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Vol 9, n°1 – Janvier– Juin 2015 - ISSN 0531 - 2051

Publication semestrielle

Institut National de la Recherche Scientifique. INRSBP 2240 LOME – TOGO

Tél. (228) 22 21 01 39 / (228) 22 21 39 94Email: [email protected]

ETUDES TOGOLAISES

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Revue publiée sous le haut patronage du Ministre del’Enseignement Supérieur et de la Recherche

Directeur de Publication : Prof. Kouami KOKOURédacteur en chef : Dr. Sénamé Dodzi KOSSIResponsables Administratifs et Financiers : M. Frédéric Adjagnon NADOR/

M. Wakilou BONFOH

Comité scientifique de lecture

- Pr. Messanvi GBEASSOR, Lomé – Togo- Pr. Kouami KOKOU- Pr. Fidèle Messan NUBUKPO, Lomé – Togo- Pr. Mireille PRINCE-DAVID, Lomé – Togo- Pr. Kossi KOUMAGLO, Lomé – Togo- Pr. KASSE, Dakar – Sénégal- Pr. Adolé GLITHO, Lomé –Togo- Pr. Kossi NAPO, Lomé – Togo- Pr. Comla de SOUZA, Lomé – Togo- Pr. AMOUSSOUGA-GERO, Cotonou – Bénin- Pr. Akuetey SANTOS, Lomé – Togo- Pr. Nandedjo BIGOU-LARE, Lomé – Togo- Pr. TCHOMBIANO, Ouagadougou – Burkina Faso- Pr. Koffisa BEDJA, Lomé - Togo- Pr. Mawuena GUMEDZOE, Lomé – Togo- Pr. Koffi NDAKENA, Lomé – Togo- Pr. Koffi AKPAGANA, Lomé – Togo- Pr. M’BAYE, Dakar – Sénégal- Pr. Komi TCHAKPELE, Lomé – Togo- Pr. AGBOBLI, Lomé –Togo- Pr. GOGUE, Lomé –Togo- Pr. KOFFI-TESSIO, Lomé – Togo- Pr. BIAOU, Cotonou – Bénin- Pr. AHADZI-NONOU, Lomé – Togo- Pr. Tcham BADJOW, Lomé – Togo- Pr. Kokou Folly Lolowou HETCHELI, (MC) Lomé – Togo- Pr. Edinam KOLAH (MC) Lomé – Togo- Pr. Kokoutsè, Université de Lomé - Pr. Adou Yao, Abidjan - Côte d’Ivoire

Prix du numéro : 2 500 FcfaAbonnement : 4 500 Fcfa / An

Toute correspondance concernant la revue doit être adressée à :Etudes Togolaise « Revue Togolaise des Sciences »,

BP 2240 LOME – TOGO ; Tél. (228) 22 21 01 39 / (228) 22 21 39 94

Email: [email protected]

ETUDES TOGOLAISES

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ETUDES TOGOALISESVol 9, n°1 – Janvier– Juin 2015

SOMMAIRE

Note sur les auteurs ……………………………………………….............................. 8

1. Site-specific nutrient management for lowland rice in the northern savannah zones of Ghana, by Wilson DOGBE, Jean Mianikpo SOGBEDJI and Saaka S.J. BUAH, University of Lomé (Togo). ……………………....10

2. Contribution à l’étude de la flore et de la structure des forêts denses sèches du massif Lama-Kouméa (Nord-Togo), par Tchaa BOUKPESSI, Tchilalo HALOUBIYOU et Thiou T. K. TCHAMIE, Université de Lomé (Togo)……………………................................................................................................................. 27

3. Genre et mesures d’adaptation à la variabilité climatique au Centre-Bénin, par AZALOU TINGBE Fanès Vinagbaa Babatoundé, BOKO Yacin Wilfried Sètondji et AMOUSSOU Ernest, Université d’Abomey Calavi (Bénin)…………………... 45

4. Participation citoyenne à la gestion des collectivités locales en côte d’Ivoire : une approche des municipalités d’Alepe et de Bonoua, par GUIRIOBE Paumahoulou Jean-Arsène, Université Alassane Ouattara de Bouaké (Côte d’Ivoire)……………………………………………………......................... 64

5. Logiques sociales d’occupation ou de réoccupation des voiries à Abidjan, par ADJE N’Goran Pascal, Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan-Cocody (Côte d’Ivoire)……………….................................................. 80

6. Conditions socioéducatives défavorables et réussite scolaire : cas des élèves du Lycée Moderne de Bouaflé, par ZAMBLE BI Zou Ambroise, Université Félix HOUPHOUET-BOIGNY (Côte d’Ivoire)…………................... 100

7. Réformes administratives antérieures et modification du comportement des fonctionnaires ivoiriens sur le lieu de travail, par GACHA Franck-Gautier, Université de Peleforo Gon Coulibaly de Korhogo (Côte d’Ivoire)………………………………………….......................................................... 122

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8. Comportement vestimentaire des jeunes filles togolaises de Lomé : entre communication et production d’identité, par NAPO Gbati, Université de Lomé (Togo)………………………................................................................. 135

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Note sur les auteurs

Mr. Wilson DOGBE is Senior Research Scientist (Agronomy), Head of Rice Program at Savanna Agricultural Research Institute (SARI) in Tamale (Ghana).

Mr. Jean Mianikpo SOGBEDJI is Associate Professor of Soil Science – Agronomy, Director of Ecole Supérieure d’Agronomie of University of Lomé (Togo).

Mr. Saaka S.J. BUAH (Ph.D), is specialist on Soil fertility and plant nutrition in Savanna Agricultural Research Institute (SARI) in Wa (Ghana).

M. Tchaa BOUKPESSI est maître-assistant), enseignant-chercheur au département de géographie, Université de Lomé

M. Tchilalo HALOUBIYOU, Etudiante au département de géographie, Université de Kara

M. Thiou T. K. TCHAMIE est Professeur Titulaire, enseignant-chercheur au département de géographie de l’Université de Lomé (Togo).

M. Fanès Vinagbaa Babatoundé AZALOU TINGBE est Doctorant en Géoscience de l’Environnement et Aménagement de l’espace, Spécialiste des questions de Populations et Dynamiques Urbaines, Chercheur au Laboratoire Pierre PAGNEY, Climat, Eau, Ecosystème et Développement (LACEEDE) d’Abomey-Calavi (Bénin) du Département de Géographie et Aménagement du Territoire de l’Université d’Abomey-Calavi.

