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Douleurs, 2004, 5, 6 327 DROIT ET DOULEUR Vie privée, vie publique du patient, le secret professionnel Nathalie Lelièvre, Depuis la loi du 4 mars 2002, de nouvelles notions sont apparues dans la relation patient-soignant : Personne de confiance, secret partagé, accès direct au dossier médical etc. Comment concilier, à la fois, les inté- rêts du patient et les obligations rela- tives au secret professionnel. Que signifie cette notion de « secret pro- fessionnel », à quelles personnes le secret professionnel peut il être opposé ? Quelles sont les conséquences de la violation du secret ? L’objet de cette étude est de définir la notion de secret pro- fessionnel au travers des textes qui le réglemente et d’étu- dier, à partir de cas concrets, de décisions de justice, des situations où se posent les problèmes de gestion du secret médical dans un établissement. Le secret professionnel a, de tout temps, eu comme prin- cipe de valeur : respecter et assurer la relation de confiance entre le malade et le soignant. Il est à noter qu’un texte en date du 8 mai An XII condamnait un médecin s’il n’avait pas invité son patient à se confier ! Le secret médical est avant tout un secret professionnel. Cela permet de déterminer les éléments suivants du secret médical : – la nature des personnes tenues au secret ; – les faits couverts par le secret ; – les actes constituant une violation du secret et par consé- quent un délit au regard de la législation pénale. Le secret professionnel est, à la fois, un attribut d’une rela- tion patient-soignant, du droit déontologique (code déonto- logie médical et décret de compétence des infirmiers) et du droit pénal. LES FONDEMENTS JURIDIQUES AU SECRET PROFESSIONNEL Le code de santé publique Le code de santé publique a fait l’objet d’une profonde modification suite à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits du malade. En effet, l’un des principaux changements est la notion de secret partagé. Information partagée entre profes- sionnel mais également entre tiers à la relation médicale (famille, personne de confiance). « Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé, ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant […] » article L 1110-4 CSP (annexe 1) . Le code de déontologie médicale Article 4 : « Le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients , s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connais- sance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris ». Article 72 : « Le médecin doit veiller à ce que les per- sonnes qui l’assistent dans son exercice soient ins- truites de leurs obligations en matière de secret professionnel et s’y conforment. Il doit veiller à ce qu’aucune atteinte ne soit portée par son entourage au secret qui s’attache sa correspondance professionnelle ». Article 73-1 : « Le médecin doit protéger contre toute indiscrétion les documents médicaux concernant les personnes qu’il a soignées ou examinées, quel que soient le contenu et le support de ces documents […] ». Le décret du 11 février 2002 relatif à l’exercice de la profession d’infirmier Article 1 er : « […] Dans l’ensemble de ces activités, les infir- miers sont soumis au respect des règles professionnels et notamment du secret professionnel […] ». Charte du patient hospitalisé Article 7 : « Tout patient hospitalisé a le droit au respect de sa vie privée [….] ; [….] Le personnel hospitalier est tenu au secret professionnel [….] ». Les dispositions du code pénal Le code pénal sanctionne le non respect du secret médical selon les dispositions suivantes : Juriste spécialisée en droit de la santé AEU droit médical, DESS droit de la santé, Certificat d’aptitude à la Profession d’Avocat, Membre de la commission « Éthique et Douleur », Espace Éthique Méditerranéen.

Vie privée, vie publique du patient, le secret professionnel

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Douleurs, 2004, 5, 6

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D R O I T E T D O U L E U R

Vie privée, vie publique du patient, le secret professionnel

Nathalie

Lelièvre

,

Depuis la loi du 4 mars 2002, denouvelles notions sont apparues dansla relation patient-soignant : Personnede confiance, secret partagé, accèsdirect au dossier médical etc.Comment concilier, à la fois, les inté-rêts du patient et les obligations rela-tives au secret professionnel. Quesignifie cette notion de « secret pro-fessionnel », à quelles personnes le

