Vidal de La Blache de l Interpretation Geographique Des Paysages

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    Paul Vidal de la Blache (1845-1918)

    De l'interprtationgographique

    des paysages

    1908

    Un document produit en version numrique par Michel Ct, bnvole,tudiant en gographie lUniversit Laval de QubecCourriel: [email protected]

    Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"dirige et fonde par Jean-Marie Tremblay,

    professeur de sociologie au Cgep de ChicoutimiSite web:

    http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html

    http://www.ggr.ulaval.ca/mailto:[email protected]://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.htmlmailto:[email protected]://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.htmlhttp://www.ggr.ulaval.ca/
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    Paul Vidal de la Blache, De l'interprtation gographique des paysages (1908)2

    Une collection dveloppe en collaboration avec la BibliothquePaul-mile-Boulet de l'Universit du Qubec ChicoutimiSite web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm

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    Un document produit en version numrique par M. Michel Ct, bnvole,tudiant en gographie lUniversit Laval de QubecCourriel: [email protected] partir de :

    Paul Vidal de la Blache (1745-1918)

    De l'interprtation gographique despaysages

    Une dition lectronique ralise partir de l'article de PaulVidal de la Blache (1845-1918) De l'interprtation

    gographique des paysages (1908). Neuvime CongrsInternational de Goraphie (1908). Compte rendu des travauxdu Congrs, Genve. Socit gnrale d'imprimerie (18), 1911,pp. 59-64.

    Polices de caractres utilise :

    Pour le texte: Times New Roman, 12 points.Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 10 points.

    dition lectronique ralise avec le traitement de textesMicrosoft Word 2001.

    Mise en page sur papier formatLETTRE (US letter), 8.5 x 11)

    dition complte le 15 mai 2003 Chicoutimi, Qubec.

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    Depuis que la gographie pdagogique est sortie du cabinet oelle senfermait trop volontiers et quelle sest mise observerdirectement la nature, linterprtation des paysages est devenue unde ses principaux objets. Cest un art dlicat, sur lequel il nest

    peut-tre pas inutile dattirer brivement lattention du Congrs.Lanalyse et la synthse y ont chacune leur rle. Lanalyse sefforcede distinguer les traits htrognes qui entrent dans la compositiondun paysage ; et comme les causes passes et prsentessentremlent dans les formes du relief, ce genre dinterprtationtient un peu de lexgse. Mais dautre part ce paysage forme untout dont les lments senchanent et se coordonnent; soninterprtation exige une perception raisonne de la synthsevivante quil met sous nos yeux.

    I - Il est peine besoin de dire que la plus large part, dans cetteinterprtation, doit tre faite ltude du terrain. Elles sontlarchitecture du paysage, parfois le paysage mme. Suivantquelles se prsentent unies ou accidentes, molles ou heurtes, uncertain style prvaut, do sort un avertissement, quand il arriveraque telle partie du spectacle quembrassent nos yeux, sen carte.Le cas ne se prsente pas seulement dans des contres trsbouleverses, comme les Alpes. Il suffit que telle roche friable

    succde telle roche dure; il suffit que, comme dans le pays deBray ou dans le Boulonnais, un simple bombement ait mis a nu desterrains de contexture diffrente, donnant plus de prise lrosion.Un il exerc ne sen tiendra pas cette modalit gnrale. Dansla sculpture laquelle se livrent incessamment les divers agentsdrosion, chacun avec sa manire propre de procder, il y a desdiffrences qui tiennent non seulement lingale duret desmatriaux, mais lusure antrieure quils avaient dj subies, et

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    qui, si elle sest longtemps prolonge, les a dsormais rendus moinssensibles aux agents du model, moins capables den ressentir leseffets destructeurs. Il y a diffrences dge, autant que diffrencesde roches. Luniformit gnrale des lignes, en Bretagne, parexemple, est lexpression de cette usure prolonge. Mais l commeailleurs des lambeaux-tmoins restent en saillie. Telle colline isole,telle butte, dans nos campagnes dIle-de-France, ne se coordonne-t-elle pas avec une ligne de niveau en partie atrophie ou ronge?Telle valle actuelle ne sinscrit-elle pas dans une valle plusgrande, dont quelques linaments subsistent ? Autant de questionsqui se dressent en face des lieux; autant danalyses qui se justifientdelles-mmes mesure quon se rend mieux compte que la plupartdes surfaces que nous avons sous les yeux, sont des surfaces ayantsubi laction des ges et en portant les stigmates.

