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Catherine RUDENT Paris-Sorbonne La voix chantée en popular music studies La voix chantée apparaît souvent comme difficile à analyser, sans doute parce qu’elle est liée à l’intériorité de la personne, ce qui suscite diverses approches, parfois au carrefour de l’esthétique, de la psychologie, de l’anthropologie et de la sociologie (Deniot, Dutheil, Vrait, 2000). Laissant de côté ces aspects, je cherche plutôt à construire une stylistique de la voix chantée. Comment peut-on analyser le « style vocal » d’un chanteur ou d’une chanteuse ? Quels faits sonores objectifs et précis sont propres à un chanteur ou à une chanteuse, dans sa singularité ? Ou encore à travers quels éléments audibles sa voix montre- t-elle qu’il ou elle appartient à tel ou tel style musical rock, soul, pop ou à tel sous-style rock metal, pop des années 1960, punk ? Je mène cette démarche dans un domaine musical large et relativement délaissé par la musicologie : la chanson populaire phonographique (Rudent, 2010). Pour travailler à cette stylistique vocale, je m’appuie largement sur des travaux de tous ordres, fourmillant de pistes, de résultats et de perspectives pour l’avenir. Cet article présente à la fois ma propre démarche et un tour d’horizon de ces recherches. 1. Traits vocaux trans-stylistiques Certaines caractéristiques des voix chantées traversent les frontières des genres ou des styles musicaux, voire les frontières culturelles à large échelle : c’est ce que j’appelle traits vocaux trans- stylistiques. 1.1. Tension On peut efficacement analyser certaines formes de « tension » dans la voix : ce sont celles qui résultent de la manière dont le chanteur utilise son étendue vocale. En effet, s’il se place vers l’extrémité des hauteurs

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Catherine RUDENT

Paris-Sorbonne

La voix chantée en popular music studies

La voix chantée apparaît souvent comme difficile à analyser, sans

doute parce qu’elle est liée à l’intériorité de la personne, ce qui suscite diverses approches, parfois au carrefour de l’esthétique, de la psychologie, de l’anthropologie et de la sociologie (Deniot, Dutheil, Vrait, 2000). Laissant de côté ces aspects, je cherche plutôt à construire une stylistique de la voix chantée. Comment peut-on analyser le « style vocal » d’un chanteur ou d’une chanteuse ? Quels faits sonores objectifs et précis sont propres à un chanteur ou à une chanteuse, dans sa singularité ? Ou encore à travers quels éléments audibles sa voix montre-t-elle qu’il ou elle appartient à tel ou tel style musical ‒ rock, soul, pop ‒ ou à tel sous-style ‒ rock metal, pop des années 1960, punk ? Je mène cette démarche dans un domaine musical large et relativement délaissé par la musicologie : la chanson populaire phonographique (Rudent, 2010).

Pour travailler à cette stylistique vocale, je m’appuie largement sur des travaux de tous ordres, fourmillant de pistes, de résultats et de perspectives pour l’avenir. Cet article présente à la fois ma propre démarche et un tour d’horizon de ces recherches.

1. Traits vocaux trans-stylistiques Certaines caractéristiques des voix chantées traversent les

frontières des genres ou des styles musicaux, voire les frontières culturelles à large échelle : c’est ce que j’appelle traits vocaux trans-stylistiques.

1.1. Tension On peut efficacement analyser certaines formes de « tension » dans

la voix : ce sont celles qui résultent de la manière dont le chanteur utilise son étendue vocale. En effet, s’il se place vers l’extrémité des hauteurs

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qu’il est capable d’émettre, la voix sonne différemment de ce qu’elle ferait si les notes chantées étaient situées dans sa zone de confort vocal, au milieu de son étendue. Cette différence, je propose de la nommer tension, même s’il vaudrait mieux valider une telle appellation par une enquête de perception et même si la perception d’une tension vocale peut aussi être causée par d’autres caractéristiques de l’utilisation de la voix.

Toute voix dispose d’un éventail de fréquences qu’elle est capable d’émettre : son étendue. On trouvera dans la thèse de Sylvain Lamesch (2010) une schématisation de l’étendue vocale des sujets qu’il a étudiés : cette schématisation présente en abscisses les fréquences et en ordonnées l’intensité du son émis (niveau de pression acoustique). Dans ce repère, on peut dessiner la zone des fréquences disponibles pour une voix donnée en fonction de l’intensité : c’est le phonétogramme. Par conséquent, je propose de considérer que, quand une voix produit des fréquences situées à droite de la zone de ses sons possibles (à droite du phonétogramme), elle est plus tendue que quand elle est utilisée vers le milieu de cette zone.

Bien sûr, on ne peut établir le phonétogramme de Bashung ni de Lady Gaga en les convoquant dans un laboratoire d’acoustique et en leur faisant chanter diverses hauteurs à diverses intensités. Il faut donc travailler avec ce dont les musicologues disposent : en général, ce sont les voix chantées enregistrées pour la publication commerciale. Or on peut établir une étendue vocale approximative via les enregistrements disponibles.

Ces données ne sont pas complètes (la personne a peut-être dans sa voix des hauteurs restées inutilisées dans le corpus) et pas entièrement fiables, puisqu’à partir des années 1980 et avec les procédés numériques de traitement du son, des hauteurs ont pu être modifiées après captation. Elles ont cependant une valeur informative très importante : on peut entendre par la couleur vocale si la voix n’est plus dans sa zone de confort vers le grave ou vers l’aigu. Il y a de bons exemples de voix tendue aux extrémités de son étendue dans les enregistrements de Boris Vian. Même si la qualité de ces données est moindre qu’avec une étude faite sur des bases systématiques et directes, il serait dommage de négliger ce qu’elles peuvent nous apporter, avec un niveau d’approximation plus grand mais non rédhibitoire. En d’autres termes, même si personne n’a fait chanter Boris Vian ni Brassens en les équipant d’appareils de mesure physiologiques et acoustiques, il reste possible, à l’écoute de leurs enregistrements, de faire une hypothèse suffisamment solide sur leur étendue vocale ; on peut également constater combien l’étendue vocale de Brassens dépasse celle de Vian (au grave comme à

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l’aigu). Et surtout, sur cette base, on peut constater l’importance stylistique de cette étendue vocale, qui permet à Brassens ses lignes mélodiques sinueuses et extraordinairement vagabondes, tandis que, chez Vian, elle contribue à sa raideur vocale atypique et inconfortable, stylistiquement assortie à l’humour décalé de ses chansons.