secret professionnel peut il être opposé ? Quelles sont lesconséquences de la violation du secret ?L’objet de cette étude est de définir la notion de secret pro-fessionnel au travers des textes qui le réglemente et d’étu-dier, à partir de cas concrets, de décisions de justice, dessituations où se posent les problèmes de gestion du secretmédical dans un établissement.Le secret professionnel a, de tout temps, eu comme prin-cipe de valeur : respecter et assurer la relation de confianceentre le malade et le soignant. Il est à noter qu’un texte endate du 8 mai An XII condamnait un médecin s’il n’avait pasinvité son patient à se confier !Le secret médical est avant tout un secret professionnel.Cela permet de déterminer les éléments suivants du secretmédical :– la nature des personnes tenues au secret ;– les faits couverts par le secret ;– les actes constituant une violation du secret et par consé-quent un délit au regard de la législation pénale.Le secret professionnel est, à la fois, un attribut d’une rela-tion patient-soignant, du droit déontologique (code déonto-logie médical et décret de compétence des infirmiers) et dudroit pénal.

LES FONDEMENTS JURIDIQUES AU SECRET PROFESSIONNEL

Le code de santé publique

Le code de santé publique a fait l’objet d’une profondemodification suite à la loi du 4 mars 2002 relative aux droitsdu malade. En effet, l’un des principaux changements est la

notion de secret partagé. Information partagée entre profes-sionnel mais également entre tiers à la relation médicale(famille, personne de confiance).

«

Toute personne prise en charge

par un professionnel,un établissement, un réseau de santé, ou tout autreorganisme participant à la prévention et aux soins adroit au respect de sa vie privée et du secret desinformations la concernant

[…] » article L 1110-4 CSP

(annexe 1)

.

Le code de déontologie médicale

Article 4 : «

Le secret professionnel, institué dansl’intérêt des patients

,

s’impose à tout médecin dans lesconditions établies par la loi.

Le secret couvre tout ce qui est venu à la connais-sance du médecin dans l’exercice de sa profession,c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié,mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris

».

Article 72 : «

Le médecin doit veiller à ce que les per-sonnes qui l’assistent dans son exercice soient ins-truites de leurs obligations en matière de secretprofessionnel et s’y conforment.

Il doit veiller à cequ’aucune atteinte ne soit portée par son entourage ausecret qui s’attache sa correspondance professionnelle

».

Article 73-1 : «

Le médecin doit protéger contre touteindiscrétion les documents médicaux concernant lespersonnes qu’il a soignées ou examinées, quel quesoient le contenu et le support de ces documents

[…] ».

Le décret du 11 février 2002 relatif à l’exercice de la profession d’infirmier

Article 1

er

: « […]

Dans l’ensemble de ces activités, les infir-miers sont soumis au respect des règles professionnels etnotamment du secret professionnel

[…] ».

Charte du patient hospitalisé

Article 7 : «

Tout patient hospitalisé a le droit au respectde sa vie privée

[….] ; [….]

Le personnel hospitalier esttenu au secret professionnel

[….] ».

Les dispositions du code pénal

Le code pénal sanctionne le non respect du secret médicalselon les dispositions suivantes :

Juriste spécialisée en droit de la santé AEU droit médical,DESS droit de la santé, Certificat d’aptitude à la Professiond’Avocat, Membre de la commission « Éthique et Douleur »,Espace Éthique Méditerranéen.

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Article 226-13 du code pénal : «

La révélation d’une infor-

mation à caractère secret par une personne qui en est

dépositaire soit par état, ou par profession, soit en raison

d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie

d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

»

En résumé les personnes tenues au secret professionnelau regard des textes sont :

toutes les personnes qui inter-

viennent dans la chaîne des soins sont tenues au secret

professionnel, à savoir, les professionnels de santé, tous

membres du personnel des établissements ou organismes

participant à la prévention et aux soins, salariés et bénévoles.

POURQUOI UN SECRET PROFESSIONNEL ? ET CONTENU DU SECRET

Le principal fondement du secret médical : la relation de

confiance entre le patient et l’équipe soignante. Un « pacte

de confidentialité » est passé entre les parties.

Le respect de la personne, la relation de confiance : fondements du secret professionnel

Le principal fondement du secret professionel :

la relationde confiance

entre le patient et l’équipe soignante. Le

patient se confiera d’autant plus sachant que ces dires sont

couverts par le secret et que toute personne qui intervient

dans la chaîne des soins est également tenue au secret.

