cahier du TNP

Victor ou les enfantsau pouvoirRoger Vitrac

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avecOlivia Balazuc IdaMortemart/médecinOlivier Borle CharlesPaumellePhilippe Dusigne GénéralÉtienneLongségurIvan Hérisson AntoineMagneauSafourata Kaboré LililabonneKenza Laala MarialabonneClémence Longy ThérèseMagneauDavid Mambouch VictorPaumelleCorinne Martin EstherMagneauJuliette Rizoud ÉmiliePaumelle

scénographieFanny GametsonLaurent Dureux lumièresJulia Grandcostumes Mathieu TrapplermaquillageetcoiffureFrançoise Chaumayrac conseillittéraireGuillaume CarronassistantesàlamiseenscèneKenza Laala, Salomé Vieira

productionThéâtre National Populaire

participentàlareprésentationrégisseurgénéralVincent BouterégisseurplateauThomas Gondouinrégisseurs-cintriersAriel Dupuis, Iban GomezmachinistesSolène Ferréol, Thierry Guicherd, Stéphane Larroque régisseurslumièreMathilde Foltier-Gueydan, Mathieu Gignoux-Froment, Rémy SabatierrégisseursonÉric JuryrégisseusevidéoMarina MasquelierhabilleusesClaire Blanchard, Marlène Hémont

ontaussiparticipéàlacréationchefmachinisteMarc TripardcintriersAlain Criado, Romain Philippe-Bert machinistesPatrick Doirieux, Julien Froissart, Jean-Pierre Juttet, Olivier Seigneurie, Sébastien Treut, Georges Tumay, Matthieu JacksonaccessoiristesSandrine Jas, Bénédicte JolysélectriciensJuliette Besançon, Clément Lavenne, Bruno Roncetto, Maël Thöni régisseurssonÉric Georges,Alain Perrier chefhabilleuseSophie Bouilleaux-RynneréalisationcostumesLaeticia Tricoire, Mathilde Brette

Victor ou les enfants au pouvoirdeRoger VitracmiseenscèneChristian Schiaretti

réalisationdudécordanslesAteliersduTNPchefd’atelierLaurent MallevalchefconstructeurYannick GalvandessinateurdedécorsPierre BeyssacchefmenuisierMichel CarolinemenuisiersJean-Luc Chevassus, Gillevan Rancon,Yves RozierchefserrurierAlain BouzianeserruriersIsabelle Cagnard, Ryan Daigle, Baptiste BodetchefdécorateurMohamed El Khomssi décorateursChristelle Crouzet, Patrick Doirieux, Élodie Monet, Aude Vanhoutte

BienqueRogerVitracaitsitué

l’actionen1909…lemetteurenscène

prendlalibertédelasituerdansles

années90sanspourautantqu’il

s’agissed’uneadaptation.

4 Une reconnaissance posthume

Dictionnairedesauteurs

8 Artaud et Vitrac : une expérience théâtrale

Jean-PierreHan

20 Un dadaïste nommé Roger Vitrac

Jean-PierreHan

28 Une transposition GuillaumeCarron

34 1909 / 1990 GuillaumeCarronetOlivierBalazuc

41 Une figure détournée

42 On est criminel à tout âge HenriBéhar

Victor oules enfantsau pouvoir

Poèmes, extraits de pièces et citations

10 Vertèbres de la mer Roger Vitrac

14 Le Théâtre de la cruauté Antonin Artaud

16 Lettre à Ida Mortemart Antonin Artaud

23 Pour faire un poème dadaïste Tristan Tzara

24 Manifeste dada Tristan Tzara

38 Déclaration des droits de l’enfant

39 Affirmations insolentes Angélica Liddell, Ludwig Wittgenstein, André Gide

40 Le départ du fils prodigue Rainer Maria Rilke

46 Propos de 1928 Antonin Artaud

48 Je fus cet enfant-là Roger Vitrac

directeurdelapublicationChristian SchiarettiresponsablesdelapublicationJean-Pierre Jourdain Sidonie FauquenoiconceptiongraphiquePerluette & BeauFixesecrétariatderédaction/documentationSidonie FauquenoiréalisationCaroline CoqueletillustrationMatthieu Fayette

ISSN1763-1408

ImprimerieValley,février2019Licences:1-145339;2-1000160;3-145341

LeThéâtreNationalPopulaireCentredramatiquenational,estsubventionnéparleMinistèredelaCultureetdelaCommunication,laVilledeVilleurbanne,laRégionAuvergne-Rhône-AlpesetlaMétropoledeLyon.

3

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Roger Vitrac Victoroulesenfantsaupouvoir,acteI

VICTOR — Écoute bien. J’ai neuf ans.Jusqu’ici j’ai été un enfant modèle. Je n’ai rien fait de ce qu’on m’a défendu.Mon père le rabâche : c’est un enfant modèle, qui nous donne toutes les satisfactions, qui mérite toutes les récompenses, et pour qui nous sommes heureux de faire tous les sacrifices.Ma mère ajoute qu’elle se saigne aux quatre veines, mais le sang reste dans la famille,et comme bon sang ne saurait mentir, je te le dis, j’ai été jusqu’à ce jour irréprochable. Si j’ai jamais mis ma main en visière pour pisser…

LILI — Oh !

VICTOR — … comme on me l’a recommandé,par contre je n’ai jamais introduit mon doigt dans le derrière des petites filles…

LILI — Tais-toi, monstre !

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quel’ontientàcejourpourlechef-d’œuvredel’écrivain.Cettepièce,quidénoncelestaresdelafamillebourgeoiseàtraversledramevécuparunenfantexceptionnellementlucidepoursesneufans,offrelavisionlaplussynthétiqueetlaplusréussiedel’universlittérairedeVitrac.Maiselleneconnaîtravraimentlesuccèsquelorsdesarepriseen1962parJeanAnouilh.En1934,lecompterendupeuélogieuxquefitArtaudduCoupdeTrafalgarconsacralaruptureentrelesdeuxhommes.Dèslors,sansabandonnerlethéâtre(LeCamelot,1936;LesDemoisellesdularge,1938),Vitracaurasur-toutuneactivitédejournaliste,àComœdia,àl’Intransigeant,enmêmetempsqu’ilécriradesdialoguesdefilms,etilconnaîtraenfinunecertainesécu-ritématérielle.Cependant,sasantés’estaltérée–iladûentrer,en1934,encliniquepourysubirunecurededésintoxication–,etilestatteinten1947d’hémiplégie.Ilmeurtàcinquante-deuxansaprèsavoirfaitjouerLeSabredemonpère(1951),rédigéunedernièrepièce,LeCondamné(posth.,1964),quimontreàlafoissaluciditéetsondésespoir.

Une constestation pessimiste du réelLethéâtredeVitracpeutparaîtrel’undespluspessimistesdenotresiècle:ilprétend,eneffet,dénoncerl’absurditédumonded’unefaçonplusradicaleencorequeceluid’AlfredJarryoud’EugèneIonesco(auquelils’apparenteparlatechniquedramatique).

L’attitudedel’écrivainfaceàl’existencesecaractériseparunesortedefatalismequiluifaitacceptersansrévolte,maisnonsansdérision,d’être,sil’onpeutdire,marquéparledestin:«Enfin,pourparlernet,jen’aijamaisétéattiréqueparlesfousenpuissanceouparlesmortsdemoinsdetrenteans.»Lasociétédesadultesluisembledevoirêtreapriorireje-tée,entotalité:enselaissantmourir,l’enfantgénialVictor,àsamanière,refused’accepterlesconventionsdumondebourgeois,immoral,cruel,oùlesplusjeunessontlesjouetsdeleursparentsàmoinsqu’ilsn’ensoientlessouffre-douleur–commec’estlecaspourlapetiteEsther,quesamèrenecessedegifler.Selonunethéorieassezlargementrépandueparmilesécrivainssurréalistes,l’enfant,seul,agardéassezdepuretéetd’intel-ligencepoursavoirôterlemasquedumondeadulte,sibienordonné,sirationnel,siréussienapparence:«J’aineufans.J’aiunpère,unemère,

Àbiendeségards,RogerVitrac(1899-1952)possède,auxyeuxdulecteurcontemporain,touteslescaractéristiquesd’unécrivainmaudit:savieprivéenefutguèreheureuse,sacarrièrelittérairesesignala,dansl’ensemble,par

uneséried’échecsetderuptures;sonœuvre,marquéeparcesélé-mentsnégatifs,sembleavoirdéconcertéparsesaudacesformelleslepublicdel’époque.Aujourd’hui,mêmesiRogerVitracneparaitplus«d’avant-garde»,ons’accordeàvoirenluiunprécurseur.

Un écrivain mauditNéàPinsac(Lot),dansunefamilledepropriétairesterriens,RogerVitracconserveratoutesavielanostalgied’unepetiteenfancevécuedanslacha-leurmaternelleetlapleinenature;trèstôt,desdissensionsinternesmine-rontsonentourage,etVitracgarderadecettevisiond’unmondeadultetota-lementperverti.DurantsesétudesàParis,aucollègeChaptal,ildécouvrelesœuvresd’AlfredJarry.AprèssonretourdansleLoten1920,ilépouseunecousine,mais,auboutdesixmois,ilserévèlequecemariageestunéchec.Etc’estaucoursdesonservicemilitaire,oùilfutincorporédansunrégimentspécialcomposéd’étudiants,queRogerVitracentravéritablementdanslemondelittéraire,prenantpart,notamment,àplusieursmanifestationsdugroupedadaïste.Sonactivitédevientalorsdébordante:ilorganiseunetroupethéâtrale,fondeunerevueàl’existenceéphémère:Aventure,écritsapremièrepièce,LaFenêtrevorace,etunrecueildepoèmesd’inspirationsymboliste,Faunenoir.

