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COMPTE RENDU DE CONGRÈS VI e Congrès centro-américain et Caraïbes de chirurgie plastique Salinitas, Salvador, 2125 mars 2007 La puissante fédération libérolatino-américaine de chi- rurgie plastique FILACP créée en 1940, comprend cinq sections régionales (Amérique du Nord États-Unis, Canada, Mexique , andine, cône sud et ibérique Espagne et Portugal) ; chacune organise un congrès biannuel les années impaires et se réunissent en un congrès commun les années paires (le prochain à lieu en mai 2008 à Quito, Équateur). La jeune section Amérique centrale et Caraïbes organisait au Salvador son VI e congrès sous la direction dErnesto Jirōn, plasticien francophile venu compléter sa formation dans les années 1980 à Bordeaux (J. Baudet, J.-L. Goin). Cette section réunit les six pays qui forment lAmérique centrale (Guatemala, Salvador, Honduras, Nica- ragua, Costa Rica et Panama) et les îles Caraïbes dont la langue native est lespagnol (Porto Rico, Cuba et Saint- Domingue). À lexception du Costa Rica, véritable havre de paix depuis 60 ans (la suppression de son armée nest sans doute pas lélément le plus négligeable de cette stabi- lité) tous les pays dAmérique centrale ont été encore récemment le théâtre de soubresauts politiques parfois très violents, notamment le Guatemala et le Salvador déchiré par une terrible guerre civile dans les années 1980 qui a laissé des plaies toujours ouvertes, une inquiétude sourde (on dit « avant » ou « après la guerre ») et a entraîné une surenchère de services de sécurité privés armés jusquaux dents et la ghettoïsation luxueuse des plus riches. Nous avions visité tous ces pays il y a plus de 30 ans, à laube dun développement qui, une fois les conflits politiques réglés, ne demandait quà devenir explo- sif, alimenté par une diaspora restée essentiellement aux États-Unis et qui peut représenter jusquà la moitié de la population en place !Bien entendu, tous ces pays restent arrimés au dollar jusquà en faire leur monnaie officielle (Panama, Salvador) avec les conséquences que lon peut imaginer sur le niveau de vie devenu élevé et les risques de déstabilisation économique (la mésaventure argentine est dans tous les esprits). Tout cela malheureusement à lombre des narcotrafiquants dont linfluence est en train de supplanter les anciennes dissensions idéologiques. Tous ces pays disposent donc délites intellectuelles bien for- mées, de moyens importants pour une partie de la popula- tion, brefs tous les ingrédients nécessaires à un excellent essor de la chirurgie plastique et esthétique. Ce congrès réunissait une centaine de participants dans une sorte de club Méditerranée sur le Pacifique (le Salvador est le seul pays dAmérique centrale à ne pas avoir de façade atlantique) dans une ambiance particulièrement décontractée, et avait pour thème « Avancées en chirurgie plastique vers le nouveau millénaire ». R. Guerrero (Équa- teur) secrétaire à venir de la FILACP nous fit part dune impressionnante expérience dans la distraction ostéogé- nique de la face : les sutures crâniennes une fois libérées, la distraction achevée, le volume cérébral reprend ses droits, allonge la boîte crânienne dans le sens antéroposté- rieur, la diminue transversalement et en hauteur quel que soit lâge. Son trait dans les ostéotomies type LFI (Le Fort 1) nest pas rectiligne mais indenté, gagnant si nécessaire de la hauteur sans apport de greffe osseuse. J. Guerrerosantos (Mexique), toujours actif, nous rapporta ses 40 années dexpérience dans les lambeaux de langue utilisés tant dans la réparation labiale inférieure que dans la fermeture des fistules palatines larges, une technique trop souvent oubliée et qui rend très simplement de fiers services en évi- tant beaucoup de lambeaux hétérolabiaux. G. Peňa Cabo (Honduras) rappela que le ptôsis très sévère peut être acti- vement compensé par un lambeau de muscle frontal à pédi- cule sus-orbitaire qui restaure la dynamique de la paupière plus efficacement que les simples suspensions. N. Cruz (Porto Rico) nous apprit que 65 % de la population nord- américaine est actuellement en surpoids, ce pourcentage étant encore supérieur dans le groupe latino ; la priorité dans lordre des corrections plastiques de la chirurgie post-bariatrique diffère selon quil sagit de lopinion du Annales de chirurgie plastique esthétique 52 (2007) 243245 doi:10.1016/j.anplas.2007.04.001 available at www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/annpla

vie Congrès centro-américain et Caraïbes de chirurgie plastique Salinitas, Salvador, 21–25 mars 2007