Le respect de la personne est la base déontologique rigou-

reuse au secret professionnel, son fondement éthique est le

respect de la personne dans son intimité ; notamment le

respect des confidences des personnes malades.

Au respect de la personne se mêle le respect de la vie pri-

vée défini par le code civil ; toute personne a le droit au

respect de vie privée. A ce titre, lors d’une hospitalisation,

un patient est en droit de demander que son hospitalisation

ne soit pas divulguée et reste secrète. Dans cette hypothèse

toutes les précautions doivent être prises de l’accueil, au

service de soins (bien éviter de prononcer son nom dans les

couloirs en faisant une relève rapide entre deux patients

dans les couloirs ou dans la chambre même du patient !!!).

Le patient ne peut délier le médecin du secret

c’est-à-

dire quand bien même le patient donnerait l’autorisation de

révéler des informations concernant sa santé, le médecin

n’est pas en droit de le faire. Il est important de noter que

l’absence d’intention malveillante n’atténue pas le délit.

Ledélit est constitué dès lors que le médecin porte à laconnaissance d’un tiers des informations couvertespar le secret

.

En revanche,

le secret professionnel ne peut êtreopposé au patient

. D’autant plus, depuis que le devoir

d’information à la charge du médecin est précisé et rappelé

par la loi du 4 mars 2002 : «

Toute personne a le droitd’être informé sur son état de santé

».

Le médecin doit informer son malade sur la pathologie dontil souffre, le pronostic et les moyens thérapeutiques que lascience médicale peut lui offrir et les risques liés à ces thé-rapeutiques.

L’équipe médicale est tenue au devoir d’information préala-blement à la réalisation du geste mais également

a poste-riori

. En effet, le patient bénéficie d’un droit d’accès directau dossier médical.

Le médecin ne peut pas s’opposer à la remise de cer-tificats médicaux à la demande du patient

. «

Il n’y a pasde secret médical de la part du médecin pour son clienten ce qui concerne celui-ci. Le médecin peut donc lui déli-vrer un certificat relatant son état de santé avec ou sansdiagnostic, mais il doit le dater, le signer et faire signer lepatient sous la mention « Certificat remis à Monsieur X enmains propres, sur sa demande pour faire valoir sesdroits

» CE, 12 janvier 1957, Sieur Deve, D 1957, 336.

Les éléments constitutifs du secret professionnel

Le secret est une obligation de se taire, un droit au silence.Sont couverts par le secret les éléments suivants : Le secretcouvre

tout ce qui est venu à la connaissance du méde-cin dans l’exercice de sa profession

, c’est-à-dire nonseulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu,entendu ou compris. Ce ne sont pas seulement les dires dupatient qui sont protégés par le secret mais également toutce que le corps médical a pu déduire des dires et des non-dits, et/ou observer sur le patient.

Le secret est permanent et perpétuel.

Le secret médicalpost mortem doit être respecté sauf dérogations prévuespar la loi.

«

Le bon fonctionnement de la société veut que le maladetrouve un médecin, le plaideur un défenseur, le catholi-que un défenseur, mais ni le médecin, ni l’avocat, ni leprêtre ne

pourraient accomplir leur mission si lesconfidences qui leurs sont faîtes n’étaient pas assu-rés d’un secret inviolable.

Il importe donc à l’ordresocial que ces confidences nécessaires soient astreintes àla discrétion et que le silence leur soit imposé sans condi-tion, ni réserve, car personne n’oserait plus s’adresser àeux si l’on pouvait craindre la divulgation du secret confié.Ce secret est donc d’ordre absolu et d’ordre public

» Pro-pos d’Emile Garçon à propos de l’article 378 de l’anciencode pénal.

LES DÉROGATIONS AU SECRET PROFESSIONNEL

Ce sont les hypothèses où des informations sur la santé dupatient vont être portées à la connaissance des tiers à la

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relation de soins. Seule la loi peut imposer ou autoriser desrévélations.

