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DESCRIPTION DU HARCÈLEMENT SCOLAIRE N. CATHELINE, Le harcèlement à l’école, quelle réalité ? dans Le Cercle Psy, juin 2013. Longtemps ignoré, le harcèlement en milieu scolaire (ou bullying) commence à mobiliser le grand public : les cas se multiplient, plongeant parents et enfants dans une grande détresse. Qu’est-ce que le harcèlement ? Qui sont ces enfants harcelés, et harceleurs ? Comment peut-on intervenir ? Réponses de Nicole Catheline, pédopsychiatre et auteur de Harcèlements à l’école (Albin Michel, 2008). Luc Chatel, Ministre de l'Education Nationale, avait fait de la lutte contre le harcèlement à l'école l'une de ses priorités pour la rentrée 2011-2012. Au point de lancer, le 24 janvier dernier, une ligne d'écoute. Le harcèlement entre enfants, une nouvelle forme complexe de violences qui d’ailleurs n’existe toujours pas juridiquement, a ainsi été reconnue. Comment les psychologues définissent-ils le harcèlement ? La définition, qui remonte aux années 1970, repose sur l’émergence simultanée de trois critères : 1) la conduite doit être intentionnellement agressive ; 2) elle doit se répéter régulièrement ; 3) elle doit induire une relation de dominant-dominé entre les deux protagonistes. Le mot même de harcèlement est d’ailleurs mal choisi, car il ne permet pas de restituer sémantiquement toute la complexité de ce type de relation. Celui-ci provient du mot « herser » qui signifie « tourmenter », comme la herse qui tourmente la terre. Comment s’amorce une situation de harcèlement entre deux enfants ? Tout commence par la non acceptation d’une différence, qui encourage l’enfant insatisfait à lancer une brimade à l’enfant porteur de cette différence. Jusque là, rien de singulier. Il nous est tous arrivé d’être la cible d’agressions verbales. Mais l’amorce ou non de la dynamique de harcèlement va reposer essentiellement sur la réaction spontanée de l’enfant agressé. Prenons un exemple : « Ta mère t’a déjà dit que tes cheveux étaient trop moches ?! » Si l’enfant répond d’une manière détachée : « Je ne pense pas que ma

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DESCRIPTION DU HARCÈLEMENT SCOLAIRE

N. CATHELINE, Le harcèlement à l’école, quelle réalité ? dans Le Cercle Psy, juin 2013.Longtemps ignoré, le harcèlement en milieu scolaire (ou bullying) commence à mobiliser le grand public : les cas se multiplient, plongeant parents et enfants dans une grande détresse. Qu’est-ce que le harcèlement ? Qui sont ces enfants harcelés, et harceleurs ? Comment peut-on intervenir ? Réponses de Nicole Catheline, pédopsychiatre et auteur de Harcèlements à l’école (Albin Michel, 2008).

Luc Chatel, Ministre de l'Education Nationale, avait fait de la lutte contre le harcèlement à l'école l'une de ses priorités pour la rentrée 2011-2012. Au point de lancer, le 24 janvier dernier, une ligne d'écoute. Le harcèlement entre enfants, une nouvelle forme complexe de violences qui d’ailleurs n’existe toujours pas juridiquement, a ainsi été reconnue.

Comment les psychologues définissent-ils le harcèlement ?

La définition, qui remonte aux années 1970, repose sur l’émergence simultanée de trois critères : 1) la conduite doit être intentionnellement agressive ; 2) elle doit se répéter régulièrement ; 3) elle doit induire une relation de dominant-dominé entre les deux protagonistes. Le mot même de harcèlement est d’ailleurs mal choisi, car il ne permet pas de restituer sémantiquement toute la complexité de ce type de relation. Celui-ci provient du mot « herser » qui signifie « tourmenter », comme la herse qui tourmente la terre.

Comment s’amorce une situation de harcèlement entre deux enfants ?

Tout commence par la non acceptation d’une différence, qui encourage l’enfant insatisfait à lancer une brimade à l’enfant porteur de cette différence. Jusque là, rien de singulier. Il nous est tous arrivé d’être la cible d’agressions verbales. Mais l’amorce ou non de la dynamique de harcèlement va reposer essentiellement sur la réaction spontanée de l’enfant agressé. Prenons un exemple : « Ta mère t’a déjà dit que tes cheveux étaient trop moches ?! » Si l’enfant répond d’une manière détachée : « Je ne pense pas que ma mère puisse dire ce genre de choses », la dynamique se désamorce. A l’inverse, si l’enfant réagit d’une manière défensive et virulente : « Et toi alors… t’as vu comment t’es fringué ? », la dynamique s’amorce. Tout simplement car l’agressivité et la vivacité de sa réaction montrent à son agresseur qu’il a été touché. Or, l’impact de la brimade procure un sentiment de toute-puissance à l’agresseur, ce qui l’encouragera à réitérer l’expérience. Si les adultes intervenaient lors de ce premier mouvement, la dynamique serait immédiatement désamorcée.

