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1 Vers un cadre de comptabilité et d’informations financières différentielles pour les PME tunisiennes Besma CHOUCHANE* 3éme Conférence Internationale de Finance, IFC 3 3-5 Mars 2005 Hammamet, Tunisie Objectif Le nouveau Système Comptable tunisien applicable depuis 1997, s’est substitué au Plan Comptable de 1968. Il comporte un cadre conceptuel et des normes comptables inspirées des normes comptables internationales. Ce nouveau système doit être appliqué par l’ensemble des entreprises tunisiennes (la loi n°96-112 du 30 décembre 1996). Etant donné que le contexte économique tunisien est formé par une majorité de PME, la présente communication s’interroge sur la pertinence des normes différentielles pour les PME et de l’apport des directives de l’ISAR au contexte tunisien. Introduction Le débat sur la conception des normes différentielles a commencé à se poser aux Etats-Unis depuis 1976 lorsque l’AICPA a publié « Report of the Committee on Generally Accepted Accounting Principles for Smaller and or Closely Held Buisness ».

Vers un cadre de comptabilité et d'informations financières

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Vers un cadre de comptabilité et d’informations financières

différentielles pour les PME tunisiennes

Besma CHOUCHANE*

3éme Conférence Internationale de Finance, IFC 3

3-5 Mars 2005 Hammamet, Tunisie

Objectif

Le nouveau Système Comptable tunisien applicable depuis 1997, s’est substitué au Plan

Comptable de 1968. Il comporte un cadre conceptuel et des normes comptables inspirées des

normes comptables internationales. Ce nouveau système doit être appliqué par l’ensemble des

entreprises tunisiennes (la loi n°96-112 du 30 décembre 1996).

Etant donné que le contexte économique tunisien est formé par une majorité de PME, la

présente communication s’interroge sur la pertinence des normes différentielles pour les PME

et de l’apport des directives de l’ISAR au contexte tunisien.

Introduction

Le débat sur la conception des normes différentielles a commencé à se poser aux Etats-Unis

depuis 1976 lorsque l’AICPA a publié « Report of the Committee on Generally Accepted

Accounting Principles for Smaller and or Closely Held Buisness ».

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Certains pensent que les normes comptables doivent être appliquées à tous les états financiers

afin de présenter des états financiers représentant une image fidèle. D’autres pensent que les

petites et moyennes entreprises doivent être dispensées des exigences de certaines normes qui

sont indûment pesants pour elles, ou prétendent que les petites entreprises doivent avoir des

normes comptables complètement différentes des autres entreprises.

Aux Etats-Unis et en Angleterre, il y a eu opposition à l’idée qu’il y ait une différentiation des

normes pour les petites et les grandes entreprises. En effet, ils prétendent que « les principes

de mesure doivent être appliqués de manière générale à tous les états financiers de toutes les

entreprises, car les règles de mesure doivent être choisies indépendamment de la nature des

utilisateurs et de leurs intérêts (AICPA, 1976: 8-9)1. Cependant, dans ce même rapport on lit

que la nature et l’étendu de certaines divulgations peuvent varier selon la nature des besoins

des utilisateurs.

Malgré qu’il y ait eu au départ une certaine résistance pour les normes différentielles en

Angleterre, depuis fin 1994 le climat a changé. En effet, en 1997 un document intitulé

«Financial Reporting Standard for Smaller Enterprises : FRSSE » a été publié et remis à jour

en 1998. Le FRSSE a simplifié toutes les normes existantes et a proposé d’autres normes où il

y a moins d’obligations de divulgations d’informations ainsi que des mesures plus simplifiées

pour certains éléments des états financiers.

En 1996, le FASB a aussi publié le Statement n° 126 « Exemption from Certain Required

Disclosures about Financial Instrument for Certain Nonpublic Entities ».

En 1999, l’Institut Canadien des Comptables Agrées (ICCA) a publié un rapport de recherche

intitulé « L'information financière des PME». Ce rapport est suivi par un rapport de sondage

« Differentiel Reporting » publié par le Conseil des normes comptables canadien en juillet

2001. Ce rapport de sondage propose des simplifications des règles de reconnaissance,

mesures et de divulgation au sujet de six normes comptables canadiennes.

Le groupe de travail intergouvernemental d'experts des normes internationales de comptabilité

et de publication (ISAR), ayant pour objectif de travail d’améliorer l’information comptable

des petites et moyennes entreprises a aussi discuté de l’utilité des normes différentielles aux 1 Cité par Belkaoui (1992).

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PME. Au niveau international ce débat a pris une autre dimension. En effet, le groupe ISAR2

a attiré l’attention et a discuté du problème de la comptabilité dans les pays en voie de

développement. L’ISAR a noté que les pays développés (le cas des Etats-Unis, l’Angleterre,

Canada…) disposent de cadres de réglementation, des professionnels compétents et une

infrastructure comptable bien développée, une situation qui est bien différente de celles des

pays en voie de développement. Ainsi, les entreprises des pays émergents peuvent ne pas

avoir les mêmes ressources ainsi que l’infrastructure comptable nécessaire. En particulier, les

comptables ainsi que les professionnels peuvent avoir des difficultés d’appliquer les normes

comptables internationales.

Les résultats du groupe ISAR ont abouti à des conclusions semblables aux précédentes

proposant des règles de simplifications de mesure et de publication pour les PME.

Des initiatives de normalisation différentielle ont été prises par plusieurs organismes

comptables. Les approches suivies sont différentes. Pour cela, nous avons tenté de se référer

aux recherches antérieures qui se sont intéressées à la question des normes différentielles

destinées aux PME.

1. Les recherches antérieures sur les normes comptables différentielles

Pour l'élaboration d'un principe d'information financière différentielle, les organismes de

réglementation peuvent s'inspirer d'une littérature abondante ainsi que des travaux faits dans

les années 1980 par les comités qui ont précédé.

Même si les arguments en faveur d'une harmonisation internationale des normes comptables

ne sont peut-être pas convaincants lorsqu'ils sont appliqués à l'information financière publiée

par les PME, on pourrait s’inspirer des solutions retenues par d'autres normalisateurs à l'égard

des problèmes propres aux PME, voire adopter ces solutions.