Soignants et justice

Le secret professionnel qui s’impose, en principe, en toutescirconstances, n’est pas sans poser de problème et notam-ment dans le milieu de la justice. L’équipe soignante setrouve confrontée entre son devoir de citoyen celuid’apporter son aide à la justice et son obligation déontolo-gique, légale de se taire.

«

C’est un véritable choc entre deux missions de servicepublique, celui de l’hôpital et celui de la justice. D’unepart, la mission de l’hôpital consiste à soigner les patientsdans un havre de tranquillité […] D’autre part, la mis-sion de la justice consiste à réparer les dommages subispar les victimes et à maintenir l’ordre

[…] » C., ESPER,Professeur de droit à la Faculté de Droit.

La jurisprudence, constante en la matière, admet que lesecret médical s’impose au juge pénal. Toutes personnescouvertes par le secret professionnel du fait de leur état oude leur profession ne sont pas considérées comme destémoins ordinaires. Les juridictions assimilent cette obliga-tion au secret à un devoir lié à leur état, leur fonction quiest générales et absolues.

LE SECRET PRIME SAUF SI LA LOI EN DISPOSE AUTREMENT

Le témoignage

Le personnel médical est tenu de comparaître lorsqu’il estappelé en qualité de témoin mais peut se retrancher der-rière le secret médical.

Le personnel médical est tenu de comparaître, de prê-ter serment et ensuite oppose le secret médical.

Le médecin qui est appelé à la barre pour apporter sontémoignage à la demande du patient, le médecin est endroit d’opposer le secret médical et de refuser d’apporterdes informations portant sur la santé de son patient (Cass.Crime. 8 avril 1998).

Le caractère absolu du secret médical dépasse la dimensionindividuelle. En effet, ce droit d’opposer le secret médicalse justifie, également, par la notion de confiance dans laprofession. En effet, si le médecin ou personnel médicalpouvaient lever facilement le secret médical, le patientéprouverait des craintes à se confier.

La levée du secret médical

Le rôle des soignants n’est pas seulement de soigner maisaussi de protéger la santé de son patient et de son entou-rage.

L’article 226-14 du code pénal

précise qu’il n’y a pasviolation du secret professionnel dans les hypothèses sui-vantes :– information des autorités judiciaires, administratives etmédicales de sévices, privations, atteintes sexuelles surmineur de moins de quinze ans ou sur personne dite vulné-rable (personne non en état de se protéger en raison de sonâge ou de son état physique ou psychique) ;– information du Procureur,

avec autorisation de la vic-time

, de sévices qu’il a constaté dans l’exercice de sa pro-fession ou présomption de violences sexuelles.La loi du 17 janvier 2002 mentionne qu’aucune sanctiondisciplinaire ne peut être prononcée du fait de signalementde sévices par le médecin aux autorités compétentes dansles conditions fixées par l’article 226-14 du code pénal.

La non dénonciation de crimeLe secret professionnel prime

. En effet, l’article 434-1du code pénal mentionne que ne sont pas tenues à l’obliga-tion de dénoncer la réalisation d’un crime les personnesastreintes au secret professionnel.En revanche, cette qualification de non dénonciations’applique pour les hypothèses où le médecin est tenude lever le secret : maltraitance, sévices, abus sexuellessur mineur de moins de quinze ans ou personne dite vul-nérable.

L’expert judiciaire

L’expert judiciaire est désigné par les juges. La jurispru-dence estime qu’un expert judiciaire doit pouvoir accéderaux documents utiles pour mener la mission confiée par lesjuges.Le médecin traitant ou toutes personnes soignantes qui ontparticipé aux soins peuvent être interrogées par le médecinexpert. Le secret médical ne peut pas lui être opposé saufsi les renseignements portent sur des faits qui n’ont pas delien avec la mission pour laquelle le médecin expert a étémandaté.Dans une affaire où un assuré était décédé du sida, cinq ansaprès avoir souscrit une assurance vie, un établissementpublic de santé avait opposé le secret médical à la demandede communication du dossier hospitalier au médecin dési-gné comme expert. La Cour d’appel de Paris a déclaré quele secret médical ne peut tendre à faire écarter un élémentde preuve. En conséquence, la Cour a considérée commeune entrave à la justice la position adoptée par l’établisse-ment hospitalier (CA Paris, 8 janvier 2002. Gazette du palais,27 octobre 2002 : 28).

