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Pascale Desrumaux, Sabine De Bosscher & Véronique Léoni / PTO – vol 14 – n°3 Numéro spécial recrutement - N° 1 238 Les profils recherchés et rejetés par des recruteurs professionnels en France Ideal and unacceptable profiles according to professional recruiters in France Sonia LABERON* & Anne-Marie VONTHRON** Laboratoire de Psychologie EA 4139, Université Victor Segalen Bordeaux 2, 3ter, place de la Victoire-F-33076 Bordeaux Cedex – *[email protected] **[email protected] Résumé La présente recherche explore les attentes pro-sélectives et contre-sélectives des recruteurs en termes de pré-requis pour l’embauche à des postes de travail de niveau de qualification différents. Des professionnels du recrutement (N=384), exerçant en France, indiquent après lecture d’un profil de poste (cadre ou ouvrier), les cinq caractéristiques les plus contre-indiquées d’une part et les plus indispensables d’autre part à la réussite dans le poste proposé. Les résultats vont dans le sens de nos hypothèses et mettent en évidence une forte prédominance des traits de personnalité dans les réponses des recruteurs. En outre, les profils de personnalité « idéaux » et « rédhibitoires » mis en évidence sont différenciés selon le niveau du poste. Enfin, pour les postes de cadres comme pour les postes d’ouvriers, le profil « idéal » n’est pas une simple inversion du profil « rédhibitoire », chacun regroupant des traits de personnalité spécifiques. Abstract This research explores the expectations of recruiters in terms of what they think are prerequisite qualifications of applicants at different job levels. The professional recruiters (N=384) practicing in France, read a job profile (managers or blue-collar workers) and subsequently indicated the five most advisable and inadvisable characteristics for performance on the job. The results confirm our hypothesis and are evidence of a strong prevalence of personality traits in recruiters' choices. Moreover, the profiles of the « ideal » and « unacceptable » personality mentioned by the recruiters differ according to the job level. Finally, for the management level as well as for the blue-collar worker level, the « ideal » profile is not a simple reversal of the « unacceptable » profile, each profile implies specific personality traits. Mots-clés : Recrutement, personnalité, niveau du poste, attentes pro-sélectives/contre- sélectives. Key words : Recruitment, personality profiles, implicit theories, job level.

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Pascale Desrumaux, Sabine De Bosscher & Véronique Léoni / PTO – vol 14 – n°3 Numéro spécial recrutement - N° 1

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Les profils recherchés et rejetés par des recruteurs professionnels en France

Ideal and unacceptable profiles according to professional recruiters in France

Sonia LABERON* & Anne-Marie VONTHRON**

Laboratoire de Psychologie EA 4139, Université Victor Segalen Bordeaux 2, 3ter, place

de la Victoire-F-33076 Bordeaux Cedex – *[email protected] **[email protected]

Résumé La présente recherche explore les attentes pro-sélectives et contre-sélectives des recruteurs en termes de pré-requis pour l’embauche à des postes de travail de niveau de qualification différents. Des professionnels du recrutement (N=384), exerçant en France, indiquent après lecture d’un profil de poste (cadre ou ouvrier), les cinq caractéristiques les plus contre-indiquées d’une part et les plus indispensables d’autre part à la réussite dans le poste proposé. Les résultats vont dans le sens de nos hypothèses et mettent en évidence une forte prédominance des traits de personnalité dans les réponses des recruteurs. En outre, les profils de personnalité « idéaux » et « rédhibitoires » mis en évidence sont différenciés selon le niveau du poste. Enfin, pour les postes de cadres comme pour les postes d’ouvriers, le profil « idéal » n’est pas une simple inversion du profil « rédhibitoire », chacun regroupant des traits de personnalité spécifiques. Abstract This research explores the expectations of recruiters in terms of what they think are prerequisite qualifications of applicants at different job levels. The professional recruiters (N=384) practicing in France, read a job profile (managers or blue-collar workers) and subsequently indicated the five most advisable and inadvisable characteristics for performance on the job. The results confirm our hypothesis and are evidence of a strong prevalence of personality traits in recruiters' choices. Moreover, the profiles of the « ideal » and « unacceptable » personality mentioned by the recruiters differ according to the job level. Finally, for the management level as well as for the blue-collar worker level, the « ideal » profile is not a simple reversal of the « unacceptable » profile, each profile implies specific personality traits. Mots-clés : Recrutement, personnalité, niveau du poste, attentes pro-sélectives/contre-sélectives. Key words : Recruitment, personality profiles, implicit theories, job level.

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1. Introduction

La plupart des travaux sur les pratiques de sélection du personnel en France ont mis en évidence l’utilisation massive et préférentielle des techniques d’évaluation de la personnalité par les recruteurs (Bruchon-Schweitzer & Ferrieux, 1991 ; Laberon, Lagabrielle & Vonthron, 2005). Les caractéristiques de personnalité seraient prédominantes dans la sélection professionnelle (Bellier-Michel, 1998) et un profil « idéal » répondrait aux exigences des employeurs quels que soient les postes à pourvoir (Descamps, Priou, & Dangler, 1989). De tels constats incitent à étudier les représentations qu’ont les recruteurs des caractéristiques qui prédisent la réussite professionnelle et à explorer plus précisément ce profil « idéal ». En outre, si l’existence d’un tel agencement d’attributs de personnalité semble avérée, il est possible d’envisager qu’il soit assorti d’un ensemble de caractéristiques considérées comme défavorables à l’embauche. Dans ce cadre, les attentes des recruteurs sont ici examinées sous l’angle de profils pro-sélectifs mais aussi contre-sélectifs. 2. Cadre Théorique

