1
Nos guides METZ LA SEMAINE - 30 JUILLET 2015 NANCY I maginez-vous le 26 novembre 1755. Toute la Cour est là pour l’inauguration de la Place Royale. Au balcon de l’hôtel de ville, le roi Stanislas ne cache pas sa fierté. A ses côtés, au milieu des marquises et des duchesses, une jeune femme attire tous les regards. La marquise de Boufflers est une des plus jolies personnes de la Cour et bien au- delà. On dit d’elle qu’elle a « un corps à rendre envieuses les déesses de l’Olympe ». Elle est surtout la favo- rite de Stanislas. Lui a 78 ans, elle en a à peine 30. Pour flatter sa belle, le roi lui réserve une surprise de taille. En ce jour d’inauguration de la Place, le roi a fait recouvrir d’un voile l’en- semble des statues. Lorsque la fon- taine Amphitrite est enfin dévoilée, La marquise de Boufflers ne peut cacher son émotion. Le visage de la déesse de la mer, c’est le sien. « Lorsque Stanislas fait élever les fon- taines de la Place Royale, il deman- de au sculpteur Barthélemy Guibal de reproduire les traits de sa jolie fa- vorite. On dit que le jour de l’inau- guration de la fontaine, M me de Bouf- flers était si émue qu’elle en pleura », raconte Sylvie Liotet et Pascale De- bert. C’est là, au-delà de la fantaisie révélée de la fontaine, la preuve de l’influence de cette courtisane sur l’esprit de son amant. Le roi Stanislas est très attiré par les femmes et la Cour est des plus liber- tines. Autre temps, autre mœurs… Mais la marquise de Boufflers tient une place à part. Elle est sa favori- te en titre. Elle règne sur la cour et sur le cœur de Stanislas. Belle, char- mante, bien éduquée, écrivant des poèmes légers, elle était un peintre de pastels confirmé et possédait toutes les vertus, sauf la chasteté. Elle est surnommée « Dame de vo- lupté » par ses amants – nombreux – parmi lesquels M. de la Galaiziè- re, M. Devaux, M. Saint-Lambert ou encore l’abbé Porquet. Elle a aussi une addiction qui lui coûtera cher. « Dingue de jeu, elle perd ainsi beau- coup d’argent. Son hôtel particulier situé 4 rue de la Salpêtrière en té- moigne. Sur les volets de cet im- meuble du XVIII e , elle a fait sculpter des trèfles semblables à ceux des cartes à jouer », poursuit Pascale De- bert. Gaie, d’une grande liberté de mœurs, la marquise de Boufflers sait surtout distraire le roi et sait s’entourer de beaux esprits. « Ses soupers au châ- teau de Lunéville, là où vit la Cour, sont très appréciés. Ils ne sont pas somptueux, loin de là, mais son ami Voltaire les égaie de ses bons mots. Saint-Lambert a d’ailleurs écrit à son sujet : “Nous avons soupé chez M me de Boufflers où nous sommes morts de faim, de froid et de rire.” La marqui- se de Boufflers charmait son monde. Elle resta la favorite de Stanislas jus- qu’à la mort de ce dernier », dévoi- lent Sylvie Liotet et Pascale Debert. Un statut qui l’inscrit dans les pas de sa mère, M me de Beauvau-Craon qui fut elle la favorite de Léopold. A découvrir le 13 août lors de notre prochaine balade. v 16 Nancy en parle VISITES INSOLITES DE NANCY Dans les pas des courtisanes Histoires Galantes dont est extraite cette série de balades insolites à la découverte d'un Nancy caché et réjouissant sont nées de la rencontre de deux passionnées du XVIII e siècle. Elles ont toutes deux imaginé un itinéraire galant dans les rues de la ville parsemé de petites anecdotes et de grandes histoires. Le travail de recherche est titanesque et révèle au public un Nancy méconnu. Dans leur kit couleur magenta d'une qualité époustouflante, on trouve un plan détaillé et illustré de Nancy où figure chaque étape de cet itinéraire inédit et 10 cartes postales représentant l'ensemble XVIII e de Nancy. Le kit Histoires Galantes est disponible pour 12 € à l'office du tourisme, au Hall du Livre, à L'Autre Rive, à la Librairie Didier, au Boudoir des Arts et à la boutique de décoration Nicole Lhotte. Sylvie Liotet. Titulaire d'une maîtrise de littérature du XVII e siècle et d'un master en sciences de l'infor- mation et de la communication, elle a travaillé pendant quatre ans au sein de la mission Renaissance Nancy 2013, événement commandité par la communauté urbaine du Grand Nancy et la ville de Nancy. Sylvie Liotet rencontre Pascale Debert et leur collaboration immédiate, spontanée et passionnée, lui permet de continuer à communi- quer sur l’histoire et le patrimoine nancéiens, tout en portant une création artistique originale. Pascale Debert. Diplômée des Beaux-Arts, elle est artiste auteur illustratrice et photographe. Elle fut directrice artistique à Paris, avant de s’installer en 2003 à Nancy, à deux pas de la place Stanislas, où elle est designer graphique free-lance, affiliée à la Maison des Artistes. v Cet été, La Semaine vous invite à visiter Nancy côté cœur en suivant les pas des courtisanes. Entre frous-frous et potins, les histoires d’amour de la Cour sont encore visibles et certains lieux conservent les empreintes de ces secrets d’alcôve. Ces intrigues amoureuses sont les petits cailloux blancs d’un Nancy méconnu et insolite que nous vous livrons ici. v Céline Lutz Le saviez-vous? M ME DE BOUFFLERS A SUBI UN LIFTING Les statues de la place Stanislas sont fondues dans le plomb et non en bronze comme à Versailles. Un matériau mou qui subit les affres du temps et surtout ceux de la pesanteur. Les statues ont tendance à se déformer au fil du temps, nécessitant d’être régulièrement liftées, c’est-à-dire remises en forme. v LES LORRAINS MONTENT SUR LEURS GRANDS CHEVAUX Les Beauvau-Craon, famille dont est issue la marquise de Boufflers, appartenaient à la noblesse ancienne dite des Petits et Grands Chevaux, au sommet de la hiérarchie de la Lorraine ducale. L’expression « monter sur ses grands chevaux » trouve donc son origine en Lorraine et viendrait de la prétention des familles à rejoindre l’une des familles des Grands Chevaux bénéficiant du privilège de porter… des talons hauts ! v STANISLAS ET STANISLAS Stanislas de Boufflers, appelé chevalier de Boufflers, était le fils de Louis François, marquis de Remiencourt, et de la marquise, la belle et spirituelle Marie Françoise Catherine de Beauvau- Craon. Il grandit à la cour de Lunéville où il eut pour parrain le roi Stanislas, dont sa mère était la maîtresse en titre. Troublant… v La marquise de Boufflers, favorite de Stanislas De la fontaine de la Place Stanislas au Château de Lunéville 1