Pourtant,trèsvite,RogerVitracserallieàAndréBretonetaugroupesurréa-liste,dontilseraexclu,en1926,parl’auteurdeNadja,quin’appréciaitpassonespritfrondeuretsonrefusdesrègles.Ilécritnéanmoinsdespoèmes(Connaissancedelamort,1926;Humoristiques,1927;Cruautésdelanuit,1927)inspirésparlestechniquessurréalistes(écritureautomatique,trans-criptionderécitsoniriques)etquitémoignentdesongoûtpourl’humouretdesafascinationpourlesimagesmorbides;onnoteraaussisonessaisurChirico.Vitracdevientalorsl’amid’AntoninArtaud;ensembleilsfondentleThéâtreAlfred-Jarryetmontentplusieursspectaclesquin’irontpasd’ail-leurssanscauserdevéritablesscandales.Cetteassociationvatrouversoncouronnementaveclacréationen1928deVictoroulesenfantsaupouvoir,

Une reconnaissance posthume

Dictionnaire des auteurs de langue

française.

76 Une dramaturgie de la provocationL’essentieldel’originalitédel’écrivainrésidefinalementdansl’utilisationqu’ilfaitdulangage,carils’estefforcéd’appliquerauthéâtrelestechniquesjusqu’alorsemployéesparlessurréalistesdanslegenrepoétique.Vitracjoueainsisurtoutelagammedesprocédésquipermettentdedésarticulerlelan-gagecohérentetlogiquedelasociétéordinaire.Celuiquisemblelepluscou-rammentutiliséest,conformémentàlatraditiondel’écrituresatirique,laparo-die;maisilrecourtaussiauxréponsesdécaléesenjouantsurlapolysémie:

Mme Lemercier – HélèneétaitlacoqueluchedeTrouville.Arcade – Hélèneparcontagionseraitdoncmorted’unemauvaiseangine?MmeLemercier – Fameuseangine,eneffet,mapauvreenfants’estpendue.(LeCoupdeTrafalgar,actell,deuxièmetableau)

Ilaffectionneégalementlesénumérationsd’objetshétéroclitesetlespro-cédésd’écritureautomatique,quisonttroissourcesderapprochementscomiquesetquidonnentlavisiond’unmondeéclatéoùlesobjetssont,euxaussi,détournésdeleursens:«J’aidit:lamontreàbascule,quifaitun;lachaîneenmétalcanarisoudéeaupyrogène,quifaitdeux;lagourmetteàmangerdelatarte,quifaittrois[...],lepasse-lacet,quipeutservirdepasse-bouleoudepresse-purée,quifaitsept[...],etjedonnepar-dessuslemarchéleportraitéquestredeNotreSaint-Pèrelepape,laréductionenterrecuitedelacasquetteduchefdel’État.»(LeCamelot,acteI,scèneIV).

unebonne[...]J’aiunebrosseàdentsindividuelleàmancherouge.Celledemonpèrealemanchebleu.Celledemamèrealemancheblanc[...]J’aiunlivretdecaissed’épargne,oùl’oncleOctavem’afaitinscrirecinqfrancslejourdemonbaptême.»(Victoroulesenfantsaupouvoir,acteI,scèneI).Maislesparents,avecunbelensemble,selivrentàl’adul-tère,tiennentdesproposdélirantsquandilestquestiondepatriotisme,utilisentlesenfantscommeexutoiresàleuragressivitéet,pourfinir,les«tuent»parinconscienceetégoïsme.Lafoliedumondeestgénérale,etVictor,lefilsprodige,dontlapersonnalitéestsiaffirméeaudébutdelapièce,sentpeuàpeusonidentitédisparaître:«Mais,àlafin,quisuis-je?Suis-jetransfiguré?Nem’appelé-jeplusVictor?»(Victor,acteII,scèneIV).MêmeLeLapin,l’organedeladéception,dumirage,del’il-lusion,«garenneoùonpeutécrireenliberté»(LeCamelot,acteI,scèneV),anti-journaldestinéàexprimerladérision,finiraitparêtrerécupéréparlesvaleursdelasociétébourgeoise(ilauraunmilliondelecteurs,devrasemêlerauxaffairespubliqueset,combledel’horreur,donneradespro-nosticsexactspourlescoursesdechevaux),sisondirecteur,leCamelot,unmarginalétonnammentlucide,n’ymettaitbonordreenimaginantungigantesquecanularoùildétruiralui-mêmel’édificequ’ilavaitconstruit.Onleconstate:iln’yapasd’issue,seulslesenfantsoulesmarginauxdétiennentlavérité;mais,entrel’individuquirêved’authenticitéabsolue,quiaspireàêtrereconnu,enfin,commeunepersonne(cequeVictorappelle«l’UNIQUAT»),etlasociétépervertie,maisruséeettoute-puissante,iln’yapasd’ententepossible;laseulesolutionrésidedansl’autodestruction,ultimepossibilitédeliberté.LepessimismedeVitracestaussiradicalausujetdulangage,quiluiparaîtincapabled’exprimervéritablementlesensdeschoses:«J’écriscommejeparle,pourneriendire.Jeconsidèrelaparoleetlelangageécritcommeinfinimentinutiles»,confie-t-ildansuneinterviewen1923.Quantàl’œuvrelittéraire,ellenaîtauhasarddessitua-tionsquel’écrivainabienvoulumettreenplaceaudépart.AinsiArcade,lepersonnagecentralduCoupdeTrafalgar,déclare-t-il:«J’aitoutbâtisurlafaibleconnaissancequej’aidevous,quevousavezdemoi,etj’ailaissésedénouerledramedansl’ignorancegénérale,persuadéquecetteignoranceprendraitfigure.»Sansdoute,onretrouvedanscetteconcep-tiondel’œuvrelittéraireoùlesens–s’ilyenaun–sedécantetoutseul,d’unefaçonarbitraire,endehorsdelavolontéducréateur,unedesthéo-riesessentiellesdel’écolesurréaliste.Lacréationn’est,enaucuncas,unefinalitépourl’écrivain;l’œuvren’apasd’existenceensoi,elleestseule-mentdestinéeàprovoquerchezlelecteuroulespectateurunétatd’ex-citation,etc’estparcechocqu’elleacquerraunsens,d’ailleursfugitifetpurementsubjectif,quipourraaussibienêtredétruitimmédiatement.

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Jean-Pierre HanRoger Vitrac, Portraits

en éclats, Frictions, théâtres-écritures,

2017.

PourcomprendrelacréationduThéâtreAlfred-Jarry,ilfautremonteràl’amitiéquiunitArtaudetVitrac.Amitiéétonnantesil’onétudielecaractèredesdeuxhommes,maisnormalesil’onconnaîtleurégalepassionpourlethéâtre.

ArtaudetVitracfontconnaissanceen1924auseindugroupesurréaliste.Artaud,àcetteépoque,estunacteurconnu.Breton,Aragon,SoupaultontremarquéetappréciésesProposd’unpré-da-daïste.Vitrac,desoncôté,aétél’undespremierscompagnonsderouted’AndréBreton.Ilestdetouteslesbatailles.CréateurdelarevueAventure,ilaécritquelquescourtespiècescommeLePeintre,quel’onpeutconsidérercommeunepréfigurationdeVictoroulesenfantsaupouvoir,ouencoreMademoisellePiège.

Ilestl’auteurd’uneséried’articlesde«combatsurréaliste»parusdansLeJournaldupeuple.En1924,ilécritLesMystèresdel’amour,undramesurréaliste.Pourtantilvaêtreundespremiersexclusdumouvement.Le2décembre,ilestexpulsédelaCentralesurréalisteàlasuited’undifférendavecÉluard,s’ilfautencroirele«Cahierdepermanence».Lesmotifs,enréalité,sontplusprofonds.Sonamourinconditionnelpourlethéâtre,aucontrairedesautressurréalistesquifontprofessiondelemépriser,s’iln’expliquepastout,n’estsansdoutepascomplètementétrangeràcettemesure.Cetamourvalerapprocherd’Artaud,lequel,àsontour,vasedéta-cherdessurréalistes.

Enaoût1925,ArtaudetVitracfontplusieursvoyages,àCarteret,danslaManche.Bretons’inquièteauprèsd’Artauddecetteamitiéavecun«banni»;laréponsedel’acteurestsansambiguïté.Dansunelettredatéedu10sep-tembre1925,ilécrit:«J’aireçuunelettrecomminatoiredeBretonausujetdeVitrac,oùilletraitedecanailleetm’enjointouàpeuprèsderompreaveclui.Jeluiairéponduparunelettreincendiaire,quivafaireunbeaufracasdanslatribusurréalistequej’emmerdedécidément.»C’estquel’idéed’unecollaborationentrelesdeuxpoètesadûnaîtreaucoursdesvoyagesàCarteret.Tousdeuxsemblentégalementrévoltésparcequisedonnesurlesscènesparisiennes.Vitracpartenguerrecontreunsuccèsdel’époque,lesSixpersonnagesenquêted’auteurdePirandello,présentéparDullinetPitoëff.«N’allezpasauthéâtre.Couchez-vous!»déclare-t-ilpéremptoirementenmai1923.Artaudn’estpasmoinscatégorique:ilrenie

Artaud et Vitrac :une expérience théâtrale

sesmaîtres.«Situsavaiscommejetrouvemaintenantbouffonetinintéres-santtoutcequivientduthéâtreouducinémaengénéral,etdeDullinenparticulier»,avoue-t-ildansunelettredatéed’août1924.EtàJeanPaulhan:«…jem’étonnequ’ons’attacheencoreàcespourrituresbranlantes,àcesfantômesanti-représentatifsquesontJouvet,Pitoëff,Dullin,voireGémier,etc.Quandaura-t-onfinideremuerdel’ordure?»Ilexistedoncbienunecommunautéd’esprit,unemêmerépulsion,chezArtaudetVitrac.Ilsvonttenterdemettresurpiedleurproprethéâtre.Fautedecrédit,croyantlapartieperdue,ArtaudpublieleManifestepourunthéâtreavortéenfévrier1927.L’accentestmissurl’opérationmagiquequ’estlethéâtre,celui-cidevantrévélercequ’ilyadeplusprofondémentcachédansnotreesprit.Apparaissentàcemomentlespremièresdissen-sionsréellesaveclessurréalistes.

