le règlement […] est-il applicable à l’exécution, dans tous ses éléments, d’une décision

comme celle prise en l’espèce, qui ordonne la prise en charge immédiate et le placementd’un enfant en dehors de son foyer d’origine, lorsque cette décision prend la forme d’unedécision unique adoptée dans le cadre des règles de droit public relatives à la protectionde l’enfance ?

b) À défaut, le règlement n’est-il applicable, eu égard à son article 1er, paragraphe 2, sous d),qu’à la partie de la décision relative au placement en dehors du foyer d’origine ?

2) De quelle manière convient-il d’interpréter, en droit communautaire, la notion de “résidencehabituelle” visée à l’article 8, paragraphe 1, du règlement ainsi qu’à l’article 13, paragraphe 1, quiy est lié, en particulier au regard d’une situation dans laquelle l’enfant a une résidence permanentedans un État membre mais séjourne dans un autre État membre où il mène une vie sans habitationfixe ?3) a) Si l’on considère que la résidence habituelle de l’enfant ne se trouve pas dans cet autre État

membre, à quelles conditions une mesure conservatoire urgente (une mesure de prise encharge) peut-elle néanmoins être adoptée, sur le fondement de l’article 20, paragraphe 1,du règlement, dans ledit État membre ?

b) La mesure conservatoire visée à l’article 20, paragraphe 1, du règlement est-elle uniquementune mesure pouvant être mise en œuvre conformément au droit national et les dispositionsdu droit national relatives à ladite mesure sont-elles contraignantes lors de l’application del’article concerné ?

c) [À la suite de] la mise en œuvre de la mesure conservatoire, l’affaire doit-elle être déférée d’office à la juridiction de l’État membre compétent ?

4) Si la juridiction de l’État membre n’a aucune compétence, doit-elle conclure à l’irrecevabilité del’affaire ou la déférer à la juridiction d’un autre État membre? »

T Décision :

- Sur la première question relative à l’applicabilité de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement àune décision unique qui ordonne la prise en charge immédiate ainsi que le placement d’un enfanten dehors de son foyer d’origine :

La Cour de Luxembourg considère que par sa question, la juridiction de renvoi chercheégalement à savoir si une telle décision ordonnant la prise en charge et le placement de l’enfantrelève de la notion de « matières civiles » au sens de l’article 1er, paragraphe 1 de ce règlement,lorsqu’elle a été adoptée dans le cadre des règles de droit public relatives à la protection del’enfance.

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145 CJCE, C. du 27 novembre 2007, C-435/06, rec. p. I-10141. Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 17 (Novembre-décembre 2007).

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Elle constate que cette question a été précédemment posée par la même juridiction de renvoi,qu’elle se fonde sur la même motivation et est rédigée exactement dans les mêmes termes quecelle ayant donné lieu à l’arrêt du 27 novembre 2007.145 Par conséquent, elle affirme qu’uneréponse identique doit être donnée. Elle dit pour droit que “l’article 1 er, paragraphe 1, du règlement doit être interprété e n cesens que relève de la notion de « matières civiles », au sens de cette disposition, unedécision qui ordonne la prise en charge immédiate e t le placement d’un enfant en dehorsde son foyer d’origine, lorsque cette décision a ét é adoptée dans le cadre des règles dedroit public relatives à la protection de l’enfance ” (point 29).

- Sur la seconde question relative à l’interprétation de la notion de « résidence habituelle » :

La juridiction de renvoi s’interroge sur l’interprétation qu’il convient de donner à la notion de« résidence habituelle » au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement. Précisément, il s’agitde savoir ce qu’il en est dans une situation dans laquelle l’enfant dispose d’une résidencepermanente dans un État membre mais séjourne dans un autre État membre où il mène une viede personne sans résidence fixe.

Tout d’abord, les juges de Luxembourg indiquent que l’article 8, paragraphe 1, du règlement nedéfinit pas le contenu de la notion de « résidence habituelle ».Ils notent ensuite qu’aux “termes de l’article 13, paragraphe 1 du règlement, lorsque la résidencehabituelle de l’enfant ne peut être établie, les juridictions de l’Etat membre dans lequel l’enfantest présent sont compétentes” (point 32) et en déduisent que “la seule présence physique del’enfant dans un Etat membre, en tant que règle de compétence subsidiaire par rapport à celleénoncée à l’article 8 du règlement, ne peut pas suffire à établir la résidence habituelle de l’enfant”(Point 33).

Puis, les juges européens indiquent que la détermination de la « résidence habituelle » doitnotamment être effectuée en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant et, en particulier du critèrede proximité ainsi que des circonstances particulières à l’espèce.

Pour la Cour, la notion “doit être interprétée en ce sens que cette résiden ce correspond aulieu qui traduit une certaine intégration de l’enfa nt dans un environnement social etfamilial. À cette fin, doivent notamment être pris en considération la durée, la régularité,les conditions et les raisons du séjour sur le terr itoire d’un État membre et dudéménagement de la famille dans cet État, la nation alité de l’enfant, le lieu et lesconditions de scolarisation, les connaissances ling uistiques ainsi que les rapportsfamiliaux et sociaux entretenus par l’enfant dans l edit État. Il appartient à la juridictionnationale d’établir la résidence habituelle de l’en fant en tenant compte de l’ensemble descirconstances de fait particulières à chaque cas d’ espèce” . (Point 44).

- Sur la troisième question relative à l’adoption d’une mesure de prise en charge :

Par cette question, la juridiction de renvoi demande à quelles conditions est soumise l’adoptiond’une mesure conservatoire, telle que la prise en charge d’enfants. Elle s’interroge égalementsur le point de savoir si une telle mesure peut être appliquée conformément au droit national etsi les règles de ce droit relatives à cette mesure sont contraignantes. Enfin, elle demande si,après la mise en œuvre de ladite mesure conservatoire, l’affaire doit être déférée à la juridictioncompétente d’un autre État membre.La Cour relève tout d’abord que les dispositions de l’article 20, paragraphe 1 du règlement,n’empêchent pas, en cas d’urgence, que les juridictions d’un Etat membre prennent des mesures

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provisoires ou conservatoires relatives aux personnes, et ce, même si, en vertu du règlement,une juridiction d’un autre Etat membre est compétente pour connaître du fond (Point 46).Ensuite, elle précise qu’il résulte de cet article que l’adoption de telles mesures en matière deresponsabilité parentale par les juridictions des Etats membres qui ne sont pas compétentes pourconnaître du fond est soumise à trois conditions cumulatives, à savoir :

“- les mesures concernées doivent être urgentes ;- elles doivent être prises à l’égard des personnes ou des biens présents dans l’Étatmembre où siège la juridiction saisie de l’affaire, et- elles doivent être de nature provisoire.” (Point 47).

Puis, les juges européens indiquent que “ces mesures sont applicables aux enfants qui, ayantleur résidence habituelle dans un Etat membre, séjournent à titre temporaire ou occasionnel dansun autre Etat membre se trouvent dans une situation susceptible de nuire gravement à leur bien-être, y compris à leur santé ou à leur développement, justifiant ainsi l’adoption immédiate demesures de protection. La nature provisoire de telles mesures découle du fait que, en vertu del’article 20, paragraphe 2 du règlement, celles-ci cessent d’avoir effet lorsque la juridiction del’Etat membre est compétente pour connaître du fond a pris les mesures qu’elle estimeappropriées” (Point 48).

Ils notent ensuite que l’article 20, paragraphe 1 du règlement dispose que les mesuresprovisoires ou conservatoires que les juridictions d’un Etat membre peuvent prendre relèvent dela législation interne de l’Etat membre. Dans ce contexte, ils considèrent qu’il appartient aulégislateur national d’énoncer les mesures que les autorités nationales doivent adopter en vuede la préservation de l’intérêt supérieur de l’enfant et de fixer les modalités procédurales de leurexécution.La Cour poursuit en affirmant qu’il faut vérifier si, à la suite de la mise en œuvre d’une mesureconservatoire, l’affaire doit être déférée d’office à la juridiction compétente d’un autre Etatmembre. A cet égard, elle note qu’en vertu de l’article 15, paragraphe 1, sous b) du règlement,les juridictions d’un Etat membre compétentes peuvent, si elles estiment qu’une juridiction d’unautre Etat membre avec lequel l’enfant l’enfant a un lien particulier est mieux placée pourconnaître l’affaire, lui demander d’exercer sa compétence (Point 54).Elle relève également que le règlement n’impose pas aux juridictions nationales ayant adopté desmesures conservatoires ou provisoires de déférer l’affaire à une juridiction d’un autre Etatmembre après l’exécution de ces mesures (Point 56).

Partant, la CJCE considère “qu’une mesure conservatoire, telle que la prise en charged’enfants, peut être décidée par une juridiction na tionale au titre de l’article 20 durèglement dès que les conditions suivantes sont rem plies :

- cette mesure doit être urgente ;- elle doit être prise à l’égard des personnes pré sentes dans l’État membre

concerné, et- elle doit être de nature provisoire.

La mise en œuvre de ladite mesure ainsi que le cara ctère contraignant de cette dernièresont fixés conformément au droit national. Après la mise en œuvre de la mesureconservatoire, la juridiction nationale n’est pas t enue de déférer l’affaire à la juridictioncompétente d’un autre État membre. Toutefois, pour autant que la protection de l’intérêtsupérieur de l’enfant l’exige, la juridiction natio nale qui a mis en œuvre des mesuresprovisoires ou conservatoires doit en informer, dir ectement ou par l’intermédiaire del’autorité centrale désignée au titre de l’article 53 du règlement, la juridiction compétented’un autre État membre .” (Point 65).

- Sur la quatrième question relative à l’incompétence de la juridiction de l’Etat membre :

La question posée était de savoir si, dans le cas où la juridiction d’un État membre n’a aucunecompétence, celle-ci doit se déclarer incompétente ou déférer l’affaire à la juridiction d’un autreÉtat membre ?

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La Cour de Luxembourg indique que, conformément à l’article 17 du règlement, “la juridiction d’unÉtat membre saisie d’une affaire pour laquelle sa compétence n’est pas fondée aux termes duprésent règlement et pour laquelle une juridiction d’un autre État membre est compétente envertu du présent règlement se déclare d’office incompétente” (Point 67). Puis elle rappelle quel’article 15 du règlement est le seul à prévoir une demande à la juridiction d’un autre Etat membred’exercer sa compétence.

La Cour dit pour droit : “dans le cas où la juridiction d’un État membre n’a aucunecompétence, elle doit se déclarer d’office incompét ente, sans être tenue de déférer l’affaireà une autre juridiction. Toutefois, pour autant que la protection de l’intérêt supérieur del’enfant l’exige, la juridiction nationale qui s’es t déclarée d’office incompétente doit eninformer, directement ou par l’intermédiaire de l’a utorité centrale désignée au titre del’article 53 du règlement, la juridiction compétent e d’un autre État membre.” (Point 71).

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146 Les conclusions de l’Avocat général Jan Mazak présentées le 18 décembre 2008 ont été résumées dans la veille bimestriellede droit européen novembre-décembre 2008, p. 104.

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FISCALITÉ

Aberdeen Property Fininvest Alpha Oy 146

18 juin 2009- C-303/07-

« Liberté d’établissement - Directive 90/435/CEE - Impôt sur les sociétés - Distribution de dividendes -Retenue à la source opérée sur les dividendes versés à des sociétés non-résidentes autres que lessociétés au sens de ladite directive - Exonération des dividendes versés à des sociétés résidentes »

T Faits :

Une procédure a été introduite par la société finlandaise Alpha, au sujet du prélèvement d’uneretenue à la source sur les dividendes à distribuer à sa société mère, Nordic Fund SICAV.

Alpha a saisi la Keskusverolautakunta (Commission centrale des impôts) pour savoir si étaittenue de prélever l’impôt à la source sur les dividendes versés à sa société mère (Nordic FundSICAV), eu égard aux articles 43 CE et 56 CE, et compte tenu du fait qu’un dividende versé àune société anonyme finlandaise analogue à une société de type SICAV établie en Finlande neserait pas un revenu imposable en vertu de la législation finlandaise et ne serait donc pas grevéde l’impôt à la source.

Pour la Commission centrale des impôts, Alpha est effectivement tenue de prélever l’impôt surles dividendes versés à la société mère Nordic Fund SICAV. En effet, selon la Commission, lessociétés de type SICAV ne figurant pas dans la liste de l’annexe de la directive 90/435/CEE, ellesne paient pas d’impôt sur le revenu à l’Etat membre dans lequel elles sont établies. Elles ne sontpas considérées comme des sociétés au sens de la directive, et de ce fait, le dividende qui leurest versé ne doit pas être exonéré à sa source.

La société Alpha a contesté la décision de la Commission centrale des impôts devant le Korkeinhallinto-oikeus qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice une questionpréjudicielle aux fins d’interprétation du droit communautaire.

T Question préjudicielle et droit communautaire en ca use :

- La directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concerne le régime fiscal communapplicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO L 225, p. 6), telle quemodifiée par la directive 2003/123/CE du Conseil, du 22 décembre 2003.

- L’article 3, paragraphe 1, sous a), premier alinéa, de la directive 90/435/CEE donne unedéfinition de la société mère.

- En vertu de l’article 5 de ladite directive, les bénéfices distribués par une filiale à sa sociétémère sont exonérés de retenue à la source.

La question porte sur l’éventuelle opposition entre les articles 43 CE, 48 CE, 56 CE et 58 CE etla législation nationale d’un Etat membre qui exonère de la retenue à la source les dividendesdistribués par une filiale résidant dans cet Etat à une société anonyme établie dans le même Etat,

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147 CJCE, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigat ion , du 12 décembre 2006, C-374/04 et CJCE, Amurta , du 8novembre 2007, C-379/05.

148 CJCE, Cadbury Scweppes , du 12 septembre 2006, C-196/04.

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mais qui au contraire soumet à cette retenue les dividendes similaires versés à une société mèrede type SICAV établie dans un autre Etat membre, qui revêt une forme juridique inconnue dansle premier Etat membre, qui ne figure pas sur la liste des sociétés visées par la directive90/435/CEE concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etatsmembres différents et qui est exonérée de l’impôt sur le revenu en application de la législationde l’autre Etat membre.

T Décision :

A titre liminaire, la Cour rappelle que si la fiscalité directe relève de la compétence des Etatsmembres, ceux-ci doivent l’exercer dans le respect du droit communautaire. Cependant, pour les distributions de dividendes entrant dans le champ d’application de ladirective 90/435/CEE, son article 5 impose aux Etats membres d’exonérer de la retenue à lasource les dividendes distribués par une filiale à sa société mère.Pour la juridiction de renvoi, la situation en cause ne relève pas du champ d’application de ladirective 90/435/CEE dans la mesure où une société de type SICAV ne remplit pas les conditionsénoncées à l’article 2 paragraphe 1, sous a) et c) de cette directive (point 27).

En cas de participations ne relevant pas de la directive 90/435/CEE, la Cour a jugé qu’ilappartient aux Etats membres de déterminer si la double imposition des bénéfices distribués doitêtre évitée ou non. Cependant, les mesures adoptées ne peuvent être contraires aux libertés decirculation garanties par le traité CE.147

La juridiction de renvoi ayant posé sa question tant sur l’article relatif à la liberté d’établissement(art. 43 CE), qu’à l’article 56 CE, relatif à la libre circulation des capitaux, la Cour de Luxembourgdoit, dans un premier temps, déterminer quelle liberté est en cause, puis rechercher l’existenced’une éventuelle restriction à la liberté et enfin, vérifier si des justifications peuvent être admises.Pour la Cour, le litige porte exclusivement sur l’impact de la législation nationale sur la situationd’une société résidente distribuant des dividendes à des actionnaires détenant dans celle-ci uneparticipation leur conférant une influence certaine sur les décisions de ladite société et leurpermettant d’en déterminer les activités (point 33). Or, selon une jurisprudence constante, dansce cas ce sont les dispositions du traité CE relatives à la liberté d’établissement quis’appliquent 148 (point 34) . Il convient donc de répondre à la question posée au regard desarticles 43 CE et 48 CE

Les juges communautaires rappellent que la liberté d’établissement vise à garantir pour lessociétés le bénéfice du traitement national dans l’Etat membre d’accueil, en interdisant toutediscrimination fondée sur le sièges des sociétés (point 38). En l’espèce, il existe “une différencede traitement fiscal des dividendes entre sociétés mères en fonction du lieu de leur siège, ce quiest susceptible de constituer une restriction à la liberté d’établissement, en principe, interdite parles articles 43 CE et 48 CE en ce qu’elle rend moins attrayant l’exercice de la libertéd’établissement par des sociétés établies dans d’autres Etats membres, lesquels pourraient enconséquence renoncer à l’acquisition, à la création ou au maintien d’une filiale dans l’Etatmembre qui met en oeuvre une telle différence de traitement” (point 41).

Cependant, si la Cour a déjà jugé qu’un Etat membre peut prendre des mesures destinées àprévenir ou à atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition, une différence de situationentre actionnaires résidents et actionnaires non résidents peut alors exister. Toutefois elleprécise qu’ “à partir du moment où un Etat membre, de manière unilatérale ou par voieconventionnelle, assujettit à l’impôt sur le revenu non seulement les actionnaires résidents, mais

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149 CJCE, Rewe Zentralfinanz , du 29 mars 2007, C-347/04, point 42.

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également les actionnaires non résidents, pour les dividendes qu’ils perçoivent d’une sociétérésidente, la situation desdits actionnaires non résidents se rapproche de celle des actionnairesrésidents” (point 43). Ainsi, lorsqu’un Etat membre prend des mesures destinées à préserver lessociétés mères résidentes d’une imposition en chaîne sur les bénéfices distribués par une filialerésidente, cette mesure doit également bénéficier aux sociétés mères non résidentes se trouvantdans une situation comparable.

Par ailleurs, selon la Cour, on ne saurait justifier un traitement différencié par le fait qu’en droitfinlandais, il n’existe aucun type de sociétés ayant une forme juridique identique à celle d’uneSICAV de droit luxembourgeois. En effet, en l’absence d’harmonisation communautaire enmatière de droit des sociétés, un tel régime aurait pour effet de priver la liberté d’établissementd’effet utile.

De plus, l’argument avancé par le gouvernement finlandais relatif à l’absence d’imposition desrevenus d’une SICAV au Luxembourg doit être écarté puisque cette non imposition “n’instaurepas une différence entre celle-ci et une société anonyme résidente justifiant un traitementdifférencié” relatif à l’imposition des dividendes perçus dans ces deux catégories de sociétés(point 51). En effet, en Finlande, le versement de dividendes par une société résidente à uneautre société résidente n’est pas imposé. Dès lors, “l’absence d’imposition de cette catégorie derevenus au Luxembourg n’est pas de nature à justifier l’imposition de ceux-ci par l’Etat finlandais,dès lors que ce dernier a choisi de ne pas exercer sa compétence d’imposition sur de telsrevenus, lorsqu’ils sont perçus par les sociétés établies en Finlande” (point 52).Par conséquent, l’existence d’un traitement différencié consacré par le droit finlandais entre lesSICAV non résidentes et les sociétés anonymes résidentes “au regard de l’exonération de laretenue à la source sur les dividendes qui leur sont distribués par les sociétés résidentesconstitue une restriction à la liberté d’établissement interdite, en principe, par les articles 43 CEet 48 CE”. (point 56).

Cependant, si la restriction à la liberté d’établissement est en principe prohibée, une justificationbasée sur des raisons impérieuses d’intérêt général peut la justifier. Pour justifier une telleatteinte à une liberté garantie par le traité CE, ces raisons impérieuses d’intérêt général doiventnécessairement respecter les principes de nécessité et de proportionnalité. Ainsi, la restrictiondoit-elle être “propre à garantir la réalisation de l’objectif en cause" et ne doit pas aller "au delàde ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif” (point 57).

Afin de justifier son régime fiscal, le gouvernement finlandais avance des arguments relatifs à laprévention de l’évasion fiscale, la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition ainsi qu’à lapréservation de la cohérence du régime fiscal national. Cependant, les juges communautairesvont réfuter ces arguments point par point.

La Cour admet qu’une “mesure nationale restreignant la liberté d’établissement peut être justifiéelorsqu’elle vise spécifiquement les montages purement artificiels dont le but est d’échapper àl’emprise de la législation d’un Etat membre” (point 63). Or elle considère que tel n’est pas le butspécifique du régime fiscal en cause. Dès lors, elle écarte la justification tirée de la préventionde l’évasion fiscale comme justification de la restriction à la liberté d’établissement.

Sur l’argument relatif à la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition, la Cour rappelle “qu’unetelle justification peut être admise dès lors, notamment, que le régime en cause vise à prévenirdes comportements de nature à compromettre le droit d’un Etat membre d’exercer sacompétence fiscale en relation avec les activités réalisées sur son territoire”.149 (point 66).Cependant, dès lors qu’un Etat membre reconnaît aux sociétés établies sur son territoire unrégime fiscal avantageux, “il ne saurait invoquer la nécessité d’assurer une répartition équilibrée

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150 CJCE, Bachmann , du 28 janvier 1992, C-204/90, point 28 et CJCE, Deutsche Shell , du 28 février 2008, C-293/06, point 37.

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du pouvoir d’imposition entre les Etats membres afin de justifier l’imposition des sociétésbénéficiaires établies dans un autre Etat membre” (point 67).

Enfin, sur l’argument relatif à la préservation de la cohérence du régime fiscal national, la Courrappelle qu’une telle politique “peut justifier une restriction à l’exercice des libertés fondamentalesgaranties par le traité” 150 (point 71). Cependant, pour admettre une telle justification elle exige“un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par unprélèvement fiscal déterminé” qui doit être apprécié au regard de l’objectif de la réglementationen cause (point 72). Or en l’espèce, l’imposition des dividendes redistribués ne permet pas decompenser l’exonération de la retenue à la source des dividendes ; aucun lien direct n’existedonc entre l’avantage fiscal, à savoir l’exonération de la retenue à la source, et la compensationde cet avantage effectuée par “l’imposition desdits dividendes en tant que revenus desdétenteurs de parts d’une société anonyme” (point 74). Elle rejette donc également l’argumentbasé sur la nécessité de préserver la cohérence du régime fiscal finlandais comme justificationde la restriction.

Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit : “Les articles 43 CE et 48 CE doivent êtreinterprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la légis lation d’un Etat membre qui exonère dela retenue à la source les dividendes distribués pa r une filiale résidente de cet Etat à unesociété anonyme établie dans le même État, mais qui soumet à cette retenue à la sourceles dividendes similaires versés à une société mère du type société d’investissement àcapital variable (SICAV) résidente d’un autre État membre, qui revêt une forme juridiqueinconnue dans le droit du premier État et ne figura nt pas sur la liste des sociétés viséesà l’article 2, sous a), de la directive 90/435/CEE concernant le régime fiscal communapplicable aux sociétés mères et filiales d’États m embres différents, telle que modifiée parla directive 2003/123/CE du Conseil, du 22 décembre 2003, et qui est exonérée de l’impôtsur le revenu en application de la législation de l ’autre État membre” .

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LIBERTÉ D’ETABLISSEMENT

Apothekerkammer des Saarlandes

Grande chambre

19 mai 2009- C-171/07 et C-172/07 -

« Liberté d’établissement - Article 43 CE - Santé publique - Pharmacies - Dispositions réservant auxseuls pharmaciens le droit d’exploiter une pharmacie - Justification - Approvisionnement en

médicaments de la population sûr et de qualité - Indépendance professionnelle des pharmaciens »

T Faits :

Les demandes de questions préjudicielles concernent deux litiges portant sur une autorisationdonnée le 26 juin 2006 par le Ministerium allemand (Ministère de la justice, de la santé et desaffaires sociales) à la société néerlandaise, DocMorris, qui exerce une activité de vente demédicaments par correspondance, d’exploiter, en tant que succursale, une pharmacie àSarrebruck (Allemagne). Cette décision était soumise à la condition pour la société d’engager unpharmacien chargé de diriger personnellement et sous sa propre responsabilité la pharmacie.Apothekerkammer de Saarlandes (association de pharmaciens) pour l’affaire C-171/07 ainsi queMme Neumann-Seiwer, pour l’affaire C-172/07 ont introduit des recours devant leVerwaltungsgericht des Saarlandes pour faire annuler cette décision. Ils estimaient la décisioncontraire à la loi allemande sur les pharmacies. Selon eux, cette autorisation violait le principeselon lequel seul un pharmacien peut être propriétaire et exploiter une pharmacie, principecontenu dans la règle d’exclusion des non-pharmaciens. Le Ministerieum, soutenu par DocMorris considérait que sa décision était valide dans la mesureoù il était tenu d’écarter l’application de la loi sur les pharmacies estimée contraire à l’article 43CE qui garantit la liberté d’établissement. Pour le Ministerium, une telle restriction n’était pascompatible avec le droit communautaire et n’était pas nécessaire à la réalisation de l’objectiflégitime de la protection de la santé publique.Le Verwaltungsgericht doutant de la compatibilité de la loi sur les pharmacies à l’article 43 CE,a décidé de poser à la Cour de justice des questions préjudicielles dans ces deux affaires. Lesquestions étant posées dans les mêmes termes, la Cour de Luxembourg a décidé de les joindre.

T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :

La juridiction de renvoi demande à la Cour de justice si les articles 43 CE et 48 CE s’opposentà une réglementation nationale qui empêche des personnes n’ayant pas la qualité depharmaciens de détenir et d’exploiter des pharmacies.

T Décision :

A titre liminaire, la Cour rappelle qu’il ressort de sa jurisprudence sur la directive 2005/36/CE queles Etats membres conservent la compétence de légiférer dans le cadre de l’organisation de leursystème de sécurité sociale et qu’ils peuvent par conséquent prendre des dispositions relativesaux officines de pharmacie. Cependant, l’exercice de cette compétence doit respecter le droitcommunautaire et ne doit pas avoir pour conséquence une restriction à la liberté d’établissement.

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151 CJCE, Watts , du 16 mai 2006, C-372/04, points 92 et 146. Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle mai -juin 2006.

152 CJCE, Kraus , du 31 mars 1993, C-19/92, point 32.

153 CJCE, Hartlauer , du 10 mars 2009, C-169/07, point 44. Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009).

154 CJCE, Rosengren e.a , du 5 juin 2007, C-170/04, point 49. Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 15 (juin, juillet,août 2007).

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Ainsi, l’article 43 CE interdit aux Etats membres “d’introduire ou de maintenir des restrictionsinjustifiées à l’exercice de ces libertés dans le domaine des soins de santé” 151 (point 18).Afin d’apprécier le respect de cette obligation, les Etats membres doivent “tenir compte du faitque la santé et la vie des personnes occupent une place de premier rang parmi les biens etintérêts protégés par le traité”. Pour atteindre cet objectif de protection, les Etats membresdisposent d’une marge d’appréciation.Aucune disposition communautaire ne précisant les conditions d’accès aux activités du domainede la pharmacie, la Cour décide d’examiner la conformité de la législation nationale en cause auregard des seules dispositions du traité.

Les juges de Luxembourg rappellent que “l’article 43 CE s’oppose à toute mesure nationale qui,même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou derendre moins attrayant l’exercice, par les ressortissants communautaires, de la libertéd’établissement garantie par le traité” (point 22).152

Ils précisent qu’une “réglementation qui subordonne l’établissement dans l’Etat membre d’accueild’un opérateur économique d’un autre Etat membre à la délivrance d’une autorisation préalable”et qui réserve l’exercice de l’activité à certains opérateurs répondant à des exigencesprédéterminées dont le respect conditionne la délivrance de l’autorisation peut constituer unerestriction au sens de l’article 43 CE (point 23).Pour la Cour, une réglementation nationale qui exclut les non-pharmaciens et réserve donc defait l’exploitation de pharmacies aux pharmaciens constitue une restriction à la libertéd’établissement puisqu’elle prive certains opérateurs de l’accès à l’officine de pharmacie.

Une fois la qualification de restriction à l’article 43 CE retenue, les juges du plateau de Kirchbergs’interrogent sur l’éventuelle justification de cette restriction à une liberté fondamentale garantiepar le traité. Ils rappellent qu’une restriction applicable sans discrimination tenant à la nationalitépeut se justifier par une raison impérieuse d’intérêt général à condition toutefois qu’elle respecteles exigences de nécessité et de proportionnalité.153

En l’espèce, la réglementation litigieuse s’applique sans discrimination tenant à la nationalité et“la protection de la santé publique figure parmi les raisons impérieuses d’intérêt général quipeuvent justifier des restrictions aux libertés” garanties par le traité (point 27), tout comme“l’objectif visant à assurer un approvisionnement en médicaments de la population sûr et dequalité” (point 28).

Cependant, pour pouvoir être justifiée au regard des raisons impérieuses d’intérêt général, larègle de l’exclusion des non-pharmaciens doit être propre à garantir la protection de la santépublique et l’approvisionnement en médicaments.

La Cour explique que “lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à l’importancede risques pour la santé des personnes”, l’Etat membre peut prendre des mesures qui réduisentun risque pour la santé publique154 (point 30).Elle précise que les médicaments doivent être distingués des autres marchandises en raison deleur caractère très particulier et de leurs effets thérapeutiques et que la consommation sansnécessité ou de manière incorrecte d’un médicament peut nuire à la santé et entraîner desdépenses inconsidérées des ressources destinées aux organismes d’assurance maladie.Il existe donc un risque sérieux sur la santé publique et pour l’équilibre financier des systèmesde sécurité sociale. Dans ces conditions, les Etats membres peuvent prendre des mesures

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destinées à soumettre les personnes distribuant les médicaments à des exigences strictes. LesEtats membres peuvent ainsi “réserver la vente de médicaments au détail, en principe aux seulspharmaciens, en raison des garanties que ces derniers doivent présenter et des informationsqu’ils doivent être en mesure de donner aux consommateurs” (point 34).Ainsi, les Etats membres peuvent exiger que les médicaments soient distribués par despharmaciens indépendants ; ils peuvent également prendre des mesures susceptibles d’éliminerun risque de nature à affecter le niveau de sûreté et de qualité de l’approvisionnement desmédicaments à la population.

La Cour distingue trois catégories d’exploitants potentiels de pharmacies, à savoir, lespersonnes physiques ayant la qualité de « pharmacien », les personnes actives dans le secteurdes produits pharmaceutiques, et les autres personnes.Si elle retient que la personne physique ayant la qualité de « pharmacien » est un professionnelindépendant ayant reçu une formation et répondant à des règles légales ou déontologiques, elleconstate en revanche que les deux autres catégories de personnes ne présentent pas les mêmesgaranties.En conséquence, les juges communautaires retiennent que la marge d’appréciation reconnueaux Etats membres leur permet d’apprécier si “l’exploitation d’une pharmacie par un non-pharmacien peut représenter un risque pour la santé publique” (point 39). A cet égard, ilsprécisent que l’Etat membre peut notamment évaluer le risque que représenterait l’exploitationd’une officine par un grossiste de produits pharmaceutiques. En effet, celui-ci pourrait exercerdes pressions sur un pharmacien salarié pour assurer notamment la promotion des médicamentsqu’il produit ou l’écoulement de médicaments dont le stockage ne lui semblerait plus rentable.

DocMorris et la Commission font valoir que la règle d’exclusion des non-pharmaciens “ne sauraitêtre justifiée par l’intérêt général, car la manière dont cet objectif est poursuivi est dépourvue decohérence” (point 41).La Cour répond qu’une législation nationale ne peut garantir la réalisation de l’objectif invoquéque si elle est animée par le souci d’atteindre l’objectif de manière cohérente et systématique.Elle précise que la réglementation nationale “n’exclut pas de manière absolue l’exploitation depharmacies par des non-pharmaciens” (point 43).En effet, la loi allemande sur les pharmacies permet aux pharmaciens d’exploiter jusqu’à troissuccursales d’une même pharmacie tout en les assujettissant à des exigences destinées àgarantir la protection de la santé publique et l’approvisionnement en médicaments de lapopulation sûr et de qualité. Ainsi, les succursales doivent être exploitées sous la responsabilitédu pharmacien et doivent se situer dans un rayon géographique déterminé afin d’assurer uneprésence suffisante et une surveillance effective par le pharmacien. Si ces exigences sontsatisfaites, rien n’empêche que la succursale soit exploitée par un non-pharmacien. La Cour voitdans l’assortiment de conditions à l’exploitation de ces succursales une cohérence ; elle constateque la législation en cause satisfait à l’exigence de nécessité puisqu’elle est de nature à garantirla réalisation de l’objectif visant à assurer la protection de la santé publique et del’approvisionnement en médicaments.

Concernant l’exigence de proportionnalité, le juges de Luxembourg recherchent “si la restrictionà la liberté d’établissement ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre lesditsobjectifs” (point 52).Selon DocMorris et la Commission, les objectifs pourraient être atteints par des mesures moinsrestrictives comme l’obligation de présence d’un pharmacien dans l’officine.Pour les juges communautaires, la marge d’appréciation reconnue aux Etats membres ainsi quel’intérêt pour le non-pharmacien exploitant de réaliser des bénéfices et la possible subordinationdu pharmacien salarié à l’exploitant sont de nature à conforter la législation allemande interdisantaux non-pharmaciens de détenir une pharmacie (point 54). Ils considèrent par ailleurs que laproposition avancée par DocMorris et la Commission consistant à imposer une obligation decontracter une assurance qui n’interviendrait qu’a posteriori et qui permettrait au patient d’obtenirune réparation financière serait moins efficace que la règle retenue actuellement par lalégislation.

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Selon la Cour, la législation nationale en cause satisfait donc à l’exigence de proportionnalité età celle de nécessité. Il doit donc être admis que les restrictions à la liberté d’établissementdécoulant de la loi sur les pharmacies doivent être justifiées par cet objectif de protection de lasanté publique et de l’approvisionnement de la population en médicaments.Cette conclusion ne peut être remise en cause par l’arrêt du 21 avril 2005 Commission c/ Grècesanctionnant la législation grecque qui subordonnait la possibilité pour une personne moraled’ouvrir un magasin d’optique à la condition que l’autorisation de créer et d’exploiter ledit magasinsoit délivrée au nom d’un opticien personne physique agréé.

Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “Les articles 43 CE et 48 CE nes’opposent pas à une réglementation nationale, tell e que celle en cause au principal, quiempêche des personnes n’ayant pas la qualité de pha rmaciens de détenir et d’exploiterdes pharmacies” .

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LIBRE PRESTATION DES SERVICES

X., E.H.A. Passenheim-van Schoot c/ Staatssecretari s van Financiën

11 juin 2009- affaires jointes C-155/08 et C-157/08 -

« Libre prestation des services - Libre circulation des capitaux - Impôt sur la fortune - Impôt sur lesrevenus - Avoirs provenant de l’épargne placés dans un État membre autre que celui de la résidence -

Absence de déclaration - Délai de redressement - Prolongation du délai de redressement en casd’avoirs détenus en dehors de l’État membre de résidence - Directive 77/799/CEE - Assistance mutuelledes autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects - Secret

bancaire »

T Faits :

Concernant l’affaire C-155/08 :En octobre 2000, l’inspection spéciale des impôts belge a spontanément fourni desrenseignements à l’administration fiscale néerlandaise sur des comptes financiers ouverts auprèsd’une banque luxembourgeoise, la Kredietbank Luxembourg (KB-Lux), au nom de personnesrésidant aux Pays-Bas. En 2002, à la suite de l’examen de ces renseignements, le titulaire d’undes comptes s’est vu notifier un avis de redressement contenant des corrections relatives àl’impôt sur la fortune et l’impôt sur les revenus pour les exercices 1993-2001. Il s’est égalementvu infliger une amende égale à 50 % des montants faisant l’objet du redressement.

Concernant l’affaire C-157/08 :En janvier 2003, après le décès de son époux, Mme Passenheim-van Schoot a communiqué àl’administration fiscale néerlandaise toutes les informations concernant des avoirs administréspar une banque établie en Allemagne et ayant appartenu à elle et à son défunt mari. Ces avoirsn’avaient jusqu’alors jamais été mentionnés dans leurs déclarations fiscales. À la demande dela requérante, l’inspecteur lui a octroyé le bénéfice du régime dit de « repentir » et aucuneamende ne lui a donc été infligée. Toutefois, il lui a notifié des avis de redressement concernantles exercices 1993-1997.

Les deux requérants contestèrent les décisions des autorités fiscales néerlandaises. Ilssoutenaient que le délai de redressement prolongé prévu dans la législation néerlandaise pourdes éléments imposables détenus à l’étranger était contraire au droit communautaire. Déboutésde leurs demandes, ils formèrent un pourvoi en cassation devant le Hoge Raad der Nederlanden.La Cour suprême décida de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice trois questionspréjudicielles dans la première affaire et une dans la seconde, identique à la première questionde la première affaire. La Cour de justice décida de joindre ces deux affaires.

T Droit communautaire et question préjudicielle :

Les questions préjudicielles portent sur l’interprétation des articles 49 CE et 56 CE.La Cour suprême des Pays-Bas demandait à la Cour :

- dans les deux affaires :« 1) Les articles 49 CE et 56 CE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposentpas à ce qu’un État membre, en cas de dissimulation au fisc dudit État membre de certains(revenus provenant d’) avoirs étrangers issus de l’épargne, applique une législation qui,afin de compenser l’absence de possibilité effective de contrôle de ces avoirs, prévoit undélai de redressement de douze ans alors que les (revenus provenant des) avoirs issus

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155 CJCE, Safir , du 28 avril 1998, C-118/96, point 23 ; CJCE, Commission c/ France , du 4 mars 2004, C-334/02, point 23 etCJCE, Commission c/ Allemagne , du 11 septembre 2007, C-318/05, point 81.

156 CJCE, Commission c/ Belgique , du 26 septembre 2000, C-478/98, point 18.

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de l’épargne conservés sur le territoire national, où il existe des possibilités effectives decontrôle, sont soumis à un délai de redressement de cinq ans ? »

- dans la première affaire :« 2) Le fait que les avoirs sont conservés dans un État membre ayant instauré le secretbancaire a-t-il une incidence sur la réponse à la première question ?3) En cas de réponse positive à la première question, les articles 49 CE et 56 CE nes’opposent-ils pas non plus à ce que l’amende appliquée en raison de la dissimulation desrevenus ou du patrimoine faisant l’objet du redressement soit fixée proportionnellement aumontant du redressement pour cette période plus longue ? »

T Décision :

- Sur l’existence d’une restriction aux libertés de circulation :

La Cour rappelle que “l’article 49 CE s’oppose à l’application de toute réglementation nationaleayant pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que laprestation de services purement interne à un État membre” 155 (Point 32). Elle assimile égalementà des restrictions aux mouvements de capitaux, au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE, lesmesures imposées par un État membre qui sont de nature à dissuader ses résidents decontracter des prêts ou de faire des investissements dans d’autres États membres.156

Puis, les juges communautaires constatent qu’il ressort de la législation nationale en cause quelorsqu’une imposition n’a pas eu lieu ou qu’elle ne l’a été, qu’à hauteur d’un montant trop faible,les autorités fiscales néerlandaises peuvent redresser l’imposition dans un délai soit de cinq anssi les avoirs en question proviennent des Pays-Bas, soit si ils proviennent de l’étranger d’un délaide douze ans. Le contribuable étant toujours en mesure de déclarer les avoirs qu’il détient àl’étranger et les revenus qu’il en tire, ils notent également que la différence de traitement enfonction de l’origine des avoirs ne disparaît pas (Point 36). En outre, ils relèvent que lorsqu’uncontribuable ne déclare pas de tels avoirs nationaux, il obtient dans les cinq ans la certitude queceux-ci ne feront plus l’objet d’une imposition, alors qu’en revanche, si la non-déclaration portesur des avoirs provenant d’un autre Etat membre, une telle certitude n’est acquise qu’au bout dedouze ans.

Lorsque le redressement de l’impôt est accompagné d’une amende, la Cour de justice indiqueque celle-ci doit être calculée en fonction d’un montant du redressement et de la périodeconcernée par celui-ci. A ses yeux, cela signifie donc que “le contribuable est exposé au risquede se voir infligé une amende calculée sur la base d’un redressement portant sur une périodepouvant être prise en compte dans une situation où les éléments imposables faisant l’objet duredressement sont détenus ou apparus aux Pays-Bas” (Point 38).

La Cour considère qu’il doit être admis que la réglementation en cause contribue à assurerl’efficacité des contrôles fiscaux et à lutter contre la fraude fiscale. Cependant, “l’application auxcontribuables résidant aux Pays-Bas d’un délai de redressement prolongé pour ce qui concerneles avoirs détenus en dehors de cet État membre et les revenus qu’ils en tirent est de nature àrendre moins attrayant pour ces contribuables de transférer des avoirs vers un autre État membreafin de bénéficier des services financiers y offerts que de détenir lesdits avoirs et d’obtenir desservices financiers aux Pays-Bas” (point 39). Par conséquent, elle décide “qu’une réglementationtelle que celle en cause au principal constitue une restriction à la fois à la libre prestation desservices et à la libre circulation des capitaux, prohibée, en principe, par les articles 49 CE et 56CE, respectivement” (point 40).

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157 CJCE, A., du 8 décembre 2007, C-101/05, point 55.

158 CJCE, Elisa , du 11 octobre 2007, C-451/05, Rec. p. I-8251, point 81. Cet arrêt est résumé dans la vieille bimestrielle n/ 16.

159 CJCE, Commission c/ France , précité, point 28.

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- Sur la justification de la restriction aux libertés de circulation :

La Cour réaffirme que la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux 157 et la luttecontre la fraude fiscale 158 constituent des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles dejustifier une restriction à l’exercice des libertés de circulation garanties par le traité CE. Ellesouligne également que, s’agissant des mouvements de capitaux, l’article 58, paragraphe 1, sousb) prévoit que l’article 56 ne porte pas atteinte aux droits des Etats membres de prendre lesmesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements.

Précisant que pour “qu’une mesure restrictive soit justifiée, elle doit respecter le principe deproportionnalité, en ce sens qu’elle doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’ellepoursuit et qu’elle n’aille pas au delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre”,159 la Cour examinesi une réglementation telle que celle en cause ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pouratteindre ces objectifs. À cet égard, les juges de Luxembourg distinguent deux cas de figure.Le premier correspond à une situation où des éléments imposables dans un État membre etsitués dans un autre État membre ont été dissimulés aux autorités fiscales du premier État et queces dernières ne disposent d’aucun indice quant à l’existence desdits éléments permettant dedéclencher une enquête. Dans cette hypothèse, ce premier État membre se trouve dansl’impossibilité de s’adresser aux autorités compétentes de l’autre État membre afin d’obtenir lesrenseignements nécessaires pour établir correctement le montant de l’impôt. Dans cescirconstances, le fait de soumettre des éléments imposables dissimulés au fisc à un délai deredressement prolongé de douze ans ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour garantirl’efficacité des contrôles fiscaux et lutter contre la fraude fiscale.Par ailleurs, la Cour indique que le droit communautaire ne s’oppose pas non plus à ce que, dansce cas, l’amende infligée soit calculée proportionnellement au montant du redressement et surcette période plus longue.Le second cas de figure correspond à une situation où les autorités fiscales d’un État membredisposent d’indices sur des éléments imposables situés dans un autre État membre quipermettent de déclencher une enquête. Dans cette hypothèse, l’application par ce premier Étatmembre d’un délai de redressement prolongé qui ne viserait pas spécifiquement à permettre auxautorités fiscales de cet État membre de recourir utilement à des mécanismes d’assistancemutuelle entre États membres et qui se déclencherait dès que les éléments imposablesconcernés se situent dans un autre État membre ne saurait être justifiée .

Par conséquent, la Cour dit pour droit (point 76) : “Les articles 49 CE et 56 CE doivent êtreinterprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à l ’application par un État membre,lorsque des avoirs issus de l’épargne et des revenu s tirés de ces avoirs sont dissimulésaux autorités fiscales de cet État membre et que ce lles-ci ne disposent d’aucun indicequant à leur existence permettant de déclencher une enquête, d’un délai de redressementplus long lorsque ces avoirs sont détenus dans un a utre État membre que lorsqu’ils sontdétenus dans le premier État membre. La circonstanc e que cet autre État membre appliquele secret bancaire n’est pas pertinente à cet égard .” (point 76).