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Annales de chirurgie plastique esthétique 52 (2007) 243–245

ava i lab le at www.sc ienced i rect .com

journa l homepage: www.e l sev ier.com/locate/annp la

COMPTE RENDU DE CONGRÈS

VIe Congrès centro-américain et Caraïbes

de chirurgie plastique Salinitas, Salvador,21–25 mars 2007

La puissante fédération libérolatino-américaine de chi-rurgie plastique — FILACP — créée en 1940, comprend cinqsections régionales (Amérique du Nord — États-Unis,Canada, Mexique —, andine, cône sud et ibérique — Espagneet Portugal) ; chacune organise un congrès biannuel lesannées impaires et se réunissent en un congrès communles années paires (le prochain à lieu en mai 2008 à Quito,Équateur). La jeune section Amérique centrale et Caraïbesorganisait au Salvador son VI

e congrès sous la directiond’Ernesto Jirōn, plasticien francophile venu compléter saformation dans les années 1980 à Bordeaux (J. Baudet,J.-L. Goin). Cette section réunit les six pays qui formentl’Amérique centrale (Guatemala, Salvador, Honduras, Nica-ragua, Costa Rica et Panama) et les îles Caraïbes dont lalangue native est l’espagnol (Porto Rico, Cuba et Saint-Domingue). À l’exception du Costa Rica, véritable havrede paix depuis 60 ans (la suppression de son armée n’estsans doute pas l’élément le plus négligeable de cette stabi-lité) tous les pays d’Amérique centrale ont été encorerécemment le théâtre de soubresauts politiques parfoistrès violents, notamment le Guatemala et le Salvadordéchiré par une terrible guerre civile dans les années 1980qui a laissé des plaies toujours ouvertes, une inquiétudesourde (on dit « avant » ou « après la guerre ») et a entraînéune surenchère de services de sécurité privés armés

doi:10.1016/j.anplas.2007.04.001

jusqu’aux dents et la ghettoïsation luxueuse des plusriches. Nous avions visité tous ces pays il y a plus de30 ans, à l’aube d’un développement qui, une fois lesconflits politiques réglés, ne demandait qu’à devenir explo-sif, alimenté par une diaspora restée essentiellement auxÉtats-Unis et qui peut représenter jusqu’à la moitié de lapopulation en place !… Bien entendu, tous ces pays restentarrimés au dollar jusqu’à en faire leur monnaie officielle(Panama, Salvador) avec les conséquences que l’on peutimaginer sur le niveau de vie devenu élevé et les risquesde déstabilisation économique (la mésaventure argentineest dans tous les esprits…). Tout cela malheureusement àl’ombre des narcotrafiquants dont l’influence est en trainde supplanter les anciennes dissensions idéologiques. Tousces pays disposent donc d’élites intellectuelles bien for-mées, de moyens importants pour une partie de la popula-tion, brefs tous les ingrédients nécessaires à un excellentessor de la chirurgie plastique et esthétique.

Ce congrès réunissait une centaine de participants dansune sorte de club Méditerranée sur le Pacifique (le Salvadorest le seul pays d’Amérique centrale à ne pas avoir defaçade atlantique) dans une ambiance particulièrementdécontractée, et avait pour thème « Avancées en chirurgieplastique vers le nouveau millénaire ». R. Guerrero (Équa-teur) secrétaire à venir de la FILACP nous fit part d’uneimpressionnante expérience dans la distraction ostéogé-nique de la face : les sutures crâniennes une fois libérées,la distraction achevée, le volume cérébral reprend sesdroits, allonge la boîte crânienne dans le sens antéroposté-rieur, la diminue transversalement et en hauteur quel quesoit l’âge. Son trait dans les ostéotomies type LFI (Le Fort 1)n’est pas rectiligne mais indenté, gagnant si nécessaire dela hauteur sans apport de greffe osseuse. J. Guerrerosantos(Mexique), toujours actif, nous rapporta ses 40 annéesd’expérience dans les lambeaux de langue utilisés tantdans la réparation labiale inférieure que dans la fermeturedes fistules palatines larges, une technique trop souventoubliée et qui rend très simplement de fiers services en évi-tant beaucoup de lambeaux hétérolabiaux. G. Peňa Cabo(Honduras) rappela que le ptôsis très sévère peut être acti-vement compensé par un lambeau de muscle frontal à pédi-cule sus-orbitaire qui restaure la dynamique de la paupièreplus efficacement que les simples suspensions. N. Cruz(Porto Rico) nous apprit que 65 % de la population nord-américaine est actuellement en surpoids, ce pourcentageétant encore supérieur dans le groupe latino ; la prioritédans l’ordre des corrections plastiques de la chirurgiepost-bariatrique diffère selon qu’il s’agit de l’opinion du

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Figure 2 La petite fille a trois ans à présent ; elle se déplacede façon autonome (avec l’aimable autorisation de RonaldZuker).