*

«Lesconventionsthéâtralesontvécu…Nousavonsbesoinquelespectacleauquelnousassistonssoitunique…lespectateuretnous-mêmesnepouvonsnousprendreausérieuxquesinousavonsl’impressionqu’uneparcelledenotrevieprofondeestengagéedanscetteactionquiapourcadrelascène.Lespectateurquivientcheznousvients’offriràuneopérationvéritable.Ildoitêtrepersuadéquenoussommescapablesdelefairecrier.»Voilàquelques-unesdesproclamationsdelabrochureinauguraleduThéâtreAlfred-Jarry,quipoursonpremierspectacleauThéâtredeGrenelleen1927afficheVentrebrûléouLaMèrefolled’Artaud,GigognedeMaxRoburettroistableauxdesMystèredel’amourdeVitrac.Cestroisœuvresmarquentbienlacommu-nautéd’espritdescréateursduThéâtreAlfred-Jarryaveclesurréalisme.

LadeuxièmemanifestationduThéâtreAlfred-Jarrysetientle14janvier1928àlaComédiedesChamps-Élysées.Ysontprésentés,etpourreprendrelestermesmêmesduprogramme,«unchef-d’œuvreducinémarussemoderne:LaMèreréaliséparPoudovkined’aprèsunromandeGorki–cefilmétaitalorsinterditparlacensure-,unacteinéditd’unécrivain"notoire"jouésansl’autorisationdel’auteur»,unenoteajoutantque«lenomdel’au-teuretletitredelapièceserontannoncésàl’issuedelareprésentation».

1110 L’auteurétaitClaudel,lapiècePartagedeMidi,dumoinssontroisièmeacte,lequelavaitétéamputédecertainspassagesjugéstrop«littéraires»parArtaud.Lareprésentationsepassadansunchahutindescriptible,lesspec-tateurscroyantassisteràunepiècesurréaliste…Ilestvraiqu’Artaudavaitsoigneusement«cultivé»laprovocationdanssamiseenscèneetdanssadirectiond’acteurs.Leplateauétaitpratiquementnu.Quelquesmatelassus-pendusauxcintres,voilàquelétaitl’uniquedécor…Dèscespectacle,Artaudentreprendsesrecherchesplastiquescorporelles.Oncomprenddonclesdif-ficultésqu’ilrencontra,etqu’ilrencontreraauprèsdesesinterprètes,plussoucieux,pourlaplupartd’entreeux,deleurcarrièrepersonnellequed’unevéritablerecherchepoétique.Àlafinduspectacle,Artauds’avancesurlascèneetannonce:«LapiècequenousavonsbienvoulujouerdevantvousestdeMonsieurPaulClaudel,ambassadeurdeFranceauxÉtats-Unis»,et,aprèsunsilence,ilajoute:«Uninfâmetraître!»

Lanouvelleruptureaveclessurréalistesaurapourprétexteletroisièmespec-tacleduThéâtreAlfred-Jarry:LeSongedeStrindberg,unepièceoùl’onirismejoueunrôleprépondérant,etquifutreprésentéeles2et9juin1928auThéâtredel’Avenue.Ayantapprisqu’ArtaudvoulaitmonterLeSonge,l’ambassadedeSuèdes’étaitmontréeprêteàacheteruncertainnombredeplaces,detellemanièrequelespectaclepuisseêtreassuré.PourBretonc’étaitfairelàuneconcessioninacceptable;c’étaitentrerdansunsystème,celui-làmêmequ’ils’évertuaitàdénoncer.Cependant,enpleinereprésentation,Artauddéclare:«Strindbergestunrévolté,toutcommeJarry,commeLautréamont,commeBreton,commemoi.Nousreprésentonscettepièceentantquevomissementcontrelapatrie,contretouteslespatries,contrelasociété.»SortiedelalégationdeSuède,biensûr.

Malgrélesdifficultésfinancières,ArtaudetVitracpoursuiventleuraventure.IlsvontpouvoirainsiprésenterVictoroulesenfantsaupouvoir.Troisreprésentationsaurontlieusansqu’aucunincidentneviennelestroubler.Ceserontlàlesder-nièresreprésentationsduThéâtreAlfred-Jarry,nonsesdernièresmanifestations…

ArtaudetVitrac,eneffet,fonttoutpourtenterdepoursuivrel’expériencemaisdesdissensionsapparaissententreeux.Lacorrespondance,enpartieinédite,entrelesdeuxhommes,faitétatdedisputesparfoismesquines.Plusgravessontcellesrelevantd’unordreidéologique.ArtaudproposedemonterunmélodrameauThéâtredeBelleville.Lesbénéficesqu’ilespèreentirerluipermettraientdemonterd’autresspectacles,maislàencorec’estl’échec.L’été1929,ilneresteplusàArtaudetVitracqu’àfairelebilanduThéâtreAlfred-Jarry.

*

Roger VitracExtrait de Vertèbres de la mer, poème dédicacé à Antonin Artaud et paru dans Les Feuilles libres, n°44, novembre-décembre 1926.

Fuis vers le poumon d’or qui t’évente et te parle

Chaque mot est un fil qui soutient un rasoir

le front est sur la mer et la mer te regarde

de ses forges d’écume et de ses abattoirs

1312 Riend’étonnantsilaseuletentativedethéâtresurréalistes’estfaitesouslabannièred’AlfredJarry.Toutlemondes’accordeàdirequelepèred’Ubuestaussilepèreduthéâtremoderne.Lessurréalistes,eux,l’avaientadoptéd’emblée.L’influencedeJarrysurl’œuvredeVitracestincontestable.Celui-ci,dès1923, luiavaitconsacréplusieursarticles. Ilyrendaitunvibranthommageàceluiquidonnadelapataphysiqueunedéfinitionoùsetrouveengermelesurréalismeetcettetendanceintellectuelleàtoutexpliquerparlesmouvementshabituelsdelapensée:«Lapataphysiqueestlasciencedessolutionsimaginairesquiaccordesymboliquementauxlinéamentslespropriétésdesobjetsdécritsparleurvirtualité.»

ÀlaquestionqueBenjaminPéretposedansl’Interventionsurréaliste:«Qu’est-cequ’Ubu?»,AndréBretonrépond:«C’estdudésordre».C’estdecettevolontéderépandreledésordre,dedétruirelethéâtreexistant,qu’estnéleThéâtreAlfred-Jarry.Lapremièredémarchedecettetentativeestdonc«négative».N’oublionspasquelespremiersessaislittérairesdeVitracsontd’inspirationdada.Cemouvement,lepremierdusiècledernier,atentédedétruirelanotiondethéâtre(etd’art)vieilledequelquessiècles».«Nousn’avonsquefairedel’artnidelabeauté»,proclameleThéâtreAlfred-Jarry.LorsqueVitracattaqueCœuràgazdeTristanTzara,c’estquelapièceaétéprésentée«dansunbutindiscutablementartistique,auquelsesamis(ceuxdeTzara)d’autrefoisnepouvaientserallier».«Jen’aijamaischerchéqu’àruinerlalittérature»avoueBretonàVitracdansl’interviewqu’illuiaccorde.LesanimateursduThéâtreAlfred-Jarryauraientpudirequ’ilsn’ontjamaischerché,d’unecertainemanière,qu’àruinerlethéâtreavantdetenterd’établird’autresbasespourunautrethéâtre.«Cornegidouille!Nousn’auronspointtoutdémolisinousnedémolissonsmêmelesruines!»hurlelePèreUbudansUbuenchaîné.LethéâtreAlfred-Jarryaétécréé«enréactioncontrelethéâtreetpourrendreauthéâtrecettelibertétotalequiexistedanslamusique,lapoésieoulapeinture…».Riendanstoutcelaquipuissedéplaireauxsurréalistes,d’autantqu’ArtaudetVitracproclamentqueleurdésirlepluscherestde«rompreaveclethéâtreconsidérécommegenredistinct,etremettreaujourcettevieilleidée,aufondjamaisréalisée,despectacleintégral».Malheureusement,Bretonrenverselapropositionetcondamnelethéâtreparceque,justement,illeconsidèrecommegenredistinct.

