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La veille peut se positionner conceptuellement comme une composante de l’Intelligence Economique. Mais dans la pratique, les entreprises séparent les deux activités. Elle est bien distincte du management des connaissances, seule les modes de mise en oeuvre sont proches. VEILLE, KM Veille, prospective, intelligence économique et management des connaissances 44 Qualitique n°161 - octobre 2004 Veille et Prospective Prospective et veille contribuent à préparer l’avenir. Il n’est cepen- dant pas aisé de délimiter leurs frontières et d’exprimer précisé- ment leurs différences. L ’émergence de la prospective est récente. Elle date des années 50 avec la création de la futurologie aux Etats-Unis. C’est aussi l’époque du développement de la systémique. Avec la prospective, il s’agit de construire une science du futur se basant sur une démarche rigoureuse et s’ap- puyant sur des méthodes ration- nelles, des outils méthodolo- giques, mathématiques, statistiques. Depuis le début des années 90, l’histoire de la veille se découpe en trois étapes : l’apparition des cellules de veille, le déploiement de l’Internet, la mise en oeuvre des outils spécialisés. Le déploiement de l’Internet a permis de sensibiliser les collabo- rateurs à la richesse information- nelle sans pourtant fournir de moyens pour la maîtriser. L ’apparition des cellules de veille fut une première approche, mais elle laissait les veilleurs isolés dans les entreprises et peu outillés. Veille, prospective, intelligence économique et management des connaissances

Veille prospective

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Page 1: Veille prospective

La veille peut se positionner conceptuellement comme unecomposante de l’Intelligence Economique. Mais dans la pratique, lesentreprises séparent les deux activités. Elle est bien distincte dumanagement des connaissances, seule les modes de mise en oeuvresont proches.

VEILLE, KM

Veille, prospective, intelligence économique et management des connaissances

44 Qualitique n°161 - octobre 2004

Veille et Prospective Prospective et veille contribuent

à préparer l’avenir. Il n’est cepen-

dant pas aisé de délimiter leurs

frontières et d’exprimer précisé-

ment leurs différences.

L’émergence de la prospective est

récente. Elle date des années 50

avec la création de la futurologie

aux Etats-Unis. C’est aussi

l’époque du développement de la

systémique. Avec la prospective,

il s’agit de construire une science

du futur se basant sur une

démarche rigoureuse et s’ap-

puyant sur des méthodes ration-

nelles, des outils méthodolo-

g i q u e s , m a t h é m a t i q u e s ,

statistiques.

Depuis le début des années 90,

l’histoire de la veille se découpe

en trois étapes : l’apparition des

cellules de veille, le déploiement

de l’Internet, la mise en oeuvre

des outils spécialisés.

Le déploiement de l’Internet a

permis de sensibiliser les collabo-

rateurs à la richesse information-

nelle sans pourtant fournir de

moyens pour la maîtriser.

L’apparition des cellules de veille

fut une première approche, mais

elle laissait les veilleurs isolés

dans les entreprises et peu

outillés.

Veille, prospective, intelligence économique et management des connaissances

Page 2: Veille prospective

45Qualitique n°161 - octobre 2004

S T R AT E G I E E T M A N A G E M E N T

La mise en oeuvre des outils spé-

cialisés accompagnée de l’organi-

sation et des processus adaptés a

offert la possibilité d’envisager

des activités de veille à haut

niveau de valeur ajoutée.

● La veille est un ensemble d’ac-

tivités orientées vers l’obtention

d’informations à caractère straté-

gique ou opérationnel sur l’évo-

lution de l’environnement, pour

viser la pertinence des processus

de décision à court ou moyen

terme.

● Il existe actuellement neuf

types principaux de veille : stra-

tégique, sociétale, sectorielle,

concurrentielle, commerciale,

fournisseurs, juridique et régle-

mentaire, image, technologique.

● Du fait de l’intégration des

activités de veille dans les entre-

prises, de l’évolution de la notion

de processus, du développement

des systèmes d’information de

veille… il faut faire évoluer le

processus standard de veille et

maintenant plutôt considérer un

processus qui regroupe les étapes

suivantes : collecte d’informa-

tions, analyse, synthèse et diffu-

sion et une activité de ciblage

bien distincte.

● Les principaux rôles dans une

organisation de veille sont : coor-

dinateur, observateurs, experts

(optionnel), demandeurs, comité

de veille (optionnel).