Figure 1 Les siamois séparés par R. Zuker : seule la sœursituée en bas sur le cliché pourra être gardée vivante ; ellebénéficiera durant la séparation de la greffe complète dumembre inférieur droit de son jumeau non viable en remplace-ment du membre homologue non fonctionnel.

Compte rendu de Congrès244

chirurgien (seins, abdomen, bras et cuisses) ou de lademande du patient (abdomen cuisses bras et sein) ; cen’est pas une surprise, l’abdomen recueille 100 % des suf-frages dans les deux camps. B. Connell et J. Guerrerosantoscumulent à eux deux quasiment un siècle d’expérience dansles liftings… Tous deux ajoutent volontiers une incision sous-mentale (jamais dans le pli, toujours en arrière) qui auto-rise des platysmaraphies étendues avec souvent une sectionmusculaire basse ; Connell utilise cette voie d’abord pourmieux sectionner le ligament maxillaire, réséquer la sous-maxillaire et la graisse sous-platysmale et, plus originalmais indispensable selon lui pour la restauration du contourcervical (geste isolé chez le sujet jeune) réséquer une plusou moins grande partie du ventre antérieur du digastrique(jusqu’à 95 %…) : il charge le muscle sur une pince, l’exciseau bistouri électrique jusqu’à l’obtention d’un contourrégulier ; un drain sous-platysmal sortant derrière l’oreilleet systématique. Le traitement du menton de sorcièreappelle pour Guerrerosantos une désépidermisation en ailede mouette à cheval sur le pli, la création d’un lambeau àpédicule antérieur qui, après décollement large, est amarréen arrière sur le peaucier ; pour la face il reste fidèle auxplicatures et aux injections intramusculaires de graisse quitiendraient à 100 % pour lui (élimination de 60 à 80 % ensous-cutané… chez le rat) ; Connell est un inconditionneldu SMAS (subcutaneous musculo aponeurosis system) qu’ilsépare méticuleusement de la peau (il recommande unedissection par transillumination) tout en respectant toutesles attaches péribuccales afin d’avoir une réelle action surla commissure et sur le galbe malaire… à condition d’avoirété sectionné horizontalement un peu au-dessus du zygoma(la saisie entre deux pinces, la séparation par section pro-gressive aux ciseaux fins laissent en paix le rameau frontalsous-jacent). Pour lui, le SMAS peut toujours être utiliséSMAS is not thin unless thinned by the surgeon. Il n’aaucune confiance des techniques à cicatrices courte défen-due par N. Issé (États-Unis) : celui-ci nous a détaillé sonSAFE lift short sar face lift avec un abord horizontal sus-auriculaire rejoignant la racine zygomatique au-dessus dumuscle auriculaire postérieur, seul point d’ancrage suffi-samment solide pour supporter un haubanage en va-et-vient de tout le SMAS préauriculaire : décollement limité,suites rapides mais le recrutement cutané est tel qu’en find’intervention, tout l’excédent se retrouve dans la pattequ’il faut alors presque totalement supprimer (stigmate àéviter tout de même). Il prône évidemment une utilisationextensive de ses « sutures silhouette » qu’il avait largementexposées lors du dernier IMCAS (International Major courseon Ageing skin) (fils de propylène supportant des cônes enpolyglactine tous les centimètres) qui ont l’avantage de nepas céder brusquement en cas de tension trop forte ;chaque cône supportant 30 g, c’est en effet en moyenne300 g que doit retenir l’ancrage final de chacune des sutu-res dans la région temporale ; d’où l’intérêt de le renforcerde manière solide par un lambeau d’aponévrose ou un meshde synthèse quelconque. À la question de savoir la péren-nité du procédé et l’intérêt de l’associer à une chirurgieouverte, seule cette dernière peut garantir une duréeeffective ; les sutures isolées ne s’adressent donc qu’auxptôses débutantes en posant au moins deux tracteurs parrégion à corriger selon un éventail sillon nasogénien–joue

médiane à hauteur de la commissure (pas d’intérêt dans lecou).