Laruineduthéâtresoustoutessesformes,qu’ils’agisseduthéâtredeboulevard,duthéâtrenaturalisteoupsychologique,telestlebutduThéâtreAlfred-Jarry.Encela,ilestbiendanslalignéedessurréalistes,maisils’enécartetrèsrapidement,carilprétendlefairepardes«moyensspécifiquementthéâtraux».Enfait,levéritablebutd’ArtaudetdeVitrac

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1514 estde«remonterauxsourceshumainesouinhumainesduthéâtreetàleressuscitertotalement».C’estlanécessitémêmeduthéâtrequ’ilfautretrouver;onpourraalorsenfinrenoueraveclavieréelle.Maislàaussiilconvientdes’entendresurlesensquel’onaccordeàcetteexpressionde«vieréelle».PourVitracetArtaud,commepourlessurréalistes,ellen’adesignificationquesielleparticiped’uneréalitéintérieure.Ilnes’agitpaspourautantdeseréfugierdanslemondedesrêves,mais«entrelavieréelleetlaviedurêve,ilexisteuncertainjeudecombinaisonsmentales,desrapportsdegestes,d’événementstraduisiblesenactesetquiconstituenttrèsexactementcetteréalitéthéâtralequeleThéâtre-AlfredJarrys’estmisentêtederessusciter».L’essentielestdetrouverlafaillemenantausurréel,aussidoit-onévoluerdansunmondetangentauréel.Lethéâtre,alors,doitrendrelisiblecequelaviedissimuleounepeutexprimer.OncomprendqueVitracetArtaudparlentàplusieursreprisesd’opérationmagique.Car«toutcequiappartientàl’illisibilitéetàlafascinationmagnétiquedesrêves,toutcela,cescouchessombresdelaconsciencequisonttoutcequinouspréoccupedansl’esprit,nousvoulonslevoirrayonnerettriomphersurscène,quitteànousperdrenous-mêmes,etànousexposerauridiculed’uncolossaléchec».Cequiestproclamé,c’estlalibertédurêveetdel’esprit.Peut-onsouhaiterpositionplussurréaliste?ArtaudetVitracvontencoreplusloinlorsqu’ilsaffirmentqu’ilsnefontpasduthéâtrepourjouerdespièces,maispour«arriveràcequetoutcequ’ilyad’obscurdansl’esprit,d’enfoui,d’irrévélé,semanifesteenunesortedeprojectionmatérielle,réelle».Bref,poureux,lethéâtren’estpasunbut,maisunmoyen.«LeThéâtreAlfred-Jarryaétécréépourseservirduthéâtre,etnonpourleservir.»FormulequiauraitraviBretonsisesauteursn’avaientportélamarqueindélébiled’avoirétéexclusdumouvement.

Antonin ArtaudLe Théâtre et son double, « Le Théâtre de la cruauté, Premier manifeste », Gallimard, 1985.

La question d’ailleurs ne se pose pas de faire venir sur la scène et directement des idées métaphysiques, mais de créer des sortes de tentations, d’appels d’air autour de ces idées. Et l’humour avec son anarchie, la poésie avec son symbolisme et ses images, donnent comme une première notion des moyens de canaliser la tentation de ces idées.

1716

Lettre à Ida Mortemart (1).

Madame,

Vous me demandez ce que j’attendsde cette pièce osée et scandaleuse : c’est bien simple, j’attends tout.Car au point où nous en sommes cette pièce est tout. Elle dénoue une situation douloureuse. Elle toucheau vif d’une vérité même pas assez épouvantable pour nous désespérer d’exister. Et c’est bien dans cet esprit que je la monte. Et j’en suis aussisûr que d’un mécanisme remonté pour faire partir sa charge d’explosifsà heure dite. Comme quelque chosede plus qu’une œuvre théâtrale,osée et scandaleuse, elle est comme la vérité même de la vie, quand onla considère dans son acuité.

Il y a, dans cette pièce, une perversité incontestable, mais elle n’est pas pire que nous ne le sommes tous en ce sens. Tout ce qui est sale ou infect a un sens et ne doit pas être entendu directement. Nous sommes ici en pleine magie, en pleine déchéance humaine. La réalité

SANS RÉPIT à tout ce qu’elle dit.Tout lui est prétexte à profondeuret un prétexte sur lequel elle saute, comme tremblante dans la peurde ne plus vivre. En tout cas, elle représente la douleur morale et l’empoisonnement de la matière par son pire côté. Son état de fantôme,de femme spirituellement crucifiée, lui procure la lucidité des voyantes.Et c’est ce qui explique le ton augural et puissamment sentencieux dont elle souligne ses répliques d’apparence anodine, qui doivent s’entendre avec leur sens entier. Il ne manquerait plus qu’elle se laissât rebuter par ce qu’elle fait. Voyez l’horreur épouvantable et gênante, inadmissible, de sa situation.

Et comprenez bien que cette infirmité seule, et pas une autre, était capable de rendre sa situation dans la vie aussi funestement impossible, aussi significative et expressive, pour tout dire. Et sa suppression changeait l’esprit de la pièce, enlevant À L’ÂCRETÉ de la leçon qui s’en dégage son côté le plus épouvantable et le plus réellement puissant.

Œuvres complètes, Gallimard, Collection Blanche, tome II, 1996.

s’exprime, le fait par son côté le plus aigu, mais aussi le plus oblique et le plus détourné. La signification même des choses se dégage de leur âpreté, et l’âpreté d’une sorte de nudité parfaite, où l’esprit choisit la vie de la pensée, dans son aspect affectif le plus spontané. On a voulu épuiser ici ce côté tremblant et qui s’effrite, non seulement du sentiment, mais de la pensée humaine. Mettre au jour l’antithèse profonde et éternelle entre l’asservissement de notre état et nos fonctions matérielles et notre qualité, d’intelligences pures et de purs esprits.

Un personnage entre tous, le vôtre, représente cette antithèse, et son apparition est le point culminant dela pièce. C’est pourquoi Ida Mortemart se devait d’apparaître comme un fantôme, mais un fantôme par certains côtés, ou mieux par un seul côté cruellement réel. Ce fantôme qui vient de l’au-delà a conservé en lui toute l’intelligence et la supériorité de l’autre monde, et cela se sent dansles sous-entendus qu’elle attache,

Je pense qu’un esprit, quel qu’il soit, ne doit se laisser rebuter par rien.Il n’y a pas d’exception à la liberté.Et je suis sûr que la vie ne possède pas pour vous d’obstacles, du moins foncièrement moraux ou sociaux.

Je fais des vœux pour que vous deveniez, l’après-midi du 24 décembre prochain, le personnage véritablement fabuleux, Ida Mortemart lui-même.

Je suis votre dévoué

Antonin Artaud.

(1) Alias Domenica Blazy, comédienne qui créa le rôle en 1928.

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IDA — Riez ! riez ! je le sais bien, allez, on ne peut pas s’empêcher d’en rire. Je ne vous en veux pas. Riez donc ! Il n’y aura aprèsni gêne de votre côté, ni gênedu mien. Cela nous calmera tous.J’ai l’habitude. Il n’y a qu’un remède, c’est le rire.

Ils rient de toutes leurs forces pendant qu’elle pète toujours,la tête dans les mains. Graduellement les rires s’arrêtent. On attendra queceux de la salle s’arrêtentaussi pour continuer la scène.

acteII

2120

Cen’estpaslelieuicid’entrerdansledétaildesrelationsentrelesdeuxmouvementsetdetenterdedécelercequi,dansl’œuvredeVitrac,ressor-titexactementdel’unoudel’autre.Ons’entiendraàl’assertiondeMichelSanouillet,legrandspécialistedelaquestionDada,selonlaquelle«ilexisteuneindéniablefraternitéspirituelleentrelesœuvresdadaïstesetsurréalistes».OnretiendralapartactivedeVitracdanstoutescesmani-festationsaupointqu’ilcréaen1921unepetiterevue,Aventure,dontilpartagealadirectionavecRenéCrevel,unbelobjetquin’eutquetroisnuméros,maisoùl’ontrouvedansladernièrelivraisonsapièceenunacte,LePeintre,préfigurationdadaïstedeVictoroulesenfantsaupou-voir.OnsignaleraqueVitrac,en1922,auracommisquelques«objets»théâtrauxdadaïste(?)commeMademoisellePiège,EntréelibreouencorePoison…alorsquedanslemêmetemps,etpourgagnertroissous,ilsefitjournalisteauJournaldupeuple,unjournaldanslequelilsefitl’échodelatumultueusevieintellectuelledel’époque,interviewantTristanTzara(TristanTzaravacultiversesvices),AndréBreton(AndréBretonn’écriraplus),FrancisPicabia(FrancisPicabia,évêque),entrantdeplain-pieddanslabatailledansd’autresarticlescommeDernierDada,Guet-ApensquiestlecompterendudelareprésentationdeCœuràbarbedeTristanTzaraquidonnalieuàunebataillerangéeauThéâtreMichel,etc.(1)DecettepériodeVitrac,mêmes’ilchoisitlepartideBretonquil’exclurad’ailleurstrèsvite,gardeuneappétencepourtoutcequiestdel’ordredeladestructionpropreàDada,quifutparparenthèsebienplusintéresséparlethéâtrequenelefutlesurréalisme.Iln’estqu’àvoirl’attitudedeVictor,véritableexter-minateurd’unmondebourgeoiscertesenpleinedécrépitudeetdontilneresterarien.Ilillustreàsamanière(dadaïste?)lemotd’ordrequ’AlfredJarryprêteauPèreUbudansUbuenchaîné:«Cornegidouille!Nousn’auronspointtoutdémolisinousnedémolissonsmêmelesruines.»Si,commelenotaituncritiquedramatiquelorsdelafameuserepriseàParisdeVictoroulesenfantsaupouvoir,lapièceestunebombesurréaliste,nuldoutequelamècheestbeletbiendadaïste!