● Un système d’information de

veille doit assurer les fonctionna-

lités suivantes : acquisition exter-

ne et interne, stockage et traite-

ment, analyse, mise en forme

rapidement possible les informa-

tions disponibles sur les sujets

surveillés. Il s’agit d’une informa-

tion à consommation rapide. Par

delà l’immédiateté des faits, la

prospective doit permettre

d’identifier les évolutions à

moyen et long terme et les orga-

niser dans des scénarios complets

d’évolution.

La logique de la veille est une

logique factuelle. Sur la base de

faits avérés, la veille développe

ses analyses et ses synthèses.

Celle de la prospective est projec-

tive. A partir de l’identification de

tendances, la prospective met en

perspective leurs projections

dans des scénarios d’évolution.

La veille se positionne dans le

contexte économique de l’entre-

prise et des agents économiques,

c’est à dire celui de la micro-éco-

nomie. La prospective s’intéresse

à la société, aux entreprises dans

leur ensemble et plus générale-

ment aux grands agrégats. Il

documentaire et diffusion ainsi

qu’administration.

● La veille fournit aux organisa-

tions de nombreux apports

comme : la connaissance des évo-

lutions de l’environnement,

l’identification des menaces et

des opportunités, l’appui à la

prise de décisions, la dynamisa-

tion de l’innovation.

Le tableau (Figure 1) présente une

analyse comparée de la veille et de

la prospective.

Les objectifs de la veille et de la

prospective sont différents. La

veille doit permettre à l’entrepri-

se d’identifier les évolutions de

son environnement, de les com-

prendre et d’agir. La prospective

possède une finalité anticipatrice,

elle a pour vocation d ‘élaborer

des scénarios d’évolution qui

vont permettre aux uns et aux

autres de se positionner.

La perspective chronologique

de la veille est de fournir le plus

Figure 1: positionnement de la veille et de la prospective

Neuf types principaux de veille

Page 3: Veille prospective

46 Qualitique n°161 - octobre 2004

…s’agit d’une approche macro-éco-

nomique.

La mise en oeuvre de la veille

s’opère sur différents registres :

l’organisation, les processus, les

systèmes d’information… Elle a

vocation à s’intégrer dans l’entre-

prise. La prospective ne s’implé-

mente pas. Elle se met en oeuvre

dans le cadre d’études.

Avec ses dernières évolutions, la

prospective se rapproche de la

veille. Elle est devenue beaucoup

plus opérationnelle et aussi beau-

coup plus stratégique. Certains

combinent d’ailleurs les deux

notions sous l’appellation de

"veille prospective".

Les entreprises, surtout les

grandes entreprises, mais aussi

certaines PME, n’hésitent plus à

utiliser la prospective. Elles ont

trop raisonné dans le court terme

et se rendent compte maintenant

de l’intérêt de construire et de

visualiser des scénarios à plus

long terme, par exemple pour se

tenir informées sur les évolutions

des métiers et anticiper les com-

pétences dont elles devraient dis-

poser. De plus, les entreprises

n’hésitent plus à s’associer pour

mener des études prospectives à

grande échelle. Par exemple, le

projet "Mobility 2030", ras-

semble douze entreprises améri-

caines, japonaises et européennes

appartenant aux secteur de l’au-

tomobile et de l’industrie pétro-

lière, qui ont lancé une vaste

étude sur ce que devrait être la

mobilité en 2030 et sur la façon

d’y parvenir en prenant en comp-

te les principes de base du déve-

loppement durable.

Intelligence économique Présenter l’intelligence écono-

mique ne peut être mieux fait

qu’au travers de la citation sui-

contrôle les éléments scienti-

fiques, technologiques et concur-

rentiels de l’entreprise. La protec-

tion des ressources d’une

entreprise ne se base pas exclusi-

vement sur les systèmes et procé-

dures, elle doit avant tout sensi-

biliser et impliquer les

collaborateurs dans leurs activités

quotidiennes.

La détection des menaces et des

opportunités que l’entreprise

peut affronter positionne la socié-

té dans son environnement et

examine comment les évolutions

de celui-ci peuvent offrir des pos-

sibilités de développement com-

mercial, technologique… ou

créer des difficultés auprès des

clients, des fournisseurs et des

partenaires. Il s’agit d’une

approche de veille.

