vie de poète

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-début du recueil : R.Walser

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  • VIE DE POTE

    vie de pote 7.7.2006 15:57 Page 1

    Extrait de la publication

  • DU MME AUTEUR

    Flix, 1989, trad. Gilbert Musy. Rd. Minizo No 26, 1997Retour dans la neige. Proses brves, I,

    trad. Golnaz Houchidar, 1999 ; Points Seuil, 2006Ltang, 1999, trad. Gilbert Musy, Minizo No 36, 1997

    Cigogne et porc-pic, 2000, trad. Marion Graf, Minizo No 42Porcelaine, 2000, trad. Marion Graf, Minizo No 43

    Nouvelles du jour. Proses brves, II, trad. Marion Graf, 2000Le Territoire du crayon. Proses des microgrammes,

    trad. Marion Graf, 2003Robert Walser, lcriture miniature (collectif),

    trad. Marion Graf, 2004Seeland, trad. Marion Graf, 2005

    Histoires dimages, trad. Marion Graf, 2006Cendrillon, trad. Anne Longuet Marx, paratre 2006

    Sur Robert WalserPeter Utz, Robert Walser : Danser dans les marges,

    trad. Colette Kowalski, 2001

    CHEZ DAUTRES DITEURS

    LHomme tout faire, trad. Walter Weideli,Lge dHomme, 1975 (1re trad. de Der Gehlfe)

    LInstitut Benjamenta : Jakob von Gunten,trad. Marthe Robert, Gallimard, 1981

    Les Enfants Tanner, trad. Jean Launay, Gallimard, 1985Le Commis, trad. Bernard Lortholary,

    Gallimard, 1985 (2e trad. de Der Gehlfe)La Promenade, trad. Bernard Lortholary, Gallimard, 1987

    Blanche-Neige, trad. Claude Mouchard/Hans Hartje,Nouveau Commerce, 1987

    La Rose, trad. Bernard Lortholary, Gallimard, 1988Le Brigand, trad. Jean Launay, Gallimard, 1994

    Sur quelques-uns et sur lui-mme,trad. Jean-Claude Schneider, Gallimard, 1994

    Les Rdactions de Fritz Kocher suivi de Histoires et de Petits Essais,trad. Jean Launay, Gallimard, 1999

    Marie, trad. Jean Launay, Le Rocher, 1999Petits textes potiques, trad. Nicole Taubes, Gallimard, 2005

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  • ROBERT WALSER

    VIE DE POTETraduit de lallemand

    par Marion Graf

    Postfacede Peter Utz

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  • Nous remercions la Fondation Pro Helvetiadavoir soutenu la traduction de ce livre

    et les Affaires culturelles du Canton de Bernedavoir accord une aide sa publication

    Titre original : Poetenleben License edition by permission of the owner of the rights,

    the Carl-Seelig-Stiftung, ZurichPour la version franaise :

    ditions Zo, 11 rue des Moraines,CH-1227 Carouge-Genve, 2006,

    Maquette de couverture : Evelyne DecrouxIllustration : Steven Rothfeld, Stone Getty Images

    ISBN 2-88182-565-6

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  • Voyage pied

    Il y a bien des annes, cela me passe par la tte,jentrepris, ctait lt, mon premier voyage pied,et je me souviens que je vis toutes sortes de chosescurieuses et magnifiques. Pour tout quipage,javais un vtement clair et bon march sur lecorps, un chapeau bleu fonc sur la tte et un balu-chon la main. Cousues dans la poche de ma veste,sous la forme dun chque impeccable, jemportaismes conomies dans le monde frais, vaste et lumi-neux. Chemin faisant, je rencontrai une petitetroupe de gamins dlurs dont lun me lana,moqueur : Mais o va-t-il donc, ce long type avecsa petite musette ?