ToussescommentateursontàtrèsjustetitrequalifiéVictoroulesenfantsaupouvoirdeRogerVitracetquelques-unesdesesautresœuvresdesur-réaliste,sansquel’onsachebientoutefoisenquoiellesl’étaient,nimêmece

querecouvraitréellementcettedénomination.Àforced’avoirétéutilisé,letermes’estretrouvécommeunepiècedemonnaiedémo-nétiséeaupointdeperdretoutesapuissanceetderenvoyerversunesignificationprochedeladoucebizarrerieoudel’étrangefan-taisie…Touteschosesquelquepeuéloignéesdel’espritdumouve-mentdirigéparAndréBretonetencoreplusdeceluideDadaqueVitracdécouvritdanslesannées1920alorsqu’ilavaituneving-tained’annéesetvenaitdes’engagerdansl’armée.Unearméetrèsspéciale,puisquevenaitdesecréerunpelotonspéciald’étudiants,«LettresetDroit»,censéformerdesélèves-officiersderéserve,letoutavecquelquesprivilègespourlesintéressésconsistantau

débutàavoirtouslesaprès-mididelibre,puisunpeuplustarddetouteslesnuits!…BaséàLatour-Maubourglesconscrits,tousvolontaires,setrouvaientàdeuxpasdeMontparnasse;autantdirequ’ilsenprofitèrenttrèslargement,poussantleursexpéditionsjusqu’auQuartierlatin,puisjusqu’àMontmartre.Restaittoutdemêmeàfaireactedeprésencedesixheuresdumatinjusqu’àmidi.Ilfallutdoncs’occuperetl’idéedecréerunetroupethéâtralesurvinttrèsvite.C’estdanscecadrequeRogerVitracréalisaunepièce(sapre-mière),LaFenêtrevorace,dontlemanuscritamalheureusementdisparumaisquid’aprèstouslestémoignagesressortissaitfortementdel’espritdada.Lacaserne,sousl’impulsiondeRogerVitracetdesescompagnonsderégimentparmilesquelsonretrouvaitRenéCrevel,FrançoisBaron,AndréDhôtel,MarcelArland…,devinttrèsviteunvéritablefoyerdada,danslequellesmanifestesdumouvementétaientmisencirculation.C’estdanscecontextequetouscesjeunesgensparticipèrentauxgrandesmanifestationsDadacommelavisitedeSaint-Julien-le-Pauvreoùilsserendirentsanglésdansleursuniformesdesoldatcequi,biensûr,nepouvaitqueravirlesorganisateurs,etoùVitracfitlaconnaissanced’Aragon,ouencorecommeleCongrèsdeParisen1922.

Jean-Pierre HanDirecteur de la publication et

rédacteur en chef de Frictions, rédacteur en chef des Lettres françaises, critique

dramatique.

(1) Ces articles ont été publiés dans Champ de bataille, éd. Rougerie, 1975.

Un dadaïste nomméRoger Vitrac

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Pour faire un poème dadaïste

Prenez un journal.Prenez des ciseaux.Choisissez dans ce journal un article

ayant la longueur que vous comptez donner à votre poème.

Découpez l’article.Découpez ensuite avec soin chacun

des mots qui forment cet article et mettez-les dans un sac.

Agitez doucement.Sortez ensuite chaque coupure

l’une après l’autre.Copiez-les consciencieusement

dans l’ordre où elles ont quitté le sac.

Le poème vous ressemblera.Et vous voilà un écrivain infiniment

original et d’une sensibilité charmante, encore qu’incomprise du vulgaire.

Tristan TzaraDada est tatou, Tout est Dada, Flammarion, 1996.

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Tristan Tzara

2726

Oh,Thérèse,c’estunegrivette,unclisson,unpoularic,unevinoseille,unmarisignan,unpirosthète,jel’appellemonrivarsort,mavachinose,magruesaille.Thérèse,c’estunevache,maisunevachecommeiln’yapasdefleurs.

Charles, acte III

Qu’est-ce que c’est ça, papa ?

Imitant la réponse du père.

C’est un œuf de cheval,un gros coco de dada.Victor, acte I

Quellevie!Ricane,ricane,imbécile!Ahcesoir,j’enaibuunefièregorgée!Quelslapins!Quelssinges!Quelmiracle!Petit,petit…petit…(Ilimitelebruitdespetsetéclatederire.)Ah,non!(Déclamant.)IdaMortemart,croupissantcommelamerMorte.Ah!lesbulles…etçacrève!Ida,dadai.Ida,dada,Morte?Mortemart?J’enaimarre,marre,marre,marre…Charles, acte III

Frappe, frappe, pour la défenseDe ton pipi, de ton papa.Il faut son épée à la France,Il faut son fusil au soldat !Charles, acte III

You you you you la baratteLa baratte du laitierAttirait you you la chatteLa chatte du charcutierLe cœur you you se dilateÀ les voir se fusiller.Antoine, acte I

2928

ducielenenfer,etlesyeuxdel’enferauciel,rétablirlaroueféconded’uncirqueuniverseldanslespuissancesréellesetlafantaisiedechaqueindi-vidu.»Cetteréaffirmationdel’individualité,delapuissanceetdelaviefaceauxprocessusdenormalisationn’estpassansrappelerlafigurenietzschéennedelavolonté.Lephilosopheallemandasanscesseluttécontrelespouvoirsanesthésiantsdel’État,delamorale,dusavoiretdelareligion.Leprogrèsdelasociétéetlesmanœuvrespolitiquessontperçuscommeunmécanismed’inhibitiondontlafinconsisteàcréerunesériedeclonesobéissantsetpas-sifs.C’estpourquoiDadan’estpassanslienaveclapenséeanarchistealle-mandequisedéveloppeàlafinduXIXesiècle.Plusquestiondelaisserl’es-pritetlecorpss’enfermerdanslesimpératifsdelaraison.Dadapréfèreetrevendiquelegranddésirnietzschéenoul’élanvitaldeBergson.Bienqu’ellesoitouvertementcritiquéeparDada,lapsychanalysen’estpastrèsloinnonplus.HenriBéharamêmeassimiléDadaàl’irruptiondel’inconscientdanslalittérature.Aprèstout,Freudn’a-t-ilpasluiaussidénoncélapuissanceinhi-bitricedesconventionsbourgeoisesetdelareligionsurledésir?Dadarefu-saitabsolumentdesedéfinircommeunedoctrine,précisémentparcequ’ilvalorisaitlalibertéetlasingularitécontrelesdogmes;maissonaspiration«libertaire»correspondàunmouvementd’idéeslargementrépanduàlafinduXIXesiècleetdontils’estvolontiersinspiré.

LorsqueVitracsituesapièceen1909etqu’elleestreprésentéeen1928,l’actethéâtralestd’uneincroyableforce.Après1918,iIn’estpluspossiblederevenirauxvaleurssocialesetmoralesquiontprécédélaguerre,commesiriennes’étaitpassé.Lesfamillessontdécimées,lanatalités’effondre,leshommesnecroientplusenrienetchacunutiliselespalliatifsquiluisontnécessairespoursupporterlavie.Lapolitique,lesdécisionsd’État,lacroyanceenlapuis-sanceéconomiqueetmilitairedelaFrance…Toutcelan’aplusaucunsensauregarddesvictimesdelaguerre.LorsqueVictordétournelesbonssentimentsdesgrenouillesdebénitiers,qu’ilfustigel’arméeetlepatriotisme,dénoncelestaboussurlasexualité;lorsqu’ilremetàsaplacetouteunesociétéquiveutsauverlesapparencesalorsque,commeIda,elleestentraindepourrirdel’intérieur,iltouchelespointsnévralgiquesd’unmondeenpleinetransforma-tion.Lapièceprovoquad’ailleurslescandale.Sonénergiecorrosivefutimmé-diatementperçueparlepublicetl’offusqualaplupartdutemps.

Danslapièce,l’actionsesituele12septembre1909.LamiseenscènedeChristianSchiarettidéplaceledramedanslesannées90.Passerde1909à1990supposeseulementdedéplacerun9.Voilàbienpeudechoses,unesimpleinversion,àpeineunefautedefrappe.Mais«neuf»n’estpasunmotcommelesautresdanslapiècedeVitrac.Victoraneufansettientabsolu-

mentàdevenirquelquechosedeneuf.Pourcela,ilbrise«legroscocodedada»,ilcasseun«(n)œuf»pourdécouvrircequipeutnaîtreàpartirdelà.Etceserafinalementl’hécatombe:plusdemorale,plusdefamille,plusdeVictor;lamortetlenéant.Peut-êtreVitracavait-illemêmeespoirqueTristanTzara,quiaffirmaitsansciller:«pasdepitié,ilnousresteaprèslecarnage,l’espoir

d’unehumanitépurifiée».Lasurprised’unecréationartistiquenouvellesup-poseunedestructionsansétatd’âme.LapremièrebêtisedeVictor,unsimplevasebrisé,suffitàinstallerl’esprit«Dada»quianimelapièce.ImaginerVictordanslesannées90nerevientdoncpasseulementàchangerdedécor,maisàinvestiruneépoquenouvelleparledégoût,larévolteetlarevendi-cationdelibertédadaïstes.