Pour ce qui est des interventions sur les hauteurs de voix par les manipulations numériques, elles ne sont pas pistables, sauf cas exceptionnels (observation directe du travail de studio, par exemple)1. Mais, dans la mesure où c’est une approche musicologique qui m’intéresse ici, et non pas une approche physiologique, on peut poser que l’intérêt n’est pas de savoir si le larynx de Hallyday ou de Madonna a bien réellement produit telle hauteur. Il est plutôt d’analyser stylistiquement le résultat enregistré : celui-ci n’est pas plus trompeur, pour le musicologue, que telle photo retouchée n’empêche le sociologue de la culture d’analyser comment une star construit son personnage public. En d’autres termes, pour une analyse musicale de voix, c’est le « personnage vocal », tel qu’il est publié, « affiché », pourrait-on dire, via ses enregistrements, qui est important à analyser, parce que c’est lui l’objet esthétique-musical qui s’inscrit dans le paysage médiatique contemporain, plus que l’état actuel et physique, scientifiquement démontrable, des possibilités vocales de la « personne » réelle.

Travailler sur l’étendue vocale ainsi que sur son utilisation plus ou moins tendue présente un autre intérêt : cette étendue n’est pas nécessairement à traduire en termes de notes (de fréquences stabilisées pendant toute une valeur rythmique). Il est tout à fait possible d’étudier l’étendue et la tension pour une voix semi-parlée : Ferré déclamant certains de ses textes (Céline Chabot-Canet, 2008), Bashung en semi-chanté rythmique sur « Gaby oh Gaby »2, celle de tout rappeur, dont les hauteurs, pour n’être pas fixes n’en sont pas moins déterminantes dans son flow. Le positionnement plus ou moins tendu de la voix est un des facteurs qui opposent les flows si différents des deux rappeurs Q-Tip d’A Tribe Called Quest (voix détendue) et The Notorious B.I.G. (voix tendue), respectivement dans leurs titres « Excursions » (1991) et « Ready to Die » (1994)3. Etant donné l’importance des intonations du parlé dans le chant populaire phonographique, cette possibilité est essentielle.

1 De telles observations ne sont pas courantes. La bibliographie existante contient

Hennion 1981, Côté 1998 et Rudent 2011. Voir ci-dessous. 2 Travail en cours mené conjointement par Claire Pillot-Loiseau et moi-même. 3 Ronan Martin a attiré mon attention sur ces deux titres dans un travail qu’il a

réalisé en séminaire de master.

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1.2. Stabilité Un autre trait trans-stylistique est celui de la stabilité de la voix, sur

chaque hauteur produite. Ici, il s’agit de voix chantée sur hauteurs fixes et notables sur portée. En effet, l’analyse de nombreuses chansons, par de nombreux chanteurs, montre combien la manière de tenir une note sur l’ensemble de sa valeur de durée, est un aspect très révélateur de leur style vocal. Afin de démontrer que ces pratiques échappent aux clivages musicaux usuels, je choisirai ici des exemples volontairement très hétéroclites.

Il y a ainsi des « chanteurs à tenue » (Aretha Franklin, Edith Piaf, Johnny Hallyday) par opposition à des « chanteurs du refus de la tenue » (James Brown, Juliette Gréco, Serge Gainsbourg). Il y a aussi des chanteurs dont les hauteurs chantées sont maintenues sur une hauteur très égale du début à la fin de la note et des chanteurs qui modifient cette hauteur (Yves Montand dans les fins de syntagmes et de phrases musicales ou Johnny Rotten des Sex Pistols dans un autre univers musical) ou chez qui elle apparaît fragile (Thom Yorke de Radiohead) parfois aux limites de la justesse ‒ mais une des questions est de définir cette limite (Gaëtan Roussel dans Louise Attaque) : cette habitude vocale nous intéresse, de manière descriptive et analytique, plutôt que normative, en tant que stylème de ces chanteurs, c’est-à-dire trait de style dans le « personnage vocal » qu’ils se construisent au fil de leurs succès sur disque.

Dans ce cadre, on pourrait aussi envisager une étude du vibrato. Celui-ci est en effet une des signatures vocales individuelles les plus marquantes : que l’on pense à celui très serré, intense et reconnaissable de Piaf par exemple, ou au vibrato d’Aretha Franklin, régulier et d’une vitesse plus modérée, comme celui d’autres célèbres voix féminines de la soul (Carla Thomas, Diana Ross...). Pour les voix pop, le vibrato peut être étudié non seulement dans sa nature mais aussi dans sa répartition au fil du temps. Certains, comme Piaf, l’utilisent sur toutes les notes, alors que les chanteuses de soul le restreignent à des endroits choisis de la phrase musicale. Il peut aussi arriver en fin de tenue (Katerine Gierak) ou en fin de phrase, à la manière d’un ornement (Diana Krall).

Mesurer cette stabilité n’est pas très simple : en effet, il faut pouvoir établir sur la base des enregistrements disponibles la « fréquence zéro » visée par le chanteur ou la chanteuse, c’est-à-dire la fréquence fondamentale correspondant à la hauteur de note qu’il ou elle chante4. On

4 On appelle la fréquence fondamentale fréquence zéro, ou f0, par opposition aux

fréquences des harmoniques qui s’étagent au-dessus d’elle.

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touche dans ce type d’analyse à la notion de « note cible » (Lefrançois, 2011, 31-32)5.

Pour cette étude des hauteurs chantées, si l’on veut aller plus loin que la simple écoute attentive de la mélodie, il faut utiliser des logiciels d’analyse acoustique capables d’extraire cette donnée du fichier son utilisé. Or cela n’est pas toujours possible dans la mesure où le calcul est généralement gêné par la présence simultanée de l’accompagnement instrumental. Le protocole a priori le plus efficace pour contourner cet obstacle est de faire une analyse exploratoire, sur audition, de la stabilité ou instabilité des hauteurs chantées. Il restera alors à valider l’hypothèse en analysant avec des outils d’analyse informatique des passages, même très courts, où la voix se trouve à découvert et où un logiciel peut extraire la fréquence fondamentale émise.

1.3. Aspects phonétiques La manière de prononcer les sons verbaux est un autre trait

particulièrement fructueux à analyser. Il faut pour cela une excellente connaissance aurale de la langue.

En ce qui concerne le français, on trouve dans les ouvrages de Pierre Léon de très bonnes bases de départ pour l’analyse de la prononciation des textes chantés. Ainsi, sa description des accents « populaires » français ‒ il analyse l’ambiguïté de ce terme (Pierre Léon, 1993, 199-208) ‒ donne des pistes solides pour interpréter la prononciation de Renaud (l’exemple de « comptoir », de « bar », etc., en fin de vers dans son premier grand succès, « Laisse béton », est probant) et sa construction vocale d’un personnage de jeune loubard. Selon Pierre Léon, si l’accent populaire postériorise l’articulation, il existe

5 « Lorsqu’il sera question de hauteur, j’aurai recours à la notion de note cible qui

permet de rendre compte avec justesse du traitement de la hauteur dans la voix country-western. La notation musicale présente dans sa forme traditionnelle un ensemble de valeurs discrètes déjà déterminées et constituant un ensemble fermé ; la voix humaine permet cependant des variations de hauteur minimes et continues et peut passer par toutes les fréquences situées entre deux hauteurs appartenant à la gamme chromatique [...]. Le vocabulaire existant demeure cependant limité lorsqu’on cherche à décrire les micro-variations mélodiques en chant populaire [...] [dont les] performances pourraient se traduire par une série de valeurs discrètes [...]. Pour ce faire, il faudrait en extraire une série de ce que j’appellerai des notes cibles, qui recréent une mélodie reconnaissable, assez proche d’une version qu’on pourrait qualifier de simplifiée de l’exécution originale. Les notes cibles d’une mélodie chantée constitueront donc les références par rapport auxquelles les micro-variations mélodiques pourront être décrites ».

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inversement dans la diversité des traits « snob » une variante « précieuse » qui l’antériorise (Léon 1993, 198). La prononciation d’une Barbara peut alors être caractérisée comme « sophistiquée », puisqu’elle articule souvent « du bout des lèvres », de même qu’elle joue « du bout des doigts » sa « Petite cantate », façon de prononcer, façon de jouer, qui renvoient à un raffinement délicat.

Si Pierre Léon est une mine d’informations claires et précises sur la prononciation du français et ses « styles sonores » (Léon, 1993, 6), il faut trouver les auteurs équivalents pour d’autres langues, en particulier la langue anglaise, dans laquelle se chantent les chansons porteuses et modèles de la pop ou du rock, et même plus généralement, les chansons dans les styles influents de la chanson phonographique, à échelle mondiale. Une première piste à suivre est celle de la socio-linguistique des anglophones, avec en particulier les travaux fondamentaux de Labov (par exemple 1970, 2005) sur les usages linguistiques aux USA et en particulier ce qu’il appelle nonstandard English. D’autres références utiles sont indiquées dans Lefrançois (2011).

1.4. Prosodie Une quatrième piste d’analyse vocale trans-stylistique est celle de

la prosodie, qui est une donnée linguistique, et non musicale. Si l’on s’en rapporte à la définition de ce terme par Louis-Jean Calvet et Robert Sctrick dans l’Encyclopaedia Universalis, la prosodie est « l’une des deux branches de la phonologie ». Elle étudie les règles régissant l’accent tonique, c’est-à-dire la « mise en relief d’une syllabe par rapport aux autres », au moyen de « l’énergie articulatoire », de « la hauteur mélodique » et de « la durée ». Puis la prosodie étudie l’intonation, « qui permet par exemple en français de distinguer l’affirmation de l’interrogation ». La phonologie a ainsi mis au jour, dans la parole, la présence de « niveaux phonologiques » : dans le « contour intonatif de la phrase », « on distingue généralement dans la mélodie quatre niveaux phonologiques », quatre hauteurs étagées privilégiées par le locuteur pour dessiner les contours sonores de sa parole.

On voit que la prosodie, mise en forme sonore des énoncés parlés sur les plans de la durée, de l’intensité et des hauteurs-fréquences, touche de près à la mise en forme musicale des énoncés, une fois qu’ils sont chantés. Une des analyses les plus intéressantes d’une chanson donnée consistera à s’interroger sur la manière dont la prosodie se mêle harmonieusement ou non aux logiques rythmiques, dynamiques et mélodiques du chant, ou encore à étudier comment la prosodie mise en

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œuvre dans la voix chantée contrepointe (dans la convergence ou la contradiction) les « phrasés » des parties instrumentales.

Indiquons deux exemples de chant « contre-prosodique ». Dans « L’âge tendre », Barbara émancipe son chant de la double et convergente logique musicale et prosodique : elle élude des syllabes accentuées de fin de mot, de fin de syntagme, de fin de phrase musicale, pourtant posées au sommet rythmique et mélodique de la composition, quand elle chante « le voir sourire » ou « jouer aux billes »6. Les syllabes notées en gras sont celles que la prosodie accentue normalement, et dont la composition musicale confirme, ici, le statut de syllabe appuyée ; mais elles sont au contraire murmurées par Barbara, bien en-dessous du reste de la phrase musicale par l’énergie articulatoire et l’intensité. Cette « contre-prosodie » se retrouve dans de nombreux autres enregistrements de la chanteuse, et contribue à son identité stylistique vocale sophistiquée. Un stylème similaire, mais aux connotations plus rustiques, se rencontre chez Cabrel, qui contrarie souvent les appuis prosodiques de ses énoncés, chantant par exemple dans « La Corrida » : « J’ai vu des fanfares, des barrières, et des gens autour », « dans les premiers moments », « je commence à comprendre », « est-ce que ce monde est sérieux ? », etc7. Cependant, contrairement aux exemples pris chez Barbara, ces « contre-appuis » sont, chez Cabrel, cohérents avec la mise en musique, le phrasé instrumental étayant les appuis de la voix chantée, grâce aux procédés musicaux intensificateurs usuels que sont la hauteur, le rythme et la distribution dans les parties fortes du temps ou de la mesure, enfin la durée des notes jouées.

Il faudra parfois parler plutôt du refus de tout phrasé dans les parties instrumentales : ainsi, la new wave (de la fin des années 1970 et des années 1980), utilisant abondamment boîtes à rythmes et sons synthétiques, c’est-à-dire une mécanique étrangère, justement, à l’idée de phrasé, offre des possibilités infinies de dialogue ou de contradiction avec la « diction » d’un chanteur ou d’une chanteuse. Vingt ans plus tard, la prosodie de Philippe Katerine dans « Louxor j’adore » voit ses virages souples et satiriques mis en valeur par les boucles électroniques rigides et répétitives des sons qui l’accompagnent.

La prosodie est une piste approfondie dans Chabot-Canet (2008), Joubrel (2002) ou Beaumont-James (1999). Par ailleurs, la manière dont la voix « délivre » (delivers) ou profère les paroles est un aspect de la

6 Il est commode de noter en gras une syllabe accentuée, qu’elle le soit pour des

raisons prosodiques ou musicales. 7 La voix de Cabrel se singularise aussi par son accent méridional, mais ces deux

éléments de style sont indépendants l’un de l’autre.

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performance absolument central, et travaillé à de multiples reprises. Selon Lacasse et Lefrançois (2008), le chant pop (pop singing) utilise le parlé quotidien (everyday speech practices). Ils rappellent dans ce texte que les paramètres rythmiques et mélodiques (vibrato, portamento, retards, etc.) sont en général pris en compte dans les analyses du chant. A l’appui de ces affirmations, on peut citer des analyses prosodiques, rythmiques, mélodiques et de performance vocale, dans le domaine de la pop et du rock (Bowman 2008, Brackett 2000), les considérations très neuves et très stimulantes de Dai Griffith (2008) sur l’espace verbal (verbal space) dans la chanson « pop », les ouvrages collectifs dirigés par Moore (2008), Middleton (2003), Everett (2008), le chapitre « Rock Singing » de Middleton dans le Cambridge Companion to Singing (2000) et le chapitre initial de Michael Hicks (1999) sur la « voix conflictuelle » dans le rock des années 1960.

1.5. Aspects « phonostylistiques » Les recherches menées par Serge Lacasse sous le nom de

« phonostylistique » portent sur les effets paralinguistiques (paralinguistic effects), une notion qu’il élabore en s’appuyant sur les recherches du linguiste Fernando Poyatos (1993)8. Il s’agit de phénomènes vocaux mais non verbaux qui contribuent au sens de l’énoncé et lui ajoutent une série de données expressives. Ce sont par exemple les chutes mélodiques (melodic drops), le vibrato et le trémolo, la voix « craquée » (creaky voice). Parmi eux, des aspects de timbre jouent un rôle important : ce sont les paralinguistic qualifiers, tels que voix soufflée (breathy), voix rauque (raucous), voix de fausset. Serge Lacasse considère que le chant de chanson (popular singing) est similaire à l’utilisation parlée de la voix, qu’on y rencontre les mêmes traits paralinguistiques et qu’ils revêtent le même sens en chanson qu’en parole. Il analyse alors « Where Will I Be » d’Emmylou Harris (Lacasse et Lefrançois, 2008), diverses chansons de Tori Amos, Alanis Morissette, Peter Gabriel (Lacasse 2009), ou « Breathe me » de Sia (Lacasse 2010). Indépendamment, comme on le voit, du courant musical considéré (country, pop, ou rock en un sens très général), il montre le lien entre le sens des paroles, les intentions expressives, et les traits paralinguistiques rencontrés. Il s’agit donc d’une exégèse des couleurs vocales utilisées dans la chanson à la lumière de connaissances linguistiques.

8 Serge Lacasse travaille aussi, dans une moindre mesure, avec les écrits d’Ivan

Fonagy et de Pierre Léon.

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Serge Lacasse s’intéresse entre autres à un trait paralinguistique dit cry breaks, désignation inventée par l’anthropologue Greg Urban (1988, 389-391) dans son article sur les lamentations rituelles de diverses cultures amérindiennes brésiliennes. Greg Urban a repéré dans ces répertoires, distincts entre eux, la récurrence de quatre « signes du pleur » : le cry break, l’inspiration voisée (voiced inhalation), la voix craquée (creaky voice), et la voyelle en fausset (falsetto vowel). Il souligne que ces signes vocaux de pleurs sont transculturels, par opposition à d’autres caractéristiques des lamentations (wailing), qui sont propres à telle ou telle des communautés qu’il étudie. Il y aurait donc selon cet auteur, et selon Serge Lacasse après lui, certains usages de la voix qui ne dépendraient pas de la culture dans laquelle on se trouve : les gestes vocaux du pleur en feraient partie, ainsi que probablement les manifestations vocales du rire, auxquels on peut ajouter d’autres phénomènes comme « le murmure de l’intimité » (whispering of intimacy) (Poyatos cité dans Lacasse et Lefrançois 2008). De ce fait, tout répertoire chanté serait amené à signaler vocalement de la même manière le pleur, le rire ou l’intimité.

2. Outils Pour repérer et analyser les caractéristiques vocales, on recourt à

divers moyens : de l’écoute à l’enquête ethnographique, en passant par l’analyse acoustique ou physiologique.

2.1. Analyse auditive Le premier, le plus important et dont les capacités immenses ne

doivent pas être sous-estimées, est tout simplement l’écoute. C’est par l’écoute que Serge Lacasse repère dans des chansons les traits paralinguistiques (paralinguistic features) signalés par Fernando Poyatos pour la langue parlée ; par l’écoute que l’on établit les étendues vocales utilisées dans une chanson ou un album ; la stabilité ou non des hauteurs produites par une voix chantée ; les appuis et contours prosodiques et leur dialogue avec les appuis et contours musicaux ; les manières de prononcer une langue et leur rapport à des styles parlés déjà étudiés. Des outils plus systématiques, plus contrôlables et plus objectifs, comme les logiciels d’analyse acoustique, permettent mesure et visualisation, mais en général celles-ci permettent simplement la validation puis la présentation des résultats par le chercheur. Ces logiciels ne sont que rarement l’outil exploratoire sur lequel il a bâti ses recherches. Les travaux de Serge Lacasse ou de Céline Chabot-Canet ne sont aussi

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féconds que grâce à leur oreille, utilisée dans un premier temps ; la visualisation réalisée par les logiciels ou les tests calculatoires portant sur le signal leur servent en général en aval de leurs constats d’écoute. Dans les publications de ces chercheurs ou d’autres musicologues, les spectrogrammes ou d’autres représentations schématiques du son servent aussi à transmettre leurs résultats dans le cadre d’une communication sur papier, mais les communications orales appuient aussi leurs démonstrations sur la diffusion sonore des exemples. Il est donc essentiel d’accorder à l’oreille toute son importance et de faire confiance à l’écoute pour explorer les dimensions analysables d’une production vocale. Apprendre à écouter, discerner, nommer les phénomènes vocaux est la première tâche à mener à bien si l’on veut analyser les voix de chansons, tous styles confondus.

2.2. Analyse acoustique Les facilités informatiques actuelles permettent d’utiliser

relativement facilement et gratuitement des logiciels d’analyse acoustique : ils calculent les caractéristiques acoustiques d’un signal qu’on leur soumet et les représentent sous diverses formes : schémas amplitude/temps ou spectrogrammes (répartition des fréquences/temps), permettant selon les cas d’extraire et de représenter les harmoniques, les formants, le niveau d’harmonicité, l’intensité ou la fréquence zéro, pour un son donné.

Ces logiciels sont extrêmement nombreux et je me contenterai ici de quelques indications : pour sa thèse (2011), Catherine Lefrançois a utilisé Sonic Visualiser et Praat. Boris Doval, au LAM, travaille avec Praat, Wavesurfer, et Audiosculpt. Dans ses recherches sur la voix dans le black metal, Bérenger Hainaut s’est servi de l’Acousmographe. Comme toujours, le plus important est d’ajuster l’outil aux buts que l’on s’est donnés. Le plus délicat est sans doute moins de trouver le bon logiciel, d’apprendre à l’utiliser, que de trouver des fichiers musicalement élaborés où la voix se laisse analyser par lui. En pratique, la construction du corpus d’analyse est donc aussi délicate, voire plus, que l’investigation proprement dite.

2.3. Analyse physiologique Toute une famille de recherches sur la voix s’appuie sur la

compréhension et l’analyse physiologique du fonctionnement des organes vocaux. Les chercheurs du LAM (Michèle Castellengo, puis Nathalie Henrich, Sylvain Lamesch, Maëva Garnier), l’équipe récente

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GIPSA-lab, fédérée à Grenoble par et autour de Nathalie Henrich, et différents chercheurs avec des préoccupations similaires (en linguistique et phonétique à Paris III, dont Claire Pillot-Loiseau9, ou en phoniatrie, comme Gérard Chevaillier) incluent dans leurs recherches les aspects physiologiques, par conséquent s’appuient sur tous les outils existants dans ce domaine.

Travaillant avec des chanteurs ou chanteuses qui acceptent de leur donner du temps et de se prêter à divers protocoles, parfois inconfortables (appareils d’endoscopie), ils utilisent sur eux les techniques disponibles. Les principaux procédés sont la visualisation du larynx et des mouvements de cordes vocales par la stroboscopie (à environ 25 images par seconde), améliorée depuis peu par la cinématographie ultra rapide (images numériques captées à raison de 4000 images par seconde)10, et l’étude des mouvements des cordes vocales grâce à l’EGG (électro-glottogramme)11. Établi au moyen d’un appareil non invasif posé à l’extérieur du cou, l’EGG mesure une intensité électrique liée à la surface plus ou moins grande d’accolement des cordes vocales. Il permet d’établir la fréquence de leurs vibrations, de calculer le quotient ouvert (durée d’ouverture des cordes divisée par la durée de la période vibratoire) et fournit des indices efficaces pour distinguer leurs différents mécanismes vibratoires.

Les autres paramètres intéressant les chercheurs en physiologie de la voix sont le rapport entre conformation de l’appareil vocal (larynx et conduit vocal) et des variables comme la fréquence fondamentale (hauteur émise), l’intensité de la voix (que l’on peut mesurer par la pression sous-glottique), le timbre perçu, la déformation des voyelles, etc. La conformation de l’appareil vocal englobe des données comme la hauteur du larynx, l’ouverture et l’étirement des lèvres, la position articulatoire, celle de la langue. L’étude des résonances dans le conduit vocal (dépendant de la mise en forme de celui-ci par le chanteur) a fait récemment l’objet de plusieurs publications collectives12. Effort et fatigue vocale sont aussi abordés dans ce champ de recherches, par exemple à propos des bilingues par Claire Pillot-Loiseau et al. (2012).

9 Dont une recherche en cours sur la human beatbox (voir De Torcy et al., 2010). 10 Chevaillier et al., 2010. 11 Cette méthode et ses résultats sont expliqués dans Lamesch, 2010, p. 11-12. 12 Dont Garnier et al., 2008, 2010.

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2.4. Interpréter un fait sonore par l’apport d’une enquête ethnographique Rappelons qu’aucune mesure objective ne suffit à comprendre une

production humaine, encore moins quand celle-ci est d’ordre symbolique et esthétique comme la musique ou le chant. Ainsi, aucune des méthodes de caractérisation objective dont il vient d’être question n’a de sens en dehors du milieu humain et du contexte musical dans lequel on les rencontre. C’est pourquoi les analystes de la voix sont très attentifs à la dimension « perçue » de ces caractéristiques, y compris quand elle est en contradiction avec les mesures objectives qu’ils établissent parallèlement. Chevaillier (avec Guilbault, Renard, et al., 2011) dans son étude des voix saturées, aussi bien que les chercheurs du LAM, associent souvent à leurs recherches physiologiques des enquêtes de perception, afin de vérifier le degré d’adéquation entre le mesuré et le perçu.

On touche ici à la dimension « ethnographique » de toute enquête sur des comportements sociaux ‒ et l’usage de la voix humaine est fondamentalement social. Un bel exemple en est l’enquête, déjà citée, de Greg Urban sur les lamentations rituelles dans diverses communautés amérindiennes au Brésil : s’il analyse au plus près ses bandes enregistrées afin par exemple de définir les « icônes du pleur », s’il y ajoute une compréhension musicologique (durée des phrases « pleurées », place proportionnelle des sons vocalisés et des moments syllabiques, contours mélodiques), il y adjoint une étude ethnographique par observation directe, il participe le temps de son enquête à la vie des personnes dont il observe les rituels, il dialogue avec elles dans une relation qui dépasse celle de l’enquêteur à l’enquêté, et tout cela lui permet de mieux saisir en profondeur le sens de ces lamentations, les constructions symboliques et sociales dont elles font partie, qui les structurent et qui leur donnent sens. Son article perdrait une grande partie de son intérêt et de sa justesse si ce n’avait pas été le cas. Quand j’ai étudié le style vocal de Juliette Gréco, de Katerine Gierak de Mademoiselle K, ou de Bruno Joubrel, j’ai interprété mes analyses à la lumière des propos de ces artistes, de ce qu’ils disent de leur chant, de leur art, et de ce qu’en disent leurs partenaires : ainsi seulement pouvait-on caractériser comme « rock » la voix de Katerine Gierak, ou inscrire la diction « hyper-articulée » de Juliette Gréco, le grand contrôle vocal de Bruno Joubrel, dans les visées esthétiques et stylistiques dont ils se sentent porteurs (Rudent 2011).

On ne saurait donc trop recommander de porter une grande attention au contexte social, musical, discursif, dans lequel les voix étudiées sont émises, reçues, perçues. Cela permettra de mieux discerner lesquelles de leurs caractéristiques sont absolument à prendre en compte,

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et lesquelles peuvent être laissées de côté. Cela permettra aussi d’augmenter la justesse des analyses, dès que celles-ci articuleront leur part descriptive à leur dimension interprétative et explicative.

3. Mécanismes laryngés La direction la plus prometteuse pour l’instant, dans l’édification

d’une stylistique musicale de la voix de chanson, est l’étude à la fois perceptive, acoustique et physiologique des mécanismes vocaux.

3.1. Définitions En 2009, Castellengo, Henrich et Roubeau publient un article qui

récapitule leur remise en cause du vocabulaire des « registres » (« voix de tête », « voix de poitrine ») lorsqu’on analyse une voix chantée. Les auteurs remplacent ce vocabulaire trop perceptif, dont le sens est variable et trop flou, par celui des « mécanismes » vibratoires du larynx. Ils sont quatre, numérotés M0 (voix « fry ») à M3 (« sifflet »). Les deux principalement utilisés dans le chant sont le M1 (utilisé pour la voix dite de poitrine, mais pas seulement) et le M2 (utilisé principalement pour la voix dite « de tête » et le fausset).

Ces mécanismes disposent d’une large « zone de recouvrement »13, c’est-à-dire que toute personne a une palette de hauteurs qui peuvent être émises aussi bien avec le M1 qu’avec le M2, la couleur vocale résultant de ce choix étant différente (sauf les cas où le chanteur s’entraîne à masquer cette différence).

Les phonétogrammes de Sylvain Lamesch (2010), évoqués plus haut, présentent d’ailleurs de manière distincte les zones couvertes par les deux mécanismes, pour chaque sujet, et mettent ainsi en évidence leur large intersection, qui correspond à cette zone de recouvrement. De manière intéressante, la zone de recouvrement est quasi identique chez les hommes et chez les femmes, c’est-à-dire que tout gosier humain, indépendamment du sexe, a la même plage d’intersection entre son M1 et son M2 et doit « passer » de l’un à l’autre pratiquement sur les mêmes hauteurs, que ce soit dans un sens (en « descendant » vers les graves) ou dans l’autre (en « montant » vers les aigus).

L’utilisation variée des mécanismes laryngés est une des caractéristiques les plus décisives d’un style vocal donné, que l’on parle de style individuel ou de styles collectifs comme la soul, le heavy metal, la country, etc. Selon les personnes, selon les familles stylistiques, l’un

13 Lamesh, 2010, p. 17.

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sera privilégié par rapport à l’autre (Gréco ne chante pratiquement qu’en M1, les voix féminines lyriques occidentales n’utilisent presque que le M2), ou bien ils seront présents tous les deux (en soul, en pop). De plus, la différence de couleur entre les deux registres peut être mise en évidence à des fins expressives (Ray Charles, Al Green, en soul), ou estompée afin d’obtenir un timbre homogène de la voix sur toute l’étendue (chant lyrique occidental, chanteurs de chanson utilisant une technique proche de celui-ci). Un changement de mécanisme s’accompagne d’une « rupture » des paramètres physiologiques donc acoustiques : cette cassure du son vocal peut être laissée en évidence (yodel de Hank Williams dans sa reprise de « Lovesick Blues ») ou estompée et adoucie au maximum (yodel de Julie Andrews dans « The Lonely Goatherd », passages au fausset de Polnareff dans « Love me, please love me », de Luis Mariano dans « Mexico »).

3.2. Belting et chant lyrique Quelques habitudes concernant les mécanismes laryngés sont

particulièrement importantes. Ainsi, il existe une couleur très caractéristique de la voix, utilisée dans de nombreux styles de chansons phonographiques. Elle a été étudiée sous le nom de « son belt » (belt sound), allusion à une sollicitation importante de la ceinture (belt) abdominale. Du point de vue physiologique, on peut la résumer à l’utilisation du M1 à des hauteurs si aiguës qu’il devient difficile à maintenir et demande une maîtrise technique particulière. Du point de vue acoustique, il est, comme tous les sons du M1, caractérisé par un spectre plus riche en aigus que les sons de même fréquence fondamentale en M2. Du point de vue perceptif enfin, c’est un son qui apparaît comme très énergique et puissant, et certains auditeurs peuvent l’appeler « cri » ; cela vient peut-être d’une perception intuitive des diverses tensions musculaires nécessaires pour sa production et sans doute du brillant, voire de l’agressivité, dus à la présence d’un riche spectre de fréquences aiguës. Cette technique est extrêmement utilisée depuis l’entre-deux guerres dans les répertoires chantés afro-américains, autant par les hommes que par les femmes ; on la retrouve donc logiquement dans la soul, à partir du milieu des années 1950 (Ray Charles) puis chez de grands interprètes de ce style dans les années 1960 (Aretha Franklin, Otis Redding). Elle s’est généralisée à toutes sortes de styles musicaux médiatiques chantés dans les années 1980 et 1990, devenant depuis lors presque la norme technique du chant en popular music.

Elle a été très étudiée depuis quelques années, venant heureusement compléter la bibliographie, qui avait tendance jusque là à

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rester centrée sur les techniques du chant lyrique ou des répertoires extra-occidentaux particuliers14. On a pu vérifier que, bien au-dessus du la 3, les sons belt sont produits avec le M1, alors que la couleur classique (appelée « legit » pour « legitimized », donc « légitimée ») est produite par le M2 aux même hauteurs ; on a aussi constaté, pour le son belt, un larynx plus haut, une langue plus soulevée, un conduit vocal rétréci, d’où résulte la plus grande richesse en fréquences au-dessus de 1000 Hz (et un premier formant plus haut), par conséquent la perception d’un son plus « brillant » (Garnier et Bourne, 2010, p. 1-2) qui permet par exemple à la voix de passer, même sans amplification, au-dessus d’un orchestre puissant, avec des cuivres et une batterie (rappels historiques intéressants dans Bourne, Garnier, Kenny, 2010, p. 2).

Malheureusement les mécanismes laryngés ne peuvent pas être établis avec certitude à la simple perception auditive. Or il est en général impossible de valider empiriquement ce que l’on entend sur un enregistrement que l’on souhaite analyser. Insistons donc sur deux principes fondamentaux dans ce domaine : d’abord, ne pas affirmer de manière péremptoire, à l’écoute, quel mécanisme laryngé est utilisé par un chanteur à un moment donné. La pratique personnelle du chant ou l’habitude de travailler sur cette question permettent d’affiner les hypothèses, mais on reste dans l’établissement de probabilités et non de certitudes. Cependant, même ainsi, ces probabilités fondées sur la perception ont déjà beaucoup à nous apprendre, car le chant est aussi affaire de perception, de même que le style musical. Surtout, deuxièmement, quand le chanteur fait alterner de manière rapprochée deux couleurs vocales différentes, et en particulier quand il passe de l’une à l’autre en conservant apparente la transition entre les deux, alors on sait qu’il change de mécanisme et l’on peut dire, dans ces cas, avec certitude, quand il est en M1 ou en M2. Cela est vrai des passages en yodel, mais aussi de cas d’alternance moins resserrée comme ceux qui se produisent dans le répertoire soul (Al Green, « Let’s Stay Together »), dans les passages au fausset cités plus haut de Luis Mariano et de Polnareff, dans le « SOS d’un terrien en détresse », par Daniel Balavoine. La perception est aussi probante dans les cry breaks et les effets vocaux similaires du rock’n’roll (Jerry Lee Lewis, « Great Balls of Fire », Little Richard, « Lucille »).

14 La bibliographie récente inclut deux articles de Bourne et al., 2010.

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3.3. Voix saturée Une utilisation particulière de l’appareil vocal a été étudiée par

Gérard Chevaillier, Rachel Guilbault et Jean-Noël Renard sous le nom de voix saturée. Ce terme est employé par analogie avec les guitares saturées du heavy metal, car il s’agit de voix utilisées largement dans les répertoires appelés rock « metal ». Soulignons cependant que ces voix ne sont pas saturées au sens strict : il n’y a pas un dépassement des capacités vocales ordinaires qui conduirait à un dysfonctionnement volontaire, apprécié pour sa couleur. En effet les « voix saturées » sont des voix fonctionnelles, mais volontairement bruitées. Le terme de « saturé » relève donc plutôt ici d’une analogie perceptive, insistant sur une cohérence stylistique (ces voix « vont bien avec » les sons de guitare saturée, la guitare saturée produisant un effet comparable de « forçage ») que d’une réalité mécanique. Reconnaissons toutefois qu’il est parlant et efficace.

Les travaux15 sur cette couleur vocale montrent qu’elle est obtenue grâce à la « co-vibration » des cordes vocales et des bandes ventriculaires, un repli muqueux situé juste au-dessus des cordes vocales. Ils établissent aussi que cette utilisation se fait dans un rapport « harmonieux » (le terme est de moi) avec les cordes vocales, puisque la période vibratoire des bandes ventriculaires est dans les cas observés multiple (par deux, par trois) de la période vibratoire des cordes vocales au même moment. Le son obtenu est un son vocal bruité, brouillé, dont la couleur « anormale », voire inquiétante, est particulièrement recherchée dans des styles musicaux aimant les connotations obscures, morbides, ou sauvages. Ce n’est cependant pas un « mécanisme vibratoire laryngé » au sens propre.

4. Styles vocaux Après ce tour d’horizon des principales caractéristiques vocales, de

la manière de les étudier et de ce que l’on sait sur elles, voyons comment elles permettent de travailler en stylistique, dans une approche musicologique. Dans cette dernière partie, je présenterai quelques cas où les utilisations spécifiques de la voix contribuent fortement à l’appartenance stylistique musicale du morceau.

15 Deux articles de Chevaillier et al., 2011.

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4.1. Country-western québécois Un bel exemple de stylistique vocale en chanson phonographique

est la thèse (2011) de Catherine Lefrançois, à Laval, dirigée par Serge Lacasse : la chercheuse y définit et étudie de près les caractéristiques vocales de la chanson « country-western », la version québécoise, au milieu du XXe siècle, de la country des USA. Elle montre les aspects acoustiques et les utilisations artistiques de trois procédés vocaux, eux-mêmes importés des USA, mais nuancés par une couleur locale : la nasalisation, les cry breaks, et le yodel. Son étude fine du moment de transition entre M1 et M2 pour les deux derniers traits est très remarquable. Notons que son corpus, fait d’enregistrements relativement anciens, ne l’a pas empêchée de travailler très efficacement avec les logiciels d’analyse acoustique mentionnés plus haut. Le mixage qui met la voix très en avant et la sobriété de l’accompagnement, généralement assuré par des instruments acoustiques (principalement des guitares) ont rendu la chose possible.

4.2. Soul La vocalité, ou style vocal, de la soul est à la fois remarquable,

techniquement difficile, et d’une cohésion, malgré la diversité des directions musicales, qui appelle les considérations stylistiques. On peut souligner, dans ce style maintenant vieux de plusieurs décennies, l’importance de techniques vocales issues du gospel ; la valorisation des voix de grande étendue (deux octaves ou plus) ; la prégnance du son belt ; l’utilisation expressive des contrastes de mécanismes laryngés, le M2 étant souvent utilisé pour des improvisations vocalisées ornementant la mélodie principale et lui donnant une espèce de résonance émotionnelle ; la superposition progressive par la voix principale de mélodies nouvelles sur celles déjà entendues (qui sont maintenues par des voix de backing ou par l’accompagnement instrumental) ; et d’une façon générale la progression en intensité croissante de la chanson. Cette progression donne occasion à la voix de montrer, au fur et à mesure des retours thématiques, l’étendue de ses moyens, que ce soit dans le déploiement vers l’aigu, l’ajout d’ornements vocaux de plus en plus nombreux et de plus en plus longs, la multiplication des séquences de notes improvisées et l’utilisation de moins en moins verbale de la voix (vocalises, texte restitué incomplètement et en désordre) (Bowman 2008 ; Rudent 2003, 2007).

La soul est un objet parfait pour une stylistique vocale, montrant à la fois combien la voix « travaillée » ne se limite pas en Occident à la « voix d’opéra », comme on le lit ou l’entend trop souvent ; et à quel

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point l’utilisation normée de la voix est essentielle à l’appartenance stylistique de la chanson ‒ alors que dans d’autres courants musicaux, on peut avoir l’impression que ce qui définit le style est plutôt l’agencement instrumental, la voix ne posant dessus, librement, que la couleur individuelle et le style singulier, unique, de la personne qui chante.

4.3. Heavy metal Certaines tendances du rock se définissent aussi en partie autour

d’usages spécifiques de la voix. J’ai eu l’occasion d’étudier dans le détail à propos de Deep Purple, dans leur chanson « Speed King », comment le « falsetto viril » est présent dans le heavy metal (Rudent, 2005). Cet « aigu viril » est familier à tous ceux qui écoutent abondamment ce type de rock, où il est souvent désigné en français par les termes volontairement « ensauvagés » de hululement, ou de hurlement. Par ailleurs, la « voix saturée » dont il a été question précédemment, avec ses bandes ventriculaires comme « co-vibrateurs » des cordes vocales, est présente presque systématiquement dans ce qu’il est convenu d’appeler metal extrême. Bérenger Hainaut a entrepris une étude très fouillée du style black metal dans un mémoire (Hainaut, 2012) qui sera complété prochainement pour une publication sous forme d’ouvrage, incorporant une section sur la voix « saturée » du black metal, et visant à la distinguer de celle du death metal. La bibliographie, qu’il a explorée de manière très approfondie, pointe vers une mise en vibration non seulement des bandes ventriculaires mais parfois peut-être des cartilages aryténoïdes ainsi que de l'épiglotte16.

4.4. Les styles vocaux de la chanson phonographique en France : quelles tendances ? On ne peut établir d’homogénéité comparable dans les chansons

phonographiques produites en France lors des six dernières décennies. On peut toutefois souligner que cet ensemble très hétéroclite musicalement a tendance à suivre les styles musicaux imposés par les tendances internationales, généralement dominées par les USA et le Royaume-Uni. En même temps, si cette imprégnation permanente et ce suivisme sont très sensibles en ce qui concerne les styles instrumentaux, les styles vocaux restent un peu moins malléables aux influences, ce qui résulte peut-être plus d’une permanence des habitudes corporelles (donc vocales), acquises depuis la naissance, que d’une volonté réelle et

16 Rachel Guilbault et Jean-Noël Renard, 2007.

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consciente. L’effet des sons de la langue et des habitudes phonatoires du français est aussi un domaine encore en friche pour la recherche, mais qui joue très probablement un rôle important.

Par ailleurs, on note très souvent, et dans des chansons profondément différentes, très éloignées entre elles en termes d’« aire culturelle », une utilisation de la voix parlée ou semi-parlée, qui rejoindrait alors la tendance française, elle aussi très répandue, à privilégier la voix comme porteuse d’un texte, une voix parleuse donc, plutôt que la voix comme transmetteuse de musique ou voix chanteuse. Il est frappant de constater combien ce parlé est omniprésent, qu’on pense à ses « porte-parole » les plus reconnus (Léo Ferré, Gréco) ou à des chansons qui n’ont presque rien en commun avec la tradition intellectuelle volontiers gauchisante des cabarets « d’esprit rive gauche » des années 1950 : dans les années 1980, les succès répétés de Bashung mettent en vedette son semi-parlé rythmique, l’introduction d’« Andy » des Rita Mitsouko est une scène dialoguée dite par la chanteuse Catherine Ringer. Le succès très remarquable du rap en France serait peut-être à rattacher à ces voix parleuses, de même que l’efflorescence ultérieure du slam. Etudier, musicologiquement et stylistiquement, ces parler-chanter, c’est être très attentif à leur diversité énorme, et prendre en compte soigneusement la musicalité du parlé (la prosodie) ainsi que la capacité des sons non verbaux à « discourir » (le phrasé).

5. Questions résiduelles : enregistrement et performance Par définition, travailler sur des chansons populaire

phonographiques, c’est travailler sur des voix (chansons) enregistrées (phonographiques). Or le processus d’enregistrement est loin d’être transparent et « fidèle ». De très nombreuses recherches sur la pop et le rock, depuis environ trente ans, soulignent combien les procédés et les possibilités de l’enregistrement sont artistiques au plein sens du terme et combien la phonographie, les choix de production, sont décisifs dans les styles musicaux des chansons depuis plus de cinquante ans. Pour réfléchir aux stylèmes vocaux phonographiques, la thèse de Serge Lacasse (2000) est fondatrice. Elle pose l’idée stimulante de l’enregistrement comme « mise en scène » de la voix. On trouvera aussi ce type de réflexion dans de nombreux articles de ce chercheur, comme celui sur Alanis Morissette (2002).

Pour ma part, j’ai récemment analysé les différences entre processus d’enregistrement instrumental et processus d’enregistrement vocal dans des albums français du début de ce siècle (Rudent, 2011) :

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contrairement aux instruments, le travail sur les parties vocales se fait en amont du processus phonographique, de sorte que l’interprétation vocale devient un élément plus fixe, central et séparé des interprétations instrumentales, qui s’agencent souplement et ultérieurement autour d’elle. Ce statut séparé se retrouve dans l’enregistrement proprement dit : les prises vocales se font souvent à part dans le temps (avant ou après, selon les cas étudiés) et isolément (hors de la présence des instrumentistes accompagnant) et les pistes de voix sont l’objet de traitements phonographiques moins nombreux, plus discrets et plus réalistes, au moment du mixage, que les pistes instrumentales.

Par ailleurs, la voix reste aussi « séparée » dans la bibliographie sur les technologies sonores récentes : si l’on étudie volontiers les mutations récentes dues à l’inflation des possibilités numériques, leurs réper-cussions sur l’enregistrement des voix sont peu abordées ‒ peut-être parce qu’elles ne sont pas énormes. Timothy Warner (2003) rappelle cependant la vogue de l’Autotune et du clivage authenticité/artifice, très aigu concernant la voix ; et il faut bien rappeler que l’Autotune, avant d’être un effet clinquant d’artificialisation de la voix, est un logiciel permettant de corriger des hauteurs de notes insatisfaisantes. Les travaux d’Olivier Julien sont présents dans ce paysage bibliographique, étant donné la rigueur avec laquelle il analyse des procédés aussi décisifs historiquement que le slap echo ou le doublage (Julien, 1999).

Enfin, rappelons l’importance des problématiques de la performance (au sens initialement linguistique de l’acte énonciatif) quand on traite d’énonciation musicale et d’interprétation artistique. S’il n’est pas temps ici de développer cette notion, concluons toutefois la présente réflexion en rappelant que les chants dont nous venons de parler ne sont pas des « interprétations » au sens usuel du terme, parce que la voix n’y décline pas une variante d’un modèle donné préexistant et indépendant de son exécution à un moment donné. Dans le cas, très fréquent, d’auteurs compositeurs interprètes chantant leur propre musique, et souvent en donnant des versions profondément différentes au fil du temps et des occasions, alors il faut bel et bien parler de « performance vocale », voire inventer avec Julie Mansion-Vaquié (2011), le terme d’ « intra-prétation », pertinent quand un musicien (un chanteur, dans notre cas) performe lui-même une musique de lui et dont le modèle n’existe pas en dehors de ce moment où il l’exécute ‒ que cela se produise sur scène, pour lui seul, ou dans l’intimité d’un studio de répétition ou d’enregistrement

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Bibliographie Certains ouvrages ont alimenté ma réflexion et sont donc mentionnés dans

cette liste, même quand je ne les ai pas cités expressément dans le corps de ce texte. Je m’appuie aussi par endroits sur des échanges oraux avec des collègues chercheurs ou avec des étudiants de séminaires, dont le nom ne figure pas dans cette section bibliographique. Mes remerciements vont particulièrement, à ce titre, à Michèle Castellengo, à Boris Doval, à Robert Expert, à Ronan Martin et à Anna Agostini. BEAUMONT-JAMES, Colette, 1999, Le français chanté ou la langue enchantée

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Gaby », [single], Philips, 1980. Francis Cabrel, « La Corrida », Samedi soir sur la terre, Columbia, 1994. Al Green, « Let’s Stay Together », Let’s Stay Together, Hi Records, 1971. Philippe Katerine, « Louxor j’adore », Robots après tout, Barclay Records, 2005. Jerry Lee Lewis (interprète), Otis Blackwell (compositeur et auteur), « Great Balls

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Notorious B.I.G., « Ready to die », Ready to Die, Bad Boy Records, 1994.

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Renaud, « Laisse béton », [album sans titre], Polydor, 1977.

Les Rita Mitsouko, « Andy », The No Comprendo, Virgin Records, 1986.

A Tribe Called Quest, « Excursions », The Low End Theory, Jive Records, 1991.

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Hank Williams (interprète), Cliff Friend (compositeur), Irving Mills (auteur), « Lovesick Blues », [MGM Records], 1949.