Existe-t-il des profils d’enfants qui risquent d’être plus harcelés que d’autres ?

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Au fil de mes consultations, je suis forcée de constater que ce n’est pas n’importe quel enfant qui est victime de harcèlement. Il y a les enfants intellectuellement précoces, d’une part, car leur différence de fonctionnement intellectuel et affectif ne leur permet pas de décoder les intentions implicites des autres. Ou encore un enfant qui est vulnérable psychiquement, suite à des soucis personnels et familiaux, et qui va s’énerver à la moindre brimade. Ou bien encore un enfant très immature qui risque de répondre de manière infantile aux agressions de l’autre enfant, qui se dira alors : « Mais qu’est-ce que c’est que ce bébé ? »

Et les enfants harceleurs, qui sont-ils ?

Ils sont généralement fragiles narcissiquement, et en perpétuelle interrogation sur leurs propres valeurs. Rabaisser les autres leur permet alors de s’élever, de se narcissiser. L’objectif étant que leur victime se sente impuissante, honteuse, au point de disparaître de la vue du harceleur, en changeant d’établissement par exemple. On retrouve ce type d’enfants dans des familles dont les réactions de survie sont un peu violentes : « La meilleure manière de se défendre, c’est d’attaquer ! » par exemple. Ces enfants partagent alors avec leur victime une certaine vulnérabilité, dont seule la manifestation varie.

Les manifestations de harcèlement évoluent-elles au gré du développement des enfants ?

En effet. Le corps qui prédomine chez les plus jeunes laisse progressivement la place au langage. Vers le CP-CE (6-8 ans), on observe majoritairement des coups, des tirages de cheveux, des règlements de compte immédiats et physiques. A partir du CM (9-10 ans), les règlements de compte s’affinent et s’organisent : on relève des vols de trousses, de vêtements, ou encore des brimades verbales, des rumeurs. Puis, lors de la maîtrise de l’outil informatique, des cyber-harcèlements apparaissent. D’une manière générale, les garçons qui sont plus physiques privilégient les coups, tandis que les filles, qui manient mieux le langage, favorisent les rumeurs.

A quel âge minimum peut-on parler de harcèlement ?

Vers 6 ou 7 ans, lors de l’entrée en primaire. Lorsque l’enfant entre dans le monde des pairs et s’éloigne progressivement de ses parents. Il devient alors en mesure de percevoir l’autre enfant comme un être différent de lui.

Vers quel âge observe-t-on davantage de harcèlements ?

A l’école primaire, les adultes sont assez présents, ce qui permet au groupe d’enfants d’être davantage régulé et moins livré à lui-même. La présence d’adultes pallie à l’immaturité des enfants de cet âge. Au lycée, les adultes ne régulent plus les dynamiques de leurs groupes d’élèves et se focalisent uniquement sur leurs apprentissages. Toutefois, ces jeunes étant plus matures et empathiques, il y aura toujours un élève pour prendre la défense de la victime : « Mais arrête de lui parler comme ça, ça ne se fait pas ! » Le collège reste donc la période la plus critique : les enfants, encore assez immatures, y expérimentent une nouvelle liberté.

Le harcèlement dyadique (un harceleur, un harcelé) diffère-t-il nettement du harcèlement collectif ?

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Complètement. Ces deux formes de harcèlement reposent sur des dynamiques bien distinctes. Bien souvent, le groupe est mené par un pervers narcissique. Le harcèlement de groupe est alors plus malsain et évoque le phénomène de la bande : la victime est isolée et « consommée » par la meute toute entière.

Quel rôle jouent les pairs spectateurs dans les situations de harcèlement ?