Lesensdelatranspositiondépenddeceluiquel’ondonneaumouvementDada.EnFrance,ilfutlongtempsétoufféparlacélébritédusurréalisme.Mêmesil’onsaitàquelpointBretonetAragonontpuiséleurinspirationlittérairedanslesprincipesdudadaïsme,onréduitsouventlemouvementàl’indignationdequelquesartistesfaceàlaguerrede1914.Néen1916,Dadasedéfiniraitcommeuneformedenihilismequelesmembresducabaretvoltaireoppose-raientàladécrépitudedesculturesetdescivilisations.Dadanetrouveraitdesensquedansuncontextehistoriqueprécis,dontilseraitl’enversoulanéga-tion.Pourtant,larévoltedadaïstenerejettepasseulementuneépoque,maisaussiunemanièredepenseretdevivredontlesracinesserévèlentanté-rieuresàlapremièreguerremondiale.Lesprincipalesciblessontlamorale,lechristianismeetlerationalismephilosophiqueparcequ’ilspromeuventunevisionnormaliséedel’homme«engénéral».Cefaisant,ellesdétruisentledésiretlessingularités.«Croit-onavoirtrouvélabasepsychiquecommuneàtoutel’humanité?»interrogeTzara.Ledogmedelaraisonuniverselleeffacelescaractèresetannihilelavolonté.Tzara,encore:«Jedétruislestiroirsducerveau,etceuxdel’organisationsociale:démoraliserpartoutetjeterlamain

Guillaume Carron conseil littéraire.

Une transposition

31JouerVitracaujourd’huipeut-ilavoirunimpactaussigrand?Ladimensionsubversivedelapièceetsonappelàlalibertésont-ilsencoreprégnantsdansunesociétédevenuelibérale?Lasociétéfrançaisedesannées90sembletrèséloignéedecelledudébutdusiècle.LaFrancesembleenpaix,l’espérancedevieaugmente,laconsommationbatsonpleinetlamondialisations’affirmeavecledéveloppementd’Internetetdel’économiedemarché.Lesannées90préparentlecouronnementdutournantlibéralréaliséparFrançoisMitterranddansladécennieprécédente.Enpolitique,le«réalisme»aprislepassurlesgrandsespoirsidéologiques.Prisesentrel’effondrementdumurdeBerlinetceluidestoursjumelles,lesannées90voients’éteindrelerécitcommunisted’uncôtéet,del’autre,lapromessecapitalisted’unprogrèsapaisé.Ilfautdésormaistrouversaplacedanslaréalitééconomiquedumarché.Apparemment,lavictoiredu«néolibéralisme»afaitéclaterlesvieillesconventionsbourgeoisesdénoncéesparVitrac.Socialement,lescarcanstraditionnalistesseseraienteffondrés.Lareligionaperdusoninfluencesurladéfinitiondesbonnesmœurs,lasexualitéseprésentecommelibérée,lestabousnebornentplusl’expressionnilapenséeetlesvaleursbourgeoisessesontévanouiesdansl’ouvertured’espritdesbobos.Lesenfantsnesontpluscesêtrescorvéablesàmercidevantsupporterensilencelesdéfaillancesetlaviolencedesadultes.Depuislaconventioninternationalede1989(CIDE),ilssontprotégésparledroit.Bienquel’égalitésocialesoitencoreloin,lesfemmessontmoinsenferméesdanslerôlede«bonneépouseet[de]bonnemère»queVictorimposeàEsther.Enfin,lacréativité,l’audace,lerisqueetl’initiativesemblentencouragésparl’espritd’entreprise.L’explosiond’Internetdonneàchaqueindividuunepossibilitéimmensed’informationsetderelationsetlesfrontièresentrelespaysontperdudeleurpoids.Qu’est-cequeDadapourraitbienavoiràreprocheraudynamismeetàl’internationalismedelasociétélibérale?Centréesurlalibertédel’individu,fondéesurlapossibilitépourchacunderéalisersonintérêt,lapenséelibéralenevalorise-t-ellepaselleaussilessingularités?Sansdouteest-cesurcepointquelatranspositionappellenotreétonnementleplusvrai.Certes,danslesannées1990,lareligionetlesconventionsbourgeoisesontperduleurpuissanceoppressivesurlesdésirsindividuels.Maissouvenons-nousquelediscoursdefonddénoncéparDadaétaitaussiceluidurationalisme.Lesdadaïstess’inquiétaientdel’invasionprogressivedelaraisondanstouslesdomainesdelavie.Ilsredoutaientl’enfermementprogressifdel’Hommedansunconcept,laréductiondel’espritàdescatégoriesdeclassementetdequantification.Ilsrefusaientl’embrigadementdel’individudanslesimpératifsduprogrèstechniquetoutcommeceluidel’artdanslesnormesd’unstyle.Peut-onréellementdirequelasociétélibéralenousapermisd’éviterdetellescraintes?N’a-t-ellepasaucontrairedonnéuneexistencepleineetconcrèteàlavisiondumondequeDadas’attachaitàcombattre?Larationalité,l’intérêt,

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De gauche à droite, en partant du haut : Louis Aragon, Théodore Fraenkel, Paul Eluard, Clément Pansaers, Emmanuel Fay, (extrême droite). Au milieu : Paul Dermée, Philippe Soupault, Georges Ribemont-Dessaignes. En bas : Tristan Tzara, Céline Arnauld, Francis Picabia, André Breton.

33lecalculd’utilité,l’efficacité,lerendement…toutecettearithmétiquedelasubjectivitéhumainedontDadaredoutaitl’influences’incarneaujourd’huidanscequel’onaappelél’homoeconomicus.Mêmes’ilyadansceconceptunecertainecaricature,ilfautbienreconnaîtrequel’hommeestdésormaisdéfinicommeunsujetdontlalibertéreposeavanttoutsursacapacitérationnelleetlarecherchedesonintérêt.Lesannées90voientletriomphedel’hommerationneldétestéparDada.

Peut-êtrel’appareilrépressifdudésirn’a-t-ildoncpasdisparu,maissimplementchangédeforme.Cenesontpluslesconventionsbourgeoisesquidonnentbonnefigureànosnévrosesquotidiennes,maislesprincipesindiscutésdelacroissanceéconomiqueetdelaconsommation.Lepouvoiretlasociétéontcréédenouveauxmasquessurlesprocessusdenormalisation.Labureaucratieeffacedanslacomplexitéadministrativelesexcèsdupouvoiretlasociétéproposeàchaquedésiroppriméundivertissementdecompensation.LesstimulantsentoutgenreetlesantidépresseurssontvenusremplacerlelaudanumdeCharlesetÉmilie.Cen’estpluslevasedeSèvresquitrôneaumilieudusalon,maisl’écranplatderniermodèle.Ladiffusionàgrandeéchelledelapornographiedonnelespectacled’unesexualitélibre;etl’apparitionduSIDArévèleenmêmetempsàquelpointlestabousetlespréjugéssurlasexualitéinnerventencorelesrapportssociaux.TouslespointsderefoulementdudésirdontVictoravaitidentifiélanaturesurgissentencoreaujourd’huicommedesparadoxesdansnosvies.Maiscelanenousrévolteplus.Rienn’estsingulier,toutestnormal…Mêmelafolie,quiétaittellementadmiréeparVitracpoursasingularitéetsaforcecréative,estdésormaisrendueàsabanalité.Enpsychiatrie,chaquesymptômeetchaquedélirevientimmédiatements’inscriredanslabibliothèqueuniverselledescomportementsduDSM(DiagnosticandStatisticalManualofMentalDisorders).Avantmêmedepouvoirexister,l’originalitésevoitreclasséedansundomainequelaraisonpeutcomprendreetexpliquer.Souscouvertd’uneimmenseliberté,lenéolibéralismeainstauréledespotismedouxdelanorme.

Peut-êtrenousest-ildoncplusdifficiled’entendrelecynismedeVictordanslesannées90parcequenouspensonsvivreletempsdelalibertéindividuelleparexcellence.Etpourtant,l’extrêmeintelligencedeVictornousrappelleàquelpointlasubordinationdelavieauxseulesexigencesdelarationalitéetdel’intérêtpeutêtremortifiante.Pourquoinepaslaisseruneplaceàl’autrepartd’enfancedeVictor;àcellequisuitsafantaisiedanslelangage,quijoueàfairelefouetàcréerdesmondesneufsparlapoésie?PourquoinepascrierànotretouravecTzara:«Liberté:DADA,DADA,DADA,hurlementdescouleurscrispés,entrelacementdescontrairesetdetouteslescontradictions,desgrotesques,desinconséquences:LaVIE»?

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Cedocumentnedéfinitpaslesprincipesdéfinitifsdelamiseenscène,maisconstitueunematièreinitialepourletravaildescomédiens.

Vitracavaitchoisidesituerl’actionen1909,nouslatransposonsaudébutdesannées90,cequipermet,outrelejeusurlenombre«neuf»cheràl’auteur,detrouverdeséquivalentsplusparlantspourlepublic.Lessituationsetlespersonnagessontentièrementrespectés.L’objectifestsimplementdefairerésonneraujourd’huilachargecorrosivedelapièce,entransposantlesréférencesà

laguerrede1870etàl’Empirecolonialdansunpasséplusrécent:celuidelaSecondeGuerremondialeetdelaGuerred’Algérie.LatrahisondeBazainedeviendraitcelledeMauricePaponetlafiguredeFaidherbecelledugénéralLeclerc.Autourdelaquestionpolitiqueetcoloniale,lapièceseréfèreàquelqueschansonsmilitairesetpopulaires,danslabouchedugénéraletd’Antoine.Nousimaginonsdechoisirdescitationsplusidentifiablesqui,loindemodifierlesensdésiré,enrestitueraientl’acuité.Enréalité,cesajustementsrelèventdelamiseenperspectiveafinquelesintentionsimplicitesdeVitracconcernantlepassémilitaireetcolonialfrançaisrestentactivesdanslaconduitedel’intrigue.