Avec la constitution de stratégies

d’influence au service de l’entre-

prise, il s’agit de définir la maniè-

re dont la société va utiliser le

lobbying, les réseaux, la commu-

nication ciblée… pour parvenir à

ses fins : renforcer son image,

faire valoir ses intérêts, amener

ses clients, concurrents, fournis-

seurs… à agir suivant ses

besoins.

Parler à la place d’un concurrent,

influencer ses alliés, fragiliser son

image ou démoraliser son per-

sonnel sont des actions contre un

concurrent qui relèvent de la par-

tie la plus secrète de l’intelligen-

ce économique.

Ces actions ont pris de plus en

plus un contenu informationnel

et certains ont introduit le

vante extraite du rapport

CARAYON : " Fondamentale-

ment, l’Intelligence Economique

a trois grandes vocations :

● Maîtrise et protection du patri-

moine scientifique, technologique

et concurrentiel de l’entreprise,

● Détection des menaces et

opportunités que l’entreprise

peut affronter,

● Constitution de stratégies d’in-

fluences au service de l’entreprise. 1"

Cette définition donne une pers-

pective globale de l’intelligence

économique, mais ce n’est pas la

définition officielle donnée par ce

rapport, ce n’est qu’une parmi

celles qui sont proposées.

Par maîtrise et protection du

patrimoine scientifique, techno-

logique et concurrentiel de l’en-

treprise, il faut entendre d’une

part l’identification précise du

patrimoine de l’entreprise pré-

sent dans les informations possé-

dées (brevets…), les modes de

fonctionnement utilisés ou les

savoir-faire des collaborateurs et

d’autre part sa protection contre

les menaces accidentelles comme

les erreurs dues à un manque

d’attention ou de compétence, les

catastrophes naturelles ainsi que

les menaces intentionnelles

comme l’espionnage, le vol de

données, la fraude… L’identifica-

tion et la protection du patrimoi-

ne de l’entreprise peuvent utiliser

différentes approches. La plus

connue d’entre elles est l’ap-

proche sécuritaire qui va consis-

ter à identifier et mettre sous

Veille, prospective, intelligence économique et management des connaissances

«La protection des ressources d’une entreprise ne se basepas exclusivement sur les systèmes et procédures, elle doitavant tout sensibiliser et impliquer les collaborateurs dans

leurs activités quotidiennes.»

Page 4: Veille prospective

47Qualitique n°161 - octobre 2004

S T R AT E G I E E T M A N A G E M E N T

concept d’infoguerre pour expri-

mer cette évolution. Dans ce

contexte, il existe trois types de

stratégies possibles : la guerre

pour l’information, la guerre

contre l’information et la guerre

par l’information.

La première vise à réaliser l’inter-

ception ou le détournement d’in-

formations stratégiques et confi-

dentielles. La seconde a pour

objectif de priver le concurrent

de ses accès à l’information. La

dernière se positionne clairement

dans une perspective de désin-

formation et de manipulation.

Il faut noter que l’intelligence

économique ne doit cependant

pas être réduite à ces actions de

guerre économique.

Même si l’intelligence écono-

mique et la veille se rejoignent

sur la nécessité de détecter les

menaces et opportunités que

l’entreprise peut avoir à affronter,

l’intelligence économique possè-

de une orientation beaucoup

plus active, qu’il s’agisse de la

maîtrise et de la protection du

patrimoine de l’entreprise ou

bien de la constitution de straté-

gies d’influence.

Certains praticiens de l’intelligen-

ce économique ont cherché à

intégrer la veille dans un concept

global. Dans celui-ci, la partie de

surveillance de l’environnement

de l’intelligence économique

relèverait de la veille. En fait dans

les entreprises, les praticiens de

la veille ne se sont pas intégrés

dans une telle approche.

Il faut indiquer cependant que

certains grands groupes ont créé

des cellules spécialisées dans l’in-

telligence économique. Ils

avaient une expérience dévelop-

pée de la pratique de la veille et

voulaient mettre en place des

actions offensives par rapport à

perspective de réalisation d’ac-

tions offensives à destination des

concurrents. A ce niveau, il ne

s’agit plus de veille, mais d’intel-

ligence économique.

Dans le passage de la veille à l’in-

telligence économique les war-

games sont des outils importants.

Initialement utilisées dans le

domaine militaire pour simuler

les attaques ennemies suscep-

tibles d’advenir et définir des

ripostes adaptées, ces pratiques

sont maintenant utilisées par les

entreprises. Elles permettent aux

entreprises d’évaluer de manière

dynamique leur compréhension

de l’environnement et de ses évo-

lutions ainsi que leur capacité à

réagir à des attaques inattendues.