La perquisition

Le juge d’instruction peut perquisitionner au cabinet médi-cal ou aux archives hospitalières en vue de saisir tous les

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documents ou pièces utiles à la recherche de la vérité.Cependant, la perquisition ne peut se faire qu’en présenced’un médecin du Conseil de l’Ordre des médecins.

Les droits de la défense

Un soignant qui fait l’objet de poursuites pénales pour desfaits liés à son activité, le droit de se défendre est uneliberté fondamentale qui ne peut être mise en échec par lesecret professionnel. Cependant, toutes révélations quidépassent le cadre de sa défense sera qualifiées de violationdu secret médical.

Le Conseil d’État a jugé que violait le secret médical unmédecin qui, pour les besoins de sa défense, avait commu-niqué une copie du registre de ses interventions en blocopératoire, sans retirer au préalable le nom des patientsmentionné sur ce registre (CE 13 janvier 1999, jurisdatan

°

0500217).

GESTION DU SECRET PROFESSIONNEL EN ÉTABLISSEMENT

Les informations partagées avec l’entourage

Depuis la loi du 4 mars 2002,

dans l’hypothèse d’un dia-gnostic grave

, le secret médical ne s’oppose pas à ce quela famille, les proches de la personne malade ou la personnede confiance reçoivent les informations nécessaires desti-nées à leur permettre d’assurer un soutien direct au malade.Le patient est en droit d’exiger que l’équipe garde le silenceet dans cette hypothèse la famille ou toute autre personnene doit pas être informée.

Les ayants droits

ont également accès au dossier médicaldu patient dans la mesure où ces informations sont néces-saires

pour connaître la cause du décès, de défendre lamémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits.Une limite à cette dérogation, la volonté du patient.En effet, si le patient a manifesté une opposition à lacommunication des informations médicales, sa volontédoit être respectée.

De plus, les confidences relèvent dusecret absolu et ne peuvent en aucun cas être divulguées àquiconque.

La personne de confiance :

le patient peut désigner parécrit un parent, un proche ou son médecin traitant commeinterlocuteur privilégié.

Lorsque le patient est lucide, la personne de confiancel’assiste, l’accompagne, s’il le souhaite, dans toutes sesdémarches, entretiens médicaux et l’aide dans ses déci-sions.

Si le patient ne peut plus exprimer sa volonté, la personnede confiance est consultée par le praticien mais elle nedécide pas à la place du malade. La personne de confiancea un rôle consultatif et non décisionnel.

Le patient est en droit de demander au praticien de ne pasrépéter les confidences qu’il a pu lui faire.La personne de confiance peut accompagner le patient toutau long de ses soins et des décisions à prendre lorsque lepatient en a fait le choix.

Les dérogations légales

La levée du secret est une obligation dans les hypothèsessuivantes :– protéger la santé publique ;– mise à jour des données d’état civil ;– intérêt du patient ;– l’ordre public ;– maîtrise des dépenses de santé.

Protéger la santé publique

Transmission obligatoire de données individuelles à l’auto-rité sanitaire pour les maladies qui nécessitent une interven-tion urgente et locale. L’anonymat est une condition de latransmission aux autorités sanitaires.Il existe deux risques sanitaires : L’un dit

impérieux etnécessite des mesures particulièrement importantesau niveau national voire international

(lorsqu’il s’agitnotamment de virus comme la fièvre jaune, la peste) ; laseconde intéresse la

gestion de la santé publique à unniveau strictement local

.Il convient d’ajouter les maladies vénériennes pour les quellesla déclaration est obligatoire. Il est à noter que la déclarationn’est pas nominative pour les cas bénins. En revanche, pourles cas qui présentent un danger pour l’entourage suite àun refus de soin ou présente un comportement à risque ladéclaration est nominative.

Mise à jour des données d’état civil

Déclaration des naissances, des décès.

