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3-0890 Vitamines dans la pratique médicale de tous les jours J.-C. Guilland Dans les pays industrialisés, les grands syndromes de carence vitaminique ont pratiquement disparu. S’y substituent aujourd’hui des états de déficience marginale, caractérisés par des réserves en vitamines insuffisantes pour maintenir un état fonctionnel physiologique normal. Ces états frappent des popula- tions spécifiquement exposées telles que les nouveau-nés, les femmes enceintes, les éthyliques et les sujets âgés, et pourraient avoir, à long terme, des effets défavorables sur la santé. Cette hypothèse découle de l’analyse des études qui montrent une augmentation de l’incidence de diverses affections chez les sujets dont le statut vitaminique est précaire : cancers, pathologies cardiovasculaires, oculaires et ostéoarticu- laires, etc. Bien que des liens de causalité restent difficiles à établir, un immense champ d’application en santé publique paraît s’ouvrir pour la vitaminologie, substituant la notion d’apport minimal, indispen- sable pour éviter l’apparition de signes de carence, à celle d’apport pouvant assurer un état de santé optimal à moyen et à court termes. Après quelques considérations d’ordre général, cet article se pro- pose de présenter, à l’intention des praticiens, un exposé des données essentielles qui leur permettent de comprendre l’importance des rôles des différentes vitamines et les bases essentielles de leur utilisation dans le domaine médical. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : Vitamines ; Carences ; Scorbut ; Pellagre ; Rachitisme ; Ostéomalacie ; Ostéoporose Plan Introduction 1 Généralités 2 Propriétés physicochimiques 2 Métabolisme 2 Rôles 2 Sources alimentaires 3 Unités 3 Besoins et apports nutritionnels conseillés 3 Déficiences et carences vitaminiques 3 Signes cliniques 4 Enquête alimentaire 5 Tests biologiques 5 Étiologies et groupes à risque 6 Actualités sur les rôles des vitamines dans la prévention et le traitement des maladies 6 Effets protecteurs des antioxydants 6 Lutéine, zéaxanthine et dégénérescence maculaire liée à l’âge 6 Vitamine D, prévention et traitement de l’ostéoporose 6 Effets extraosseux de la vitamine D 7 Antivitamines K et vitamines K alimentaires 7 Acide folique et anomalies de fermeture du tube neural 7 Pharmacologie 7 Indications 8 Traitement préventif 8 Traitement curatif 8 Utilisations médicales usuelles 8 Toxicité 9 Conclusion 9 Introduction L’intérêt porté aux vitamines ne se limite plus au diagnostic des états de carence vraie. En effet, depuis plusieurs décennies, les chercheurs ont évalué les conséquences à long terme des déficits en vitamines sur la genèse d’états pathologiques multifactoriels, dans lesquels des mécanismes protecteurs déficients sont mis en cause. De facteurs de correction de grandes endémies nutrition- nelles, malheureusement toujours d’actualité dans les pays en voie de développement ou émergents, les vitamines sont perc ¸ues main- tenant comme des facteurs de maintien d’un bon état de santé. Le rôle du médecin généraliste ne se limite pas au seul diagnostic des états de déficit. Il doit aussi être à même de répondre aux interro- gations de ses patients quant aux effets bénéfiques potentiels des vitamines vis-à-vis des maladies dégénératives (cancers, maladies cardiovasculaires, maladies mentales, pathologies oculaires, etc.). C’est ainsi que la connaissance de la physiologie de la vitamine D a considérablement progressé, la faisant passer du rôle d’hormone à tropisme purement phosphocalcique à celui d’hormone jouant un rôle global sur la santé. Classiquement, les vitamines sont des substances organiques, sans valeur énergétique propre, qui sont nécessaires à l’organisme et que l’homme ne peut synthétiser en quantité suffisante. On dis- tingue deux groupes de vitamines en fonction de leurs propriétés EMC - Traité de Médecine Akos 1 Volume 8 > n 1 > janvier 2013 http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(12)49761-7 © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 29/04/2013 par UNIVERSITE LAVAL - (338842)

Vitamines dans la pratique médicale de tous les jours

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Vitamines dans la pratique médicalede tous les jours

J.-C. Guilland

Dans les pays industrialisés, les grands syndromes de carence vitaminique ont pratiquement disparu.S’y substituent aujourd’hui des états de déficience marginale, caractérisés par des réserves en vitaminesinsuffisantes pour maintenir un état fonctionnel physiologique normal. Ces états frappent des popula-tions spécifiquement exposées telles que les nouveau-nés, les femmes enceintes, les éthyliques et les sujetsâgés, et pourraient avoir, à long terme, des effets défavorables sur la santé. Cette hypothèse découle del’analyse des études qui montrent une augmentation de l’incidence de diverses affections chez les sujetsdont le statut vitaminique est précaire : cancers, pathologies cardiovasculaires, oculaires et ostéoarticu-laires, etc. Bien que des liens de causalité restent difficiles à établir, un immense champ d’application ensanté publique paraît s’ouvrir pour la vitaminologie, substituant la notion d’apport minimal, indispen-sable pour éviter l’apparition de signes de carence, à celle d’apport pouvant assurer un état de santéoptimal à moyen et à court termes. Après quelques considérations d’ordre général, cet article se pro-pose de présenter, à l’intention des praticiens, un exposé des données essentielles qui leur permettent decomprendre l’importance des rôles des différentes vitamines et les bases essentielles de leur utilisationdans le domaine médical.© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Vitamines ; Carences ; Scorbut ; Pellagre ; Rachitisme ; Ostéomalacie ; Ostéoporose

Plan

■ Introduction 1■ Généralités 2

Propriétés physicochimiques 2Métabolisme 2Rôles 2Sources alimentaires 3Unités 3Besoins et apports nutritionnels conseillés 3

■ Déficiences et carences vitaminiques 3Signes cliniques 4Enquête alimentaire 5Tests biologiques 5Étiologies et groupes à risque 6

■ Actualités sur les rôles des vitamines dans la préventionet le traitement des maladies 6Effets protecteurs des antioxydants 6Lutéine, zéaxanthine et dégénérescence maculaire liée à l’âge 6Vitamine D, prévention et traitement de l’ostéoporose 6Effets extraosseux de la vitamine D 7Antivitamines K et vitamines K alimentaires 7Acide folique et anomalies de fermeture du tube neural 7

■ Pharmacologie 7■ Indications 8

Traitement préventif 8Traitement curatif 8Utilisations médicales usuelles 8

■ Toxicité 9■ Conclusion 9

� IntroductionL’intérêt porté aux vitamines ne se limite plus au diagnostic

des états de carence vraie. En effet, depuis plusieurs décennies, leschercheurs ont évalué les conséquences à long terme des déficitsen vitamines sur la genèse d’états pathologiques multifactoriels,dans lesquels des mécanismes protecteurs déficients sont mis encause. De facteurs de correction de grandes endémies nutrition-nelles, malheureusement toujours d’actualité dans les pays en voiede développement ou émergents, les vitamines sont percues main-tenant comme des facteurs de maintien d’un bon état de santé. Lerôle du médecin généraliste ne se limite pas au seul diagnostic desétats de déficit. Il doit aussi être à même de répondre aux interro-gations de ses patients quant aux effets bénéfiques potentiels desvitamines vis-à-vis des maladies dégénératives (cancers, maladiescardiovasculaires, maladies mentales, pathologies oculaires, etc.).C’est ainsi que la connaissance de la physiologie de la vitamine Da considérablement progressé, la faisant passer du rôle d’hormoneà tropisme purement phosphocalcique à celui d’hormone jouantun rôle global sur la santé.

Classiquement, les vitamines sont des substances organiques,sans valeur énergétique propre, qui sont nécessaires à l’organismeet que l’homme ne peut synthétiser en quantité suffisante. On dis-tingue deux groupes de vitamines en fonction de leurs propriétés

EMC - Traité de Médecine Akos 1Volume 8 > n◦1 > janvier 2013http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(12)49761-7

© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 29/04/2013 par UNIVERSITE LAVAL - (338842)

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physicochimiques, métaboliques et fonctionnelles : les vitaminesliposolubles (A, D, E et K) et les vitamines hydrosolubles (B1, B2,B3 ou PP, B5, B6, B8, B9, B12 et C).