    Il y a des paysages o la ligne domine, o tout, comme dans untemple grec, lui est subordonn : tels certains paysages du Saharaou du Colorado, o la couleur ne fait quaccentuer le dessin deslignes. Mais en gnral leau, la vie vgtale, les uvres delhomme se combinent avec les linaments du relief pour composerlimage quencadre lhorizon : leau, sous toutes ses formes et avecles phnomnes mtoriques quelle engendre; la vgtation, avecses associations, ses caractres hygrophiles ou xrophiles, etc.Contentons-nous dindiquer ces riches matires dobservations. Je

    laisse aux botanistes-gographes le soin de montrer les influencesque leau, les diffrences de terrain, le voisinage de la mer exercentsur le manteau vgtal. Mais, marchant leur suite, je me proposede chercher si quelque trace de cet enchanement se manifesteaussi dans les uvres de lhomme.

    II - Sans tomber dans un excs de dterminisme qui ne seraitpas moins fallacieux que son contraire, on peut affirmer que les

    groupements, cultures, mouvements et relations de lhommenchappent point ce rseau de causes et deffets. Lesgographes de jadis se proccupaient,- encore ne le faisaient-ils pastoujours,- dexpliquer la position des villes les plus importantes;lide ne leur ft pas venue de porter leur attention sur les villagesou de plus humbles modes de groupements. Ce sont pourtant cesformes plus lmentaires qui rvlent le mieux les motifs quelhomme a eus de choisir telle place plutt que telle autre pour sy

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    crer des conditions assures dexistence. Tantt son choix a tdtermin par laffleurement de couches impermables : despeupliers moiti-hauteur des cteaux de lIle-de-France annoncentaussi srement un village, ou du moins une ferme ou un chteau,que la prsence dune couche dargile. Tantt il a t attir par lacontigut sur une longue tendue de terrains diffrents permettantune combinaison de ressources, telle que bois, prairies et champscultivs; comme on le voit si bien en Lorraine sur les confins desgrs et des calcaires coquillers. Ce nest pas dans le pays o noussommes quil serait ncessaire dinsister sur lattraction quontexerce les versants bien orients, les terrasses labri desinondations, les placages morainiques offrant des lments varisde sol. On dirait donc quil y a des zones de prdilection o lestablissements humains aient, pour ainsi dire, cristallis, o trs

    anciennement se soit forme une densit suprieure dhabitants. Largion de la chtaigneraie dans le Vivarais et surtout en Corse,entre 40 et 800 mtres, en offre lexemple trs net. Cest ce quonpourrait appeler des types de peuplement.

    Il est vrai que ces types sont sujets se modifier, comme il arrivepour toutes les uvres humaines. Ici les populations descendentdes hauteurs vers la plaine ; cest le cas, de nos jours, en Algrie,en Grce, dans plusieurs rgions de la Mditerrane. Ailleurs, lespopulations qui sous laction de la ncessit staient concentres

    en villages, sparpillent en maisons isoles; cest par exemple lechangement qui sest produit en Scanie vers la fin du XVIIIe sicle.Enfin lindustrie moderne, diffrente de lindustrie antrieure quinavait besoin que dune eau courante ou de lore dun bois,agissant de fortes masses de produits et dhommes, oblige par laconcurrence de se concentrer sur certains points dtermins, vientapporter son tour une puissante cause de perturbation dans lesgroupements humains : perturbation limite cependant aux rgionsrelativement restreintes o la grande industrie a fix son sige.

    Quest-ce dire, sinon que dans la mobilit perptuelle desphnomnes, certaines causes nouvelles entrent en jeu ? Lanalysereprend ici ses droits, il faut ranger ces diffrents types depeuplement daprs les familles auxquelles ils appartiennent. Leprincipe de classification est ici le genre de vie adopt. Lindustriegroupe les tablissements humains daprs dautres lois que la vieagricole. De mme, llevage apporte des modifications dans larpartition des habitations, dans leur disposition et leur entourage.