Les enfants spectateurs jouent un rôle clé dans le sens où ils valident et cultivent le phénomène. Leur opposition permettrait de désamorcer la dynamique. Or, bien souvent les enfants ne s’y opposent pas pour de multiples raisons : « On va quand même pas s’en mêler, sans quoi on va prendre des coups pour rien », ou encore « Moi je ne veux pas passer pour une balance ». L’absence d’opposition du groupe accélère ainsi le processus de victimisation et la perte d’estime de soi de la victime : « Si personne ne dit rien, c’est sans doute parce qu’il a raison et qu’il y a vraiment quelque chose qui cloche en moi ». En même temps, cela conforte le harceleur dans ses actions : « Je ne peux qu’avoir raison puisque personne ne dit rien… Et j’en fais même rire certains ! » L’idéal serait de rendre les spectateurs acteurs.

Quelles peuvent être les répercussions psychologiques du harcèlement sur la victime ?

Les répercussions s’observent à court, moyen et long terme. A court terme, la victime souffre d’une perte d’estime de soi au point d’adopter une position basse par rapport au groupe. Ce qui cultivera un sentiment d’exclusion, et donc l’enlisement dans d’autres harcèlements. Dans ce sens, il est fréquent qu’un enfant harcelé dans un établissement le soit dans un deuxième, puis dans un troisième. Cela encourage d’ailleurs la déscolarisation de ces enfants, qui souhaitent échapper à leur agresseur. A moyen terme, des phénomènes anxieux, voire dépressifs, peuvent émerger. Leur scolarité « à trous » altère également la qualité de leurs apprentissages au point de les faire redoubler. Puis, pris d’une envie de fuir le système scolaire, ces enfants risquent de s’engouffrer par défaut dans des filières professionnelles ou en alternance mal choisies. A long terme, ces jeunes devenus adultes cultivent toujours un certain malaise vis-à-vis du groupe. Mon expérience clinique me résigne d’ailleurs à faire un lien entre le harcèlement en milieu scolaire et le harcèlement en milieu professionnel.

Le corps enseignant semble peu à l’écoute. Est-ce une réalité ?

Les enseignants sont malheureusement peu réceptifs. La première raison est idéologique. Ils estiment que la vie de leurs élèves en dehors de la classe, relevant davantage de l’éducatif et non de leur champ de compétences, ne les concerne pas. Aussi, ils ne souhaitent pas démêler des histoires de « petits », à savoir « qui a commencé ? » et « qui a fait quoi ? » Enfin, les enseignants estiment que leur intervention n’est pas judicieuse et ne peut qu’aggraver la situation.

Comment traiter le harcèlement en milieu scolaire ?

L’alliance entre les parents et les enseignants est la clé. Il est nécessaire que parents et enseignants s’écoutent et se fassent confiance. Je ne le répèterai

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jamais assez ! De manière générale, toute affaire de harcèlement nécessite d’être traitée en deux temps : individuel puis collectif. Dans un premier temps, il s’agit d’organiser une rencontre médiatisée entre les parents de l’enfant harceleur, l’enfant harceleur, ceux de l’enfant harcelé, l’enfant harcelé et un médiateur, tel que le chef d’établissement. Il est très déconseillé aux parents de la victime de s’entretenir directement avec les parents de l’agresseur, sans quoi ces derniers risquent de les harceler en retour ! Dans un deuxième temps, il s’agit de mobiliser la communauté éducative et d’amorcer une réflexion collective quant à cette situation de harcèlement : « Qu’est-ce que l’on a fait ou pas fait ? », « Comment notre intervention pourrait-elle être plus mobilisatrice ? » Différents jeux de rôle entre enfants, visant à solliciter leur empathie et leurs habiletés sociales, pourraient également être organisés.

Est-il judicieux de porter plainte ?

Non. Tout comme Eric Debardieux (chercheur internationalement renommé pour ses travaux sur la violence scolaire, NDLR), j’estime que l’école ne doit pas être judiciarisée. Cela risque de dédouaner l’équipe éducative qui sera encore moins interventionniste. Or, il est nécessaire que les adultes et les enseignants s’en mêlent ! Les problématiques de harcèlement relèvent de la pédagogie, de la psychologie. Des domaines d’expertise sensibles et complexes, bien loin de la justice et de la notion de délits.

Résultats d’une enquête française sur le harcèlement scolaire

E. Debarbieux, enquête en école élémentaire auprès d’un échantillon de 12 326 élèves au total dans 157 écoles : « Le taux de victimes d’un harcèlement qui cumule violences répétées physiques et verbales à l’école peut être estimé à 11,7 % des élèves, compris entre 4,9 % d’élèves victimes d’un harcèlement sévère à assez sévère et 6,7 % d’élèves soumis à un harcèlement modéré

QU’EST-CE QUE LE HARCÈLEMENT EN MILIEU SCOLAIRE ?