1909 / 1990

Guillaume Carron conseil littéraire,

Olivier Balazuc dramaturge

Créationpourchaquepersonnaged’unecarted’identitéfictive.Ci-aprèsl’exempledeThérèse:

Personnage d’origine :Outrequ’elleincarnelabourgeoiseparexcellence,Thérèseprésenteaussicertainstraitscaractéristiquesdel’hystérie,un«trouble»quiabeaucoupintéressélessurréalistes.Colériqueetviolente,elleestaussimarquéeparundésirdeséductionetunetendanceàladoubleidentitésexuelle.LeprénomThérèseestd’ailleursuneréférenceprobableàApollinaireetauxMamellesdeTirésias.Danscettepièce,l’héroïne,Thérèse,devientunhommeetobligesonmariàprocréer.OnretrouvecethèmedeladoubleidentitéchezlaThérèsedeVitrac,toutcommel’allusionàlaprocréationforcée.OnsaitégalementqueVitracachoisivolontairementleprénomEstherpourlafilledeThérèseenraisondesesoriginesjuives.OnpeutdoncsupposerqueThérèsepartagecetteconfession.

Dans la transposition on peut imaginer l’histoire suivante :Thérèsenaîten1953dansunefamillejuivemodeste.Elleaquarante-et-unansaumomentdel’anniversairedeVictor.Pèremilitaire,trèsautoritaireetsouventabsent.Lamère,Sophie,s’occupepeudesafille;elleestpeuaffectiveetsedésintéressedetoutcequipeutluiarriver.Lepère,enrevanche,bienquesouventabsent,voueunvéritableculteàThérèse.Leurrelationestquasifusionnelle,quandilestlà.En1972,Thérèses’inscritàlafacultédedroitpourdeveniravocate.ElleréussitleconcoursquelquesannéesplustardetdevientmembredubarreaudeParis.Thérèseahéritéducaractèreautoritaireetcolériquedesonpère;elleabeaucoupdemalàselier.Ellemultiplieleshistoiressentimentalesdecourtedurée,notam-mentpendantsesétudes.Toujourscélibataireàtrenteans,sonpèreveutlamarieràl’undesesélèvesofficiersmaisellerefusecatégoriquement.Devantl’insistancedesonpère,ellefinitparromprelesrelationsaveclui.Pourluiéchapper,elleépousesansconviction,en1984,AntoineMagneau,ingénieur/chimiste unpeusolitaire. Elleaunefilleavecsonamant,Charles,qu’elledécided’appelerEstherenraisondesonascendancejuive.Métier:avocateauBarreaudeParis.

3736

3938

20 Novembre 1959, Déclaration des droits de l’enfant

PréambuleConsidérantque,danslaCharte,lespeuplesdesNationsuniesontproclaméànouveauleurfoidanslesdroitsfondamentauxdel’hommeetdansladignitéetlavaleurdelapersonnehumaine,etqu’ilssesontdéclarésréso-lusàfavoriserleprogrèssocialetàinstaurerdemeilleuresconditionsdeviedansunelibertéplusgrande,

Considérantque,danslaDéclarationuniverselledesdroitsdel’homme,lesNationsuniesontproclaméquechacunpeutseprévaloirdetouslesdroitsetdetoutesleslibertésquiysonténoncés,sansdistinctionaucune,notam-mentderace,decouleur,desexe,delangue,dereligion,d’opinionpolitiqueoudetouteautreopinion,d’originenationaleousociale,defortune,denais-sanceoudetouteautresituation,

Considérantquel’enfant,enraisondesonmanquedematuritéphysiqueetintellectuelle,abesoind’uneprotectionspécialeetdesoinsspéciaux,notam-mentd’uneprotectionjuridiqueappropriée,avantcommeaprèslanaissance,[…]

L’Assemblée généraleProclamelaprésenteDéclarationdesdroitsdel’enfantafinqu’ilaituneenfanceheureuseetbénéficie,danssonintérêtcommedansl’intérêtdelasociété,desdroitsetlibertésquiysonténoncés;elleinvitelesparents,leshommesetlesfemmesàtitreindividuel,ainsiquelesorganisationsbéné-voles,lesautoritéslocalesetlesgouvernementsnationauxàreconnaîtrecesdroitsetàs’efforcerd’enassurerlerespectaumoyendemesureslégisla-tivesetautresadoptéesprogressivement.

Déclaration officiellePourvuquelejourvienneoùleshommesneserontniparentsnienfants.Labarbariecommencedanslafamille.Labarbariecommenceaveclacivilisation.Lacivilisationnepeutpasmeprotégerdevotreméchanceté,devotreimmensecapacitéàfairedumal.Vouscomprenez?Lafamille,latribu,leclan,laguerrecivileetenfinlesinvasions.Enanéantissantlafamille,tuélimineslapremièreformed’humiliation.

Angélica Liddell, Écrits, Les Solitaires intempestifs, 2019

Familles,jevoushais!Foyersclos;portesrefermées;possessionsjalousesdubonheur.

André Gide, Les Nourritures terrestres,Gallimard, Collection Blanche, 1917

Celui qui comprend quelque chose aux cris d’un enfant, celui-là sait que d’autres forces psychiques que celles que l’on reconnaît habituellement, des forces redoutables, y sommeillent. Une souffrance et une rage profondes, et le besoin de détruire.Ludwig Wittgenstein, Remarques mêlées, Flammarion, 2002

Affirmations insolentes

4140

Le départ du fils prodigue

S’en aller maintenant de tout ce qui est confus,

qui est à nous et pourtant ne nous appartient pas,

ce qui telle l’eau des vieux puits,nous reflète en tremblant –

et détruit l’image ;de tout ce qui comme pourvu d’épiness’accroche à nous une dernière fois –

partir et Ceci et Celui-là,que déjà on ne voyait plus(tant qu’ils étaient quotidiens

et ordinaires),regarder tout à coup et de prèsavec douceur, conciliant et comme

si c’était un commencement ;et comprendre intuitivement,

combien impersonnel,comme en passant par-dessus des

êtres, advenait la souffrance,dont l’enfance était remplie

jusqu’au bord - :Et s’en aller quand-même, retirer

sa main de la main d’autrui,

Rainer Maria RilkeTraductionMarieluise Sausse, Langage et société, n° 20, 1982.

11

Lafiguredufilsprodigue,éminentmotiflittéraireetartistique,apparaîtpourlapremièrefoisdansuneparaboledel’ÉvangiledeLuc.Unfilscadet,aprèsavoirdemandésondûàsonpère,s’envadansunpayslointainoùildilapidetoutsonargentenmenantuneviededébauche.Désargenté,acculéàlafaminequis’emparedupays,ilreconnaîtsafauteetretourneàsonfoyerpatriarcalpourdemanderlepardon.Lepère,bouleverséparceretourinattendu,lefaitvêtir,luioffreunbijou,faittuerunveauetcélèbrecefilsretrouvé.Envoyantcela,lefilsaînérestéquantàluidocileettra-vailleursemetencolère.Lepères’expliquealors:«Ilfallaitfestoyeretseréjouir,parcequetonfrèrequevoiciétaitmortetilestvivant,ilétaitperduetilestretrouvé.»(SaintLuc,15:32).

Une figure détournée

« Suis-je condamné à mener l’existence honteuse du fils prodigue ? Enfin, dites-le-moi. Suis-je l’incarnation du vice et du remords ? Ah ! s’il en est ainsi, plutôt la mort que le déshonneur ! plutôt le sort tragique de l’enfant prodigue ! »Victor acte II

comme si on déchirait à nouveau une plaie déjà guérie,

et s’en aller : où ? Dans l’incertain,loin dans un pays non familier et chaudqui derrière toute action sera indifférentcomme un décor : jardin ou mur ;et s’en aller pourquoi ? Par désir profond,

par nature,par impatience, par attente obscure,par ce qui échappe à la compréhension

et par manque de raison :Prendre tout cela sur soi

et laisser tomber en vainpeut-être ce qu’on tenait,pour mourir seul, sans savoir pourquoi –

Est-ce là l’entrée d’une vie nouvelle ?

« Je veux faire, dans le genre carnivore. Enfant prodigue, cela ne me déplairait pas. »Victor acte II

4342

Victorestsurréalisteparl’usagequiestfaitduscandale,unscandalequiréveille,émeut,suscitelaréflexion,inviteàretournerlalunetteetàconsidérerl’insupportableconditionhumaine.Parlesjeuxdel’humouretdelamort,VitracillustrelesrevendicationsdeLaRévolutionSurréaliste.L’absurde,loind’êtregratuit,estalorsuninstrumentlibérateur,nousdébarrassantducarcandelaraison,ouvrantsurcettemoralenouvelleàlaquelleaspiraitAndréBreton.Axiologiequel’enfantseulpeutdéfinir,lui«quiapprocheleplusdelavraievie»,dontlesensdel’absoluestunepierredetouche.EnsituantVictordansuncourantallantd’EdwardLearàJarry,d’ErikSatieàBorisVianetQueneau,ClaudeRoyassocieàjustetitrel’enfant,l’humouretlamorale:

…sicethumoursurgit,souverain,déflagrateur,danslalittératuremoderne,cen’estpascommeunecréationnouvelle,maiscommelavenueaujourd’uneforcemoralequin’avaitjusque-làpasdroitdecité.(1)