Intérêt du patient

Lorsque le patient saisit la commission régionale de concilia-tion, la commission est en droit de demander communica-tion de tout document utile pour traiter la demande dupatient. Il ne peut pas lui être opposé le secret médical.Lorsque le patient doit produire des certificats médicauxpour arrêt maladie, accident du travail, les certificats sontnominatifs et descriptifs mais

la transmission des certifi-cats est à la charge du patient et non des soignants.

Si le médecin estime que l’état de santé de son patient néces-site un placement sous régime de protection judiciaire, lemédecin établit un certificat médical décrivant les motifs jus-tifiant le placement sous sauvegarde de justice, curatelle oututelle et transmet au Parquet.Depuis la loi du 4 mars 2002, l’article L 1110-4 du CSP, lesecret médical est partagé entre tous les participants aux

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soins afin d’assurer la qualité et la continuité des soins.

Cependant, si le patient ne souhaite pas qu’un méde-cin soit informé de son état sa volonté doit être res-pectée.Lorsque le patient est hospitalisé, les informationssont donc considérées comme confiées par le malade àl’ensemble de l’équipe médicale et chacun doit veiller aurespect de la confidentialité des informations reçues

.

L’ordre public

Dans l’hypothèse d’une hospitalisation d’office dans un éta-blissement spécialisé en raison du risque que le patient pré-sente pour lui et pour autrui : certificat médical nominatif etcirconstancié.

Il en est de même pour les alcooliques dangereux.

Maîtrise des dépenses de santé

Lors de la transmission des données aux organismes de sécu-rité sociale, transmission de données confidentielles commela pathologie du patient.

Secret professionnel entre soignant et établissements de santé

Le médecin qui exerce en établissement de santé est trèsrégulièrement sollicité par des confrères hospitaliers del’établissement ou des médecins extérieurs à la structure(médecin généraliste, médecins de ville) pour des demandesd’informations sur l’état de santé d’un patient.

De son côté le médecin hospitalier a également besoind’information des médecins de ville pour les patients de sonservice.

Peuvent-ils s’opposer à la délivrance de ces informations aunom du principe du secret professionnel ?

Depuis la loi du 4 mars 2002, il a été introduit la notion de

secret partagé

. En effet, plusieurs professionnels de santépeuvent échanger des informations relatives à une mêmepersonne prise en charge afin d’assurer la continuité de laprise en charge. Le patient doit être informé de la transmis-sion des informations à un autre médecin. Dans l’hypothèseoù le patient s’oppose à une telle démarche, sa volonté doitêtre respectée.

Secret professionnel et médecine de contrôle

Les établissements de santé sont parfois consultés par lesmédecins conseils de la sécurité sociale, par les médecinsmembres de l’inspection générale des affaires sanitaires etsociales (IGAS), et les médecins de la médecine de travail surles conditions de travail. Comment gérer le respect du secretprofessionnel dans ces circonstances ?

Le médecin conseil de la sécurité sociale : son interventionest motivée pour contrôler le bien fondé d’une demande deremboursement de dépenses médicales.

Selon les dispositions du code de la santé publique, lemédecin conseil des organismes de l’assurance mala-die a accès, dans le respect des règles déontologiques,aux informations médicales contenues dans le dossiermédical des patients hospitalisés

.

Médecins de l’IGAS et inspection du travail

Le même accès est prévu pour ces praticiens dans les dos-

siers médicaux.

Secret professionnel et assurance

La conciliation du secret médical et des nécessités de l’assu-

rance (garantie d’un emprunt, assurance vie, déclaration

d’un sinistre) ne sont pas toujours évidentes à concilier.

«

Le médecin qui communique un diagnostic à l’un de ses

confrères membres d’une compagnie d’assurance, viole le

secret médical. Cette affirmation est fondée sur le principe

selon lequel il n’existe pas de secret partagé entre membres

du corps médical ne participant pas au même traitement

du malade

».

« Le médecin d’une compagnie d’assurance qui fait état

d’un dossier médical dont il a irrégulièrement obtenu

communication, viole le secret médical. Les pièces sont

écartées des débats, la compagnie ne pouvant se prévaloir

d’un certificat irrégulièrement obtenu

» (Cass. Civ. du

9 juin 1993, H. Groutel, « le secret médical a rude épreuve »,

Médecine et droit, n

°

3, nov-déc.1993).