Le harcèlement se définit comme une violence répétée qui peut être verbale, physique ou psychologique commise avec l’intention de nuire. Cette violence se retrouve aussi au sein de l’école. Elle est le fait d’un ou de plusieurs élèves à l’encontre d’une victime qui ne peut se défendre.

Lorsqu’un enfant est insulté, menacé, battu, bousculé ou reçoit des messages injurieux à répétition, on parle donc de harcèlement.

10 % des collégiens rencontrent des problèmes avec le harcèlement et 6 % de collégiens subissent un harcèlement qu’on peut qualifier de sévère à très sévère (source MENJVA, DEPP – enquête nationale de victimation au sein des collèges publics réalisée auprès de 18 000 élèves. Octobre 2011).

Les 3 caractéristiques du harcèlement en milieu scolaire :

• La violence : c’est un rapport de force et de domination entre un ou plusieurs élèves et une ou plusieurs victimes.

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• La répétitivité : il s’agit d’agressions qui se répètent régulièrement durant une longue période.

• L’isolement de la victime : la victime est souvent isolée, plus petite, faible physiquement, et dans l’incapacité de se défendre.

Le harcèlement se fonde sur le rejet de la différence et sur la stigmatisation de certaines caractéristiques, telles que :

• L’apparence physique (poids, taille, couleur ou type de cheveux)

• Le sexe, l’identité de genre (garçon jugé trop efféminé, fille jugée trop masculine, sexisme), orientation sexuelle ou supposée

• Un handicap (physique, psychique ou mental)

• L’appartenance à un groupe social ou culturel particulier

• Des centres d’intérêts différents

Le harcèlement revêt des aspects différents en fonction de l’âge et du sexe.

Les risques de harcèlement sont plus grands en fin d’école primaire et au collège.

Si le harcèlement touche des élèves en particulier, il s’inscrit dans un contexte plus large qu’il est indispensable de prendre en compte.

Le harcèlement se développe en particulier :

• Lorsque le climat scolaire de l’établissement est dégradé : les adultes doivent créer les conditions pour que l’ambiance dans l’établissement soit propice à de bonnes relations entre les élèves et entre les adultes et les élèves

• Lorsque les situations de harcèlement sont mal identifiées par l’équipe éducative : il est indispensable que les parents et les élèves ne soient pas démunis face au signalement d’une situation de harcèlement et que les sanctions soient adaptées et éducatives

QUELLES SONT LES DIFFÉRENTES FORMES DE HARCÈLEMENT ?

LE HARCÈLEMENT PHYSIQUE

Cette forme de violence se traduit par :

• des coups, pincements, tirage de cheveux…

• des bousculades, jets d’objets

• des bagarres organisées par un ou plusieurs bourreaux

• des vols et rackets

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• des dégradations de matériel scolaire ou de vêtements

• des enfermements dans une pièce

• des violences à connotation sexuelle : voyeurisme dans les toilettes, déshabillage et baisers forcés, gestes déplacés…

• des « jeux » dangereux effectués sous la contrainte

On distingue deux types de « jeux » dangereux :

• Les « jeux » d’évanouissement et d’asphyxie basés sur la compression du sternum ou du cou et l’asphyxie comme le « jeu du foulard », le «rêve indien» ou le «jeu de la tomate», toutes pratiques précédées d’ «hyperventilation» qui en potentialise le danger (les « jeux » d’agression comme le happy slapping, le « jeu des claques joyeuses », filmées par les camarades) ou le jeu de la mort subite (tout porteur de la couleur désignée devient, par exemple, une cible à attaquer). Le « petit pont massacreur », le « jeu de l’anniversaire » ou du « coiffeur », le « catch ».

• Les « jeux » de défi : sur le principe du « t’es pas cap ».

Certains de ces « jeux » sont parfois exercés de plein gré et ne sont pas dus à une situation de harcèlement. Toutefois, ils résultent régulièrement de la pression du groupe. Leurs conséquences peuvent être dramatiques, et parfois même mortelles.

LE HARCÈLEMENT MORAL

Ce type de violence – verbale, psychologique et symbolique – est plus discret que le harcèlement physique, et donc plus difficile à détecter par les adultes.