M. Yacin Wilfried Sètondji BOKO, est Docteur en Gestion de l’Environnement, Enseignant à l’Université d’Agriculture de Kétou, Chercheur au Laboratoire Pierre PAGNEY, Climat, Eau, Ecosystème et Développement (LACEEDE), Administrateur en développement communautaire.

M. Ernest AMOUSSOU est Maître-assistant en Géographie physique appliquée, Enseignant à l’Université de Parakou, Chercheur au Laboratoire Pierre Pagney : Climat, Eau, Ecosystèmes et Développement (LACEEDE, Bénin), et au Laboratoire Biogéosciences, Centre de Recherches de Climatologie (CRC) de l’Université de Bourgogne/Dijon (France).

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M. Jean-Arsène Paumahoulou GUIRIOBE est Titulaire d’une Thèse Unique de Doctorat en Sociologie. L’auteur est Assistant au Département d’Anthropologie et de Sociologie de l’Université Alassane Ouattara de Bouaké (Côte d’Ivoire). Ses travaux de recherche portent sur la sociologie rurale, la décentralisation et le développement local.

M. Pascal N’Goran ADJE est enseignant-chercheur, Assistant de sociologie de l’environnement à l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan-Cocody (Côte d’Ivoire).

M. Ambroise Zou ZAMBLE BI est Enseignant-chercheur à l’Institut d’Ethno-sociologie de l’Université Félix HOUPHOUET-BOIGNY d’Abidjan (Côte d’Ivoire).

M. Franck-Gautier GACHA est enseignant-chercheur, Assistant à l’Université Peleforo Gon Coulibaly de Korhogo (Côte d’Ivoire). Les travaux de recherche de l’auteur portent sur les organisations administratives, religieuses et coopératives, les entreprises privées et publiques, la psychosociologie des organisations et la sociologie du travail.

M. Gbati NAPO est enseignant-chercheur, Maître-Assistant de Sociologie des médias à l’Université de Lomé (Togo).

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LOGIQUES SOCIALES D’OCCUPATION OU DE REOCCUPATION DES VOIRIES À ABIDJAN

ADJE N’Goran Pascal

Université Félix Houphouët BoignyE-mail : [email protected]

Résumé

Cet article a pour objectif de mettre en évidence les processus d’occupation des espaces publics et les mécanismes informels développés par les acteurs économiques pour se maintenir dans ces lieux. Une telle occupation est à la base des problèmes environnementaux constatés dans l’aire d’étude. Pour atteindre cet objectif, une méthodologie fondée sur trois techniques de recueils de données a été utilisée, il s’agit de, l’entretien semi-directif, la recherche documentaire et l’observation directe. De cette méthodologie, divers processus d’accès au commerce de rue ainsi que des mécanismes informels de contrôle des espaces ont été identifiés. Relativement à l’accès au commerce de rue, les voies d’utilisation de la devanture des magasins ou des maisons, de location d’espace, de donation et de l’installation directe ont été empruntées. Les mécanismes de maintien se fondent sur l’intégration des riverains dans les activités en bordure des routes, la corruption des acteurs en charge des opérations de déguerpissement, le pied de grue et la négociation. De toutes ces pratiques développées, le capital social est utilisé comme ressource incontournable. Mots clés : Logiques sociales, commerce de rue, espace public ; processus informel, occupation, Abidjan Abstract This article aims highlighting the processes of occupation of public places and informal mechanisms developed by the economic players to remain in these places. Such occupation is the basis of the environmental problems found in the study area. To reach this goal, we will use a methodology based on three techniques of data collections: the semi-directive interview, the information retrieval and the direct observation. From this methodology, different processes of access to the trade of street as well as informal mechanisms of control of spaces were identified. With regard to the access to the trade of street, the

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ways of use of the shop window of stores or houses, rent of space, donation and the direct installation were borrowed. The mechanisms of preservation base themselves on the integration of the local residents in the activities in border of road, the corruption of the actors in charge of the operations of demolish the foot of crane and the negotiation. All these developed practices, the share capital is used as inescapable resource. Keywords: Social logics, street trading, public space; informal process, occupation, Abidjan

Introduction

Historiquement, la voirie se définit comme l’ensemble des voies de communication, c’est-à-dire les infrastructures nécessaires pour favoriser la circulation des biens et des personnes (Faivre, 1992). Mais à Abidjan, tout comme dans la plupart des grandes villes africaines, elle est occupée par des activités commerciales informelles. Cette occupation génère des problèmes environnementaux parmi lesquels la production des déchets de commerce, des bruits sonores, l’encombrement des rues et des espaces, etc. Bien qu’il remonte depuis la période coloniale1, le phénomène d’occupation des voies publiques demeure toujours d’actualité et fait l’objet d’une abondante littérature (Leimdorfer, 1999 ; Bouquet et Kassi-Djodjo, 2014). Pour faire face à cette réalité sociale, les autorités ivoiriennes ont toujours usé de la force par les actions de déguerpissement. Celles-ci sont, selon Bouquet C. et Kassi-Djodjo (2014 :3) :

des opérations par lesquelles il est fait obligation, pour des motifs d’utilité publique, à des occupants d’une terre appartenant à la puissance publique de l’évacuer. Elles visent à détruire les constructions anarchiques et à mettre fin à une situation d’occupation illégale d’un terrain ou d’un espace.

De la période coloniale jusqu’à nos jours, les pouvoirs publics ivoiriens ont fait du déguerpissement le mode de régulation de l’espace public urbain. Orienté au départ vers la démolition des quartiers précaires,

1 Sylvie Ayimpan fait remarquer qu’il s’agit d’un phénomène ancien, qui date de l’époque coloniale, et dont l’existence serait liée à la manière dont l’Administration coloniale poliçait et régulait l’espace public.

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il s’est étendu aux activités commerciales exercées le long des grandes artères2. Mais affaiblies par les multiples crises économiques, politiques et militaires, ces opérations de déguerpissement menées par l’État et ses structures décentralisées, n’ont pu empêcher la « privatisation » des espaces publics : le commerce et la restauration de rue, les transports populaires, les ateliers en tous genres et bien d’autres petits métiers se sont multipliés sur les espaces publics, posant de nombreux problèmes de circulation, notamment par l’encombrement des trottoirs, des carrefours, ou par le rétrécissement de la chaussée. À cela s’ajoute l’insalubrité des lieux occupés par la présence des ordures et eaux usées jonchant le sol (Bouquet et Kassi-Djodjo, 2014).

C’est dans ce contexte d’occupation généralisée des voies publiques que sont nées les actions de déguerpissement dénommées « Opération Pays Propre (OPP) » initiées par les autorités actuelles. En effet, au lendemain de la crise postélectorale, les autorités gouvernementales et municipales en s’inspirant des échecs des actions passées et du caractère récidiviste du commerce de rue, se sont associées pour le contrôle des espaces publics occupés. Pour elles, il est question de rétablir l’ordre et la salubrité urbaine par tous les moyens et de faire respecter les règles environnementales et urbanistes règlementant l’occupation de l’espace urbain3. Ainsi, initiée vers fin juillet 2011, l’Opération Pays Propre » a conduit au déguerpissement d’importants sites dont les plus célèbres « rue princesse » dans la commune de Yopougon, « la Sorbonne » du Plateau, le rond-point de Koumasi et d’Abobo4.

2 Pour conduire les actions de déguerpissement, le gouvernement ivoirien a mis en place à partir de janvier 1997 une brigade de salubrité chargée, non seulement de restaurer la salubrité urbaine, mais aussi et surtout détruire les commerces en bordure des voies publiques. Ainsi, le 31 janvier 1997 ont été déguerpis les baraquements construits le long des grandes artères ; suivis de la destruction du quartier « Washington » le 6 septembre 1997(Archives Fraternité Matin). Dix ans après (en 2007), un ministère de la ville et de la salubrité est créé par les autorités ivoirienne. Ce ministère avait pour mission de coordonner les actions des différents acteurs (les ministères concernés, les collectivités territoriales, les opérateurs économiques, etc.) en vue de reconquérir les espaces publics et déguerpir les commerçants qui occupent la voirie de façon illégale. 3 C’est dans cette perspective de rétablir l’ordre et de respecter les règles environnementales que Anne Ouloto, alors alors ministre de la salubrité urbaine a tenu les propos suivants : « le temps de l’intolérance et de l’indifférence fasse à la gestion irrégulière de l’espace public est terminée, place maintenant à l’action et à la responsabilité en vue d’inculquer le comportement éco-citoyen à chacun » (discours prononcé lors d’une visite des sites déguerpis en octobre 2011).4 Dans la commune d’Abobo par exemple, l’opération de déguerpissement a tournée à la

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En plus de ces actions de déguerpissement, des patrouilles mixtes sont organisées régulièrement par les agents de la brigade de salubrité et de la police municipale à Abidjan pour persuader les commerçants de leur retour dans la rue.

Mais, avec la fermeté et la rigueur qui semblent caractériser les mesures actuelles de déguerpissement dans le cadre de l’Opération Pays Propre, les commerçants reviennent réoccupés ces espaces. C’est ce que fait remarquer Tra (2013 :42) :

Depuis l’Opération Pays Propre, les commerçant ″libèrent″ l’espace public quand la brigade de salubrité urbaine est présente sur le terrain. Elles reviennent s’installer dès que la brigade de salubrité quitte les lieux. Ces commerçants ont finalement réinvesti les grandes artères et autres espaces publics d’où elles ont été déguerpis auparavant.

Aucune grande voie publique des 10 communes d’Abidjan n’est épargnée de cette situation d’occupation ou réoccupation anarchique. Du carrefour Petro-Ivoire d’Angré dans la commune de Cocody en passant par le rond-point et la grande voie de Siporex (dans la commune de Yopougon) au grand carrefour de Koumassi (sur la voie Abidjan-Bassam), tous ces espaces sont occupés par des activités commerciales informelles.

Cette situation d’occupation ou de réoccupation « illégale » et permanente des voiries à Abidjan, malgré les actions de déguerpissement suscitent des interrogations. Quelles sont les stratégies adoptées par les commerçants pour occuper ou réoccuper les espaces publics pour exercer leurs activités ? Quels sont les modes d’occupation développés par les commerçants pour se maintenir dans ou en bordure de la rue ? Quelles sont les ressources sociales mobilisées par les commerçants pour le contrôle des espaces publics illégalement occupés? Telles sont les questions auxquelles cette étude tente de répondre. Elle vise à analyser les processus ou mécanismes informels d’accès et de contrôle du commerce de rue à Abidjan. Pour ce faire, les discussions vont s’articuler autour des formes d’occupation des espaces publics, des processus d’occupation des espaces publics et des mécanismes informels développés par les acteurs pour contrôler les espaces occupés. Mais avant, présentons la méthodologie qui a servi la collecte des données.

fusillade entre les populations et les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), le lundi 15 Octobre 2012 (Bédé, 2012).

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1. Méthodologie

Cette étude s’est déroulée sur cinq sites d’observation dont trois ronds-points (ou carrefour) et trois boulevards ; à savoir les rond-points de Siporex (Yopougon), rond-point du grand carrefour de Koumassi et celui d’Angré Petro-Ivoire (dans la commune de Cocody) ; les axes circulatoires Sable-Sapeur-Pompier (Yopougon), Sococé-Angré Petro-Ivoire (Cocody). Sur chacun de ces sites, comme sur toutes les grandes voies des communes d’Abidjan, l’installation des activités informelles le long et dans les rues marque fortement le paysage urbain Abidjanais. L’échantillon d’enquête est estimé à cinquante-cinq (55) personnes. Il a été constitué à l’aide de la technique d’échantillonnage typique ou par choix raisonné. Le nombre a été atteint après saturation, c’est-à-dire lorsque la recherche empirique n’a plus révélé de nouvelles situations. L’investigation a été essentiellement qualitative et a consisté en des entretiens semi-directifs avec les acteurs exerçant des activités économiques en bordure des routes, sur les trottoirs, les ronds-points et la chaussée, ainsi que des entretiens avec des responsables municipaux5. Les thèmes abordés ont porté essentiellement sur les processus d’accès aux espaces publics et les mécanismes informels de leur contrôle.

En plus de l’interview, nous nous sommes servis d’une grille d’observation pour collecter des données sur les types d’activités, les formes d’occupation, la nature et la surface estimatif de l’espace occupé. Cette phase de collecte de données a duré un mois et demi. En outre, la recherche documentaire nous a été d’un apport appréciable. Compte tenu de la nature des informations collectées, nous avons opté pour l’analyse de contenu, car il s’agit de saisir les raisons qui sous-tendent le processus d’occupation des rues dans l’exercice des activités économiques.

2. Résultats et discussion

Les résultats obtenus de cette étude se présentent sous trois axes : les formes d’occupation des espaces publics, les processus d’occupation des espaces publics et les mécanismes informels de contrôle ou de légitimation de l’acte d’occupation.

5 Avec les responsables municipaux, il était question d’avoir des informations relatives aux procédures formelles d’occupation des espaces publics.

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2.1. Formes d’occupation des voiries à Abidjan

Les grilles d’observation utilisées comme outils de collecte de données ont permis d’identifier diverses formes d’occupation des voiries à Abidjan. Ces formes, visibles dans toutes les communes d’Abidjan, sont fonction de la nature de l’espace, du volume d’espace et du type d’activité exercée. L’analyse descriptive permet d’identifier quatre formes essentielles : formes ambulantes, mobiles, sédentaires et semi-sédentaires6.

- Les formes sédentaires sont des installations permanentes ou durables s’effectuant par des constructions en béton ou en métal. Ces formes ne sont pas trop développées du fait de l’opération de déguerpissement baptisée « Bulldozer Anne Ouloto » initiée par le régime actuel (régime du Président Alassane Ouattara). En effet, selon les résultats de l’enquête, les constructions en dur ou en métal en bordure des rues sont de l’ordre de 15%.7 Généralement, les formes d’installation sédentaires qu’on y rencontre aujourd’hui sont les oubliés du passage du « Bulldozer d’Anne Ouloto8 ». Les formes sédentaires s’opèrent généralement dans les espaces désignés domaines publics de l’Etat ; c’est pourquoi une fois occupé, l’acteur économique doit obtenir un permis d’installation, c’est-à-dire ODP (Occupation du Domaine Public). Les opérations de déguerpissement ont donné lieu à des installations de type semi-sédentaire ou mobile.

- Les formes semi-sédentaires concernent des installations de construction avec des matériaux précaires déplaçables facilement. Ce sont généralement des activités qui s’effectuent sous des « appâtâmes », des bâches ou sur des tables-bancs.

Elles sont les plus développées et représentent plus de 50% des installations. Ces différentes formes d’installation constituent une réponse aux opérations de déguerpissement baptisées « Opérations Pays Propre » initiées depuis 2011 par les autorités actuelles dans les grandes villes ivoiriennes en vue de déguerpir tous ceux qui occupent les espaces publics. En effet, chassés

6 Indiquons ici que nous empruntons ces formes d’occupation des espaces dans l’étude de Bazabas (1997) sur le marché de rue en Haïti.7 Ces résultats ont été obtenus à partir des estimations faites par la grille d’observation 8 Les actions annoncées sous le nom d’opération « Pays Propre », ont valu à Anne Oulotto, alors Ministre de la Salubrité publique, le surnom de « maman bulldozer ».

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des rues par les autorités politiques, les commerçants sont revenus sous cette forme semi-sédentaire pour exercer leur activité. Ces formes d’installation sont appelées par les tenancières de Maquis « plein-air ». Tout comme la précédente, la forme semi-sédentaire s’opère également dans les espaces désignés domaines publics de l’Etat.

- Les formes ambulantes, comme son nom l’indique, sont des formes par lesquelles l’acteur économique ne dispose pas de lieux fixes pour son activité. Tenant en main ses articles ou portés sur la tête, il fait des vas-et-viens sur la chaussée et le trottoir pour proposer ces articles aux passants (les piétons comme ceux qui sont dans leurs voitures). Leur lieu de vente est généralement les carrefours où sont installés les feux de signalisation. Les lieux d’embouteillages sont souvent des moments propices pour ces acteurs d’exercer leurs activités. Elles représentent environ 10% des activités commerciales de rue. Dans cette forme, on y rencontre la vente de produits comme des habits, des téléphones portables, des pièces auto, de l’eau en sachets, des articles de journaux et scolaires, etc.

- Les formes mobiles : contrairement au commerce ambulant, l’acteur économique expose ici ses articles dans un lieu fixe donné, soit à même le sol, soit dans un charriot ou sur les tables-bancs avec un parasol pour servir d’abris qu’il débarrasse au soir à la fin de son activité. C’est le cas par exemple des cabines téléphoniques, de vente d’article scolaire, des femmes vendeuses de banane braisée, etc. On rencontre le plus souvent ces formes sur les accotements, les caniveaux et les trottoirs et représentent près de 20% des installations. La plupart de ces activités sont exercées sur un volume d’espace réduit (1 à 4 m2). L’on retrouve également ces formes d’installation dans le cas d’occupation des devantures des magasins. En effet, certains acteurs économiques, pour accommoder leurs clients occupent de façon mobile leur devanture suffisamment large.

Comme on le voit dans la description des formes d’occupation des voiries, le commerce de rue est une activité réelle et n’épargne aucune commune de la ville d’Abidjan malgré les opérations de déguerpissement initiées par les différent régimes politiques. En réponse aux actions de déguerpissement, les commerçants développent d’autres formes d’occupation pour exercer leurs activités. C’est le cas par exemple des activités exercées en « plein-air ». Ces formes d’occupation des espaces développées par les acteurs économiques

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sont également mises en évidence par Thérasmé (2011) en Haïti dans sa thèse sur l’appropriation informelle des espaces publics à Port-au-Prince. Ainsi, indique-t-il en substance qu’en plus des quatre formes identifiées (ambulant, mobile, semi-sédentaire et sédentaire), s’ajoute l’appropriation visuelle sous forme de mural et d’affichage puis d’accrochage d’objet. D’autres études menées à Bamako (Koné, 2003), à Kinshasa (Ayipan, 2009) ont abouti à la même conclusion. Le développement de ces formes d’occupation des espaces publics dans la plupart des grandes villes Africaine a conduit Steck (2006) à affirmer que ce phénomène est un marqueur culturel urbain. Ce développement des activités de rue, selon l’auteur, se justifie par des choix de localisation (quartiers déjà fréquentés, carrefours, ronds-points, gares routières, stations de taxis collectifs, …) qui sont souvent corrélés à des types de circulations pour capter la clientèle. Car, poursuit-il, toute activité marchande se doit d’être rapprochée au plus près de sa clientèle potentielle. Mais au-delà de la description des formes d’occupation des espaces publics, il est opportun d’interroger les processus d’accès au commerce de rue. 2.2. Les processus d’occupation des espaces publics

Les processus d’accès au commerce de rue ou aux espaces publics pour l’exercice d’une activité commerciale suivent deux parcours : une procédure légale d’acquisition d’espace et une procédure informelle.

2.2.1. Les processus formels d’occupation des espaces publics : une procédure à posteriori

Les processus formels d’occupation des espaces publics sont ceux qui répondent à des conditions fixées par une autorité administrative (généralement la commune) et nécessitent une autorisation de cette dernière qui prend la forme d’un arrêté, et entraînent le paiement d’une redevance. Elle est normalement obligatoire pour tous ceux qui occupent, d’une manière ou d’une autre le domaine public. C’est-à-dire, les constructions, les étalages de produits, les contre-étalages situés en bordure du trottoir, les installations de tables et de chaises, les terrasses ou contre-terrasse devant les magasins, restaurants ou kiosque à café, etc.

Cette autorisation d’occupation du domaine public présente les caractéristiques suivantes : elle est personnelle, c’est-à-dire ne peut être ni cédée, ni sous-louée, ni vendue à l’occasion d’une mutation du commerce ; elle est précaire,

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c’est-à-dire n’est valable que pour une durée déterminée, le plus souvent annuelle ou saisonnière (les dates de début et de fin sont précisées dans l’arrêté d’autorisation) et éventuellement renouvelable ou reconduite tacitement ; elle est révocable ; c’est-à-dire peut être suspendue ou retirée à tout moment, notamment pour faciliter l’exécution de travaux ou le déroulement d’une manifestation d’utilité publique. Ce sont ces caractéristiques qui ressortent dans les propos de ce responsable de la mairie de Cocody :

Les espaces publics sont des parcelles de l’Etat (routes, jardin, places, etc.), transférés à une commune. Ils sont utilisés par les individus à titre précaire et révocable à tout moment. Précaire n’est valable que pour une durée déterminée ; révocable peut être retirée à tout moment, notamment pour faciliter l’exécution des travaux ou le déroulement d’une manifestation. Pour les occuper, il faut avoir un permis.

Généralement, l’on distingue par permis de stationnement une autorisation d’occupation de l’espace public sans emprise au sol (terrasse ouverte, étalage, stationnement d’une camionnette par exemple) et doit être demandé auprès de l’autorité administrative chargée de la police de la circulation : mairie ou préfecture, s’il s’agit d’une route nationale, départementale ou certaines artères de la ville, et la permission de voirie, nécessaire pour une occupation privative avec emprise (terrasse fermée, kiosque fixé au sol par exemple), peut être obtenue auprès de l’autorité administrative chargée de la gestion du domaine public : mairie, s’il s’agit du domaine public communal.

Toutefois, pour occuper une partie, il faut respecter certaines règles générales que les communes décrivent souvent dans une charte d’occupation du domaine public à titre commercial. Entre autre règles, ne créer aucune gêne pour la circulation du public, notamment les personnes à mobilité réduite ou déficientes visuellement, ou pour les véhicules de secours (les dimensions de la terrasse ou de l’étalage dépendent de la largeur du trottoir devant le restaurant ou la boutique) ; laisser libre accès aux immeubles voisins et préserver la tranquillité des riverains ; respecter les dates et les horaires d’installation fixés dans l’autorisation ; installer des équipements de qualité (chaque commune peut choisir ses propres règles relatives aux matériaux utilisés pour respecter l’harmonie du lieu) ; respecter les règles d’hygiène, notamment pour les denrées alimentaires (chaîne du froid, protection des plats cuisinés). A toutes ces règlementations, s’ajoutent la redevance soumise aux occupants. En effet, l’autorisation d’occupation du domaine public est soumise au paiement de droits de voirie. Le montant de cette redevance, fixé

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par la commune, prend en compte les avantages de toutes natures procurés au titulaire de l’autorisation. Il varie donc en fonction notamment de l’emprise au sol (étendue de la terrasse ou de l’étalage), du mode d’usage et de la durée d’exploitation, de la valeur commerciale de la voie considérée. Ce montant est révisable à la fin de chaque période d’exploitation.

Si cette occupation est légale et permet une quiétude quant aux éventuels conflits qui peuvent survenir, il faut reconnaitre qu’elle est moins utilisée dans les faits, comme le relate cet agent de la mairie de Yopougon :

On croit que ce sont des espaces non occupés et libres. Pourtant, c’est la mairie qui donne l’autorisation de s’installer. Mais, je vous le dis, les 90% des occupants, n’ont pas d’autorisation. Ces personnes occupent les espaces publics sans avoir eu de permis d’autorisation de la mairie. Elles viennent, elles s’installent parce qu’elles estiment que l’espace est libre; tout simplement parce qu’on n’est pas toujours sur le terrain.

Cette forme d’occupation des espaces publics qui devrait être le premier acte posé par l’acteur commercial vient en deuxième position. Ce qui signifie que la quête d’un permis d’occupation auprès de la municipalité se fait après l’acte d’appropriation. Cela s’explique par la rareté d’espace à Abidjan et par la reconnaissance d’un droit de jouissance des espaces publics aux habitants dont leurs habitations sont en bordure de la route par les autorités municipales. Ainsi, les commerçants font d’abord la demande auprès des populations avant de procéder à la légitimation formelle de leur occupation. Cette procédure se pose comme une assurance ou une garantie pour éviter d’éventuels conflits. C’est ce que soutient Thérasmé (2011 : 310), « L’acquisition du permis se fait dans une démarche de légitimation de l’acte et de protection contre les menaces de déguerpissement».

Ces résultats dans la procédure formelle d’occupation des espaces publics semblent également être confirmés par Steck (2006 : 29) :

Les autorités municipales dont leur pouvoir devrait être total en matière d’attribution de parcelles à vocation commerciale le long des trottoirs, se contentent souvent d’enregistrer a posteriori et sur leur propre initiative les activités qui s’y sont installées de façon informelle.

2.2.2. Les processus informels d’occupation des espaces publics

Outre les formes légales d’acquisition d’espaces, existent les processus informels ; ceux-ci sont plus empruntés que les premiers. Selon les

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informations fournies par les répondants, quatre procédures sont offertes aux commerçants de rue pour s’approprier informellement une portion d’espaces publics pour l’exercice de leur activité. L’occupation par prolongement des devantures de maison ou de magasin ; l’occupation par don d’un parent ou d’un ami; l’occupation par achat ou location ; l’occupation directe sans l’aide d’un parrain.

a) Occupation par prolongement des devantures de maison ou de magasin

Cette forme d’occupation des espaces publics est la plus développée dans les grandes artères des différentes communes d’Abidjan. Ce qui donne l’allure de centres commerciaux dans les rues d’Abidjan. En effet, dans les différents plans de construction individuelle de maison en bordure de route, les propriétaires prévoient des magasins qu’ils surlouent aux commerçants. Une fois ces magasins sont occupés, les acteurs procèdent à leur élargissement en occupant le domaine public immédiat. C’est ce que nous fait savoir cette dame :

J’ai loué mon magasin donc j’ai arrangé la devanture pour placer des chaises et tables pour agrandir mon coin. Quand les gens de la mairie sont arrivés, ils m’ont dit que j’occupe le domaine public et que je dois payer 5000F CFA chaque mois ; j’ai vu que c’est bon que je peux agrandir mon commerce si je paye leur argent. C’est pourquoi, j’ai construit la devanture en dur et placé les bâches que tu vois. Ça m’a permis d’avoir plus de place.

D’autres acteurs aussi n’hésitent pas à mettre en valeur le domaine public se trouvant devant leur lieu d’habitation, comme le témoigne les propos de cette dame à Yopougon:

Moi-même, je cherchais un endroit pour faire mon maquis, j’ai expliqué aux voisins ils m’ont dit que y a pas de problème à condition que cela ne leur gêne pas. C’est pour ça j’ai placé la bâche que tu vois. Et je le fais sans musique, comme ça les voisins ne sont pas gênés. (Propos de dame Y à Yopougon)

De ces propos, il ressort que l’une des conditions de réalisation de commerce en bordure de route est le respect de la tranquillité des voisins ou l’accord des voisins. Cette tranquillité se traduit par la sécurité de l’activité dont parlent Chevassu (1997) et De Soto (2004). Pour ces auteurs, il ne suffit pas qu’une localisation soit bonne et qu’elle soit disponible, encore faut-il qu’elle soit sûre, ce qui n’a rien d’évident dans la rue. La sécurité de la place, c’est-à-dire l’assurance de la pérennité, est une condition sine qua

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non du rendement de l’activité, car elle permet de se constituer une clientèle fidèle et de s’assurer d’une continuité de l’activité en cas d’expulsion. Parmi les processus informels d’occupation des espaces publics empruntés par les acteurs économique, il y a le don.

Occupation par donation

Le don est défini comme étant ce qu’on reçoit de quelqu’un, soit un parent, soit un ami ou une connaissance. Cette forme d’occupation d’espace public concerne généralement les devantures des magasins ou les habitations légalement construites. Elle demeure un fait courant dans les communes d’Abidjan. Le donateur ne demande aucun présent ou compensation financière parce qu’il existe un lien fort entre lui et le bénéficiaire. La forme d’occupation par donation permet de minimiser souvent les conflits avec les autres occupants du secteur d’installation. Certains de nos répondants mentionnent leur accession aux lieux occupés par donation :

J’ai demandé à ma tante de me céder une place devant son restaurant pour vendre des œufs en gros. Elle me l’a offert gratuitement, je ne lui paye aucun sous parce qu’elle est ma tante. Mais, si quelqu’un d’autre qui n’est pas de la famille vient lui solliciter, elle va lui refuser. (Propos d’une jeune dame non loin du rond-point Petro-ivoire cocody-Angré).

L’élément le plus important dans cette forme d’occupation de l’espace public est le réseau de relation que le demandeur mobilise pour accéder au commerce de rue. b) Occupation par location

Cette procédure d’accès fait intervenir la notion de propriétaire terrien ou d’espace. Contrairement à l’idée selon laquelle les bordures de route sont des espaces publics, ouverts, disponibles et par conséquent vacants et utilisables, elles ont un propriétaire informel9. Ces propriétaires sont les habitants des maisons qui bordent les rues ou les voies publiques.

9 Nous disons ici propriétaire informel parce que l’espace public est en principe une propriété de l’Etat, et à ce titre il est le seul à percevoir un quelconque droit d’occupation. Mais cela n’est pas toujours le cas dans les faits. Selon Steck, dans certaines villes d’Afrique, les autorités reconnaissent aux habitants des maisons qui bordent ces espaces, le droit de jouir d’une portion de trottoir, droit bien différent d’un droit de cession locative mais qui tolère en fait ce dernier.

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La location peut être un espace du domaine public non bâti ou bâti10. C’est le cas par exemple de cet acteur qui loue un kiosque à café placé sur le domaine public à Yopougon sur l’axe Sable - Sapeur-Pompier : « après discussion avec le propriétaire de ce kiosque, il me fait louer à 15000F je trouve ça abordable » (propos d’un enquêté à Yopougon Siporex). Les habitants des maisons qui bordent le domaine public, c’est-à-dire les riverains, permettent l’installation des commerçants de rue contre paiement d’un frais ou de loyer. A Yopougon Siporex tous les commerçants en bordure de la route payent un loyer aux riverains, comme l’atteste cet enquêté : « ici pour avoir une place pour exercer les activités commerciales, il faut louer l’espace. Tous ceux que tu voies payent un loyer aux riverains ; seuls ceux qui habitent ici qui ne payent pas de loyer». (Propos d’un enquêté à Yopougon Siporex). En outre, dans certains quartiers, les anciens occupants peuvent céder une partie de leur espace moyennant un frais : « mon frère, la place que j’occupe est pour la femme qui a le maquis, elle m’a dit que je peux vendre ici, mais chaque jour je lui paye 500F alors qu’elle-même loue l’espace de vente ; si tu ne fais pas ça, tu n’auras jamais place à Abidjan ici pour vendre » (propos d’un enquêté à Yopougon Siporex). De ces différentes transactions, la rue devient ainsi une manne financière aussi bien pour les riverains que les premiers occupants locataires.

c) Occupation directe

Cette forme d’occupation est dite directe parce qu’elle ne nécessite pas de parrainage. Contrairement aux premiers occupants, l’occupation directe s’avère aujourd’hui longue et complexe en raison de la rareté ou de l’indisponibilité des places vacantes. Aussi, retrouve-t-on souvent cette procédure d’installation sur les ronds-points, les terre-pleins, les trottoirs ou accotements. Selon les informations recueillies, les acteurs économiques qui utilisent cette stratégie adoptent habituellement diverses stratégies. D’abord, la recherche et l’identification d’une place vacante comme le révèle cet acteur du boulevard Sapeur -Pompier de Yopougon :

10 Signalons ici que les espaces non bâti sont les devantures des habitions, soit des magasins commerciale, etc. et les espaces bâti sont soit des box ou construction en bois ou en dur installés sur le domaine public que les riverains ou propriétaires surlouent aux acteurs commerciaux.

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C’est en cherchant un endroit pour vendre que j’ai vu cette place. Avant, tout ici n’était pas habité ; cette maison derrière n’existait pas, il y avait seulement la clôture et tout cet endroit était sale. J’ai demandé aux habitants en face s’ils connaissaient le propriétaire de la maison inachevée. Ils ont dit qu’ils ne connaissaient pas. J’ai donc pris le risque de m’installer. C’est après s’être installé que la mairie m’a demandé de payer « patente » (droit d’installation). Et depuis lors je n’ai pas de difficultés avec les agents de la mairie. (propos d’un enquêteur à Yopougon Siporex).

Toutefois, n’ayant pas la certitude de se maintenir parce que des conflits peuvent émerger du fait de son arrivée, l’acteur économique procède par des installations éphémères qui constituent pour lui une période d’observation. D’après les entrevues, ceux qui utilisent cette pratique, sont généralement les premiers occupants, car au moment de poser l’acte d’appropriation, il y avait des espaces vacants ; c’est ce que nous relate cette dame vendeuse « d’aloco » sur l’axe sable – Sapeur-Pompier dans la commune de Yopougon :

C’est depuis 1995 que je suis ici, à l’époque il n’y avait pas autant de personnes ici, même ces maisons derrières n’étaient pas achevées. J’ai commencé à vendre de l’aloco avec une petite table plus un parasol, la marie me faisait payer des taxes. Et quelques temps j’ai construit ce hangar sous lequel il y a assez de banc pour mes clients. (Propos d’une enquêté à Angré).

De ce qui précède, il ressort que dans l’ensemble il existe quatre principales voies offertes aux commerçants pour accéder de façon informelle à l’espace public, à savoir : le prolongement de la devanture, la location, l’achat et l’accès direct. Ces procédures sont fonction de la densité et/ou de la fréquentation des zones occupées. Les zones moins saturées ne demandent pas assez d’effort dans leur acquisition; contrairement aux zones plus fréquentées qui nécessitent l’emploi d’imagination ou de stratégies subtiles en mobilisant diverses ressources (ressources économiques, ressources sociales ou culturelles) dont parle Thérasmé (2011 : 321) :

les processus informels d’occupation sont fonction des caractéristiques du territoire; les zones moins encombrées étant moins conflictuelles, pour s’en approprier on y a moins recours au capital social. Par contre, dans les secteurs très achalandés et déjà encombrés, il devient une ressource essentielle pour accéder à une place, car il y a déjà un réseau de contrôle informel bien établi. Au préalable, celui qui souhaite s’installer doit donc au moins s’informer ou obtenir l’aval de quelqu’un, sinon il risque d’avoir des problèmes.

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Au-delà des processus d’occupation des espaces publics, les commerçants développent des mécanismes, soit-il informels, de maintien ou de contrôle de l’espace occupé. 2.3. Mécanismes informels de contrôle des espaces occupés

Outre les processus d’accès ou d’occupation des espaces publics, l’acceptation ou le maintien du lieu occupé est un acte essentiel. Se faire accepter dans un lieu donné et exercer librement son activité est une phase complexe parce qu’on peut céder devant la pression des autres acteurs du secteur. Il est donc nécessaire de rechercher les mécanismes de légitimation ou d’acceptation une fois installé dans un lieu donné. A travers le discours des répondants, nous dégageons divers mécanismes de contrôle de l’espace occupé. Nous avons déjà indiqué plus haut que le premier outil d’acceptation est la procédure formelle, c’est-à-dire, une fois l’espace occupé est trouvé, l’acteur commercial recherche un permis d’occupation auprès de la municipalité. L’octroi de ce permis ou titre se présente comme une assurance ou une garantie (du moins comme une légitimation formelle). Cependant, cette forme légale de légitimation de l’acte d’appropriation se présentant sous forme d’Occupation du Domaine Public (ODP), ne garantit pas totalement si des conflits émergent entre les occupants et d’autres acteurs dont les riverains, les premiers occupants, les agents de terrain chargés de gérer les espaces, etc. Aussi, pour se maintenir, les acteurs commerciaux ou économiques développent des stratégies informelles de contrôle ; nous en avons noté diverses formes :

2.2. 3.1. 2.3.1. Intégration des riverains dans les activités en bordure des routes

Les espaces dits domaines publics, bien qu’appartenant à l’Etat, sont sous le contrôle des riverains parce qu’ils font partis du prolongement de leur habitation11. Aussi, leur utilisation ou occupation nécessite un accord tacite des populations riveraines, comme le soutien cet enquêté : « ici, ce sont les riverains qui nous installent. Si tu es installé sans passer par eux tu ne seras jamais en sécurité parce que d’un moment à l’autre ces riverains

11 Nous avons déjà dit que dans certaines villes d’Afrique comme en Côte d’Ivoire, les autorités reconnaissent aux habitants des maisons qui bordent ces espaces, le droit de jouir d’une portion de trottoir.

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utiliseront des stratégies (directes ou non) pour te renvoyer d’ici ». Toutefois, malgré cet accord tacite, les commerçants de rue font toujours l’objet de déguerpissements initiés souvent par les mêmes riverains. Pour se maintenir donc ils développent des stratégies dont l’emploi des enfants riverains, comme le soutien cet interviewé de Yopougon Siporex:

Mon frère, ici on n’a pas de problème avec les agents de la mairie, si tu payes régulièrement leur droit, ils n’ont pas affaire avec toi. Mais ceux qui nous fatiguent ce sont les populations riveraines. Si elles ne veulent pas qu’on reste ici, elles iront se plaindre à la mairie et celle-ci vient nous chasser. Mais aujourd’hui ça va parce que beaucoup de leurs enfants vendent ici et même on emploie certain d’entre eux qui sont payés par mois ; donc on est maintenant en sécurité, parce qu’ils ne peuvent pas chasser leur propre enfants.

Cette forme d’emploi des riverains dans les activités commerciales de rue constitue une sorte de construction de capital social. Mobilisé par les commerçants, ce capital social leur permet de se maintenir en cas de menace ou de conflit « vendeur-riverain ». En plus de l’intégration des riverains dans les activités en bordure des voies publiques, les commerçants développent d’autres stratégies de contrôle, comme par exemple le cas d’intéressement ou de corruption des acteurs.