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    Ainsi dans le pays dAuge la dissmination prvaut, les fermessparpillent entre les herbages et les arbres fruitiers. Les chaletsalpins se dissminent sur les flancs des montagnes ; et l mme oprvaut le type de villages fermes, des chalets temporaires, desgranges (Vosges) rpondent aux ncessits diverses et saisonnalesde la vie pastorale.

    III - Par ses uvres, par linfluence quil exerce autour de lui surle mon de vivant, lhomme est partie intgrante du paysage. Il lemodifie et lhumanise en quelque sorte. Et par l, ltude de sestablissements fixes est particulirement suggestive, puisque cestdaprs eux que sordonnent cultures, jardins, voies decommunication; puisquils sont les points dappui des modifications

    que lhomme produit sur la terre.

    Je ne puis entrer ici dans les dveloppements quexigerait cenouvel aspect de la question. Bornons nous faire remarquer queles tablissements humains introduisent un lment de fixit dansles relations gographiques. Le fait seul quils existent est uneraison de subsister, car ils reprsentent un dpt que lesgnrations antrieures laissent aux suivantes, un fonds de mise envaleur qui dispense de recommencer sur nouveaux frais. En outre lerseau de routes et la formation de relations leur assure en bien des

    cas de nouvelles raisons dtre. Cest une plante qui tend sesracines. Cependant il en est qui dprissent, qui meurent. Mais il estrare qils disparaissent, dans nos pays de constructions solides,sans laisser de traces : voyez les pays classiques des bords de laMditerrane, ou mme le Mexique et le Yucatan. Il y a, commedisait Ratzel, une gographie des ruines; et la persistance dont ellesfont preuve dans les contres de la pierre et du mortier, est en elle-mme un fait gographique. Les anciens auteurs croyaient exprimerle comble de lanantissement quand ils disaient : Etiam periereruinae ! Il y a pourtant des contres o les ruines elles-mmes

    prissent : celles o la fragilit des matriaux ne rsiste pas auxassauts des agents naturels, aux atteintes dune nature aussipuissante pour la destruction que pour la cration; celles o lestablissements humains, nayant pas pouss autour deux les fortesracines qui contribuent assurer leur perptuit, se dplacent, setransportent comme la tente du nomade. Il nen reste plus alors quedes traces semblables celles que les botanistes retrouvent de lafort, quand elle a disparu : dhumbles plantes; et dans le cas qui

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    nous occupe, quelques vgtaux ou lgumes apports par lhommeet continuant vgter aprs son dpart. Les voyageurs nous ontplusieurs fois dcrit ce spectacle dans les rgions cultives delAfrique centrale.

    Tel est le champ dobservations en partie inexplor quoffreltude des tablissements humains, et qui est une des substancesfcondes de la science gographique. Je me suis born ici parlerdes observations quont peut faire dans nos contres; autour de noscentres universitaires, en des excursions dtudiants et professeurs.Mais si lon tend ce genre dobservations, non plus des contresretreintes, mais lensemble de la terre habite, que de matires dutiles mditations ! Les steppes, les sylves tropicales, les bords eles alluvions des rivires, les confins de la fort arctique et de la

    toundra, offrent des modes dtablissements, soit permanents, soittemporaires, qui sont adapts aux conditions du milieu etparticulirement au genre de vie qui sest dvelopp dans ce milieu.Ici cest le roseau, le palmier et la liane ; l cest la brique et laterre; ailleurs le bois ou mme les mottes de neige qui en fournis-sent les matriaux. Je ne rappelle ces grandes diversits que pourmontrer combien les faits que nous pouvons observer autour denous se rattachent des causes gnrales agissant sur lensembleterrestre. Car lide de lunit terrestre, dans quelque manifestationquon ltudie, dans quelque rgion quon se place, est linspiration

    et le principe original de toute gographie.

    Paul Vidal De La Blache.