2.1. Les pratiques de sélection et évaluation de la personnalité dans le cadre du recrutement en France

L’étude de Bruchon-Schweitzer & Ferrieux (1991) a montré que dans le

recrutement, l’instrumentation de la recherche d’information est assez clairement orientée vers l’évaluation de la personnalité. Elle passe massivement par l’entretien (99%), la graphologie (93%) et les inventaires de personnalité (61%). Les techniques projectives (20,5%) ainsi qu’un éventail de méthodes qualifiées d’irrationnelles4 (Bruchon-Schweitzer, 2006) telles que la morphopsychologie ou la numérologie sont également mises en œuvre mais moins représentés (15%). A ces principales méthodes succèdent les tests d’aptitudes et d’intelligence (63%), les mises en situation professionnelles (34%), la prise de références (10,5%).

Pour compléter cet état des lieux général, l’étude de Laberon et

al.,(2005) permet de préciser les pratiques évaluatives des recruteurs selon le niveau de qualification du poste à pourvoir : cadre/ouvrier (cf. Tableau 1). Des différences dans la procédure de recrutement et dans les objets évalués sont identifiées. Malgré une évolution qui semble aller vers une évaluation plus marquée des compétences comportementales (les mises en situation comportementales et professionnelles sont plus d’actualité), le niveau du poste à

4 La graphologie en faisant partie.

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pourvoir semble réellement contribuer au choix des techniques de sélection. En effet, même si l’entretien est principalement utilisé quel que soit le poste visé, les outils de mesure de la personnalité telles que, les inventaires de personnalité, les techniques projectives, la graphologie et autres techniques irrationnelles sont employés plus spécifiquement pour les recrutements de cadres. Les mises en situations professionnelles concernent en fait davantage la sélection des personnels de plus bas niveau de qualification.

Tableau 1

Pratiques évaluatives des recruteurs selon le niveau de qualification du poste à pourvoir : cadre/ouvrier (Laberon et al., 2005)

Techniques

% d’utilisation total

% d’utilisation haut niveau

% d’utilisation bas niveau

χ 2 Haut/Bas

Entretien 100% 100% 100% NSGraphologie 40,7% 82,8% 11,4% S

Inventaires de personnalité

57,2% 73,9% 45,6% S

Tech projectives 24,8% 29,1% 21,8% NS Autres tech. dites

irrationnelles 6,7% 8,2% 5,7% NS

Tests d’aptitudes 69,11% 69,4% 68,9% NS Mises en situation

comp/prof 59,6% 47,8% 67,9% S

Finalement, il apparaît que les pratiques évaluatives sont centrées sur

l’exploration de la personnalité et notamment pour les postes d’encadrement. Pour ces mêmes postes, les recruteurs affirment, en outre, accorder une grande importance aux caractéristiques de personnalité dans leur sélection, ceci au détriment de l’expérience, des aptitudes et de la formation (Laberon, 2001). A partir de ces constats, il semble intéressant de comprendre pourquoi les caractéristiques de personnalité interviennent autant dans le processus de sélection des recruteurs français.

2.2. La personnalité et la prédiction de la réussite professionnelle Si la mesure de la personnalité reste depuis longtemps fréquente et

stable dans les pratiques de sélection professionnelle, les recherches sur sa valeur prédictive et donc sur sa pertinence dans un tel contexte, sont plus hétérogènes et instables. Populaire dans les années 1940-1950, la mesure de la personnalité a été très controversée dans les années 1960 en raison des biais de réponses et du caractère falsifiable des inventaires mais aussi des résultats de

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certains travaux comme la méta-analyse de Ghiselli (1966), qui relève une corrélation de .05 entre traits de personnalité et réussite professionnelle. Elle a ainsi été considérée comme un prédicteur médiocre de la réussite professionnelle. Le modèle des Big Five a donné lieu à des résultats plus encourageants et a, en quelque sorte, réhabilité la mesure de la personnalité dans le cadre de la sélection professionnelle dans les années 1990. Les travaux de recherche ont estimé sa validité prédictive à .13 pour Salgado (1997) et .15 pour Barrick et Mount (1991) et Hough (1997). Aujourd’hui, malgré la remontée de vives critiques concernant l’exagération des relations entre personnalité et vie professionnelle (Schmitt, 2004), un certain nombre d’auteurs préconisent son utilisation en terme notamment de validité incrémentielle (Levy-Leboyer, 2005 ; De Fruyt, 2006). Autrement dit, combinée avec d’autres types de mesure comme celle des aptitudes, des mises en situation..., la mesure de la personnalité augmenterait la validité prédictive de la performance professionnelle générale (Schmidt & Hunter, 1998).

Quelles que soient les positions des chercheurs, la mesure de la valeur prédictive de la personnalité reste compliquée car elle dépend des critères de réussite professionnelle utilisés. Or les recherches restent souvent imprécises sur le sujet. En outre, les méta-analyses ont tendance à mélanger des dimensions de personnalité qui peuvent sembler proches mais qui ne sont pas de même nature, qui ne renvoient pas au même construit psychologique : traits, intérêts, valeurs (Hogan, De Fruyt & Rolland, 2006). Levy-Leboyer (2005) rajoute que les relations entretenues par la personnalité et le comportement au travail sont extrêmement complexes et que le contexte environnemental peut jouer un effet modérateur sur ces relations qui ne seraient alors qu’indirectes.

Tous ces résultats ne permettent donc pas d’expliquer les raisons de cet engouement pour les caractéristiques de personnalité dans le recrutement, en France comme dans d’autres pays. Courpasson, & Livian (1991) posent également la question du rapport de ces pré-requis avec la réussite professionnelle et suggèrent qu’ils correspondent probablement à des comportements de conformité sociale. L’hypothèse d’une croyance exagérée en l’existence d’une typologie du « bon travailleur » avancée par Bellier-Michel (1998) semble alors des plus plausibles.

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1.3. La personnalité et les représentations sociales de l’efficacité professionnelle

Si des normativités à l’œuvre dans la procédure de recrutement sont

largement étudiées dans l’étape de prise de décision d’embauche, elles le sont moins dans le cadre de la définition du profil du candidat idéal. Autrement dit, des normativités ont été mises en évidence dans des contextes opérationnels (de prise de décision) mais peu dans des contextes explicatifs (de déclaration de pré-requis).

Pourtant, il semble que ces biais socio-cognitifs n’interviennent pas

seulement dans les choix de sélection professionnelle mais aussi dans les attentes décrites par les évaluateurs. Ainsi les représentations sociales de l’efficacité professionnelle alimentées par des stéréotypes, des théories implicites de la personnalité jouent un rôle non seulement dans l’évaluation des candidats mais aussi, en amont, lors de la définition des pré-requis. Elles entraînent ainsi toutes sortes de biais évaluatifs, y compris dans la définition du candidat idéal.

Plusieurs études vont en effet, dans le sens de l’existence d’un profil de

personnalité de l’employé « parfait ». Les résultats de l’enquête réalisée auprès de formateurs professionnels par Chartier & Noci (1998) mettent en évidence, quel que soit le métier considéré, des représentations stéréotypées similaires pour réussir professionnellement. Elles valorisent à la fois l’autonomie et le conformisme, le fait d’être ouvert aux expériences et consciencieux sans différenciation du cadre à l’ouvrier.

Dans ce cadre, Laberon (2000) analyse le contenu d’annonces d’offre d’emploi parues dans la presse pour différents postes de travail. Si les compétences techniques varient en fonction des postes proposés, 67 % des caractéristiques de personnalité requises sont similaires quels que soient le niveau et le secteur d’activité du poste. Les caractéristiques le plus souvent évoquées sont : « le relationnel, le dynamisme, l’écoute, l’esprit d’initiative, la rigueur, l’autonomie, la disponibilité et l’organisation ». Dans une seconde étude (Laberon, 2001), des professionnels du recrutement sont questionnés sur des attributs de personnalité requis pour des postes de travail de niveaux différents (cadres/ouvriers). Les traits attendus par les recruteurs se regroupent sur un facteur général que l’on pourrait nommer « la personnalité idéale ». Ce facteur est constitué de caractéristiques comme la capacité à communiquer, le dynamisme, l’adaptabilité, le goût pour les initiatives... Les caractéristiques de personnalité constitutives de ce profil « idéal » semblent toutefois plus

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attendues par les recruteurs lorsqu’il s’agit de pourvoir des postes d’encadrement que des postes subalternes.

Les travaux évoqués précédemment tendent à poser les attributs de personnalité comme pré-requis privilégiés des recruteurs français. Cependant, si la plupart des recherches considèrent un profil « idéal » correspondant au stéréotype du « bon travailleur », les recruteurs estiment qu’un tel profil est plus adéquat pour des postes d’encadrement que pour les emplois ouvriers. Il semble que le niveau de qualification du poste à pourvoir puisse avoir une influence sur l’importance accordée à ces attributs. Ce constat nous permet d’envisager l’existence, non plus d’un profil « idéal » générique mais plutôt de profils « idéaux » spécifiques aux différents niveaux de postes à pourvoir. Il semble dès lors intéressant de confirmer ces résultats et d’identifier les profils stéréotypés requis pour des postes différents.

En outre, si les recherches sur le recrutement ont mis en évidence un

certain nombre de normes sociales et de caractéristiques favorables à l’embauche (norme d’internalité5, norme d’allégeance6, norme de beauté7, norme de motivation8…), elles montrent aussi que le pôle négatif de ces caractéristiques affecte très défavorablement les choix de recrutement. On peut alors supposer, dans le cadre de ces mêmes processus de catégorisation sociale, l’existence de profils stéréotypés défavorables ou « profils rédhibitoires » qui pourraient, eux aussi, varier selon le type de poste à pourvoir.

Cette étude propose ainsi d’explorer les attentes pro-sélectives et

contre-sélectives des recruteurs français à partir de la mise en évidence de profils « idéaux » et « rédhibitoires » selon le niveau de qualification des postes à pourvoir (cadre ou ouvrier).

1.4. Hypothèses

Deux hypothèses peuvent être formulées : − H1 : Les recruteurs énoncent des attentes pro-sélectives et contre-

sélectives qui privilégient les caractéristiques de personnalité, quel que soit le niveau de qualification du poste à pourvoir (cadre ou ouvrier).

5 Beauvois, Bourjade & Pansu, 1991 ; Luminet, 1996. 6 Gangloff, 1997. 7 Bruchon-Schweitzer, 1990. 8 François, 2004.

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− H2 : Il existe des agencements spécifiques des traits de personnalité énoncés révélant des profils « idéaux » et « rédhibitoires » différents selon le niveau de qualification du poste à pourvoir (cadre ou ouvrier).

2. Méthodologie

2.1. Procédure et méthode utilisées Cette étude s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche plus vaste

visant à recueillir auprès de recruteurs, un descriptif de profils de candidats attendus pour différents postes de travail de niveau et de genre différents. Une enquête a été mise en œuvre auprès d’un effectif important de recruteurs dans toute la France. Pour élaborer ce protocole, nous avons procédé à la construction de quatre profils de postes fictifs (deux correspondant à des postes de cadres et deux à des postes d’ouvriers) accompagnés d’un questionnaire auto-complété. Afin de nous rapprocher d’une situation naturelle de recrutement et pour limiter un effet éventuel d’activation des stéréotypes dû à la pauvreté des informations proposées aux recruteurs, nous avons accordé une attention particulière à la validité écologique dans la construction de nos profils de poste. Les informations données étaient donc volontairement nombreuses et détaillées et ont fait l’objet d’une validation par un professionnel du secteur d’activité concerné (méthode des experts).

Une pré-enquête sur une population comparable à celle de l’étude finale (N=40) permet notamment de confirmer que les postes supposés de même niveau sont bien perçus comme tels par les évaluateurs et qu’ils sont bien représentatifs des niveaux attendus9.

Chaque professionnel du recrutement sollicité disposait d’un profil de

poste cadre ou subalterne et devait inscrire dans le cadre d’une question à réponse ouverte, les 5 caractéristiques les plus contre-indiquées d’une part (attentes contre-sélectives) et les plus indispensables d’autre part (attentes pro-sélectives) à la réussite dans le poste donné.

9 Le directeur de production dans l’industrie automobile et le directeur de communication dans l’industrie textile correspondaient aux postes de haut niveau et le chaudronnier dans l’industrie automobile ainsi que le piqueur dans l’industrie textile aux postes de bas niveau. Le genre masculin ou féminin de chaque métier et des deux secteurs d’activité permet d’en contrôler les effets. Ces profils sont présentés en annexe.

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2.2. Sujets L’échantillon de répondants est composé de 384 recruteurs dont 215

femmes et 169 hommes exerçant sur le territoire français. Agés de 30 à 55 ans, ils sont issus pour moitié de cabinets conseil spécialisés dans les recrutements de postes de cadres et d’agences d’intérim spécialisées dans le recrutement de postes d’ouvriers. Le choix de ces deux types de population est lié à notre souci de ne pas placer les recruteurs dans des situations de travail inhabituelles. Il aurait été peu valide d’un point de vue écologique de demander à des recruteurs de cabinet conseil de se positionner sur des profils de postes d’ouvriers pour lesquels ils ne recrutent jamais. Ainsi, les profils de postes de cadres n’ont été proposés qu’aux recruteurs de cabinet conseil et les profils d’ouvriers qu’aux recruteurs d’agence d’intérim.

Enfin, les recruteurs internes à des entreprises ont été écartés

volontairement de l’échantillon, la recherche étant exclusivement orientée vers l’expertise dans le conseil en recrutement (recrutement externe).

2.3. Le traitement des données Les caractéristiques indiquées par les recruteurs ont fait l’objet d’une

analyse de contenu. Pour la première hypothèse, la catégorisation est relative à la nature des caractéristiques énoncées. Elle distingue cinq catégories classiquement prises en compte dans la littérature relative au recrutement de personnel : la personnalité (ex. de citation : adaptabilité, sens de l’écoute, charisme, fragilité, mollesse…), la formation (ex. de citation : avoir une formation en…), l’expérience professionnelle (ex. de citation : avoir de l’expérience), les aptitudes (ex. de citation : expression écrite, expression orale, coordination motrice, inaptitude physique…) et les compétences comportementales (ex. de citation : compétences techniques, compétences en gestion…). Une sixième catégorie, correspondant à des contenus difficilement identifiables car ambigus sur le plan sémantique et appartenant au registre du sens commun, a été nécessaire (ex. de citation : aimer l’employeur, exemplarité, personnalité apparente…). Pour aborder la seconde hypothèse, les caractéristiques classées initialement dans la catégorie de la personnalité ont été réparties selon 30 traits. Cette catégorisation a été élaborée grâce à une première analyse visant à identifier les contenus émergents à partir des données de la pré-enquête ainsi que sur la base d’une recension des traits apparaissant dans les inventaires de personnalité des plus utilisés par les recruteurs (16PF5, NEO-PI-R). Il s’agissait de retenir des traits variés et indépendants entre eux pouvant rendre compte de la diversité des traits exprimés. Toutes ces catégories, exprimées en pourcentage et en fréquence d’apparition, ont fait l’objet de

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comparaisons grâce au calcul du Chi2 d’indépendance avec correction de continuité de Yates. 3. Résultats

Le nombre de termes exprimés par les recruteurs est variable selon le niveau du poste et le type de consigne (cf. tableau 2).

Tableau 2

Nombre d’attentes exprimées par les 384 sujets (N = 192 recruteurs pour chaque niveau de poste).

Haut niveau Bas niveau Consigne pro-sélective 492 484

Consigne contre-sélective 316 256 Les recruteurs citent spontanément davantage de caractéristiques en

consigne pro-sélective que contre-sélective et ce quel que soit le niveau du poste. Les recruteurs auraient donc plus d’aisance à exprimer leurs attentes vis-à-vis d’un poste que ce qui leur semble rédhibitoire.

3.1. Résultats relatifs aux attentes pro-sélectives et contre-sélectives

selon le niveau de qualification du poste à pourvoir (cadre ou ouvrier) Les résultats présentés dans le tableau 3 vont dans le sens de notre

première hypothèse.

Tableau 3 Fréquence d’apparition et comparaison des catégories d’attentes pro-sélectives

et contres-sélectives selon le niveau du poste.

Attentes pro-sélectives Attentes contre-sélectives

Catégories Haut niveau

(N=492)

Bas niveau

(N=484)

χ2 Haut niveau

(N=316)

Bas niveau

(N=256)

χ2

Personnalité % N

81,3 400

77,7 376

1,74

75 237

77 197

0,26

Formation

% N

1,8

9

3,5 17

2,06

1,3

4

2,7

7

0,40

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Expérience % N

1,6 8

4,8 23

6,77*

5,1 16

2,7

7

2,72

Aptitudes % N

2,3 11

6,6 32

10,08*

1 3

2,7

7

0,96

Compétences comportementales

% N

4,3 21

0,2 1

16,47*

1 3

0,4 1

0,23

Autre % N

8,7 43

7,2 35

0,56

17,1

54

14,5 37

2,82

* p <.05 En effet, quels que soient le niveau du poste et le type d’attente, les

recruteurs privilégient de façon massive des caractéristiques de personnalité. Les autres catégories de contenu sont largement sous-représentées à l’exception de la catégorie « Autre » qui regroupe des termes ambigus (ne pouvant être attribuées aux catégories pré-établies). La majorité de ces termes semble relever néanmoins du registre de la personnalité telle qu’envisagée dans le sens commun mais non codable dans l’un des 30 traits de personnalité retenus dans notre étude (exemples : « avoir de la personnalité » ; « avoir le nez dans le guidon », « sentimentalisme », « installé », « compliqué », « pacifiste »…). Il semble que cette catégorie ambiguë ou de sens commun soit d’autant plus employée en condition contre-sélective. Enfin, en ce qui concerne l’effet du niveau des postes sur les attentes des recruteurs, seule la condition pro-sélective présente des différences significatives : les catégories expérience et aptitudes sont plus souvent citées pour les postes d’ouvriers alors que les compétences comportementales paraissent davantage prises en compte pour les postes de cadres.

3.2. Résultats relatifs aux agencements spécifiques des traits de personnalité « idéaux » et « rédhibitoires » selon le niveau de qualification du poste à pourvoir (cadre ou ouvrier)

Les résultats présentés dans les tableaux 4 et 5 concernent seulement les attributs de personnalité les plus cités par les recruteurs (fréquence d’apparition > 5% pour au moins un des deux niveaux de poste).

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Tableau 4

Fréquence d’apparition des traits de personnalité jugés indispensables selon le niveau du poste

Traits Fréquences Haut niveau

Bas niveau

χ2

T1 Adaptabilité aux situations nouvelles, ouverture aux changements.

% N

6 24

5,3 20

0,06

T3 Ascendance, autorité naturelle. % N

6 24

0 0

21,32*

T4 Assurance, charisme.

% N

5,8 23

0,8 3

13,19*

T5 Autonomie.

% N

2,5 10

10,1 38

18,04*

T7 Capacité à communiquer, aisance des relations, sens du contact, diplomatie.

% N

15,5 62

0,5 2

55,42*

T8 Capacité à travailler en équipe, ouverture aux autres, sociabilité.

% N

6 24

8,8 33

1,81

T15 Fiabilité, sérieux.

% N

2,3 9

11,2 42

23,68*

T25 Rigueur.

% N

5,8 23

28,2 106

68,81*

T26 Sens de l’organisation, méthodique. % N

8,8 35

12 45

1,84

* p <.05 Comme attendu, il semble qu’il existe des agencements de traits

spécifiques aux niveaux de postes à pourvoir. Il paraît se dessiner un profil « idéal » du cadre différent du profil « idéal » de l’ouvrier. Si les recruteurs attendent dans les deux cas que les candidats soient « organisés, méthodiques » et qu’ils soient « adaptables » et « capables de travailler en équipe », ils privilégient avant tout pour les postes de haut niveau la « capacité à communiquer » alors que c’est la « rigueur » qui est la plus souvent citée pour les postes de bas niveau. En outre, si les traits « ascendance », « assurance, charisme » apparaissent dans le profil « idéal » cadre, c’est « la fiabilité, le sérieux » et « l’autonomie » qui complètent le profil « idéal » ouvrier.

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Tableau 5

Fréquence d’apparition des traits de personnalité jugés contre-indiqués selon le niveau du poste

Traits Fréquences Haut niveau

Bas niveau

χ2

-T28 Instabilité émotionnelle, incapacité à encaisser les coups, à résister au stress, aux frustrations.

% N

5,5 13

1 2

6,19*

-T26 Peu organisé, peu méthodique.

% N

5,1 12

2 4

2,70

-T25 Manque de rigueur.

% N

5,1 12

8,1 16

0,55

-T8 Incapacité à travailler en équipe, manque d’ouverture aux autres, faible sociabilité.

% N

10,6 25

2 4

13,08*

-T7 Difficultés à communiquer, manque d’aisance des relations, faible sens du contact, manque de diplomatie.

% N

8,5 20

0 0

17,36*

-T4 Manque d’assurance, de charisme.

% N

10,6 24

0 0

21,32*

T2 Ambition, recherche réussite.

% N

4,2 10

10,7 21

4,04*

T3 Ascendance, autorité naturelle.

% N

2,1 5

13,7 27

15,78*

T16 Imagination, créativité.

% N

1,3 3

5,6 11

4,02*

T20 Non conformisme, originalité.

% N

9,3 22

15,2 30

1,53

T23 Persuasion, capacité à convaincre.

% N

0,4 1

5,6 11

7,44*

* p <.05 Il semble qu’il existe également un profil « rédhibitoire » identifiable

pour les postes de cadres et un autre pour les postes d’ouvriers. Les recruteurs rejettent dans les deux cas le « non conformisme, l’originalité » ainsi que le « manque de rigueur ». Toutefois, ce qui est le plus souvent contre-indiqué pour les postes de haut niveau concerne « l’incapacité à travailler en équipe » ainsi que « le manque d’assurance, de charisme » alors que c’est bien le « non conformisme » ainsi que « l’ascendance » et « l’ambition » qui semblent le plus souvent rejetés pour les postes de bas niveau. En outre, le profil « rédhibitoire » cadre comprend également les « difficultés à communiquer » ainsi que « l’instabilité émotionnelle » alors que « l’imagination, la créativité » ainsi que

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la « persuasion, la capacité à convaincre » complètent le profil « rédhibitoire » ouvrier.

4. Discussion et conclusion

Les premiers résultats de notre étude vont dans le sens de la littérature et des travaux empiriques dans le domaine du recrutement indiquant la prédominance de la mesure de la personnalité dans les pratiques de sélection professionnelle en France. Les recruteurs citent spontanément et de façon massive des caractéristiques relevant de la personnalité aussi bien en consigne pro-sélective que contre-sélective et quel que soit le niveau de qualification du poste envisagé. Si dans les pratiques évaluatives françaises répertoriées par enquête, l’utilisation des inventaires de personnalité est plus fréquente pour les postes de haut niveau de qualification que pour les autres, cette différence n’apparaît pas dans les caractéristiques citées spontanément par les recruteurs de notre échantillon. Cependant, la personnalité est peut-être tout aussi prise en compte pour les postes de bas niveau mais évaluée par d’autres méthodes de sélection que les inventaires de personnalité (comme l’entretien de recrutement par exemple). Même si tous les résultats présents dans la littérature ne nous permettent plus de douter de la part importante accordée à la personnalité dans les pratiques de sélection professionnelle, nous pouvons tout de même supposer que le poids des informations recueillies dans notre enquête est liée en partie au fait qu’il est plus facile de citer plusieurs caractéristiques de personnalité que plusieurs éléments représentatifs de l’expérience professionnelle ou de la formation. Toutefois, sur cinq caractéristiques, on aurait pu penser que des pré-requis aussi fondamentaux que la formation et l’expérience, les compétences apparaîtraient au moins une fois par sujet, ce qui fut loin d’être le cas. L’expérience, la formation, les compétences relèvent sans doute de l’implicite ou de l’évidence pour les recruteurs, mais il n’en demeure pas moins que les premières caractéristiques citées spontanément pour établir un profil de poste sont des traits de personnalité.

Concernant ces mêmes résultats, les énoncés produits par les recruteurs s’avèrent plus nombreux, plus précis et par ailleurs plus spécifiques au niveau du poste en consigne pro-sélective que contre-sélective. Finalement, il apparaît plus clair et évident pour les professionnels interrogés de définir les caractéristiques qu’ils jugent indispensables plutôt que contre-indiquées. Pourtant, les études sur la prise de décision d’embauche montrent l’importance accordée aux caractéristiques défavorables dans les choix effectifs, certaines amenant à des rejets systématiques (Gordon et al., 1988 ; Stone et al., 1992 ; Beauvois et al., 1991). Ces caractéristiques défavorables qui selon la littérature sont particulièrement actives dans la sélection professionnelle, sont moins

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présentes dans les déclarations des recruteurs. Sont-elles moins bien identifiées par ces professionnels ou bien minimisent-ils leur influence sur leurs décisions ? Nous pouvons faire l’hypothèse d’une plus grande clairvoyance des recruteurs concernant les caractéristiques qui les amènent à retenir plutôt qu’à rejeter des candidatures. Ce résultat pose une piste de recherche intéressante qui met d’emblée une distance entre ce qui est de l’ordre de l’explicite et de l’opérationnel dans les pratique de recrutement. En d’autres termes, les profils et pré-requis définis par les recruteurs n’ont pas forcément de lien étroits avec leur choix effectif en situation. C’est un résultat dont il faudra tenir compte dans les recherches sur le sujet, notamment sur le plan méthodologique. Il convient donc d’observer (recrutements réels) ou de mettre les recruteurs en situation de choix (simulations de recrutement) pour étudier la prise de décision d’embauche. On ne peut considérer que l’explicite rende compte fidèlement des choix de recrutement.

Dans ces perspectives, la mise en place d’observations de processus

réels de recrutement permettrait d’approfondir les connaissances du lien entre l’explicite et l’opérationnel. De tels résultats conduiraient à poser les limites et l’utilité de nos procédures de définition du profil de poste comme méthode garantissant des décisions d’embauche fiables et rationnelles.

Conformément à la deuxième hypothèse, des profils « idéaux » et « rédhibitoires » spécifiques au niveau de qualification des postes ont émergé. Ainsi, le profil « idéal » cadre est celui d’un individu avant tout communicant, méthodique, ayant de l’ascendance ainsi que de l’assurance, du charisme alors que le profil « idéal » ouvrier correspond plutôt à une personne rigoureuse, méthodique, fiable, sérieuse et autonome. Cependant, dans les deux cas, l’adaptabilité et la capacité à travailler en équipe sont recherchées. Des différences significatives existent également pour les profils « rédhibitoires ». Ainsi, le profil « rédhibitoire » cadre décrit un individu incapable de travailler en équipe et manquant d’assurance et de charisme, ayant par ailleurs des difficultés à communiquer et instable émotionnellement alors que le profil « rédhibitoire » ouvrier présente une personne ayant de l’ascendance, de l’ambition, recherchant la réussite, imaginative, créative et capable de convaincre ou persuasive. Néanmoins, dans les deux cas, le non conformisme, l’originalité ainsi que le manque de rigueur sont rejetés.

Au regard de ces résultats, il apparaît que les profils « idéaux » et « rédhibitoires » ne se présentent pas de façon complètement opposée. En effet, si les profils « idéal » et « rédhibitoire » cadres sont particulièrement marqués par la capacité versus l’incapacité à être « meneur d’hommes », les profils « idéal » et « rédhibitoire » ouvriers ne sont pas de même nature. Le profil

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« idéal » ouvrier correspond à un individu consciencieux dans son travail et auquel on peut faire confiance, alors que le profil « rédhibitoire » ouvrier décrit plutôt une personne ayant de l’emprise sur autrui et recherchant le succès et l’innovation professionnelle. Ils ne se présentent donc pas comme de simples inversions de la polarité des traits pris en compte. Autrement dit, l’inverse de ce qui est indispensable n’est pas forcément contre-indiqué, ceci étant d’autant plus remarquable pour les postes de bas niveau.

Les résultats de cette étude suggèrent l’intérêt de centrer les démarches de recherche non plus seulement sur un profil « idéal » générique mais aussi sur des profils « idéaux » spécifiques et dépendant des niveaux de qualification des postes à pourvoir. Par ailleurs, ils montrent que les représentations des recruteurs relatives à l’efficacité et à la réussite en emploi ne sont pas forcément les mêmes que celles qui concernent l’inefficacité et l’échec en emploi. Des perspectives de recherches semblent ainsi mises à jour et encouragent à identifier de façon plus approfondie l’organisation des contenus représentationnels relatifs à l’efficacité et à l’inefficacité perçue dans différents types d’emplois. Il semblerait que l’on ait à faire à des attentes variant selon la catégorie professionnelle recrutée. Il existerait donc bien des représentations figées liées aux différents postes des acteurs de l’entreprise. Ces représentations seraient liées à l’idéologie sous jacentes, à la croyance en des typologies, en des profils idéaux : pour tel poste, il faut posséder ou ne pas posséder tels traits. On peut parler ici de théories implicites des métiers. Ces résultats apportent des éléments supplémentaires au modèle du « manque d’adéquation »10 de Heilman (1983). Les recruteurs cherchent des adéquations entre le candidat réel et les représentations qu’ils ont du candidat idéal en fonction du poste à pourvoir. Trouver la congruence entre un certain type de caractéristiques considérées comme prédictives de la réussite professionnelle et celles perçues chez le candidat, constituerait leur souci majeur.

Ces perspectives et développements mériteraient d’être examinées à un

niveau international et pourraient dépasser le contexte de la sélection professionnelle en France. En outre, malgré nos précautions méthodologiques, il serait indispensable de valider ces résultats dans une situation naturelle de recrutement afin d’éliminer une éventuelle activation automatique des stéréotypes provoquée par la situation expérimentale. Ce point développé par Devine (1989) précise que dans la pratique professionnelle effective, il y aurait des fonctionnements contrôlés amenant une inhibition des stéréotypes. Cette démarche permettrait d’asseoir ces résultats et d’éliminer définitivement ce biais méthodologique. 10 « The lack of fit model ».

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Annexe : Profils de poste proposés :

DIRECTEUR DE PRODUCTION PROFIL DE L’ENTREPRISE

L’entreprise AUTO Industrie fait partie de l’industrie mécanique. Plus précisément, il s’agit d’un important équipementier automobile, filiale d’un des leaders de la construction automobile mondiale. Implantée en Aquitaine en 1971, elle participe puissamment à l’essor économique du pays et contribue au développement régional. Elle est devenue un des premiers employeurs de la région avec un effectif de 3 500 employés. Elle a connu ses dernières années une forte croissance et réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires de 800 millions d’Euros. Spécialisée dans la production de pièces automobiles, elle fournit directement les usines d’assemblage. Sa production est conditionnée par les fluctuations des ventes et du marché de l’automobile. Très concurrencée sur le marché mondial, sa mission consiste en une amélioration constante de ses produits avec pour priorité essentielle : qualité et satisfaction du client tout en gardant une productivité élevée. Afin de rester compétitive, elle se dote régulièrement d’outils techniques modernes et performants et développe des stratégies adaptées aux changements. MISSIONS : (sous la direction du Directeur du Site).