- Sur le calcul de l’amende :

Dans l’affaire C-155/08, la juridiction de renvoi demandait à la Cour de préciser, dansl’éventualité où elle estimerait que les articles 49 CE et 56 CE ne s’opposent pas à l’applicationpar un Etat membre, pour les avoirs détenus dans un autre Etat et les revenus en découlant, d’un

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délai de redressement plus long que celui appliqué pour les avoirs et revenus provenant de cemême Etat membre, si ces articles doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pasà ce que l’amende infligée pour cause de dissimulation des avoirs faisant l’objet du redressementsoit calculée proportionnellement au montant redressé.

En réponse, les juges de Luxembourg affirment que “Les articles 49 CE et 56 CE doivent êtreinterprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à c e que, lorsqu’un État membre appliqueun délai de redressement plus long dans le cas d’av oirs détenus dans un autre Étatmembre que dans celui d’avoirs détenus dans ce prem ier État membre et que ces avoirsétrangers ainsi que les revenus tirés de ceux-ci ét aient dissimulés aux autorités fiscalesdu premier État membre qui ne disposaient d’aucun i ndice quant à leur existencepermettant de déclencher une enquête, l’amende infl igée en raison de la dissimulationdesdits avoirs et revenus étrangers soit calculée p roportionnellement au montant duredressement et sur cette période plus longue. ” (Point 86).

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POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE SÉCURITÉ COMMUNE

Omar Mohammed Othman c/ Conseil de l’Union européen ne etCommission des Communautés européennes

Tribunal de Première Instance

11 juin 2009- T-318/01 -

« Politique étrangère et de sécurité commune - Mesures restrictives à l’encontre de personnes etd’entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban - Gel des fonds - Recours enannulation - Adaptation des conclusions - Droits fondamentaux - Droit au respect de la propriété, droit

d’être entendu et droit à un contrôle juridictionnel effectif »

T Faits :

Le requérant, Monsieur Othman est un ressortissant jordanien résidant depuis 1992 auRoyaume-Uni. Arrêté et détenu à plusieurs reprises depuis 2001 en vertu de la législation anti-terroriste britannique, il est actuellement toujours emprisonné.Désigné par le Comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations-Unies comme étantassocié à Oussama ben Laden, son nom fut publié sur la liste des personnes et des entitésdevant être soumises au gel des fonds en vertu de différentes résolutions. Dans le cadre de la mise en œuvre des résolutions des Nations-Unies par la CommunautéEuropéenne, le Conseil de l’Union européenne adopta le règlement (CE) n/ 881/2002, lequelprévoit certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre des personnes et entités liées àOussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban. Le nom du requérant figure dansl’‘annexe I du règlement n/ 881/2002/CE, contenant la liste des personnes visées par le gel desfonds.Ce dernier a introduit une requête devant le Tribunal de Première Instance des CommunautésEuropéennes afin de faire annuler ce règlement.

T Droit communautaire en cause :

Le 16 janvier 2002, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1390 (2002), qui fixe lesmesures à imposer à l’égard d’Oussama ben Laden, des membres de l’organisation Al-Qaidaainsi que des Taliban et autres personnes, groupes, entreprises et entités associés. Cetterésolution prévoit, en ses paragraphes 1 et 2, le maintien des mesures, notamment le gel desfonds, imposées par le paragraphe 4, sous b), de la résolution 1267 (1999) et par le paragraphe8, sous c), de la résolution 1333 (2000).

Le 27 mai 2002, le Conseil a adopté, sur la base des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE, lerèglement (CE) n/ 881/2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre decertaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban,et abrogeant le règlement n/ 467/2001/CE (JO L 139, p. 9).

L’article 1er du règlement n/ 881/2002/CE définit les notions de « fonds » et de « gel des fonds »en des termes identiques, en substance, à ceux de l’article 1er du règlement n/ 467/2001/CE. Enoutre, il définit ce qu’il y a lieu d’entendre par « ressources économiques ». L’annexe I du règlement n/ 881/2002/CE contient la liste des personnes, entités et groupes viséspar le gel des fonds imposé par l’article 2.

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160 CJCE, affaires jointes C-402/05 P Kadi et C-415/05 P Al Barakaat International Foundation , du 3 septembre 2008. L’arrêtest résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Septembre-Octobre 2008, p. 103).

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T Décision :

Le Tribunal souligne que le requérant se trouve dans une situation de fait et droit comparable àcelle des requérants dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt Kadi rendu le 3 septembre 2008par la Cour de justice des communautés européennes 160.

En premier lieu, il examine la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué. Il relèveà cet égard que le Conseil n’a, à aucun moment, informé le requérant des éléments à chargesusceptibles de justifier l’inclusion de son nom dans l’annexe I du règlement. Fondant sonargumentation sur celle de l’arrêt de la Cour de Justice dans l’affaire Kadi, les jugescommunautaires relèvent notamment que le Conseil n’a communiqué au requérant aucun deséléments retenus à son encontre fondant les mesures restrictives lui ayant été imposées, ni nelui a accordé le droit de prendre connaissance desdits éléments dans un délai raisonnable aprèsl’édiction de ces mesures. Dès lors ils considèrent que le requérant n’était pas en mesure de faireconnaître utilement son point de vue et que les droits de la défense n’ont donc pas été respectés.

En outre, le Tribunal estime que le droit du requérant à un recours juridictionnel effectif a étéviolé. En effet, il relève que le requérant n’ayant pas eu connaissance de ces éléments n’a paspu défendre ses droits dans des conditions satisfaisantes devant le juge communautaire. Ilconstate également que cette violation n’a pas été corrigée dans le cadre du présent recourspuisque le Conseil n’a avancé aucun élément dans ce sens au cours du litige. Par conséquent,les juges de Luxembourg considèrent ne pas être en mesure de procéder au contrôle de lalégalité du règlement attaqué, et énoncent que le règlement “pour autant qu’il concerne lerequérant, a été adopté sans fournir aucune garantie quant à la communication des élémentsretenus à charge de celui-ci ou quant à son audition à cet égard, de sorte qu’il doit être concluque ce règlement a été arrêté selon une procédure au cours de laquelle les droits de la défensen’ont pas été respectés, ce qui a également eu pour conséquence que le principe de protectionjuridictionnelle effective a été enfreint.” (point 89).

Ensuite, le Tribunal examine la portée, les effets et la justification éventuelle de la restriction del’usage du droit de propriété découlant des mesures restrictives prévues dans le règlement. Acet égard, il relève que le règlement a été adopté sans qu’aucune garantie ne soit offerte aurequérant pour lui permettre d’exposer sa cause aux autorités compétentes. Il précise que larestriction de ses droits de propriété est considérable, notamment eu égard à la portée généraleet à la durée effective des mesures restrictives dont il fait l’objet. Dès lors, les juges luxembourgeois jugent que ces mesures restrictives constituent une restrictioninjustifiée du droit de propriété du requérant et admettent également les griefs tirés d’uneviolation du droit fondamental au respect de la propriété. Le Tribunal estime donc que le règlement attaqué, p our autant qu’il concerne le requérant,doit être annulé.

En dernier lieu, le Tribunal refuse de faire droit à la demande du Conseil visant à ce que les effetsdu règlement attaqué soient maintenus pendant une brève période. Il souligne en effet que sesdécisions annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai depourvoi visé à l’article 56, premier alinéa du statut de la Cour de Justice ou si un pourvoi a étéintroduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci. Dès lors, il estime que le Conseil “dispose(...) en tout état de cause d’un délai minimal de deux mois, augmenté du délai de distance de dixjours, à compter de la notification du présent arrêt, pour remédier aux violations constatées enadoptant, le cas échéant, une nouvelle mesure restrictive à l’égard du requérant” (point 99) etdécide donc qu’il n’est pas nécessaire de maintenir les effets du règlement au-delà de cettepériode.

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Le Tribunal déclare et arrête : “Le règlement (CE) n/ 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002,instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes etentités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban et abrogeant le règlementn/ 467/2001, est annulé pour autant qu’il concerne M. Omar Mohammed Othman”.

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161 JOUE L 303, p. 16.

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POLITIQUE SOCIALE

David Hütter c/ Technische universität Graz

18 juin 2009- C-88/08 -

« Directive 2000/78/CE - Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail - Discrimination liée àl’âge - Détermination de la rémunération des agents contractuels de l’État - Exclusion de l’expérience

professionnelle acquise avant l’âge de 18 ans »

T Faits :

Le demandeur au principal et sa collègue ont effectué une période d’apprentissage en tant quetechniciens de laboratoire auprès de la Technische universität Graz (Ci-après TUG), unorganisme public relevant de la loi fédérale de 2002 relative à l’organisation des universités età leurs études. Ils ont ensuite été recrutés pour une durée de trois mois. Plus âgée que ledemandeur de 22 mois, sa collègue a obtenu un classement à un échelon plus favorable, ce quis’est traduit par une différence de traitement mensuel de 23,20 euros. Cette différence tient aufait que la période d’apprentissage accomplie par le demandeur au cours de sa majorité n’a étéque de 6,5 mois environ, contre 28,5 mois pour sa collègue.Le demandeur a introduit un recours devant le Landesgericht für Zivilrechtssachen Graz afind’obtenir le versement d’une compensation équivalente à la différence de traitement dont il étaitvictime. Il a obtenu gain de cause en première instance et en appel. La TUG a formé un pourvoidevant la juridiction de renvoi, l’Oberster Gerichtshof, qui a décidé de surseoir à statuer et deposer à la Cour de Luxembourg une question préjudicielle.

T Question préjudicielle et droit communautaire en ca use :

La demande de décision préjudicielle portait sur l’interprétation de la directive 2000/78/CE duConseil, du 27 novembre 2000 relative à la création d’un cadre général en faveur de l’égalité detraitement en matière d’emploi et de travail 161. L’article 2 de la directive 2000/78/CE, intitulé « Concept de discrimination », prévoit :

« 1. Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absencede toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er .

2. Aux fins du paragraphe 1 :a) une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins

favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’undes motifs visés à l’article 1er ;

b) une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratiqueapparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’unereligion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport àd’autres personnes, à moins que :

i) cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par unobjectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires (...) »

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L’article 3 de la directive 2000/78/CE, intitulé « Champ d’application », prévoit à son paragraphe1 :

«(...) la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pourle secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :

a) les conditions d’accès à l’emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris lescritères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activitéet à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion ;

[…]c) les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et derémunération ; […] »

Enfin, l’article 6 de la directive prévoit la possibilité de déroger à ces règles : « lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par

un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail etde la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre :

a) La mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formationprofessionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et derémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge,en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection ;b) la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’anciennetédans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi ; (...) ».

Précisément, la juridiction de renvoi demandait à la Cour de se prononcer sur le point de savoir :« les articles 1, 2 et 6 de la directive [2000/78] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ilss’opposent à une réglementation nationale […] qui exclut, parmi les périodes de service pertinentesaux fins de la détermination de la date de référence pour l’avancement d’échelon, celles qui ont étéaccomplies avant d’avoir atteint l’âge de 18 ans ? »

T Décision :

La Cour précise qu’il convient en premier lieu “de vérifier si une réglementation nationale telleque celle en cause au principal relève du champ d’application de la directive 2000/78 et, dansl’affirmative, s’il s’agit d’une mesure discriminatoire fondée sur l’âge susceptible, le cas échéant,d’être considérée comme justifiée au regard de ladite directive” (point 32).Elle poursuit en indiquant que cette directive “tend à établir un cadre général pour assurer à toutepersonne l’égalité de traitement «en matière d’emploi et de travail», en lui offrant une protectionefficace contre les discriminations fondées sur l’un des motifs visés à son article 1er, au nombredesquels figure l’âge” (point 33).Puis, elle relève que l’article 3 paragraphe 1, sous a) et c) de la directive s’applique “à toutes lespersonnes” et concerne, d’une part, “les conditions d’accès à l’emploi (…) y compris les critèresde sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité et à tous lesniveaux de la hiérarchie professionnelle” et, d’autre part, “les conditions d’emploi et de travail, ycompris les conditions de licenciement et de rémunération” (point 34). Dans ces conditions, ellejuge que la directive 2000/78/CE trouve à s’appliquer en l’espèce.

Les juges de Luxembourg rappellent que l’article 2, paragraphe 1, de la directive définit leprincipe de l’égalité de traitement comme “l’absence de toute discrimination directe ou indirecte,fondée sur [l’]un des motifs visés à l’article 1er” de cette directive. L’article 2, paragraphe 2, sousa), précise quant à lui que, pour les besoins de l’application de son paragraphe 1, “unediscrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorablequ’une autre se trouvant dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés àl’article 1er de la même directive” (point 37). Ils constatent qu’en l’espèce, la réglementationnationale en cause réserve un traitement moins favorable aux personnes dont l’expérience a étéacquise avant l’âge de 18 ans qu’à celles ayant obtenu une expérience de même nature et d’une

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162 CJCE, Age Concern England , du 5 mars 2009, C-388/07, point 46.

163CJCE, Mangold , du 22 novembre 2005, C-144/04, point 63.

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durée comparable après cet âge. Ces dispositions instaurent selon eux “une différence detraitement directement fondée sur le critère de l’âge au sens de l’article 2, paragraphes 1 et 2,sous a), de la directive 2000/78”. (point 38).

Toutefois, la Cour indique qu’il ressort de l’article 6 paragraphe 1er de la directive en cause quede telles différences de traitement fondées sur l’âge “ne constituent pas une discriminationlorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, parun objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché dutravail et de la formation professionnelle, et que les moyens pour réaliser cet objectif sontappropriés et nécessaires” (point 39).

La juridiction européenne s’attarde donc ensuite sur le caractère légitime de l’objectif de laréglementation en cause au principal. A cet égard, elle rappelle que les objectifs susceptiblesd’être considérés comme tels sont des objectifs relevant de la politique sociale, comme ceux liésà la politique de l’emploi, du marché du travail ou de la formation professionnelle 162.Elle note que les objectifs mentionnés par la juridiction de renvoi relèvent de cette catégorie maisqu’il faut cependant vérifier si les moyens mis en œuvre pour parvenir à leurs réalisations sont“appropriés et nécessaires” (point 44).Rappelant que “les États membres disposent incontestablement d’une large marge d’appréciationdans le choix des mesures susceptibles de réaliser leurs objectifs en matière de politique socialeet d’emploi”,163 la Cour estime cependant que les objectifs mentionnés par la juridiction de renvoipeuvent paraître antinomiques. En effet, l’un de ces objectifs serait d’inciter les élèves à suivreun enseignement secondaire de type général plutôt que de type professionnel. Un autre objectifserait de favoriser l’embauche des personnes ayant suivi un enseignement professionnel plutôtque celle des personnes issues de l’enseignement général.

Concernant l’objectif de ne pas défavoriser l’enseignement secondaire général par rapport àl’enseignement professionnel, la Cour note que le critère de l’âge auquel l’expérience antérieurea été acquise s’applique quel que soit le type d’enseignement suivi. Elle souligne ainsi que “cecritère peut donc conduire à une différence de traitement entre deux personnes issues del’enseignement professionnel ou entre deux personnes issues de l’enseignement général selonle seul critère de l’âge auquel elles ont acquis leur expérience professionnelle. Dans cesconditions, le critère de l’âge auquel l’expérience professionnelle a été acquise n’apparaît pasapproprié à la réalisation de l’objectif visant à ne pas défavoriser l’enseignement général parrapport à l’enseignement professionnel. À cet égard, il y a lieu de relever qu’un critère reposantdirectement sur le type d’études suivies sans faire appel à l’âge des personnes apparaîtrait, auregard de la directive 2000/78, mieux adapté à la réalisation de l’objectif visant à ne pasdéfavoriser l’enseignement général.” (Point 48).

Concernant l’objectif tendant à favoriser l’insertion sur le marché de l’emploi des jeunes ayantsuivi un enseignement professionnel, les juges de Luxembourg constatent que l’exclusion de laprise en compte de l’expérience acquise avant 18 ans s’applique indistinctement à tous lesagents, quelque soit l’âge auquel ils sont recrutés. Or, ils estiment que dans la mesure où ellene prend pas en compte l’âge des personnes au moment du recrutement, la règle en cause n’estpas appropriée pour favoriser l’entrée sur le marché du travail des jeunes. Par conséquent, ilsjugent que cette disposition ne saurait être considérée comme appropriée au sens de l’article 6paragraphe 1er de la directive 2000/78/CE.

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Ainsi, la Cour dit pour droit (dispositif) : “il convient de répondre à la juridiction de renvoi queles articles 1, 2 et 6 de la directive 2000/78 doiv ent être interprétés en ce sens qu’ilss’opposent à une réglementation nationale qui, aux fins de ne pas défavoriserl’enseignement général par rapport à l’enseignement professionnel et de promouvoirl’insertion des jeunes apprentis sur le marché de l ’emploi, exclut la prise en compte despériodes d’emploi accomplies avant l’âge de 18 ans aux fins de la détermination del’échelon auquel sont placés les agents contractuel s de la fonction publique d’un Étatmembre” .

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PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG c/ Franz Haus wirth GmbH

11 juin 2009- C-529/07 -

« Marque communautaire tridimensionnelle - Règlement (CE) nº 40/94 - Article 51, paragraphe 1, sousb) - Critères pertinents aux fins de l’appréciation de la “mauvaise foi”du demandeur lors du dépôt de la

demande de marque communautaire »

T Faits :

Le litige opposait deux sociétés fabriquant des lapins en chocolat : la première, la société Lindt& Sprüngli, produisait depuis plus de 50 ans des lapins en chocolat et les commercialisait enAutriche depuis 1994. En 2000, elle était devenue titulaire de la marque, représentant un lapindoré en chocolat, en position assise, portant un ruban rouge, un grelot et l’inscription en brun «Lindt GOLDHASE ». La seconde société, l’entreprise Franz Hauswirth mettait également depuis1962 des lapins en chocolat sur le marché autrichien.L’entreprise Lindt & Sprüngli introduisit une action en contrefaçon à l’encontre de cette dernièresociété, afin qu’elle cesse de produire ou de commercialiser sur le territoire de l’Unioneuropéenne des lapins en chocolat qui seraient similaires au point d’être confondus avec le sienprotégé par la marque communautaire. La société Franz Hauswirth forma une demande reconventionnelle en déclaration de nullité dela marque. Elle estimait en effet qu’au regard de l’article 51, paragraphe 1, sous b) du règlementn/ 40/94, le lapin en chocolat ne pouvait être protégé en tant que marque, la société Lindt &Sprüngli ayant été de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque.La juridiction autrichienne saisie du litige estimait qu’un “risque de confusion existait bien entreles deux lapins, notamment du fait que celui commercialisé par Franz Hauswirth était de formeet de couleur similaires à celui protégé par la marque tridimensionnelle de Lindt” (point 15). Elleestima toutefois nécessaire afin de rendre sa décision, de savoir si la société Lindt & Sprüngliétait de bonne ou de mauvaise foi au moment de l’enregistrement de la marque, et décida desurseoir à statuer en posant à la Cour de justice trois questions préjudicielles.

T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :

NNNN Le règlement (CE) n/ 40/94 a été abrogé par le règlement (CE) n/ 207/2009 du Conseil,du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), entré en vigueur le 13avril 2009. Néanmoins, compte tenu de la date des faits, le présent litige demeure régi,par l’ancien texte.

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 51, paragraphe 1, sousb), du règlement (CE) n/ 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire.

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Cet article dispose : « La nullité de la marque communautaire est déclarée, sur demande présentée auprès de l’Office[de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI)] ou surdemande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :[…]

b) lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.»

Plus précisément la Cour de Luxembourg devait répondre aux questions suivantes : « 1) L’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement n/ 40/94 […] doit-il être interprété en ce sensque le demandeur d’une marque communautaire doit être considéré comme agissant de mauvaisefoi lorsqu’il sait au moment de l’enregistrement qu’un concurrent dans (au moins) un État membreutilise une marque identique ou similaire prêtant à confusion pour des produits ou servicesidentiques ou similaires et qu’il fait enregistrer la marque pour pouvoir empêcher le concurrent decontinuer à l’utiliser ?

2) En cas de réponse négative à la première question :Le demandeur de la marque doit-il être considéré comme étant de mauvaise foi lorsqu’ilfait enregistrer la marque pour empêcher un concurrent de continuer à l’utiliser alors qu’ilsait ou doit savoir au moment de l’enregistrement que le concurrent a obtenu un “droitacquis” (« wertvollen Besitzstand ») par l’utilisation d’une marque identique ou similairepour des produits ou services identiques ou similaires prêtant à confusion ?

3) En cas de réponse positive à la première ou à la deuxième question :Faut-il exclure la mauvaise foi lorsque le demandeur a déjà acquis une notoriété dans lecommerce pour sa marque et ainsi une protection au titre du droit de la concurrence ? »

T Décision :

Pour la première fois, la juridiction communautaire est amenée à se pencher sur les critèrespertinents permettant d’établir la mauvaise foi du demandeur lors du dépôt de la demanded’enregistrement d’un signe. Elle examine les trois questions préjudicielles ensemble etcommence par rappeler qu’en vertu de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement n/ 40/94,la mauvaise foi constitue l’une des causes de nullité absolue de la marque communautaire,pouvant être invoquée soit devant l’OHMI, soit lors d’une demande reconventionnelle présentéeà l’occasion d’une action en contrefaçon. Elle précise également que la mauvaise foi doit êtreappréciée au moment du dépôt de la demande d’enregistrement.

La juridiction luxembourgeoise examine ensuite les critères de la mauvaise foi. Elle considèreque l’existence de la mauvaise foi doit être appréciée globalement en tenant compte de tous lesfacteurs pertinents du cas d’espèce. Selon elle, la connaissance par le demandeur, qu’un tiersutilise dans au moins un Etat membre, depuis longtemps un signe identique ou similaire pour unproduit identique ou similaire au sien, n’est pas en soi suffisante pour établir sa mauvaise foi. Lesjuges communautaires estiment en effet que l’intention du demandeur au moment du dépôt dela demande d’enregistrement doit être prise en considération. A cet égard, ils relèvent quel’intention d’empêcher un tiers de commercialiser un produit peut, caractériser la mauvaise foidu demandeur ; c’est notamment le cas “lorsqu’il s’avère, ultérieurement, que le demandeur afait enregistrer en tant que marque communautaire un signe sans intention de l’utiliser,uniquement en vue d’empêcher l’entrée d’un tiers sur le marché” (point 44).

La Cour souligne en outre que le fait qu’un tiers utilise depuis longtemps un signe pour un produitidentique ou similaire prêtant à confusion avec la marque demandée et que ce signe jouit d’uncertain degré de protection juridique est l’un des facteurs pertinents pour apprécier l’existencede la mauvaise foi du demandeur. En effet, elle considère que le demandeur pourrait vouloirbénéficier des droits conférés par la marque communautaire dans le seul but de concurrencer

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déloyalement un concurrent utilisant un signe, qui en raison de ses mérites propres, a déjàobtenu un certain degré de protection juridique.

Toutefois, elle n’exclut pas le fait que le demandeur poursuive un objectif légitime en faisantenregistrer son signe, notamment pour empêcher son utilisation, quand il sait qu’un tiers, qui estun acteur récent sur le marché, tente de profiter du signe en copiant sa présentation.

La Cour indique que la nature de la marque demandée, peut également être un élément àprendre en considération pour apprécier la mauvaise foi du demandeur, elle relève à cet égardque “la mauvaise foi du demandeur pourrait être établie plus facilement lorsque la liberté dechoix des concurrents quant à la forme et la présentation d’un produit est restreinte en raison deconsidérations d’ordre technique ou commercial, de sorte que le titulaire de la marque est enmesure d’empêcher ses concurrents non seulement d’utiliser un signe identique ou similaire,mais également de commercialiser des produits comparables” (point 50).

Enfin, elle estime que le degré de notoriété dont jouit un signe au moment du dépôt de lademande d’enregistrement est un autre élément susceptible d’être pris en considération dansl’appréciation de la mauvaise foi. En effet, elle rappelle qu’un “tel degré de notoriété pourraitprécisément justifier l’intérêt du demandeur à assurer une protection juridique plus étendue deson signe” (point 52).

La Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “Aux fins de l’appréciation de l’existence de lamauvaise foi du demandeur, au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement(CE) n//// 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marq ue communautaire, lajuridiction nationale est tenue de prendre en consi dération tous les facteurs pertinentspropres au cas d’espèce et existant au moment du dé pôt de la demande d’enregistrementd’un signe en tant que marque communautaire, et not amment :- le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’u n tiers utilise, dans au moins un Étatmembre, un signe identique ou similaire pour un pro duit identique ou similaire prêtant àconfusion avec le signe dont l’enregistrement est d emandé ;- l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de c ontinuer à utiliser un tel signe, ainsi que- le degré de protection juridique dont jouissent l e signe du tiers et le signe dontl’enregistrement est demandé.”

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RAPPROCHEMENT DES LÉGISLATIONS

L’Oréal SA e.a

18 juin 2009- C-487/07 -

« Directive 89/104/CEE - Marques - Article 5, paragraphes 1 et 2 - Usage dans une publicitécomparative - Droit de faire interdire cet usage - Profit indûment tiré de la renommée - Atteinte auxfonctions de la marque - Directive 84/450/CEE - Publicité comparative - Article 3 bis, paragraphe 1,sous g) et h) - Conditions de licéité de la publicité comparative - Profit indûment tiré de la notoriété

attachée à une marque - Présentation d’un bien comme une imitation ou une reproduction »

T Faits :

Le litige opposait au Royaume-Uni le groupe L’Oréal ainsi que les sociétés Lancôme et Garnier,notamment titulaires des marques de parfums Trésor, Miracle, Anaïs-Anaîs et Noa, aux sociétésBellure, Malaika et Starion, commercialisant des imitations de ces parfums. L’Oréal et les autres société concernées introduisirent devant la High Court of Justice une actionen contrefaçon à l’encontre de ces dernières sociétés, puis un appel fut interjeté devant la Courtof Appeal. Le problème était celui de l’usage de listes comparatives par les sociétésdéfenderesses qu’elles communiquaient aux détaillants en indiquant notamment la marqueverbale du parfum fin dont le parfum commercialisé était l’imitation. Les sociétés requérantesestimaient en effet que l’usage de telles listes constituait une violation des droits qu’elles tiraientde leurs marques verbales « Trésor », « Miracle » « Anaïs-Anaïs » et « Noa », violation prohibéepar l’article 10, paragraphe 1, de la loi nationale sur les marques, transposition de la directive89/104/CEE.

La juridiction de renvoi s’interrogeait sur le point de savoir si l’usage de la marque d’unconcurrent dans le cadre de telles listes, était susceptible d’être interdit en application de l’article5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104/CEE sur les marques. Elle décida alors de surseoir à statuer et de poser à la Cour de Justice cinq questionspréjudicielles.

T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :

De manière synthétique, les quatre premières questions préjudicielles portaient surl’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/104/CEE et sur l’interprétation del’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450/CEE sur la publicité trompeuse. Plusprécisément, la juridiction de renvoi interrogeait la Cour de Justice sur l’usage par lesdéfenderesses, dans des listes comparatives, des marques verbales dont étaient titulaires lessociétés demanderesses. La cinquième question était relative à l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, de la directive89/104/CEE, se rapportant à l’utilisation d’emballages et de flacons similaires à ceux des parfumsfins commercialisés par les demandeurs et protégés par des marques verbales et figuratives.

L’article 5 de la directive 89/104/CEE, dispose :«1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire

à tous tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires :

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a) d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceuxpour lesquels celle-ci est enregistrée ;b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque eten raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par lamarque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprendle risque d’association entre le signe et la marque.

2. Tout État membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, enl’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ousimilaire à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pourlesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’État membre etque l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renomméede la marque ou leur porte préjudice. »

L’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/460/CEE prévoit :« Pour autant que la comparaison est concernée, la publicité comparative est licite dès lors que lesconditions suivantes sont satisfaites :

a) elle n’est pas trompeuse au sens de l’article 2 point 2, de l’article 3 et de l’article 7paragraphe 1 ;[…]d) elle n’engendre pas de confusion sur le marché entre l’annonceur et un concurrent ouentre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services del’annonceur et ceux d’un concurrent ;e) elle n’entraîne pas le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux,autres signes distinctifs, biens, services, activités ou situation d’un concurrent ;[…]g) elle ne tire pas indûment profit de la notoriété attachée à une marque, à un nomcommercial ou à d’autres signes distinctifs d’un concurrent ou de l’appellation d’origine deproduits concurrents ;h) elle ne présente pas un bien ou un service comme une imitation ou une reproductiond’un bien ou d’un service portant une marque ou un nom commercial protégés. »

T Décision :

La Cour de Justice examine en premier lieu la cinquième question préjudicielle. Elle considèreen effet que l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104/CEE étant également susceptible des’appliquer à l’usage des marques dans les listes comparatives, il convient d’abord de répondreà cette question avant de pouvoir aborder les quatre autres.

- Sur la cinquième question préjudicielle :

Il s’agissait de savoir si l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104/CEE devait être interprétéen ce sens qu’un tiers faisant usage d’un signe similaire à une marque renommée pouvait êtreréputé tirer indûment profit de la marque, lorsque cet usage lui procurait un avantage pour lacommercialisation de ses produits ou de ses services, sans toutefois entraîner, pour le public,un risque de confusion ou causer ou risquer de causer un préjudice à la marque ou au titulairede celle-ci.

Tout d’abord, la Cour de Luxembourg rappelle que l’article 5, paragraphe 2, de la directive89/104/CEE offre une protection plus étendue que celle prévue par le paragraphe 1er de ce mêmearticle. Cette protection est conditionnée à l’existence d’un usage sans juste motif d’un signeidentique ou similaire à une marque enregistrée. Les juges de Luxembourg précisent égalementque les atteintes visées à l’article 5, paragraphe 2, de la directive, sont la conséquence d’uncertain degré de similitude entre la marque et le signe. Pour qu’il y ait une « atteinte », le publicdoit effectuer un rapprochement entre le signe et la marque, sans toutefois les confondre. LaCour se montre en effet très claire sur ce point en considérant qu’il “n’est (...) pas exigé que le

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164 CJCE, O2 Holdings et O2 (UK) , du 12 juin 2008, C-533/06, Rec. p. I-4231, point 36 et 37.

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degré de similitude entre la marque renommée et le signe utilisé par le tiers soit tel qu’il existe,dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion. Il suffit que le degré de similitude entrela marque renommée et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signeet la marque” (point 36).

Toutefois, la juridiction communautaire estime que si l’existence d’un tel lien est une conditionnécessaire, elle n’est pas en soi suffisante pour conclure à l’existence d’atteintes contrelesquelles l’article 5, paragraphe 2 de la directive assure une protection. Elle clarifie ce point enindiquant que les atteintes peuvent être de trois sortes : il peut s’agir d’un préjudice porté aucaractère distinctif de la marque, d’un préjudice porté à la renommée de cette marque, ou enfind’un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque. Il estparticulièrement important de noter que la Cour relève qu’un seul de ces trois types d’atteintessuffit pour que l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104/CEE soit applicable.

Enfin, la Cour précise qu’afin de déterminer si l’usage d’un signe tire indûment profit du caractèredistinctif ou de la renommée de la marque, il est nécessaire d’avoir recours à “une appréciationglobale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce”. En l’espèce, elle faitétat de plusieurs éléments. Elle relève notamment que les sociétés Malaika et Starion utilisentdes emballages et flacons similaires aux marques enregistrées par les sociétés demanderesses,et ce, dans le but de commercialiser des parfums qui constituent des imitations « bas degamme » des parfums de luxe. La Cour estime en particulier que la juridiction de renvoi, dansson appréciation devra tenir compte du fait que “l’usage des emballages et des flacons similairesà ceux des parfums imités a pour but de profiter, à des fins publicitaires, du caractère distinctifet de la renommée des marques sous lesquelles ces parfums sont commercialisés” (point 48).

Sur ce point, la Cour dit pour droit (point 50) : “l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104doit être interprété en ce sens que l’existence d’u n profit indûment tiré du caractèredistinctif ou de la renommée de la marque, au sens de cette disposition, ne présupposeni l’existence d’un risque de confusion, ni celle d ’un risque de préjudice porté à cescaractère distinctif ou renommée ou, plus généralem ent, au titulaire de celle-ci. Le profitrésultant de l’usage par un tiers d’un signe simila ire à une marque renommée est tiréindûment par ce tiers desdits caractère distinctif ou renommée lorsque celui-ci tente parcet usage de se placer dans le sillage de la marque renommée afin de bénéficier dupouvoir d’attraction, de la réputation et du presti ge de cette dernière, et d’exploiter, sanscompensation financière, l’effort commercial déploy é par le titulaire de la marque pourcréer et entretenir l’image de celle-ci”

- Sur les première et deuxième questions :

La Cour examine ces deux questions ensemble, l’enjeu étant de déterminer si le titulaire d’unemarque peut faire interdire l’usage par un tiers, dans une publicité comparative, d’un signeidentique à cette marque pour des produits ou des services identiques, lorsque cet usage n’estpas susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque.

Les juges communautaires soulignent en premier lieu qu’en l’espèce, les listes comparatives dontil est question, sont susceptibles d’être qualifiées de « publicité comparative » au sens de l’article2, point 1, de la directive 84/450/CEE. En outre, ils rappellent avoir déjà eu l’occasion de juger 164

que l’utilisation par un annonceur, dans une publicité comparative, d’un signe identique ousimilaire à la marque d’un concurrent aux fins d’identifier les produits ou les services offerts parce dernier est un usage susceptible d’être interdit.

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165 CJCE, Hölterhoff , du 14 mai 2002, C-2/00, Rec. p. I-4187, point 16.

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A cet égard, la Cour relève que les sociétés défenderesses ont utilisé dans les listescomparatives de parfum, non seulement les signes similaires aux marques, mais également lesmarques verbales « Trésor », « Miracle » « Anaïs-Anaïs » et « Noa ». Elle estime qu’un tel usageentre dans le champ d’application de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive89/104/CEE, et non dans celui de son article 5, paragraphe 1, sous b).

Elle estime par ailleurs que le titulaire de la marque ne pourrait s’opposer à l’usage d’un signeidentique à sa marque, si cet usage ne portait préjudice à aucune des fonctions de celle-ci. LaCour a déjà eu l’occasion de préciser165 que certains usages à des fins purement descriptivessont exclus du champ d’application de l’article 5, paragraphe 1 puisqu’ils ne portent atteinte àaucun des intérêts que cette disposition vise à protéger. Toutefois, dans l’affaire en cause,l’usage par les sociétés défenderesses des marques verbales dans les listes comparatives dontsont titulaires les sociétés demanderesses, poursuivait non pas un but purement descriptif maisun but publicitaire.

Les juges de Luxembourg estiment donc que la juridiction de renvoi devra apprécier, si l’usagequi est fait des marques est susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de celles-ci, tellesque notamment les fonctions de communication, d’investissement ou de publicité. En outre, dèslors que la juridiction de renvoi aura constaté que les marques en question jouissent d’unerenommée, leur usage dans les listes comparatives est susceptible d’être interdit en vertu del’article 5, paragraphe 2 de la directive 89/104/CEE, disposition qui est applicable même enl’absence d’un risque de préjudice pour la marque ou son titulaire, dès lors que le tiers tireindûment profit de l’usage de cette dernière.

Sur ce point, la Cour dit pour droit (point 65) : “L’article 5, paragraphe 1, sous a), de ladirective 89/104 doit être interprété en ce sens qu e le titulaire d’une marque enregistréeest habilité à faire interdire l’usage par un tiers , dans une publicité comparative qui nesatisfait pas à toutes les conditions de licéité én oncées à l’article 3 bis, paragraphe 1, dela directive 84/450, d’un signe identique à cette m arque pour des produits ou des servicesidentiques à ceux pour lesquels ladite marque a été enregistrée, même lorsque cet usagen’est pas susceptible de porter atteinte à la fonct ion essentielle de la marque, qui estd’indiquer la provenance des produits ou services, à condition que ledit usage porteatteinte ou soit susceptible de porter atteinte à l ’une des autres fonctions de la marque” .

- Sur les troisième et quatrième questions :

En substance, il s’agissait de savoir “si l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450 devaitêtre interprété en ce sens que, lorsqu’un annonceur indique, à l’aide d’une liste comparative etsans provoquer de confusion ni de tromperie, que son produit contient une caractéristiqueessentielle similaire à celle d’un produit commercialisé sous une marque notoirement connue,dont le produit de l’annonceur constitue une imitation, cet annonceur tire indûment profit de lanotoriété de ladite marque, au sens de cet article 3 bis, paragraphe 1, sous g), ou présente « unbien ou un service comme une imitation ou une reproduction » au sens dudit article 3 bis,paragraphe 1, sous h)” (point 66).

Les juges communautaires rappellent que cet article énumère les conditions cumulativesauxquelles une publicité comparative doit satisfaire afin de pouvoir être qualifiée de « licite ». Ilss’intéressent plus spécifiquement à l’utilisation de la marque d’un concurrent dans une publicitécomparative et rappellent à cet égard que l’article 3 bis, paragraphe 1er, de la directive84/450/CEE soumet une telle utilisation à quatre conditions spécifiques, énoncées aux d), e), g)

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et h) de cet article. Par conséquent, l’utilisation de la marque ne doit engendrer ni risque deconfusion, ni discrédit ou dénigrement de la marque. Elle ne doit pas tirer indûment profit de lanotoriété attachée à celle-ci, ni présenter un bien ou un service comme une imitation ou unereproduction du produit ou du service portant la marque. En outre, le point h) de l’article 3 bisparagraphe 1er de la directive 84/450/CEE consiste à interdire à l’annonceur de faire apparaître,dans la publicité comparative, le fait que le produit ou le service qu’il commercialise constitue uneimitation ou une reproduction du produit ou du service de marque. Or, la Cour de justice relèveque les listes comparatives dont il est question “ont pour but et pour effet d’indiquer au publicconcerné le parfum original dont les parfums commercialisés par Malaika et Starion sont censésconstituer une imitation” (point 76). Ces listes attestent donc du fait que ces parfums constituentdes imitations des parfums commercialisés par L’Oréal et les autres sociétés demanderesses.

Enfin, s’agissant de la notion de « profit indûment tiré » de la notoriété du concurrent, la Courconsidère que dès lors qu’une publicité comparative présente les produits de l’annonceur commeune imitation, celle-ci sera qualifiée par la directive 84/450/CEE de « publicité contraire à uneconcurrence loyale » et donc illicite. Le profit réalisé par l’annonceur grâce à une telle publicitédoit, par conséquent, être considéré comme indûment tiré de la notoriété attachée à cettemarque.

Sur les troisième et quatrième questions préjudicielles, la Cour dit pour droit (point 80) : “L’article3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450 doit êt re interprété en ce sens qu’un annonceurqui mentionne de manière explicite ou implicite, da ns une publicité comparative, que leproduit qu’il commercialise constitue une imitation d’un produit portant une marquenotoirement connue présente « un bien ou un service comme une imitation ou unereproduction », au sens de cet article 3 bis, parag raphe 1, sous h). Le profit réalisé parl’annonceur grâce à une telle publicité comparative illicite doit être considéré comme «indûment tiré » de la notoriété attachée à cette ma rque, au sens dudit article 3 bis,paragraphe 1, sous g)” .

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Generics (UK) Ltd

18 juin 2009- C-527/07-

« Demande de la décision préjudicielle - Directive 2001/83/CE - Médicaments à usage humain -Autorisation de mise sur le marché - Motifs de refus, Médicaments génériques, Notion de médicament

de référence »

T Faits :

La société Generics UK Ltd souhaitait obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) pourun médicament générique de la galantamine conformément à la directive 2001/83/CE instituantun code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. Cette demande s’effectuedans le cadre d’une procédure décentralisée conformément à l’article 28 de la directive, et leRoyaume-Uni est désigné comme l’Etat membre de référence. Des demandes simultanées ontégalement été introduites dans 17 autres Etats membres. Generics fondait également sa demande sur l’article 10 qui offre un régime dérogatoire pour lesdemandes d’AMM concernant un médicament générique. Ce régime s’appuie sur la notion de« médicament de référence » et dispense le demandeur d’AMM de fournir les résultats desessais précliniques et cliniques s’il peut démontrer que le médicament est un générique d’unmédicament de référence.

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En l’espèce, Generics prenait le Nivalin comme médicament de référence. Ce médicament avaitété autorisé en Autriche en 1963. Par ailleurs, Generics faisait également référence à l’AMMobtenue au Royaume-Uni en 2000 par Shire Pharmaceuticals Ltd pour le Reminyl, un autregénérique du Nivalin.La demande d’AMM présentée par Generics fut cependant rejetée par la Licensing Authority aumotif que le Nivalin ne pouvait être utilisé comme médicament de référence car le dossier de cemédicament n’avait pas été mis à jour pour satisfaire aux exigences de la réglementationcommunautaire devenue applicable depuis l’adhésion de l’Autriche à l’Union européenne. Deplus, la référence au Reminyl ne pouvait être retenue puisque la période de protection de dix ansvisée par la directive 2001/83/CE n’avait pas encore expiré.Generics introduisit un recours devant la High Court of Justice. Celle-ci décida d’interroger laCour de justice des communautés européennes.

T Question préjudicielle et droit communautaire en ca use :

La question posée est relative à la notion de « médicament de référence » telle que retenue àl’article 10 de la directive 2001/83/CE, notion qui est la base du régime dérogatoire de demanded’AMM d’un médicament générique.La Cour doit statuer sur le fait de savoir si le Nivalin, médicament autorisé en Autriche, peut êtreconsidéré comme un « médicament de référence » au sens de l’article 10 de la directive2001/83/CE alors que sa mise sur le marché n’a pas été autorisée conformément à la directive2001/83/CE. A titre subsidiaire, la juridiction de renvoi demande à la Cour de lui préciser les indications utilesafin de déterminer s’il y a une violation du droit communautaire suffisamment caractérisée du faitd’un rejet à tort de la demande d’AMM.

T Décision :

La Cour rappelle à titre liminaire que “l’obligation pour les demandeurs d’une AMM d’unmédicament de joindre à la demande le résultat des essais visés à l’article 8 paragraphe 3 sousi) de la directive 2001/83/CE a pour but de fournir la preuve de la sécurité et de l’efficacité d’unmédicament”. Le régime dérogatoire institué par l’article 10 de la directive “dispensant lesdemandeurs d’une AMM pour un médicament générique d’un médicament de référence déjàautorisé conformément à cette directive de fournir les résultats des essais” a pour but d’éviter larépétition d’essais sur l’homme ou les animaux.Cependant, comme le rappelle la directive “toute réglementation en matière de production et dedistribution de médicaments doit avoir pour objectif essentiel la sauvegarde de la santé publique”.Ainsi, l’interprétation de la notion de « médicament de référence » ne doit pas avoir pour effetd’assouplir les normes de sécurité dans la mise en œuvre de la procédure dérogatoire instituéeà l’article 10 de la directive 2001/83/CE (point 24).Afin que l’AMM soit délivrée au médicament générique sur la base de la procédure dérogatoire,tous les renseignements et documents relatifs au médicament de référence doivent rester à ladisposition de l’autorité compétente. Dans le cas contraire, “le respect des normes de sécuritéauxquelles doivent satisfaire les médicaments se trouverait [...] fortement compromis”.L’obligation pour le demandeur d’une AMM de fournir les résultats des essais, remplacée parcelle de démontrer que le médicament en cause est de nature analogue au médicament deréférence bénéficiant déjà de l’autorisation, doit alors être applicable lorsque l’autoritécompétente ne dispose pas de tous les documents et renseignements relatifs au médicamentde référence (point 27).Generics fait valoir qu’un médicament mis sur le marché d’un Etat membre depuis plusieursannées conformément à une autorisation délivrée sur le fondement des seules dispositionsnationales de cet Etat membre, applicables avant la transposition de la législation communautairedans cet Etat, doit être considéré comme un médicament de référence (point 28). Une telle

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interprétation lui permettrait ainsi de ne pas avoir à fournir les résultats des essais, mais,conformément à la procédure dérogatoire instaurée par l’article 10 de la directive 2001/83/CE,d’avoir seulement à prouver la nature analogue du médicament générique au médicament deréférence.

Pour la Cour cette interprétation n’est pas fondée car il ressort de la directive 2001/83/CE que“seuls peuvent être considérés comme des médicaments de référence ceux bénéficiant d’uneAMM délivrée conformément à cette directive” (point 30). Autrement dit, le médicament deréférence doit avoir été autorisé sur le fondement du droit communautaire en vigueur à l’époquede la demande d’AMM pour le médicament de référence pour pouvoir être utilisé dans le cadrede la procédure dérogatoire de l’article 10 de la directive 2001/83/CE. De plus, pour les médicaments pour lesquels l’AMM a été demandée avant l’entrée en vigueurde ladite directive, le demandeur doit rapporter la preuve “que le médicament de référence a étéautorisé sur le fondement du droit communautaire en vigueur à l’époque de la demande d’AMMpour le médicament de référence” afin de bénéficier de la procédure abrégée (point 30).

Les juges communautaires retiennent également que “toute autre interprétation de la directiveirait à l’encontre non seulement des exigences de sécurité et d’efficacité des médicaments, etpartant, de l’objectif de sauvegarde de la santé publique, mais également de la finalité [...] de ladirective 2001/83/CE qui est de procéder au rapprochement des législations nationales” (point31).

Ainsi, considérer comme un médicament de référence un médicament ayant fait l’objet d’uneautorisation délivrée sur la base de dispositions exclusivement nationales, applicables avant latransposition des directives en cause “reviendrait en réalité à autoriser une dérogation à la règle,prévue notamment à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83, selon laquelle unmédicament qui n’a pas été autorisé conformément au droit communautaire ne peut pas être missur le marché d’un État membre” (point 32).Aussi, “pour qu’un médicament puisse être considéré comme un médicament de référence, ildoit, préalablement à sa mise sur le marché, avoir été autorisé conformément au droitcommunautaire” (point 33).

En l’espèce, le Nivalin, médicament de référence pour Generics, n’a jamais fait l’objet d’unedemande d’AMM en bonne et due forme conformément à l’article 8 de la directive 2001/83/CEqui précise que des documents et des renseignements doivent être joints à la demande. De plus,aucune demande d’AMM n’a été présentée pour ce produit, conformément à la législationcommunautaire applicable après l’entrée en vigueur de la directive 2001/83/CE.

Dès lors, la Cour constate que “la mise sur le marché autrichien du Nivalin n’a été autorisée qu’enapplication de la législation en vigueur en Autriche à la date de l’octroi de l’autorisation, à savoiren 1963, cette autorisation n’ayant jamais été mise à jour conformément au droit communautaireà la suite de l’adhésion de l’Autriche à l’EEE, puis à l’Union” (point 36).

Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “Un médicament, tel que le Nivalinen cause au principal, ne relevant pas du règlement (CE) n//// 726/2004 du Parlementeuropéen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissan t des procédures communautairespour l’autorisation et la surveillance en ce qui co ncerne les médicaments à usage humainet à usage vétérinaire, et instituant une Agence eu ropéenne des médicaments, et dont lamise sur le marché d’un État membre n’a pas été aut orisée conformément au droitcommunautaire applicable, ne peut pas être considér é comme un médicament deréférence au sens de l’article 10, paragraphe 2, so us a), de la directive 2001/83/CE duParlement européen et du Conseil, du 6 novembre 200 1, instituant un code communautaire

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166 Exécutif communal.

167 JO L 281, p.31.

168 Article 12 « Droit d’accès », sous a), directive 94/46/CE.

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relatif aux médicaments à usage humain, telle que m odifiée par la directive 2004/27/CE duParlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004” .

Compte tenu de cette réponse, les juges de Luxembourg n’estiment pas nécessaire de seprononcer sur la question posée à titre subsidiaire.

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College van burgemeester en wethouders van Rottreda m c/ M.E.E. Rijkeboer

7 mai 2009- C-553/07-

« Protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel -Directive 95/46/CE - Protection de la vie privée - Effacement des données - Droit d’accès aux données

et à l’information sur les destinataires des données - Délai d’exercice du droit d’accès »

T Faits :

Le litige en cause opposait M. Rijkeboer au Collège des bourgmestres et échevins 166 deRotterdam. Le requérant contestait le refus partiel du Collège de lui donner accès auxinformations sur la communication à des tiers de ses données personnelles au cours des deuxannées précédant sa demande.En effet, par deux décisions rendues en 2005, le Collège ne lui avait transmis que l’informationrelative à la période d’un an précédant sa demande, et ce en application de l’article 103,paragraphe 1 de la loi nationale transposant la directive 95/46/CE, 167 les données demandéespar le requérant antérieurement à l’année de sa demande ayant été effacées.Le requérant contesta ces décisions. La juridiction de première instance lui donna raison. LeCollège interjeta appel devant le Raad van State. Après avoir relevé que l’article 12 de la directiverelative au droit d’accès aux données ne fixe aucun délai dans lequel ce droit doit pouvoir êtreexercé, la juridiction d’appel indiqua avoir des doutes sur le point de savoir si cet article interditau législateur de limiter dans le temps le droit de la personne concernée à être informée desdestinataires auxquels ses données de caractère personnel ont été communiquées. Dans cesconditions, le Raad van State décida de surseoir a statuer et de poser à la Cour de justice unequestion préjudicielle.

T Question préjudicielle et droit communautaire appli cable :

La demande préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 12, sous a), de la directive 95/46/CEdu Parlement européen et du Conseil, en date du 24 octobre 1995, relative à la protection despersonnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la librecirculation de ces données.

L’article 12 dispose 168 : « Les États membres garantissent à toute personne concernée le droit d’obtenir du responsabledu traitement :

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169 CJCE, Österreischischer Rundfunk e.a. , du 20 mai 2003, C-465/00 et C-139/01et CJCE, Lindqvist , du 6 novembre 2003,C-101/01, Rec. p. I-12971.

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a) sans contrainte, à des intervalles raisonnables et sans délais ou frais excessifs :- la confirmation que des données la concernant sont ou ne sont pas traitées, ainsique des informations portant au moins sur les finalités du traitement, lescatégories de données sur lesquelles il porte et les destinataires ou les catégoriesde destinataires auxquels les données sont communiquées,- la communication, sous une forme intelligible, des données faisant l’objet destraitements, ainsi que de toute information disponible sur l’origine des données,- la connaissance de la logique qui sous-tend tout traitement automatisé desdonnées la concernant, au moins dans le cas des décisions automatisées viséesà l’article 15, paragraphe 1; (...) »

La Cour de justice fait également référence à l’article 6 de la directive qui énonce les principesrelatifs à la qualité de « données » et aux modalités de leur conservation. Le paragraphe 1, sous e), dispose que :

« les États membres prévoient que les données à caractère personnel doivent être “conservéessous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une duréen’excédant pas celle nécessaire à la réalisation des finalités pour lesquelles elles sont collectéesou pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement. Les États membres prévoient des garantiesappropriées pour les données à caractère personnel qui sont conservées au-delà de cette période,à des fins historiques, statistiques ou scientifiques” ».

La question préjudicielle posée à la Cour de justice par la juridiction de renvoi est la suivante :« La limitation, prévue par la loi, de la communication des données à l’année précédant la demandeconcernée est-elle compatible avec l’article 12, [...] sous a), de la [directive], lue ou non en liaisonavec l’article 6, paragraphe 1, sous e), de cette directive et avec le principe de proportionnalité ?»

T Décision :

La Cour indique qu’en substance, la juridiction de renvoi cherche “à déterminer si, selon ladirective, en particulier son article 12, sous a), le droit d’accès d’une personne à l’information surles destinataires ou les catégories de destinataires de données à caractère personnel laconcernant ainsi que sur le contenu des données communiquées peut être limité à la périoded’un an précédant sa demande d’accès” (point 31).

Elle explique que “pour apprécier la portée du droit d’accès que la directive doit rendre possible,il convient, d’abord, de déterminer les données auxquelles se rapporte le droit d’accès et de seréférer, ensuite, à la finalité de l’article 12, sous a), de la directive examinée à la lumière desobjectifs de cette dernière” (point 40).

En l’espèce, les juges de Luxembourg relèvent que deux catégories de données sontconcernées : d’une part, des données à caractère privé détenues par la commune sur unepersonne - celles-ci “constituent des « données à caractère personnel » au sens de l’article 2,sous a) de la directive puisqu’il s’agit d’informations concernant une personne physique ouidentifiable” 169 (Point 42) et d’autre part, de “l’information sur les destinataires ou les catégoriesde destinataires auxquels ces données de base sont communiquées ainsi que sur le contenu deces dernières” (point 43).

La Cour note à cet égard que, conformément à la législation nationale en cause, l’information enquestion n’est conservée qu’un an. Elle estime que “La limitation dans le temps du droit d’accèsà l’information sur le ou les destinataires des données à caractère personnel ainsi que sur le

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170 Deuxième et dixième considérants de la directive 95/46/CE, arrêts précités sous note précédante.

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contenu des données transmises, qui est visée dans l’affaire au principal, concerne ainsi cetteseconde catégorie de données” (point 44).

Rappelant l’importance de la protection de la vie privée,170 les juges communautaires rappellentque “les principes de cette protection doivent trouver leur expression, d’une part, dans lesobligations mises à la charge de ceux qui traitent des données, ces obligations concernantnotamment, la qualité des données - objet de l’article 6 de la directive - et d’autre part, dans lesdroits conférés aux personnes dont les données font l’objet d’un traitement d’être informées surcelui-ci, de pouvoir accéder à ces données, de pouvoir demander leur rectification, voire des’opposer à leur traitement dans certaines circonstances” (point 48).Ils affirment ensuite que “Ce droit au respect de la vie privée implique que la personne concernéepuisse s’assurer que ses données à caractère personnel sont traitées de manière exacte et licite,c’est-à-dire, en particulier, que les données de base la concernant sont exactes et qu’elles sontadressées à des destinataires autorisés”. (point 49).

Puis, la Cour précise que le droit d’accès prévu par l’article 12, sous a), est nécessaire pourpermettre à la personne concernée d’exercer les droits résultant de la directive et notamment sondroit d’opposition, ou encore le droit au recours en cas de dommage. Concernant le droit d’accès à l’information sur les destinataires et au contenu des données, ellenote que la directive ne précise pas si ce droit concerne le passé. Cependant, elle estime quepour assurer l’effet utile de ces dispositions, le droit d’accès doit nécessairement concerner lepassé. En effet, à défaut, “la personne intéressée ne serait pas en mesure d’exercer de manièreefficace son droit de faire rectifier, effacer ou verrouiller les données présumées illicites ouincorrectes ainsi que d’introduire un recours juridictionnel et d’obtenir réparation du préjudicesubi” ( point 54).

Ensuite, les juges de Luxembourg s’interrogent sur l’étendue de ce droit dans le passé. La Courrappelle avoir déjà jugé que les dispositions de la directive sont générales et qu’elles sontcaractérisées par une certaine souplesse, offrant ainsi une marge de manœuvre aux Etats envue de leur transposition, marge de manœuvre qui n’est toutefois pas illimitée.Elle indique que l’établissement d’un délai relatif au droit d’accès à l’information sur lesdestinataires ou les catégories de destinataires et le contenu des données communiquées doitpermettre à la personne concernée d’exercer les droits prévus par la directive. Elle relèveégalement que la durée de conservation des données de base peut constituer un paramètre utilequi n’est cependant pas déterminant car, en fonction des finalités pour lesquelles les donnéessont collectées ou ultérieurement traitées, cette durée peut être différente. Sur ce point, la Cour précise que “si, par exemple, les destinataires de telles données sontnombreux ou la fréquence de communications à un nombre plus restreints de destinataires estélevée, l’obligation de conserver aussi longtemps l’information sur les destinataires ou lescatégories de destinataires ainsi que sur le contenu des données communiquées pourraitreprésenter une charge excessive pour le responsable du traitement” (point 59). Or, pour lesjuges européens, “la directive n’exige pas des Etats-membres qu’ils imposent de telles chargesau responsable du traitement” (point 60). Ils relèvent que “l’article 12, sous C), de la directiveprévoit expressément une réserve à l’obligation de ce dernier de notifier aux tiers auxquels lesdonnées ont été communiquées les rectifications, effacements ou verrouillages, a savoir lorsquecela s’avère impossible ou suppose un effort disproportionné” (point 61).

La Cour évoque enfin le caractère disproportionné que certaines mesures pourraient revêtir enrelevant que “S’agissant de l’obligation d’informer la personne concernée, le quatrièmeconsidérant de la directive énonce que le nombre des personnes concernées ainsi que

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l’ancienneté des données peuvent être prises en compte. Par ailleurs, selon l’article 17 de ladirective relative à la sécurité des traitements, les Etats membres prévoient que le responsabledu traitement doit mettre en œuvre des mesures techniques et d’organisation destinées à assurerun niveau de sécurité approprié au regard des risques présentés par le traitement et de la naturedes données à protéger” (point 62).

La Cour dit pour droit (dispositif) : “L’article 12, sous a), de la directive 95/46/CE du Parlementeuropéen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relativ e à la protection des personnesphysiques à l’égard du traitement des données à car actère personnel et à la librecirculation de ces données, impose aux États membre s de prévoir un droit d’accès àl’information sur les destinataires ou les catégori es de destinataires des données ainsiqu’au contenu de l’information communiquée non seul ement pour le présent, mais aussipour le passé . Il appartient aux États membres de fixer un délai de conservation de cetteinformation ainsi qu’un accès corrélatif à celle-ci qui constituent un juste équilibre entre,d’une part, l’intérêt de la personne concernée à pr otéger sa vie privée, notamment aumoyen des voies d’intervention et de recours prévus par la directive 95/46, et, d’autre part,la charge que l’obligation de conserver cette infor mation représente pour le responsabledu traitement.

Une réglementation limitant la conservation de l’in formation sur les destinataires ou lescatégories de destinataires des données et le conte nu des données transmises à unedurée d’un an et limitant corrélativement l’accès à cette information, alors que les donnéesde base sont conservées beaucoup plus longtemps, ne saurait constituer un justeéquilibre des intérêt et obligation en cause , à moins qu’il ne soit démontré qu’uneconservation plus longue de cette information const ituerait une charge excessive pour leresponsable du traitement. Il appartient à la jurid iction nationale d’effectuer lesvérifications nécessaires” .

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AFFAIRES COMMUNAUTAIRES

A SUIVRE :

CONCLUSIONS DES AVOCATS GÉNÉRAUX

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ESPACE DE LIBERTÉ, SÉCURITÉ ET JUSTICE

María Julia Zurita García c/ Delegación del Gobiern o en Murciaet Aurelio Choque Cabrera c/ Delegación del Gobiern o en Murcia

Conclusions de l’avocat général Mme Julia Kokottprésentées le 19 mai 2009

- C-261/08 et C-348-08 -

« Acquis Schengen - Règlement (CE) n/ 562/2006 - Code frontières Schengen - Conventiond’application de l’accord de Schengen -Droit de séjour - Expulsion - Remplacement par une amende »

T Faits :

Julia Zurita Garcia et Aurelio Choque Cabrera sont deux ressortissants boliviens qui séjournaientde manière irrégulière en Espagne. A la suite à ce constat d’irrégularité, le représentant dugouvernement dans la région de Murcie a prononcé, le 15 novembre 2006, l’expulsion duterritoire espagnol de Madame Garcia ainsi qu’une interdiction d’entrée dans l’espace Schengenpour une durée de 5 ans. La même décision a été adoptée à l’encontre de Monsieur Cabrera le30 juillet 2007.Les recours introduits contre ces deux décisions ont été rejetés en première instance. Lesintéressés ont interjeté appel. Les procédures sont pendantes devant le Tribunal superior dejusticia de Murcie. L’article 53 de la loi organique espagnole prévoit que les séjours irréguliers de personnesressortissant d’un pays tiers seront sanctionnés d’une amende. Selon l’article 57 de la même loi,lorsque le comportement en cause peut-être qualifié de très grave, cette amende peut êtreremplacée par le prononcé d’une expulsion. La juridiction de renvoi demande à la Cour si detelles dispositions sont conformes au droit communautaire.

T Droit communautaire et question préjudicielle :

Le droit applicable est énoncé à l’article 62, point 1 et point 2, sous a) du Traité instituant laCommunauté européenne, ainsi que par le règlement (CE) n/ 562/2006 du Parlement européenet du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime defranchissement des frontières par les personnes, (« Code des frontières Schengen ») et enparticulier les articles 5, 11 et 13.

Pour les deux procédures en cours, la juridiction nationale pose à la Cour de justice la questionsuivante :

« Les dispositions du traité instituant la Communauté européenne, en particulier son article 62,point 1 et point 2, sous a), et celles du règlement (CE) n/ 562/2006 du Parlement européen et duConseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissementdes frontières par les personnes (code frontières Schengen), en particulier ses articles 5, 11 et 13,doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation comme laréglementation nationale, avec la jurisprudence qui l’interprète, en vertu de laquelle l’expulsion detout “ressortissant d’un pays tiers” non muni d’un titre autorisant l’entrée et le séjour sur le territoirede l’Union européenne peut être remplacée par l’imposition d’une amende ? »

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T Conclusions de l’avocat général :

Selon l’avocat général, il convient de répondre à la question posée de manière suivante :

“1) L’article 6 ter, paragraphe 3, de la conventio n d’application de l’accord de Schengenet la disposition identique de l’article 11, paragr aphe 3, du règlement (CE) n //// 562/2006 duParlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 ét ablissant un code communautairerelatif au régime de franchissement des frontières par les personnes n’oblige pasd’expulser des ressortissants de pays tiers en rais on de la présomption de l’absence deréunion des conditions de séjour prévue à l’article 6 ter, paragraphe 1, de la conventiond’application de l’accord de Schengen et/ou de l’ar ticle 11, paragraphe 1, du règlement.

2) L’article 23, paragraphe 3, de la convention d’a pplication de l’accord de Schengen nes’oppose pas à des règles de droit interne telle qu ’en l’espèce selon lesquelles l’expulsiond’un ressortissant d’un pays tiers qui séjourne sur le territoire de l’Union européenne sansdocument l’autorisant à entrer et/ou à séjourner pe ut être remplacée par l’imposition d’uneamende.”

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LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES

Nicolas Bressol e. a. et Céline Chaverot e. a. c/ l e Gouvernement de laCommunauté française

Conclusions de l’Avocat général Mme Eleanor Sharpston, présentées le 25 juin 2009

- C-73/08 -

« Enseignement supérieur - Santé publique - Numerus clausus - Condition de résidence - Égalité detraitement - Principe de non discrimination - Justifications »

T Faits :

Le litige se plaçait dans le contexte du nombre grandissant d’étudiants français s’inscrivant dansles universités francophones belges afin d’y poursuivre des études de vétérinaires ou dekinésithérapeutes. En France, l’admission aux écoles vétérinaires se fait par concours ouvert aux seuls étudiantsayant suivi deux années de cours préparatoires, tandis que pour les étudiants souhaitants’inscrire en kinésithérapie, un numerus clausus est instauré. Dès lors, un très grand nombred’étudiants français ont fait le choix de venir étudier en Belgique, où l’accès à ces filières estrendu moins difficile. Face à une telle situation, où le nombre d’étudiants étrangers étaient devenus supérieurs aunombre d’étudiants belges dans ces cursus, le Parlement de la Communauté française enBelgique adopta, le 16 juin 2006, un décret ayant pour objet d’établir un numerus clausus pourl’inscription de non résidents dans ces filières universitaires. Il était prévu qu’une université ouune haute école ne pouvait admettre qu’un nombre limité d’étudiants non résidents, nombre fixépour chaque cursus dans chaque établissement, pour l’année académique 2006/2007, à 30 %du nombre total des étudiants inscrits pour la première fois dans l’établissement pour les cursusconcernés. Ce décret définissait en outre les « résidents », échappant au numerus clausus, parune double condition : ils devaient avoir à la fois leur résidence principale en Belgique et avoirle droit d’y séjourner de manière permanente. Enfin, les candidats non résidents ne pouvaientdemander leur inscription que pendant les trois jours ouvrables précédant le 2 septembre ; si leurnombre dépassait le numerus clausus fixé, le tri s’effectuait par tirage au sort. La Cour constitutionnelle de Belgique fut saisie par de nombreux requérants d’un recours enannulation de ce décret. Ils contestaient en effet la différence de traitement prévue par le décretentre résidents et non résidents en ce qui concerne l’accès aux cursus en question.S’interrogeant sur la compatibilité de ce décret avec les dispositions du Traité CE relatives à lalibre circulation des personnes, la juridiction constitutionnelle décida alors de surseoir à statueret d’interroger la Cour de Luxembourg.

T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :

Les questions préjudicielles portent sur l’article 12, alinéa premier, CE et l’article 18, paragraphe1, CE, pris en combinaison avec l’article 149, paragraphe 1, l’article 149, paragraphe 2, deuxièmetiret et l’article 150, paragraphe 2, troisième tiret, CE.

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L’article 12, premier alinéa, CE dispose :« Dans le domaine d’application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulièresqu’il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité. »

L’article 18, paragraphe 1, CE dispose :« Tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Étatsmembres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par lesdispositions prises pour son application ».

L’article 149, paragraphe 1 et paragraphe 2, deuxième tiret, CE énonce :« 1. La Communauté contribue au développement d’une éducation de qualité en encourageant lacoopération entre États membres et, si nécessaire, en appuyant et en complétant leur action touten respectant pleinement la responsabilité des États membres pour le contenu de l’enseignementet l’organisation du système éducatif ainsi que leur diversité culturelle et linguistique.2. L’action de la Communauté vise :

[...]- à favoriser la mobilité des étudiants et des enseignants, y compris en encourageant lareconnaissance académique des diplômes et des périodes d’études ».

L’article 150, paragraphe 2, troisième tiret, CE dispose :« L’action de la Communauté vise :

[...]- à faciliter l’accès à la formation professionnelle et à favoriser la mobilité des formateurset des personnes en formation, et notamment des jeunes ».

La Cour constitutionnelle de Belgique demande à la Cour de justice de répondre aux questionspréjudicielles suivantes :

« 1. Les articles 12, premier alinéa, et 18, paragraphe l, [CE], lus en combinaison avecl’article 149, paragraphes 1 et 2, deuxième tiret, et avec l’article 150, paragraphe 2,troisième tiret, [CE] doivent-ils être interprétés en ce sens que ces dispositions s’opposentà ce qu’une communauté autonome d’un État membre compétente pour l’enseignementsupérieur, qui est confrontée à un afflux d’étudiants d’un État membre voisin dansplusieurs formations à caractère médical financées principalement par des denierspublics, à la suite d’une politique restrictive menée dans cet État voisin, prenne desmesures telles que celles inscrites dans le [Décret du 16 juin 2006], lorsque cetteCommunauté invoque des raisons valables pour affirmer que cette situation risque depeser excessivement sur les finances publiques et d’hypothéquer la qualité del’enseignement dispensé ?2. En va-t-il autrement, pour répondre à la question mentionnée sub 1, si cetteCommunauté démontre que cette situation a pour effet que trop peu d’étudiants résidantdans cette Communauté obtiennent leur diplôme pour qu’il y ait durablement ensuffisance du personnel médical qualifié afin de garantir la qualité du régime de santépublique au sein de cette Communauté ?3. En va-t-il autrement, pour répondre à la question mentionnée sub 1, si cetteCommunauté, compte tenu de l’article 149, premier alinéa, in fine, [CE] et de l’article 13.2,c), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui contientune obligation de standstill, opte pour le maintien d’un accès large et démocratique à unenseignement supérieur de qualité pour la population de cette Communauté ? ».

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T Conclusions :

L’Avocat général propose de répondre aux questions préjudicielles de la manière suivante :

- Concernant la première et la deuxième questions :

“Les articles 12, premier alinéa, CE et 18, paragra phe l, CE, lus en combinaison avecl’article 149, paragraphes 1 et 2, deuxième tiret, CE et avec l’article 150, paragraphe 2,troisième tiret, CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à des mesurescomme celles contenues dans le Décret régulant le n ombre d’étudiants dans certainscursus de premier cycle de l’enseignement supérieur , adopté par la Communautéfrançaise de Belgique” .

- Concernant la troisième question :

“La réponse aux deux premières questions n’est pas affectée par la prise en compte del’article 149, premier alinéa, in fine, CE et de l’ article 13.2, c), du Pacte international relatifaux droits économiques, sociaux et culturels”.

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POLITIQUE SOCIALE

C.Meerts c. Proost NV

Conclusions de l’Avocat général Mme Juliane Kokott présentées le 14 mai 2009

- C-116/08 -

« Congé parental - Résiliation des relations de travail par l’employeur - Indemnité compensatoire depréavis - Congé parental - Directive 96/34/CE »

T Faits :

Mme Meerts, employée depuis 1992 de la société Proost, réduisit de moitié son temps de travailau titre d’un congé parental entre le 18 novembre 2002 et le 17 mai 2003. Le 8 mai 2003, soitneuf jours avant la fin de son congé parental, elle fit l’objet d’un licenciement sans préavis pourmotifs économiques. Le litige l’opposait à son ancien employeur, en raison du calcul du montantde l’indemnité compensatoire. Elle avait en effet perçu une indemnité compensatoire calculéesur la rémunération à taux partiel qui lui était versée durant son congé parental. Or Mme Meertsestimait que cette indemnité aurait du être calculée sur la rémunération à taux plein qu’ellepercevait avant de prendre son congé parental, rémunération qu’elle aurait dû percevoir au termede celui-ci. Après avoir vu sa demande d’indemnité compensatoire de préavis plus élevée rejetée parl’Arbeidsrechtbank (tribunal du travail) puis, en appel par l’Arbeidshof (cour du travail)d’Antwerpenk, elle se pourvut en cassation. La Cour de cassation belge décida alors de surseoirà statuer et de poser une question préjudicielle à la Cour de justice.

T Question préjudicielle et droit communautaire en ca use :

La question préjudicielle porte sur l’interprétation de la clause 2 de la directive 96/34/CE duConseil, du 3 juin 1996, concernant l’accord-cadre sur le congé parental conclu par l’UNICE, laCEEP et la CES.

La clause 2 de l’accord-cadre sur le congé parental dispose en ses points 1, 4, 5, 6 et 7 :« 1. En vertu du présent accord, sous réserve de la clause 2.2, un droit individuel à un congéparental est accordé aux travailleurs, hommes et femmes, en raison de la naissance ou del’adoption d’un enfant, pour pouvoir s’occuper de cet enfant pendant au moins trois mois jusqu’àun âge déterminé pouvant aller jusqu’à huit ans, à définir par les États membres et/ou lespartenaires sociaux. »[...]4. Afin d’assurer que les travailleurs puissent exercer leur droit au congé parental, les Étatsmembres et/ou les partenaires sociaux prennent les mesures nécessaires pour protéger lestravailleurs contre le licenciement en raison de la demande ou de la prise de congé parental,conformément à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques nationales. 5. A l’issue du congé parental, le travailleur a le droit de retrouver son poste de travail ou, en casd’impossibilité, un travail équivalent ou similaire conforme à son contrat ou à sa relation de travail.6. Les droits acquis ou en cours d’acquisition par le travailleur à la date du début du congé parentalsont maintenus dans leur état jusqu’à la fin du congé parental. À l’issue du congé parental, cesdroits, y compris les changements provenant de la législation, de conventions collectives ou de lapratique nationale, s’appliquent.

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7. Les États membres et/ou les partenaires sociaux définissent le régime du contrat ou de larelation de travail pour la période du congé parental »

La Cour de Justice devra répondre à la question suivante : « Les dispositions des points 4, 5, 6 et 7, de la clause 2 de l’accord cadre sur le congé parentalconclu par les organisations interprofessionnelles à vocation générale UNICE, CEEP et CES etfigurant dans l’annexe de la directive 96/34/CE du Conseil, du 3 juin 1996, concernantl’accord-cadre sur le congé parental conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES, doivent-elles êtreinterprétées en ce sens que, en cas de résiliation unilatérale du contrat de travail par l’employeurpendant le régime de réduction des prestations de travail, sans motif grave ou sans respect dudélai légal de préavis, l’indemnité de licenciement due au travailleur doit être déterminée sur labase de la rémunération de base en la calculant comme si le travailleur n’avait pas réduit sesprestations de travail pour bénéficier du congé parental sous cette forme au sens du point 3, sousa), de la clause 1 de l’accord cadre ? »

T Conclusions :

L’Avocat général propose de répondre à la question préjudicielle de la manière suivante :

“Le point 6 de la clause 2 de l’accord cadre sur le congé parental annexé à la directive96/34/CE du Conseil, du 3 juin 1996, doit être inte rprété en ce sens que, en cas derésiliation unilatérale du contrat de travail par l ’employeur sans motif grave ou sansrespect du délai légal de préavis, à un moment où l e travailleur bénéficie d’un régime deréduction du temps de travail, l’indemnité de licen ciement due au travailleur se déterminesur la base de la rémunération de base en la calcul ant comme si le travailleur n’avait pasréduit le volume de ses prestations de travail au t itre d’un congé parental” . (point 63).

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TRANSPORT

Bogiatzi

Conclusions de l’Avocat général Jan Mazak,présentées le 25 juin 2009

- C-301/08 -

« Règlement n/ 2027/97 - Article 29 de la convention de Varsovie - Responsabilité d’un transporteuraérien de la Communauté pour un préjudice subi par un passager à la suite d’un accident - Délai pourl’introduction d”une action en indemnisation du préjudice subi - Convention internationale conclue parles Etats membre - Compétence de la Cour de justice pour l’interpréter, en vertu de l’article 234 CE,

l’article 29 de la convention de Varsovie - Incidence d’un règlement communautaire sur une conventioninternationale - Article 307 CE »

T Faits :

Le 21 décembre 1998, alors qu’elle s’apprêtait à embarquer dans un avion de la compagnieLuxair, Mme Bogiatzi fut victime d’une chute sur le tarmac de l’aéroport de Luxembourg.Le 22 décembre 2003 elle assigna la compagnie Luxair et Deutscher Luftpool, assureur deLuxair, devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg afin d’obtenir réparation, parcondamnation solidaire, de son préjudice subi. Elle fondait sa demande sur le règlementn/ 2027/97/CE, ainsi que sur la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929.Le tribunal rejeta sa demande au motif qu’elle avait été introduite cinq ans après l’accident, etdonc après l’expiration du délai de deux ans prévu à l’article 29 de la Convention de Varsoviepour intenter une action en responsabilité. Le tribunal jugea également que ce délai était un délaipréfix, non susceptible de suspension ou d’interruption.La cour d’appel de Luxembourg confirma le jugement du tribunal de Luxembourg et Mme Bogiatziforma un pourvoi devant la Cour de cassation en soulevant un certains nombre de moyens tirésnotamment de la violation du règlement n/ 2027/97/CE. La requérante conteste en effet l’application à une situation régie par ledit règlement du délai derecours de deux ans en vertu de la Convention de Varsovie. C’est dans ce cadre que la Cour decassation a décidé de poser à la Cour de justice trois questions préjudicielles.

T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :

- L’article 29 de la Convention de Varsovie dispose que :« 1. L’action en responsabilité doit être intentée, sous peine de déchéance, dans le délai de deuxans à compter de l’arrivée à destination ou du jour où l’aéronef aurait dû arriver, ou de l’arrêt dutransport.2. Le mode de calcul du délai est déterminé par la loi du tribunal saisi ».

- La convention de Montréal du 28 mai 1999 visant à moderniser la convention de Varsovie, àlaquelle aussi bien la Communauté que les 27 Etats membres sont parties dispose à son article35 que le délai de recours est identique à celui de l’article 29 de la convention de Varsovie.

- Le règlement n/ 2027/97/CE relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en casd’accident dispose dans son article 2 que :« Les notions contenues dans le présent règlement qui ne sont pas définies au paragraphe 1 sontéquivalentes à celles utilisées dans la convention de Varsovie.»

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Son article 5 dispose que :«1. Avec toute diligence nécessaire et, en tout état de cause, au plus tard quinze jours après quela personne physique ayant droit à indemnisation a été identifiée, le transporteur aérien de laCommunauté verse à cette personne une avance lui permettant de faire face à ses besoinsimmédiats, en proportion du préjudice matériel subi.[…]3. Le versement d’une avance ne constitue pas une reconnaissance de responsabilité et l’avancepeut être déduite de toute somme payée ultérieurement en fonction de la responsabilité dutransporteur aérien de la Communauté; elle n’est pas remboursable, sauf dans les cas visés àl’article 3 paragraphe 3 ou lorsqu’il est prouvé par la suite que la faute de la personne à laquellel’avance a été versée constitue le fait générateur du dommage ou y a concouru ou que cettepersonne n’avait pas droit à indemnisation. »

La juridiction de renvoi pose les questions préjudicielles suivantes à la Cour de justice :« 1. La Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérieninternational signée à Varsovie le 12 octobre 1929, telle que modifiée à La Haye le 28septembre 1955, à laquelle se réfère le règlement (CE) n/ 2027/97, fait-elle partie desnormes de l’ordre juridique communautaire que la Cour de justice a compétenced’interpréter au titre de l’article 234 CE ? 2. Est-ce que le règlement (CE) n/ 2027/97 du Conseil, du 9 octobre 1997, relatif à laresponsabilité du transporteur aérien en cas d’accident, dans sa version applicable àl’époque de l’accident, à savoir le 21 décembre 1998, doit être interprété en ce sens que,pour les questions non expressément réglées, les dispositions de la Convention deVarsovie, en l’occurrence l’article 29, continuent à s’appliquer à un vol entre Étatsmembres de la Communauté ?3. En cas de réponse affirmative à la première et à la deuxième question, l’article 29 dela Convention de Varsovie, en relation avec le règlement (CE) n/ 2027/97, est-il àinterpréter en ce sens que le délai de deux ans y prévu peut être suspendu ou interrompuou que le transporteur ou son assureur peuvent y renoncer, par un acte considéré par lejuge national comme valant reconnaissance de responsabilité ? »

T Conclusions :

L’Avocat général Jan Mazak propose de répondre aux questions préjudicielles de la manièresuivante :“L’article 29 de la Convention pour l’unification d e certaines règles relatives au transportaérien international, signée à Varsovie le 12 octob re 1929, ne fait pas partie des normesde droit communautaire que la Cour a la compétence d’interpréter au titre de l’article 234CE.Le règlement n //// 2027/97 relatif à la responsabilité des transporte urs aériens en casd’accident ne doit pas, en ce qui concerne les déla is dans lesquels doivent être formés lesrecours en indemnisation en cas de préjudice subi d ans le cadre d’un vol entre Étatsmembres régi par ce règlement, être interprété en c e sens qu’il empêcherait le jugenational de faire application du délai prévu à l’ar ticle 29 de la convention de Varsovie,étant entendu que ce délai doit être conforme aux p rincipes de droit communautaired’effectivité et d’équivalence.”

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171 La Cour de justice n’a pas indiqué à quel domaine appartient cette affaire.

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AUTRE DOMAINE 171

Intercontainer Interfrigo SC (ICF)

Conclusions de l’Avocat général Yves Bot,présentées le 19 mai 2009

- C-133/08 -

« Convention de Rome du 19 juin 1980 - Loi applicable aux obligations contractuelles à défaut de choixpar les parties - Contrat de transport de marchandises - Critère de rattachement »

T Faits :

Intercontainer Interfrigo (ICF) est une société Belge. Dans le cadre d’un projet de liaisonferroviaire portant sur le transport de marchandises entre Amsterdam et Francfort, elle mit deswagons à la disposition de Balkenende, pour le compte de MIC, deux sociétés néerlandaises.Afin d’assurer le transport, ICF acheta les locomotives et les services nécessaires. MIC loua àdes tiers les capacités de chargement ; elle devait veiller à la partie opérationnelle du transport.Aucun contrat écrit ne fut conclu entre les parties. Seul un projet de contrat fut envoyé par ICFdésignant le droit belge comme loi applicable, mais celui-ci ne fut pas signé par les parties. Les accords furent exécutés entre le 20 octobre et le 13 novembre 1998 et entre le 16 novembreet le 21 décembre 1998.La société ICF envoya deux factures à ses cocontractants correspondant aux deux périodesd’exécution mais n’ayant pas été réglée de sa première facture, elle somma MIC de s’ acquitterde son montant. En vain.ICF forma un recours devant le Rechtbank te Haarlem, juridiction néerlandaise, afin d’enjoindreMIC et Balkenende de payer la facture tout en soutenant que la loi belge était applicable.Cependant, la juridiction néerlandaise conclut que le droit néerlandais était applicable au contrat.Les créances d’ICF étant prescrites selon ce droit, elle déclara le recours irrecevable.ICF interjeta appel mais la cour d’appel confirma le jugement du Rechtbank te Haarlem et rejetala thèse d’ICF selon laquelle les parties avaient choisi le droit belge comme loi applicable. Pourla cour d’appel, bien que le contrat ait été envoyé à MIC et Balkenende, celui-ci n’avait pas étésigné. En défense, ICF invoqua la Convention de Rome de 1980 et notamment l’application deson article 4 paragraphe 2. Pour la juridiction d’appel, le contrat devait être considéré commeconcernant le transport de marchandises, au sens de la convention. De plus, ce dernier était plusétroitement lié aux Pays-Bas qu’à la Belgique de sorte que la présomption de l’article 4paragraphe 2 de la convention ne pouvait s’appliquer.ICF forma alors un pourvoi devant le Hoge Raad der Nederlanden, qui, éprouvant des doutesquant à l’interprétation de l’article 4 de la Convention de Rome, décida de poser à la Cour dejustice cinq questions préjudicielles.

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T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :

L’article 4 de la convention de Rome du 19 juin 1980 relative à la loi applicable aux obligationscontractuelles dispose :

« 1. Dans la mesure où la loi applicable au contrat n’a pas été choisie conformément auxdispositions de l’article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens lesplus étroits. Toutefois, si une partie du contrat est séparable du reste du contrat et présente un lienplus étroit avec un autre pays, il pourra être fait application, à titre exceptionnel, à cette partie ducontrat de la loi de cet autre pays.2. Sous réserve du paragraphe 5, il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroitsavec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusiondu contrat, sa résidence habituelle ou, s’il s’agit d’une société, association ou personne morale, sonadministration centrale. Toutefois, si le contrat est conclu dans l’exercice de l’activitéprofessionnelle de cette partie, ce pays est celui où est situé son principal établissement ou, si,selon le contrat, la prestation doit être fournie par un établissement autre que l’établissementprincipal, celui où est situé cet autre établissement.[...]4. Le contrat de transport de marchandises n’est pas soumis à la présomption du paragraphe 2.Dans ce contrat, si le pays dans lequel le transporteur a son établissement principal au momentde la conclusion du contrat est aussi celui dans lequel est situé le lieu de chargement ou dedéchargement ou l’établissement principal de l’expéditeur, il est présumé que le contrat a les liensles plus étroits avec ce pays. Pour l’application du présent paragraphe, sont considérés commecontrats de transport de marchandises les contrats d’affrètement pour un seul voyage ou d’autrescontrats lorsqu’ils ont principalement pour objet de réaliser un transport de marchandises ».

La juridiction de renvoi pose les cinq questions préjudicielles suivantes à la Cour de justice :« 1) L’article 4, paragraphe 4, de la convention de Rome doit-il être interprété en ce sens que cettedisposition concerne uniquement l’affrètement pour un voyage et que d’autres types d’affrètementne relèvent pas du champ d’application de [ladite] disposition ?2) S’il est répondu par l’affirmative à la [première] question […], l’article 4, paragraphe 4, de laconvention de Rome doit-il être interprété en ce sens que dans la mesure où d’autres typesd’affrètement concernent aussi le transport de marchandises, le contrat en cause relatif à cetransport tombe dans le champ d’application de cette disposition et que le droit applicable est pourle reste déterminé par l’article 4, paragraphe 2, de la convention de Rome ?3) S’il est répondu par l’affirmative à la [deuxième] question […], auquel des deux systèmesjuridiques indiqués faut-il se référer pour apprécier l’exception de prescription soulevée à l’égardde la demande fondée sur le contrat ?4) Si la partie principale du contrat concerne le transport de marchandises, faut-il écarter laventilation visée [à] la [deuxième] question […] et le droit applicable à toutes les parties du contratdoit-il être déterminé au moyen de l’article 4, paragraphe 4, de la convention de Rome ?5) L’exception visée à [l’article 4, paragraphe 5, seconde phrase], de la convention de Romedoit-elle être interprétée en ce sens que les présomptions [de l’article 4, paragraphes 2 à 4,] doiventuniquement être écartées s’il ressort de l’ensemble des circonstances que les critères derattachement qui y sont visés n’ont pas de véritable valeur de rattachement ou bien faut-il lesécarter aussi s’il ressort de ces circonstances que l’on est en présence d’un rattachement plusimportant avec un autre pays ? »

T Conclusions :

L’Avocat général Yves Bot propose de répondre aux questions préjudicielles de la manièresuivante :

“Un contrat ayant pour objet la mise à disposition d’un moyen de transport aux fins del’acheminement de marchandises pour un voyage déter miné ne relève pas de l’article 4,paragraphe 4, de la convention sur la loi applicabl e aux obligations contractuelles ouverteà la signature à Rome le 19 juin 1980 (convention d e Rome), lorsque l’établissement de

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l’entreprise chargée de la mise à disposition de ce transport est situé dans un pays autreque celui dans lequel est situé le lieu de chargeme nt ou de déchargement oul’établissement principal du cocontractant.

La loi applicable à un tel contrat, conformément à l’article 4, paragraphe 1, premièrephrase, de la convention de Rome, est celle du pays avec lequel ce contrat présente lesliens les plus étroits. Ces liens peuvent être dédu its, par exemple, du fait que, dans uncontrat tel que celui en cause dans l’affaire au pr incipal, les cocontractants sont établisaux Pays-Bas et le lieu de chargement est situé dan s ce même pays.

L’article 4, paragraphe 1, seconde phrase, de la co nvention de Rome doit être interprétéen ce sens qu’une partie d’un contrat peut se voir appliquer la loi d’un autre pays si cettepartie se détache de manière autonome de l’ensemble du contrat. Ne répond pas à cetteexigence un contrat tel que celui en cause, dont l’ objet est une prestation unique qui estla mise à disposition d’un moyen de transport pour l’acheminement de marchandises pourun voyage déterminé”.

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172 - Source de la jurisprudence étrangère : Bulletin Reflets n/ 2, 2008, disponible sur le site : http://curia.europa.eu/fr/coopju/apercu_reflets/lang/index.htm, sous la rubrique « Le Droit de l’Union en Europe », Jurisprudencenationale et internationale.

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DÉCISIONS

D’AUTRES HAUTES INSTANCES

JURIDICTIONNELLES

FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES 172

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173 Au terme d’une jurisprudence constante, le droit communautaire ne porte pas atteinte à la compétence des Etats membrespour aménager leurs systèmes de sécurité sociale. Voir notamment CJCE, Smith et Peerbooms , du 12 juillet 2001, C-157/99, Rec.p. I-5473 ; CJCE, Duphar e.a. , du 7 février 1984, 238/82, Rec. p. 523, point 16 ; CJCE, Sodemare e.a. , du 17 juin 1997, C-70/95,

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ALLEMAGNE - BUNDESSOZIALGERICHT

Cour fédérale du contentieux social

28 juillet 2008

« Libre circulation des marchandises - Restrictions quantitatives - Mesures d’effets équivalents - Ventetransfrontalière de médicaments par correspondance - “Remise de fabricant” limitée aux médicaments

soumis à la réglementation allemande sur les prix des médicaments - Exclusion d’une pharmacieétablie dans un autre Etat membre du remboursement de ladite remise - Admissibilité »

T Faits :

Le législateur allemand a imposé aux fabricants de médicaments d’accorder une remise sur lesprix des médicaments délivrés aux personnes affiliées à la sécurité sociale obligatoire. Cetteremise n’est pas accordée directement par les producteurs aux « caisses-maladie ». Elle esteffectuée par l’intermédiaire des pharmacies : les « caisses-maladie » opèrent une réductioncorrespondant au montant de la dite remise sur les factures que leur adressent les pharmaciesayant délivré les médicaments aux assurés. Les pharmacies peuvent ensuite en demander leremboursement aux fabricants.En l’espèce, la requérante, une pharmacie établie aux Pays-Bas, demandait à la Cour fédéralele remboursement de la remise faite à une filiale allemande d’une entreprise pharmaceutiquefrançaise.

T Décision :

La Cour fédérale du contentieux social décide qu’une pharmacie établie aux Pays-Bas et vendantdes médicaments par correspondance n’a pas le droit au remboursement de la « remise defabricants » de médicaments.Selon le Bundessozialgericht, l’obligation d’octroyer cette remise ne s’applique qu’aux seulsmédicaments soumis à la réglementation allemande des prix. Or, les médicaments importés etceux vendus par correspondance ne sont pas concernés par cette réglementation.

La Cour fédérale souligne que, n’étant pas liée par la législation allemande, la requérante setrouve dans une position concurrentielle plus favorable que les entreprises allemandes, et qu’ellene saurait dès lors se plaindre des inconvénients liés à cette situation.La Haute juridiction affirme que la limitation de la « remise de fabricant » aux hypothèsespurement nationales n’est pas contraire au droit communautaire, et notamment à l’article 28 CE.Elle indique également que la requérante n’est pas discriminée par rapport aux pharmaciesallemandes. Sur ce point, le Bundessozialgericht fait référence à la jurisprudence de la Cour deJustice, et notamment à l’arrêt du 11 décembre 2003 (C-322/01, Doc Morris NV , Rec. I, p.14887) et affirme que ce système n’est pas susceptible de discriminer les pharmacies établiesdans un autre Etat membre.Le Bundessozialgericht se réfère également à la jurisprudence communautaire pour soulignerque la « remise de fabricant » est légale en ce qu’elle ne porte pas atteinte à la compétence desEtats membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale 173.

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Rec. p. I-3395, point 27, et CJCE, Kohll , du 28 avril 1998, C-158/96, Rec. p. I-1931, point 17.

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La Cour fédérale estime enfin que la remise était un « blocage de prix » admis par l’article 4 dela directive 89/105/CEE relative à la transparence des mesures régissant la fixation des prix desmédicaments à usage humain et leur inclusion dans le champs d’application des systèmesd’assurance-maladie.

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174 CEDH, Taxquet c. Royaume de Belgique , du 13 janvier 2009, req. n/ 926/05, résume dans la veille bimestrielle n/ 23 (janvier-février 2009).

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- BELGIQUE - COUR DE CASSATION BELGE

Cour de cassation de Belgiquedeuxième chambre

10 juin 2009 - arrêt n/ P.09.0547.F -

T Faits :

Le pourvoi est dirigé contre l’arrêt rendu le 19 février 2009 par la Cour d’assises de la provincede Luxembourg et l’ensemble des arrêts rendus par cette juridiction au cours des débats relatifsà l’accusation portée contre le demandeur. Celui-ci a été reconnu coupable d’un meurtre.

Étaient notamment en cause les articles 342 et 348 du code d’instruction criminelle belge.- L’article 342 prévoit que :

« les questions étant posées et remises aux jurés, ils se rendront dans leur chambre pour ydélibérer.Leur chef sera le premier jure sorti par le sort, ou celui qui sera désigné par eux et duconsentement de ce dernier.Avant de commencer la délibération, le chef des jurés leur fera lecture de l’instruction suivante, quisera, en outre, affichée en gros caractères dans le lieu le plus apparent de leur chambre ;La loi ne demande pas compte aux jurés des moyens par lesquels ils se sont convaincus; elle neleur prescrit point de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude etla suffisance d’une preuve ; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes dans le silence et lerecueillement, et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite surleur raison les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur ditpoint : “ Vous tiendrez pour vrai tout fait attesté par tel ou tel nombre de témoins” ; elle ne leur ditpas non plus : “Vous ne regarderez pas comme suffisamment établie toute preuve, qui ne sera pasformée de tel procès-verbal, de telles pièces, de tant de témoins ou de tant d’indices” ; elle ne leurfait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : “Avez-vous une intimeconviction ...”. »

- L’article 348 dispose quant à lui que :« Les jurés rentreront ensuite dans l’auditoire et reprendront leur place. Le président leurdemandera quel est le résultat de leur délibération. Le chef du jury se lèvera et, la main placée surson coeur, il dira : “En honneur et conscience, la déclaration du jury est : Oui, l’accusé, etc.; Nonl’accusé, etc..” »

T Décision :

- Concernant la partie du pourvoi dirigée contre l’arrêt de condamnation du 19 février 2009 et surle moyen tiré de la violation de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits del’homme et des libertés fondamentales :

La Cour de cassation rappelle tout d’abord qu’au terme de l’arrêt Taxquet c. Belgique rendupar la Cour européenne des droits de l’homme le 13 janvier 2009 ,174 le droit à un procèséquitable garanti par l’article 6 § 1 de la Convention implique, en ce qui concerne la cour

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d’assises, que la décision rendue sur l’accusation mette en avant les considérations ayantconvaincu le jury de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé et qu’elle indique les raisonsconcrètes pour lesquelles ils ont répondu positivement ou négativement à chacune desquestions.La haute juridiction indique ensuite que “en raison de l’autorité de la chose jugée qui s’attacheà cet arrêt et de la primauté, sur le droit interne, de la règle de droit international issue d’un traitératifié par la Belgique, ( elle) est contrainte de rejeter l’application des articles 342 et 348 du coded’instruction criminelle en tant qu’ils consacrent la règle, aujourd’hui condamnée par la Coureuropéenne, suivant laquelle la déclaration du jury n’est pas motivée”.

Puis elle relève qu’il ressort des pièces lui ayant été communiquées que le demandeur a donnéau cours de l’instruction préparatoire des explications infirmées par un témoin. Il a égalementdemandé que le verdict soit motivé pour qu’en cas de condamnation, il puisse comprendre lesraisons ayant conduit le jury à décider de sa culpabilité et que la Cour de cassation soit enmesure de contrôler la légalité de cette décision.

Ensuite, la Haute Cour note que l’arrêt du 19 février 2009 le condamnait à une peine de réclusionde dix-huit ans et ce, sur la base d’un verdict formulé par réponses uniquement affirmatives etnégatives aux questions posées dans les termes de la loi. Sur ce point, l’arrêt énonce qu’il n’y a pas lieu de motiver autrement la déclaration de culpabilité,la précision de ces questions permettant de compenser le caractère laconique de la sentence.

Mais, selon elle, “la seule affirmation que le demandeur est coupable de meurtre et qu’il n’ y apas lieu de l’en excuser ne révèle pas les raisons concrètes pour lesquelles la qualificationcontestée par le demandeur a été jugée établie, et ne permet pas à la Cour de vérifier notammentsi la condamnation est fondée dans une mesure déterminante sur le témoignage anonymerecueilli à la charge de l’accusé ou si elle prend appui sur d’autres modes de preuve qui lecorroborent conformément à l’article 341, alinéa 3 du code d’instruction criminelle”.

Enfin, la Cour suprême souligne que, bien que conforme à la loi belge qui ne demande pas auxjurés les moyens par lesquels ils sont convaincus, l’arrêt attaqué est néanmoins contraire àl’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procèséquitable qui implique une motivation du verdict.Partant, la Cour de cassation décide de casser l’arrêt de la cour d’assises du 19 février 2009.

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SUPREME COURT - ETATS-UNIS

12 juin 2008- req. n/ 553 U.S (2008) -

«Constitution - Droits fondamentaux - Droit de saisir les juridictions fédérales d’un mandat d’habeascorpus - Champ d’application territorial - Application aux détenus du camp de Guantánamo et aux

citoyens américains incarcérés en Irak - Inclusion »

T Faits :

La Supreme Court des Etats-Unis a rendu le 12 juin 2008 deux arrêts ayant trait à l’applicationextra-territoriale de la Constitution des Etats-Unis.Dans la première affaire, il était question de deux ressortissants étrangers détenus àGuantánamo, et contestant, par voie d’habeas corpus, la légalité de leur incarcération devant laCourt of Appeals for the District of Columbia. Cette dernière avait décliné sa compétence, enestimant que la baie de Guantánamo se trouvait hors de la juridiction des Etat-Unis. Dans laseconde affaire, deux citoyens américains, détenus par la force multinationale dans une prisonaméricaine en Irak, contestaient également la légalité de leur détention par le biais de l’habeascorpus.

T Décision :

Il faut d’abord rappeler que le Military Commission Act, adopté en 2006 par le Congrès américain,prévoit que les actions intentées par les étrangers considérés comme « ennemis combattants »ne peuvent bénéficier de la protection de l’habeas corpus.

Dans le premier arrêt, la Supreme Court affirme que les requérants jouissent de la garantieconstitutionnelle offerte par l’habeas corpus. En effet leur désignation d’ « ennemis combattants »ne saurait suffire, à les priver de leurs droits procéduraux. En outre, elle constate que le retraitdu droit d’habeas corpus viole la « clause de suspension »(clause inscrite dans la Constitutionaméricaine selon laquelle l’habeas corpus ne peut être suspendu qu’en cas de rébellion,d’invasion, ou lorsque la sécurité publique l’exige). Elle rejette ainsi l’argumentation dugouvernement qui soutenait que la « clause de suspension » ne s’appliquait pas en raison del’absence de souveraineté exercée sur la baie de Guantánamo, et estime que les Etats-Unisexercent de facto un pouvoir souverain sur ce territoire.

Dans le second arrêt, la Supreme Court estime que le droit d’habeas corpus s’étend aux citoyensaméricains, détenus à l’étranger par des forces américaines disposant d’une chaîne decommandement américaine. Elle considère en effet qu’un demandeur détenu par les Etats-Unissous l’autorité d’une force internationale, peut également bénéficier du droit d’habeas corpus, etqu’il importe peu à cet égard que la force internationale ne soit pas soumise aux règles d’habeascorpus, telles qu’elles s’appliquent aux entités américaines.

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175 Wüünsche (Solange 2), 22 octobre 1986, voir RTDE, 1987, Constantinesco (V.), p. 537 et Maastricht (Solange 3), 7 juin 1993,voir RTDH 2001, p. 1186, Callewaert (J.), p. 1186. Par ces décisions, la Cour constitutionnelle fédérale allemande a vérifié si leniveau de protection communautaire des droits fondamentaux était équivalent à celui exigé par la Loi fondamentale du pays.

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- République Tchèque -

Ústavní soudCour constitutionnelle de la République Tchèque

26 novembre 2008

« Traité de Lisbonne - Contrôle de constitutionnalité avant la ratification - Conformité des dispositionsattaquées avec l’ordre constitutionnel tchèque »

T Faits :

La Cour constitutionnelle tchèque a été saisie par le Sénat de certaines dispositions du traité deLisbonne. Relayant le point de vue du Président Vaclav Klaus, la Haute assemblée estimait quele texte apportait des modifications essentielles aux éléments substantiels de l’Etat. Elleconsidérait notamment qu’il était contraire à l’ordre constitutionnel tchèque en ce qu’il portaitatteinte à la souveraineté et à l’indépendance du pays.

T Décision :

La Cour suprême se prononce favorablement s’agissant de la conformité des dispositions dutraité de Lisbonne attaquées à l’égard de l’ordre constitutionnel tchèque. Elle ouvre ainsi la voievers sa ratification.

Rappelant sa propre jurisprudence et se référant aux arrêts « Solange II » et « Solange III » 175

du Bundesverfassungsgericht, l’Ústavní soud accepte, en principe, les règles de fonctionnementdu cadre institutionnel de l’Union européenne relatives au contrôle de l’exercice descompétences transférées. Mais, ayant relevé que cette conclusion pourrait, dans l’hypothèse oùle dit cadre ne fonctionnerait pas, subir une modification future, la Cour suprême suppose quecela ne pourrait être le cas qu’à titre très exceptionnel, et cite le cas d’un abandon de l’identitédes valeurs ou d’un abus des compétences transférées.

Premièrement, la Cour constitutionnelle se prononce sur la question de savoir si les dispositionsde l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 4, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement del’Union européenne prévoyant les catégories de compétences de l’Union, portent atteinte à lasouveraineté de l’Etat. Sur ce point, elle souligne que chaque Etat souverain peut s’autolimiter dans ses compétencesau profit d’un sujet de droit international et que la « compétence de la compétence » appartienttoujours aux Etats membres. En mentionnant de nouveau son acceptation du cadre institutionnelde l’Union européenne et la jurisprudence du Bundesverfassungsgericht, la Cour conclut que letraité de Lisbonne élargit le cadre actuel dans lequel l’institution dominante est la Cour de justicepar l’intégration des parlements nationaux dans le contrôle du respect du partage descompétences entre l’Union et les Etats membres.

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176 Les clauses passerelles sont une procédure de révision simplifiée. Elles permettent, dans des hypothèses strictement définies,de modifier les traités sans qu’il soit nécessaire de procéder à une ratification parlementaire.

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Deuxièmement, la Cour constitutionnelle examine l’article 352 du traité relatif au fonctionnementde l’Union européenne. Selon elle, le transfert de la « la compétence de la compétence »constitutionnelle vers une organisation internationale est inacceptable. Mais, en l’espèce, ellenote que le traité de Lisbonne n’accorde pas à l’Union le pouvoir de créer de nouvellescompétences.

Troisièmement, concernant l’article 48, paragraphes 6 et 7, du traité sur l’UE relatif auxprocédures de révision simplifiées, l’Ústavní soud constate que le Conseil européen statue àl’unanimité pour adopter une décision modifiant les dispositions de la troisième partie du traitésur le fonctionnement de l’Union européenne. Au sujet des « clauses passerelles »,176 elle relève que le passage au vote à la majorité qualifiéen’étend pas les compétences de l’Union mais concerne uniquement les modalités de vote, et queles décisions adoptées conformément aux dites dispositions sont soumises au contrôle judiciairede la Cour de Justice.

Quatrièmement, concernant l’article 216 du traité sur le fonctionnement de l’Union européennerelatif aux accords internationaux conclus par l’Union avec les Etats tiers ou organisationsinternationales, la Cour constitutionnelle tchèque note que cette disposition n’est pas une normede compétence et ne modifie pas essentiellement la situation déjà existante.

Cinquièmement, l’Ústavní soud souligne que la Charte des droits fondamentaux ne met pas encause le standard national de protection des droits fondamentaux, son contenu étant pleinementcomparable à celui de la Charte des droits et des libertés fondamentaux tchèque.

Sixièmement, la Cour constitutionnelle affirme que les valeurs de l’Union consacrées par l’article2 du traité sur l’Union européenne sont conformes aux principes fondamentaux de l’ordreconstitutionnel tchèque.

L’Ústavní soud conclut que le traité de Lisbonne ne modifie aucunement le système fondamentalactuel de l’intégration européenne, l’Union restant, même après l’entrée en vigueur de ce texte,une organisation sui generis.

NNNN La Cour a limité son contrôle de constitutionnalité aux seules dispositions du traité de Lisbonnedont la conformité étaient explicitement contestées. Un nouveau recours dirigé contre ce traitén’est donc pas exclu, l’exceptio rei iudicatae par rapport aux dispositions en cause devant êtreinterprétée de manière stricte.

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DOCTRINE

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COMMENTAIRES D’ARRÊTS

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177 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 22 (Novembre-Décembre 2008), p.40

178 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-février 2009), p. 86

179 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p.41

180 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 22 (Novembre-Décembre 2008), p. 38

181 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-février 2009), p. 83

182 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 21 (Septembre-Octobre 2008), p. 32

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CONCERNANT LES DROITS DE L’HOMME ET LES DROITS FOND AMENTAUX

T Alexandre Boiché , “Enlèvement international d’enfants : exigence de célérité conforme à laConvention européenne des droits de l’homme” (Commentaire de l’arrêt CEDH Carlson c. Suissedu 6 novembre 2008, req n/49492/06),177 in : Actualité juridique Famille, n/ 5, mai 2009, p. 225.

T Charlotte Butruille-Cardew , “Droit de la famille, droit international et autorité parentale”(Commentaire de l’arrêt de la CEDH Adam c/ Allemagne du 4 décembre 2008, req. n/44036/02),in : Gazette du Palais, n/ 161 à 162, 10-11 juin, p. 22.

T François Desprez , “Droit à un procès équitable et défaut de motivation d’un arrêt d’assises”,(Commentaire de l’arrêt CEDH Taxquet c. Belgique du 13 janvier 2009, req. n/ 926/05),178 in :Gazette du Palais des 13 et 14 mai 2009, n/ 133 et 134, p.11.

T Natalie Fricero , “Procédure devant la Cour européenne, Reprise de la procédure par leshéritiers de la victime” (Commentaire de l’arrêt CEDH Léger c/ France du 30 mars 2009, reqn/ 19324/02), 179 in : Revue Jurisclasseur Procédures, n/ 6, juin 2009, comm 153.

T Nicolas Hervieu , “La Cour européenne des droits de l’homme, alchimiste de la libertésyndicale” (Commentaire de l’arrêt CEDH Demir et Baykara c/ Turquie du 12 novembre 2008,req n/ 34503/97),180 in : Revue de droit du travail, n/ 5, mai 2009, p. 288.

T Agathe Lepage , “Violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme”,(Commentaire de l’arrêt CEDH Orban et a. c. France ,181 du 15 janvier 2009, req. n/ 20985/05),in : Revue Communication Commerce électronique n/ 5, mai 2009, comm. 49.

T Albert Maron et Marion Haas , “En mariage trompe qui peut ; en expulsion vicie qui trompe”,(Commentaire des arrêts Cour de Cassation du 11 mars 2009 et CEDH Conka c. Belgique, du5 février 2002 req. n/ 51564/99 ), in : Revue Droit Pénal, mai 2009, n/ 5, p. 38.

T Jean-Pierre Marguénaud et Damien Roets : in : Revue de science criminelle et de droit pénalcomparé, n/ 1, janvier-mars 2009, chroniques :

- “Droits de l’homme, Article 3 - Interdiction de la torture et des traitements inhumains oudégradants, Du suicide dans les prisons de France” (Commentaire de l’arrêt CEDH Renolde c/France du 16 octobre 2008, req. n/ 5608/05),182 p. 173.

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183 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 20 (Juin-Juillet-Août 2008), p. 41

184 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-Février 2009), p. 91

185 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 22 (Novembre-Décembre 2008), p.25

186 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 20 (Juin-Juillet-Août 2008), p. 26

187 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 21 (Septembre-Octobre 2008), p. 52

188 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 54

189 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 66

190 Arrêt résumé dans cette vielle

191 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-Février 2009), p. 86

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- “Droits de l’homme, Article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté, Tempête sur le Parquet”(Commentaire de l’arrêt CEDH Medvedyev c/ France du 10 juillet 2008 , req. n/ 3394/03),183 p.176.

- “Droits de l’homme, Article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté, L’adaptation des garantiesprocédurales européennes aux exigences de la répression des délits contre l’environnement”(Commentaire de l’arrêt CEDH Mangouras c/ Espagne du 8 janvier 2009),184 p. 180.

- “Droits de l’homme, Article 8 - Droit au respect de la vie privée, De la conservation desempreintes digitales, échantillons cellulaires et profils ADN des personnes innocentées”(Commentaire de l’arrêt CEDH S. Marper c/ Royaume-Uni du 4 décembre 2008, req.n/ 30562/04),185 p. 182.

- “Droits de l’homme, Article 7 - Légalité des délits et des peines et non rétroactivité dela norme pénale, La légalité criminelle internationale au sens de l’article 7 de la Conventioneuropéenne des droits de l’homme (opus 1): Les fantômes de Mazie Bati” (Commentaire del’arrêt CEDH Kononov c/ Lettonie du 24 juillet 2008, req. n/ 36376/04),186 p. 185.

- “Droits de l’homme, Article 7 - Légalité des délits et des peines et non rétroactivité dela norme pénale, La légalité criminelle internationale au sens de l’article 7 de la Conventioneuropéenne des droits de l’homme (opus 2) : (Mauvais) souvenirs de la révolution hongroise de1956” (Commentaire de l’arrêt CEDH Korbely c/ Hongrie du 19 septembre 2008, req.n/ 9174/02),187 p. 193.

T Jean François Renucci , “Les peines perpétuelles et la Convention EDH : une question deprincipe non tranchée par la grande chambre” (Commentaire de l’arrêt CEDH Léger c/ Francedu 30 mars 2009, req. n/ 193224/02),188 in : Le Dalloz, n/ 21, 4 juin 2009, p. 1453.

T Jean François Renucci , “La CEDH consacre le principe de la compétence universelle”(Commentaire de l’arrêt CEDH Ould Dah c/ France du 17 mars 2009, req. n/ 13113/03),189 in :Le Dalloz, n/ 23, 18 juin 2009, p. 1573.

T Jacques-Henri Robert , “Publicité en faveur du tabac, Sportifs contrôlés positifs à l’argent dela nicotine” (Commentaire de l’arrêt CEDH Société de conception de presse et d’édition etPonson c/ France du 5 mars 2009, req. n/ 26935/05),190 in : JCP, Droit pénal, n/ 6, juin 2009, p.29.

T Julien Simon-Delcros , “Cour d’assises, levez-vous !”,( Commentaire de l’arrêt CEDH Taxquetc. Belgique du 13 janvier 2009, req. n/926/05 ),191 in : Gazette du Palais, 13 et 14 mai 2009,n/ 133 et 134, p. 3.

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192 Arrêt résumé dans le veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-Février 2009), p. 119.

193 Arrêt résume dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 111.

194 Arrêt résume dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 95.

195 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 80.

196 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-février 2009), p.133.

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CONCERNANT LE DROIT COMMUNAUTAIRE

T Elsa Bernard , “Recours en annulation, Notion de lien individuel” (Commentaire de l’arrêtCJCE, M. Sahletedt et a. c/ Commission du 23 avril 2009, aff. C-362/06 P), in : Revue Europe,n/ 6, juin 2009, p. 14.

T Emmanuelle Broussy, Francis Donnat, Christian Lambe rt , in : AJDA, n/ 18, 18 mai 2009,p 980 :

- “Réfugiés, menace individuelle et conflit armé” (Commentaire de l’arrêt CJCE, M et MmeElgafaji du 17 février 2009, aff. C-465/07),192 p. 980.

- “Egalité de traitement en matière d’emploi et de travail” (Commentaire de l’arrêtCJCE, The Incorporated trustees of the National Council on Ageing (Age Concern England) c/Secretary of State for Business, Enterprise and Regulatory Reform du 5 mars 2009, aff. C-388/07), p. 981.

- “Egalité homme/femme” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Commission c/ Grèce du 26mars 2009, aff. C-559/07),193 p. 982.

“Santé publique et liberté d’établissement” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Hartlauer du10 mars 2009, aff. C-169/07),194 p. 982.

“Publicité pour les médicaments et Internet” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Damgaarddu 2 avril 2009, aff. C-421/07), p. 984.

“Reconnaissance des diplômes” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Marco Cavallera du 29janvier 2009, aff. C-311/06), p. 985.

“Défense et illustration des langues officielles” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Union deTelevisiones Comerciales Asociadas (Uteca) du 5 mars 2009, aff. C-222/07), p. 985.

“Concurrence, abus de position dominante, prix prédateurs” (Commentaire de l’arrêtCJCE, France Télécom c/ Commission du 19 mars 2009, aff. C-202/07),195 p. 986.

“Concurrence, aide d’Etat” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Bouygues SA et BouyguesTélécom SA c/ Commission du 2 avril 2009, aff. C-431/07P), p. 987.

“Concurrence, notion d’entreprise” (Commentaire des arrêts CJCE, Kattner Stahlbau (aff.C-350/07) du 5 mars 2009 et Selex Sistemi Integrati (aff. C-113/07P) du 26 mars 2009), p. 988.

T Christophe Caron , “La Cour de justice aime toujours la notion d’extraction”, (Commentaire del’arrêt CJCE, Apis-Hristovich c/ Lakorda AD du 5 mars 2009, aff. C-545/07), in : RevueCommunication Commerce électronique n/ 5, mai 2009, comm. 44.

T Marie-Catherine Chemtob-Concé , “Définition juridique du médicament : les précisions de lajurisprudence relatives à la qualification de médicament et à l’application de la règle supplétoire”(Commentaire de l’arrêt CJCE, Hecht-Pharma Gmb c/ Staatliches Gewerbeaufsichtamt Lüneburg,du 15 janvier 2009, aff. C-140/07),196 in : Les Petites Affiches, n/ 90, 6 mai 2009, p. 9.

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197 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 20 (juin-juillet-août 2008), p. 77.

198 Arrêt résume dans la veille bimestrielle n/ 22 (Novembre-décembre 2008), p. 79.

199 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-février 2009), p. 116.

-197-

T André Chaminade , “Notion de déchet et mise en œuvre du principe pollueur-payeur”,(commentaire de l’arrêt CJCE, Grande Chambre, Commune de Mesquer c/ Total France SA etinternational Ltd, 197 aff. C- 188/07, du 24 juin 2008), in : JCP, éd. G, 6 mai 2009, n/ 19, alerte10079, p. 31.

T Laurent Coutron , “Droit administratif et droit communautaire, Responsabilité pour faute etresponsabilité sans faute en droit communautaire. Les approximations de l’arrêt FIAMM”(Commentaire de l’arrêt CJCE, FIAMM du 8 septembre 2008, aff. jointes C-120/06 et C-121/06),in : RFDA, n/ 2, mars-avril 2009, p. 329.

T Georges Decocq , “Une caisse de sécurité sociale n’exerce pas une activité économique”,(Commentaire de l’arrêt CJCE, Kattner Stahlbau GmbH, aff. C - 350/07 du 5 mars 2009), in :Revue Contrats, concurrence et consommation, mai 2009, n/ 5, p. 35.

T Georges Decocq , “Calcul de l’amende et entente verticale complexe” (Commentaire desarrêts CJCE, Itochu Corp (aff. T-12/03), Nintendo (aff. T-13/03), CD-Contact Data (aff. T-18/03)du 30 avril 2009), in : Contrats, Concurrence, Consommation, n/ 6, juin 2009, p. 30.

T Georges Decocq , “Affectation du commerce entre Etats membres et intérêt communautaired’une plainte” (Commentaire de l’arrêt CJCE, AEPI (aff. C-425/07 P) du 23 avril 2009), in :Contrats, Concurrence, Consommation, n/ 6, juin 2009, p. 33.

T Laetitia Driguez , “Différence de traitement en raison de l’âge : licenciement et refusd’embauche” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Age Concern England du 5 mars 2009, aff. C-388/07) , in : Revue Europe, n/ 5, mai 2009, comm 190.

T Laetitia Driguez , “Egalité de traitement entre homme et femmes en matière de rémunération”(Commentaire de l’arrêt CJCE, Commission c/ Grèce du 26 mars 2009, aff. C-559/07), in : RevueEurope, n/ 5, mai 2009, comm 190.

T Laetitia Driguez , “Retour sur les clauses de non régression (Commentaire de l’arrêt CJCE,Angelidaki et a. du 23 avril 2008, aff. jointes C-378/07 à C-380/07), in : Revue Europe, n/ 6, juin2009, p 25.

T Vincent Grandil , “Groupe de sociétés : La Cour de justice des Communautés européennescorrige la régime français d’intégration fiscale” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Société Papillondu 27 novembre 2008, aff. C-418/07),198 in : Les Petites Affiches, n/ 105, 27 mai 2009, p. 3.

T Michel Guichard, Romain Grau , “Liberté de circulation des capitaux, Les dons auxorganismes d’intérêt général relèvent de la liberté de circulation des capitaux” (Commentaire del’arrêt CJCE, Gde chambre, Hein Persche du 27 janvier 2009, aff. C-318/07),199 in : Revue dedroit fiscal, n/ 21, 21 mai 2009, p 28.

T Laurence Idot, in : Revue Europe, n/ 5, mai 2009 :- “Prestations de services, Accidents du travail - Quand l’obligation d’affiliation à un régime

d’assurance légale sur les accidents du travail est examinée à l’aune des articles 49 et 50 CE”(Commentaire de l’arrêt CJCE, Kattner Stahlbau du 5 mars 2009, aff. C-350/07), comm 192.

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200 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars- Avril 2009), p. 80.

201 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 77.

202 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 114.

203 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 22 (Novembre-Décembre 2008), p. 70

204 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-Février 2009), p.129

205 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars- Avril 2009), p. 95.

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- “Concurrence, Champ d’application des règles - Retour de la Cour sur la notiond’entreprise et d’activité économique : quand les missions exclusivement sociales ne sont pasdes activités économiques” (Commentaire des arrêts CJCE, Kattner Stahlbau (aff. C-350/07) du5 mars 2009 et Selex Sistemi (aff.C-113/07) du 26 mars 2009), in : Revue Europe, n/ 5, mai2009, comm 198.

T Laurence Idot , in : Revue Europe, n/ 6, juin 2009 :- “Notion d’aide et économie du système - Dès lors que la solution retenue par un Etat est

la seule compatible avec le droit communautaire, il ne peut y avoir intervention de l’Etat et parconséquent aide au sens de l’article 87 CE” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Bouygues SA du 2avril 2009, aff. C-431/07 P), comm 241

- “Abus de position dominante, prix prédateurs et récupération des pertes” (Commentairede l’arrêt CJCE, France Telecom SA du 2 avril 2009, aff. C-202/07 P),200 comm 242.

- “Calcul des amendes et entente verticale” (Commentaire des arrêts TPICE Itochu,Nintendo, CD-Contact du 30 avril 2009, aff.T-12/03, T-13/03, T-18/03), comm 243.

- “Durée de l’exclusivité dans les contrats dits de station service” (Commentaire de l’arrêtCJCE Pedro IV Servicios SL du 2 avril 2009, aff. C-260/07),201 comm 245.

- “Revente hors réseau d’un produit de luxe couvert par une licence de marque”(Commentaire de l’arrêt CJCE, Copad SA du 23 avril 2009, aff. C-59/08),202 comm 250.

T Fabienne Jault-Seseke , “Les salariés dans les procédures transfrontalières d’insolvabilité”(Commentaire de l’arrêt CJCE, Svenska staten genom Tillsynsmyndigheten i Konkurser c/Anders Holmqvist du 16 octobre 2008, aff C-310/07), in : Revue de droit du travail, n/ 5, mai2009, p 333.

T Gérard Jazottes , “Droit européen des affaires, Droit d’établissement (Commentaire de l’arrêtCJCE, Cartesio du 16 décembre 2008, aff. C-210/06),203 in : Revue trimestrielle de droitcommercial et de droit économique, n/ 1, janvier-mars 2009 p. 227.

T Emeric Jeansen , “Transfert d’entreprise, Appréciation de l’identité transférée selon le droitcommunautaire (Commentaire de l’arrêt de la CJCE Dietmar Klarenberg c/ FerrotronTechnologies GmbH du 12 février 2009, aff. C-466/07),204 in : JCP, Social, n/ 24, 9 juin 2009, p.25.

T Fabienne Kauff-Gazin , “Etablissements hospitaliers - La Cour condamne les autorisationspréalables à l’ouverture de polyclinique au regard de l’article 43 CE” (Commentaire de l’arrêtCJCE, Grande chambre, Hartlauer du 10 mars 2009, aff. C-169/07),205 in : Revue Europe, n/ 5,mai 2009, comm 187.

T Fabienne Kauff-Gazin , “Prix des médicaments - Précisions utiles sur le sujet de l’interprétationde la directive 89/105 concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix desmédicaments à usage humain fondées sur l’idée d’une ingérence minimale dans la politique des

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206 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars- Avril 2009), p. 107.

207 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 21 (Septembre-Octobre 2008), p. 67.

208 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 86.

209 Arrêt commenté dans la veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-février 2009), p. 111

210 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 89

211 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 119

212 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p.105

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Etats en matière de sécurité sociale” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Menarini du 2 avril 2009, aff.C-352/07),206 in : Revue Europe, n/ 6, juin 2009, comm 253.

T Paul Lagarde , “ Commentaire de l’arrêt CJCE, Grande chambre, Grunkin et Paul c/Standesamt Niebüll du 14 octobre 2008, aff. C-353/06 ,207 in : Revue critique de droit internationalprivé, n/ 1, janvier-mars 2009, p. 80.

T Julie Lassalle , “Actes communautaires, Publication - La Cour aux prises avec le défaut depublication de l’annexe d’un règlement : inopposabilité, invalidité, inexistence ?” (Commentairede l’arrêt CJCE, Grande chambre, Gottfried Heinrich, 10 mars 2009, aff. C-345/06),208 in : RevueEurope, n/ 5, mai 2009, comm 178.

T François Mélin , “Détermination, sur le plan communautaire, de la juridiction compétente enmatière « d’actions révocatoires »” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Seagon, ès qual. c/ DekoMarty Belgium NV, 209 aff. C-339/07 du 12 février 2009), in : JCP édition entreprise et affaires, 7mai, n/ 19, alerte 1482, p. 30.

T Valérie Michel , in : Revue Europe, n/ 6, juin 2009 :-“Partition de Chypre et champ d’application du droit communautaire” (Commentaire de

l’arrêt CJCE, Apostolides 28 avril 2009, aff. C-420/07),210, comm 213, p 9.- “Petite brasserie indépendante et droits d’accises” (Commentaire de l’arrêt CJCE,

Glückauf Brauerei GmbH du 2 avril 2009, aff. C-83/08), comm 249.- “Modalité d’interprétation et de transposition d’une directive” (Commentaire de l’arrêt

CJCE, VTB-VAB NV et BVBA du 23 avril 2009, aff. jointes C-261/07 et C-299/07), comm 251.

T Anne Laure Mosbrucker , “Droit d’établissement, Droit à indemnité des agents commerciauxindépendants” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Turgay Semen du 26 mars 2009, aff. C-348/07),in : Revue Europe, n/ 5, mai 2009, comm 186.

T Anne Laure Mosbrucker , “Réduction de la valeur en douane” (Commentaire de l’arrêt CJCEMitsui & Co Deutschland GmbH du 19 mars 2009, aff. C-256/07),211 in : Revue Europe, n/ 5, mai2009, comm 193.

T Anne Laure Mosbrucker, Fabienne Kauff-Gazin , “Citoyenneté européenne, Fiscalité directe”(Commentaire de l’arrêt CJCE, Uwe Rüffler du 23 avril 2009, aff. C-544/07),212 in : Revue Europe,n/ 6, juin 2009, p 9.

T Anne Laure Mosbrucker , “Union douanière, Extinction de la dette douanière” (Commentairede l’arrêt CJCE, Elshani du 2 avril 2009, aff. C-459/07), in : Revue Europe, n/ 6, juin 2009, comm237.

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213 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 21 (Septembre-Octobre 2008), p. 103

214 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 ( Mars-Avril 2009 ), p. 117

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T Frédérique Perrotin , “Récupération des aides d’Etat : insécurité juridique maximum pour lescontribuables” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Commission c/ France du 13 novembre 2008, aff.n/C-214/07), in : Les Petites Affiches, n/ 93, 11 mai 2009, p. 3.

T Etienne Petit , “La conformité de l’interdiction des ventes avec prime et des ventes liées remiseen cause”, (commentaire de l’arrêt CJCE VTB -VAB NV c/ Total Belgium NV, affaire C- 261/07,du 23 avril 2009), in : Le Dalloz, 14 mai 2009, n/ 19, p. 1273.

T Fabrice Picod , “La directive 85/374 n’empêche pas l’application des conditions qu’elle fixe àdes dommages qui ne relèvent pas de son champ d’application” (Commentaire de l’arrêt CJCEMoteurs Leroy Somer c/ Dalkia France, Ace Europe du 4 juin 2009, aff. C-285/08), in : JCP, éd.G, n/ 25, 15 juin 2009, p. 44.

T Fabrice Picod , “Condamnation partielle de la France pour insuffisance des garanties derecours efficace” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Commission c/ France du 11 juin 2009, aff. C-327/08 ) , in : JCP, éd. G, n/ 26, 22 juin 2009, p. 39.

T Fabrice Picod , “Obligation pour le juge national d’examiner d’office des clauses qu’il jugeabusives” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Pannon GSM c/ Erzsébet Sustikné Gyorfi du 4 juin2009, aff. C-243/08), in : JCP, éd. G, n/ 26, 15 juin 2009, p. 44.

T Guy Raymond , “Offre conjointe : une pratique commerciale déloyale ?” (Commentaire desarrêts CJCE, VTB-VAB NV c/ Total Belgiun NV (aff. C-261/07) et Galatea BVBA c/ SanomaMagazines Belgium NV (aff. C-299/07) du 23 avril 2009), in : Contrats, Concurrence,Consommation, JCP, n/ 6, juin 2009, comm 183, p. 38.

T Anne Rigaux , “Critères de définition du médicament” (Commentaire de l’arrêt CJCE, BIOSNaturprodukte GmbH c/ Saarland du 30 avril 2009, aff. C-27/08), in : Revue Europe, n/ 6, juin2009, comm 229.

T Hajer Rouidi , “L’arrêt de la CJCE du 3 septembre 2008 - Vers un modus operandi del’exécution communautaire des résolutions onusiennes ?” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Kadic/ Conseil et Commission du 3 septembre 2008, aff. jointes C-402/05 et C-415/05 ),213 in : Revuede science criminelle et de droit pénal comparé, n/ 1, janvier-mars 2009, p. 75.

T Mélanie Schmitt , “La CJCE précise le régime des différences de traitement fondées sur l’âge”(Commentaire de l’arrêt CJCE, The Incorporated Trustees of the National Council on Ageing du5 mars 2009, aff. C-388/07), in : Revue de droit du travail, n/ 6, juin 2009, p 385.

T Denys Simon , “Résiliation d’un contrat de prêt - En cas d’inexécution du contrat de vente, leconsommateur peut obtenir la résiliation du contrat de prêt lié à l’acquisition du bien et leremboursement des sommes versées au préteur” (Commentaire de l’arrêt CJCE Luigi Scarpellic/ NEOS Banca SpA du 23 avril 2009, aff C-509/07),214 in : Revue Europe, n/ 6, juin 2009, comm252.

T Denys Simon, Anne Rigaux , “La responsabilité des Etats membres en cas de violation dudroit communautaire revisitée, ou comment le problème technique de l’odeur sexuelle des porcsmâles non castrés conduit la Cour à trancher des questions fondamentales”, (Commentaire de

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215 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/24 ( Mars-Avril 2009 ), p. 100

216 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/23 ( Janvier- Février 2009 ), p. 119

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l’arrêt CJCE, Danske Slageterier c/ Allemagne du 23 avril 2009, aff C-445/06),215 in : RevueEurope, n/ 5, mai 2009, étude, p. 5.

T Denys Simon , “Compatibilité avec le droit communautaire originaire des accords bilatérauxconclus par les Etats membres avant leur adhésion à l’‘Union” (Commentaire des arrêts CJCE,Grande chambre, Commission c/ Autriche (aff. C-205/06) et CJCE, Grande chambre,Commission c/ Suède (aff. C-249/06), in : Revue Europe, n/ 5, mai 2009, comm 177.

T Jean-Luc Valens , “Nullités de la période suspecte : l’action relève de la compétence de l’Etatoù la procédure collective a été ouverte”, (Commentaire de l’arrêt CJCE, Seagon c/ Deko MartyBelgium NV, du 12 février 2009, affaire C- 339/07), in : Le Dalloz, 14 mai 2009, n/ 19, p. 1311.

T Jean-Claude Zarka , “Etrangers” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Epoux Elgafaji c/Staatssecretaris van Justitie du 17 février 2009, aff. C-465/07),216 in : Gazette du Palais, n/ 156à 157, 5-6 juin 2009, p. 8.

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ARTICLES GÉNÉRAUX

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CONCERNANT LES DROITS DE L’HOMME ET LES DROITS FOND AMENTAUX

T Joël Andriantsimbazovina , “Les bienfaits de la « juridictionnalisation » de la protectionsupranationale des droits de l’homme”, in : RFDA, n/ 2, mars-avril 2009, p. 294.

T Jean François Flauss , “Actualité de la Convention européenne des droits de l’homme(septembre 2008-février 2009)”, in : AJDA, n/ 16, 4 mai 2009, p. 872.

T Natalie Fricero , “Procédures européenne et communautaire, Exécution des arrêts de la Coureuropénne”, in : Revue Jurisclasseur Procédures, n/ 6, juin 2009, comm 193.

T Eric J. Van Brustem , “Les lois rétroactives et la Convention européenne des droits del’homme - A la recherche de l’équilibre entre l’espérance légitime du contribuable et l’ingérencedu législateur en raison d’impérieux motifs d’intérêt général”, in: Revue de droit fiscal, n/ 25, 18juin 2009, p. 9.

T Michel Van Brustem, Eric Van Brustem , “Les hésitations de la Cour européenne des droitsde l’homme : à propos du revirement de jurisprudence en matière de satisfaction équitableapplicable aux expropriations illicites”, Note sous CEDH, 21 octobre 2008, Guisi-Gallisay c. Italie,req. n/ 58858/00, in : RFDA, n/ 2, mars-avril 2009, p. 285.

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CONCERNANT LE DROIT COMMUNAUTAIRE

T Compte rendu du colloque organisé le 7 novembre 200 8 par l’Ordre des avocats auxConseils : « L’influence des droits nationaux sur le droit communautaire ».Dossier : « Actualités du droit communautaire ».In : Revue annuelle des Avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, Dalloz 2009.

T Hugues Bouthinon-Dumas , “La directive sur les services de paiement et la concurrence entreles établissements de paiement et les banques”, in : Revue trimestrielle de droit commercial etde droit économique, n/ 1, janvier-mars 2009 p. 59.

T Paul Cassia , “Droit administratif français et droit de l’Union européenne, 1er juillet-31 décembre2008, L’application du droit communautaire par les autorités et juridictions administrativesfrançaises”, in : RFDA, n/ 2, mars-avril 2009, p. 343.

T Jacques Demotes-Mainard, Inserm, Ecrin , “Droit de la santé, Droit communautaire : vers uneévolution de la directive n/ 2001/20/CE ?, in : Gazette du Palais, n/ 142 à 143, 22-23 mai 2009,p. 8.

T Jean Claude Fillon , “Union européenne et sécurité sociale : les nouveaux règlements decoordination”, in : Revue de droit du travail, n/ 6, juin 2009, p. 403.

T Daniel Gadbin , “Agriculture et droit européen des affaires : l’irréductible droit communautaireagricole”, Dossier, in : Revue de droit rural, n/ 372, avril 2009.

T Juliette Gest , “Les travaux préparatoires du projet de Cadre commun de référence sous laPrésidence française du Conseil de l’Union européenne”, in : Le Dalloz, 4 juin 2009, p. 1431.

T Laurence Idot, “L’activité en matière de pratiques anticoncurrentielles”, in : Revue Europe,n/ 5, mai 2009, comm 199.

T Gérard Jazottes , “Droit européen des affaires, Ententes anti-concurrentielles, La Commissionse dote d’une procédure simplifiée pour l’application de l’interdiction des ententes : la procéduredite de transaction”, in : Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique, n/ 1,janvier-mars 2009 p. 230.

T Daniel Lecrubier, Claudine Jacob, Karima Zouaoui, F rédéric Baab, Claire Rocheteau,Emmanuel Barbe , “Présidence française de l’UE et bilan en matière de justice”, Dossier spécial,in : L’Observateur de Bruxelles, n/ 76, avril 2009, p. 7.

T Virginie Lefebvre Dutilleul, Patrice Mottier, Olivi a Ramos Garcia , “Prix prédateurs sur unmarché non dominé et abus de position dominante : des liens difficiles à nouer”, in : Revue LamyDroit des Affaires, n/ 38, mai 2009, p. 41.

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T Bérengère Legros , “Risques psychosociaux au travail et dialogue social européen : l’utilisationde l’accord-cadre autonome”, in : La semaine juridique, Social, n/ 25, 16 juin 2009, p. 19.

T Florian Linditch , “Procédure d’infraction à l’encontre de la France concernant les droitsexclusifs pour la gestion des aides agricoles et des aides à la formation professionnelle”, in :Contrats et Marchés publics, n/ 5, mai 2009, alerte 28.

T Cyril Nourissat , “Le règlement (CE) n/4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à lacompétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopérationen matière d’obligations alimentaires”, in : Revue Jurisclasseur Procédures, n/ 6, juin 2009, p. 7.

T Charles Edouard Renault , “Droit du cinéma, Droit européen et international du cinéma”, in :Gazette du Palais, n/ 137 à 139, 17 au 19 mai 2009 :

- Carlota Planas I Silva , “Le plagiat, les pseudo-plagiats, les hommages dans laproduction cinématographique au regard de la jurisprudence espagnole”, p. 24.

- Yan Pecoraro , “Les incitations fiscales italiennes en faveur des activitéscinématographiques”, p. 26.

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