� GénéralitésPropriétés physicochimiques

Les vitamines constituent un groupe de substances chimique-ment très hétérogènes et relativement fragiles. Les vitamines A,D, K et B2 sont particulièrement sensibles à la lumière. La vita-mine B1 est dégradée par la chaleur, tandis que les vitamines A,D, C et B9 s’altèrent très rapidement au contact de l’oxygène del’air.

MétabolismeLes vitamines sont des substances très actives. Cependant, avant

d’interférer sur le métabolisme cellulaire, toute vitamine doit par-courir le long chemin qui sépare le bol alimentaire de la cellule.Les vitamines apportées par l’alimentation, ou sous forme médi-camenteuse, sont absorbées, prises en charge ou non par destransporteurs spécifiques, stockées, transformées en métabolitesactifs pour rejoindre les tissus où elles jouent leurs rôles, et, enfin,éliminées dans l’urine ou les fèces. Le métabolisme de chaquevitamine est particulier et chaque étape peut être à l’origine d’undéficit vitaminique. Outre un apport insuffisant, la diminutionde l’absorption intestinale, l’altération de la transformation dela vitamine en sa forme active, l’augmentation de l’éliminationrénale, peuvent être impliquées.

Absorption et biodisponibilitéLes différentes formes vitaminiques présentes dans les aliments

sont libérées de la matrice alimentaire dans l’estomac, puis absor-bées dans le duodénum et le jéjunum. Seules les vitamines C etB12 sont absorbées dans l’iléon. L’absorption des vitamines met enjeu un ou plusieurs transporteurs spécifiques ou un mécanisme dediffusion peu efficace lorsque les doses ingérées sont très élevées.

Vitamines liposolublesL’absorption des vitamines liposolubles et de précurseurs tels

que les caroténoïdes est conditionnée par la présence des selsbiliaires et des sécrétions pancréatiques pour former des micelles.De ce fait, la malabsorption des lipides affecte très souventl’assimilation des vitamines liposolubles. Plusieurs affectionspeuvent être à l’origine, à un degré variable, d’une malabsorptionlipidique, soit par un trouble de la digestion (mucoviscidose, pan-créatite chronique, carcinome pancréatique, obstruction biliaire,cirrhoses biliaires, insuffisance hépatique chronique), soit par untrouble de l’absorption (infections intestinales aiguës, maladie deCrohn, maladie cœliaque, sprue tropicale, maladie de Whipple,amylose, a-bêta-lipoprotéinémie).

Vitamines hydrosolublesLeur absorption intestinale dépend de transporteurs spéci-

fiques. Cette observation explique, au moins en partie, l’innocuitéde ces dernières lors de l’ingestion de doses très supérieures auxapports nutritionnels conseillés.

BiodisponibilitéLa biodisponibilité peut être définie comme la proportion de la

vitamine ingérée qui est mise à la disposition des tissus cibles.

Distribution et activationAprès avoir été absorbées, les vitamines rejoignent la circulation

sanguine et circulent sous différentes formes. Les vitamines, saufles vitamines C et E, subissent une transformation biochimiquepour être actives. Cette activation a lieu principalement dans lefoie pour les vitamines du groupe B, et dans le foie et le rein pourla vitamine D.

Certaines vitamines peuvent être synthétisées par l’homme(vitamine D3 ou cholécalciférol à partir du 7-déhydrocholestéroldans la peau, vitamine A à partir du �-carotène, niacine à partir

du tryptophane) ou par la flore intestinale du côlon (vitamine K2).Trois vitamines redeviennent des vitamines à part entière danscertaines situations :• manque d’ensoleillement et/ou pigmentation cutanée impor-

tante dans le cas de la vitamine D3 ;• carence en tryptophane pour la vitamine PP ;• antibiothérapie prolongée pour la vitamine K.

L’importance des réserves et la rapidité de leur renouvellementsont des facteurs déterminants dans l’établissement d’un déficitvitaminique. Un nombre restreint de vitamines ont des réservesimportantes dans le foie (A, D et B12) et/ou le tissu adipeux (D et E).Les autres vitamines ont des stocks faibles, de telle sorte qu’en casd’apport insuffisant, un déficit, voire une carence, peut s’exprimeren quelques mois.

Catabolisme et éliminationLes vitamines sont catabolisées, puis éliminées sous forme plus

ou moins active par voie urinaire (vitamine A et vitamines hydro-solubles) et parfois fécale (vitamines liposolubles, et vitamines B9

et B12). Il existe un cycle entérohépatique pour certaines d’entreelles (B12).

RôlesVitamines liposolublesVitamine A

Dans l’organisme, le rétinal et l’acide tout-trans rétinoïquesont les deux principaux métabolites actifs de la vitamine A. Le11-cis-rétinal est un composant du pigment rétinien et a un rôleessentiel dans la photoconversion de la lumière en influx ner-veux. L’acide tout-trans rétinoïque et son isomère 9-cis ont unmode d’action comparable à celui des hormones stéroïdiennes :ils se fixent sur des récepteurs nucléaires spécifiques, les retinoicacid receptors (RAR) et les retinoid X receptors (RXR), et induisent ourépriment la transcription de plusieurs centaines de gènes. L’aciderétinoïque joue un rôle primordial dans le maintien de l’intégritéépithéliale, principalement oculaire et cutanéomuqueuse, dans ladifférenciation cellulaire et, a fortiori, dans les phénomènes decroissance, de reproduction et de défenses immunitaires.

CaroténoïdesContrairement aux vitamines, les caroténoïdes non provitami-

niques A (lycopène, lutéine, zéaxanthine notamment) ne sont pasconsidérés comme indispensables, car un déficit en ces substancesn’a pas encore été associé au développement de signes cliniquesspécifiques. Seule l’activité provitaminique A de l’�-carotène,du �-carotène et de la �-cryptoxanthine est une fonction par-faitement démontrée chez l’homme. Le �-carotène, outre sonactivité provitaminique A, et les autres caroténoïdes (lycopène,canthaxanthine, astaxanthine, lutéine, zéaxanthine) ont une acti-vité antioxydante bien établie in vitro.

Vitamine D

“ Point fort

Rôles de la vitamine DSi la vitamine D ne peut plus être considérée commeuniquement nécessaire à la prévention du rachitismeet de l’ostéomalacie, son rôle dans la prévention denombreuses affections (cancers, maladies auto-immunes,diabète, syndrome métabolique, infections et maladiescardiovasculaires), suggéré par des études expérimen-tales et épidémiologiques, n’est pas encore totalementconfirmé.

La 1,25-(OH)2D, le métabolite actif de la vitamine D, se lieà un récepteur nucléaire spécifique, le vitamin D receptor (VRD),et active ou réprime ainsi la transcription de gènes cibles.

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Classiquement, la vitamine D joue un rôle essentiel dans le main-tien de l’homéostasie phosphocalcique. Elle stimule l’absorptionintestinale du calcium et des phosphates, et active la résorptionosseuse en favorisant la différenciation et l’activation des cellulessouches mésenchymateuses de l’os en ostéoclastes. Elle favorisedans le rein la réabsorption tubulaire du calcium. Elle inhibe laproduction de la parathormone (PTH), tout autant par actiondirecte sur les glandes parathyroïdiennes que par voie indirecteen augmentant la calcémie. Une carence en vitamine D peut cau-ser des pathologies caractérisées par un défaut de minéralisationosseuse, le rachitisme chez l’enfant et l’ostéomalacie chez l’adulte.Un déficit moins profond peut favoriser une ostéoporose.

La 1,25-(OH)2D est aussi impliquée dans le contrôle de la dif-férenciation et l’inhibition de la prolifération de nombreux typescellulaires. La mise en évidence de nouvelles fonctions de la vita-mine D a initié de nombreuses études concernant l’utilisation decelle-ci et de ses analogues moins hypercalcémiants dans le trai-tement des pathologies hyperprolifératives (psoriasis, cancers) etdans celui des maladies auto-immunes.

“ Point fort

Vitamine D et ostéoporoseLe rôle de la vitamine D dans la prévention des frac-tures ostéoporotiques périphériques du sujet âgé est biendémontré (en association avec le calcium lors d’un déficiten ce minéral).

Vitamine ELa vitamine E est le principal antioxydant liposoluble de

l’organisme. Elle intervient en interrompant la phase depropagation de la peroxydation radicalaire des acides gras poly-insaturés dans les membranes cellulaires. La vitamine E prévientl’oxydation des lipoprotéines et a suscité de ce fait un grand espoirdans la prévention de l’athérosclérose dans laquelle l’oxydationdes low density lipoproteins est impliquée. Cependant, ces effetsbénéfiques potentiels dans la prévention des maladies cardiovas-culaires, mais aussi des cancers et des maladies neurodégénérativesn’ont pas été confirmés par les études d’intervention nutrition-nelle (cf. infra).

Vitamine KLes vitamines K1 et K2 sont des cofacteurs indispensables à la �-

glutamyl carboxylase, l’enzyme impliquée dans la carboxylationdes résidus glutamates de plusieurs protéines, appelées de ce fait« protéines gla » : des protéines de la coagulation (les facteurs II[prothrombine], VII, IX, X [des inhibiteurs de la coagulation] etles protéines C, S, Z) et des protéines osseuses (la matrix gla proteinet l’ostéocalcine ou bone gla protein). Cela explique l’associationd’une ostéopénie au syndrome hémorragique au cours d’un déficitchronique en vitamine K. La �-carboxylation de ces protéines leurpermet de se fixer par des ponts calciques et d’exercer leurs effets.Lors d’un déficit en vitamine K, les protéines « gla » ne sont pasfonctionnelles car insuffisamment carboxylées.

Vitamines hydrosolublesVitamines du groupe B

Les vitamines du groupe B interviennent dans le métabolismecellulaire sous forme de coenzyme ou de cosubstrat.

Vitamine CDu fait de son pouvoir réducteur, la vitamine C est le cofac-

teur de réactions catalysées par des oxygénases (hydroxylation dela proline en lysine [synthèse du collagène], hydroxylation de ladopamine [synthèse de la noradrénaline]). L’acide ascorbique estun antioxydant puissant en milieu aqueux et permet la régénéra-tion de la vitamine E.

Sources alimentairesAucun aliment ne contient toutes les vitamines en quantité

suffisante pour couvrir l’ensemble des besoins vitaminiques, ilfaut donc varier les sources alimentaires afin de réduire les risquesde déficit en vitamines. On peut estimer que le lait maternelpeut couvrir les besoins en vitamines du nourrisson humain, saufpour les vitamines D et K. La teneur totale en vitamine A del’alimentation doit tenir compte de la teneur en vitamine A pré-formée et en caroténoïdes ayant une activité provitaminique A.La vitamine D3 n’est présente en quantité significative que dansquelques aliments d’origine animale (en �g/100 g : huile de foie demorue : 200 ; hareng cru : 22 ; saumon : 12,5 ; sardines : 7,5 ; jauned’œuf et beurre : 1–2). La vitamine D2 est une forme mineure carapportée par un nombre très réduit d’aliments d’origine végétale.Les principales sources alimentaires d’�-tocophérol sont les huilesvégétales (en mg/100 ml : huile de tournesol : 50 ; huile de maïs :30 ; huile de soja : 15) et la margarine (10 mg/100 g). Exceptés laviande de porc et les poissons, la vitamine B1 est présente dansles produits animaux et végétaux à concentration faible. Les végé-taux et en particulier les légumes verts constituent la principalesource de vitamine B9. La vitamine B12 se trouve exclusivementdans les produits animaux.

UnitésLes teneurs en vitamines des aliments ou des préparations

pharmaceutiques ont été longtemps exprimées en unités inter-nationales et en unités pondérales. Aujourd’hui, les expertsrecommandent d’utiliser les unités pondérales. Un microgrammede vitamine A équivaut à 3,33 UI et 1 �g de vitamine D équivaut à40 UI. Dans le cas de la vitamine E, 1 UI équivaut à 1 mg d’acétatede tocophérol de synthèse et à 0,67 mg de RRR-�-tocophérol. Dansle cas des vitamines hydrosolubles, les unités pondérales et les uni-tés internationales sont équivalentes. Dans le cas de la niacine, ilfaut tenir compte de la contribution de la synthèse endogène àpartir du tryptophane (1 mg de niacine = 1 mg d’acide nicotinique+ 1/60 mg de tryptophane).

Besoins et apports nutritionnels conseillésLes apports nutritionnels conseillés sont calculés pour couvrir

les besoins nutritionnels d’un groupe de population défini enfonction de son sexe, de son âge et de son niveau d’activité phy-sique. Ils n’ont pas pour objectif de couvrir les besoins lors desituations pathologiques.

� Déficiences et carencesvitaminiques

La relation entre l’apparition de signes cliniques chez l’hommeet l’absence de certaines substances de l’alimentation a conduitau début du siècle dernier à la notion de « vitamine » et de mala-die de carence. La démonstration du rôle des vitamines et deleur importance a été faite grâce à la reproduction expérimen-tale des manifestations cliniques de la carence après l’instaurationd’un régime carentiel chez l’animal ou chez l’homme et à leurdisparition, plus ou moins rapide, après réintroduction dans lerégime de la substance à étudier. L’administration de la substancevitaminique s’accompagne le plus souvent d’une améliorationclinique spectaculaire ; il est cependant des cas où les lésionssont trop avancées pour qu’il y ait restitutio ad integrum. Lesyndrome mnésique de Korsakoff, consécutif à une carence enthiamine, est un exemple de ces lésions irréversibles. Il est doncimportant que les premiers signes de la carence vitaminiquesoient recherchés et dépistés précocement. Les manifestationscliniques caractéristiques d’une avitaminose ne deviennent sou-vent apparentes qu’après une longue durée. En effet, dans unpremier temps il ne se produit qu’une diminution des réservesvitaminiques avant que n’interviennent des perturbations cellu-laires. Beaucoup plus tardivement apparaissent les signes cliniques

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Tableau 1.Tableau et signes cliniques des carences vitaminiques.

Vitamine Organe ou fonction Tableau et signes cliniques

A Yeux Baisse de l’acuité visuelle nocturne (héméralopie), xérophtalmie, kératomalacie, cécité définitive

Peau Hyperkératose (épaississement et aspect rugueux)Xérosis, acné

Autres Cheveux secs, insomnie, fatigue, prédisposition aux infections (rougeole), ↓ efficacité vaccinale

D Os Enfant : rachitismeAdulte : ostéomalacie, augmentation du risque de fractures (baisse de la force musculaire + fragilisation osseuse)Douleurs osseuses et musculaires, troubles de la marche

E Système nerveux Syndrome neurodégénératifSi déficit débutant : ↓ réflexes, troubles de la sensibilité proprioceptive et vibratoire, ↓ force musculaire distale, ↓champ de visionPhase tardive : abolition des réflexes, ophtalmoplégie, cécité, troubles cognitifs, anémie hémolytique chez lenouveau-né

K Hémostase Syndrome hémorragique (hémorragies cutanéomuqueuses, ménométrorragies, ecchymoses, hématomes, etc.)Anomalies de la crase ; difficulté à équilibrer un anticoagulant

(Os) (Ostéopénie, ostéoporose)

B1 Système cardiovasculaire Cardiomyopathie à haut débit

Système nerveux Polynévrite, encéphalopathie de Gayet-Wernicke, syndrome mnésique de Korsakoff

B2 Peau et muqueuses Dermite séborrhéique, stomatite angulaire, glossite (non spécifiques)

B3 Peau Dermatite à type d’érythro-œdème bulleux

Tractus intestinal Diarrhée

Système nerveux Démence

B5 Pas de tableau spécifique : fragilité cutanée, alopécie, troubles digestifs et neurologiques

B6 Peau et muqueuses Lésions séborrhéiformes (non spécifiques), acné

Autres Neuropathie périphérique, anémie hypochrome

B8 Peau Sécheresse, dermite séborrhéique, rash à prédominance orofaciale, alopécie partielle ou totale

Autres Paresthésies, syndrome dépressif, troubles de l’audition

B9 Hématopoïèse Anémie macrocytaire arégénérative et mégaloblastique

Système nerveux Apathie, fatigue, maux de tête, insomnie, faiblesse, défauts de fermeture du tube neural chez le fœtus

Tractus intestinal Diarrhée, douleurs digestives, perte d’appétit

B12 Hématopoïèse Anémie macrocytaire

Système nerveux Fatigue, maux de tête, irritabilité, perte des vibrations, dégénérescence des cordons latéraux de la moelle épinière,engourdissement des extrémités, paresthésies

Tractus intestinal Diarrhée, constipation

C Peau et muqueuses Gingivite et parodontolyse, ichtyose, syndrome hémorragique

Autres Irritabilité, malaise, asthénie, dépression

caractéristiques. En fait, le plus souvent, lorsque les réserves vita-miniques s’épuisent apparaissent dans un premier temps desmanifestations cliniques non spécifiques sous la forme d’uneasthénie, d’une inappétence, d’une diminution de la résistanceaux infections, d’insomnies ou d’irritabilité. On connaît depuislongtemps ces états « subcarentiels » ou déficiences. L’approchediagnostique, du fait de la très faible spécificité des signes cli-niques qui leur sont associés, repose sur des tests biologiques et,plus rarement, sur une enquête alimentaire. C’est aussi la rapi-dité avec laquelle les symptômes s’améliorent ou disparaissentaprès administration de la vitamine ou des vitamines misesen cause qui confirme le diagnostic. Les carences vitaminiquessont rares dans les pays industrialisés. Des carences avérées sontcependant diagnostiquées chez les patients dénutris ou porteursde pathologies spécifiques. Les déficiences (ou « subcarences »)vitaminiques sont, en revanche, fréquentes. L’insuffisance en vita-mine D est très fréquente en France. Si l’on choisit comme valeurseuil la concentration sérique de 25-(OH)D inférieure à 30 ng/ml(75 nmol/l), 88 % des sujets âgés de 60 à 79 ans inclus dans l’étudeDHEAge [1], 78 % des 1579 sujets de l’étude SU.VI.MAX. [2], et100 % des 126 patients institutionnalisés et ayant un âge moyenégal à 84 ans dans l’étude de Fardellone et al. [3] ont un risque élevéd’insuffisance (et non de carence !) en vitamine D.

Trois approches sont nécessaires pour évaluer, de facon ponc-tuelle, le statut vitaminique d’un individu : un examen clinique,une évaluation des apports, des tests biologiques. Il est souhaitablede les associer pour pouvoir constituer un faisceau d’arguments encas d’anomalie fruste.

Signes cliniques (Tableau 1)

Les signes cliniques de carence vitaminique sont classiques,mais peu utilisables en pratique car très tardifs. La déficiencevitaminique, période de carence débutante, comporte des signesnon spécifiques et parfois discrets. L’hypovitaminose D, bienque facilement identifiable par un simple examen de sanget traitable, n’est pas un diagnostic facile à faire car elle estsouvent responsable de syndromes cliniques peu spécifiquestels qu’une asthénie, des douleurs musculosquelettiques persis-tantes et une faiblesse musculaire. Ce manque de spécificitéconduit souvent les médecins généralistes à évoquer une originepsychosomatique (fibromyalgie, dépression masquée, syndromeméditerranéen). Les signes biologiques de déficit vitaminiqueprécédant tous les autres, l’approche biologique apparaît dece fait comme essentielle pour établir le diagnostic de déficitvitaminique.

4 EMC - Traité de Médecine Akos

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Enquête alimentaireLes médecins disposant rarement du concours d’un diététi-

cien rompu à une enquête alimentaire détaillée, un interrogatoirealimentaire succinct permet de mettre en évidence si certains ali-ments sont exclus ou sous-représentés, si le niveau énergétique dela ration est suffisant (il est difficile de couvrir les besoins en vita-mines du groupe B lorsque l’apport énergétique total est inférieurà 2000 kcal/j). À titre d’exemples, on peut citer le risque élevé decarence en vitamine B12 chez les végétaliens stricts non supplé-mentés par cette vitamine, en vitamine C chez les individus quine consomment pas de légumes ou de fruits, en vitamine B2 chezceux qui n’ingèrent ni lait ni laitages. Notons aussi que, mêmelorsque les enquêtes alimentaires sont détaillées et soigneuses, lemanque de précision des tables de composition des aliments nepermet de donner que des indications approximatives des apportsvitaminiques et de valeur limitée chez un sujet isolé.

Tests biologiquesL’exploration biologique du statut vitaminique repose sur les

dosages directs du facteur vitaminique dans le sang (sang total,plasma, sérum, érythrocytes) et des tests fonctionnels (évaluationdes conséquences du déficit vitaminique : vitamine K et coagula-tion ; vitamine K et carboxylation insuffisante de l’ostéocalcine ;vitamines B9, B12 et tests hématologiques ; dosage de marqueursmétaboliques). Un test thérapeutique peut également signer undiagnostic en cas de régression de la symptomatologie. Il doit êtreimpérativement pratiqué en situation d’urgence (par exemple :encéphalopathie de Gayet-Wernicke et vitamine B1). Il existe éga-lement des explorations à visée étiologique afin de mettre enévidence une malabsorption (test de charge après ingestion devitamine B12 froide ou tubage gastrique avec dosage du facteurintrinsèque pour mettre en évidence une malabsorption).

Vitamine ALa teneur du sérum/plasma en vitamine A est le paramètre

biochimique le plus souvent utilisé pour évaluer le statut envitamine A.

Vitamine DLa 25-(OH)D est la principale forme circulante de la vitamine

D. Sa demi-vie étant longue, sa concentration sérique est un bonreflet du statut en vitamine D. La déficience et la carence envitamine D sont ainsi définies par une diminution des teneurssériques de 25-(OH)D. La définition du seuil d’insuffisance envitamine D a été l’objet de nombreux débats [4] et un consensussemble établi au sein de la communauté médicale pour définirdifférents niveaux de déficit en vitamine D (carence : < 10 ng/ml[25 nmol/l] ; déficience : 10–20 ng/ml [25–50 nmol/l] ; insuffi-sance modérée : 20–30 ng/ml [50–75 nmol/l] ; valeur souhaitable :> 30 ng/ml [> 75 nmol/l]). L’exploration du statut vitaminique Dpar dosage de 25-(OH)D doit être mise en œuvre en présence designes d’appel (douleurs musculaires avec faiblesse musculaire,douleurs symétriques non articulaires et troubles de la marche) etchez les groupes à risque (individus souffrant d’affections diges-tives entraînant une malabsorption de la vitamine D, végétaliens,sujets ostéoporotiques ou suspects d’ostéoporose, sujets à peaunoire ou peu exposés au soleil [femmes voilées], sujets traitéspar des médicaments perturbant l’absorption [cholestyramine]ou le métabolisme de la vitamine D [phénytoïne, carbamazé-pine, rifampicine], vieillards dépendants institutionnalisés). Untel dosage est aussi utile avant la mise en route d’un traite-ment ostéoporotique, pour évaluer quelle dose administrer, pour« monitorer » l’observance du traitement par la vitamine D et pourconfirmer le diagnostic d’hypervitaminose D. Le dosage de 1,25-(OH)2D a pour unique objectif de mettre en évidence un défautd’expression de la 1�-hydroxylase (rachitisme pseudocarentiel detype I) ou du vitamin D receptor (VDR) (rachitisme pseudocarentielde type II) ou d’apprécier l’adaptation de la synthèse de 1,25-(OH)2D aux besoins en calcium et en phosphates. Les valeurs dudosage de la 1,25-(OH)2D doivent être interprétées en fonctiondes concentrations de PTH et de la calcémie.

“ Point fort

Dosage de la vitamine DLors d’un déficit en vitamine D, la concentration de la 1,25-(OH)2D peut être normale, élevée ou basse. Sa mesuren’est donc pas appropriée pour évaluer le statut vitami-nique D. C’est la 25-(OH)D, représentant les réserves devitamine D, qui doit être dosée pour savoir si un patientprésente une insuffisance en vitamine D. Le dosage dela 1,25-(OH)2D n’est justifié que dans le cas du rachi-tisme pseudocarentiel de type I (diminution de l’activitéde la 1�-hydroxylase), du rachitisme pseudocarentiel detype II (défaut d’expression de VDR) ou pour apprécierl’adaptation de la synthèse de 1,25-(OH)2D aux besoinsen calcium et en PTH.

Vitamine ELe dosage de l’�-tocophérol dans le sérum est le meilleur indi-

cateur du déficit en vitamine E.

Vitamine KLors d’une carence profonde, le diagnostic de certitude repose

sur la mise en évidence d’un déficit en facteurs de l’hémostasevitamine K-dépendants corrigibles par l’administration (20 mg enintraveineuse) de vitamine K1 (test de Koller) et sur le dosage dela teneur du sérum en phylloquinone. Il est préférable de doserles protéines non carboxylées dépendantes de la vitamine K tellesque les protein induced vitamin K absence or antagonist. Malheureu-sement, ces dosages ne sont pratiqués que dans des centres derecherche.

Vitamines B1, B2, B6

Le statut en vitamine B1 est évalué par le dosage de la thiamineet de ses esters phosphoriques dans le sang total (ou les érythro-cytes). L’exploration du statut vitaminique B2 repose sur le dosagede l’activité de la glutathion réductase (EGR), une enzyme ayantpour coenzyme le flavine adénine dinucléotide (FAD). L’activitéEGR est mesurée dans un hémolysat érythrocytaire avant (EGR–) etaprès (EGR+) addition de FAD. Le rapport EGR+/EGR– est d’autantplus élevé que le déficit en riboflavine est sévère. L’explorationdu statut vitaminique B6 repose sur le dosage du pyridoxal-5′-phosphate dans le plasma.

Vitamine B9

La mise en évidence d’un déficit en vitamine B9 repose surla mesure de la concentration sérique et/ou érythrocytaire desfolates. La folatémie n’est pas un bon indicateur du statut enfolates, car elle dépend des apports récents. La concentration desfolates dans les érythrocytes permet une meilleure estimation desréserves.

Vitamine B12

Classiquement, l’exploration du statut en vitamine B12 reposesur le dosage de la concentration sérique ou plasmatique decette vitamine. Ce test n’est pas sensible et le dosage d’un effec-teur métabolique tel que l’acide méthylmalonique est préférable.Malheureusement, ce dosage est pratiqué uniquement dans leslaboratoires de recherche. Une augmentation de la concentrationsérique de B12 est observée dans la leucémie myéloïde chroniqueet les syndromes myéloprolifératifs, au cours de la cirrhose et ducancer du foie, et lors de traitement par la vitamine B12.

Vitamine CL’exploration du statut vitaminique C fait appel au dosage de

cette vitamine dans le plasma.

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Étiologies et groupes à risqueDans les pays industrialisés, les carences vitaminiques sont

rares, mais des cas de rachitisme et de scorbut sont encore obser-vés. Devant l’apparition de signes cliniques spécifiques ou non,c’est l’appartenance à un groupe à risque qui doit faire suspecterl’existence d’un déficit vitaminique.

Alimentation déséquilibréeElle prédispose à une carence d’apport (régime végétarien et B12 ;

régime végétalien et D et B12 ; régimes amaigrissants et déficitsmultiples ; régimes sans résidus et B9 et C ; nutrition parentéraleexclusive et toutes les vitamines).

Malabsorptions chroniques et affectionshépatodigestives

Les malabsorptions chroniques représentent une cause impor-tante de carence (pathologies biliaires et pancréatiques etvitamines liposolubles ; pathologies duodénojéjunales et carencesvitaminiques multiples ; résection du grêle, atrophie villositaire,iléocolite étendue et B9 ; anémie de Biermer familiale, déficithéréditaire en facteur intrinsèque, maladie d’Imerslund-Gräsbeck,déficit héréditaire en transcobalamine, gastrites chroniques antro-fundiques, gastrite auto-immune de Biermer, résection étendue del’intestin grêle et B12). Diverses hépatopathies chroniques, tellesque les cirrhoses alcooliques, induisent une diminution de lacapacité de stockage de la vitamine A, de la synthèse de la retinol-binding protein et de l’activation de la vitamine D en 25-(OH)D.

Alcoolisme chroniqueIl est associé à une carence vitaminique par plusieurs méca-

nismes et constitue une cause majeure de carence en thiamine(encéphalopathie de Gayet-Wernicke, syndrome de Korsakoff),niacine (pseudo-pellagre), B6 (anémie sidéroblastique et polyné-vrite), B9 (anémie mégaloblastique) et A (altération de la visioncrépusculaire).

Grossesse et allaitementCes deux situations physiologiques entraînent une augmenta-

tion des besoins en vitamines. Lors de la grossesse, les déficitspeuvent être multiples (D, B6, B9). L’altération du statut vita-minique maternel est d’autant plus importante que les réservesvitaminiques initiales sont faibles.

PrématurésPlusieurs facteurs peuvent « fragiliser » le statut vitaminique des

prématurés ; le niveau bas des réserves, le niveau élevé des besoins(croissance rapide) et les perturbations du métabolisme vitami-nique.

VieillardsIls présentent souvent des déficiences voire des carences en vita-

mines D, B1,B6, B9, B12 et C, dont la prévalence est plus élevéechez les personnes vivant en institution que chez celles vivant àleur domicile. Les conséquences de ces déficits sur l’état de santédes vieillards sont multiples : insuffisance cardiaque, cardiomyo-pathie (B1), troubles de l’humeur et de la mémoire (B6, B9 et B12),déficits immunitaires (B6, E), ostéomalacie et ostéoporose (D).

ObèsesLes malades souffrant d’obésité morbide (indice de masse cor-

porelle supérieur à 40 kg/m2) présentent souvent des carencesnutritionnelles, notamment en vitamines et zinc. Après chirurgiebariatrique, ces carences s’aggravent. D’autres peuvent apparaîtredu fait de la restriction des apports alimentaires dans la chirurgiede réduction gastrique et de la malabsorption dans les inter-ventions de type bypass. Plusieurs cas de polyneuropathies, debéri-béri ou d’encéphalopathie de Gayet-Wernicke ont été décritsces dernières années. En conclusion, une vigilance s’impose etune exploration systématique du statut vitaminique est nécessaire

en pré- puis en postopératoire chez le malade obèse opéré. Uneprise en charge des carences au cas par cas doit être instaurée.

Maladies héréditaires du métabolisme répondantaux vitamines

Les maladies héréditaires du métabolisme répondant aux vita-mines sont des maladies rares mais le plus souvent graves et dontles premiers symptômes peuvent survenir de la période néonataleà l’âge adulte.

Interactions médicamenteusesDe nombreux médicaments interfèrent avec l’absorption,

l’activation, le transport ou l’excrétion des vitamines. C’est ainsique la cholestyramine inhibe l’absorption des vitamines liposo-lubles, et que les hydantoïnes et les barbituriques induisent undéficit en vitamines D et B9.

� Actualités sur les rôlesdes vitamines dans la préventionet le traitement des maladiesEffets protecteurs des antioxydants

De nombreuses études expérimentales et épidémiologiques ontsuggéré que le �-carotène, le lycopène, les vitamines C et E, du faitde leurs propriétés antioxydantes, pourraient prévenir le dévelop-pement des pathologies dégénératives. À ce jour, cette hypothèsen’a pas été vérifiée à l’aide des essais randomisés conduits chezl’homme.

“ Point fort

Études sur les antioxydantsLes essais randomisés avec des mélanges antioxydantsn’ont pas fait la preuve de leur effet protecteur vis-à-visdes cancers et des maladies cardiovasculaires, et montrentla dangerosité de ces substances. Les indications cliniques,la posologie efficace et la combinaison optimale des anti-oxydants sont encore inconnues.

Lutéine, zéaxanthine et dégénérescencemaculaire liée à l’âge

Les études observationnelles suggèrent que les individus ayantdes apports élevés en caroténoïdes, antioxydants et acides grasoméga-3 ont un risque réduit de développer une dégénérescencemaculaire liée à l’âge.

Vitamine D, prévention et traitementde l’ostéoporose

De nombreux facteurs de risque de l’ostéoporose ont étécaractérisés, dont la carence vitaminocalcique. La prévention del’ostéoporose repose essentiellement sur des mesures hygiénodié-tétiques visant à obtenir une masse osseuse optimale au cours des20 premières années de la vie, puis à lutter contre les facteurs derisque. Outre l’activité physique régulière, la lutte contre le taba-gisme et l’alcoolisme, une « supplémentation » par la vitamine D,associée ou non au calcium (selon le niveau des apports calciques),est utile. Enfin, la recherche et la correction d’un déficit ou non encalcium est un préalable indispensable à la mise en route d’un trai-tement antiostéoporotique. Une méta-analyse [5] conclut que ladose optimale de vitamine D est de 800 UI/j et que l’observance aune importance cruciale. Une « supplémentation » calcique (1000à 1200 mg/j) est particulièrement importante lorsque l’apport de

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Vitamines dans la pratique médicale de tous les jours � 3-0890

calcium est bas. La « supplémentation » par la vitamine D doitêtre continuée pendant des années sinon les effets disparaissentrapidement [6].

Effets extraosseux de la vitamine DEnviron 3 % de tous nos gènes sont sous le contrôle de la

1,25-(OH)2D. Presque toutes les cellules expriment le VDR et unedizaine de tissus extrarénaux sont capables de produire la 1,25-(OH)2D, à actions autocrine et paracrine. Ces données suggèrentque la vitamine D, en plus des actions bien établies sur le méta-bolisme phosphocalcique et osseux, peut aussi avoir des effetspléiotropes (anti-infectieux, anti-inflammatoires, antitumoraux,cardioprotecteurs, etc.). Si ces effets ont été décrits à la fois dansdes modèles cellulaires, des modèles animaux, des études cliniqueset des études épidémiologiques, les résultats des essais randomisésne permettent pas pour l’instant de conclure qu’un déficit en vita-mine D est un facteur de risque de développement des maladiesmajeures de notre société, telles que les cancers, les maladies car-diovasculaires ou métaboliques, les maladies auto-immunes. Parconséquent, la définition de l’apport optimal de vitamine D et duniveau optimal du marqueur du statut vitaminique D, la concen-tration sérique de 25-(OH)D, doit être faite en se référant aux seulseffets de la vitamine D sur la santé osseuse. Des études contrô-lées sont nécessaires pour démontrer l’efficacité et la sécurité de« supplémentations » importantes en vitamine D et pour définirl’apport de vitamine D correspondant à un niveau de santé opti-mal. Une telle réponse devrait être apportée par l’essai randomiséVitamin D and Omega-3 Trial (VITAL, Clinical Trials.govnumber,NCT01169259), dont l’objectif principal est d’évaluer les effetsprotecteurs extraosseux de la vitamine D. Cet essai inclut20 000 hommes et femmes américains, âgés de plus de 65 ans dansle cas des hommes et de plus de 60 ans dans le cas des femmes, quirecoivent chaque jour pendant cinq ans soit des placebos, soit dela vitamine D (2000 UI, 50 �g), soit des acides gras omega 3 (1 g).

Antivitamines K et vitamines K alimentairesLes antivitamines K (AVK) restent à l’heure actuelle les seuls

anticoagulants administrés par voie orale de facon chronique.Environ 1 % de la population francaise est traitée par les AVK,essentiellement des sujets âgés. Les AVK représentent un risqueiatrogène important et sont la première cause d’accidents médica-menteux. Dans ce contexte, des informations sont régulièrementdiffusées auprès des patients sous AVK afin de diminuer le risquehémorragique et pour une meilleure stabilité du traitement. Parmiles problèmes rencontrés, celui de l’interférence des apports devitamine K sur l’efficacité thérapeutique de ces anticoagulantsest souvent posé. Il est généralement admis que les patients trai-tés chroniquement par les AVK doivent éviter de consommerles aliments riches en vitamine K. En fait, la suppression detoute source alimentaire de vitamine K a pour effet de rendreles traitements sensibles aux moindres variations des apports etaugmente leur instabilité. Plusieurs études cliniques montrenten effet qu’un apport régulier et modéré de vitamine K alimen-taire (100–200 �g/j) concourt à l’équilibration des traitements parAVK [7]. En conclusion, les patients traités de facon chronique parles AVK ne doivent pas être incités à supprimer tout apport alimen-taire de vitamine K, mais au contraire être éduqués afin d’avoir unapport régulier de légumes verts (la principale source de vitamineK1). En sus de la vitamine K1 apportée par les légumes verts, il fauttenir compte des ménaquinones (vitamine K2) apportées par lesfromages.

Acide folique et anomalies de fermeturedu tube neural

La sévérité des malformations dues aux anomalies de ferme-ture du tube neural (AFTN) a conduit les États-Unis, le Canadaet d’autres pays à enrichir systématiquement les farines alimen-taires en acide folique dans un but de prévention. En France,un tel enrichissement n’a pas été mis en place de telle sorte

que la prévention des AFTN repose sur une « supplémentation »par 400 �g/j d’acide folique au moins un mois avant la concep-tion. L’efficacité d’une telle « supplémentation » semble limitéedans la mesure où la moitié des grossesses environ ne sont pasprogrammées.

“ Point fort

Folates et grossesseLes femmes désirant avoir un enfant doivent consommerdes aliments riches en folates et être supplémentées enacide folique afin de prévenir les AFTN (dose : 400 �g/jchez les femmes primipares ou sans antécédent particulieret 5 mg/j chez les femmes à risque élevé [qui ont un anté-cédent de grossesse avec AFTN ou qui sont traitées par desmédicaments antiépileptiques]). Pour être efficace, cetteprévention doit être entreprise quatre semaines avant laconception et se poursuivre huit semaines après celle-ci.

� PharmacologieLorsqu’elles sont administrées à forte dose, certaines vita-

mines expriment des propriétés pharmacologiques. C’est ainsique la mise en évidence des propriétés de la vitamine A dansle contrôle de la différenciation des épithéliums a conduit à lasynthèse de dérivés afin d’obtenir des composés plus efficaces.En dermatologie, c’est le cas de la trétinoïne (acide tout-trans réti-noïque), de l’isotrétinoïne (acide 13-cis rétinoïque), de l’acitrétine,de l’étrétinate, de l’adapalène, du tazarotène. L’utilisation del’isotrétinoïne pour traiter l’acné fut une avancée considérable.Avant l’introduction de ce rétinoïde, le seul traitement disponiblecontre l’acné qu’elle soit légère, sévère ou persistante, était untraitement topique par le peroxyde de benzoyle (pour assécher lapeau), associé aux antibiotiques dont l’efficacité s’atténue avec letemps au fur et à mesure que la bactérie responsable de l’acné, Pro-pionibacterium acnes, devient résistante à ceux-ci. En Europe, unedirective de l’Agence européenne des médicaments recommandede prescrire l’isotrétinoïne uniquement pour traiter l’acné sévèrequi ne répond pas aux antibiotiques et aux traitements locaux.Dans les années récentes, cependant, les dermatologues ont uti-lisé l’isotrétinoïne orale pour traiter des formes moins sévères oud’autres variants d’acné tels que l’acné conglobata, l’acné fulmi-nans et l’acné inversa.

Les recherches ont clairement montré que l’épiderme est à lafois le siège de la synthèse de la vitamine D et un site d’actionde cette vitamine. Dans ce tissu, en effet, la 1,25-(OH)2D stimulein vitro et in vivo les étapes terminales de la différenciation deskératinocytes et des follicules pileux. Ces observations ont engen-dré des recherches sur les possibilités thérapeutiques qu’offrel’application locale de 1,25-(OH)2D chez les patients ayant untrouble de la différenciation de l’épiderme. Le traitement deslésions du psoriasis a été au premier rang de ces recherches. Le pso-riasis associe en effet une augmentation de la prolifération et undéfaut de différenciation des kératinocytes associés à une activa-tion locale des lymphocytes T. Les effets bénéfiques du traitementpar la 1,25-(OH)2D furent évidents dès les premières études, maisles effets indésirables de 1,25-(OH)2D sur l’absorption intestinaledu calcium, avec pour conséquence possible une hypercalcémieet la calcification des tissus mous, ont poussé l’industrie phar-maceutique à synthétiser des analogues moins hypercalcémiants.L’un des premiers de ces analogues, le calcipotriol, est maintenantutilisé dans le traitement des lésions de psoriasis. Contrairementà la 1,25-(OH)2D, cet analogue ne peut se lier à la vitamin D bin-ding protein dans le sang. Il est donc rapidement catabolisé dès sonpassage dans les vaisseaux sanguins au contact de l’épiderme.

L’acide nicotinique est utilisé dans le traitement des désordresdu métabolisme des lipides.

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3-0890 � Vitamines dans la pratique médicale de tous les jours

� IndicationsTraitement préventif

La prévention des déficits vitaminiques repose sur une alimen-tation variée, qui, lorsque les apports énergétiques sont supérieursà 2000 kcal/j, doit permettre de couvrir les besoins en vitamines.Cependant, dans certaines situations physiologiques (grossesse,nouveau-nés, vieillissement) et pour certaines vitamines (vita-mines D et K et nouveau-nés ; vitamine D et jeunes enfants,adolescents, vieillards ; vitamine B12 et végétaliens) ou patholo-giques (vitamine B1 et alcoolisme ; vitamine D et ostéopénie ouostéoporose), une prévention est justifiée de manière temporaireou définitive.

Le rachitisme carentiel était dans les années passées un facteurimportant de morbidité et de mortalité infantiles, principalementdu fait des complications infectieuses respiratoires. La gravité deces complications a imposé la pratique systématique d’un traite-ment prophylactique par la vitamine D chez tous les nouveau-nésdès la naissance. Un nombre important d’enfants naît avec desréserves en vitamine D faibles, particulièrement en hiver du faitde la faiblesse des réserves de la mère. La prévention ou la cor-rection d’un déficit en vitamine D dans la population généralepar la promotion d’un ensoleillement suffisant semble utopique.En effet, l’ensoleillement hivernal est insuffisant, l’efficacité desrayons ultraviolets B est très diminuée chez les individus à peaufoncée et chez les personnes âgées, et une telle recommanda-tion est en contradiction avec les dermatologues qui conseillentd’éviter le soleil. Notons cependant que l’exposition solaire nepeut induire une hypervitaminose D dans la mesure où toutexcès de vitamine D3 est converti dans la peau en métabolitesinactifs.

Le mode de prophylaxie le plus adapté consiste à administrerla vitamine D par voie orale : au moins 800 UI/j (20 �g) de vita-mine D chez le nourrisson allaité ou nourri avec un lait maternisé,jusqu’à l’âge de 1 an. De 1 à 3 ans, la dose administrée doit tenircompte de l’ensoleillement et de la couleur de la peau : 1000 UI/j(25 �g) en période estivale, 1200 UI/j (30 �g) en période hiver-nale chez les enfants à peau claire et 1600 UI/j (40 �g) chez lesenfants à peau pigmentée. La prophylaxie par administration quo-tidienne de vitamine D peut poser des problèmes de réalisationpratique et il est alors préférable de faire appel à l’administrationde doses de charge importantes de 100 000 UI (2,5 mg) de vita-mine D tous les 3 à 4 mois jusqu’à l’âge de 2 ans. Les doses decharge sont également utiles pour prévenir le déficit hivernal chezl’enfant plus grand et chez l’adolescent : de 80 000 à 100 000 UI(2 à 2,5 mg) en début d’hiver, renouvelée trois mois plus tard. Demême, la prévention doit débuter avant la naissance par l’apportchez la mère de 1000 UI/j (25 �g) de vitamine D pendant le der-nier trimestre de grossesse ou d’une dose de charge de 100 000 à200 000 UI (2,5 à 5 mg) au cours du sixième mois. Pour les femmesménopausées, la prévention n’est que fortement conseillée. Elleest souvent associée au calcium ou à un agent antiostéoporotique.Chez les vieillards dépendants et institutionnalisés, une dose de800 à 1200 UI (20–30 �g) doit être administrée chaque jour. EnFrance, une politique de prévention du déficit en vitamine Dbasée sur l’enrichissement du lait a été instaurée : enrichissementdes préparations lactées pour nourrissons (40 à 100 UI/100 kcal,arrêté du 13 février 1992), et du lait de consommation courante etdes produits laitiers frais (1 �g/100 ml et 1,25 �g/100 g, arrêté du11 octobre 2001).

Dans les premiers jours de la vie, il existe un déficit en vitamineK du fait des réserves faibles de celle-ci et d’une synthèse endogèneinsuffisante de vitamine K2 par la flore intestinale. Pour préve-nir la maladie hémorragique qui survient dans sa forme classiqueentre le deuxième et le dixième jour de vie, il est indispensabled’administrer de la vitamine K1 (2 mg per os à la naissance suivisd’une deuxième dose de 2 mg entre le deuxième et le septièmejour) chez tous les nouveau-nés. Chez l’enfant nourri au sein,le déficit est aggravé par la faible concentration en vitamine K1

du lait maternel (1 à 2 �g/l) quel que soit le stade de lactation.De ce fait, il est recommandé de poursuivre l’apport oral de vita-mine K1 à raison de 2 mg par semaine pendant toute la durée del’alimentation au sein exclusive.

Traitement curatifEn présence de signes cliniques de carence, les vitamines sont

administrées à dose thérapeutique, par voie orale ou parentérale.En cas d’urgence vitale ou de malabsorption, la voie parentéraleest privilégiée.

Le traitement de la polynévrite induite par une carence enthiamine repose sur l’administration par voie intramusculairede 100 à 500 mg/j de chlorhydrate de thiamine, relayé par voieorale. Le traitement est prolongé jusqu’à disparition des symp-tômes. Les éthyliques chroniques souffrant d’encéphalopathie deGayet-Wernicke doivent recevoir par voie parentérale au moins1 g de thiamine au cours des premières 24 heures, du fait destroubles de l’absorption de cette vitamine. Les éthyliques chro-niques étant atteints de carences vitaminiques multiples, il fautassocier à la thiamine les vitamines PP, B6, B9 et B12. Après chirur-gie bariatrique, une dose de 50 à 100 mg doit être administréechaque jour par voie parentérale durant 1 à 2 semaines, puisrelais oral à la dose de 100 mg/j, poursuivi par 3 mg ou 1 à1,5 mg/j selon les auteurs. En cas de vomissements itératifs, unedose quotidienne de 100 à 250 mg est administrée par voie intra-musculaire. Les doses quotidiennes de thiamine nécessaires à lacorrection des diverses anomalies génétiques sont comprises entre50 et 500 mg, et doivent être adaptées en fonction de la réponseclinique.

Le traitement de la carence en riboflavine repose surl’administration de doses comprises entre 10 et 40 mg/j. En pré-sence d’une carence en vitamines PP, B6, B8 et B9, on utiliserespectivement une dose quotidienne de 500 mg de nicotinamide,de 250 mg de pyridoxine, de 200 à 300 �g de biotine et de 1 à 5 mgd’acide folique. Si la carence en vitamine B12 est accompagnée designes neuropsychiatriques, il faut administrer 1000 �g/j de cya-nocobalamine par voie intramusculaire jusqu’à régression nettedes symptômes. Chez les patients carencés ne présentant pas designes neuropsychiatriques, la posologie conseillée varie de 100à 1000 �g/j par voie intramusculaire pendant une semaine, puisune fois par semaine pendant deux mois, et enfin une fois par tri-mestre. Des doses supérieures peuvent être administrées par voieorale pour traiter une carence sévère, même chez les patients souf-frant d’anémie pernicieuse, car environ 1 % de la dose ingérée estabsorbé par voie passive.

Le traitement de la carence en vitamine D fait appel àl’administration d’une dose de charge orale de vitamine D variableselon l’importance du déficit en vitamine D [8]. Ce déficit estévalué par le dosage de la concentration sérique de 25-(OH)D. Sou-berbielle et al. [8] proposent les protocoles suivants afin d’éleveret de maintenir la 25-(OH)D supérieure ou égale à 30 ng/ml(75 nmol/l) :• si elle est inférieure à 10 ng/ml, prescrire une ampoule de

100 000 UI de vitamine D3 toutes les deux semaines pendantdeux mois (soit 4 ampoules au total) ;

• si elle est comprise entre 10 et 20 ng/ml, prescrire une ampoulede 100 000 UI de vitamine D3 toutes les deux semaines pendant1,5 mois (soit 3 ampoules au total) ;

• si elle est comprise entre 20 et 30 ng/ml, prescrire une ampoulede 100 000 UI toutes les deux semaines pendant un mois (soit2 ampoules au total).Puis il faut privilégier l’observance. En fonction des patients,

on peut prescrire soit des doses espacées (100 000 UI tous les 2 à3 mois), soit des doses journalières (800–1200 UI). La vérificationde l’efficacité du traitement correcteur ou de maintien est faite parle dosage de la concentration sérique de 25-(OH)D.

Utilisations médicales usuelles (Tableau 2)

Plusieurs vitamines sont utilisées dans le traitementd’affections, bien que le plus souvent ces indications théra-peutiques, consacrées par l’usage, n’aient pas été mises enévidence par des essais cliniques. À l’origine, ces propriétés ontété décelées par analogie avec la symptomatologie associée àla carence en cette vitamine chez l’homme ou en raison demanifestations de carence répondant à l’administration de cettevitamine chez l’animal.

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Vitamines dans la pratique médicale de tous les jours � 3-0890

Tableau 2.Utilisations médicales usuelles.

Vitamine Utilisations médicales usuelles

A Traitement d’appoint des dermites irritatives sècheset fissulaires (crevasses, gercures, engelures, érythèmesolaire, érythème fessier du nourrisson), pertes desubstance cornéenne

D Ostéodystrophie rénale, hypocalcémiepostparathyroïdectomie, hypoparathyroïdie

E Anémie hémolytique du prématuré, artériopathie desmembres inférieurs, hémolyses constitutionnelles

K Prévention de la maladie hémorragique dunouveau-né

B1 Douleur (effet antalgique associé à B6 et B12),fibromyalgie, neuropathie diabétique, insuffisancecardiaque aiguë

B2 Traitement de la méthémoglobinémie, des crampes,de la faiblesse musculaire, de la migraine

PP Désordres du métabolisme des lipides (acidenicotinique), acné inflammatoire légère ou modérée(nicotinamide)

B5 Traitement d’appoint des alopécies diffuses (acidepantothénique), blessures cutanées, soins de la peau,escarres, brûlures, fissures anales, dermatite decontact, yeux secs, atteintes de la cornée(dexpanthénol)

B6 Convulsions pyridoxinodépendantes, traitementprolongé par l’isoniazide, neuropathie périphérique,dépression, syndrome prémenstruel, syndrome ducanal carpien

B8 Dermite séborrhéique du nourrisson, hyperséborrhéede la face, alopécie (en association avec l’acidepantothénique)

B9 Hyperhomocystéinémie, anomalies de fermeture dutube neural, grossesse, administration d’antifolates(acide folinique)

B12 Traitement de la douleur, cicatrisation de la cornée(kératite, plaie ou brûlure), intoxication au cyanure

C Prévention et traitement d’infections, états grippaux

� ToxicitéLes vitamines peuvent être classées en trois groupes selon le

risque d’effets secondaires lors de l’administration de doses exces-sives :• vitamines entraînant, de facon reproductible, des effets secon-

daires potentiellement graves : A, D et à un moindre degré PP,B6 et B9 ;

• vitamines pouvant entraîner des effets secondaires dans cer-taines circonstances (K, uniquement par voie parentérale) ouchez les patients qui présentent des facteurs de risque particu-liers (E lors d’un traitement par les antivitamines K, et C chezles sujets lithiasiques ou hémochromatosiques) ;

• vitamines n’entraînant pas d’effet secondaire (B1, B2, B5, B8,B12).

� ConclusionLes vitamines sont des substances organiques indispensables

fournies par l’alimentation. Dans les pays industrialisés, les mala-dies de carence ont presque totalement disparu pour prendrel’aspect plus subtil de déficiences dont les conséquences à longterme sur la santé ne sont pas toujours établies.

� Références[1] Souberbielle JC, Cormier C, Kindermans C, Gao P, Cantor T, Forette

F, et al. Vitamin D status and redefining serum parathyroid hormonereference. J Clin Endocrinol Metab 2001;86:3086–90.

[2] Chapuy MC, Preziosi P, Maamer M, Arnaud S, Galan P, HercbergS, et al. Prevalence of vitamin D insufficiency in an adult normalpopulation. Osteoporos Int 1997;7:439–43.

[3] Fardellone P, Sebert JL, Garabédian M, Bellamy R, Maamer M, Agbon-son F, et al. Prevalence and biological consequences of vitamin Ddeficiency in elderly institutionalized subjects. Rev Rhum Engl Ed1995;62:576–81.

[4] Cormier C, Souberbielle JC. Nouvelles définitions de l’insuffisancevitaminique D, retentissement sur les normes de PTH. Rev Med Interne2006;27:684–9.

[5] Bischoff-Ferrari HA, Willett WC, Wong JB, Stuck AE, Staehelin HB,Orav EJ, et al. Prevention of non-vertebral fractures with oral vitamin Dand dose dependency: a meta-analysis of randomized controlled trials.Arch Intern Med 2009;169:551–61.

[6] Dawson-Hughes B, Harris SS, Krall EA, Dallal GE. Effect of with-drawal of calcium and vitamin D supplements on bone mass in elderlymen and women. Am J Clin Nutr 2000;72:745–50.

[7] Bal dit Sollier C, Drouet L. Vitamine K, antivitamines K, et alimenta-tion. Cah Nutr Diet 2009;44:273–7.

[8] Souberbielle JC, Prié D, Courtebaisse M, Friedlander G, HouillierP, Maruani G, et al. Actualité sur les effets de la vitamine Det l’évaluation du statut vitaminique D. Ann Endocrinol 2008;69:501–10.

Pour en savoir plus

Guilland JC. Vitamines hydrosolubles (I). Thiamine, riboflavine, niacine,acide pantothénique, vitamine B6 et biotine. EMC (Elsevier SAS),Endocrinologie-Nutrition, 10-546-A10.

Guilland JC. Vitamines hydrosolubles (II). Vitamines B9, B23 etC. EMC (Elsevier Masson SAS), Endocrinologie-Nutrition,10-546-A11.

Guilland JC. Vitamines liposolubles (A, D, E et K). EMC (Elsevier MassonSAS), Endocrinologie-Nutrition, 10-540-A-10, 2009.

Guilland JC, Lequeu B. Encyclopédie des vitamines. Du nutriment au médi-cament (3 tomes). Paris : Éditions médicales internationales, Tec &Doc, Lavoisier, 2009.

Bioforma. Les Vitamines. Cahier de Formation Biologie Médicale 2007;38,www.bioforma.net ; [email protected].

Le Moel G, Saverot-Dauvergne A, Gousson T, Guéant JL. Le statut vita-minique : physiopathologie, exploration biologique et intérêt clinique.Paris : Éditions médicales internationales, Tec & Doc, Lavoisier; 1998.

Site de la Société francophone des vitamines et biofacteurs : www.sfvb.org.

J.-C. Guilland, Maître de conférences, praticien hospitalier ([email protected]).Plateau technique de biologie, 2, rue Angélique-Ducoudray, BP 37013, 21070 Dijon cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Guilland JC. Vitamines dans la pratique médicale de tous les jours. EMC - Traité de Médecine Akos2013;8(1):1-9 [Article 3-0890].

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