- Aux États-Unis, peu d'intérêt est accordé pour l'adoption de quelque chose qui ressemblerait

au principe d'information différentielle proposé, parce que les PCGR américains s'adressent

aux sociétés ouvertes et à d'autres entreprises qui sont tenues par la loi ou la réglementation,

ou par contrat, d'appliquer les PCGR, et qui le font effectivement. Nombre de PME aux États-

2 Intergovernmental Working Group of Experts on International Standards Accounting & Reporting : Groupe de

travail intergouvernemental d'experts des normes internationales de comptabilité et de publication.

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Unis utilisent, pour l'établissement de leurs états financiers, un ensemble exhaustif de règles

autres que les PCGR (les règles fiscales). Le Financial Accounting Standards Board reconnaît

toutefois que quelques-unes de ses exigences ne devraient pas être appliquées à certaines

entreprises et il en a donc restreint le champ d'application.

- L'Accounting Standards Board du Royaume-Uni a publié en 1997 une norme intitulée

Financial Reporting Standard for Smaller Enterprises, qui constitue un recueil complet de

versions simplifiées des normes s'appliquant aux entités qui ne sont pas des sociétés ouvertes

et qui respectent certaines exigences établies par règlement sur la base du chiffre d'affaire (2,8

M £), de l'actif total (1,4 M £) et du nombre moyen de salariés (50).

Le Tableau 1 nous présente des cadres de comptabilité et d’informations financières

différentielles répondant aux besoins des différentes catégories d’entreprises qui ne

nécessitent pas de normes comptables assez développées. Ces cadres sont destinés aux petites

et moyennes entreprises, entreprises cotées ou non cotées… tout dépend de l’organisme du

pays en question et de l’approche suivie pour établir un tel cadre.

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Tableau 1 : Exemples de cadres de comptabilité et d’informations financières différentielles

Organisation Document Critère de

distinction ou

approche suivie

Mesure quantitative

Australian Accounting Resarch Foundation

SAC 1 “Definition of the reporting entity”

Besoin des utilisateurs

La valeur de référence : taille n’ a pas été précisée mais en se référant à la loi des entreprises en Australie : Sont considérées petites entreprises celles qui satisfont une de ces deux critères suivants : a- Chiffre d’affaires moins de 10m A$ dans l’année b- Total actif, moins de 5m A$ a la fin de chaque année c- Moins de 50 employés a la fin d’année

Institute of Chartered Accountants New Zeland

Framework for Differential Reporting

Besoin des utilisateurs

La taille, est considérée grande celle qui dépasse un de ces critères :

a- Chiffre d’affaires total : 5m$ b- Total actif : 2.5m$ c- 20 employés

FASB Etats Unis

Statement 126 en excluant pour certaines entreprises faisant appel public à l’épargne la publication de certaines informations

Ouvertes ou non Un total actif inférieur à 100M$

ASB Royaume-Uni

Financial Reporting Standard for Smaller Entities (FRSSE)

Taille Sont considérés comme petites entreprises (Act 1985) :

a- CA annuel inférieur à 2.8m£ b- Total actif ne dépassant pas

1.4m£ c- Nombre moyen des salariés ne

dépasse pas 50

Canadian Accounting Standard Board

La section 1300 et les amendements relatifs aux autres sections du manuel du CICA déterminent les options qui qualifient les entreprises pour les normes différentielles

Publique /non publique

Une mesure quantitative n’a pas été donnée

Les Etats Membres de l’Union Européenne

La 4 éme et 7 éme directive A partir de 2005 les IFRS

Cotées/ non cotées Cotées/non sur des marchés étrangers

/

Malysian Accounting Standard Board

MASB SOP 1, certaines entreprises ont été exclues

Besoins de certains utilisateurs

Sont considérées grandes entreprises si elles dépassent deux des critères qui suivent :

a. CA annuel 10m RM b. Total actif 5mRM c. 50 en moyenne d’employés dans

une année ICA a Sri lanka

Accounting Standards for Small Enterprises

Ouvertes ou non et la taille

La taille mesure : 1. CA annuel entre 50Mn Rs et

500Mn Rs 2. A la fin de l’année considérée il y a

a- Les capitaux propres entre 10Mn Rs et 100Mn Rs b- Total actif entre 30Mn Rs et 450Mn Rs c- Les crédits pour les banques et les autres institutions financières 10Mn Rs et 100Mn Rs d- Un effectif entre 100 et 1000 personnes

ICA Sud d’Afrique

DP 16 : des états financiers a objectifs limités

Besoin des utilisateurs

Taille non mesurée

Hong kong Society of Accountants

Un papier qui a proposé un cadre pour les normes différentielles

Besoin des utilisateurs

Sont considérés comme petites entreprises, celles qui ne dépassent pas un de ces critères

a. CA total 50m$ b. Total Actif 50m$ c. 50 employés

ISAR

Directives comptables pour les petites et moyennes entreprises

Cotées/ non cotées /

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A partir de ce tableau, on peut conclure que plusieurs pays et organismes professionnels ont

opté pour la différenciation des normes.

Tout dépend de l’approche suivie pour adopter des normes différentielles, les critères de

distinction peuvent aussi être différents. En effet, pour certains les normes simplifiées ou

différentielles doivent être appliquées par les entreprises selon qu’elle est grande ou petite,

cotée ou non cotée, publique ou non ou tout dépend aussi des besoins des utilisateurs des états

financiers.

Ainsi, pour différencier entre grandes ou petites entreprises des mesures quantitatives sont

alors nécessaires. Certains ont essayé de donner des limites pour considérer telle ou telle

entreprise comme grande ou petite.

La détermination de ces critères dépend des conditions économiques et de l’environnement du

pays en question. Les critères de distinction généralement considérés sont les suivants :

- Chiffre d’affaires

- Total actif

- Nombre des employés

- Total capitaux propres...

Par ailleurs, en ce qui concerne le cadre des normes différentielles, on peut conclure que la

majorité des organisations ci-dessus cités, ont en général gardé le même cadre que celui des

autres entreprises (grandes, cotées..), en éliminant certaines obligations de divulgations, de

mesures, ou de présentation qui peuvent peser lourd pour les entreprises auquel est destiné ce

cadre.

Ainsi, plusieurs questions se posent : ce choix de cadre est-il judicieux, doit-on alors garder le

même cadre des grandes entreprises cotées ainsi que les normes tout en simplifiant les

obligations de divulgation ? Existe-t-il des normes qui sont plus pertinentes que d’autres pour

les petites et moyennes entreprises ? Ou bien faut-il deux cadres différents pour ces

différentes catégories d’entreprises ?