VISITES INSOLITES DE NANCY Dans les pas des courtisanes · 2015. 7. 31. · attire tous les regards. La marquise de Boufflers est une des plus jolies personnes de la Cour et bien

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: VISITES INSOLITES DE NANCY Dans les pas des courtisanes · 2015. 7. 31. · attire tous les regards. La marquise de Boufflers est une des plus jolies personnes de la Cour et bien

Nos guides

METZ LA SEMAINE - 30 JUILLET 2015 NANCY

I maginez-vous le 26 novembre1755. Toute la Cour est là pourl’inauguration de la Place Royale.

Au balcon de l’hôtel de ville, le roiStanislas ne cache pas sa fierté. A ses côtés, au milieu des marquiseset des duchesses, une jeune femmeattire tous les regards. La marquisede Boufflers est une des plus joliespersonnes de la Cour et bien au-delà. On dit d’elle qu’elle a « un corpsà rendre envieuses les déesses del’Olympe ». Elle est surtout la favo-rite de Stanislas. Lui a 78 ans, elle ena à peine 30. Pour flatter sa belle, leroi lui réserve une surprise de taille.

En ce jour d’inauguration de la Place,le roi a fait recouvrir d’un voile l’en-semble des statues.Lorsque la fon-taine Amphitrite est enfin dévoilée,

La marquise de Boufflers ne peutcacher son émotion. Le visage de ladéesse de la mer, c’est le sien.« Lorsque Stanislas fait élever les fon-taines de la Place Royale, il deman-de au sculpteur Barthélemy Guibalde reproduire les traits de sa jolie fa-vorite. On dit que le jour de l’inau-guration de la fontaine, Mmede Bouf-flers était si émue qu’elle en pleura»,raconte Sylvie Liotet et Pascale De-bert. C’est là, au-delà de la fantaisierévélée de la fontaine, la preuve del’influence de cette courtisane surl’esprit de son amant.

Le roi Stanislas est très attiré par lesfemmes et la Cour est des plus liber-tines. Autre temps, autre mœurs…Mais la marquise de Boufflers tientune place à part. Elle est sa favori-

te en titre. Elle règne sur la cour etsur le cœur de Stanislas. Belle, char-mante, bien éduquée, écrivant despoèmes légers, elle était un peintrede pastels confirmé et possédaittoutes les vertus, sauf la chasteté.Elle est surnommée « Dame de vo-lupté » par ses amants – nombreux– parmi lesquels M. de la Galaiziè-re, M. Devaux, M. Saint-Lambert ouencore l’abbé Porquet. Elle a aussi

une addiction qui lui coûtera cher.« Dingue de jeu, elle perd ainsi beau-coup d’argent. Son hôtel particuliersitué 4 rue de la Salpêtrière en té-moigne. Sur les volets de cet im-meuble du XVIIIe, elle a fait sculpterdes trèfles semblables à ceux descartes à jouer», poursuit Pascale De-bert.