    Il faisait allusion mon petit paquetage minable,stupide, dont le ridicule nchappait pas son por-teur et propritaire lui-mme. Sans me soucierbeaucoup de ces sarcasmes, qui ne pouvaient avoiraucune espce dimportance, je poursuivis maroute avec entrain, et tout en allant de la sorte, il me sembla quavec moi, ctait, dans sa rondeur, lemonde tout entier qui bougeait imperceptiblement.

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  • Tout avait lair de marcher avec le marcheur : prs,champs, forts, labours, montagnes, et jusqu laroute elle-mme.

    Je me sentis alors lesprit divinement libre et lecur content. Jallais dun pas hardi, dgag enmme temps que vif, passant devant toutes sortesde gens qui me saluaient parfois aimablement, moi,jeune et fringant voyageur, vagabond vagabondant,ce qui mobligeait tre poli mon tour. Est-cequune gentillesse nappelle pas lautre ?

    Je me rappelle quelque chose de mouill, debrumeux, de frisquet : ce sera le petit matin quimhumectait de toute son humidit ; et juste aprs,quelque chose de brlant, de blanc et de vert :ctait lheure de midi avec la poussire de la routeet la lumire du soleil, sche, claire, aveuglante surles vertes prairies.

    Un certain temps, je longeai une rivire, puis cefut une rgion montagneuse. Des collines vinrent ma rencontre, avec des chteaux en ruine perchssur les hauteurs. Varit et monotonie alternaientde bon cur, villes, chteaux forts, montagnes, valles et villages isols. Cela dvalait au fond dunegorge troite, tnbreuse, sauvage, froide ; ressur-gissait inopinment de la solitude et de ltroitesserocheuse, fuyait sous forme de plaine ou scintillait et souriait en tant que pimpante rivire bleue, ouencore, cela se dressait dignement et vaillammentsous la forme dune fort grave, ingnue, verte, pourreplonger brusquement vers le haut en tant quemontagne ombrageuse. Quelque chose dtrange etdaventureux allait de pair avec quelque chose de

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  • beau, de recueilli, et vers le soir, la clart de midi semuait en une pnombre mystrieuse, dlicieuse, trsbienfaisante, et la chaleur en fracheur douce etagrable.

    Ici ou l, lorsquil tait temps de chercher unabri, je passais la nuit dans quelque vieille auberge,ainsi, un jour, dans un salon que ses proportionsgrandioses, austres et insondables, auraient facile-ment pu dsigner et recommander en tant quesolennelle salle de conseil.

    Un beau matin, pour autant quil men sou-vienne, je me retrouvai mi-hauteur, sur un douxcoteau plant de chnes et je contemplai mespieds une petite ville sertie dans les bois et les mon-tagnes, baignant, rutilante, dans la bonne lumirede ce matin dt qui scintillait au soleil, beau etchaud. , quelle joie saine, bienfaisante, procure lamarche. Il ny a de joies vritables que celles quisont innocentes.

    Des rgions sauvages, balayes de temptes,alternaient avec des contres plus avenantes et plus douces, et de mme, les mchantes masuresmisrables, laides, en piteux tat succdaient auxdemeures bien tenues, cossues et de bon aloi, ettoujours, le voyageur voyageant, cette espce devagabond foltre et joyeux, insouciant comme il enavait le droit, se rgalait dexaminer attentivementles innombrables phnomnes qui se prsentaient ses yeux.

    Tantt, je me trouvais ds laurore en pleinelumire, dans la riante clart du jour ; et tantt, tardle soir, dans la ple lueur spectrale du crpuscule

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  • sur quelque minence bizarre et biscornue, et javais mes pieds soit le pays du matin, soit celui du soir.

    Durant une heure ou deux, je suivis une valle sisolitaire, si singulire, si carte, que chemin fai-sant, je me figurai quune poque historiquervolue depuis longtemps tait retombe sur lemonde et je crus tre moi-mme un compagnonartisan du Moyen-ge. Il faisait chaud et tout laronde, pas la moindre habitation humaine, pas unsouffle de zle louvrage, pas trace de civilisationni de labeur. Les contres solitaires ont un charmemerveilleux, angoissant.