Après le décès du patient, le praticien est très souvent sol-

licité par les familles pour des questionnaires demandés

par les compagnies d’assurance. Il est conseillé dans une

telle hypothèse de se limiter à la mention suivante : « La

mort est étrangère aux risques exclus par la police d’assu-

rance ».

CONCLUSION

Le secret professionnel aurait il perdu de sa valeur et ne

serait il plus aussi absolu qu’il l’était ? Il est certain que la

loi du 4 mars 2002 a quelque peu bouleversé son principe

avec les notions de secret partagé, participation des pro-

ches à l’annonce d’un diagnostic difficile. En revanche, il

n’a pas perdu de sa valeur. Le secret professionnel est ins-

titué et le restera dans l’intérêt du patient et favoriser la rela-

tion de confiance patient-médecin.

RÉFÉRENCES

Décret du 28 juillet 2003 relatif aux conditions dans lesquelles l’institut deveille sanitaire accède aux informations couvertes par le secret médical ouindustriel et modifiant le code de santé publique.CAYLA JS. Déclaration aux autorités sanitaires des malades atteints de certainesmaladies transmissibles. Revue droit sanitaire et social 2003;p. 390.DUPONT M, ESPER C, PIERRE C. Droit hospitalier, Paris Dalloz, 2003.

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332

Résumé

Le secret professionnel se défini comme l’obligation de discrétion

qui pèse sur certains professionnel, comme le corps médical, et

dont la violation constitue un délit pénal en dehors des cas prévus

par la loi. Le secret médical trouve sa principale justification à la re-

lation de confiance médecin-patient. Le secret est institué dans l’in-

térêt du patient et ne peut lui être opposable. En revanche, le secret

médical a connu une certaine évolution depuis la loi du 4 mars 2002

avec la notion de secret partagé. Secret partagé avec les soignants

mais également avec des tierces personnes à la relation de soin.

Mots-clés :

secret professionnel, secret partagé, secret et justice,violation du secret, levée du secret.

Summary: Patient’s privacy and professional secrecy

All professionals, including healthcare professionals, must exer-

cise a certain degree of discretion Professional secrecy is defined

as mandatory and any violation is subject to penal law. Medi-

cal secrecy is basically justified by the confidential relationship

between the patient and the physician. Secrecy is required in thepatient’s interest and is not demurrable Conversely, the notionof medical secrecy has evolved in France since the law of March4, 2002. Medical secrets can be shared with healthcare giversbut also with outside parties involved in the healthcare rela-tionship.

Key-words:

medical secrecy, shared medical secrecy, secrecyand justice, violation of secert, lifting secrecy.

Tirés à part : N. LELIÈVRE.e-mail : [email protected]

Annexe 1Article L1110-4 Inséré par Loi nº 2002-303 du 4 mars 2002, art. 3 Journal Officiel du 5 mars 2002.

Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme parti-cipant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Exceptédans les cas de dérogation, expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant lapersonne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou orga-nismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s’impose à toutprofessionnel de santé, ainsi qu’à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.Deux ou plusieurs professionnels de santé peuvent toutefois, sauf opposition de la personne dûment avertie, échanger desinformations relatives à une même personne prise en charge, afin d’assurer la continuité des soins ou de déterminer lameilleure prise en charge sanitaire possible. Lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans unétablissement de santé, les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à l’ensemble de l’équipe.Afin de garantir la confidentialité des informations médicales mentionnées aux alinéas précédents, leur conservation sursupport informatique, comme leur transmission par voie électronique entre professionnels, sont soumises à des règles définiespar décret en Conseil d’Etat pris après avis public et motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.Ce décret détermine les cas où l’utilisation de la carte professionnelle de santé mentionnée au dernier alinéa de l’arti-cle L. 161-33 du code de la sécurité sociale est obligatoire.Le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d’unan d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s’oppose pas à ce que la famille, les proches de la personnemalade ou la personne de confiance définie à l’article L. 1111-6 reçoivent les informations nécessaires destinées à leurpermettre d’apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part.Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à sesayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendrela mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès.