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Viticulture. Lancée il y a trois ans, la campagne de confusion sexuelle pour lutter contre l’eudémis fait des émules. De plus en plus de viticulteurs bio ou conventionnels adoptent cette technique coûteuse mais efficace. Le papillon eudémis en pleine confusion B ientôt, les vers en cocon de- viendront de jolis papillons. Mais ceux-là, les viticulteurs de l’appellation Monbazillac préféreraient ne jamais les voir. Du moins dans leurs vignes. Car le papillon dont il est question, l’eu- démis est, à l’état de chenille, un ravageur qui dévaste les grappes de raisins en les perforant. Face à ce fléau estival, les pesticides ont été une solution. Deux à quatre fois par an, les viticulteurs avaient pour habitude de traiter leurs vignes. Depuis trois ans, la cave coopé- rative de Monbazillac a choisi de tester une nouvelle solution : la confusion sexuelle. Sous la dénomination aussi in- trigante que drôle, une technique efficace, alternative parfaite aux insecticides chimiques. Elle repose sur la diffusion à grande échelle de substances imitant l’hormone sexuelle femelle. « La quantité ré- pandue dépasse de beaucoup celle qu’émettent naturellement les fe- melles ; si bien que les mâles n’ar- rivent plus à les localiser donc à les féconder », expliquent les respon- sables de la cave de Monbazillac. 80 % des parcelles sans pesticides Pour cette troisième campagne, le procédé prend de l’ampleur. Ce sont désormais 56 vignerons, répar- tis sur cinq communes de l’appella- tion Monbazillac, qui participent. Cela représente 960 hectares cou- verts, soit 40 % de surface de vignes. Guillaume Barou, vice-président de la cave, est très satisfait : « Nous étions partis avec l’objectif d’at- teindre 600 hectares couverts après trois ans. Nous l’avons largement dépassé et certains viticulteurs en- trés cette année dans la démarche confirmeront l’an prochain si ça fonctionne cette fois-ci. » Le fait est que c’est le cas. Sur les 150 premiers hectares testés, 80 % des parcelles n’ont pas eu besoin du tout de pesticides. Et sur les 20 % restants, un seul traite- ment a été nécessaire contre trois en moyenne. « Ça fonctionne. Ça nécessite par ailleurs un vrai suivi, c’est-à-dire passer toutes les quatre semaines dans les parcelles pour vérifier la pression, mais ça, c’est quelque chose que les viticulteurs font aussi lorsqu’ils fonctionnent aux pesticides. Ce n’est pas une contrainte supplémentaire », sou- ligne Guillaume Barou. L’autre contrainte est finan- cière. Les diffuseurs fonctionnent pendant six mois, une seule pose est donc suffisante pour couvrir toute la période critique d’avril à septembre, voire octobre pour les vendanges les plus tardives. Mais 500 doivent être installés à l’hectare. La cave a réussi à avoir le lot de 500 à 125 e. « Ça reste deux fois plus cher qu’une lutte classique », reconnaît Ludovic Heugas, conseiller viticole à la cave. Le jeu en vaut pourtant la chandelle, comme en témoignent tous les viticulteurs venus partici- per à la journée de pose des diffu- seurs. Car plus grand est l’espace couvert par les phéromones, plus efficace est leur action. « Il faut un minimum de 10 hectares cou- verts pour qu’au cœur du nuage, il n’y ait aucune intrusion », conclut Ludovic Heugas. LAETITIA LEMAIRE Les viticulteurs se sont associés pour “équiper” les vignes des diffuseurs de phéromones avant que les papillons ne sortent de leur dormance d’hiver. (Ph. L. Lemaire) Élevage. La troisième foire primée aux veaux élevés sous la mère organisée par la Sobeval a eu lieu vendredi 18 mars à Boulazac. Parmi les éleveurs de Dordogne, Corrèze, voire plus loin, Guillaume Chazarain y participait pour la première fois. Des veaux au-dessus des prix Ç a y est, les responsables des achats de la Sobeval passent derrière chaque veau et en- tament les négociations avec les éleveurs. Certains discutent d’arrache-pied, d’autres hochent la tête, tentent de convaincre que leur bête vaut un peu plus que ce qu’on leur propose. Dans tous les cas, c’est sur un petit carnet à souche que se termine la tran- saction. Parmi les éleveurs pré- sents, de Dordogne, de Corrèze, du Tarn ou d’ailleurs, Guillaume Chazarain s’évertue à garder ses émotions pour lui. Pourtant, il est bel et bien satisfait de sa première par- ticipation à la troisième foire primée aux veaux élevés sous la mère orga- nisée par l’entreprise d’abattage et de transformation de Boulazac, la Sobeval, le vendredi 18 mars. « Au mois de mai, ça fera tout juste deux ans que je me suis ins- tallé », souligne le jeune éleveur de 23 ans. Dans une filière plu- tôt contraignante comme l’est le veau sous la mère, Guillaume Chazarain est quelque peu aty- pique. En effet, il s’est installé en hors cadre familial et sans at- tache avec le milieu agricole. « J’ai toujours voulu être agriculteur, confie-t-il. J’ai fait mes études en alternance et j’étais chez un éle- veur de veaux sous la mère. Ça m’a plu, aussi quand l’opportunité de reprendre une exploitation s’est présentée, je me suis lancé. » Il a donc repris cette exploitation de 50 hectares de SAU et d’une soixan- taine de bêtes à Villac. Une instal- lation aidée dont il se satisfait mais qu’il trouve très contraignante : « Quand j’ai repris, plus rien n’était aux normes, et moi, j’ai trois ans pour m’y mettre quand le cédant n’avait aucune obligation ». Se confronter aux autres Soutenu par son père, Guillaume Chazarain est encouragé par ses résultats. Il commercialise ses veaux directement à la ferme via le groupe- ment des Éleveurs du pays vert et la Sobeval. « La Sobeval, ça fait peine six mois que je travaille avec eux, » souligne-t-il. C’est dire si le fait que l’entreprise boulazacoise l’ait invité à la foire primée du 18 mars lui a fait chaud au cœur. « Ça représente une reconnaissance, d’autant que je ne fais aucune foire primée. Là, c’est aussi l’occasion de se confronter à d’autres éleveurs ». Et de l’avis de tous les présents, acheteurs et éle- veurs, cette foire était de haute qua- lité avec près de 80 veaux dont vingt seulement ont été primés. Les deux veaux de Guillaume Chazarain ne l’ont pas été. En re- vanche, la Sobeval les a achetés à des prix supérieurs à ceux pratiqués habituellement. Pour la plus grande satisfaction du jeune éleveur de Vil- lac, « j’aime mon métier, il faut être passionné parce que la passion nous aide à franchir toutes les difficultés ». LIONEL ROBIN Le responsable achat de la Sobeval écrit le prix des veaux de Guilaume Chazarain qu’il vient de conclure avec le jeune éleveur. (Ph. L. Robin) EN CHIFFRES 500 capsules à l’hectare en moyenne sont nécessaires pour une lutte efficace 120 000 e sont investis dans l’achat des capsules à chaque campagne de lutte contre l’eudémis actualité 11 / RÉUSSIR LE PÉRIGORD - 25 MARS 2016

Viticulture. Le papillon eudémis en pleine confusion · Le papillon eudémis en pleine confusion B ientôt, les vers en cocon de-viendront de jolis papillons. Mais ceux-là, les

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Page 1: Viticulture. Le papillon eudémis en pleine confusion · Le papillon eudémis en pleine confusion B ientôt, les vers en cocon de-viendront de jolis papillons. Mais ceux-là, les

Viticulture. Lancée il y a trois ans, la campagne de confusion sexuelle pour lutter contre l’eudémis fait des émules. De plus en plus de viticulteurs bio ou conventionnels adoptent cette technique coûteuse mais efficace.

Le papillon eudémis en pleine confusionB

ientôt, les vers en cocon de-viendront de jolis papillons. Mais ceux-là, les viticulteurs de l’appellation Monbazillac

préféreraient ne jamais les voir. Du moins dans leurs vignes. Car le papillon dont il est question, l’eu-démis est, à l’état de chenille, un ravageur qui dévaste les grappes de raisins en les perforant. Face à ce fléau estival, les pesticides ont été une solution. Deux à quatre fois par an, les viticulteurs avaient pour habitude de traiter leurs vignes. Depuis trois ans, la cave coopé-

rative de Monbazillac a choisi de tester une nouvelle solution : la confusion sexuelle.

Sous la dénomination aussi in-trigante que drôle, une technique efficace, alternative parfaite aux insecticides chimiques. Elle repose sur la diffusion à grande échelle de substances imitant l’hormone sexuelle femelle. « La quantité ré-pandue dépasse de beaucoup celle qu’émettent naturellement les fe-melles ; si bien que les mâles n’ar-rivent plus à les localiser donc à les féconder », expliquent les respon-sables de la cave de Monbazillac.

80 % des parcelles sans pesticides

Pour cette troisième campagne, le procédé prend de l’ampleur. Ce sont désormais 56 vignerons, répar-tis sur cinq communes de l’appella-tion Monbazillac, qui participent. Cela représente 960 hectares cou-verts, soit 40 % de surface de vignes. Guillaume Barou, vice-président de la cave, est très satisfait : « Nous étions partis avec l’objectif d’at-teindre 600 hectares couverts après trois ans. Nous l’avons largement dépassé et certains viticulteurs en-trés cette année dans la démarche confirmeront l’an prochain si ça fonctionne cette fois-ci. »

Le fait est que c’est le cas. Sur les 150 premiers hectares testés, 80 % des parcelles n’ont pas eu besoin du tout de pesticides. Et sur les 20 % restants, un seul traite-ment a été nécessaire contre trois en moyenne. « Ça fonctionne. Ça nécessite par ailleurs un vrai suivi, c’est-à-dire passer toutes les quatre semaines dans les parcelles pour vérifier la pression, mais ça, c’est quelque chose que les viticulteurs font aussi lorsqu’ils fonctionnent aux pesticides. Ce n’est pas une

contrainte supplémentaire », sou-ligne Guillaume Barou.

L’autre contrainte est finan-cière. Les diffuseurs fonctionnent pendant six mois, une seule pose est donc suffisante pour couvrir toute la période critique d’avril à septembre, voire octobre pour les vendanges les plus tardives. Mais 500 doivent être installés à l’hectare. La cave a réussi à avoir le lot de 500 à 125 e. « Ça reste deux fois plus cher qu’une lutte classique », reconnaît Ludovic

Heugas, conseiller viticole à la cave. Le jeu en vaut pourtant la chandelle, comme en témoignent tous les viticulteurs venus partici-per à la journée de pose des diffu-seurs. Car plus grand est l’espace couvert par les phéromones, plus efficace est leur action. « Il faut un minimum de 10 hectares cou-verts pour qu’au cœur du nuage, il n’y ait aucune intrusion », conclut Ludovic Heugas.

LAETITIA LEMAIRE

Les viticulteurs se sont associés pour “équiper” les vignes des diffuseurs de phéromones avant que les papillons ne sortent de leur dormance d’hiver. (Ph. L. Lemaire)

Élevage. La troisième foire primée aux veaux élevés sous la mère organisée par la Sobeval a eu lieu vendredi 18 mars à Boulazac. Parmi les éleveurs de Dordogne, Corrèze, voire plus loin, Guillaume Chazarain y participait pour la première fois.

Des veaux au-dessus des prixÇa y est, les responsables des

achats de la Sobeval passent derrière chaque veau et en-tament les négociations avec

les éleveurs. Certains discutent d’arrache-pied, d’autres hochent la tête, tentent de convaincre que leur bête vaut un peu plus que ce qu’on leur propose. Dans tous les cas, c’est sur un petit carnet à souche que se termine la tran-saction. Parmi les éleveurs pré-sents, de Dordogne, de Corrèze, du Tarn ou d’ailleurs, Guillaume Chazarain s’évertue à garder ses émotions pour lui. Pourtant, il est bel et bien satisfait de sa première par-ticipation à la troisième foire primée aux veaux élevés sous la mère orga-nisée par l’entreprise d’abattage et de transformation de Boulazac, la Sobeval, le vendredi 18 mars.

« Au mois de mai, ça fera tout juste deux ans que je me suis ins-tallé », souligne le jeune éleveur de 23 ans. Dans une filière plu-tôt contraignante comme l’est le veau sous la mère, Guillaume Chazarain est quelque peu aty-pique. En effet, il s’est installé en

hors cadre familial et sans at-tache avec le milieu agricole. « J’ai toujours voulu être agriculteur, confie-t-il. J’ai fait mes études en alternance et j’étais chez un éle-veur de veaux sous la mère. Ça m’a plu, aussi quand l’opportunité de reprendre une exploitation s’est présentée, je me suis lancé. » Il a donc repris cette exploitation de 50 hectares de SAU et d’une soixan-taine de bêtes à Villac. Une instal-lation aidée dont il se satisfait mais qu’il trouve très contraignante : « Quand j’ai repris, plus rien n’était aux normes, et moi, j’ai trois ans pour m’y mettre quand le cédant n’avait aucune obligation ».

Se confronter aux autresSoutenu par son père, Guillaume

Chazarain est encouragé par ses résultats. Il commercialise ses veaux directement à la ferme via le groupe-ment des Éleveurs du pays vert et la Sobeval. « La Sobeval, ça fait peine six mois que je travaille avec eux, » souligne-t-il. C’est dire si le fait que l’entreprise boulazacoise l’ait invité à la foire primée du 18 mars lui a

fait chaud au cœur. « Ça représente une reconnaissance, d’autant que je ne fais aucune foire primée. Là, c’est aussi l’occasion de se confronter à d’autres éleveurs ». Et de l’avis de tous les présents, acheteurs et éle-veurs, cette foire était de haute qua-lité avec près de 80 veaux dont vingt seulement ont été primés.

Les deux veaux de Guillaume Chazarain ne l’ont pas été. En re-vanche, la Sobeval les a achetés à des prix supérieurs à ceux pratiqués habituellement. Pour la plus grande satisfaction du jeune éleveur de Vil-lac, « j’aime mon métier, il faut être passionné parce que la passion nous aide à franchir toutes les difficultés ».

LIONEL ROBINLe responsable achat de la Sobeval écrit le prix des veaux de Guilaume Chazarain qu’il vient de conclure avec le jeune éleveur. (Ph. L. Robin)

EN CHIFFRES

500capsules à l’hectare en moyenne sont nécessaires pour une lutte efficace

120 000 esont investis dans l’achat des capsules à chaque campagne de lutte contre l’eudémis

actualité11 / RéussiR le PéRigoRd - 25 maRs 2016