Il existe trois types de harcèlement moral :

• le harcèlement verbal (exemple : insultes répétées)

• le harcèlement émotionnel (exemple : humiliation, chantage, ostracisme)

• le harcèlement sexuel (exemple : provocations sexuelles verbales, gestes déplacés)

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Cela peut être :

• l’utilisation de surnoms dévalorisants

• des moqueries, insultes, menaces

• des humiliations, chantages

• des propagations de fausses rumeurs

• des pratiques de discrimination, d’exclusion et de mise à l’écart

LE CYBER-HARCÈLEMENT

Avec le développement des nouvelles technologies et des réseaux sociaux, les harceleurs peuvent poursuivre leurs victimes hors des murs de l’École. On parle alors de « cyber-harcèlement ».

Il se pratique via les SMS, sessions de chat, commentaires et vidéos postés sur les réseaux sociaux, les photos prises avec les téléphones portables, etc., et place la victime dans un état d’insécurité permanent. La violence peut l’atteindre partout et tout le temps.

Exemples de cyber-harcèlement :

• moqueries en ligne

• propagation de rumeurs par téléphone mobile ou internet

• sur un réseau social, création d’une page ou d’un profil à l’encontre d’une personne

• envoi de photographies sexuellement explicites ou humiliantes

• publication d’une vidéo de la victime en mauvaise posture

• envoi de messages injurieux ou menaçants par SMS ou courrier électronique

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En France, 87 % des jeunes entre 9 et 16 ans utilisent internet. 80 % des 15-16 ans ont un profil Facebook. Sur les réseaux sociaux, les adolescents font l’expérience de la gestion publique de l’amitié et de leur image virtuelle. Cet apprentissage peut parfois être difficile et conduire à des pratiques de harcèlement.

* Source : E. Debarbieux, observatoire international de la violence à l’École. Mai 2011. En France, le taux de victimes de harcèlement physique à l’école peut être estimé à 10 % des élèves, compris entre 5 % d’élèves victimes d’un harcèlement sévère à assez sévère et 5 % d’élèves soumis à un harcèlement modéré.

** Source : enquête IPSOS/APEAS. Janvier 2012. Cette enquête IPSOS porte sur les «jeux d’évanouissement et d’asphyxie»: 1 012 enfants consituant un échantillon national représentatif de la population française âgée de 6 à 15 ans.

Source : MENJVA, DEEP. Octobre 2011. Enquête nationale de victimation au sein des collèges publics réalisée auprès de 18 000 élèves : 8,7 % des collégiens (davantage des garçons que des filles : 4.4% pour les filles, 13% pour les garçons) ont participé à un jeu dangereux .

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QUELS SONT LES ACTEURS DU HARCÈLEMENT ?

Le harcèlement est un phénomène de groupe qui réunit toujours plusieurs acteurs : la victime, son ou ses agresseurs et les témoins.

Cette relation triangulaire entre victime, agresseur(s) et témoins est centrale dans le maintien du harcèlement :

• Le(s) harceleur(s), parvenant à faire de ses camarades témoins les complices de ses actes, installe une relation de domination collective sur la victime.

• La victime, ne trouvant ni défense ni empathie chez ses pairs, s’enferme très souvent dans l’isolement.

• Les témoins, en soutenant, encourageant ou faisant semblant d’ignorer le harcèlement, renforcent la violence du harceleur.

LES HARCELEURS

Pour dépasser un sentiment de faiblesse, masquer une image de soi fragile, ou dissimuler une vulnérabilité, les harceleurs s’affirment par la force et l’agressivité.

Afin d’affirmer son désir de puissance et d’assurance, ils désignent une victime qu’ils vont humilier et terroriser.

La crainte qu’ils inspirent à leurs victimes leur permet en effet de se rassurer sur leur pouvoir et de minimiser ses propres faiblesses. Plus la situation dure, plus les harceleurs se considèrent dans leur bon droit, et deviennent incapable d’éprouver de l’empathie pour leur victime. Le silence des témoins valide ce sentiment de légitimité.

Leur pouvoir apparent peut donner envie à leur entourage de s’associer à eux en prenant également le rôle de harceleur.

LES VICTIMES

Les victimes de harcèlement sont souvent incapables de se défendre face à un agresseur plus puissant, en force ou en nombre.

Faibles et isolées, vulnérables, les victimes ne protestent ou ne dénoncent leurs agresseurs que rarement par :

• peur des représailles

• honte d’évoquer leurs mésaventures

• crainte de ne pas être cru ou soutenu

• volonté de se débrouiller seul de ne pas passer pour « un gamin »ou « une balance »

Ce silence laisse la voie libre aux pratiques des agresseurs, qui restent impunis suite à cela.

