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Q45 : Cicéron, De Diviniatione , I, 38(82-83) Si les dieux existent et qu’ils ne révèlent pas à l’avance aux hommes de quoi sera fait le futur, c’est parce que soit ils n’aiment pas les hommes, soit qu’ils ignorent ce qui va se passer, soit qu’ils estiment qu’il importe en rien aux hommes de connaître le futur. Ou alors ils n’estiment pas de leur ressort (pas de leur majesté) de révéler le futur aux hommes, ou enfin les dieux eux-mêmes ne peuvent pas (n’ont pas les moyens) d’envoyer des signes. Mais il n’est pas vrai qu’ils ne nous aiment pas (en effet, ils sont des amis bienfaisants envers le genre humain) ; non plus qu’ils ignorent ce qu’ils ont eux-mêmes arrêté et ce à quoi ils ont donné du sens ; et ce n’est pas non plus qu’il ne nous (nostra=nobis) importe en rien de savoir ce qui va se passer (en effet, nous serons plus prudents, si nous le savions) ; il est faux également qu’ils considèrent cette révélation du futur (hoc) comme étrangère à leur majesté (en effet, rien n’est plus remarquable que la bienfaisance); et il n’est pas vrai non plus qu’ils ne peuvent deviner le futur. Il n’y a donc pas de dieux et ils ne prédisent pas les évènements à venir (traduction du dossier : donc il est impossible qu’il y ait des dieux et qu’ils ne nous annoncent pas les évènements à venir). Or, les dieux existent (prise de position) ; et donc ils nous les annoncent. S’ils nous envoient des signes, ils doivent nous donner des pistes pour comprendre ces signes (ils ne nous donnent pas aucune piste) (en effet, ils enverraient des signes en vain sinon), et s’ils donnent ces pistes, il ne se peut pas qu’il n’y ait pas de divination ; donc les dieux existent. Pas sûr que nos amis philosophes seraient tout à fait convaincus de cette démo ! ^^ Voc : censeo, ere : estimer

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Q45 : Cicéron, De Diviniatione , I, 38(82-83)

Si les dieux existent et qu’ils ne révèlent pas à l’avance aux hommes de quoi sera fait le futur, c’est parce que soit ils n’aiment pas les hommes, soit qu’ils ignorent ce qui va se passer, soit qu’ils estiment qu’il importe en rien aux hommes de connaître le futur. Ou alors ils n’estiment pas de leur ressort (pas de leur majesté) de révéler le futur aux hommes, ou enfin les dieux eux-mêmes ne peuvent pas (n’ont pas les moyens) d’envoyer des signes.

Mais il n’est pas vrai qu’ils ne nous aiment pas (en effet, ils sont des amis bienfaisants envers le genre humain) ; non plus qu’ils ignorent ce qu’ils ont eux-mêmes arrêté et ce à quoi ils ont donné du sens ; et ce n’est pas non plus qu’il ne nous (nostra=nobis) importe en rien de savoir ce qui va se passer (en effet, nous serons plus prudents, si nous le savions) ; il est faux également qu’ils considèrent cette révélation du futur (hoc) comme étrangère à leur majesté (en effet, rien n’est plus remarquable que la bienfaisance); et il n’est pas vrai non plus qu’ils ne peuvent deviner le futur.

Il n’y a donc pas de dieux et ils ne prédisent pas les évènements à venir (traduction du dossier : donc il est impossible qu’il y ait des dieux et qu’ils ne nous annoncent pas les évènements à venir). Or, les dieux existent (prise de position) ; et donc ils nous les annoncent. S’ils nous envoient des signes, ils doivent nous donner des pistes pour comprendre ces signes (ils ne nous donnent pas aucune piste) (en effet, ils enverraient des signes en vain sinon), et s’ils donnent ces pistes, il ne se peut pas qu’il n’y ait pas de divination ; donc les dieux existent.

Pas sûr que nos amis philosophes seraient tout à fait convaincus de cette démo ! ^^

Voc : censeo, ere : estimer interesse + gen : il importe àpraesignificare : faire connaître à l’avancecautus, a, um : prudentdesignare : désigner, donner du sensdiligo, is, ere : aimerevenio, is, ire : arriver, avoir lieurducere : considérer commepraestans, antis : remarquable, beaufrustra, adv : vainement, inutilementsignificare : envoyer des signesscientia, as, f : l’instruction, notion, théorie

ContexteLe De divinatione est un dialogue philosophique de Cicéron (106-43 av. J.-C), publié en 44 av J.-C. qui traite des divers procédés de divination connus et pratiqués à son époque. Cet ouvrage constitue

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avec le De Natura Deorum (Sur la nature des Dieux) et le De fato (Sur le Destin) une trilogie d’ouvrages traitant du sacré et des pratiques et des phénomènes qui lui sont liés. Cicéron y analyse avec scepticisme les diverses formes de la divination et critique les théories des stoïciens qui la défendent.

Les protagonistes sont Cicéron lui-même et son frère cadet Quintus Tullius Cicero, dans le jardin de sa villa de Tusculum que Cicéron nomme le Lycée, en évocation du Lycée d’Aristote.

L'ouvrage comporte deux livres et la présentation n'est pas vraiment sous forme de dialogue philosophique, dans laquelle les exposés donnent lieu à d'immédiates répliques et réponses, mais comme une controverse en pro et contra (exposé du pour, exposé du contre) selon l'approche de la seconde Académie. Dans le premier livre, Quintus présente les diverses formes de divination, et exprime son adhésion aux thèses stoïciennes sur la réalité du fait divinatoire. Multipliant les citations de poètes, d'historiens et de chroniqueurs, il accumule les faits qu'il explique en recourant au surnaturel. Cicéron lui répond dans le second livre selon une rhétorique structurée point par point, et fait une analyse critique et sceptique de la présentation de Quintus.

(wikipedia)