Dans le cadre de cette recherche nous avons tenté de répondre à ces différentes interrogations.

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Nous proposons un cadre de comptabilité et d’information financière, où nous commençons

tout d’abord de délimiter et de définir la notion de PME et de normes différentielles. Nous

présenterons ensuite les normes qui semblent être plus pertinentes que d’autres à cette

catégorie d’entreprise ainsi que leurs différents utilisateurs des états financiers.

2. Cadre de comptabilité et d’informations financières différentielles

Les PME constituent des acteurs économiques importants, tant dans les pays développés que

dans les pays en voie de développement. En effet, elles contribuent à la création d’emplois et

au développement social dans tous les pays du monde. Toutefois, elles ont des difficultés à

accéder au financement faute de pouvoir présenter des informations financières fiables aux

investisseurs et aux créanciers. Etant, donné que ces entreprises constituent une source

importante de richesse et d’emplois, leurs problèmes méritent d’être examinés par les

organismes de normalisation. Cette catégorie d’entreprise représente une part importante du

tissu économique tunisien. En effet, la majorité des entreprises tunisiennes sont des PME.

2.1. Définition d’une PME

Il n'existe pas de définition universelle d'une PME. Différentes recherches ont cependant tenté

de définir ce que c’est une petite et moyenne entreprise.

La première définition est présentée en 1947 par le comité du développement économique

rattaché au gouvernement des Etats-Unis. Elle stipule qu’une firme peut être qualifiée de

petite ou moyenne si elle remplit au moins deux des quatre conditions :

- La direction de la firme est indépendante et les dirigeants détiennent normalement la

propriété et le contrôle de la firme ;

- Le capital est fourni par un seul individu ou un groupe restreint d’individus ;

- Les opérations de la firme ont essentiellement un caractère local, les employés et les

propriétaires vivant dans la même zone géographique. Il n’est pas besoin que les marchés

desservis aient une dimension locale ;

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- La firme commerciale doit être petite dans son secteur quand on la compare aux firmes les

plus grandes qui opèrent dans le même domaine que le sien. Cette mesure peut être établie

d’après le volume des ventes, le nombre des employés ou d’autres normes comparatives

significatives.

L'organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) a cependant défini

les PME comme des sociétés indépendantes non affiliées employant moins d'un nombre

donné de personnes : jusqu'à 19 salariés, il s'agissait d'une très petite entreprise, jusqu'à 99

d'une petite entreprise et de 100 à 499 d'une entreprise moyenne. La limite supérieure est en

général de 250 personnes, mais elle était de moins de 200 dans l'Union européenne et de

moins de 500 aux États-Unis.

Partant du principe que la taille est un aspect important de l’activité économique des

entreprises et que les besoins différent selon le type d’entreprise. L’ISAR a classé les PME

comme suit :

- Micro entreprises entreprise employant d'une à cinq personnes (il s'agit en général d'un

entrepreneur individuel).

- Petites entreprises employant de 6 à 50 personnes

- Entreprises de taille moyenne employant de 51 à 250 employés

Ces différentes définitions sont certes pertinentes mais leurs défauts est qu’elles ne sont pas

transposables dans tous les pays, par ailleurs elles ont une portée générale et ne mettent pas en

exergue les besoins des acteurs au sein de l’entreprise et au niveau de ses partenaires en

informations financières. De même, l'Organisation internationale du Travail, a souligné

qu’aucune définition ne peut englober tous les aspects de l'activité des "petites" ou

"moyennes" entreprises, ni tenir compte des disparités entre des entreprises, des secteurs ou

des pays se trouvant à des stades différents de développement.

Ainsi, il appartient à chaque pays de définir les différentes catégories de PME d’une manière

qui réponde à ces besoins3.

3 Rapport du groupe de travail intergouvernemental d’experts des normes internationales de comptabilité et de

publication.

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L’ICCA4 a cependant retenu une définition qui nous paraît pertinente pour le contexte

tunisien selon laquelle est PME toute entité autre que les sociétés ouvertes, les coopératives,

les régimes de retraites et les institutions financières.

2.2. Les normes différentielles

2.2.1. Définition

Le groupe d’étude sur l'information financière des PME, FCA5, au Canada a retenu le principe

d’information financière différentielle dans le cadre PCGR. Selon ce principe, les normes

différentielles constituent des normes applicables par les petites entreprises et qui sont en

conformité avec les normes des grandes entreprises cotées. Cependant, les normes applicables

aux PME devraient différer des normes comptables applicables aux autres entreprises lorsque

ces normes ne permettent pas de répondre aux besoins d'information financière des PME ou

que le coût engendré par leur application est supérieur aux avantages qu'elles sont censées

procurer à ces entreprises.

Ainsi, la publication des normes différentielles avait pour objectif de mieux répondre aux

besoins d’informations des PME et de mieux respecter le principe de l'équilibre avantages

coûts.

Différents organismes de normalisation ont envisagé de publier des normes différentielles.

Cependant, plusieurs questions se sont posées pour l’établissement de ces normes. Va-t-on

alors établir un cadre propre aux PME ? Ou conserver les mêmes règles et normes comptables

qui régissent les autres entreprises avec une simplification de certaines exigences ? Et quel

serait alors le coût de l’uniformité ?

4 L’Institut Canadien des Comptables Agréés (ICCA).

5 Ce groupe d’étude canadien est chargé par l’ICCA d’établir un rapport de recherche ayant pour objectif

d'examiner en profondeur comment répondre de manière plus efficace aux besoins d'information financière des

fournisseurs de capitaux des PME, et dans quelle mesure il est possible de modifier l'information financière

établie selon les PCGR afin de mieux répondre à ces besoins.

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2.2.2. Règles de publications différenciées

Le problème était défini de la manière suivante dans une étude récente de l'Institut Canadien

des Comptables Agréés6 :

« Du fait de l'application d'un système unique des principes comptables communément admis

à l'ensemble des entreprises, des entités qui ne sont pas présentes sur les marchés de capitaux

sont tenues, dans une large mesure, de respecter les mêmes règles comptables que des

sociétés cotées en bourse ».

L'idée selon laquelle les règles comptables devraient être les mêmes pour toutes les

entreprises explique en partie les difficultés que rencontrent les sociétés qui passent du secteur

non structuré au secteur structuré. En effet, des petites entreprises qui ne tenaient pas de

comptabilité doivent, respecter les mêmes règles que les sociétés transnationales (ISAR,

2000).