2.3.2. Stratégie d’intéressement ou de corruption des acteurs

Lors de l’entretien, un acteur économique du carrefour Siporex évoque ceci : « Ici, tout le monde mange, on gère tout le monde : les riverain, les FRCI (Forces Républicaines de Côte d’Ivoire), la Mairie, etc. ». En effet, soucieux d’exercer leur activité en bordures des routes, les commerçants sont passés d’une situation de violente opposition à une situation de douce opposition. Alors ils ont commencé à corrompre certains agents. C’est ce qui ressort des propos de ce enquêté vendeur de friperie au grand carrefour de Koumassi : « pour pouvoir vendre, il ne faut pas être égoïste avec les agents qui viennent nous chasser d’ici ; souvent il faut les gérer. Si tu les as géré, avant de venir ils vont t’appeler, pendant ce temps, tu ramasse tes bagages». A l’analyse de ce propos, la crédibilité de l’autorité chargée de la salubrité est mise en cause, sinon est entachée d’irrégularité. Elle ne bénéficie donc plus de considération de la part des commerçants. Ce manque de crédibilité est également évoqué par ce vendeur d’article scolaire au grand carrefour de Koumassi en parlant des opérations de déguerpissement effectuées par la Brigade de Salubrité Urbaine (BSU) :

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Mon frère, il faut laisser ceux-là, c’est l’argent qui les intéresse, quand tu les gères, ils vont te laisser tranquille. Avant on les gérait donc ils ne venaient pas trop nous fatiguer, mais maintenant qu’on les gère pas bien parce que ça marche pas trop, c’est pour quoi ils nous fatiguent.

3. Le pied de grue et la négociation : une stratégie de survie

Dans la mise en œuvre de la politique de déguerpissement des voies publiques, les commerçants savent qu’ils ne peuvent pas s’opposer aux agents commis à la tâche, en raison du rapport inégalement armé qui les lit. Pour se faire, ils empruntent la voie du pied de grue. Le pied de grue est le va-et-vient qu’effectuent les commerçants de rue selon la position des agents chargés de gérer les espaces publics. En effet, à la vue des agents, ils rangent dans un lieu leur marchandise qu’ils font revenir dès leur départ, c’est ce que soutient cette dame vendeuse d’œufs : « avec les agents de la Mairie, nous n’avons pas de problème, mais c’est avec les agents de la BSU que nous souffrons. Cependant quand on les voit venir on range rapidement nos choses et on revient dès qu’ils repartent. Moi, je mets mes œufs dans le maquis de ma tante derrière là ». Cette pratique est utilisée souvent par les commerçants ambulants et mobiles qui vendent à même le sol ou sur des tables-bancs. Toutefois cette stratégie se révèle souvent inefficace parce que les commerçants se font surprendre par moment et voient leurs marchandises confisquées par les agents qui gèrent les espaces publics. Mais quand une telle situation arrive, ils adoptent la stratégie de la négociation, comme l’affirme cet acteur « quand on te prend tu es obligé de négocier avec eux, tu n’as pas le choix. Si tu ne négocie pas sur le terrain, pour récupérer dans leur bureau tu vas payer cher ; alors que ici tu paies 3000FCFA ou 5000FCFA ». Par ces stratégies, les commerçants arrivent à réoccuper les rues pour exercer librement leur activité. Tra (2013 : 50), dans une étude, arrive à un constat similaire quand il affirme :

les commerçants sachant que les brigadiers ont plusieurs endroits à déguerpir avec les mêmes agents, et que ces derniers finissent toujours par quitter les lieux plutôt que prévu, ils rangent leurs marchandises à la venue des brigadiers et font le pied de grue à la lisière des carrefours.

Nous retenons, au regard de ce qui précède que les stratégies de contrôle ou de maintien des acteurs en bordures des voies publiques sont fonction de la nature de l’espace, de l’activité exercée et des différents acteurs intervenant dans la gestion de ces espaces. En face des agents chargés de déguerpissement

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des espaces publics, ils développent des stratégies de corruption, d’évitement ou de négociation. Face aux acteurs qui interviennent dans l’attribution des espaces, les commerçants de rue font usages des ressources sociales dont ils mobilisent pour se maintenir dans un espace donné.

Conclusion

Cette étude se proposait d’analyser les processus ou mécanismes informels d’accès et de contrôle du commerce de rue à Abidjan. Elle s’inscrit dans le domaine de la sociologie de l’environnement. En effet, l’occupation anarchique des espaces publics par les activités informelles génèrent des problèmes environnementaux. La méthodologie fondée sur trois techniques de recueils de données, à savoir, l’entretien semi-directif, la recherche documentaire et l’observation directe a permis d’appréhender les formes d’occupation des espaces publics, les processus d’occupation des espaces publics et les mécanismes informels développés par les acteurs pour contrôler les espaces occupés.

Relativement au processus informel d’accès au commerce, il a été mis en évidence que l’appropriation est un acte rationnel calculé par l’acteur économique selon les critères de rentabilité économique (zone assez fréquentée, proximité du client, etc.), de sécurité foncière, etc. ; que les espaces sont accessibles et sont appropriés par les acteurs selon leur capacité à tisser des relations avec l’ensemble des différents acteurs intervenant dans le commerce de la rue (les agents de l’Etat ou des municipalités, les riverains, les premiers occupants, etc.). En outre, l’accès au commerce de rue suit en principe un double cheminement, formel ou informel ; mais la procédure informelle est le mode le plus pratiqué. Cette prédominance de l’informel sur le formel se justifie par le fait que les autorités reconnaissent aux habitants des maisons en bordure des voies publiques, le droit de jouir d’une portion de leur devanture. Dans ce mode d’accès, quatre parcours sont mobilisés par les acteurs économiques pour l’exercice de leur activité, à savoir, le prolongement de devanture de leur maison ou magasin ; le don d’un parent ou d’un ami; la location d’un bâti ou de l’espace foncier et enfin l’occupation directe sans l’aide d’un parrain.

Les résultats ont également montré que le commerce de rue est exercé de façon ambulante, mobile sédentaire et semi-sédentaire. Ces formes, visibles dans toutes les communes d’Abidjan, sont fonction de la nature de l’espace,

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du volume d’espace et du type d’activité exercée. Il a été aussi démontré que l’important pour les acteurs économiques dans le commerce de rue reste non seulement la localisation jugée rentable mais aussi et surtout la sécurité foncière. Aussi, pour obtenir cette sécurité foncière, les acteurs économiques développent-ils des stratégies pour se maintenir dans la rue ou en bordure. Ces stratégies, selon les résultats de l’étude, se fondent sur l’intégration des riverains dans les activités en bordure des routes, la corruption des acteurs en charge des opérations de déguerpissement, le pied de grue et la négociation. Toutefois, quelle que soit la stratégie utilisée pour accéder au commerce de rue et se maintenir, la voie la plus sure est de tisser des liens sociaux.

Références

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