Il ressort le plus souvent des

séances de wargames un reposi-

tionnement des options de ges-

tion et des propositions d’action

offensives, notamment en termes

de communication.

Management des connaissances Le management des connais-

sances est une discipline qui a

pris depuis quelques années une

ampleur croissante qui amène

certains auteurs à y intégrer les

activités de veille. C’est pourquoi

leurs concurrents.

Conceptuellement, il est possible

d’admettre que la veille s’intègre

dans l’intelligence économique,

dans les faits elle ne s’introduit

dans les entreprises que lorsque

leur pratique des activités de

veille a atteint un certain niveau

de maturité. L’expérience montre

qu’il existe trois niveaux de

maturité des organisations par

rapport à la veille

● L’époque de l’information,

● L’époque de la gestion,

● L’époque de l’action.

A l’époque de l’information, la

veille vise surtout à fournir des

informations aux responsables de

l’organisation. Des lettres d’infor-

mation thématiques sont le plus

souvent utilisées.

Avec l’époque de la gestion, la

veille s’insère dans les processus

opérationnels comme le dévelop-

pement d’un nouveau produit, la

sélection d’un fournisseur… Elle

apporte, le plus souvent sous

forme de documents de synthèse,

les éléments qui vont permettre

de valider ou d’affiner les choix

qui doivent être faits.

L’entrée dans l’époque de l’action

se traduit par l’organisation

volontariste d’une consolidation

des informations de veille dans la

Page 5: Veille prospective

48 Qualitique n°161 - octobre 2004

Aujourd’hui, les praticiens

comme les universitaires s’accor-

dent à dire que le management

des connaissances est un mode

de gestion systématique des

savoir-faire et des connaissances

dans les organisations dont la

finalité est de leur permettre

d’obtenir un avantage compétitif.

Il est ainsi reconnu que les orga-

nisations développent leurs

savoir faire et connaissances au

travers de quatre grands proces-

sus de transformation de l’état

des connaissances :

● la socialisation (partage de

connaissances tacites),

● l’externalisation (transforma-

tion des connaissances tacites en

connaissances explicites),

● la combinaison (ré-arrange-

ment de connaissances expli-

cites),

● l’intériorisation (transforma-

tion des connaissances explicites

en connaissances implicites).

L’analyse des projets de mise en

oeuvre du management des

connaissances, qu’il s’agisse de

mise en place d’un système auto-

matisé de conduite des hauts-

fourneaux, de couplage d’une

planification fine des projets de

développement des produits avec

une gestion des savoir-faire de

conception, de fixation et de

mise à disposition des éléments

réutilisables des opérations d’im-

plémentation d’atelier de peintu-

re ou encore d’organisation et

d’outillage du partage des savoir-

faire et acquis techniques, amène

ment, de structuration… Leur

mise à disposition est réalisée

dans des supports documentaires

classiques.

L’approche de collaboration se

rapporte au processus de partage

des connaissances tacites. De

manière opérationnelle, il s’agit

avec cette approche de dévelop-

per les échanges et partages thé-

matiques au sein de communau-

tés de pratique.

Une communauté de pratique est

un groupe de professionnels, de

taille variable, qui partage des

connaissances, travaille

ensemble, crée des pratiques

communes, enrichit ses savoir-

faire sur un domaine d’intérêt

commun (expertise, compé-

tences, processus…) qui est l’ob-

jet de leur engagement mutuel.

Une communauté de pratique est

différente :

● d’un service ou d’un départe-

ment car elle établit une collégia-

lité entre ses membres et ne vise

pas à en opérer le management,

● d’une équipe de projet car elle

fonctionne autour d’intérêts réci-

proques et non de la réalisation

des tâches et la fourniture des

livrables comme un projet,

● d’un réseau, car elle n’est pas

fondée sur un ensemble de rela-

tions interpersonnelles mais se

positionne sur un autre registre,

la fédération de professionnels

autour d’un ou plusieurs sujets

qui les préoccupent.

D’un point de vue analytique, il

est possible de décrire une com-

munauté de pratique à partir des

éléments suivants :

● Le domaine qui décrit son

thème,

● L’organisation de la commu-

nauté qui permet d’en préciser

à distinguer deux approches de la

gestion des connaissances l’ap-

proche de capitalisation et l’ap-

proche de collaboration.

L’approche de capitalisation se

rapporte au processus de trans-

formation des connaissances

tacites en connaissances expli-

cites. De manière opérationnelle,

il s’agit avec cette approche de

recueillir, mettre en forme et

rendre disponibles les savoir-faire

et les connaissances de collabora-

teurs. Il peut s’agir d’experts au

sens strict du mot, mais des pro-

fessionnels disposant de savoir-

faire non codifiés et pourtant cri-

tiques pour l’organisation

peuvent aussi être sollicités,

comme des techniciens de main-

tenance, des conducteurs de

ligne de production…

Pour les savoir-faire et connais-

sances techniques et complexes,

il peut parfois être nécessaire

d’utiliser des techniques de

modélisation et des modèles qui,

même s’ils peuvent paraître abs-

cons, sont utiles. Ces travaux de

modélisation et de mise en forme

se concrétisent dans la réalisation

de livres de connaissances ou des

référentiels métiers. Dans le

choix d’une méthode de modéli-

sation, un compromis est à réali-

ser entre la richesse portée par les

modèles et le niveau d’investisse-

ment intellectuel nécessaire pour

y accéder.

Sinon les mots usuels sont utili-

sés et la mise en forme des

savoir-faire se fait surtout à partir

d’opérations d’analyse, de classe-

Veille, prospective, intelligence économique et management des connaissances

«Aujourd’hui, les praticiens comme les universitaires s’accordentà dire que le management des connaissances est un mode de

gestion systématique des savoir-faire et des connaissances dansles organisations dont la finalité est de leur permettre d’obtenir

un avantage compétitif.»

Page 6: Veille prospective

49Qualitique n°161 - octobre 2004

S T R AT E G I E E T M A N A G E M E N T

les membres,

● La pratique qui assure la des-

cription de ses activités et du

contenu de ses échanges.

Une communauté de pratique a

besoin, pour fonctionner, de res-

sources internes et d’un support

externe. Pour ce qui concerne les

ressources internes, la commu-

nauté de pratique doit disposer

d’un animateur, d’un gestionnai-

re de la documentation, d’experts

thématiques et bien entendu de

membres de base.

Le support externe doit principa-

lement être fourni par un spon-

sor qui va s’attacher à bien insé-

rer la communauté dans

l’organisation en lui fournissant

notamment des moyens et qui va

assurer la cohérence entre les dif-

férentes communautés de pra-

tique existantes.

Par ailleurs, il ne faut pas conce-

voir linéairement la vie d’une

communauté de pratique. Sa vie

traverse plusieurs stades : prépa-

ration, constitution, maturité,

activité. Dans certaines de ces

phases il peut y avoir des hauts et

des bas . De plus la pérennité

d’une communauté de pratique

n’est pas garantie et elle peut être

sances impose donc de s’interro-

ger sur les liens entre la veille et

la capitalisation des connais-

sances comme ceux de la veille

avec le travail collaboratif.

Les objectifs de la veille et du

management des connaissances

sont très clairement différents. La

veille a principalement une voca-

tion anticipatrice, elle doit per-

mettre à l’entreprise d’identifier

les évolutions de son environne-

ment, de les comprendre et

d’agir. Le management des

connaissances possède une fina-

lité adaptatrice, il permet aux

collaborateurs d’acquérir plus

rapidement des connaissances

par partage ou par consultation

et ainsi de développer leur per-

formance et celle de l’entreprise.

La perspective chronologique de

la veille est de fournir le plus

rapidement possible les informa-

tions disponibles sur les sujets

que l’on surveille. Il s’agit d’une

information à consommation

rapide. La capitalisation des

connaissances se positionne sur

le long terme car elle vise à la

réutilisation des savoirs et des

savoir-faire. L’horizon de la colla-

amenée à se disperser lorsque

l’essentiel des échanges à réaliser

entre ses membres a été fait. Si

une telle situation arrive, l’impor-

tant est de capitaliser les travaux

réalisés.

Il peut exister des communautés

de pratique, formelles ou infor-

melles, réelles ou virtuelles,

mono ou multi-fonctionnelles,

internes à l’entreprise ou incluant

fournisseurs, clients et parte-

naires, nationales ou internatio-

nales…

En résumé et de manière imagée,

l’approche de capitalisation fait

référence au stock et ses concepts

de base sont la mémoire d’entre-

prise et la gestion documentaire,

l’approche de collaboration fait

référence au flux et ses concepts

de base sont le partage des

connaissances et la communauté

de pratique.

Positionner la veille par rapport

au management des connais-

«Une communauté de pratique abesoin, pour fonctionner, deressources internes et d’un

support externe.»

Positionnement de la Veille et du Management des connaissances

Page 7: Veille prospective

50 Qualitique n°161 - octobre 2004

…boration est entre les deux car

elle se positionne dans une dyna-

mique d’échange et de partage.

La cible de la veille est très claire-

ment l’environnement, c’est à

dire l’extérieur de l’entreprise. A

l’opposé, la capitalisation vise les

savoirs internes à l’entreprise. Les

activités de collaboration concer-

nent le plus couramment l’inté-

rieur de l’entreprise mais elles

peuvent aussi impliquer les

clients et les fournisseurs.

Les informations utilisées par la

veille sont des données transfor-

mées en informations. Le mana-

gement des connaissances por-

tent sur des savoirs et des

savoir-faire.

Le processus de veille a été pré-

senté plus haut. Le processus de

capitalisation des connaissances

rassemble les étapes suivantes :

extraction des connaissances des

experts, mise en forme éventuel-

lement dans des modèles, valida-

tion de la formalisation et mise à

disposition. Il n’existe pas de

processus standard de collabora-

tion. Si besoin, est un processus

spécifique peut être défini pour

les activités collaboratives consi-

dérées.

L’organisation de la veille et celle

des activités de collaboration

sont très proches, les noms chan-

gent mais ce sont les mêmes

fonctions coordinateur pour le

réseau de veille et animateur

pour la communauté de pra-

tique. Il n’existe pas d’organisa-

tion standard de mise en oeuvre

de la capitalisation des connais-

sances dans la mesure où cette

activité est le plus souvent ponc-

tuelle.

Le système d’information utilisé

veille et management des

connaissances tend à disparaître.

Même, si en théorie, la prospecti-

ve et la veille n’ont pas de domai-

ne de recouvrement, elles sem-

blent actuellement se rapprocher

à travers le concept de " veille

prospective ".

La veille peut se positionner

conceptuellement comme une

composante de l’intelligence éco-

nomique, mais dans la pratique

les entreprises sont bien loin de

maîtriser les techniques de l’in-

fluence et séparent en règle géné-

rale les deux activités.

Qu’il s’agisse des objectifs, de la

perspective chronologique, de la

cible, des informations utilisées,

du processus, de l’organisation,

du système d’information la

veille est bien distincte du mana-

gement des connaissances, seule

les modes de mise en oeuvre sont

proches.

1) Rapport au Premier Ministre de

Bernard CARAYON, député du

Tarn juin 2003 – page 111

DENIS MEINGAN

DIRECTEUR ASSOCIÉ

KNOWLEDGE CONSULT

ISABELLE LEBO

EXPERT CONSULTANT

KNOWLEDGE CONSULT

pour la veille est dédié à cette

activité. C’est le portail qui est

utilisé pour les activités collabo-

ratives. Le système d’information

utilisé pour la capitalisation des

connaissances est typiquement la

gestion documentaire.

La démarche de mise en oeuvre

de la veille nécessite un axe de

conduite du changement pour

les sources humaines et un axe

technologique pour les sources

électroniques. La mise en oeuvre

organisée des activités de colla-

boration nécessite elle aussi une

conduite du changement adap-

tée. Il n’existe pas de démarche

standard de mise en oeuvre de la

capitalisation des connaissances.

Le positionnement de la veille

par rapport aux deux compo-

santes du management des

connaissances étant effectué, il

reste à examiner la possibilité de

capitaliser les connaissances de

veille et de faire fonctionner la

veille sur un mode collaboratif.

En fait, il n’est pas possible de

capitaliser les informations

recueillies car elles ont une durée

de vie trop courte. Cependant

dans une perspective de veille

mobilisant des experts, comme

certaines veilles technologiques,

la capitalisation des informations

de veille contextualisées par les

experts peut être envisagée.

Cette approche peut être prolon-

gée dans la veille collaborative

qui vise à faire fonctionner la

veille sur le mode de l’échange et

du partage de " sachants ". Bien

que non applicable dans tous les

contextes de veille, cette

approche est néanmoins à retenir

dans certains cas.

Dans ce contexte précis, il est

presque possible de parler de

communauté de pratique d’ex-

perts et ainsi la frontière entre

Veille, prospective, intelligence économique et management des connaissances