Suffit-ildemontrerlevaudevilledynamitéparlesurréalismepourrendrecomptedelanatureexactedecettepièce?Peut-êtren’avons-nouspasassezditqueVictorestlapremièretragédiedestempsmodernes,mêmesielleestsituéedansuncadrebourgeoisetsielleprovoquelerire.Encorefaut-ils’entendresurleconceptdelatragédie.ÀlasuitedeLucienGoldmann,ondénommeraainsi«toutepiècedanslaquellelesconflitssontnécessairementinsolubles;lehérostragique,dominéparlaloidutoutourien,n’acceptantaucuncompromis.Quinevoitqu’iciVictor,refusanttoutesolutionintramondaine—toutaccordavecsonentourage,pasmêmeavecEsther—incarneunabsolumoralirrémédiable.Dèslors,lesadultesaurontbeauseconfesser,prêterserment,iln’aura,quantàlui,d’autreissuequedanslamort.L’universdesparentsesttropcompromisàsesyeuxpourqu’ilaccepted’ypénétreretcessedelejuger.Victorestunetragédielaïque,c’est-à-diresansDieu,nicaché,nirévélé.Elleestdéterminéeparlaseuleexigencemoraleduhéroslui-même.Aunomdequoiseprononce-t-il?De la pureté sentimentale de l’enfance, de son innocenceprimitive? Il serait curieuxque le puritanisme rousseauisteréapparaisse ainsi (même s’il n’est pas étranger à certainsaspects du surréalisme), et Vitrac est trop persuadé de

Dansunpremiertemps,certainsn’ontvouluyvoirqu’unvaudevillecocasseetlégèrementdéréglé.Ilsn’avaientpastort:lapiècecomportebientouteslescomposantesdecegenredramatique.Festind’anniversaire,litdes

intérieursbourgeois,canapéducinqàsept,personnagesenchemisedenuitetenpyjama,petitefemmeentenuevaporeuse,coïncidences, surprises, adultère, propos grivois, imbécilescomplaisants,scènesosées,motsd’auteur:toutyest;ilsuffitd’agiterfrénétiquementetdeservirsurunplateau.Pourtant,c’estfairepeudecasdecertainesformulesinquiétantesserapportantauxdéclarationsdel’auteur…

Onasoulignéàdesseinlecaractèresurréalistedel’œuvre,tantdanssathématiquequedanssatechniqueetsesdonnéesfondamentales.Procédantparodiquement,Victorestunecritiqueaiguëdelasociétébourgeoise,danssesgoûtsostentatoires,soncultedel’argentetdel’héritage,sapsychologiebêtifiante

àl’égarddesenfants,sesfaussesvaleurs.Nonquecesvaleurssoientabsolumentcontestablesmaisparcequ’ellesontétébafouéesparlabourgeoisieenpersonnequi,posantledogmedelafidélitédanslemariage,s’empressedepratiquerl’adultère.Inventantdesbarrièresartificielles—auxfinsdeconserversonpouvoir—lasociétésuscitelafoliecommelapropriétécréelevol.

ChezVitrac,laparodiedramatiqueporteavanttoutsurlelangage.Abusantdesponcifs,desclichés,desformulesetdesmaximes:«Aimetonprochaincommetoi-même»,«Cetâgeestsanspitié»,«Onmeurtàtoutâge»,«Etvoilàlesortdesenfantsobstinés»,ilprocèdeàundécrassagegénéraletsalutaire.Avecquoipensersilesmotsnesontpluslàpourapporterdesidéestoutesfaites?Ens’attaquantàsoninstrumentderelationsociale,Vitracparalyselacollectivité,lametànu.Telleest,delamêmefaçon,lafonctiondescitationsetdescollagesidentifiés.RestentlesdéliressurréalistesdeVictor,lelangagesoudainementamoureuxdesonpère,quinousprojettentbienloindecelamentablesalonbourgeois,dansununiversoùl’onnetraitepaslapenséed’autruienadversaire,oùlasignificationdesmotsnenécessiteaucunapprentissage.

On est criminel à tout âge

HenriBéhar, Professeur émérite

à la Sorbonne, spécialiste de Tzara et des avant-gardes.

Il a fondé et dirige le Centre de recherches

sur le surréalisme, qui coordonne les

travaux sur ce sujet.

(1) Claude Roy, « Les Enfants au pouvoir, enfin », N.R.F., 1962.

45l’ambivalence des sentiments pour que nous acceptions l’hypothèse.Victorneconstate-t-ilpas:«L’enfanceesttoujourscoupabledenosjours.LaSainteEnfance!»

Victor,c’estlecridel’enfantquenousavonstuéennous—quellesquesoientsescontradictions—;c’estlerappelnostalgiquedesvirtualitésdéfinitivementanéanties.

Insolubleconflitentrenosaspirationsetlaréalité,visionpascaliennedel’existence,c’estainsiqu’ArtaudexpliquaitlesintentionsdeVitrac:

Onavouluépuiserlecôtétremblantetquis’effrite,nonseulementdusentiment,maisdelapenséehumaine.Mettreaujourl’antithèsepro-fondeetéternelleentrel’asservissementdenotreétatetdenosfonctionsmatériellesetnotrequalitéd’intelligencespuresetdepursesprits.(2)

*

OntrouvedanssesPoésiescomplètesunfragmentgénérateurdenotredrame,quenulcritiquen’acommenté,àmaconnaissance:

Onestcriminelàtoutâge.

Ettouteleurvieilslapasserontautourd’ungâteaufaitavecdesépaulesetdesseinsetdécorédeprécipicesetdecouronnesenfeu.

Lalampe,lecieldulitetl’enfantmême.Ah!cedernier,s’ilslesoup-çonnentdeporterl’enferautourd’unchapeauvermillonsignéJean-Bartilslemarquerontd’unedentelled’écorchuresjusqu’àcequesesyeuxtrahissentl’inceste.

Etjelesvoistouslestroisendormisdanslesiropdegroseille.(3)

Toutelatragédieestdéjàenplace(avecsaparodie)àpartirdunoyaufamilial,aveclatenued’ungarçonnetdel’époque,notammentcechapeaudepailledénomméJean-Bart,legâteaud’anniversaire,et,bienentendu,l’incestequirevientcommeuneobsession.Lesangaussi,figurépardusiropdegroseille.Apriori,lepoèmeapparaîtcommeunregardattendriportésurl’enfance.Enfait,c’estexactementledramequeVitracporteraauthéâtreunedizained’annéesplustard.

(2) Antonin Artaud, Œuvres complètes, Gallimard, Collection Blanche, tome II, 1996.

(3) On trouvera Dés-lyre ainsi que mes études sur mon site : http://melusine-surrealisme.fr/henribehar/wp/

Le Tam

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orff, 19

79.

4746 «Cedrametantôtlyrique,tantôtironique,tantôtdirect,étaitdirigécontrelafamillebourgeoise,aveccommediscriminants:l’adultère,l’inceste,lascatologie,lacolère,lapoésiesurréaliste,lepatriotisme,lafolie,lahonteetlamort»,expliquaitVitracauxspectateursduThéâtreAlfred-Jarry.

Lacibleétaitclairementdésignée.Lesdiscriminantsaussi,encorequ’ilsnesoientpastoussurlemêmeplan,onlevoitpourl’incestequin’estqu’évoquéetnonmontrédanslapièce.Onpourraitendireautantdelamort,incarnéeparIdaMortemart,autrementditlaviedanslamort.Outrel’agressivitédupersonnageenverslepublic,lacaricaturetragiqueduPétomanedel’Eldorado,ilyavaitcettedifficulténonpasàdirelamort(toutlemondeenparletoutletemps)maisàlamontrer,venantérotiquementprendrel’enfantsursesgenouxpourleconduireaunéant.L’idéediaboliquedeVitrac,rarementexposéedepuis,estd’imaginerlamortcommeunindividumortel,iciunefemmepar-dessuslemarché,elle-mêmedéjàinvestieparladestructionquisemanifestedefaçonsonoreetscatologique:«etjenepuisriencontrecebesoinimmonde.Ilestplusfortquetout.Aucontraire,ilsuffitquejeveuille,quejefasseuneffortpourqu’ilmesurprenneetsemanifestedeplusbelle.Ellepètelonguement.Jemetuerai,sicelacontinue,jemetuerai.»

Serait-ce,paradoxalement,unevisiond’espoir?Ilm’atoujoursparuétonnantque,àlafindesaviebrève,danssescarnetsintimes,Vitracsesoitintéresséàlanotiondedestrudo,exploréeavectantdedifficultésparFreud,etqu’ilaitvoululaconcrétiserdansundrame,unautre,Victor.

Du même auteur :◊RogerVitrac,unréprouvédusurréalisme,Nizet,1966◊Vitrac,théâtreouvertsurlerêve,FernandNathan,1981

Antonin ArtaudBrochure du Théâtre Alfred-Jarry, 1928.

Dans Les Enfants au pouvoir, la marmite est en ébullition. Le titre seul indique un irrespect de base pour toutes les valeurs établies. En gestes à la fois brûlants et pétrifiés, cette pièce traduit la désagrégation de la pensée moderne et son remplacement par… par quoi ? Voilà en tout cas le problème auquel la pièce, grosso modo, répond : Avec quoi penser ? Et qu’est-ce qui demeure ?

48

Roger VitracExtrait de « Je fus cet enfant-là », Dés-Lyre, poésies complètes présentées et annotées par Henri Béhar, Gallimard, 1964.

Regardez-le mes yeux.Il est vêtu de velours rouge

et de dentelleset va par le jardin silencieuxet va cherchant les sauterellespour la mésange bleuequ’on lui donnaau mois des buissons blancs

ou sont les hochequeues.Je fus cet enfant-là.

Prix de vente : 4 €

Théâtre National Populaire

Direction Christian Schiaretti8placeLazare-Goujon69627Villeurbannecedextnp-villeurbanne.com