- Coordonne, encadre, dirige les services de production au niveau de la qualité (supporte la politique qualité de la production et du service), des quantités

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produites (assure l’ajustement des quantités des pièces produites aux besoins des usines d’assemblage), des programmes de fabrication, des coûts, du niveau de productivité, des délais, de l’hygiène - sécurité - conditions de travail et du respect de l’environnement.

- Gère le budget de son unité au niveau des investissements et fonctionnements, planifie les moyens et ressources nécessaires à la mise en place et au maintien de l’activité industrielle.

- Coordonne l’activité de l’atelier avec celle des autres services. - Participe à l’élaboration et à la définition des politiques et stratégies

industrielles de son unité avec le directeur du site et ses homologues des autres sites, ainsi qu’aux prises de décision.

- Assure les relations sociales dans son unité, communique et explique la politique à tout le personnel.

- Anime un groupe de réflexion sur l’organisation de l’atelier futur et l’évolution des technologies.

LIEU D’EXERCICE : Bureau et atelier. CONDITIONS DE TRAVAIL : Horaires variables, déplacements. CONTRAT ET CONDITIONS FINANCIERES : CDI, 54 à 68 K. E. Annuel Brut.

CHAUDRONNIER-SOUDEUR

PROFIL DE L’ENTREPRISE : Idem MISSIONS : (sous la direction du Chef de Ligne).

- Effectue la préparation des pièces. - Règle les machines du soudage. - Trace et effectue les prises de côtes à partir de plans, schémas ou pièces

modèle. - Réalise l’assemblage des pièces selon les fiches d’instructions (réalise la

soudure). - Contrôle l’aspect final de la soudure et les pièces. - Assure l’entretien journalier du poste de travail.

LIEU D’EXERCICE : Atelier. CONDITIONS DE TRAVAIL : Travail posté (en 2x8 : équipe de matin, équipe d’après-midi), poste intégré à une chaîne de production. CONTRAT ET CONDITIONS FINANCIERES : CDI, 14 à 15 K. E. Annuel Brut.

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DIRECTEUR DE COMMUNICATION ET RELATIONS EXTERIEURES

PROFIL DE L’ENTREPRISE

Département d’un des leaders mondial de l’industrie textile, l’entreprise PRET A PORTER Industrie produit des vêtements pour le prêt-à-porter de luxe. Implantée en Région Parisienne en 1970, elle a rapidement connu une croissance importante qui lui a permis d’acquérir une renommée internationale. Elle réalise, un chiffre d’affaires de 700 millions d’euros. Elle compte actuellement un effectif de 4000 employés. Spécialisée dans la création de modèles et la fabrication de vêtements haut de gamme, elle fournit directement les magasins distributeurs de la marque. Face à la concurrence mondiale, elle doit être très réactive aux fluctuations de ce marché et aux évolutions de la mode. Son premier objectif est de satisfaire pleinement sa clientèle en répondant à ses exigences strictes de qualité et d’originalité du produit. Très compétitive, son image repose sur sa capacité à investir les moyens nécessaires pour se procurer des étoffes rares, sur son excellence dans la création de nouveaux modèles et sur sa maîtrise de la couture. MISSIONS : (sous la direction du Directeur du Département).

- Coordonne, encadre, dirige les différentes actions du service de communication au niveau du recueil des informations actualisées relatives à la vie de l’entreprise, de la conception des documents et des contenus des messages, du choix des moyens et supports de communication, de la diffusion des informations à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise, de l’organisation et gestion des activités matérielles, des dossiers administratifs (fichiers de relations...) et budgétaires (négociations prestataires et fournisseurs...) des actions de communication.

- Gère le budget du service au niveau des investissements et fonctionnements, planifie les moyens et ressources nécessaires à la mise en place et au maintien de l’activité de communication interne et externe.

- Coordonne le fond de communication, veille à la cohérence des messages à destination de chacun des services de l’entreprise.

- Participe à l’élaboration et à la définition des politiques et stratégies de communication interne et externe avec le directeur du site et ses homologues des autres sites, ainsi qu’aux prises de décision.

- Assure les contacts avec les interlocuteurs de l’entreprise (internes, externes) et, dans certains cas, les médias.

- Anime un groupe de travail afin de mettre en oeuvre les actions de communication les plus efficaces et développer l’image de l’entreprise.

LIEU D’EXERCICE : Bureau et atelier. CONDITIONS DE TRAVAIL : Horaires variables, déplacements. CONTRAT ET CONDITIONS FINANCIERES : CDI, 53 à 68 K. E. Annuel Brut.

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PIQUEUR PROFIL DE L’ENTREPRISE : Idem MISSIONS : (sous la direction du Chef d’atelier)

- Effectue la préparation des pièces. - Règle et alimente la machine à coudre en fournitures. - Positionne les pièces sur la machine en fonction des instructions fournies dans

le bon de travail. - Effectue les opérations de décoration, de montage et de finition en série,

d’articles de l’habillement à base d’étoffes à l’aide d’une machine à coudre (réalise le piquage).

- Contrôle la conformité du produit. - Procède à l’entretien courant du poste de travail.

LIEU D’EXERCICE : Atelier CONDITIONS DE TRAVAIL : Travail en 2x8 (équipe de matin, équipe d’après-midi), poste intégré à une chaîne de production. CONTRAT ET CONDITIONS FINANCIERES : CDI, 14 à 15 K. E. Annuel Brut.