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Mais plus encore, le silence a un impact sur l’état psychologique des victimes :

• Progressivement, les victimes vont développer un sentiment de honte, de perte d’estime de soi, puis de culpabilité en se sentant responsable des mauvais traitements subis. Elles vont « approuver » les pratiques de son (ses) agresseur(s), pensant que celles-ci sont justifiées et légitimes, puisque tolérées ou encouragées par tous les témoins du harcèlement.

• Les victimes vont également développer un sentiment d’insécurité permanent, aggravé par la régularité des intimidations physiques ou psychiques.

• Privée d’empathie et de soutien, les victimes vont s’enfoncer dans l’isolement. Fragilisées émotionnellement et psychologiquement, elles peuvent basculer dans des états dépressifs graves, pouvant aller jusqu’au développement de troubles du comportement et des symptômes suicidaires.

LES TÉMOINS

Le harcèlement à l’École est un phénomène de groupe, qui place la victime dans une situation d’isolement.

Le harcèlement se maintient car il est soutenu et encouragé par les témoins ou cautionné par leur silence. Les témoins peuvent également, par leur action, mettre fin à une situation de harcèlement.

On peut distinguer trois types de témoins :

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• Le témoin passif. Il ne participe pas directement aux violences, mais il ne s’y oppose pas ou fait semblant de les ignorer. Par peur de devenir victime à son tour, il préfère ne pas attirer vers lui l’attention de l’agresseur.

• Le témoin actif. Il encourage les situations de harcèlement ou y participe. Colportant des rumeurs, s’associant aux moqueries ou à des actes de violence, il veut affirmer son statut et son appartenance au groupe.

• Le témoin agissant. Il intervient seul ou en groupe en défendant la victime et/ou en faisant appel à un adulte.

À l’école, la personnalité de l’enfant et de l’adolescent se forge au contact de ses camarades. La recherche de l’affirmation de soi, et de la construction de son identité, le désir de se rallier à un collectif sont très forts.

Pour mieux s’identifier à ses pairs, un élève peut se laisser entrainer dans une dynamique de groupe. Si le groupe de pairs est un élément de sociabilité indéniable et le plus souvent protecteur, il peut parfois renforcer voire créer des situations propices au harcèlement L’effet d’entrainement et de conformité au groupe peut susciter des comportements et que les élèves ne cautionneraient pas nécessairement individuellement.

Compte-rendu du séminaire interacadémique des personnels de direction, mardi 21 mars 2012. Conférence donné par le docteur Nicole Catheline.Pourquoi le phénomène du harcèlement scolaire est-il difficile à définir ?

• car il a toujours existé (« Le petit chose ») ;

• car les préjugés ont la vie dure ;

• car il change de forme avec l’âge et le sexe ;

• car les termes pour le définir sont ambigus (souffre-douleur, bouc-émissaire et microviolences, etc. ;

La dynamique du harcèlement de la victime

• La victime présente une différence (absolue ou relative) ;

• elle ne perçoit pas immédiatement le sens de l’agression ;

• de ce fait, elle ne répond pas par une attitude susceptible de faire cesser l’agression ;

• l’incompréhension sidère la pensée et renforce le sentiment de vulnérabilité chez la

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victime et justifie l’attaque du harceleur.

Compréhension psycho-pathologique de la victime

• Enfants sensibles ayant du mal à contrôler leurs émotions. Attitude ambivalente par

rapport à la violence ;

• parfois porteurs de difficultés instrumentales (motricité, langage), parfois langage corporel de peur ou au contraire avance développementale (enfants précoces) ;

• les enfants victimes provocatrices sont souvent immatures et ont un passé carentiel ou un vécu abandonnique.

La dynamique du harcèlement de l’harceleur

• Il présente lui aussi des vulnérabilités psychiques et/ou psychosociales (mêmes risques en terme d’évolution à l’âge adulte) ;

• l’agression restaure son narcissisme ;

• l’attitude sidérée de la victime renforce son pouvoir et légitime son acte (« c’est un faible )

• il a besoin de spectateurs.

La dynamique du harcèlement : les spectateurs

• Leur rôle est crucial et légitime les actions de prévention collective

• La violence fascine

• Cette fascination est souvent ambivalente, ce qui retarde la dénonciation

• Spectateur timoré : « mieux vaut lui (elle) que moi

• Spectateur réfracté : « j’aimerais être à la place du harceleur, mais j’ai trop peur »