    Vers la fin du voyage, il se mit pleuvoir descordes, tant et si bien que de gr ou de force,joyeux ou chagrin, combl ou navr, ce fut en toutcas le corps fourbu et tout tremp que je parvins aubut de celui-ci.

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  • Petite msaventure sur la route

    une autre poque et quelque autre occasion,un hiver, je rendis visite, pied bien entendu, mon frre qui sjournait alors dans une petitebourgade campagnarde o il tait charg de dco-rer fresque une salle de bal. Malgr la saisonfroide, javais choisi une tenue toute mince etlgre ; mencombrer peureusement dtoffeslourdes et paisses met paru une gne dsa-grable, une peine superflue. La chemise et le cha-peau pouvaient peut-tre veiller un tout petitdoute insinuant ; ils avaient tous les deux quelquechose de mince, de miteux et de minable, et quant la tte que je faisais, javouerai quen promenade,jai toujours lair dgag et insouciant.

    La route ntait pas particulirement propre.Incontestable ou dtestable, cette circonstance nemempchait nullement de clbrer cette dernire,la route donc, et de considrer comme heureux lepiton qui la foulait de bon cur, cest--dire moi.

    Or, mon vif regret, je fus moins du got dungendarme perspicace, circonspect, qui tomba sur

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  • moi dans une localit, et malheureusement, cest--dire ma grande dconvenue, limpression que jelui fis ntait pas aussi excellente que celle que jeme faisais moi-mme. Lapparition incongruedun compagnon artisan parut le stupfier, ellelobligea ou lincita marrter et me prier debien vouloir le suivre. Il mentrana dans une sortede pice ou de quartier gnral parfaitementlouable, o je fus prsent son suprieur, qui taitun tre daspect plus rbarbatif quengageant, maissans doute bien plus gentil que dangereux et bienplus dbonnaire que redoutable, comme un char-mant voyou prsum.

    Dune voix sinistre, on menjoignit davoir lobli-geance de masseoir, puis on se mit minterrogersur ce qui pouvait me pousser rder pied dansla campagne.

    Jai limpression que vous ne me voyez pas sous un jour trs favorable, fis-je. Et lon eut lefront de me rpondre : Cest le moins que lonpuisse dire.

    Mais vous tes trs probablement dans lerreur,osai-je objecter, si vous croyez avoir affaire unvagabond ordinaire. Je prends la libert de vousrecommander de mexaminer dun peu plus prs.Alors, vous concevrez peut-tre limpression trsagrable pour nous deux que je pourrais tre toutaussi bien, si ce nest mme plus facilement, unhomme honnte et sincre quun effront et unchenapan. Je suis convaincu que je ne correspondspas du tout ce que vous vous sentez peut-treoblig de voir en moi. Jaurais pu prendre le train

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  • comme nimporte qui. Mais du moment que jaimebeaucoup flner et marcher des jours entiers et deskilomtres et des kilomtres, jai prfr aller pied, ce qui ne saurait ni passer pour un forfait, niveiller le moindre soupon. Le got de la marcheet lamour de la nature, qui lui est troitement li,seraient-ils peut-tre suspects vos yeux? Je vousprie de bien vouloir me lexpliquer.

    Vous nous paraissez bien assez suspect, mon-sieur, me fut-il signifi avec aplomb; mais au boutdune demi-heure remplie craquer de vrifica-tions laborieuses de toutes sortes de papiers et dedocuments, et de demandes approfondies de ren-seignements, on me laissa partir avec un : Vouspouvez disposer.

    Lavis tait fort bienvenu, charmant et courtois.Sans hsiter, je profitai de cette gracieuse autorisa-tion pour dcamper, et cest donc ainsi que je puspoursuivre et mener son terme une promenadecertes risque et difficile, mais nanmoins jolie,belle, salutaire et joyeuse, et jarrivai temps dansle petit bourg, et de fait, lheure dite, les frresrunis firent joyeusement honneur la table dudner.

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    Voyage piedPetite msaventure sur la route