Gaie, d’une grande liberté de mœurs,la marquise de Boufflers sait surtoutdistraire le roi et sait s’entourer debeaux esprits. « Ses soupers au châ-teau de Lunéville, là où vit la Cour,sont très appréciés. Ils ne sont passomptueux, loin de là, mais son amiVoltaire les égaie de ses bons mots.Saint-Lambert a d’ailleurs écrit à sonsujet: “Nous avons soupé chez MmedeBoufflers où nous sommes morts defaim, de froid et de rire.” La marqui-se de Boufflers charmait son monde.Elle resta la favorite de Stanislas jus-qu’à la mort de ce dernier», dévoi-lent Sylvie Liotet et Pascale Debert.Un statut qui l’inscrit dans les pasde sa mère, Mme de Beauvau-Craonqui fut elle la favorite de Léopold.A découvrir le 13août lors de notreprochaine balade. v

16 Nancy en parle

VISITES INSOLITES DE NANCYDans les pas des courtisanes

Histoires Galantes dont estextraite cette série de balades

insolites à la découverte d'unNancy caché et réjouissant sontnées de la rencontre de deuxpassionnées du XVIIIe siècle. Ellesont toutes deux imaginé un itinérairegalant dans les rues de la villeparsemé de petites anecdotes et degrandes histoires. Le travail derecherche est titanesque et révèle aupublic un Nancy méconnu. Dans leurkit couleur magenta d'une qualitéépoustouflante, on trouve un plandétaillé et illustré de Nancy où figure

chaque étape de cet itinéraire inéditet 10 cartes postales représentantl'ensemble XVIIIe de Nancy. Le kitHistoires Galantes est disponible pour12 € à l'office du tourisme, au Hall duLivre, à L'Autre Rive, à la LibrairieDidier, au Boudoir des Arts et à laboutique de décoration Nicole Lhotte.

Sylvie Liotet. Titulaire d'unemaîtrise de littérature du XVIIe siècleet d'un master en sciences de l'infor-mation et de la communication, elle atravaillé pendant quatre ans au seinde la mission Renaissance Nancy

2013, événement commandité par lacommunauté urbaine du GrandNancy et la ville de Nancy.

Sylvie Liotet rencontre PascaleDebert et leur collaborationimmédiate, spontanée et passionnée,lui permet de continuer à communi-quer sur l’histoire et le patrimoinenancéiens, tout en portant unecréation artistique originale.

Pascale Debert. Diplômée desBeaux-Arts, elle est artiste auteurillustratrice et photographe. Elle fut

directrice artistique à Paris, avant des’installer en 2003 à Nancy, à deuxpas de la place Stanislas, où elle estdesigner graphique free-lance, affiliéeà la Maison des Artistes. v

Cet été, La Semaine vous invite à visiter Nancy

côté cœur en suivant les pas des courtisanes.

Entre frous-frous et potins,les histoires d’amour de la Cour sont encorevisibles et certains lieux

conservent les empreintesde ces secrets d’alcôve.

Ces intrigues amoureusessont les petits cailloux

blancs d’un Nancy méconnu et insolite quenous vous livrons ici. v

Céline Lutz

Le saviez-vous?MME DE BOUFFLERS A SUBI UN LIFTINGLes statues de la place Stanislas sont fonduesdans le plomb et non en bronze comme àVersailles. Un matériau mou qui subit les affresdu temps et surtout ceux de la pesanteur. Les statues ont tendance à se déformer au fil dutemps, nécessitant d’être régulièrement liftées,c’est-à-dire remises en forme. v

LES LORRAINS MONTENT SUR LEURS GRANDS CHEVAUXLes Beauvau-Craon, famille dont est issue lamarquise de Boufflers, appartenaient à lanoblesse ancienne dite des Petits et GrandsChevaux, au sommet de la hiérarchie de laLorraine ducale. L’expression « monter sur sesgrands chevaux » trouve donc son origine enLorraine et viendrait de la prétention des famillesà rejoindre l’une des familles des Grands Chevauxbénéficiant du privilège de porter… des talonshauts ! v

STANISLAS ET STANISLASStanislas de Boufflers, appelé chevalier deBoufflers, était le fils de Louis François, marquisde Remiencourt, et de la marquise, la belle etspirituelle Marie Françoise Catherine de Beauvau-Craon. Il grandit à la cour de Lunéville où il eutpour parrain le roi Stanislas, dont sa mère était lamaîtresse en titre. Troublant… v

La marquise de Boufflers, favorite de StanislasDe la fontaine de la Place Stanislas au Château de Lunéville

1