Côté implants mammaires, on sent un véritable engoue-ment pour le positionnement rétrofascial qui respecteraittotalement le drainage lymphatique du sein (G. Pena, Hon-duras) et entraînerait moins de capsules (expérimentationde G. Vargas sur le rat). Pour nous permettre de mieux fina-liser nos discussions avec les patientes qui nous demandentsouvent quelle sera leur taille finale de soutien-gorge, G.Echeverria (Guatémala) nous suggère un calcul à partir duvolume mammaire originel qui est celui d’un paraboloïde derévolution (et non un cône !), forme géométrique dansl’espace la plus proche du sein : V = 1/2πr2h : r représente

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Compte rendu de Congrès 245

évidemment la moitié du diamètre mammaire et h la pro-jection aréolaire sur le patient debout (faire lever les brass’il y a une ptôse débutante) ; on additionne à ce volumecelui de l’implant choisi pour obtenir le volume final du« nouveau » sein et donc le bonnet correspondant : A (100–200 cc) B (200–315 cc) C (315–515 cc) D au-delà. Chers col-lègues, à vos calculettes ! G. Vargas pense que les subinfec-tions sur implants mammaires sont beaucoup plus fréquen-tes que les chirurgiens n’imaginent : pratiquant des biopsiesavec mise en culture d’un fragment de glande mammairechez 265 patientes, il retrouve 15 fois un Staphylococ-cus epidermidis est six fois une mycobactérie ; il ne recom-mande cependant aucun traitement tant que le germe nedevient pas actif. M. Velasco (Mex.) ne sectionne pas lemuscle pectoral en cas d’implantation rétromusculairemais seulement le fascia ; nous n’avons pas encore comprispar quel mécanisme cela peut réduire les déformationsintempestives observées dans les contractions postopératoi-res. R. Moufarrege (Canada) domine toujours son « pédiculepostérieur total » auquel il consacre actuellement unouvrage, une sorte de Mckissok poussé à l’extrême, sanssutures cutanées (un plan profond rapide et des pansementscollés à la teinture de benjoin), ce qui lui permet la correc-tion d’hypertrophies mammaires majeures en moins d’uneheure… (nous pouvons témoigner !).

Parmi toutes les séances consacrées à la graisse, nousavons retenu (G. Betti, Mexique) qu’une liposuccion du bas-sin devait presque systématiquement s’accompagner d’uneréinjection dans le sommet esthétique de la fesse qui cor-respond à une horizontale projetée 2 cm au-dessus du pubis(alors que l’implant fessier doit avoir une projection maxi-male inférieure) ; dans l’idéal il faut pouvoir disposer d’aumoins 1 l de graisse extraite afin de pouvoir réinjecter 350à 450 cc par côté, la surcorrection étant indispensable.

J. Guerrerosantos ne traite pas les plis du dos sans lesavoir détachés par subcision ; ce même geste est aussiappliqué dans le traitement de la bosse de bison, ce quinous paraît tout à fait superflu.

Enfin, R. Zuker (Canada) brillant chirurgien plasticienpédiatrique fit trois magnifiques conférences sur son expé-rience microchirurgicale : pour les réanimations facialesdans lesquelles un transfert nerveux transfacial n’est pasenvisageable (S. de Mébius et paralysie unilatéralesd’origine tumorale) il prône un transfert libre de gracilisavec branchement moteur de la branche du V destinée aumasséter ; l’enfant est rapidement capable de sourire avecune commande uni- ou bilatérale indépendante de touteffort masticatoire. Il termina sur la séparation de siamoi-ses réunies par un tronc porteur de quatre membres supé-rieurs et trois membres inférieurs ; à trois mois la décom-pensation cardiaque irréversible de l’un des enfantsconduisit à la décision de sacrifice avec récupération deson membre inférieur fonctionnel greffé à la place du mem-bre inférieur correspondant non fonctionnel du siamois sur-vivant (Fig. 1). L’enfant a trois ans à présent, il se metdebout sans aide et marche (encore un peu maladroite-ment) sur la Fig. 2.

Le prochain congrès de la section centro-américaineaura lieu au printemps 2009 à San Pedro-Sula (Honduras)sous la direction de G. Peňa, à proximité du site maya deCopàn dont les stèles méritent le voyage pour qui s’inté-resse à l’art précolombien.

B. Môle15, avenue de Tourville, 75007 Paris, FranceAdresse e-mail : [email protected] (B. Môle).