Conscients du problème, certains pays comme l'Australie ont exempté les petites entités de

toute obligation en matière de publication. D'autres pays, notamment l'Allemagne, la France

et le Royaume-Uni, ont au moins admis le principe suivant lequel les conditions applicables

aux petites entreprises en matière de publication diffèrent de celles des grandes sociétés.

Le Groupe d'étude sur l'information financière des PME (FCA) chargé par l’ICCA a évalué

les avantages et les inconvénients des différentes options suivantes :

- un ensemble de PCGR propre à la PME;

- des états financiers établis selon des règles comptables appropriées communiquées au

lecteur, autres que les PCGR, pour répondre aux besoins d'utilisateurs prévus et identifiés;

- des états financiers à vocation générale établis selon des ensembles définis de règles

comptables autres que les PCGR, comme des méthodes fondées sur la comptabilité de caisse

ou sur les règles fiscales;

6 L'information financière des petites et moyennes entreprises, Toronto, Ontario : ICCA, 1999.

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- un nouveau type de rapport financier axé davantage sur les décisions de gestion;

- un seul ensemble de PCGR comportant des règles différentielles pour les PME.

Et il a conclu qu'il n'est pas souhaitable d'élaborer un ensemble distinct de normes comptables

pour répondre aux besoins particuliers des PME. Ainsi, une seule option est acceptable pour

les parties concernées par l'information financière des PME. Cette option consiste à adopter

une forme d'information financière différentielle dans le cadre des PCGR.

Les parties consultées considèrent en effet qu'il est essentiel que les états financiers des PME

soient établis selon l'ensemble de normes qui régit les entreprises canadiennes, les PCGR, afin

de préserver la crédibilité et la comparabilité des états financiers de ces entreprises. Par

ailleurs, les PCGR devraient permettre une certaine souplesse afin que les PME ne soient pas

assujetties à certaines exigences qui ne répondent pas aux besoins des utilisateurs des états

financiers de ces entreprises.

Cette solution a été en effet adoptée par plusieurs organismes de normalisation qui se sont

intéressées à la question des besoins particuliers des PME.

En effet, les décisions prises récemment au Royaume-Uni (introduction d'une norme

d'information financière applicable aux petites entités) ne remet pas en cause le principe d'un

ensemble unique de règles comptables, mais tendent simplement à alléger les obligations des

petites entreprises en matière de publication.

L’ISAR a aussi adopté une solution semblable qui consiste à appliquer des normes modifiées,

fondées sur les règles d'enregistrement et de mesure des IAS mais avec des obligations de

publication plus souples.

Dans les pays d'Europe continentale, en revanche, le problème est différent et le principe

d'une information financière différenciée commence à être accepté. De façon générale des

règles comptables de base s'appliquent aux sociétés à participation restreinte, principalement à

des fins fiscales. Sous l'effet de l'harmonisation internationale de la comptabilité des grandes

sociétés cotées sur plusieurs marchés boursiers, des pays comme l'Allemagne, l'Autriche, la

France et l'Italie admettent que l'information financière soit différenciée. Les grandes sociétés

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cotées sur les marchés internationaux sont désormais obligées7 d’établir des comptes

consolidés conformément à des règles qui ne sont plus nationales, mais internationales.

Le groupe d'étude sur l'information financière des PME (FCA) a cependant montré que

certaines normes comptables sont complexes et volumineuse pour les PME. En effet, il est

peu probable qu'elles concluent une opération ou se trouvent dans une situation telle que

celles que prévoient les normes les plus complexes. On présentera alors les normes qui sont

censées être compliquées pour les PME.

2.2.3. Complexité des normes comptables

Upton et Fleming (2001) ont montré que certaines normes IAS/IFRS ne sont pas pertinentes

aux besoins des entreprises et à leurs utilisateurs des états financiers. Parmi ces normes ils ont

cité :

- La norme relative aux Impôts sur le bénéfice (IAS 12)

- La norme relative aux contrats de location (IAS 17)

- La norme relative aux avantages du personnel (IAS 19)

- La norme relative aux contrats de construction (IAS 11)

- La norme relative aux instruments financiers (IAS 39)

En effet, ceux qui sont d’avis que certaines normes IAS/IFRS ne sont pas pertinentes, ont

montré que les petites entreprises s’engagent rarement dans des activités complexes qui

nécessitent des normes assez développées. L’ASB a donné l’exemple de la norme relative aux

instruments financiers (IAS 39).

De même, l’ISAR a montré aussi que certaines normes ne sont pas pertinentes et elles sont

assez lourdes pour les PME. Il a présenté pour cela dans son travail de recherche un document

appelé "noyau". Ce document regroupe en effet, l’ensemble des normes qui lui semble plus

pertinentes aux besoins des PME tout en gardant à l'esprit que toute règle connaît des

exceptions. Ces exceptions éventuelles sont réglées par renvoi au régime complet des IAS

quand ces normes ne règlent pas tel ou tel point. Ainsi, une PME qui se trouve devant une

situation où il n’y a pas de normes prévue elle s’oriente au régime complet.

7 A partir de 2005.

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13

Les normes IAS retenues sont alors les suivantes:

IAS 1 La publicité des méthodes comptables

IAS 2 Stocks

IAS 7 Tableaux des flux de trésorerie

IAS 8 Résultat net de l'exercice, erreurs fondamentales et changements de méthodes

comptables

IAS 10 Eventualités et événements survenant après la date de clôture de l'exercice

IAS 12 La comptabilisation des impôts sur les bénéfices

IAS 16 Immobilisations corporelles

IAS 17 La comptabilisation des contrats de location

IAS 18 Revenus

IAS 20 La comptabilisation des subventions publiques et des informations à fournir sur

l'aide publique

IAS 21 Effets des variations des cours en monnaies étrangères

IAS 23 Charges d'emprunts

IAS 24 L'information concernant les parties liées

IAS 37 Provisions, passifs éventuels et actifs éventuels

IAS 38 Biens incorporels

Cependant, on ne peut toujours pas affirmer que toutes ces normes sont pertinentes à

l’ensemble des PME ou à l’ensemble des pays, c’est la raison pour laquelle le groupe ISAR a

prévu que si une PME se trouve devant une situation où il n’y a pas de normes prévues elle

s’oriente au régime complet (IAS/IFRS).

L’avantage de l’application de ces normes différentielles ou le coût engendré si les PME

appliquent l’ensemble des normes mérite d’être étudié.

2.2.4. Coût de l’uniformité

Certains ont montré qu’en appliquant l’ensemble des normes IAS/IFRS, le principe

avantages/coût n’est plus satisfait ceci est valable pour les PME ou pour les pays émergents

(Upton et Felming, 2001). En effet, l’application de ces normes nécessite des moyens

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humains et matériels importants. Cependant, beaucoup de PME n'ont pas le personnel

spécialisé ni l'infrastructure technique nécessaire pour appliquer ces normes.

Ajoutons à ceci le manque de satisfaction des utilisateurs des états financiers. En effet, ces

derniers ne sont pas satisfaits en cas de présentation d’états financiers ambiguës et

incompréhensibles.

En conclusion, on peut affirmer que les normes différentielles sont utiles aux PME du fait de

la lourdeur des normes qui sont en général destinées aux grandes entreprises et du manque de

moyens que rencontre les PME.

Le groupe de recherche ISAR a abouti aux mêmes conclusions de recherche et a établi un

cadre de comptabilité et d’informations financières pour les PME. En effet, il a adopté le

cadre conceptuel ainsi que les normes internationales pour les grandes entreprises. Pour les

PME, il a déterminé les normes qui peuvent intéresser les PME tout en simplifiant les

obligations de divulgations d’informations et de mesures.

Cette recherche est réalisée par l’ISAR dans un échantillon de pays diversifié, elle nous paraît

intéressante, dans la mesure où elle pourrait servir de cadre pour les PVD. Pour cela, elle fera

l’objet d’une comparaison avec le Système Comptable des entreprises afin d’évaluer son

éventuel apport pour le contexte tunisien. Auparavant, on présentera les utilisateurs des PME

et leurs besoins.

2.3. Utilisateurs des états financiers des PME et leurs besoins

Ce sont les besoins des utilisateurs des états financiers qui déterminent le contenu des normes

comptables (Chapitre 1000 du Manuel de l’ICCA). Ces besoins d’informations dépendent de

facteurs tels que la mesure dans laquelle les investisseurs, les prêteurs et d’autres personnes

s’appuient sur les états financiers pour prendre des décisions, et la nature des décisions

d’investissement et de prêt que prennent les utilisateurs des états financiers. Ainsi, la

détermination des différents utilisateurs des états financiers nous paraît utile pour

l’élaboration des normes différentielles.

Page 15: Vers un cadre de comptabilité et d'informations financières

15

Les différents cadres conceptuels, dont le cadre conceptuel international ainsi que celui du

cadre tunisien, ont identifié sept catégories d’utilisateurs des états financiers…

Les concepteurs du Système Comptable des entreprises tunisien ont en effet, adopté une

approche qui intègre les préoccupations des utilisateurs aussi bien internes (dirigeants,

organes de gestion...) qu’externes (investisseurs, bailleurs de fonds, subventionneurs,

pouvoirs publics, groupes d’intérêt, travailleurs, l’administration fiscale, les partenaires

économiques...) tout en privilégiant les investisseurs à risque et les bailleurs de fonds comme

destinataires privilégiés de l’information véhiculée par les états financiers8.

Cette orientation est cependant, fort judicieuse dans le cas des grandes entreprises ouvertes

opérant sur les places financières, mais il n’en est pas de même dans le cas des PME.

Le nombre d'utilisateurs des états financiers d'une PME est en effet restreint. Il s'agit

essentiellement des banques, des propriétaires exploitants, du fisc et, dans certains cas, de

fournisseurs de capital risque. C'est principalement pour satisfaire aux besoins de leur banque,

que les PME préparent des états financiers annuels conformes aux PCGR (Lavigne, 1999).

Les besoins des banques en matière d'information financière ont évolué au cours des dernières

années; les états financiers jouent toujours un rôle important dans les décisions de crédit des

banques, dans la mesure où il s'agit de prêts importants pour lesquels les flux de trésorerie de

l'entreprise devront pourvoir au remboursement du prêt. Cependant, les praticiens ont

clairement signalé que certaines informations exigées en vertu des normes internationales sont

peu pertinentes pour les PME.

On peut noter par ailleurs, qu’une caractéristique essentielle des petites et moyennes

entreprises est que ces entreprises ne participent habituellement pas aux marchés des capitaux.

De plus, les utilisateurs des états financiers des PME ont, dans la plupart des cas, la possibilité

d'obtenir des compléments d'informations s'ils le désirent. Par ailleurs, ils n'ont pas des

besoins d'informations aussi importants que les investisseurs des marchés des capitaux et de

leurs conseillers en ce qui a trait à la capacité de l'entreprise de produire un rendement sur le

8 « Normalement l’élaboration d’états financiers répondant aux besoins des investisseurs et bailleurs de fonds

peut également répondre aux besoins des autres utilisateurs. Ce sont les utilisateurs privilégiés des états

financiers ». § 14 du cadre conceptuel tunisien.

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16

capital investi ou en ce qui a trait à la reddition des comptes à l'égard de la responsabilité de

gérance.

L’intérêt des utilisateurs peut être ainsi différent des grandes dans le cas des petites et

moyennes entreprises. En effet, les actionnaires sont en général les membres de la famille.

Les salariés sont en nombre faible, en outre ils n’ont pas d’intérêt dans l’entreprise ou n’ont

même pas accès aux états financiers de l’entreprise.

Des résultats des questionnaires9 administrés auprès des petites et moyennes entreprises

tunisiennes ont aussi confirmé que les principaux utilisateurs des états financiers de ces

entreprises sont les utilisateurs internes suivis par le fisc et les bailleurs de fonds (les

banques). Nous pouvons schématiser les résultats obtenus dans la figure ci-dessous.

87,50%87,50%

62,50%

20,83%16,66%

12,50%

0,00%

10,00%

20,00%

30,00%

40,00%

50,00%

60,00%

70,00%

80,00%

90,00%

utilis

ate

urs

inte

rnes

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institu

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up

es

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térê

t

A D C B E F

Figure 1 : Les principaux utilisateurs des états financiers des PME tunisiennes

Toutes ces particularités ne semblent pas avoir été prises en compte lors de la préparation des

diverses composantes du Système Comptable. Le Système Comptable des entreprises 1997

9 Résultats de nos travaux de recherches empiriques en cours réalisés dans le contexte tunisien.

Page 17: Vers un cadre de comptabilité et d'informations financières

17

fait de l’investisseur à risque et du petit porteur se positionnant dans un marché de valeur sa

cible préférée.

Ainsi, l’examen des besoins des utilisateurs des états financiers des PME a montré que les

besoins des PME différent largement de ceux des grandes entreprises, une telle différence

justifie le raisonnement du choix de normes comptables différentielles pour les entreprises

tunisiennes.

Les résultats des travaux de recherches empiriques réalisées par l’ISAR ont abouti à la même

conclusion. En effet, l’ISAR a signalé que les besoins des utilisateurs des états financiers des

PME ne requièrent pas la diffusion d’informations complexes et leurs activités sont si simples

qu'elles n'appellent pas en général d'analyse plus approfondie. Il est par conséquent inutile de

demander des informations supplémentaires pour appréhender leur situation financière.

D'autre part, les coûts d'une publication plus élevée seraient sans doute supérieurs à ses

avantages potentiels. Les principaux utilisateurs des comptes des PME sont les banques et les

autorités fiscales, qui peuvent souvent obtenir directement de l'entreprise les renseignements

dont elles ont besoin. Il serait probablement inutilement onéreux d'exiger des PME du niveau

inférieur qu'elles accomplissent toutes les obligations en matière de publication des résultats

sans prendre en considération les besoins réels des utilisateurs (ISAR, 2000).

En partant des résultats de ces différentes recherches présentées, on pourrait proposer les

normes différentielles de l’ISAR destinées aux PME des PVD dont la Tunisie. Pour cela, une

comparaison entre le Système Comptable tunisien avec celui des directives de l’ISAR (relatif

au niveau deux proposé) et des normes comptables internationales est utile afin de déceler

l’apport de ces dernières au Système Comptable tunisien.

3. Apport des directives de l’ISAR

3.1. Cadre de l’ISAR

A partir des résultats de recherches empiriques réalisés dans les PVD, l’ISAR a pu conclure

que « la meilleure façon de faire droit à l'extrême diversité des PME et à la variété des

Page 18: Vers un cadre de comptabilité et d'informations financières

18

compétences comptables auxquelles elles ont accès, serait de prévoir un dispositif à trois

niveaux ».

Les trois niveaux déterminés sont les suivants :

Niveau 1 (Observance stricte des normes IAS): Il comprend toutes les entreprises qui

émettent des titres sur le marché ou qui ont une grande présence publique, ainsi que les

banques et les institutions financières. En règle générale elles seraient censées appliquer la

totalité des normes IAS.

Niveau 2 (IAS « abrégées ») : Il comprend les entreprises commerciales qui n'émettent pas

de titres sur le marché et ne publient pas de rapports financiers. Pour ce genre d'entreprises,

l'ensemble des IAS ne s'impose pas nécessairement car il est peu probable qu'elles concluent

une opération ou se trouvent dans une situation telle que celles que prévoient les normes les

plus complexes. Il vaut mieux que ces entreprises appliquent des normes modifiées fondées

sur les règles d'enregistrement et de mesure des IAS mais avec des obligations de publication

plus souples.

Le niveau 3 (comptabilité selon le fait générateur): serait celui des petites entreprises

commerciales et n'employant que quelques salariés. Elles seraient censées n'avoir qu'un accès

restreint aux compétences comptables et ne seraient tenues que de présenter des comptes

simplifiés, répondant de manière générale aux principes essentiels de la comptabilité

d'exercice fixés par les IAS (conforme de manière générale à la norme IAS1).

La nouveauté de ce travail de recherche du groupe ISAR se situe au niveau 2. En effet, le

groupe a cherché à déterminer les aspects des normes internationales qui intéressaient le plus

les PME d'une certaine taille, et puis déterminer les obligations de publication qui ne seraient

pas applicables à ces entreprises ou pourraient être simplifiées.

Au vu des éléments d’informations collectées, l’ISAR a publié une liste de normes qui

intéressait plus les PME. En effet, il a éliminé les normes qui concernent les autres

entreprises. Par ailleurs, il a conservé la base d'enregistrement et de mesure des IAS pour ces

entreprises du niveau 2 et il a conclu qu'un certain nombre d'obligations de publication

pouvaient être simplifiées dans le "noyau" (décrit précédemment).

Page 19: Vers un cadre de comptabilité et d'informations financières

19

En effet, il a montré que les besoins des utilisateurs des états financiers des PME ne

requièrent pas la diffusion d’informations complexes et leurs activités sont si simples qu'elles

n'appellent pas en général d'analyse plus approfondie.

D'autre part, les coûts d'une publication plus élevée sont supérieurs à ses avantages potentiels.

En effet, les principaux utilisateurs des comptes des PME sont les banques et les autorités

fiscales, qui peuvent souvent obtenir directement de l'entreprise les renseignements dont elles

ont besoin.

Il y a lieu de noter aussi que ces entreprises du niveau II devraient toujours avoir le choix de

choisir l'intégralité des IAS si elles en ont le désir. Dans ce cas, elles devraient, dans leurs

notes sur les principes comptables renvoyer au régime complet des IAS.

Le groupe a estimé par ailleurs, que les IAS simplifiées pour les petites entreprises seraient

particulièrement utiles aux PVD et elles seraient le premier degré sur la voie de l'application

intégrale des IAS.

Nous comparons le Système Comptable tunisien avec les directives de l’ISAR afin d’évaluer

leur éventuel apports aux PME tunisiennes. Et aussi avec les normes comptables

internationales étant donné que ces différents systèmes (tunisien et celui de l’ISAR) se sont

inspiré du cadre conceptuel et des normes comptables internationales.

3.2. Comparaison des directives de l’ISAR avec le système tunisien et international

Une comparaison des directives ISAR avec les normes tunisiennes ainsi qu’internationales

montre quelques différences.

Les normes :

- Placements

- Contrats de constructions

- Résultats et éléments extraordinaires

- Charges reportées

- capitaux propres

Sont publiées par le SCE, et l’IASB mais n’ont pas été publiées par l’ISAR.

Page 20: Vers un cadre de comptabilité et d'informations financières

20

L’ISAR justifie ce choix de non publication de directives par le fait que ces normes sont

destinées à des PME qui n'émettent pas de titres sur le marché et ne publient pas de rapports

financiers. Pour ce genre d’entreprises, l'ensemble des IAS ne s'impose pas nécessairement

car il est peu probable qu'elles concluent une opération ou se trouvent dans une situation telle

que celles que prévoient les normes les plus complexes. Par conséquent, il vaut mieux que ces

entreprises appliquent des normes modifiées, fondées sur les règles d'enregistrement et de

mesure des IAS mais avec des obligations de publication plus souples.

Les normes :

Contrats de locations

Provisions

Impôts sur les bénéfices

Elles sont publiées par l’ISAR mais ne elles ne sont pas publiées par le SCE.

Ces normes n’ont pas été encore publiées par le Conseil National de Comptabilité tunisien,

mais la norme relative aux contrats de location est en cours de publication. Elle n’a pas été

encore publiée du fait qu’il y a une divergence entre les différentes sources de

réglementation : loi comptable et fiscale10. Cependant, les autres normes relatives aux

provisions et impôts sur les bénéfices, ne sont pas encore publiées alors qu’elles sont

nécessaires…D’où l’utilité de ces normes publiées par l’ISAR.

Une confrontation entre les différents systèmes comptables : tunisien, internationale (IASB) et

celui de l’ISAR nous a permis de conclure que :

- Il y a un alignement du Système Comptable tunisien sur le système international avec

certaines divergences et prise en compte de certaines particularités du contexte tunisien.

- Il y a alignement des directives de l’ISAR sur le système international. Les directives de

l’ISAR du niveau 2 ont cependant essayé de conserver les mêmes bases de mesures et ont

simplifié les exigences de publication.

Pour ce qui concerne l’objectif des états financiers, l’IASB, tout en reconnaissant qu’elles

doivent satisfaire les besoins d’informations de plusieurs utilisateurs (investisseurs, salariés,

prêteurs, fournisseurs et autres créanciers, clients, l’Etat et ses administrateurs, le public), 10

Source : propos recueillis des entretiens réalisés avec des normalisateurs comptables tunisiens.

Page 21: Vers un cadre de comptabilité et d'informations financières

21

estime que « la publication d’états financiers qui répondent aux besoins des investisseurs

satisfera également aux besoins des autres utilisateurs susceptibles d’être satisfaits par des

états financiers » (§ 10).

Le cadre conceptuel tunisien a retenu les mêmes utilisateurs des états financiers que celui du

cadre conceptuel international. Cependant, il a privilégié les investisseurs ainsi que les

bailleurs de fonds. Le cadre conceptuel de l’ISAR a aussi retenu comme utilisateurs

privilégiés, les investisseurs et les créanciers malgré que ce cadre est orienté vers la catégorie

des PME qui n'émettent pas de titres sur le marché et ne publient pas de rapports financiers.

En ce qui concerne, les caractéristiques qualitatives de l’information financière, le cadre

tunisien a prévu les mêmes caractéristiques qualitatives que celui du cadre IASB. Le cadre

conceptuel de l’ISAR a cependant retenu les mêmes caractéristiques qualitatives mais avec

un manque de précision et d’explication au niveau des différentes composantes des

caractéristiques qualitatives. Ce manque de précision, de définitions et d’explications de

certains concepts qui figurent dans le texte de la directive se reproduit dans les autres

directives publiées par l’ISAR.

En ce qui concerne la comptabilisation des éléments des états financiers, le cadre conceptuel

tunisien ainsi que le cadre conceptuel international ont prévu les mêmes conditions de

comptabilisation pour les différents éléments des états financiers. Cependant, le cadre de

l’ISAR n’a pas prévu des conditions de prise en compte pour chacun des éléments des états

financiers.

Concernant la mesure des éléments des états financiers, le coût historique constitue le type de

mesure le plus utilisé pour préparer les états financiers. Le cadre conceptuel tunisien a prévu

les mêmes règles de mesures que celui de l’IASB. Cependant, le cadre de l’ISAR a prévu que

la mesure communément adoptée par les entreprises pour établir leurs états financiers qui est

le coût historique, d’autres mesures ont été utilisées dans les directives mais n’ont pas été

définies.

Une comparaison de la première norme générale relative à la présentation des états

financiers, nous permet de conclure que ces trois normes sont comparables, cependant

certaines divergences sont à signaler.

Page 22: Vers un cadre de comptabilité et d'informations financières

22

En effet, la norme générale NG 01 a prévu le solde intermédiaire de gestion, un état qui n’a

pas été prévu par les autres normes (l’IAS 01 et la directive 01 de l’ISAR). Ces soldes sont

publiés pour les besoins d'agrégation à l'échelle sectorielle ou nationale, ceci constitue une

des particularités du Système Comptable des entreprises tunisien.

Il y a lieu de signaler aussi que la norme générale tunisienne a aussi d’autres particularités.

En effet, cette norme a consacré une partie pour les dispositions relative à l’organisation

comptable. Ainsi qu’une autre pour la nomenclature ainsi que le fonctionnement des comptes.

Un tel choix d’intégrer une partie « nomenclature des comptes » dans la norme générale, est

dû au fait que les comptables des entreprises tunisiennes se sont habitués à avoir une

nomenclature comptable pendant trente ans, par conséquent, il sera difficile d’effacer une telle

culture surtout pour les petites entreprises.

Une comparaison des normes comptables tunisiennes avec les directives de l’ISAR et des

normes comptables internationales, nous a permis d’affirmer qu’il y a alignement des

premières sur les normes internationales. On peut noter aussi, que les directives de l’ISAR

constituent une simplification des normes internationales avec les mêmes règles

d'enregistrement et de mesure des IAS mais avec des obligations de publication plus souples.

Ces directives manquent cependant parfois de précisions et de définitions. En effet, elles

emploient des concepts non définis et qui nécessitent une connaissance et des compétences

assez développées. L’application de telles directives pourrait être limitée et pourraient

engendrer des difficultés d’application du fait qu’elles sont orientées aux petites et moyennes

entreprises et par suite à des comptables ou techniciens comptables qui n’ont pas parfois11 des

connaissances comptables assez développées. D’où les limites des directives de l’ISAR.

Conclusion

En conclusion, nous pouvons affirmer que l’apport des directives de l’ISAR au Système

Comptable tunisien pourrait se situer au niveau de l’idée de différencier les normes

comptables entre les différentes catégories et de simplifier certaines exigences de publication.

Les directives de l’ISAR relatives au niveau 2 comportent cependant certaines limites. En

effet, la simplification des normes IAS pour les PME pourrait entraîner certaines difficultés de

11

Tout dépend de la structure comptable d’entreprise.

Page 23: Vers un cadre de comptabilité et d'informations financières

23

compréhension et d’application, en raison du manque de commentaires et de définitions

explicites de certains concepts.

Ce travail de simplification pourrait par ailleurs, engendrer des coûts aux organismes de

normalisations. En effet, si une norme est révisée par l’ISAB celle-ci doit être revue pour une

éventuelle simplification.

L’existence de trois cadres comptables au sein d’un même pays pourrait aussi engendrer

d’autres coûts supplémentaires dont :

- le coût de contrôle pour l’administration fiscale, celle-ci doit disposer de vérificateurs

capables de contrôler les états financiers relatives à ces trois niveaux ;

- De même pour les analystes de crédits (les banques).

Une PME pourrait aussi se situer dans un cas qui n’est pas prévu par une directive publiée par

l’ISAR, par conséquent elle sera appelée à s’orienter vers les normes complexes. De telles

normes sont jugées non pertinentes pour une PME si elle respecte les mêmes règles que les

grandes entreprises.

L’idée de différenciation des normes est sans doute avantageuse pour les PME et nous

proposons de la retenir, cependant l’idée de simplification des normes internationales et de

proposer trois cadres différents dans un même contexte comporte plusieurs limites.

Nous proposons ainsi proposer de se limiter dans le cadre d’un pays à deux niveaux dont le

niveau trois et le niveau un proposés par l’ISAR.

Par conséquent, les petites et moyennes entreprises appliqueront la norme IAS1 et les grandes

structurées le cadre conceptuel et les normes comptables internationales.

La première norme générale pourrait être alors appliqué par l’ensemble des petites et

moyennes entreprises. Ainsi, ces entreprises seraient tenues de présenter des comptes

simplifiés, répondant de manière générale aux principes essentiels de la comptabilité

d'exercice fixés par les IFRS (conforme de manière générale à la norme IAS1). Comme pour

le niveau 1 proposé par l’ISAR.

Les PME tunisiennes pourraient donc se limiter à la norme générale étant donné qu’il y a

alignement de la norme générale tunisienne sur la norme internationale avec une certaine prise

en compte de la culture des comptables tunisiens.

Pour les grandes entreprises tunisiennes ouvertes, cotées et structurées celles-ci se référeront

donc à l’ensemble des normes comptables internationales publiées par l’IASB. Ce qui

Page 24: Vers un cadre de comptabilité et d'informations financières

24

limiterait le coût de publication de nouvelles normes comptables tunisiennes (qui s’alignent

normalement sur les normes internationales) et limiterait par ailleurs le coût des mises à jour

des normes déjà publiées et à ce jour dépassées.

Ce cadre de comptabilité et d’informations différentielles comportera donc deux niveaux

différents :

- un niveau pour les grandes entreprises cotées structurées : celles-ci seraient tenues

d’appliquer les normes comptables internationales ;

- et un niveau pour les petites et moyennes entreprises qui appliqueront un plan

comptable « modernisé ».

Hoarau (1999) s’est interrogé sur la possibilité de maintenir les normes comptables

internationales avec le Plan Comptable Général en France.

Il a expliqué que « le PCG et les normes comptables internationales sont différents et ne sont

pas exclusifs l’un de l’autre. Ils répondent à des finalités spécifiques et ne concernent pas les

mêmes populations d’entreprises et d’utilisateurs de l’information comptable. Ainsi, ces deux

systèmes peuvent être maintenu dans le cadre d’un même contexte ». Il a aussi ajouté que

« rien ne s’oppose qu’un pays dispose de deux systèmes de normes différents sans être

mutuellement exclusif, dès lorsqu’ils n’ont pas les mêmes objectifs, ne concernent pas les

mêmes entreprises et ne prennent pas en compte les intérêts des mêmes catégories

d’utilisateurs » (Hoarau, 2003).

Nous pouvons ainsi par référence aux affirmations de Hoarau (1999) confirmer une telle

proposition pour le contexte tunisien : le cadre de comptabilité et d’informations financières

différentielles pour les PME.

Ainsi, une telle stratégie qui prend en considération la culture et les besoins des utilisateurs et

préparateurs des états financiers semble pertinente au contexte tunisien. Celle-ci permettra de

réduire les coûts de production et de mise en place des normes comptables, suivre

l’harmonisation internationale et faciliter la croissance des investissements étrangers et enfin

éliminer certaines obligations qui peuvent peser lourd pour les PME tunisiennes.

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25

Bibliographie BELKAOUI A.R. (1992), Accounting Theory, Third Edition, Academic Press.

LAVIGNE A. (1999), « Des normes distinctes pour les PME? », CA magazine.com. UPTON W. ET FLEMING C. (2001), “Making IFRS Accessible to Small Entities and Entities Operating in Emerging Economies Some Issues and Questions”, Agenda Paper 4, SAC Meeting. HOARAU C. (1999), "Un Bilan pour un Vingtième Anniversaire", in numéro spécial, Les vingt ans de l’AFC, Comptabilité, Contrôle, Audit, pp. 5-12. HOARAU C. (2003), « Le passage aux normes IAS-IFRS : une révolution comptable ? », in dossier « IAS /IFRS », La Revue du Financier, n°144, pp. 4-6. HOARAU C. (2003), « Les normes IAS/IFRS : enjeux et défis de l’harmonisation comptable internationale », in dossier « IAS /IFRS », La Revue du Financier, n°144, pp. 7-17. Les rapports de recherches de l’ISAR

Agreed Conclusions on Accounting by Small and Medium-sized Enterprises, septembre 2001, 4 pages. Accounting by Small and Medium-sized Enterprises, juillet 2001, 21 pages. Report of the Intergovernmental Working Group of Experts on International Standards of Accounting and Reporting on its 17th Session, août 2000, 24 pages. Agreed Conclusions on Promoting Transparency and Financial Disclosure: Accounting by Small and Medium-sized Enterprises, juillet 2000, 3 pages. Accounting by Small and Medium-sized Enterprises, avril 2000, 33 pages.

L’auteur

Besma CHOUCHANE, membre du GREGOR à l’IAE de Paris - Université Paris 1 Panthéon

Sorbonne. Elle prépare une thèse sur « les normes comptables et culture des acteurs de la

comptabilité : Cas de la Tunisie » sous la direction du Professeur Christian HOARAU.

[email protected] 21 Rue Broca 75240 Paris cedex 05.